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© 2016 Scrineo 8 rue Saint-Marc, 75002 ParisDiffusion : Volumen

Couverture réalisée par Philippe JozelonIllustrations intérieures : Jean-Matthias XavierMise en page : Clémentine HèdeISBN : 978-2-3674-0371-7Dépôt légal : janvier 2016




Pour toi Louis,mon si grand bonhomme déjà,

que j’aime tant faire rêver.Cette histoire est à toi

Pour toi Papa,qui m’as ouvert les portes

de la terre intérieure et celles de l’imaginaire…Je veux croire que ce livre t’aurait plu.

Pour toi Maman,qui reconnaîtras sans peine

le héros de ce roman et qui, comme toujours,l’as relu de ton œil bienveillant.

À la mémoireDe Monsieur Jules VernePour m’avoir fait voyager

Au centre de la Terre.

Et bien sûr à Edgar Rice Burroughs,le papa de Tarzan, de John Carter, de David Innes,

ces héros qui ont bercé mon enfance, pour son Pellucidar

auquel je rends hommage dans ces pages.


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Je m’appelle Simon Aleyrac, et je suis un homme mort.C’est un peu direct, comme entrée en matière, mais j’aime

bien les formules percutantes, une déformation professionnelle sûrement, et mon temps est compté.

Je suis journaliste… Oh ! ne vous emballez pas. Rien de sensationnel. Pas de ceux qui écrivent la une des magazines et interviewent les stars. Non, moi c’est plutôt le genre à hanter les musées, les sites de fouilles, les instituts de recherche, les bibliothèques, à passer des heures à taper sur mon clavier…

Je suis journaliste scientifique, spécialisé dans tout ce qui touche à la géologie, la paléontologie. Les cailloux, comme disait mon ex-femme qui me reprochait de leur accorder plus d’importance qu’à elle.

J’ai écrit pas mal d’articles dans des journaux scientifiques très reconnus, grand public ou plus pointus, ainsi que d’autres, plus généralistes. Dès qu’il y a un papier à pondre sur la découverte d’un nouveau fossile, sur un volcan qui entre en éruption, c’est moi qu’on appelle… Seulement, qui connaît le nom des journalistes scientifiques ? Citez-m’en au moins un ? Vous voyez ! Vous ne pouvez pas… Les lecteurs se foutent de savoir qui a écrit l’article du moment qu’il est bon.

Ah ! si, j’ai eu mon heure de gloire il n’y a pas si longtemps, quand j’ai publié, dans un grand quotidien, un papier sur un incident qui a frappé un site d’extraction de la Tellcorp Inc., l’entreprise qui vient de supplanter Total dans la course

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énergétique. Celle qui est en train de révolutionner le monde avec les nouvelles technologies qu’elle développe grâce au tellurium, le minerai qu’elle a découvert dans les profondeurs terrestres.

Il y a encore dix ans, personne n’avait entendu parler de la Tellcorp et du tellurium. Maintenant, on ne jure que par eux.

Le pétrole, le nucléaire, c’est du passé. Le futur est au tellurium. Il les remplace tous. Économique, non polluant, ouvrant des champs d’utilisation extraordinaires, que ce soit dans la robotique, les transports, les supraconducteurs…

Finie la crise de l’énergie. Une nouvelle ère de prospérité s’offre à nous ! La Tellcorp est en train de changer le monde. L’Énergie pour tous ! C’est leur slogan.

Même le dernier des bushmen, au fin fond de sa brousse, peut maintenant avoir son frigo impact écologique 0 pour mettre sa viande de gnou au frais.

La Tellcorp travaille pour un monde plus propre. Un monde meilleur. C’est peut-être vrai, mais elle engrange aussi des bénéfices encore jamais vus. À côté, même Microsoft fait figure de petit joueur.

Plus de pollution. Plus de déchets nucléaires. À en croire les médias, la Tellcorp va apporter une nouvelle ère de progrès et de prospérité dans un monde propre.

Mais il y a un an de ça, presque jour pour jour, un incident s’est produit dans un des sites d’extraction de la Tellcorp, en France, en Auvergne pour être précis. Une remontée de magma où jamais il n’y en avait eu, pas très loin de la petite ville de Vic-sur-Cère, aurait causé plusieurs morts. Comme je suis « Monsieur Volcan » dans la profession (quand je ne suis pas « Monsieur Dinosaure ») un important quotidien, qui ne mâche pas ses mots et possède une réputation d’irréductible, désireux de tirer ça au clair, m’a envoyé sur place.

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Je suis allé sur le site, mais j’y ai été très mal accueilli. J’ai cru qu’on allait me passer à tabac quand j’ai insisté pour entrer. Le chef de la sécurité, un grand blond, coupe en brosse, regard en acier dans le style machine de guerre (m’aurait pas étonné que ce soit un ancien militaire, et pas le genre à pantoufler dans une caserne) m’a même menacé…

Comme je ne pouvais pas visiter le complexe, j’ai traîné aux alentours, posé des questions, et appris deux ou trois trucs un peu bizarres. On a évoqué un incident avec un engin de la Tellcorp. Une de leurs foreuses expérimentales aurait fait irruption en ville juste avant la fameuse affaire du magma. Des voleurs, des terroristes, auraient tué le précédent directeur… Mais chaque fois que je demandais des détails, personne ne mouftait. Au bout de deux jours, j’ai compris que j’étais indésirable… Et qu’on me surveillait.

Je ne suis pas un trouillard, mais pas un héros non plus. Je n’allais pas risquer des ennuis pour un cachet de misère. Alors j’ai pris mes cliques et mes claques et je suis retourné à Paris.

Une fois rentré, j’ai écrit mon article, en soulignant bien sûr le manque de coopération de la Tellcorp et l’omerta que j’avais constatée dans la ville et aux alentours. Et comme j’étais bien remonté, j’ai insisté sur l’impact prétendument 0 de l’extraction du tellurium…

Je pensais qu’on censurerait mon papier, mais mon rédac’ chef, un vieux de la vieille, révolutionnaire et anticapitaliste dans l’âme, l’a adoré et l’a publié tel quel.

Ah ça ! Ils n’ont pas aimé à la Tellcorp… Ils se sont déchaînés. Mais le journal avait les reins solides, l’habitude des procès et de bons avocats. Ils ont tenu.

J’étais fier de moi. J’avais eu mon heure de gloire… Même si, depuis, il fallait bien avouer que c’étaient les vaches

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maigres. Si j’osais, je dirais qu’on avait fait pression sur mes commanditaires habituels.

Bref, plus personne ne semblait avoir besoin de moi.Enfin, pas tout à fait personne…Il y a six mois, je me rappelle c’était un lundi, il faisait gris

ce jour-là. Je rentrais des courses avec mon sac sur le point de craquer dans mes bras, quand j’ai trouvé un paquet dans ma boîte aux lettres… Un paquet tout simple, genre kraft, soigneusement fermé. Avec une ficelle autour, bien serrée. Il n’était pas très grand, mais pesait son poids.

Par habitude, j’ai regardé le timbre et le cachet du bureau de poste… Paris… Rien d’exotique.

Vous vous demandez sûrement pourquoi je ne me montrais pas plus méfiant. Après tout, ça aurait pu être n’importe quoi : une bombe, une de ces enveloppes piégées à l’anthrax dont on nous a rebattu les oreilles lors de la paranoïa antiterroriste.

Il faut que vous compreniez que, pour mes articles, je recevais beaucoup d’échantillons de roche ou de minerais. Je dois avouer aussi que, dans la situation où j’étais, boudé par mes commanditaires habituels, j’espérais surtout que ce soit du boulot.

C’en était… Mais jamais je n’aurais pu imaginer de quelle sorte.

En rentrant chez moi, j’ai posé le paquet sur le meuble du couloir, puis je suis allé ranger mes courses. Je me suis fait à manger (enfin, entendez par là que me suis fait réchauffer au micro-ondes une de ces préparations au nom pompeux qui ne tiennent jamais leurs promesses).

J’ai lu un article dans un journal scientifique (je les recevais encore à ce moment-là) où un de mes collègues s’extasiait des derniers progrès de la robotique qu’avait permis l’utilisation du tellurium… On y montrait les nouveaux prototypes

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d’exosquelettes civils ou militaires, et même un ou deux robots parfaitement fonctionnels que les armées américaine et chinoise allaient déployer dans les mois à venir. Grâce à la Tellcorp, affirmait mon confrère décidément enthousiaste, la réalité rejoint la fiction.

J’ai failli balancer le journal à l’autre bout de la pièce, mais j’ai continué quand j’ai découvert l’article traitant de la secousse sismique qui avait frappé Aix-en-Provence deux semaines plus tôt, et qu’on avait ressentie jusqu’à Paris (je me rappelais très bien cette nuit-là, des bibelots étaient tombés de mes étagères). Les dégâts, à Aix, sans être vraiment catastrophiques, avaient été assez importants.

Ce n’était pas le premier évènement de ce genre. Un peu partout dans le monde, on relevait, depuis quelque temps, un accroissement de l’activité terrestre : volcans, tremblements de terre, tsunamis, se multipliaient à un rythme alarmant. Même au cœur des volcans d’Auvergne, les sismographes avaient capté des frémissements. Pas de quoi s’inquiéter outre mesure, mais tout de même…

L’article s’achevait par un trait d’humour douteux : Notre Terre, comme une grosse bête assoupie, est-elle en

train de se secouer les puces ?Ça m’a mis en rogne. C’est moi qui aurais dû écrire cet

article, pas ce besogneux qui essayait de masquer son indigence par des traits d’humour poussifs.

Bref, j’avais presque oublié le paquet. Ce n’est qu’en me levant pour sortir et me rendre à un rendez-vous que mes yeux sont tombés dessus.

J’ai hésité… C’était un rendez-vous important, enfin important parce qu’il pouvait peut-être déboucher sur un contrat, mais j’avais un peu de temps devant moi et rien de précis à faire alors…

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J’ai attrapé le paquet, des ciseaux. Je suis retourné à la cuisine. J’ai coupé la ficelle, puis le scotch d’emballage et j’ai déplié le papier kraft.

Je ne sais pas vous, mais moi j’aime bien ouvrir des paquets. Il y a toujours un instant magique. On redevient, l’espace de quelques secondes, le gamin qui déballe ses cadeaux devant le sapin.

Si j’avais su à ce moment-là tout ce que je sais maintenant, et ce qui allait en découler pour moi, pour vous, pour le monde entier…

Mais je grille les étapes.Passée la première couche de kraft, c’est sur une lettre que

je suis tombé, rédigée sur un morceau de papier quelconque.C’est l’écriture, qui a d’abord retenu mon attention :

précise, appliquée, elle avait quelque chose de scolaire. Pas celle d’un gamin, non, mais on y sentait encore la marque du collège, ou du lycée. Je me trompais peut-être, mais j’étais sûr que l’auteur de ce mot n’avait pas plus de vingt ans.

En fait de lettre, il s’agissait plutôt d’un court billet libellé en ces termes :

Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous au café le Bougnat, rue Mouffetard, mercredi 11 avril à 20 h. Venez seul. Asseyez-vous, commandez une boisson, je vous contacterai.

Encore un dingue. Voilà ce que j’ai pensé tout de suite, et je vous jure que j’ai failli balancer le paquet et son mystérieux contenu sans l’ouvrir. Je l’avais dans la main, mon pied sur la pédale de la poubelle et le couvercle béant.

Mais je ne l’ai pas fait…Un journaliste, c’est pire qu’un chat. Même quand ça sent

venir l’embrouille à cent kilomètres, ça peut pas s’empêcher de gratter. Celui qui m’avait envoyé ce mot-là le savait.

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J’ai relevé mon pied, je suis retourné à ma table, j’ai repris mes ciseaux, une grande inspiration, et j’ai ouvert…

L’instant d’après, j’avais complètement oublié mon rendez-vous.

Car là, devant moi, dans cet écrin de kraft froissé, reposaient trois objets.

Le premier, je le reconnus tout de suite, à son éclat iridescent, c’était un morceau de tellurium.

Il n’était pas énorme, de la taille d’une grosse noix, mais il suffisait pour éclabousser la pièce de sa lumière moirée. En approchant ma main, j’ai cru sentir une curieuse pulsation, comme une force exercée contre ma peau. Quand je refermai mes doigts dessus, je le sentis non pas froid, comme aurait dû l’être un minerai, mais étrangement tiède.

C’était bien du tellurium. La sensation, le toucher, la lumière, on ne pouvait le confondre avec aucune autre roche.

Mais comment était-ce possible ? Je savais, pour m’être penché sur la question, qu’un tel

morceau devait coûter une fortune et qu’il ne pouvait provenir que de la Tellcorp, car elle conservait un monopole jaloux sur le tellurium à l’état brut. Un fragment de la taille d’un grain de sable était déjà capable d’alimenter une automobile électrique en énergie pendant plus de dix ans et se négociait des sommes exorbitantes, alors celui-là…

Qui pouvait posséder assez de ce minerai hors de prix pour se permettre de m’en céder un tel morceau ? Et pourquoi ?

C’était dingue.J’en avais presque oublié les deux autres objets, mais quand

mes yeux les découvrirent…La plupart des gens, à ma place, auraient seulement haussé

les épaules ou auraient cru à une farce, mais rappelez-vous que mon domaine, c’est justement les minéraux et les fossiles.

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Et ce que j’avais devant moi…C’était une griffe, et ce qui ressemblait à une plume, une

plume d’un vert émeraude bordée d’un liseré plus sombre.Mes yeux s’étaient écarquillés, et je devais avoir, à ce

moment-là, une expression de parfait ahuri.Cette griffe-là, je savais à quel genre d’animal elle

appartenait. J’avais déjà vu exactement la même, il n’y avait pas longtemps, dans une des vitrines du pavillon de paléontologie du Muséum d’histoire naturelle.

C’était une griffe de Dromaesauridae… Une famille de dinosaures carnivores disparue depuis plus de soixante-sept millions d’années, celle des vélociraptors de Jurassic Park, des deinonychus, utharaptors et de leurs cousins asiatiques, tsaagans ou changyuraptors.

Seulement… cette griffe-là était loin d’être fossilisée, et à voir les marques qui assombrissaient sa base, on devinait qu’elle avait été arrachée à la bête encore fraîche, si ce n’était vivante.

Oh ! vous allez me dire que ça aurait pu être un faux, une copie en plastique ou… Et j’y ai pensé, je vous jure qu’un instant j’y ai pensé, mais je savais déjà, tout au fond de moi, que ce n’était pas le cas, et quand je l’ai tenue dans ma main, que j’en ai éprouvé le tranchant, aussi effilé qu’une griffe de chat… Si c’était un canular, alors il était vraiment remarquable.

Quant à la plume, ce n’en était pas tout à fait une, plutôt le chaînon manquant entre l’écaille et la plume. Je devinais, en la faisant tourner pour admirer ses reflets, qu’elle appartenait au même animal que la griffe… Un animal qu’à ma connaissance, personne n’avait vu à la surface de ce monde, du moins pas depuis plus de soixante-sept millions d’années.

Il a fallu que je m’assoie, tant tout ça me donnait le tournis.Je suis sur un gros coup. Je suis sur un gros coup. C’étaient les

seuls mots qui passaient en boucle dans ma tête alors que mes

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yeux ne cessaient d’aller et venir entre la plume, la griffe et le fragment de tellurium dont la lueur animait les deux autres et semblait me narguer.

Un gros coup… Tu parles ! Avec un scoop comme ça, si je jouais bien, je deviendrais le journaliste le plus en vue de tout le paf français, peut-être même du monde entier…

Mais il fallait d’abord que j’en apprenne plus. Il fallait que je rencontre celui (je penchais pour un homme, au vu de l’écriture) qui m’avait fait parvenir ce paquet. Et pour ça…

Je reprenais le mot, le relisais une fois de plus en essayant de ne pas trembler.

Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous au café le Bougnat, rue Mouffetard, mercredi 11 avril à 20 h. Venez seul. Asseyez-vous, commandez une boisson, je vous contacterai.

Le mercredi 11 avril… C’était deux jours plus tard… Ce qui signifiait que j’avais un peu plus de quarante-huit heures devant moi… Juste le temps de vérifier deux ou trois choses avant de faire une énorme bêtise.

J’ai décommandé mon rendez-vous, fourré le fragment de tellurium, la griffe et la plume dans une boîte, et j’ai filé au Jardin des Plantes… Plus précisément au pavillon de paléontologie.

J’avais quelqu’un dans la place, Éric Raveteau, un ami de fac passionné de paléontologie depuis l’enfance. Poursuivant ses études en droite ligne, là où j’avais bifurqué vers le journalisme, il était devenu responsable du pavillon de paléontologie du Muséum d’histoire naturelle de Paris. Combien de fois avais-je profité de nos relations pour écrire des articles ou des interviews en exclusivité…

Il me reçut avec sa gentillesse habituelle et m’offrit de boire un café dans son bureau. Là, il me demanda ce qui m’amenait en me précisant qu’il était très pris et qu’avec la meilleure

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volonté du monde, il n’aurait pas plus d’un quart d’heure à me consacrer.

Avec la jubilation d’un gosse sûr de son effet, je sortis de mon sac la boîte contenant les trois objets, la posai sur son bureau et, alors qu’il m’observait, l’ouvris en prenant tout mon temps pour en extraire le contenu et l’aligner sur le bois du grand meuble.

Sa réaction fut conforme à ce que j’attendais.– Nom de… Ce fut à peu près tout ce qu’il parvint à dire en se penchant

pour observer les trois objets comme s’il s’agissait de saintes reliques qui risquaient d’exploser ou de se désintégrer sous ses yeux d’une seconde à l’autre.

– Tu te fous de moi ? me demanda-t-il, suspicieux.Je lui répondis que j’avais eu la même réaction en ouvrant le

colis et que c’était justement pour ça que j’étais là.Après avoir observé et manipulé les deux objets, il s’empara

de la griffe, et, avec mon accord, en coupa un petit morceau qu’il emporta dans son labo. Là, il mit le fragment dans une éprouvette pour ensuite le noyer dans une solution translucide.

Il m’expliqua, en observant l’éprouvette avec une certaine fébrilité, que cette solution s’attaquait à la kératine contenue dans les cheveux, les ongles, ou… les griffes. Mais qu’elle n’aurait absolument aucun effet sur du plastique ou une résine synthétique.

Alors même qu’il prononçait ces mots, le fragment commença à se dissoudre, de plus en plus rapidement, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien…

– Tu te rends compte de ce que ça signifie ? fut tout ce qu’il parvint à murmurer avec un mélange d’incrédulité et d’émerveillement.

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Oui, je me rendais compte. Ça voulait dire que quelqu’un avait trouvé un Dromaesauridae vivant, ce qui ne laissait que deux possibilités : soit que cette personne avait découvert un endroit, sur terre, où les descendants des dinosaures continuaient à prospérer, soit qu’un laboratoire avait récréé un dinosaure par manipulation génétique.

Il me demanda comment j’étais entré en possession de ces trois objets. Je fus bien obligé de lui parler du colis anonyme et de la lettre.

Dire qu’il me harcela pour m’accompagner au rendez-vous serait un bel euphémisme, mais je dus refuser. Celui qui m’avait envoyé le colis m’avait bien spécifié de venir seul. Ferré comme je l’étais maintenant, je ne voulais pas tout foutre en l’air.

Éric me fit promettre de revenir le voir, quoi qu’il arrive, pour lui dire ce que j’avais appris. Il me demanda aussi de conserver la griffe et l’écaille pour les étudier, mais je dus là encore refuser. Je ne pouvais risquer que quelqu’un me souffle le scoop. J’exigeais de lui le silence absolu tant que je n’aurais pas publié mon article. Il fit la grimace, mais telles étaient son honnêteté et son amitié pour moi qu’il accepta.

Le lendemain soir, à 20 heures, j’entrais « Au Bougnat ».C’était une de ces brasseries dont Paris a le secret, tenue

par des Parisiens plus auvergnats encore que les Auvergnats eux-mêmes… L’ambiance y était chaleureuse, les banquettes confortables. Ça sentait le fromage, la patate et la charcutaille. On devinait, dès la porte franchie, qu’ici on ne plaisantait pas avec la nourriture.

Au bar, sur une perche, pendait un chapelet de saucisses plus tentantes les unes que les autres. D’une cloche à fromage montait un fumet capiteux qui me mettait l’eau à la bouche.

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Derrière le comptoir officiait une espèce d’ogre débonnaire et moustachu dont le rire explosait à intervalles réguliers comme un grondement d’orage.

Je choisis une table libre, un peu en retrait, d’où je pouvais surveiller les allées et venues de chacun et je m’assis.

Quand une des serveuses, une jolie brunette au sourire tout en fossettes, vint me demander ce que je voulais, je lui commandais, sur ses conseils, une bière à la gentiane et à la châtaigne. J’étais curieux.

La bière était succulente… Mais de visiteur, point.À la seconde gorgée, ne voyant toujours venir personne,

j’allais me résigner, pour faire contre mauvaise fortune bon cœur, à commander une tranche de fromage ou une saucisse sèche, voire les deux, quand une forme furtive se glissa sur la banquette qui me faisait face.

Je sursautai. Mon cœur rata un battement ou deux. Je crois même avoir laissé échapper un juron pas très élégant avant que mes yeux ne se posent sur mon visiteur.

J’ai bien dit mon, car malgré le sweat épais et la capuche qui gardait ses traits dans l’ombre, il était évident, ne serait-ce que par la carrure, que mon « invité » appartenait à la moitié masculine de l’humanité.

Il avait beau se tenir voûté, celui qui était venu se glisser à ma table, avec une aisance de chat, avait des mensurations de colosse.

Quand je parvins à nouveau à articuler un son, je lui demandai, de but en blanc, de me dire qui il était.

Il se contenta de répondre d’une voix ample et grave :– Celui qui vous a envoyé la griffe, la plume et le tellurium,

monsieur Aleyrac.Comme je lui faisais remarquer que cela ne me renseignait

pas beaucoup, et que c’était injuste, car il connaissait mon

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PRAËRIE-2- LE SECRET DES HAOMS

Le lieutenant Vincent Marty réussira-t-il à quitter le monde impitoyable de Praërie ? Là, parmi ces descendants d’humains miniaturisés par erreur voici plus de vingt ans, il a trouvé des alliés en la personne de Lo’Hiss, redoutable chasseur, d’une étrange fille-guêpe et de Séfan, une jeune sink aussi surprenante qu’attachante. Avec leur aide, il est parti à la recherche du laboratoire où se trouve le protocole qui lui permettra de retrouver sa taille d’origine. Mais la Vertjungle est féroce et sans pitié pour qui ne connaît pas ses secrets… car le moindre ruisseau y devient un fl euve infranchissable hanté par des créatures redoutables, les insectes !Pourtant, ici comme ailleurs, le plus terrible des prédateurs n’est pas toujours celui que l’on croit…

Jean-Luc Marcastel


Imprimé en France par XXX

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous les pays. Toute reproduction de cet ouvrage, même partielle, est interdite

(loi 49.956 du 16.07.1949).


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