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Chronométrie mentale et planification motrice 1 Penser prend du temps : étude sur la chronométrie mentale. a Etudiant en psychologie, université de Lille3 MOTS CLES Chronométrie mentale ; Planification motrice ; Méthode soustractive Résumé La répétition 105 fois de taches de planification motrice se répartissant selon diverses conditions amenant de nouvelles opérations mentales a permis de mettre en évidence, en utilisant la technique soustractive de Donders, que chacune de ces opérations a un cout temporel due au traitement de l’information. Comme nous nous y attendions, l’ajout d’opérations mentales à une tache de planification mentale augmente le temps de réaction au stimulus. Ces résultats sont importants et offrent de nombreuses ouvertures, notamment dans le cadre de pathologies telles que la dépression. Pendant longtemps, l’étude du cerveau et des mécanismes de la pensée est restée prohibée par une influence religieuse qui le considérait comme reflet de Dieu et donc inétudiable. Ce n’est que lorsque cette pression a fini par disparaitre que la psychologie a pu s’intéresser au actes mentaux, dans leur forme et dans leur durée, notamment en ce qui concerne la planification motrice. C’est à la fin du XIXème siècle que les premières découvertes majeures concernant le cerveau sont réalisées. Waldeyer introduit le

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Page 1: technique soustractive de donders

Chronométrie mentale et planification motrice 1

Penser prend du temps : étude sur la chronométrie mentale.

a Etudiant en psychologie, université de Lille3

Bien qu’en concurrence tout ce temps, ces deux théories ont un point commun, elles nous montrent que la transmission nerveuse a un cout temporel. En effet, que la transmission soit

MOTS CLES Chronométrie mentale ; Planification motrice ;Méthode soustractive

Résumé

La répétition 105 fois de taches de planification motrice se répartissant selon diverses conditions amenant de nouvelles opérations mentales a permis de mettre en évidence, en utilisant la technique soustractive de Donders, que chacune de ces opérations a un cout temporel due au traitement de l’information.

Comme nous nous y attendions, l’ajout d’opérations mentales à une tache de planification mentale augmente le temps de réaction au stimulus.

Ces résultats sont importants et offrent de nombreuses ouvertures, notamment dans le cadre de pathologies telles que la dépression.

Pendant longtemps, l’étude du cerveau et des mécanismes de la pensée est restée prohibée par une influence religieuse qui le considérait comme reflet de Dieu et donc inétudiable. Ce n’est que lorsque cette pression a fini par disparaitre que la psychologie a pu s’intéresser au actes mentaux, dans leur forme et dans leur durée, notamment en ce qui concerne la planification motrice.

C’est à la fin du XIXème siècle que les premières découvertes majeures concernant le cerveau sont réalisées. Waldeyer introduit le terme de neurone pour désigner les cellules nerveuses ; Sherrington parle de synapse pour désigner la jonction entre deux neurones ; Golgi et Ramon y Cajal se disputent pour savoir si la transmission entre les neurones est de nature chimique ou électrique. Ce n’est que bien plus tard, avec l’apparition de nouvelles technologies que des réponses viendront.

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électrique ou chimique, pour se faire elle nécessitera du temps. La pensée n’est pas quelque chose d’immédiat, des contraintes physiologiques font qu’elle aura une durée.

Mais cette temporalité de l’action mentale est elle simplement due aux contraintes biologiques du système nerveux, ou est-elle également causée par un traitement cognitif de l’information ?

D’après Sternberg et Sanders (1969), entre le moment d’émission d’un stimulus et l’émission d’une réponse, on a un traitement de l’information qui peut être décomposé en une série d’étapes successives et indépendantes. Dans le cas de la planification motrice par exemple, pour réaliser un mouvement il faut tout d’abord percevoir les caractéristiques pertinentes de l’environnement pour ensuite décider que faire, où et quand le faire (nos expériences passées ont alors une influence, il y a des phénomènes d’apprentissage). Enfin, il faut produire une activité musculaire organisée pour réaliser les mouvements volontaires.

Si les activités cognitives nécessitent un traitement qui ne se fait pas de façon instantanée, des activités différentes devraient être réalisées en des temps différents, variable selon le traitement qui doit être fait.

Donders (1868) parle de processus ou étapes successifs qui auraient lieu lors de l’intervalle entre stimulus et réponse. Il propose une méthode pour déterminer la durée de ces étapes et ainsi les étudier : la méthode soustractive. Chaque tache contient des opérations mentales qui sont séparables et mesurables ; en prenant des taches simples et en ajoutant une opération mentale simple, on pourra alors calculer le temps que cette opération prend en comparant les temps de réaction. C’est la chronométrie mentale.

D’après les constatations que nous avons émises, le temps de réaction à un stimulus devrait augmenter à chaque fois que l’on ajoute une opération mentale.

Méthode

Participants

Pour ce travail, 1 sujet faisant parti du groupe de travaux dirigés 8 de deuxième année de licence de psychologie à l’université de Lille 3 réalise 105 taches de détection de stimuli réparties selon plusieurs conditions.

Procédure

Le participant a participé bénévolement dans le cadre d’un travail dirigé de psychologie cognitive dans une salle de cours de leur université.

Mesure

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Chronométrie mentale et planification motrice 3

On propose au participant de réaliser une tache d’identification de stimuli informatisé. Plusieurs variables indépendantes ont permise de complexifier cette tache :

- Couleur du stimulus {rouge ; bleu}- Forme du stimulus {voiture ; autre}

Dans une première condition répétée 33 fois, le sujet devait appuyer sur une touche du clavier de l’ordinateur lorsqu’il détectait l’apparition d’une image quelle qu’elle soit. Dans une seconde condition répétée 36 fois, le sujet devait appuyer sur une touche du clavier de l’ordinateur lorsqu’il détectait une image rouge. La réponse devait être inhibée si l’image était bleue. Dans une troisième condition répétée 36 fois, le sujet devait selon la nature du stimulus qui lui était présenté appuyer sur différentes touches (4) de l’ordinateur.

Grâce au traitement informatique, le délai entre la présentation du stimulus et la pression de la touche était relevé.

On obtient ainsi dans la première condition le temps nécessaire à la perception du stimulus et à l’initiation motrice ; dans la seconde condition le temps nécessaire à la perception du stimulus, sa discrimination et l’initiation motrice ; dans la troisième condition le temps nécessaire à la perception du stimulus, sa discrimination, la sélection de la réponse et l’initiation motrice. Par la méthode soustractive de Donders, en soustrayant le temps de réaction dans la première condition à celui dans la deuxième, on obtiendra le temps nécessaire à la discrimination du stimulus. En soustrayant le temps de réaction dans la seconde condition à celui dans la troisième, on obtiendra le temps nécessaire à la sélection d’une réponse.

Résultats

Figure 1 : Temps de réaction moyen au stimulus en fonction du nombre d'opérations mentales mis en jeu.

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La figure 1 met en évidence un accroissement significatif du temps de réaction lorsque l’on ajoute des opérations mentales à la tache. L’ajout de l’opération de discrimination du stimulus fait augmenter le temps de réaction de 99ms en moyenne. L’ajout de l’opération de sélection de la réponse fait augmenter le temps de réaction moyen de 357ms.

Discussion

Comme nous l’avions suggéré, l’ajout d’opération mentale augmente le temps de réaction à un stimulus. Des traitements cognitif sont nécessaires ce qui donne une notion de durée de la pensée. Plus cette pensée sera encombrée, plus la durée augmentera.

Mis a part le nombre restreint de sujet, une critique peut être apporté à ce travail du fait de la troisième condition, en effet, la sélection s’y fait entre 4 éléments alors que la discrimination dans la seconde condition se fait entre 2 éléments, ce qui peut expliquer pourquoi temps de discrimination est plus grand que le temps de sélection.

Nos résultats ont étés obtenus à partir de la méthode soustractive de Donders, mais l’utilisation de cette méthode sous-tend l’acception d’une additivité des opérations mentale, ce qui est critiquable. En effet, Sternberg lorsqu’il propose sa méthode des facteurs additifs fait remarquer que différents facteurs peuvent entrer en interaction, on ne peut dès lors plus se baser sur la soustraction pour déterminer la durée d’une activité mentale.

La mise en évidence de ce phénomène d’augmentation temporelle dans le domaine de la planification motrice en fonction des opérations mentale n’est pas négligeable et mérite une étude approfondie, notamment dans le cadre de la dépression. Assurément, des phénomènes tels que la rumination mentale, caractéristiques de la dépression, viennent augmenter la charge cognitive, le temps de réaction devrait alors augmenter. Bonin-Guillaume (2008) s’est penché sur cette question en s’intéressant au ralentissement psychomoteur des personnes dépressives.

Bibliographie Sternberg, S. (1969). The discovery of processing stages : extensions of Donders’ method. Acta Psychologica, 30, 276-315.

Bonin-Guillaume, S. (2008). Mise en évidence d’un ralentissement psychomoteur spécifique à la dépression chez le sujet âgé. Psychol NeuroPsychiatr Veil, 6, 137-144