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TENDANCES ET ENJEUX DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET EMPLOI EN AMÉRIQUE LATINE (*) Cette étude a été effectuée par la Consultante Maria Antonia Gallart pour le compte du Secrétariat Général de l’Órganisation des Etats Américains.

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TENDANCES ET ENJEUX DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

ET EMPLOI EN AMÉRIQUE LATINE (*)

Cette étude a été effectuée par la Consultante Maria Antonia Gallart pour le compte du Secrétariat Général de l’Órganisation des Etats Américains.

* Les opinions exprimées ne sont pas forcément celles de l’ OEA ou de ses Etats membres.

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ANTÉCÉDENTS

Les transformations sociales et économiques

Les sociétés de la Région ont subi d’importants changements au cours des dernières décennies. Depuis l’après-guerre, plus de trente ans de transformation économique et sociale ont permis à de très larges groupes de la population de s’intégrer à la société moyennant l’accès à l’éducation et aux services de santé, et en partie à la consommation de masse. Cette intégration n’a pas été égale dans tous les pays; dans certains, elle a porté sur la plus grande partie de la population, dans d’autres, sur de faibles minorités. Par ailleurs, des secteurs très vastes n’ont pas participé à ce processus même si au début des années 80 on espérait qu’ils s’intègreraient lentement.

Le processus d’industrialisation en Amérique latine et dans les Caraïbes a été long. Dans certains pays, il a commencé tôt et s’est développé à partir de l’industrie de substitution des importations. Des secteurs industriels tels que ceux des constructions métalliques et des textiles ont revêtu un grande importance à cet égard, employant tous les deux de très nombreux ouvriers dans leurs usines. Bien que dans certains pays, comme en Argentine, d’importants ateliers métallurgiques aient été créés dès le début du siècle, il a fallu attendre les processus d’industrialisation des années 50 et 60 pour que l’expansion devienne décisive; c’est alors que le Brésil, l’Argentine, le Mexique et la Colombie, et dans une moindre mesure les autres pays, ont encouragé le développement de l’industrie manufacturière. Des filiales des grandes sociétés de construction automobile se sont implantées dans la Région pour y assembler et produire des véhicules. Des industries complémentaires, allant de la sidérurgie aux pièces automobiles détachées, se sont développées et ont formé de grands complexes dans les zones privilégiées des pays qui offraient de vastes marchés intérieurs de produits durables. L’une des principales caractéristiques de cette industrialisation est la différenciation entre les pays, tant en ce qui concerne le moment où elle a pris essor (plus tôt chez les uns, plus tard chez les autres) que ses particularités.

Cependant, malgré la croissance économique, des signes d’essouflement ont été observés dans ce processus fondé sur une industrie protégée qui privilégiait la consommation intérieure et l’exportation de produits essentiellement agricoles. D’après une étude de la CEPAL, «les investissements visant à satisfaire la demande de marchés intérieurs fragmentés, caractérisés par une forte concentration du revenu, perdaient généralement leur dynamisme. La même tendance se manifestait dans les exportations de produits primaires non transformés, mises à mal par la perte de leur importance relative sur les marchés internationaux, le fléchissement des prix, le protectionnisme et l’exportation d’excédents de la part des pays industrialisés1». Ainsi s’annonçait une crise qui allait donner une nouvelle orientation au processus de développement.

Les mutations économiques de cette période ont eu des conséquences notoires pour la structure sociale. D’une part, l’exode des campagnes vers les villes s’est intensifié, transformant la population essentiellement rurale en une population principalement urbaine, avec toutes les

1 CEPAL. Equidad y transformación productiva : un enfoque integrado. Santiago du Chili, 1992.

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conséquences que cela peut entraîner pour l’offre de main-d’oeuvre. D’autre part, la proportion de la population économiquement active qui travaillait dans les industries manufacturières et la construction était considérable dans un groupe important de pays; cela supposait de la part du secteur manufacturier et de celui de la construction une demande de personnel ayant des qualifications différentes de celles qui étaient précédemment recherchées, rendant ainsi possible la croissance du secteur syndical et des services de formation professionnelle. Enfin, la concentration de la population dans les villes a créé un marché qui a permis l’expansion d’un secteur de services moderne, mais aussi d’un secteur informel comportant une offre excédentaire de main-d’oeuvre non qualifiée. Il en a résulté l’apparition de niches professionnelles dans des petites et micro entreprises qui offraient les produits et les services demandés.

Nous arrivons ainsi aux années 80. L’économie internationale en évolution rapide et en cours de mondialisation tout comme le choc pétrolier et ses effets sur la dette extérieure, ont obligé les économies à entreprendre d’importantes opérations d’ajustement structurel. Il y a eu une accumulation de facteurs qui ont impulsé cet ajustement, tels que les exigences de la modernisation technico-productive imposées par le marché extérieur, les engagements au titre de la dette extérieure et la contraction du financement. Le rôle de l’État en tant que fournisseur de services et moteur du développement industriel s’est modifié et l’ajustement budgétaire et les processus de privatisation ont commencé à s’étendre dans la Région.

Les indicateurs économiques

Si l’on observe les indicateurs économiques des pays de la Région à partir de 1980, on remarque la perte de dynamisme de l’économie entre 1980 et 1990. Bien que la «décennie perdue» ne l’ait pas été pour tous les pays, puisque dans deux cas au moins, le Chili et la Colombie, les rythmes de croissance sont restés rapides, dans la plupart des autres pays le produit intérieur brut (PIB) par habitant a diminué. Ce n’est que ces dernières années qu’il a retrouvé ses niveaux de 1980 (Tableaux 1 et 2).

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TABLEAU Nº 1Amérique latine : produit intérieur brut total et par habitant, enprix constants du marché, par pays, années 1980-1990-1995

PIB, milliers de dollars EU * PIB par habitant *Pays 1980 1990 1995 1980 1990 1995

Argentine 137.283,7 132.753,1 168.774,0 4.886,7 4.081,3 4.854,2Barbade 1.540,3 1.710,4 1.666,8 4.740,3 4.999,0 4.782,7Bolivie 5.149,9 5.229,6 6.333,6 961,7 795,7 854,3Brésil 353.255,7 401.957,7 456.433,0 2.903,4 2.715,4 2.867,4Chili 21.250,3 28.429,8 40.041,4 1.906,4 2.170,3 2.817,7Colombie 27.910,7 40.274,3 50.243,4 1.052,2 1.235,6 1.402,9Costa Rica 4.573,3 5.709,2 7.081,8 2.001,9 1.881,4 2.068,4Cuba - - - - - -Equateur 10.155,3 11.668,7 14.038,4 1.275,8 1.136,8 1.250,0El Salvador 4.990,7 4.187,3 6.454,8 1.097,5 954,3 1.139,9Guatemala 7.014,0 7.650,1 9.467,9 1.014,0 831,8 891,4Guyana 470,9 350,7 - 620,5 440,6 629,1Haïtí 1.728,0 1.646,1 1.398,9 322,8 253,8 194,8Honduras 2.652,4 3.348,2 3.957,3 743,2 686,3 700,0Jamaïque 3.110,6 3.854,2 4.066,7 1.458,3 1.629,0 1.661,9Mexique 198.859,8 240.370,8 258.885,3 2.943,0 2.888,2 2.840,4Nicaragua 2.477,0 2.138,0 2.331,7 888,0 599,3 565,5Panama 4.620,9 5.168,8 6.876,6 2.370,1 2.248,9 2.613,7Paraguay 3.903,7 5.264,6 6.130,9 1.253,7 1.247,9 1.269,7Pérou 40.125,0 35.732,6 47.234,7 2.316,1 1.656,6 2.007,3Rép.Dominicaine 5.107,9 6.484,4 7.778,9 896,6 912,0 994,3Suriname - - - - - -Trinité et Tobago 6.590,6 5.068,1 5.441,5 6.091,1 4.100,4 4.166,6Uruguay 9.161,7 9.204,4 10.996,0 3.144,4 2.974,7 3.451,6Venezuela 52.297,3 48.653,7 56.829,3 3.465,4 2.494,8 2.601,6Total 904.229,7 1.007.691,3 1.172.462,2 2.626,8 2.392,2 2.552,7* Aux prix deSource : CEPAL, (1993) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe1992

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Tableau Nº 2Amérique latine : évolutión du PIBtotal et du PIB par habitant, par pays, 1970 – 1996% moyenne acumulada anual. Evolutión du PIB total Evolutión PIB par habitant

Pays 1970-80** 1 1991-96* 1970-80** 1981-90* 1991-96*Argentine 2,6 - 4,7 0,9 -1,8 3,3Barbade 2,7 1

,0,6 2,3 0,7 -0,1

Bolivie 3,9 0,

4,0 1,3 -1,9 1,5Brésil 8,7 1

,2,7 6,1 -0,7 1,2

Chili 2,5 3,

7,0 0,9 1,3 5,3Colombie 5,4 3

,4,4 3,2 1,6 2,4

Costa Rica 5,5 2,

3,7 2,6 -0,6 1,3Cuba - 3

,-4,8 - 2,8 -7,6

Equateur 8,9 1,

3,4 5,7 -1,1 1,2El Salvador 3,1 -

05,6 0,7 -1,4 3,2

Guatemala 5,7 0,

4,1 2,8 -2,0 1,2Guyana 1,4 -

28,1 0,7 -3,4 7,0

Haïtí 4,7 -0

-2,4 3,0 -2,4 -4,3Honduras 5,6 2

,3,4 2,2 -0,8 0,4

Jamaïque -1,2 2,

0,9 -2,5 1,1 0,2Mexique 6,7 1

,2,0 3,7 -0,2 0,2

Nicaragua 0,3 -1

2,4 -2,7 -3,9 -0,5Panama 5,3 1 4,5 2,4 -0,5 2,6Paraguay 8,7 3

,2,9 5,6 0,0 0,2

Pérou 3,9 -1

5,1 1,1 -3,3 3,3Rép.dominicaine 6,9 2

,4,3 4,2 0,2 2,4

Suriname - 0,

***0,9 - 0,5 ***0,9Trinité et Tobago 4,9 -

21,7 3,8 -2,6 1,7

Uruguay 2,7 0,

3,8 2,3 0,0 3,8Venezuela 1,8 -

02,4 -1,6 -0,7 2,4

Amérique latine et Caraïbe 5,5 1 3,1 ****3,0 -0,9 1,1Source : CEPAL, (1993) Anuario Estadístico de Amérique latine et Amérique latine et Caraïbe 1992*% calculé sur la base des prix de 1990

**% calculé sur la base des prix de 1980*** Période 1991-1994

****Cuba non compris

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En ce qui concerne la contribution des divers secteurs économiques au produit intérieur brut, dans un vaste groupe de pays2, l’industrie manufacturière et la construction représentent plus d’un tiers de la production en 1990. En revanche, dans un seul cas (Haïti) l’agriculture contribue au PIB pour plus du tiers et dans de nombreux pays sa part dans le PIB n’atteint pas 10 %3. Le secteur des services est donc très important non seulement en termes de population active mais aussi de PIB. Ces dernières années, la part des produits manufacturés dans les exportations s’est nettement élargie. Ainsi, en 1995, ces produits représentaient plus de 50 % des exportations dans trois pays (Brésil, Barbade et Mexique) (Tableau 4).

En 1995, la Région se caractérise par une forte hétérogénéité. Le PIB par habitant témoigne d’une grande diversité : dans trois pays il dépasse 4000 dollars4 et dans un vaste groupe de pays, 2000 dollars5, tandis que dans six autres il n’atteint pas 1000 dollars6. Cette hétérogénéité se manifeste aussi dans la taille des économies nationales. Trois pays se répartissent les trois quarts du PIB de la région : le Brésil (38,9 %), le Mexique (22,1 %) et l’Argentine (14,4 %) ; en revanche, les quatre pays qui ont le plus faible PIB ne représentent que 0,8 % de la production régionale (Barbade, Haïti, Honduras et Nicaragua) (Tableau 1).

2 Argentine, Brésil, Chili, Équateur, Jamaïque, Pérou, Trinité et Venezuela (Tableau 3).3 Argentine, Barbade, Chili, Jamaïque, Mexique, Trinité et Venezuela (Tableau 3).4 Argentine, Barbade et Trinité.5 Uruguay, Brésil, Chili, Costa Rica, Mexique, Panama, Pérou et Venezuela.6 Bolivie, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, Nicaragua et la République dominicaine (dans ce pays, lePIB par habitant dépasse 900 dollars).

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Tableau Nº 3Amérique latine : produit intérieur brut du secteur agricole et du secteur industriel, en prix constants du marché par pays, 1970-1990

Millions de dollars EU aux prix de 1980

Agriculture a Industrie bPays 1970 1980 1990 1970 1980 1990

Argentine 6,4 6,2 8,1 42,8 40,6 33,8Barbade 14,1 9,7 6,9 16,6 20,4 18,6Bolivie 19,0 18,6 20,8 37,9 34,5 31,4Brésil 15,5 9,8 10,8 40,5 38,5 33,0Chili 7,6 7,3 8,3 40,6 35,3 36,0Colombie 21,5 19,4 18,2 31,7 30,3 33,6Costa Rica 23,5 17,8 19,4 19,6 24,8 22,6Cuba - - - - - -Equateur 21,6 12,3 15,0 27,2 37,6 33,1El Salvador 28,1 27,8 26,3 18,0 18,6 18,6Guatemala 29,8 27,9 28,3 19,2 23,7 19,3Guyana 23,5 22,2 22,7 40,0 34,8 25,1Haïtí 48,2 34,7 34,9 18,3 25,3 21,8Honduras 28,3 21,4 22,3 23,4 24,0 24,2Jamaïque 6,9 8,0 6,7 41,8 35,5 35,3Mexique 11,1 8,1 7,6 31,6 31,4 31,1Nicaragua 24,1 23,2 24,6 28,0 29,3 25,9Panama 15,0 9,7 11,5 19,0 17,0 10,5Paraguay 35,3 29,5 31,9 19,4 23,0 20,2Pérou 16,1 10,3 13,8 38,3 41,4 35,9Rép.Dominicaine 27,9 20,2 17,6 22,5 27,8 25,9Suriname - - - - - -Trinité et Tobago 5,6 2,5 4,1 58,4 57,9 49,6Uruguay 18,0 14,1 13,8 30,3 33,9 26,7Venezuela 3,9 4,3 4,9 63,1 50,7 45,6Source : CEPAL, (1993) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1992a. Agriculture, chasse, sylviculture et pêche

b. Comprend l’exploitation des mines et des carrières, les industries manufacturières et la construction.

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Tableau Nº 4 Amérique latine : exportations de produits manufacturés par pays en pourcentage de la valeur totale des exportations c.à.f.,années 1960 - 1995.

Pays 1960 1970 1980 1990 1995Argentine 4,1 13,9 23,1 29,1 33,9Bahamas - - - - -Barbade 2,9 25,3 52,5 43,3 58,8Bolivie - 3,2 2,9 4,7 16,5Brésil 2,2 13,4 37,1 51,9 53,1Chili 5,1 4,8 11,3 10,9 13,2Colombie 1,5 9,0 19,7 25,1 38,0Costa Rica 1,1 18,7 29,8 27,4 24,2Cuba - - - - -Equateur 1,6 1,8 3,0 2,3 7,6El Salvador 5,6 28,7 35,4 35,5 38,8Guatemala 3,0 28,1 24,4 24,5 28,1Guyana 3,8 - - - -Haïtí - - - - -Honduras 2,2 8,2 12,8 9,5 9,1Jamaïque 6,1 - - - -Mexique 16,0 33,3 12,1 a 43,3 b 77,5Nicaragua - 17,8 18,1 8,2 20,3Panama 0,4 3,5 8,9 17,0 -Paraguay 14,8 9,0 11,8 9,9 14,1Pérou 0,8 1,8 16,9 18,4 13,5Rép. Dominicaine 2,5 - - - -Suriname - - - - -Trinité et Tobago 9,2 12,8 5,0 26,7 42,1Uruguay 6,4 17,6 38,2 38,5 38,7Venezuela 0,1 1,0 1,5 10,9 14,2Total 3,6 10,8 16,8 32,8 49,7a Chiffre provisoire b Y compris les biens destinés à être transformés (maquila)Source : CEPAL, (1981) Anuario Estadístico de América Latina 1980. CEPAL, (1993) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe1992. CEPAL, (1997) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe1996

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L’évolution des indicateurs économiques

Il convient d’analyser, de la même façon, l’évolution des indicateurs démographiques et sociaux. La population urbaine a augmenté pour atteindre plus de 80 % dans les pays urbanisés (Argentine, Uruguay et Venezuela); et bien que dans un groupe de pays, en particulier ceux d’Amérique centrale, la population vive encore en majorité en milieu rural, les zones urbaines de la Région sont plus peuplées en moyenne que les campagnes (Tableau 5).

Pareillement, l’espérance de vie à la naissance s’accroît sensiblement; en 1995, elle dépasse soixante dix ans dans la plupart des pays (Tableau 6). Simultanément, la structure démographique dans la Région a évolué : dans un groupe de pays, on observe une forte proportion de personnes ayant l’âge de la retraite et une moindre proportion de jeunes; dans d’autres, en revanche, les jeunes sont encore très nombreux (Tableaux 7 et 8). Cette réalité soulève des problèmes différents pour le marché du travail : d’une part, celui de la couverture sociale des travailleurs inactifs en raison de leur âge, et d’autre part, celui de l’absorption des nouvelles générations qui désirent faire leur insertion dans le marché du travail et qui en ont besoin.

On enregistre une participation croissante des femmes à la population active. À la fin de la période considérée, une femme sur trois travaille dans la majorité des pays (Tableau 9).

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Tableau No 5 Amérique latine : pourcentage de la populatión urbaine par pays, années 1960-1995

Pays 1960 (*) 1970 1980 1990 1995Argentine 59,1 78,4 82,7 86,2 87,9Bahamas 62,1 - - - -Barbade 46,2 37,2 40,2 44,8 -Bolivie - 40,7 44,3 51,4 59,8Brésil 30,7 55,8 67,5 76,9 78,0Chili 55,0 75,2 81,1 85,6 83,9Colombie 37,1 57,2 64,2 70,3 71,9Costa Rica 22,8 39,7 46,0 53,6 48,9Cuba 38,3 60,2 68,1 74,9 77,7Equateur 28,2 40,0 47,3 56,9 59,0El Salvador 19,1 39,4 41,5 44,4 51,8Guatemala 19,3 35,7 38,5 42,0 38,9Guyana - 29,5 30,5 34,6 -Haïtí - 19,8 24,6 30,3 33,9Honduras - 28,9 35,9 43,6 44,1Jamaïque 24,9 41,5 46,8 52,3 -Mexique 36,1 59,0 66,4 72,6 74,2Nicaragua 23,0 47,0 53,4 59,8 58,1Panama 34,6 47,6 50,6 54,8 55,9Paraguay 18,3 37,1 41,7 47,5 51,8Pérou 30,3 57,4 64,5 70,2 71,2Rép.Dominicaine 18,7 40,3 50,5 60,4 62,4Suriname - - - - -Trinité et Tobago 36,8 38,8 56,9 69,1 -Uruguay 65,3 82,1 83,8 85,5 90,0Venezuela 52,3 72,4 83,3 90,5 85,9

La définition du terme urbain correspond à celle qui est utilisée par chaque pays.(*) Population dans les localités d’au moins 20 mille habitants. Source : CEPAL, (1997) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1996

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Tableau Nº 6Amérique latine : espérance de vie à la naissance, par pays, par période de cinq ans entre les années 1960 et 1995

Pays 1960-1965 1965-1970 1970-1975 1975-1980 1980-1985 1985-1990 1990-1995Argentine 66,0 67,4 66,1 67,7 68,8 70,5 71,8Bahamas - - 66,6 67,3 69,7 72,0 73,1Barbade - 70,2 69,4 71,3 73,2 74,6 75,6Bolivie 43,5 45,1 46,7 50,1 53,7 56,8 59,3Brésil 55,9 58,0 59,8 61,8 63,3 64,8 66,3Chili 57,6 60,6 63,6 67,2 70,7 72,7 74,4Colombie 56,2 58,4 61,6 64,0 67,2 68,2 69,2Costa Rica 63,0 65,6 68,1 71,0 73,8 75,3 76,3Cuba 65,1 68,5 71,0 73,1 73,9 74,6 75,3Equateur 51,9 54,6 58,9 61,4 64,5 67,1 68,8El Salvador 52,3 55,9 58,8 57,4 57,2 62,4 66,3Guatemala 48,2 51,2 54,0 56,4 59,0 62,0 64,8Guyana - 64,7 60,0 60,7 61,1 63,2 65,2Haïtí 43,6 46,3 48,5 50,7 52,7 54,7 56,6Honduras 47,9 50,9 54,1 57,7 61,6 65,4 67,7Jamaïque - 68,2 68,6 70,1 71,4 72,5 73,6Mexico 59,2 60,8 62,6 65,3 67,7 69,8 71,5Nicaragua 47,9 50,4 55,2 57,6 59,3 62,4 66,6Panama 63,2 64,9 66,5 69,1 70,8 71,7 72,9Paraguay 56,6 59,6 65,6 66,0 67,4 68,7 70Pérou 48,8 51,3 55,5 57,5 60,2 63,0 66Rép.Dominic. 52,6 55,4 59,9 62,1 65,6 68,2 69,6Suriname 64,0 65,7 67,2 68,8 70,3Trinité et Tobago

- 67,1 67,1 68,6 70,4 70,9 71,6

Uruguay 68,3 68,5 68,8 69,7 70,9 72,0 72,4Venezuela 58,9 61,9 66,1 67,7 68,8 70,5 71,8

Source : CEPAL, (1997) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1996 CEPAL, (1981) Anuario Estadístico de América Latina 1980

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Tableau Nº 7 Amérique latine : pourcentage de la populatión âgée de 0 à 14 añs par pays, 1960- 1990

1960 * 1970 * 1980 ** 1990 **Pays 0-14 0-14 0-14 0-14

Argentine 30,8 29,4 27,9 29,9Bahamas - - - -Barbade - - - 25,1Bolivie 42,7 43,0 43,5 41,4Brésil 43,6 42,2 39,2 35,2Chili 39,2 36,9 32,5 30,6Colombie 46,4 46,0 39,4 36,1Costa Rica 47,3 46,0 37,9 36,2Cuba 34,3 37,0 31,3 22,8Equateur 43,4 44,4 44,4 39,5El Salvador 45,5 46,5 45,2 44,5Guatemala 46,1 45,9 44,1 45,4Guyana - - - 33,3Haïtí 39,4 41,0 43,6 40,2Honduras 46,5 48,1 47,8 44,6Jamaïque - - - 33,1Mexique 45,0 46,5 44,6 37,2Nicaragua 48,0 48,4 48,0 45,8Panama 43,0 43,9 39,8 34,9Paraguay 47,7 46,4 42,7 40,4Pérou 43,3 44,0 42,3 37,6Rép.Dominicai-ne

46,7 47,3 44,8 37,9

Suriname - - - 33,3Trinité et Tobago

- - - 34,0

Uruguay 27,9 27,9 27,0 25,8Venezuela 45,7 45,6 42,2 38,3

Total 42,3 42,4 39,9 35,9

* Source : CELADE (Stgo. de Chile 1994) Boletín Demográfico, Año XXVII, Nº 54 **Source : CEPAL, (1983) Anuario Estadístico de América Latina 1981 CEPAL, (1991) Anuario Estadístico de América Latina 1990

11

Tableau Nº 8

Amérique latine : pourcentage de la populatión âgée de 65 añs et plus, par pays, 1960- 1990

1960* 1970* 1980** 1990**Pays 65 y

más65 et plus

65 et plus

65 et plus

Argentine 5,5 6,9 8,7 9,1Bahamas - - - -Barbade - - - 11,8Bolivie 3,3 3,4 3,3 3,6Brésil 2,9 3,4 4,0 4,7Chili 4,8 5,3 5,5 6,0Colombie 3,2 3,3 3,5 4,1Costa Rica 3,3 3,2 3,7 4,2Cuba 5,1 6,1 7,3 8,5Equateur 4,7 4,2 3,5 3,8El Salvador 2,6 2,8 3,4 3,7Guatemala 2,6 2,9 2,9 3,2Guyana - - - 3,9Haïtí 5,0 4,7 3,6 4,1Honduras 2,3 2,5 2,7 3,3Jamaïque - - - 6,6Mexique 4,6 4,3 3,5 3,8Nicaragua 2,8 2,5 2,4 2,7Panama 4,4 4,3 4,2 4,8Paraguay 3,3 3,4 3,5 3,6Pérou 3,4 3,5 3,4 3,8Rép.Dominicaine 1,7 3,0 2,8 3,4Suriname - - - 4,0Trinité et Tobago - - - 5,5Uruguay 8,1 8,9 10,4 11,6Venezuela 2,5 2,9 2,8 3,7

Total 3,8 4,1 4,2 4,7

* Source : CELADE (Stgo. de Chile 1994) Boletín Demográfico, Año XXVII, Nº 54 **Source : CEPAL, (1983) Anuario Estadístico de América Latina 1981 CEPAL, (1991) Anuario Estadístico de América Latina 1990

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Tableau Nº 9Amérique latine : participatión des femmes et de la population totale à l’activité éconómique, par pays, añnées 1960-1995

1960 1970 1980 1990 1995Pays m Total m Total m Total m Total m Total

Argentine 23,2 53,5 24,5 49,2 24,1 47,1 35,4 50,5 36,7 51,4Barbade - 36,7 50,3 52,3 58,7 - - - -Bolivie - - 19,5 46,5 23,4 46,9 30,5 48,9 32,9 50,1Brésil 18,4 53,2 18,4 44,9 34,0 55,0 36,7 56,3 38,5 56,8Chili 22,7 52,8 18,1 41,2 20,4 41,3 25,4 44,9 28,7 47,0Colombie 20,3 52,6 20,2 44,5 26,2 45,3 32,4 48,7 34,7 50,3Costa Rica 17,5 53,8 16,7 44,9 19,3 46,2 23,6 48,8 26,2 49,9Cuba - - 15,9 41,9 26,7 44,0 34,2 50,8 37,4 53,8Equateur 17,6 55,0 14,0 44,1 16,9 43,1 24,4 47,6 27,6 49,4El Salvador 18,8 54,1 20,9 49,8 22,7 47,4 24,3 45,2 27,5 47,3Guatemala 13,0 52,8 11,8 44,6 12,6 42,2 17,9 44,4 20,7 45,7Guyana - - 17,1 42,3 22,3 45,9 - - - -Haïtí - - 65,5 72,7 52,6 62,7 47,6 58,8 48,4 59,0Honduras 13,7 52,8 12,3 45,4 15,7 46,2 21,0 50,0 24,3 51,1Jamaïque - - 46,9 57,3 53,1 59,3 - - - -Mexique 19,7 56,4 15,2 40,4 24,6 47,8 27,1 48,9 30,5 51,1Nicaragua 22,1 55,2 17,7 43,5 27,4 48,8 33,3 51,5 35,3 52,3Panama 24,7 56,6 26,0 50,3 24,2 44,0 28,0 47,4 31,0 49,4Paraguay 24,8 57,0 19,6 46,5 18,9 47,6 24,0 49,2 25,3 49,3Pérou 22,4 54,2 26,0 46,9 29,5 48,7 33,5 51,0 35,7 52,3Rép.Dominicaine 11,0 51,1 24,7 50,2 26,8 50,6 32,6 54,4 35,3 56,1Suriname - - 20,0 40,2 21,6 30,4 - - - -Trinité et Tobago - - 27,0 46,5 27,0 47,1 - - - -Uruguay 26,1 53,2 26,2 48,5 32,4 49,2 39,5 52,6 40,3 53,4Venezuela 20,2 55,4 17,8 41,7 22,0 44,4 28,2 48,1 31,2 49,6(*) Pourcentage de la population économiquement active âgée de 15 ans et plus par rapport au total de la population âgée de 15 ans et plus.Pourcentage de la population économiquement active âgée de 10 ans et plus par rapport au total de la population âgée de 10 ans et plus.Source : CEPAL, (1993) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1992. CEPAL, (1997) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1996

13

Pendant ce temps, la composition de la population active est elle aussi en cours de transformation . Le pourcentage de la population économiquement active employée dans le secteur aricole est en baisse constante; en 1990, le secteur primaire dans les pays plus urbanisés, comme l’Argentine et le Venezuela, ne compte qu’un peu plus d’un dizième des travailleurs. La part représentée par l’industrie (y compris la construction) demeure inchangée ou se contracte selon les pays. Le secteur tertiaire des services, en revanche, connaît une croissance non négligeable. (Tableaux 10a et 10b).

On est particulièrement préoccupé aujourd’hui par l’évolution de deux phénomènes sociaux. Le premier est l’inéquité et en particulier la pauvreté, puisque la croissance économique et la transformation sociale ont coexisté avec la pauvreté et l’indigence de vastes couches de la population. Après avoir diminué en termes relatifs, celles-ci ont tendance à augmenter en chiffres absolus ces dernières années (Graphiques 1 et 2). La lutte contre la pauvreté persistante est l’un des principaux défis que doit relever la Région.

Le second phénomène est la permanence et l’accroissement relatif du secteur informel, secteur qui n’est pas intégré à l’économie, qui comprend des travailleurs indépendants et des microentreprises, et qui se présente comme un gros employeur dans la Région. Son existence en marge des lois sociales et de la couverture des services de santé et de sécurité remet en question l’efficacité des réglementations existantes. Ce secteur économique non déclaré et ce travail «au noir» constituent une donnée très importante dans le diagnostic du monde du travail de la Région (Tableau 11).

14

Tableau Nº 10 a (1)+Amérique latine en pourcentage de la population économiquement active totale (b), par pays, années 1960-1980

Agriculture c Industrie d Pays 1960 1970 1980 1960 1970 1980

Argentine 20,6 16,0 13,0 34,0 34,3 33,8Barbade 26,4 18,2 9,9 27,1 26,0 20,8Bolivie 56,3 52,1 46,0 19,8 20,0 20,0Brésil 52,0 44,9 31,2 18,4 21,8 26,6Chili 30,0 23,2 16,5 30,0 28,7 25,2Colombie 50,1 39,3 34,2 19,5 23,3 23,5Costa Rica 51,2 42,5 30,8 18,4 20,0 23,1Cuba 36,7 30,3 23,8 23,7 26,7 28,5Equateur 58,7 50,6 38,6 18,2 20,5 19,8El Salvador 61,5 56,0 43,2 17,1 14,4 19,3Guatemala 66,5 61,2 56,9 13,5 17,1 17,1Guyana 38,0 31,9 26,8 27,3 28,5 25,8Haïtí 79,9 74,4 70,0 6,4 7,1 8,2Honduras 70,3 64,9 60,5 10,6 14,1 16,2Jamaïque 41,5 33,2 31,3 21,7 18,1 16,4Mexique 55,1 44,1 36,6 19,5 24,3 29,0Nicaragua 61,8 51,5 46,5 16,0 15,5 15,8Panama 51,0 41,6 31,8 14,0 17,6 18,2Paraguay 56,5 52,6 48,6 19,1 20,2 20,6Pérou 52,3 47,1 40,0 20,1 17,6 18,3Rép.Dominicaine 63,7 54,7 45,7 12,8 14,2 15,5Suriname 29,9 24,8 19,9 22,1 20,9 19,8Trinité etTobago 21,7 18,6 10,2 34,4 35,2 38,6Uruguay 21,3 18,6 18,0 28,9 29,1 29,0Venezuela 33,3 26,0 16,1 22,5 24,8 28,4Total 47,9 40,9 32,1 20,9 23,1 25,7Source : CEPAL, (1997) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe1996a. Conformément au CIIU Rév. 1 b. Se rapport à la population économiquement active âgée de 10 ans et plusc. Y compris (0) l’agriculture, la sylviculture, la chasse et la pêched . Y compris (1) l’exploitation des mines et des carrières, (2-3) les industries manufacturières, (4) la construction (5) l’électricité, le gaz, l’eau et les services sanitaires(1) Aux tableaux 10 a et 10 b, les données correspondant à certains pays ne coïncident pas en raison des différentes méthodes de calcul appliquées par leurs sources, la CEPAL dans le premier cas et la Banque mondiale dans le second cas.

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Tableau Nº 10 b (1)

Amérique latine: structure de la population économiquement active dans les secteurs agricole et industriel en pourcentage de la population économiquement active totale, par pays, années 1980-1990.

* Agriculture % ** Industrie %1980 1990 1980 1990

Argentine 13 12 34 32Bolivie 53 47 18 18Brésil 37 23 24 23Chili 21 19 25 25Colombie 40 27 21 23Costa Rica 35 26 23 27Equateur 40 33 20 19El Salvador 43 36 19 21Guatemala 54 52 19 17Haïti 71 68 8 9Honduras 57 41 15 20Jamaïque 31 25 16 23Mexique 36 28 29 24Nicaragua 39 28 24 26Panama 29 26 19 16Paraguay 35 39 20 22Pérou 40 36 18 18Rép.Dominicaine 32 25 24 29Trinité et Tobago 11 11 39 31Uruguay 17 14 28 27Venezuela 15 12 28 27* Y compris la culture de la terre, les activités forestières, la chasse et la pêche; ** Y compris l’exploitation des mines, l’industrie manufacturière, la contruction, l’électricité, le gaz et l’eau.Source : BANQUE MONDIALE (1996) Rapport sur le développement dans le monde 1996 'De l’économie planifiée à l’économie de marché

(1) Aux tableaux 10 a et 10 b, les données correspondant à certains pays ne coïncident pas en raison des différentes méthodes de calcul appliquées par leurs sources, la CEPAL dans le premier cas et la Banque mondiale dans le second cas.

16

Graphique Nº 1

Pauvreté en Amérique latine en pourcentage de la population, entre 1950 et 1995

% de la population

Source : LA BANQE MONDIALE, (Washington D.C.1996), Poverty, Inequality, and Human Capital Development in Latin America, 1950-2025. Word Bank Latin American and Caribbean Studies.

17

Graphique 2

Pauvreté en Amérique latine en millions de personnes entre 1950-1995, en chiffres absolus.

Millionsde personnes Chiffres absolus

Source : LA BANQUE MONDIALE, (Washington, D.C.1996), Poverty, Inequality, and Human Capital Development in Latin America, 1950-2025. Word Bank Latin American and Caribbean Studies.

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Tableau Nº 11 Amérique latine : structure de l’emploi non agricole. Secteur informel, années 1990/95Travailleurs indépendants (a) et petites entreprises (b)

Pays 1990 1995Argentine 39,6 45,7Bahamas - -Barbade - -Bolivie 50,5 58,2Brésil 44,3 48,2Chili 41,9 44,7Colombie 49,8 51,5Costa Rica 36,5 39,6Cuba - -Equateur 45,5 47,6El Salvador - -Guatemala - -Guyana - -Haïtí - -Honduras 47,1 49,1Jamaïque - -Mexico 49,9 54,0Nicaragua - -Panama 33,2 33,7Paraguay 50,6 55,0Pérou 46,7 49,0Rép.Dominicaine - -Suriname - -Trinité et Tobago - -Uruguay 30,3 31,8Venezuela 34,7 44,7Amérique latine 44,9 48,0

Source : OIT (1996) Informa OIT América Latina y el Caribe, Panorama Laboral ‘94, Nº 3.(a) Y compris les travailleurs indépendants (à l’exception des employés de bureau, des professionnels et des techniciens) Etles travailleursfaisant partie de la famille.(b) Correspondant à des établissements qui emploient moins de 5 à 10 travailleurs,Selon l’information disponible.

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Les indicateurs éducatifs

Un dernier ensemble de variables qui contribue à la compréhension de l’évolution de la situation sur le marché du travail de la Région, et donc des besoins de formation, concerne l’éducation. Les niveaux d’instruction de la population sont utiles pour expliquer le diagnostic socio-économique susmentionné, puisque l’éducation est un indicateur du capital humain de chaque pays et, partant, de sa capacité de contribuer au processus de développement. En conséquence, si la distribution de l’éducation entre les habitants est très inégale, il se crée de fait des noyaux de population qui auront difficilement accès à l’emploi productif et auront, de toute évidence, du mal à sortir de la pauvreté.

En ce qui concerne la couverture du système d’enseignement, elle s’est sensiblement étendue pendant la période considérée : aujourd’hui l’accès de la population à l’école primaire est assuré dans la quasi-totalité des pays comme en témoignent les taux bruts d’inscription (Tableau 12). Cependant, cet accès n’implique pas que les élèves continuent leurs études, puisqu’environ la moitié d’entre eux ne termine pas leurs études primaires dans les délais prévus, et les redoublements et les abandons scolaires restent à des niveaux élevés (Carnoy et Castro, 1996; Puryear, 1997).

Sur l’ensemble de la population, environ la moitié seulement des personnes du groupe d’âge interessé ne font des études secondaires, bien que dans les pays où l’enseignement a commencé à se développer plus tôt les trois quarts fréquentent l’école secondaire (Tableau13). Au niveau supérieur, le taux d’inscription pour le groupe d’âge concerné est supérieur à 10 % dans un grand nombre de pays (Tableau 14).

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Tableau Nº 12Amérique latine : taux bruts d’inscription dans l’enseignement primaire, par pays, années 1960-1990

Pays 1960 1970 1980 1990Argentine 6-12 102,0 6-12 113,6 111,3 (*)107,6Barbade 5-10 - 5-10 108,0 100,0 (*)106Bolivie 7-12 70,0 6-13 77,9 76,5 94,7Brésil 7-10 97,0 7-14 78,9 97,8 106,2Chili 7-12 109,0 6-13 104,3 112,9 100,7Colombie 7-11 76,0 6-10 103,1 107,4 111,6Costa Rica 7-12 97,0 6-11 a 109,7 106,7 101,7Cuba 6-11 110,0 6-11 123,1 105,8 97,7Equateur 6-11 82,0 6-11 b 102,4 117,5 116,3El Salvador 7-12 80,0 7-15 61,6 74,4 c 81,1 Guatemala 7-12 46,0 7-12 60,3 72,8 (*) 78,9Guyana 6-11 107,0 6-11 99,0 95,0 -Haïtí 7-12 44 7-12 45,9 70,6 81,1Honduras 7-12 68 6-11 86,5 98,3 106,5Jamaïque 6-10 92,0 6-11 119,0 99,0 -Mexique 6-11 80,0 6-11 106,6 120,8 113,9Nicaragua 7-12 58,0 7-12 98,0 100,7 100,7Panama 7-12 94,0 6-11 101,4 106,5 106,2Paraguay 6-11 97,0 7-12 110,3 105,6 105,4Pérou 6-11 88,0 6-11 106,6 113,7 120,9Rép.Dominicaine 7-12 95,7 7-12 98,4 117,6 -Suriname 6-11 - 6-11 131,0 125,0 -Trinité et Tobago 5-11 88,0 5-11 107,0 98,0 -Uruguay 6-11 113,0 6-11 112,1 107,0 108,3Venezuela 7-12 109,0 7-12 97,3 110,1 141,7Source : CEPAL, (1981) Anuario Estadístico de América Latina 1980; CEPAL, (1989) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1988; CEPAL, (1997) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1996;a. Enseignement public seulement; b. Non compris les écoles donnant des cours du soir;c. Y compris la maternelle; (*) 1991;

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Tableau Nº 13Amérique latine : taux bruts d’inscription dans l’enseignement secondaire, par pays, années 1960-1990

Pays 1960 1970 1980 1990Argentine 13-17 32,0 13-17 44,6 56,2 (*)72,5Barbade 11-16 44,0 12-18 71,0 85,0Bolivie 13-18 13,0 14-17 24,5 36,7 36,6Brésil 11-17 11,0 15-17 15,6 33,4 38,0Chili 13-18 24,0 14-17 38,6 61,4 77,5Colombie 12-17 12,0 11-16 23,5 33,7 55,7Costa Rica 13-17 21,0 12-16 35 a 60,6 49,5Cuba 12-17 14,0 12-17 30,3 80,7 88,9Equateur 12-17 12,0 12-17 26,2 52,9 55,7El Salvador 13-18 11,0 16-18 38,5 24,5 c 24,7Guatemala 13-17 7,0 13-18 10,4 c 16,8 (*)22,7Guyana 12-17 40,0 12-17 56,0 59,0Haïtí 13-19 4,0 13-18 5,5 13,9 20,7Honduras 13-17 7,0 13-17 b 13,4 30,0 33,7Jamaïque 12-18 46,0 11-17 46,0 58,0 -Mexique 12-17 11,0 12-17 22,5 49,1 54,1Nicaragua 13-17 7,0 13-17 20,9 42,6 41,4Panama 13-18 29,0 12-17 38,7 61,2 62,6Paraguay 12-17 11,0 13-18 15,9 27,4 30,9Pérou 12-16 16,0 12-16 a 36,2 63,8 75,4Rép.Dominicaine 13-18 7,3 13-18 20,1 41,5 -Suriname 12-17 - 12-17 43,0 35,0 -Trinité et Tobago 12-16 26,0 12-16 42 69,9 -Uruguay 12-17 37,0 12-17 60,9 58,9 81,0Venezuela 13-17 21,0 13-18 29,1 39,6 11,5Source : CEPAL, (1981) Anuario Estadístico de América Latina 1980 CEPAL, (1989) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1988 CEPAL, (1997) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1996a. Non compris l’enseignement normalb. Y compris les étudiants à temps partielc. Seulement les étudiants recevant un enseignement général(*) 1991

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Tableau Nº 14Amérique latine : taux bruts d’inscription dans l’ensignement supérieur, par pays, années 1960-1990

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Pays 1960 1970 1980 1990Argentine 10,7 14,9 22,2 -Barbade 0,8 4,0 15,6 -Bolivie 4,2 9,3 16,5 -Brésil 1,5 5,2 12,0 11,0Chili 4,2 9,5 10,8 19,8Colombie 1,8 4,6 10,2 14,0Costa Rica 4,8 8,7 23,2 26,5Cuba 3,1 4,9 b 20,5 20,9Equateur a 2,6 8,1 37,2 21,1El Salvador 1,1 3,1 4,3 15,5Guatemala 1,6 3,8 8,4 -Guyana - 2,0 2,6 -Haïtí 0,4 0,4 0,8 -Honduras 1,0 2,3 8,4 8,60Jamaïque 1,7 5,5 6,4 -Mexique 2,6 6,0 14,9 13,9Nicaragua 1,2 5,5 14,1 c 6,6Panama 4,5 7,0 22,5 22,1Paraguay 2,4 4,6 8,8 7,6Pérou 3,6 9,9 19,8 26,6Rép.Dominicaine 1,3 - - -Suriname - 1,3 7,0 -Trinité et Tobago 0,8 2,9 4,6 -Uruguay 7,6 10,0 16,1 -Venezuela 4,4 11,0 21,4 29,6Source : CEPAL 1988, CEPAL 1996a. Education supérieure, universitaire et para universitaire publique et privéeb. Non compris l’Université catholiquec. Université seuleument

Si l’on passe de la couverture du système d’enseignement aux niveaux d’instruction de la population en général, on observe que pendant chaque décennie la situation s’améliore, ce qui est dû manifestement au fait que les nouvelles générations sont plus instruites que les précédentes. Bien que dans

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la population totale on enregistre des niveaux décroissants d’analphabétisme, il existe une grande disparité entre les pays; tandis que dans certains le taux d’analphabétisme n’atteint que 5 %, dans d’autres, il s’élève à plus de 40 % (Tableau 15). Malgré l’augmentation des niveaux d’instruction de la population totale entre 1970 et 1990, si l’on établit une distinction entre ceux qui ont fini ou non leurs études primaires et ceux que ont suivi un minimum de quelques années d’enseignement secondaire, on peut imaginer la situation actuelle concernant les qualifications de base de l’offre de main-d’oeuvre. Dans la totalité des pays, la majorité de la population n’a fréquenté que les écoles primaires, une bonne partie n’ayant pas même terminé le premier cycle. Si l’on tient compte du fait que, d’après les ouvrages spécialisés actuels, il faut au moins neuf ans d’éducation de base pour maîtriser les compétences générales permettant d’être employable, ces niveaux d’instruction sont nettement insuffisants (Tableau 16).

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Tableau Nº 15 Amérique latine : population analphabète âgée de 15 ans et plus, par pays, années 1960-1990

Pays 1960 1970 1980 1990Argentine 8,6 7,4 6,10 b 4,0Barbade 1,8 a c 0,7 a c 0,5 -Bolivie 61,2 36,8 - d 20,6 Brésil 39,4 33,8 25,50 18,9Chili 16,4 11,0 8,90 d 5,7Colombie 27,1 19,2 e 12,2 13,3Costa Rica 15,6 11,6 7,40 7,2Cuba - - f 2,2 6,0Equateur 32,5 25,8 16,50 d 11,7 El Salvador 51,0 i 42,9 a 32,7 27,0Guatemala 62 54,0 44,20 44,9Guyana 12,9 j a c 8,4 - 3,6Haïtí 85,5 78,7 68,10 53,1Honduras 52,7 43,1 - 26,9Jamaïque 18,1 a c 39,0 - 16,0Mexique 34,6 25,8 16,00 d 12,4 Nicaragua 50,4 42,5 -Panama 26,7 18,7 12,90 d 11,2 Paraguay 25,4 c 19,9 12,30 d 9,7Pérou k 38,9 27,5 18,10 d 12,8 Rép.Dominicaine 35,5 33,0 g h 31,4 16,7Suriname - - g 35 5,1Trinité etTobago a 6,6 7,8 5,10 -Uruguay 9,5 6,1 5,00 3,8Venezuela 34,8 23,5 15,30 d 10,2

Source : CEPAL, (1981) Anuario Estadístico de América Latina 1980 CEPAL, (1997) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1996 a. Estimation de l’UNESCO b. Information provenant du Recensement de 1991 c. Les personnes sans scolarité sont considérées comme analphabètes d. Information provenant du Recensement de 1990e. Population âgée de 10 ans et plus f. Population âgée de 10 à 49 ans g. Non compris la population autochtone qui vit dans la forêth. Population âgée de 5 ans et plus i. Y compris les personnes dont l’analphabétisme est méconnu j. Les personnes sans instruction sont considérées comme des analphabètes k. L’échantillon de 15 % du Recensement de 1960 comprend 455.000 aborígènes

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Tableau Nº 16

Amérique latine : niveau máximum d’instructión de la population totale (25 ans et plus) par pays au cours de différentes années.

Primaire et moins Secondaire incomplet et plus

Pays 1950-1970 1980-1992 1950-1970 1980-1992Argentine 1960 85,4 1991 62,6 1960 14,6 1991 37,3Barbade *** 1960 83,2 1980 64,3 1960 16,8 1980 35,6Bolivie 1950 94,3 1992 50,5 1950 5,8 1992 -Brésil 1950 95,1 1989 *82,6 1950 4,9 1989 *17,4Chili 1960 75,6 1982 66,0 1960 24,5 1982 34,1Colombie 1951 91,7 - - 1951 8,4 - -Costa Rica 1963 89,3 - - 1963 10,7 - -Cuba 1953 94,4 1981 53,9 1953 5,6 1981 46,1Equateur 1962 91,5 1990 45,4 1962 8,5 1990 35,3El Salvador 1961 95,0 1980 91,4 1961 5,1 1980 8,5Guatemala 1964 95,8 1981 **90,9 1964 4,2 1981 **9,1Guyana 1960 ***89,0 1980 81,0 1960 13,9 1980 19,1Haïtí 1950 97,4 1986 90,0 1950 2,6 1986 10,0Honduras 1961 95,8 1983 84,8 1961 7,1 1983 15,2Jamaïque 1960 94,1 1982 83,0 1960 6,0 1982 17,0Mexique 1960 94,3 1990 67,3 1960 5,7 1990 32,6Nicaragua ** 1963 95,1 - - 1963 7,9 - -Panama 1960 82,1 1990 54,5 1960 18,0 1990 45,5Paraguay 1962 91,8 1982 80,7 1962 8,1 1982 19,4Pérou 1961 87,7 1981 64,6 1961 12,3 1981 31,5Rép.Dominicaine - - - -Suriname - - - -Trinité et Tobago 1970 86,2 1980 73,3 1970 13,8 1980 26,6Uruguay 1963 84,3 1985 62,7 1963 15,7 1985 37,3Venezuela 1961 93,2 1990 76,2 1961 6,8 1990 23,8* Correspond aux groupes d’âge 10 ans et plus. Non compris la population rurale du Nord du Brésil** Correspond aux groupes d’âge de 10 ans et plus.*** Correspond aux groupes d’âge de 15 ans et plus

Source : UNESCO, (1995) Anuario Estadístico ‘95; UNESCO, (1977) Anuario Estadístico 1976

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Conclusions sur l’évolution socio-économique de la Région

Les analyses de l’évolution socio-économique de la Région montrent l’importance du choc pétrolier et de son prolongement dans la crise de l’endettement extérieur et l’ajustement structurel qui a suivi. Les effets conjugués du choc pétrolier et de la crise de l’endettement d’une part et de la globalisation de l’économie d’autre part se manifestent dans l’accroissement des échanges commerciaux (Tableau 17) et impliquent la fin du processus de substitution des importations. Celui-ci s’arrête dans les années soixante-dix et, bien que le marché intérieur continue d’être très important, ce sont les secteurs plus intégrés à la globalisation qui deviennent le moteur de la croissance. La période d’ajustement structurel coïncide avec ce que l’on a appelé la «décade perdue», et les années 80 témoignent d’un ralentissement de la croissance économique des pays de la Région. On établit ainsi une distinction entre deux processus : l’industrialisation initiale due à la substitution des importations, et la relance centrée sur la modernisation et la compétitivité de l’industrie au niveau international, qui a commencé plus tôt dans certain pays comme au Chili, que dans les autres. Cette relance se trouve sous le signe de la globalisation de l’économie et la constitution de blocs de commerce supranationaux, en particulier le MERCOSUR et l’ALENA. L’impulsion donnée aux exportations dans le nouveau contexte mondial crée une nouvelle division du travail entre les pays : la production fait appel à des méthodes plus développées dans différents pays et elle est destinée soit aux marchés régionaux soit au marché mondial; l’industrie des machines-outils gagne en importance; et les complexes de production, y compris les complexes traditionnels comme la construction automobile, s'intègrent aux entreprises de différents pays et de diverses tailles.

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Tableau Nº 17

Amérique latine : valeur c.à.f. des exportations et des importations de biens par pays, années 1960-1995.

Valeur c.à.f. des exportations de biens Valeur c.à.f. des importations de biens

Exportations aux prix courants, milliers de dollars EU

Importations aux prix courants; milliers de dollars EU

Pays 1960 1970 1980 1990 1995 1960 1970 1980Argentine 1.079,0 1.773,0 8.021,0 12.354,0 20.969,0 1.106,0 1.499,0 9.394,0Bahamas - - 5.006,2 1.226,3 - - - 5.467,4Barbade 20,4 35,7 227,6 213,1 - 40,6 106,9 480,8Bolivie 54,2 190,4 942,2 830,8 1.041,5 68,2 135,2 574,4Brésil 1.270,0 2.739,0 20.132,0 31.408,0 46.506,0 1.293,0 2.507,0 22.955,0Chili 480,0 1.113,0 4.705,0 8.372,0 16.038,6 472,3 867,0 5.469,0Colombie 480,2 788,0 3.986,0 7.079,0 10.395,6 496,4 802,0 4.283,0Costa Rica 87,0 231,0 1.009,0 1.354,2 2.750,0 98,9 286,8 1.375,2Cuba - - - - - - - -Equateur 146,3 234,9 2.520,0 2.714,0 4.358,0 109,8 249,6 2.242,0El Salvador 102,6 236,1 1.075,3 643,9 1.661,0 111,5 194,7 897,0Guatemala 115,9 297,1 1.519,8 1.211,4 1.989,0 124,8 266,6 1.472,6Guyana 74,8 129,0 388,9 - - 77,5 119,9 386,4Haïtí 38,1 39,1 215,8 265,8 153,0 43,4 41,9 319,0Honduras 63,1 178,2 860,1 895,2 1.162,0 64,1 203,4 954,1Jamaïque 164,6 341,4 962,7 1.190,6 - 187,6 449,0 1.038,2Mexique 779,5 1.348,0 18.032,0 40.711,0 79.541,6 1.131,0 2.236,0 21.087,0Nicaragua 63,8 178,6 450,4 332,4 529,0 56,4 178,6 802,9Panama 39,0 130,3 2.529,1 3.357,6 6.070,0 108,7 331,0 2.869,3Paraguay 37,3 65,3 400,3 1.382,3 1.995,7 44,7 76,6 675,3Pérou 444,4 1.034,0 3.916,0 3.324,0 5.572,0 326,6 699,0 3.090,0Rép.Dominicaine 157,4 214,0 961,9 734,5 743,0 90,3 278,0 1.519,7Suriname 136,6 514,4 465,9 - - 104,1 454,0Trinité et Tobago 160,0 225,3 2.728,3 1.960,1 - 133,8 276,2 1.789,1Uruguay 129,4 224,1 1.058,5 1.692,9 2.116,6 187,9 203,1 1.668,2Venezuela 2.383,9 2.602,0 19.275,0 17.623,0 18.487,0 1.145,4 1.713,0 10.877,0Total * 8.371,1 13.616,1 91.600,3 136.286,0 222.078,6 7.518,9 12.768,5 92.524,7Source : CEPAL, (1983) Anuario Estadístico de América Latina 1981; C|EPAL, (1993) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe1992. CEPAL, (1997) Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe 1996* Se rapporte aux 17 pays de langue hispanique plus le Brésil et Haïti.

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Étant donné la grande hétérogénéité susmentionnée entre et dans les pays, les avantages de la transformation ne s’accompagnent pas d’une augmentation de l’équité. La recherche de meilleures opportunités pour toutes les populations devient alors un enjeu d’une importance de plus en plus cruciale.

L’accroissement de la compétitivité est capital au niveau des entreprises et des systèmes de production dans chaque pays. Certaines composantes clés de cette recherche de compétitivité sont les suivantes : l’introduction de l’innovation technologique, la qualité en tant que qualité globale et pas simplement en tant que contrôle des résultats à la fin du processus de production et la diminution des coûts de production (“lean production”). Toutes entraînent des conséquences pour l’organisation du travail, l’administration du personnel et la demande de qualifications. Ces thèmes font l’objet d’un examen plus détaillé dans le chapitre ayant trait aux nouveaux scénarios et enjeux de la formation professionnelle.

Les institutions de formation professionnelle

La structure du modèle latino-américain de formation au travail est un "mix" d’éducation de base donnée dans le cadre du système d’enseignement de type scolaire, dont on espérait que bénéficierait toute la population du groupe d’âge intéressé; d’enseignement technique représentant une branche des études secondaires et consacré à la formation des cadres moyens de l’industrie; et de formation professionnelle semi-formelle offerte en dehors du système d’enseignement traditionnel et visant à former des ouvriers qualifiés et du personnel de supervision.

Il existe des variations entre les pays quant à la couverture de l’éducation de base, à la couverture et à la qualité de l’enseignement technique ainsi qu’à l’organisation et à l’importance de la formation professionnelle (FP).

La formation professionnelle était destinée de préférence à ceux qui abandonnaient prématurément l’enseignement de type scolaire. Ceux qui restaient dans le système scolaire et cherchaient à obtenir un certificat d’aptitude professionnelle à la fin de leurs études secondaires allaient rejoindre le grand nombre des élèves de l’enseignement technique professionnel (Middleton et al, 1993). Enfin, ceux qui poursuivaient des études de troisième cycle pouvaient choisir des carrières professionnelles et des spécialisations en science et en technologie.

La formation professionnelle proprement dite, qui est l’objet du présent document, relevait dans la majorité des cas des ministères du travail et était

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orientée vers la formation initiale au travail (apprentissage) et la formation des travailleurs en activité.

La forme d’organisation choisie par la majorité des pays de la Région pour mettre en oeuvre ce type de formation a été celle des Institutions nationales de formation professionnelle (IFP). Celles-ci ont été conçues en tant qu’entités de formation non formelle, indépendantes des systèmes structurés d’éducation, dotées d’une autonomie administrative et financées au moyen du produit des impôts sur les salaires.

Leur base méthodologique est constituée par l’analyse des professions et les séries de méthodes qui permettent de planifier la formation des divers groupes de professions. Les étapes de ce processus peuvent se résumer de la façon suivante : 1) diagnostic, quantitatif et qualitatif, du marché du travail devant permettre de connaître la demande des différents secteurs et le type de main-d’oeuvre recherchée; 2) analyse des professions dans laquelle on examine un domaine ou groupe de professions (la liste des professions d’un même groupe est établie a posteriori, sur la base de l’analyse des postes de travail existant dans la réalité des entreprises; 3) définition des profils professionnels, fondée sur les résultats obtenus de l’analyse des professions qui doivent correspondre aux profils demandés par le marché du travail et être vérifiés périodiquement pour être adaptés à l’évolution technologique; 4) modulation professionnelle qui identifie les professions d’un secteur du marché du travail au moyen des blocs de tâches, d’opérations et de connaissances nécessaires à cet effet; 5) itinéraire de formation professionnelle, qui est la représentation graphique des professions dans un segment du marché du travail classées par ordre croissant de complexité en termes d’apprentissage, pour la qualification professionnelle par étapes (Leitune Kalil, 1983). C’est sur ce processus que sont fondés la création et le maintien des divers cours de formation qui sont dispensés dans les centres de formation pour une durée variable mais moins longue que celle des cours de l’enseignement technique formel dont ils sont indépendants. La formation professionnelle a pour objectif de former des ouvriers qualifiés et elle s’adresse à des travailleurs qui sont déjà employés dans des entreprises, ou à des adolescents, c’est-à-dire dans les deux cas à des personnes ayant un faible degré d’instruction.

Histoire des institutions de formation professionnelle

Au début des années 40, le Service national d’apprentissage industriel (SENAI) a été créé au Brésil. Avec le Service national d’apprentissage commercial (SENAC), créé quelques années plus tard (1946), ces deux institutions sont devenues les chefs de file de la formation professionnelle. Bien qu’elles soient financées par des fonds publics provenant de l’impôt sur les salaires du secteur concerné, leur administration a été confiée à des

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associations patronales, dans le cas du SENAI à la Confédération de l’industrie. Les chefs d’entreprise ont donc pris une responsabilité directe dans l’élaboration et l’application des politiques relatives à la formation professionnelle.

La tradition du système dualiste à São Paulo a permis au SENAI de concevoir la méthodologie susmentionnée; une organisation décentralisée s’est ainsi développée dans les différentes régions du Brésil, qui dans le cas de São Paulo est allée de pair avec la croissance d’un centre industriel gigantesque. Après avoir été expérimenté et établi, ce système a été appliqué dans d’autres pays de la Région. Cependant, la forme institutionnelle initiale a été modifiée, car dans aucun autre pays la gestion des IFP n’a été confiée aux chefs d’entreprise. En revanche, l’Etat s’en est chargé par l’intermédiaire d’institutions autonomes avec la participation des syndicats et des chefs d’entreprise, assurant ainsi une gestion tripartite, du moins officiellement.

A la fin des années 50 et au cours des décennies suivantes, les IFP font leur apparition dans la plupart des pays; leur insertion dans les ministères du travail s’explique par une décision de les associer à des politiques du travail définies et explicites. Toute une série d’institutions nationales a alors été créée : le SENA, 1957 (Colombie); l’INCE, 1959 (Venezuela); le SENATI, 1961 (Pérou); l’INA, 1963 (Costa Rica); l’INACAP, 1966 (Chili) et le SECAP, 1966 (Equateur). Au début des années 70, la dernière série de nouvelles institutions est apparue : le SNPP, 1971 (Paraguay); l’INFOP, 1972 (Honduras); la FOMO, 1972 (Bolivie); l’INTECAP, 1972 (Guatemala); et l’IFARHU, 1973 (Panama) (CINTERFOR, 1990). Le CONET (Argentine) et l’UTU (Uruguay) ne figurent pas sur cette liste, car l’enseignement technique scolaire a toujours été prédominant dans ces établissements. A la différence des autres pays, le Mexique n’a pas créé d’institution nationale de formation professionnelle.

La coopération internationale a joué un rôle décisif dans la diffusion du modèle d’organisation et de la méthodologie des IFP, par l’intermédiaire de l’OIT et en particulier de CINTERFOR, organisme d’assistance technique et de coopération spécialisé dans la formation professionnelle régionale.

Le modèle des IFP latino-américaines, dénommé par Castro (1995) "S et I" qui sont les initiales prédominantes de ses institutions, a connu un très grand succès au début, parvenant à satisfaire aux demandes croissantes de la production. Etant donné que leurs fonds provenaient des impôts sur les salaires dans l’industrie et que la main-d’oeuvre augmentait dans ce secteur, ces institutions disposaient d’un volume énorme de ressources.

Dès le début, elles ont eu tendance à répondre davantage aux besoins des grandes entreprises, qui pouvaient mieux formuler leurs demandes et

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avaient un plus grand pouvoir de pression, qu’à ceux des petites entreprises ou du secteur informel, plus atomisés et moins à même de formuler leurs programmes. Cependant, les petites entreprises et le secteur informel ont progressivement employé des effectifs de plus en plus nombreux et ils emploient aujourd’hui la majorité de la population économiquement active.

Par ailleurs, les IFP ont mis en place des structures administratives importantes qui ont détourné des fonds des tâches spécifiques de formation. De même, en raison de l’influence exercée par l’Etat qui les finançait, leur présence à des fins politiques dans des régions isolées et l’attention qu’elles portaient à des clientèles déterminées les ont écartées de la demande du secteur professionnel. Les entreprises ont alors créé des structures parallèles de formation.

A titre d’exemple, trois cas, qui diffèrent de la majorité, méritent une attention particulière : le SENA, le SENAI et le SENAC. Ces institutions, les plus importantes de la Région par le nombre de participants aux cours, ont pris des moyens divers pour s’adapter aux temps modernes. Le SENA a commencé à appliquer, à titre expérimental, différentes stratégies, a essayé de s’adapter au secteur des services et au secteur informel, s’est consacré aussi à la formation des cadres au développement local et s’est établi jusque dans les zones rurales. Pour toutes ces raisons, le programme de formation industrielle n’a pas été actualisé de façon appropriée; cet état de choses explique un grand nombre des remises en question actuelles de l’institution. Le SENAI, en revanche, peut-être en raison de sa subordination directe aux entreprises et de son appartenance à une industrie dont le niveau de modernisation était élevé, a poursuivi la mise à jour de sa formation professionnelle, mais il a eu tendance à se concentrer sur les processus technologiques de pointe et le service des grandes entreprises. Ainsi, cette institution est passée aux tout premiers rangs non seulement dans le domaine de la formation, mais aussi des services technologiques, tout en étant pourvoyeuse de formation à l’intention d’une élite d’employés du secteur industriel dont est exclue une grande partie de la population active en mal de formation. Bien qu’il dépende aussi des chefs d’entreprise, le SENAC n’est pas dirigé par une organisation aussi puissante que la Fédération industrielle. Lorsqu’il a été menacé de passer aux mains de l’Etat, c’est-à-dire vers 1988, il a compris que la meilleure façon d’obtenir une certaine autonomie était de faire payer ses services. Cette politique lui a permis d’accroître son indépendance et d’orienter ses cours vers la réalité du marché du travail (Castro, 1995a).

L’évolution du nombre des inscriptions dans les IFP montre que, malgré les critiques, elles continuent de toucher un très grand nombre de personnes dans la Région. Environ cinq millions d’habitants ont suivi leurs cours en 1993. Plus de la moitié d’entre eux ont reçu une formation pour le secteur

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secondaire de l’économie et seulement cinq pour cent pour le secteur informel. Quelque 90 pour cent des bénéficiaires étaient du personnel d’exécution. La proportion des hommes était comparable à celle des femmes, mais les femmes participaient généralement aux cours du secteur tertiaire de l’économie (Tableau 18).

La diversité entre les IFP est très grande. Le total des inscriptions dans les trois institutions (SENA, SENAI et SENAC) comprend environ 85 pour cent des bénéficiaires de la Région. L’institution principale accueille plus de deux millions de travailleurs, tandis que la plus petite seulement 10.000 (Tableau 19)7.

7 ? Cette description des IFP ne couvre que la formation professionnelle des pays latino-américains. Dans la Caraïbe, des institutions de formation professionnelle ont été créées et continuent d’exister; elles s’inspirent du modèle traditionnel anglais et mettent l’accent sur l’enseignement professionnel formel; leur évolution mérite d’être analysée séparément (UNESCO, 1995).

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Tableau Nº 18

Amérique latine : institutions de formation professionnelle recettes monétaires; nombre total des inscrits, nombre de participants par secteur économique, par niveau, par sexe et nombre de femmes inscrites par secteur économique. Années 1989 - 1993

PERIODENº d’IFP VARIABLES 1989 1990 1991 1992 1993

13 Recettes monétaires

(milliers de dollars EU) 444.543 562.212 482.001 521.750 567.621

13 Nombre total des inscrits 3.691.894

3.802.146 4.102.779 4.661.275

4.932.023

Primaire 322.307 277.211 315.010 322.644 290.20613 Nombre des

participants inscritsSecondaire 1.532.45

51.512.186 1.795.891 2.181.01

22.532.64

9par secteur éconóm. Terciaire 1.630.65

61.726.478 1.779.849 1.786.07

11.850.17

5Non struct. 206.455 286.271 248.594 311.379 253.009

Pers.exécu. 3.089.909

3.201.179 2.977.652 3.050.236

4.337.337

13 Nombre des participants inscrits par.

Pers.superv. 183.001 169.419 140.726 155.903 154.288

Niveau Pers.téchn. 70.630 69.976 93.265 192.371 179.777Pers.de direc.

129.222 100.097 79.923 89.345 103.852

11 Nombre des participants inscrits

Hommes 1.274.676

1.302.781 1.214.987 1.336.695

1.307.414

par sexe Femmes 1.207.326

1.338.539 1.241.364 1.462.070

1.384.354

Primaire 85.067 90.032 94.632 102.715 97.18211 Nombre des femmes

inscrites parSecondaire 85.283 99.624 99.160 104.405 98.843

secteur éconóm. Tertiaire 965.383 1.007.004 895.705 1.047.960

992.305

Non struct. 71.593 141.879 151.867 206.990 196.024Source : CINTERFOR (1995) Anuario estadístico de la formación profesional en América Latina 1993.

Note : les 13 IFP prises en compte sont : SENAC, SENAI, SENA, INA, SECAP, INTECAP, INFOP, ICIC, SINACAP/INATEC, INAFORP, SENATI, SENCICO et INFOTEPN’ayant pas fourni les informations nécessaires, le SENAI et le SENCICO

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ont été exclus des variables relatives à la répartition des inscriptions par sexe et au nombre des femmes inscrites par secteur économique.

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Tableau Nº 19

Amérique latine : formation professionelle. Nombre des participants inscrits par niveau.1993 *

PAYS IFP Personnel Personnel de

Person. Personnel de

Autres

d’exécution supervision techni. direction Sans précision

TOTAL

BRESIL SENAC 1.372.263 1.372.263SENAI 1.822.152 135.814 158.683 83.818 23.515 2.223.982

COLOMBIE SENA 800.741 5.637 806.378COSTA RICA INA 50.008 3.455 4.025 57.488EQUATEUR SECAP 33.557 659 48 77.598 111.862GUATEMALA INTECAP 37.561 37.561HONDURAS INFOP 31.739 671 1.806 34.216MÉXIQUE DGCFT 336.298 336.298

ICIC 58.048 4.005 11.618 13.129 12.071 98.871NICARAGUA INATEC 49.170 49.170PANÁMA INAFORP 9.772 1.765 891 12.428PARAGUAY SNPP 10.041 10.041PEROÚ SENATI 30.088 4.071 1.639 3.608 1.747 41.153

SENCICO 5.357 2.161 1.037 7.718 16.273REP.DOMIN. INFOTEP 36.881 4.519 1.589 389 43.378TOTAL 4.673.635 154.288 179.786 103.852 139.801 5.251.362

Source : CINTERFOR (1995) Anuario estadístico de la formación profesional en América Latina 1993

SENAC : Service national d’apprentissage commercial SENAI : Service national d’apprentissage industrielSENA : Service national d’apprentissageINA : Institut national d’apprentissageSECAP : Service équatorien de formation professionnelleINTECAP : Institut technique de formation et productivitéINFOP : Institut national de formation professionnelle DGCFT : Direction général des Centres de formation pour le travailICIC : Institut de formation de l’industrie de la constructionINATEC : Institut national tecnologiqueINAFORP : Institut national de formation professionnelleSNPP : Service national de promotion professionnelle.SENATI : Service national d’instruction pour le travail industrielSENCICO : Servicio national de formation pour l’industrie de la constructionINFOTEP : Institut de formation technique professionnelle* Ce tableau est différent du tableau précédent en ceci qu’il prend en compte un plus grand nombre d’institutions.

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Pendant les années 80 et les années écoulées de la décennie en cours, ce modèle d’IFP s’est heurté à des critiques. Le secteur public leur enviait les fonds, qui dans bien des cas étaient indépendants du budget de l’Etat. Les grandes entreprises remettaient en question leur manque d’adaptation aux nouveaux besoins créés par l’évolution technologique et l’organisation du travail, et donc l’éventuel double emploi que représentaient leur contribution fiscale et l’obligation dans laquelle elles se trouvaient de financer indépendamment leur propre formation. Les petites entreprises et le secteur informel étaient en expansion, restant souvent à l’écart des offres de services des IFP. Les ministères du travail observaient une séparation entre les politiques de l’emploi et la formation; le ciblage de groupes spécifiques par les politiques de l’emploi (chômeurs, jeunes et femmes) ne passait pas toujours par les IFP.

C’est dans ce contexte que dans les années 90 se manifeste une tendance novatrice qui change l’orientation traditionnelle de la formation professionnelle latino-américaine. Avec l’appui des banques de coopération, des programmes de formation ciblés sur des groupe spécifiques sont élaborés, programmes dont les objectifs, la méthodologie et la portée sont définis par l’Etat, mais qui sont exécutés par une multitude d’institutions de formation qui font des appels d’offres pour les cours, selon une organisation totalement différente de celle qui était d’usage jusqu’alors dans les IFP. Le Chili a été le précurseur de cette politique en retirant à l’INACAP le monopole de la formation et en créant le Service national de formation et d’emploi (SENCE) en tant que nouvel administrateur. Les groupes cible peuvent être les bénéficiaires (femmes, jeunes), mais aussi les secteurs des entreprises auxquels on souhaite apporter un apppui. Le Mexique, l’Argentine et le Brésil présentent des programmes dans ce sens.

Le projet "Chile Joven" consacré à la formation des jeunes des quartiers populaires devient un modèle qui se répand dans la Région. (Argentine, Colombie, Pérou et Uruguay) (CINTERFOR, 1997). Il faut observer que, comme dans le cas du SENAI et de ses imitateurs, des différences notables caractérisent les divers projets qui s’inspirent du modèle "Chile Joven", tant en ce qui concerne le rôle de l’Etat que la participation des IFP. L’organisation et le type des institutions de formation chargées de l’exécution varient d’un pays à l’autre, créant ainsi différentes formes de stratégies modernes. Comme on l’a vu plus haut, elles ne s’appliquent pas seulement aux groupes cible de la population appelés à recevoir une formation, mais elles visent aussi les entreprises, auquel cas les politiques de formation sont intégrées au transfert de technologie et à la gestion. Les IFP essaient de se retailler un rôle dans les nouvelles circonstances en défendant leur présence en tant qu’institutions dotées d’un grand poids politique, mais en général elle ne peuvent conserver le quasi-monopole de la formation financée par l’Etat qu’elles détenaient précédemment.

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Ce processus de transformation de la formation professionnelle dans la Région se trouve en plein essor et évolue de jour en jour. Les diverses caractéristiques qui se manifetent selon les pays s’expliquent par la situation préexistante des institutions, les changements intervenus dans la réalité de la production et l’orientation de l’Etat et de ses politiques. Ce processus fait l’objet d’un examen plus détaillé au chapitre ayant trait aux nouveaux scénarios et enjeux de la formation professionnelle.

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Les hypothèses du modèle latino-américain de formation pour le travail

Le modèle traditionnel comporte quelques hypothèses discutables de nos jours, étant donné l’évolution actuelle de la technologie et de l’organisation du travail. On se demande, par exemple, si l’enseignement technique formel peut offrir une formation particulière et spécialisée de longue durée qui soit adaptée aux postes de travail du secteur industriel; si la formation professionnelle peut répondre à une demande de qualifications relativement stable, pour laquelle l’offre de formation est conçue à partir de l’analyse de la grille des professions qualifiées des différentes branches de la production; si l’éducation de base ne peut être considérée que comme une condition de la citoyenneté et pas aussi comme une nécessité urgente pour toute la population de participer au marché du travail; et si la formation des ouvriers et des cadres moyens peut être conçue essentiellement comme une formation aux compétences, à la discipline et à la spécialisation technique différenciée selon les niveaux de qualification.

L’enseignement tel qu’il était conçu répondait à une définition du système de production qui a caractérisé l’effort de développement de la période allant des années 40 aux années 70. On pensait à un système de production établi sur la base d’une industrie moderne organisée selon le modèle Ford, avec une grande place faite à la construction métallique, dans laquelle les ingénieurs avaient un rôle à jouer dans la conception et la planification, il existait des cadres techniques moyens (cette catégorie de personnel est la moins clairement définie dans la réalité professionnelle), et une masse d’ouvriers qui devaient apprendre la discipline, surtout s’ils venaient de milieux ruraux, et acquérir des compétences manuelles.

Bien que cette réalité n’ait couvert qu’une partie relativement petite d’une population active qui était absorbée en grand nombre par le secteur informel et que les petits ateliers artisanaux aient été très ancrés dans le processus de production, l’exemple Ford a été privilégié et se trouve dans la base de la formation au travail telle qu’elle a été envisagée en Amérique latine. Il était fondé sur le concept de production industrielle en série, de produits relativement homogènes destinés au marché intérieur, d’équipement de longue durée de vie, d’usines de taille moyenne et grande, dans lesquelles les catégories professionnelles étaient clairement définies, le tableau d’avancement tenait très larggement compte de l’expérience et les relations de dépendance des ouvriers à l’égard de l’entreprise et le caractère permanent de leur emploi étaient choses courantes. Non seulement la formation professionnelle et l’enseignement technique répondent à ce modèle, mais l’organisation des syndicats se développe de plus en plus conformément à cette définition du système de production.

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Le rôle de l’Etat en tant qu’élément moteur du développement industriel fait partie de ce modèle. Il est complété, dans la tradition latino-américaine, par un Etat responsable de l’enseignement public, dont la décentralisation est plus ou moins grande, mais qui apporte toujours une contribution essentielle à la formation. Il n’est donc pas surprenant que l’Etat se soit chargé de financer et en général de gérer l’enseignement technique et la formation professionnelle, en instituant des impôts spécifiques à cette fin.

Etant donné l’institutionalisation et l’extension des systèmes d’enseignement et de formation professionnelle, ces services ont eu tendance à se bureaucratiser et dans certains cas à être désynchronisés avec la réalité de l’industrie. On arrive ainsi aux années 80, la décennie perdue, avec l’impact exercé par la restructuration de la production en général, la désindustrialisation dans certains cas, l’ajustement de l’Etat et la privatisation de l’application des politiques sociales. En outre, dans le cadre de la globalisation, il se produit un déplacement du marché intérieur vers l’intégration de blocs commerciaux et l’exportation vers les marchés extérieurs, avec pour conséquence l’obligation de devenir compétitif pour conserver ou obtenir des créneaux sur le marché mondial8. Pour faire face à cette réalité, il faut reposer les hypothèses initiales de la formation au travail, et en particulier de la formation professionnelle. Les enjeux et les réponses qui y ont été apportées sont examinés au chapitre suivant.

LES NOUVEAUX SCENARIOS ET LES ENJEUX DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Le nouveau modèle de production est caractérisé, en plus des différences nationales, par une globalisation qui suppose la nécessité d’être compétitif et de s’adapter aux marchés qui exigent une énorme diversité de produits. Les avantages comparatifs tradionnels diminuent face à l’exigence de qualité et de faible coût qu’implique la concurrence sur ces marchés. La révolution dans le secteur des communications et le développement des applications de la microélectronique permettent de raccourcir les distances entre la production et la consommation, et de répartir les processus de production entre une multitude d’entreprises. La réduction du niveau élevé des droits de douane qui protégeaient les marchés intérieurs oblige à la concurrence sur les marchés régionaux qui sont encore relativement protégés comme sur le marché mondial. Tout cela entraîne au moins trois conséquences pour la production en général et pour la population active en 8 Le contenu de cette section s’inspire de l’étude de Gallart M. Antonia intitulée "Mercosur: La respuesta de la educación a los cambios tecnológicos y la organización del trabajo industrial". Buenos Aires: document préparé par UNU-INTECH, 1997 (texte ronéotypé).

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particulier. La première est la diminution des obstacles à l’évolution technologique, puisque les innovations, tant en ce qui concerne les procédés que les produits et l’organisation du travail, franchissent les frontières et sont adoptées par les entreprises. La deuxième est la création de réseaux complexes d’entreprises et d’institutions interentreprises et étatiques, qui modifient le rôle de l’Etat dans une économie nettement plus privatisée que le modèle précédent. La troisième est le changement des conditions de travail, et en particulier des relations professionnelles.

L’évolution technologique et les réseaux d’entreprises

L’incorporation de la technologie microélectronique commence dans la Région sous forme de stratégie ponctuelle et fragmentaire, et ce n’est que dernièrement qu’une modernisation plus complète est envisagée dans les entreprises survivantes des processus de restructuration et d’ajustement et dans les nouvelles usines qui sont le produit de récents investissements étrangers. L’automatisation industrielle, dans une optique intégrée9 et ne se limitant pas seulement à l’utilisation d’équipement, ne concerne qu’une partie des établissements industriels, tandis que l’informatisation est davantage appliquée dans les secteurs administratifs et à l’appui de la production, que dans les usines (Leite, E., 1997, Leite, M. et Rizek, 1997); dans tout cela, on observe aussi une forte hétérogénéité entre les entreprises.

En ce qui concerne la production maigre ("lean production"), on établit des mécanismes de sous-traitance, basés sur l’externalisation des ressources et des services, qui doivent répondre à des normes de qualité et de temps. De ce fait, les changements intervenant dans l’organisation du travail des entreprises chefs de file sont aussi adoptés par les entreprises qui sont leurs fournisseurs. Les mécanismes de réseaux de production peuvent exercer des effets divers dans les entreprises satellites. Dans certains cas, celles-ci doivent améliorer leur organisation et leur qualité en imitant davantage les entreprises mères (Leite, E., 1997). Dans d’autre cas, il s’établit des relations entre des "fonctions intellectuelles" et des "fonctions manuelles", par lesquelles l’entreprise centrale incorpore les innovations techniques et organisationnelles et l’entreprise satellite maintient les formes traditionnelles de production (Leite, M. et Rizek, 1997). Enfin, dans certaines localités se forment des "grappes"10 d’entreprises moyennes et petites qui s’associent pour pouvoir soutenir la concurrence, en planifiant ensemble les services et les ressources avec l’appui des autorités publiques locales. Ces exemples des diverses formes de la trame de la production dans la Région montrent des 9 Une optique intégrée englobe des technologies organisationnelles telles que : contrôle statistique des processus, contrôle de qualité, “juste à temps”, méthodes Kaizen et Kanban.10. On entend par “grappe” un conglomérat d’entreprises situées sur le même territoire.

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types particuliers de relations entre les entreprises grandes, moyennes et petites. Et l’hétérogénéité des formes d’insertion dans le tissu productif a des conséquences pour la demande de qualifications (les entreprises "manuelles" accueillent généralement du personnel moins qualifié et leur offrent les moins bonnes conditions de travail), comme pour la capacité de donner des cours de perfectionnement dans les entreprises elles-mêmes (celles qui sont situées au centre des réseaux peuvent mettre au point des activités de formation pour leurs employés et pour les filiales).

L’intégration au marché transnational, soit par la formation de blocs commerciaux soit par le biais du marché global, fait que ces réseaux franchissent les frontières. Les activités de sous-traitance, qui consistent à effectuer des étapes déterminées du processus de production dans le pays où le coût de la catégorie de main-d’oeuvre nécessaire est le plus faible et, en revanche, à rapprocher les aspects liés à la commercialisation du marché de destination, entraînent aussi des conséquences pour les entreprises selon la place qu’elles occupent dans ce réseau de production.

La privatisation

L’une des composantes importantes du modèle traditionnel d’industrialisation dans la Région a été la création de grandes entreprises d’Etat pour la production dans des domaines stratégiques (pétrole, industrie nucléaire, armement, industries extractives) et le secteur des services publics. En tant que partie intégrante du processus d’ajustement structurel de l’Etat, ces entreprises sont en cours de privatisation, et leur propriété passe aux mains de holdings privés qui ont de l’expérience au niveau transnational dans chacun de ces domaines. Les règles de la sous-traitance et le rôle des travailleurs évoluent, ce qui se traduit en général par une augmentation des demandes pour des niveaux plus élevés d’éducation, de discipline et de productivité. La circulation du personnel technique et professionnel d’un pays à l’autre devient pratique courante, et en outre le recrutement de nouveaux effectifs et la reconversion des effectifs en place s’organisent selon des critères différents déjà appliqués dans des cas à l’extérieur (Novick, 1997).

Le changement des relations professionnelles et des conditions de travail

En ce qui concerne l’emploi, les changements susmentionnés ont entraîné un assouplissement des marchés du travail. Dans le modèle traditionnel d’industrialisation du secteur de substitution des importations, deux catégories de travailleurs cohabitaient : une population active qui était stable et avait une couverture sociale (étendue dans certains pays, limitée dans d’autres), employée dans l’industrie moderne et dans les services formels, et une masse de travailleurs qui trouvaient leur subsistance dans le

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secteur informel et étaient dans une situation de précarité. On espérait que progressivement le second groupe diminuerait et que les travailleurs du secteur informel passeraient dans le secteur primaire.

De fait, non seulement le secteur informel continue d’être le gros employeur de la Région, mais une tendance à un assouplissement de l’emploi se manifeste aussi dans le secteur intégré de l’économie de la façon suivante : 1) les entreprises ont la possibilité de résilier les contrats de travail à un moindre coût et donc d’adapter leurs politiques du personnel aux aléas du marché; 2) les travailleurs peuvent être mutés d’un poste à un autre selon les besoins de l’employeur, d’où la tendance à la polyvalence de l’employé; 3) comme conséquence de ce qui précède, les travailleurs doivent, souvent et pendant toute leur vie, s’adapter à diverses insertions professionnelles et donc se soumettre à de nouveaux apprentissages. Cela ne vaut pas seulement pour les qualifications et les tâches à accomplir, mais aussi pour la capacité de gestion d’un emploi en vue de retrouver une place sur un marché du travail difficile et fluctuant.

Cette transformation est de toute évidence source de conflit et son stade d’avancement diffère non seulement entre les pays, mais aussi à l’intérieur de chacun d’entre eux. Par ailleurs, les changements de réglementations, venant s’ajouter à l’augmentation du chômage et du travail au noir créent, de fait, des situations caractérisées par la souplesse et la précarité de l’emploi.

Ces changements, qui interviennent alors que les pays gèrent leur insertion dans le processus de globalisation, lancent de sérieux défis aux gouvernements pour leurs politiques de l’emploi et aux entreprises pour la gestion des ressources humaines. L’intégration sociale et les droits des travailleurs établissent des limites à la précarisation; les accords sociaux deviennent nécessaires; et en particulier la collaboration et la créativité des travailleurs dans un processus de production compétitive exigent leur participation aux objectifs de l’entreprise. Si les politiques relatives à la productivité ne sont fondées que sur la diminution du coût du travail et ne visent pas à une meilleure intégration et valorisation des travailleurs, l’avenir s’annonce problématique.

Bref, on peut dire que le nouveau modèle de production, bien qu’il commence seulement à être appliqué comme des “îles de modernité” pour reprendre l’expression de certains auteurs, a tendance à se propager et à devenir prépondérant dans la Région. Ce modèle implique au moins trois types de conséquences à prendre en considération dans l’élaboration des politiques de formation.

En premier lieu, il provoque des changements dans la structure et le 44

volume de la population active : il se produit une diminution relative de l’emploi dans l’industrie et une expansion du secteur des services; dans le même temps, le secteur informel continue d’être important, mais sa composition interne évolue.

En deuxième lieu, il entraîne des changements dans la hiérarchie et la nature des qualifications car il faut de plus grandes compétences pour être employable : il ne suffit pas d’être expert dans un métier ou une profession pour être employable, mas il faut aussi disposer d’une base de connaissances plus large qui permette de résoudre les problèmes et d’apprendre à maîtriser de nouvelles situations; les écarts dans la hiérarchie des postes diminuent et la différence entre bureau technique et usine s’atténue. Dans les services, l’introduction de l’informatique rend complexes des tâches préalablement simples. La nécessité de pouvoir prendre des décisions autonomes et d’en assumer les conséquences n’est plus le propre des hautes sphères de l’organisation, mais concerne désormais les niveaux professionnels intermédiaires et bas.

La troisième conséquence est que les instances qui sont en rapport avec le facteur humain deviennent capitales pour le nouveau modèle de compétitivité. La sélection du personnel, la motivation et la formation permanente deviennent des instruments nécessaires à l’amélioration de la productivité et de la qualité et en conséquence de la compétitivité.

Les enjeux de la formation professionnelle

Parmi les transformations et les exigences actuelles, le principal enjeu consiste à recréer, en fonction de ces circonstances concrètes, la réponse qui a été donnée au début de l’instauration du modèle latino-américain de formation professionnelle : assurer la formation de la population à une nouvelle forme de production et intégrer cette formation dans le cadre plus large des politiques d’emploi. Cette réponse doit avoir comme point de départ les réalités existantes, au niveau des institutions et des individus, en affrontant les transformations compte tenu des nouvelles exigences imposées par la compétitivité sans négliger les objectifs d’équité, celle-ci étant définie comme une tendance à couvrir les besoins essentiels de la population tout entière. La coordination de ces deux objectifs est l’un des grands problèmes des politiques d’emploi actuelles.

En termes généraux, les exigences de compétitivité font augmenter la demande de travailleurs polyvalents ayant une scolarité plus poussée; le marché du travail recherche donc encore davantage des personnes qui ont des niveaux d’instruction plus élevés. On indique généralement que dans les pays plus industrialisés de la Région, l’éducation préalable devient une

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condition nécessaire pour être employable11.

Du point de vue des entreprises industrielles, il y a des goulets d’étranglement au niveau des qualifications. Dans le cadre d’une étude réalisée par l’OIT avec l’appui de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), une enquête a été menée entre 1992 et 1993 auprès d’un échantillon d’établissements de constructions métalliques et d’alimentation dans cinq pays de la Région. Des problèmes signalés par la direction y ont été relevés en ce qui concerne la qualité des ressources humaines sur le plan des aptitudes techniques, en particulier la capacité d’opérer la nouvelle base technique; on note aussi des plaintes sur le pouvoir de concentration, d’abstraction, de communication écrite et orale, et enfin sur la capacité d’assumer des responsabilités, de prendre des initiatives et des décisions sur des aspects précis des tâches quotidiennes. Dans l’ensemble, cela suppose davantage qu’un entraînement spécifique; il s’agit de compétences de base, relevant de l’intellect et du comportement qui s’acquièrent à partir d’une formation fondamentale, normalement scolaire, et se développent dans le travail productif et la formation non formelle (Abramo, 1997).

La sous-traitance, et partant, la flexibilité de la main-d’oeuvre tant interne (divers postes dans la même entreprise) qu’externe (changement d’entreprise et de profession) exige la polyvalence, qui est définie comme une variété de connaissances ("multiskill") ou comme l’accomplissement de tâches diverses ("multitask"). La réduction des échelons au sein de la structure manufacturière, le rapprochement des activités de conception, de programmation et d’exécution et l’introduction du concept de qualité globale changent non seulement la division du travail entre les ouvriers, mais aussi le rôle des ingénieurs, des chefs et du personnel de supervision, ainsi que les conditions de formation requises pour toutes ces catégories de personnel.

Le processus décrit ci-dessus est le fondement du passage des qualifications aux compétences. La définition des niveaux de qualification était donnée par une équation du temps passé à acquérir les aptitudes et les connaissances nécessaires à cette profession spécifique d’une part, et la place que cette profession occupait dans l’organigramme de la manufacture (chef, responsible de la supervision, ouvrier, etc.) de l’autre. A un niveau hiérarchique plus élevé et une spécialisation plus grande correspondaient des qualifications plus poussées et, normalement, un meilleur salaire. Il s’organisait alors entre les travailleurs une division du travail, et celle-ci existait de fait, qui impliquait une connaissance différente des machines, une capacité distincte d’en assurer le fonctionnement et d’accomplir des tâches répétitives de façon appropriée. Pour quelques professions particulières, comme les travaux d’entretien, il fallait être capable d’une adaptation plus 11 Cette section résume la pensée de Gallart, 1997.

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large à toute une gamme de circonstances qui supposaient une certaine polyvalence. Tout cela était régi par une normalisation des délais et des méthodes, et une séparation nette entre le bureau technique et l’usine.

Cependant, à la racine des changements susmentionnés, on remarque un déséquilibre entre l’offre d’enseignement et les qualifications demandées par les entreprises de production, qui à leur tour dénoncent la rareté des personnes dont la formation a des caractéristiques différentes de celles qui proviennent des systèmes de formation. La nécessité de coordonner davantage l’offre et la demande de formation, de calculer les coûts et les résultats au niveau des individus comme de la société, et la rapidité à laquelle ont lieu les innovations technologiques et organisationnelles de la production coexistent avec le retard séculaire des transformations dans le domaine de l’enseignement. Tout cela appelle un nouveau modèle de formation qui diffère du modèle traditionnelle par l’interaction de la production et de la formation, qui tienne compte non seulement de l’évolution du secteur industriel, mais aussi des nouvelles technologies modernes et de leur incorporation dans le secteur des services.

L’ancienne définition des qualifications, évaluées à partir du temps nécessaire d’apprentissage et aussi de la place de la profession dans la hiérarchie, se transforme et devient le nouveau concept de compétences qui doit nécessairement englober la capacité de résoudre des problèmes et qui implique des connaissances techniques et la gestion de situations imprévues en temps réel, c’est-à-dire la capacité de décider.

Sur le plan purement éducatif, et plus particulièrement de l’enseignement de type scolaire, on accentue l’importance de l’enseignement général prolongé (au moins neuf ou dix ans de scolarité de base) pour devenir capable de résoudre les problèmes. On considère qu’il existe des compétences fondamentales que toute la population doit posséder, sans lesquelles il est difficile d’exercer des emplois productifs; ce sont les compétences nécessaires pour être employable que mentionnent les ouvrages spécialisés (SCANS, 1992). Il s’agit des connaissances indispensables pour obtenir un travail qualifiant (c’est-à-dire une profession qui permette au travailleur de faire des apprentissages et des recyclages), y compris les aptitudes de base telles que la possibilité de s’exprimer oralement et par écrit et les mathématiques appliquées nécessaires pour résoudre les problèmes qui se posent dans les activités quotidiennes. Ces compétences appellent forcément un enseignement prolongé, systématique et graduel. A celles-ci viennent s’ajouter les compétences concernant la gestion rationnelle des ressources (travail, argent, temps, etc.), les compétences interpersonnelles (communication, travail de groupe), technologiques (connaissances et utilisation des technologies courantes) et systématiques (cerner les problèmes comme faisant partie d’un tout et non comme des faits

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isolés). La seule énumération de ces compétences indique que leur apprentissage vient essentiellement de l’enseignement et de l’expérience de la vie réelle; elles dépendent donc d’un enseignement de qualité ayant pour contexte la vie de tous les jours. La formation spécifique des professions diverses s’établit sur la base des compétences acquises au cours des années d’études formelles et sur l’expérience.

A l’évidence, cette perspective remet en question la formation traditionnelle au travail. L’abandon précoce de l’école empêche d’acquérir les aptitudes de base; par ailleurs, on constate une diminution de la qualité des apprentissages qui se manifeste dans les résultats aux examens. La spécialisation prématurée offerte par quelques écoles secondaires techniques ne donne guère lieu à la formation technologique générale qui permettrait une meilleure adaptation aux changements. Et la formation professionnelle qui a peu de rapport avec l’enseignement général et qui est conçue pour des professions déterminées, parfois obsolètes, doit être reconsidérée.

La définition des compétences nécessaires au travail productif est aujourd’hui relativement claire : il s’agit d’aptitudes générales, d’aptitudes techniques, d’un comportement et éventuellement d’aptitudes manuelles qui se constatent dans la pratique. Il ne suffit plus de savoir faire, il faut savoir connaître et, surtout, apprendre; un travailleur compétent doit penser du point de vue de la qualité de la production. Le problème réside dans la manière de transmettre et d’apprendre ce type de compétences, étant donné que l’apprentissage scolaire est nécessaire mais qu’il n’est pas suffisant, car sans replacer l’enseignement dans un contexte donné, sans l’appliquer à la vie quotidienne, sans le confronter à de nouvelles circonstances, la transmission de la connaissance devient mémorisation.

Dans la formation professionnelle, il faut transformer la vénérable analyse professionnelle, née dans les chemins de fer russes il y a plus d’un siècle et consistant à décomposer les tâches d’une occupation donnée en ses opérations les plus simples, pour pouvoir ensuite organiser le cours de formation selon la méthode dite de "reverse engineering", c’est-à-dire enseigner ces opérations par ordre croissant de complexité. De nos jours, étant donné l’assouplissement des tâches et la polyvalence, cette vision limitée traverse une crise. La solution semble résider dans une interaction accrue entre les connaissances théoriques et la pratique dans des circonstances réelles et en temps réel, qui comporte un certain niveau d’imprévisibilité. L’association établissement scolaire-centre de travail est capitale pour que cette interaction soit possible; la formation des élèves en alternance et les stages des formateurs constituent, en ce sens, des instruments clés. La recherche dans le domaine de la "transposition pédagogique" des compétences doit accompagner les réformes de l’éducation et les changements de programmes d’étude dans l’enseignement scolaire et

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non scolaire. Il s’agit d’une tâche qui ne peut être exécutée que par l’établissement scolaire, mais qui nécessite une participation active de la part des unités professionnelles.

Les modifications constantes des qualifications et des professions dues à l’évolution technologique et à la globalisation de l’économie contribuent à écarter la vieille idée selon laquelle une formation à des professions déterminées pouvait être dispensée dans le système d’éducation, idée sur laquelle était fondé l’enseignement professionnel traditionnel. La possibilité de substitution entre les diverses formes d’apprentissage, enseignement scolaire, apprentissage dans le travail et formation non formelle, qui sont intégrées dans les parcours éducatifs et professionnels établis par les protagonistes eux-mêmes, remettent en question les formes traditionnelles prédéterminées de la formation.

Une autre remise en question de la formation au travail telle qu’on la donnait dans les pays d’Amérique latine provient de considérations liées à l’efficience économique lorsque les ressources budgétaires de l’Etat sont rares. Les tendances actuelles peuvent se résumer de deux façons : passage d’une formation dans laquelle prédomine l’offre à une formation guidée par la demande; et passage d’une offre de formation professionnelle dispensée par de grandes institutions nationales à caractère oligopolistique, dont le financement était assuré, à une formation professionnelle gérée par une pluralité d’organisations privées et publiques qui sont en concurrence sur un "marché de la formation".

Selon l’argument sur lequel on s’appuie pour encourager une formation adaptée à la demande, la formation générale doit être dispensée dans le système d’éducation et l’accent placé sur une éducation de base de qualité en tant que condition de participation à la société civile, à la politique et aux activités productives. La spécialisation est reportée aux dernières années d’adolescence (fin du cycle secondaire ou études postsecondaires) et doit s’inscrire dans le cadre de l’enseignement scolaire. Dans cette perspective, la formation spécifique au travail doit être offerte en étroite collaboration avec le secteur productif, avec diverses formes d’activités de formation concernant l’élaboration des programmes d’enseignement et la durée, selon les besoins des groupes de professions. On accorde de l’importance à la participation du secteur productif qui peut fournir des mécanismes d’alternance ou de stages et permettre d’utiliser son infrastructure pour les cours.

Le financement de l’Etat, en général, est toujours considéré comme nécessaire, mais il est destiné à la demande, c’est-à-dire qu’il sert à faciliter la mise en place de la formation requise par les unités de production, non à financer les institutions de formation. Bien qu’elle soit efficace à court terme pour les cours de courte durée et destinés particulièrement à la formation,

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cette approche présente des difficultés dans d’autres cas. Ainsi, la formation d’un niveau technique plus élevé nécessite un appui institutionnel (par exemple, les carrières de courte durée du troisième cycle), et certains aspects de la formation professionnelle exigent un appui de grande envergure (formation des formateurs, élaboration des programmes d’enseignement, préparation du matériel didactique) (Castro, 1995b).

Les stratégies de formation

Les stratégies de formation peuvent être classées dans trois grandes catégories : les stratégies de changement institutionnel; la redéfinition des qualifications et des compétences dans le monde du travail et dans la formation; et les politiques d’affectation des ressources aux agents de la formation. Ces trois thèmes sont étroitement liés.

La situation institutionnelle

Le panorama de la situation actuelle de la formation professionnelle dans la Région montre, d’un côté, les efforts de modernisations des IFP, par un renforcement de la participation des chefs d’entreprise et des syndicats non seulement aux organismes de gestion, mais aussi à la définition de programmes concrets de formation. La décentralisation par région, la création d’unités sectorielles correspondant aux diverses branches de l’économie, l’établissement des priorités dans le cadre de l’assistance technique aux entreprises dans les limites de leurs tâches spécifiques, sont autant de mesures qui visent à moderniser les institutions de formation professionnelle.

De l’autre côté, sont apparues des politiques énergiques qui ont pour objectif de trouver une autre forme d’organisation de la formation professionnelle. Conformément à cette ligne d’action, l’Etat ne doit pas promouvoir l’offre de formation (IFP), mais doit orienter la demande des employeurs. Cela suppose la création d’une nouvelle institutionalité qui permette d’acheminer les fonds vers les entreprises pour qu’elles assurent la formation des travailleurs et créent un "marché de la formation" dans lequel des institutions pédagogiques variées fournissent des services de formation; ces services sont financés en partie ou en totalité par l’Etat, mais leur teneur est défini par les demandes du secteur professionnel et leurs utilisateurs sont les travailleurs actifs ou groupes de population menacés d’exclusion. Cette tâche exige un appareil institutionnel complexe, avec un organisme (Ministère du travail, Service d’emploi) qui programme, lance des appels d’offres, surveille et appuie les activités de formation. En outre, des organismes intermédiaires, régionaux ou sectoriels sont créés, qui administrent ces politiques et font la liaison avec les entreprises et les utilisateurs (par exemple les OTIR du Chili). Enfin, des activités de soutien paraissent nécessaires

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(formation des formateurs, élaboration des programmes d’enseignement), mais elles ne sont pas encore clairement attribuées à des organisations déterminées.

Les deux pays qui ont appliqué le plus parfaitement ce modèle sont le Mexique et le Chili. Dans le cas du Mexique, le Secrétariat au travail a englobé la formation dans le cadre élargi des politiques actives d’emploi, c’est-à-dire des politiques qui impliquent un engagement direct et actif de la part des agents de la production et, en même temps, investissent dans le capital humain qui permettrait aux travailleurs de prendre en charge la gestion de l’emploi. Deux programmes ont été élaborés : le programme de formation pour les chômeurs (Probecat) conçu en 1984, et le programme de qualité globale et de modernisation (CIMO) qui a débuté en 1987 en tant qu’appui intégré aux micro, petites et moyennes entreprises. Les deux programmes ont été créés avec l’aide de la Banque mondiale et les institutions d’exécution ont été les écoles techniques du système étatique, appartenant pour l’essentiel aux projets CONALEP et CECATI. Ils ont aussi bénéficié de l’appui des services de l’Etat pour l’emploi d’une part, du renforcement des institutions et des investissements complémentaires dans des centres de formation d’autre part (Mertens, 1995).

Dans le cas du Chili, les principaux programmes ont été exécutés par le Service national de formation et d’emploi (SENCE) créé en 1976. Le Programme Entreprise, le plus important, (il a représenté 90% des personnes ayant reçu une formation entre 1991 et 1994), encourage la modernisation au niveau des entreprises et ses bénéficiaires sont des travailleurs appartenant à la population active. Le Programme Bourses donne une formation aux personnes disposant de ressources limitées et se trouvant dans une situation professionnelle précaire comme, par exemple, des travailleurs du secteur informel, des chômeurs et des jeunes à la recherche d’un premier emploi. Le Programme Apprentis consiste à octroyer un dégrèvement d’impôt aux entreprises qui prennent des apprentis. Enfin, le Programme Chili Jeune, celui qui répond le mieux au modèle, est exécuté par le secteur privé sous une forme décentralisée et vise à donner du travail aux jeunes qui sont menacés d’exclusion sociale. Tous les cours correspondant à ces programmes sont confiés à des organismes de formation agréés par le SENCE (OTES) et qui peuvent être des universités, des instituts professionnels, des centres de formation technique ou bien des organismes de formation technique; ces entités sont engagées par les entreprises ou lancent des offres d’achat pour les cours établis directement par le SENCE (Chile Joven par exemple).

Par ailleurs, il existe au Chili les Organismes techniques intermédiaires reconnus (OTIR), qui font la liaison entre les entreprises, les organismes de formation (OTES) et l’Etat (SENCE). Ils ont été créés en 1989 afin d’accroître la participation des entreprises. Il s’agit d’entreprises de "second rang",

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sociétés de droit privé sectorielles ou régionales, dont les coûts d’intermédiation sont subventionnés et qui sont chargées des activités de diffusion, de suivi et de contrôle de la qualité ainsi que de l’administration. La création de ces institutions a permis une forte croissance du système de formation. Cependant, les cours ont la même tendance que le reste du système (privilégiant la formation aux tâches administratives et aux technologies de base), et on n’observe pas de différences significatives dans les résultats de la formation par rapport à ceux de la formation directe (CEPAL, 1997d, 1997e).

Ces modèles institutionnels (IFP et "formation sur demande") présentent des modalités distinctes selon leur application dans les différents pays

Le cas le plus intéressant12, qui s’est transformé en modèle, est celui de "Proyecto Joven", réalisé dans plusieurs pays de la Région. Le programme est régi par les principes directeurs suivants : 1) La formation doit répondre aux besoins du marché du travail, l’indicateur utilisé étant l’acceptation de stagiaires par les entreprises. 2) L’Etat, la société civile et le secteur des entreprises doivent unir leurs efforts. L’Etat assume la responsabilité de la conception, de la supervision, du contrôle technique et du financement des programmes. L’exécution est confiée à des institutions appartenant à l’Etat et à la société civile; l’institution administrative contribue au renforcement institutionnel de ces organisations. Et le secteur des entreprises donne la preuve du bien-fondé du programme. 3) Il doit y avoir un autociblage de la population-objectif, c’est-à-dire que l’on essaie de faire en sorte que les programmes ne soient attrayants que pour la population visée. 4) L’exécution du programme doit être décentralisée et réglementée par les mécanismes du marché moyennant l’invitation à s’inscrire et à répondre à un appel d’offres auquel participent de nombreux soumissionnaires. 5 ) Les motivations, besoins et aspirations doivent être adaptés aux utilisateurs. 6) Le programme doit être appliqué dans son intégralité, moyennant la coordination entre l’organisation institutionnelle, la structure opérationnelle et la stratégie pédagogique.

Dans le cadre du Projet Joven, les programmes sont gérés par une Unité coordonnatrice centrale (UCC), établie généralement dans une unité administrative du gouvernement national, laquelle se trouve, selon les pays, au Ministère du travail ou dans des organismes ad hoc comme le SENCE. Les agents d’exécution directs des services de formation sont des entités publiques ou privées (entreprises qui vendent commercialement leurs services de formation, entités pédagogiques, etc.) qui s’inscrivent dans un registre dans lequel doivent figurer des conditions déterminées. Ils doivent élaborer et exécuter une composante de formation devant permettre d’atteindre un niveau de semi-qualification dans une fonction spécifique –12 Cette section s’inspire des ouvrages de Ramírez, 1997.

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éventuellement complété par une formation aux aptitudes de base – et une composante de travail pratique dans une entreprise.

Le projet de tout premier plan "Chile Joven" a comporté dans son pays des caractéristiques contextuelles importantes : a) une conjoncture de croissance économique et de création d’emplois; b) la substitution de l’ancienne IFP (INACAP) par un nouveau marché de la formation impulsé par le projet lui-même et par la demande des entreprises, laquelle a été stimulée par des encouragements fiscaux; c) les moyens techniques et le pouvoir de mobilisation de l’Etat; d) et un processus de décentralisation politico-administrative qui a renforcé les instances locales. D’autres programmes comme les programmes colombien et argentin ont été exécutés dans des contextes moins favorables.

Le SENA fait fonction en Colombie d’entité de "second rang", ce qui implique d’une certaine façon une concurrence interne entre les deux modèles (IFP et "formation sur demande") (Ramírez, 1997). En Argentine, la plupart des exécutants des cours du Projet Joven sont des personnes physiques (Jacinto, 1997; Castro, 1997). Dans le cas de l’Uruguay, le programme est lié aux politiques publiques du vice-ministère de la jeunesse : une base organisationnelle intéressante a pu être construite grâce à un long engagement politique de l’Etat dans un processus de plusieurs années de travail avec des ONG oeuvrant en faveur des jeunes. A l’évidence, le processus d’institutionalisation de ces programmes est différent.

Un cas intéressant de coexistence des deux réalités institutionnelles est celui du Brésil. Le SENAI poursuit son organisation et ses activités en qualité d’IFP de tout premier rang dans la Région (Castro,1992). Par ailleurs, le Ministère du travail fédéral, dans le cadre de la politique publique d’emploi et de revenu, applique le Plan national d’enseignement professionnel (PLANFOR). La constatation du faible niveau d’instruction de la population active est à la base de la conception de ce plan, qui vise à donner une formation massive à la population par le biais d’un programme d’exécution décentralisée, coordonné par les ministères du travail de chaque état et géré par de multiples institutions d’exécution. Il a pour objectif de mobiliser et de coordonner progressivement l’ensemble des moyens et des compétences de l’enseignement professionnel dont dispose le pays, en utilisant à cet effet les ressources du fonds de protection aux travailleurs. En 1996, 1.198.600 travailleurs ont reçu une formation dans le cadre de cette initiative.

La gestion des compétences

Le thème des compétences fait partie de la discussion des objectifs et de la planification de la formation. Des tentatives ont été faites dans la Région pour établir des systèmes qui permettent, avec la participation des

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chefs d’entreprise et des travailleurs, de définir dans les diverses branches de l’économie les compétences nécessaires aux différents niveaux de qualification, de rendre cette définition tranparente et d’accréditer les apprentissages réalisés par divers moyens. Il s’agit de passer de l’harmonisation des diplômes d’enseignement à l’accréditation des aptitudes professionnelles réelles. Le Mexique a été pionnier en la matière, en créant le Système normalisé des compétences professionnelles (SNCL) et son complément, l’Education fondée sur les normes de compétence (EBNC). Le SNCL repose sur le concept de norme de compétence professionnelle et sur le système d’homologation de celle-ci. De même que la qualification est définie comme la capacité potentielle de réaliser les tâches correspondant à une activité ou à un poste, la compétence est la capacité réelle d’atteindre un objectif ou un résultat dans un contexte donné. Ce système de compétences est actuellement en cours d’élaboration avec la collaboration des chefs d’entreprise et des institutions pédagogiques (Argüelles, 1996; Mertens, 1996).

Les politiques d’affectation des ressources aux agents de la formation

Un instrument capital des politiques de formation est l’affectation des ressources, humaines, institutionnelles ou financières, aux agents de la formation. Schématiquement, on peut considérer que ces agents sont : l’Etat, las institutions de formation (organisations pédagogiques, ONG, centres de formation), les entreprises et les bénéficiaires (la population en général et les travailleurs et leurs syndicats).

Les évaluations des différentes formes d’organisation de la formation professionnelle concourent à indiquer qu’il est difficile d’intégrer et de coordonner ces agents qui sont si variés et qui ont souvent des intérêts divergents. L’Etat apparaît en général comme le pourvoyeur, sous forme de subventions ou d’exonérations d’impôt, d’une grande partie des fonds destinés à la formation; il revendique aussi le rôle de superviseur et de législateur, bien qu’en général il ne joue pas le rôle d’exécution, le déléguant à des organisations autonomes (IFP) ou au "marché de la formation". Cependant, il semble que le modèle plus décentralisé accuse un retour à de plus lourdes responsabilités : au Chili on vient de réglementer la formation en attribuant à l’Etat un rôle d’organisme régulateur nettement plus grand que celui qui était prévu dans la législation précédente.13

Les institutions pédagogiques présentent une logique particulière, qui a tendance à prolonger les cours, à sélectionner leur clientèle, à mettre en place leur propre structure et à offrir les services disponibles. Mais, par ailleurs, la solution qui consiste à financer des cours isolés ne prend pas en compte la 13 ? Loi No. 19.518. Nuevo Estatuto de Capacitación y Empleo, 1997.

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nécessité des moyens non économiques susmentionnés, tels que la formation des ressources humaines (enseignants, formateurs, administrateurs) et le renforcement institutionnel et technico-pédagogique.

Les entreprises sont les acteurs les plus indispensables et en même temps ceux qui posent le plus de problèmes dans le domaine de la formation. L’évaluation des tentatives faites pour que les entreprises deviennent les bénéficiaires et les agents d’exécution de la formation laisse entrevoir des problèmes pour obtenir l’engagement des chefs d’entreprise sur des aspects particuliers de la formation concernant la définition du type de cours ou la façon de les offrir (Mertens, 1995; CEPAL, 1997d). Le cas de participation d’une entreprise qui a remporté le plus grand succès et a duré le plus longtemps est celui du SENAI; l’origine a été un patronat conscient des besoins de formation à long terme et disposé à unir leurs efforts (Castro, 1992); cependant, il s’est avéré problématique de reproduire cet exemple dans d’autres pays. La difficulté à planifier et à investir dans une formation non spécifique pour sa propre entreprise dans le cas des grandes entreprises, et les moyens limités dont disposent les petites entreprises pour exprimer et présenter leurs demandes conspirent contre une bonne utilisation des ressources. Les externalités sur lesquelles se fonde le rôle de la société dans la formation et donc l’apport de l’Etat, ne sont pas facilement internalisées par las entreprises dont la logique privilégie la compétitivité individuelle et qui, dans le cas de la formation générale, craignent que leurs concurrents n’en soient les bénéficiaires (Becker, 1964).14

La logique des travailleurs, en revanche, cherche à établir une formation professionnelle qui leur permette une meilleure insertion sur le marché du travail, par rapport à ce que peut leur apporter la formation au sens étroit reçue à l’usine. Ils sont donc davantage motivés pour suivre des cours donnés dans une perspective plus large et formelle, qui leur promettent de pouvoir jouir de mobilité professionnelle. Parmi les cours qui leur sont offerts, ils ont tendance à choisir ceux qui sont de courte durée et accessibles et qui ont un rapport avec des professions visibles comme les professions administratives (CEPAL, 1997d). Il arrive donc que la logique des travailleurs bénéficiaires et celle des entreprises se dissocient. Les syndicats, qui devraient faire fonction d’intermédiaires en revendiquant les droits des travailleurs à la formation, ne le font pas toujours, étant soumis aux pressions des négociations relatives aux salaires et aux conditions de travail dans des contextes marqués par l’assouplissement et la précarisation de l’emploi (CEPAL, 1997c).

PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS SUR LE PLAN DE L’ACTION

Les questions sur lesquelles devraient se fonder les propositions et 55

recommandations sur le plan de l’action sont les suivantes : Quelles institutions doivent dispenser la formation? Qui doit la financer? A qui doit-elle servir, ou en d’autres termes, quels sont les bénéficiaires de la formation professionnelle? Quel service doit-elle fournir? Quels sont les résultats escomptés qui doivent être évalués? (McDonnell et Grubb, 1991).

L’institutionalité de la formation

Il ressort de ce qui précède qu’il faut une formation générale de base, qui implique des aptitudes générales et la capacité de résoudre des problèmes, et une formation spécifique qui intègre des connaissances technologiques et un apprentissage dans des professions réelles du monde du travail. L’interaction entre les institutions pédagogiques formelles et non formelles, plus souples que les institutions traditionnelles de la Région, et les entreprises qui ont la responsabilité d’employer les travailleurs est absolument indispensable. La formation en alternance est un instrument fondamental.

La dimension locale, qui permet les échanges et l’actualisation des organisations, s’unit au processus de décentralisation des services d’éducation et de formation pour créer des cadres propices au déroulement de ce processus. L’exécution locale des programmes de formation envisagée par les nouvelles politiques encourage cette interaction. Les autorités régionales et nationales doivent toutefois fournir l’appui technico-pédagogique nécessaire à la continuité et à l’accumulation des services : la formation des formateurs, la mise au point des programmes d’enseignement, l’élaboration des matériels didactiques sont autant de tâches qui ne peuvent être exécutées partout.

Outre l’interaction entre les institutions au niveaux local, régional et national, il existe une autre interaction à l’intérieur des organisations responsables de la formation, entre l’enseignement de type scolaire et la formation professionnelle et entre celles-ci et la formation sur le lieu de travail. Il importe de respecter la logique des écoles (plus bureaucratique, à plus long terme, davantage centrée sur l’élève), différente de celle de la formation professionnelle (davantage axée sur les demandes professionnelles et sur la technologie, plus variable et plus souple). Les écoles, quant à elles, doivent respecter la logique de production des entreprises basée sur la production et la compétitivité. Chaque logique engendre des organisations différentes par lesquelles passent les personnes qui reçoivent une formation : les établissements scolaires dans le premier cas, les centres de formation dans le deuxième cas et les entreprises dans le troisième. Le retour de l’institutionalité de la formation s’inscrit dans le cadre de la nécessité de cette interaction et les ministères du travail doivent coordonner leurs efforts dans ce sens.

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Sur la question de savoir si les grandes institutions nationales doivent occuper une place prépondérante dans le domaine de la formation ou si celle-ci doit être confiée à une pluralité d’organisations qui se font concurrence pour donner les cours, les opinions sont opposées. Les réalités nationales montrent, d’un côté les IFP aux résultats très différents, et de l’autre des programmes décentralisés, avec eux aussi des structures et des résultats inégaux. L’énorme hétérogénéité de la Région ne permet pas d’appliquer des remèdes communs et dans l’ensemble des pays ni les Etats nationaux ne disposent des mêmes moyens et ni les entreprises n’ont la même réalité. Il semble donc utile d’établir certains critères pour que chaque pays, en analysant sa tradition et sa réalité, à la mesure de ses possibilités, mette en oeuvre les politiques institutionnelles qu’il jugera appropriées.

a) Un premier critère est de ne pas perdre l’expérience institutionnelle, technico-pédagogique, acquise dans le domaine des relations avec le monde de la production, l’élaboration des programmes d’enseignement et la sélection de l’équipement qui se trouve actuellement dans les IFP. Une évaluation sérieuse de chaque institution peut montrer les aspects qu’il convient de conserver et ceux auxquels il faut renoncer.

b) Un deuxième critère est de suivre la tendance actuelle à séparer l’exécution du financement et de la planification. Bien qu’elle doive être supervisée, l’exécution devient plus souple et réagit mieux aux variations dans le temps et l’espace, si elle est confiée à des institutions de taille plus petite qui ne jouissent pas de droits oligopolistiques à la formation.

c) Un troisième critère est de tenir compte du fait que les arrangements institutionnels doivent couvrir à la fois toute la gamme des types de formation et les divers bénéficiaires de la politique. Sur le premier point, les appels d’offres lancés pour des cours exclusivement de courte durée ne couvrent pas les spécialités qui ont besoin d’entraînement de longue durée et à la fois théorique et pratique; la mécanique, l’électronique, les professions en rapport avec la robotique à titre d’exemples, exigent pour certains niveaux de compétences une formation professionnelle plus longue et plus coûteuse que celle qui est susceptible d’être donnée dans des cours orientés vers la demande immédiate. En ce qui concerne les bénéficiaires, les cours à l’intention des populations menacées d’exclusion doivent renforcer certains aspects comme les aptitudes de base et l’estime de soi-même, ce qui ne s’obtient généralement pas non plus en quelques heures de formation. Cela vaut aussi pour les disciplines techniques qui exigent une formation générale plus longue et une spécialisation adéquate. De toute évidence, il faut en pareil cas accroître la complexité de l’appui institutionnel et lui donner un caractère permanent.

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d) Il importe de rappeler que les pays qui sont parvenus à établir d’importantes structures de formation l’ont fait grâce aux efforts conjoints des secteurs public et privé et des différents acteurs de la formation. Les interactions entre institutions sont très différentes (il suffit d’observer les pays de l’OCDE ou ceux du Sud-Est asiatique), mais dans tous les cas non seulement elles incorporent une variété de types de formation et de populations bénéficiaires, mais elles possèdent aussi une structure d’appui qui permet d’actualiser les programmes et d’accumuler des connaissances, et elles couvrent les différentes fonctions de la formation, mêmes celles qui sont les moins explicites comme la transmission d’une culture technologique et le transfert des innovations. Il importe donc d’utiliser comme critère d’évaluation et de réforme l’existence ou l’absence de couverture de ces fonctions dans la structure institutionnelle déjà en place (Castro, 1995a; Castro,1995b).

e) Enfin, il faut que les instruments nécessaires pour établir cette nouvelle institutionalité soient les plus économiques possible. Cela signifie qu’aujourd’hui il n’est pas rationnel de créer de nouvelles organisations bureaucratiques, mais qu’il faut jouer avec un minimum de mandats et de réglementations qui définissent le cadre juridique de la formation, recourir à des mesures d’incitation qui encouragent les changements souhaités (bourses, dégrèvements d’impôt subventions à des tâches déterminées), et renforcer les institutions qui ont montré leur qualité dans l’évaluation. Il s’agit d’utiliser des instruments souples qui corrigent l’orientation, mais de renforcer les fonctions organisationnelles qui s’avèrent nécessaires dans le long terme.

Dans ce thème de l’institutionalité de la formation, il serait idéal que chaque société, compte tenu de sa réalité et de son histoire institutionnelle, mette en place son propre réseau de formation qui garantisse à sa population et à ses entreprises une formation associant l’enseignement général, la formation technico-théorique et la pratique, et adaptée aux demandes du secteur de la production. Cette formation doit provenir d’une grande variété d’institutions, mais elle doit couvrir les fonctions fondamentales mentionnées au début de la présente section.

Le financement de la formation professionnelle

Selon les théories néolibérales, aujourd’hui en vogue, les bénéficiaires eux-mêmes doivent financer leur formation s’il s’agit d’une préparation générale applicable dans plus d’une entreprise. Cela tient à ce qu’ils accroissent leur capital humain et pourront recouvrer les coûts au moyen de hausses de salaire sur le marché du travail. Les entreprises, en revanche, ne financent que la formation spécifique qui ne sera utile qu’à elles seules, parce que dans ce cas ce sont elles qui bénéficieront de l’augmentation de la productivité et le travailleur ne pourra pas la vendre à des entreprises

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concurrentes. Sur le plan financier, l’Etat ne peut qu’accorder des prêts, sinon les modalités adéquates d’affectation des ressources par le marché s’en trouveraient altérées. Le problème que soulève cette approche est la difficulté à définir avec autant de rigueur le caractère général ou spécifique de la formation.

L’argument en faveur du financement par l’Etat est fondé sur les imperfections du marché du travail, en particulier sa segmentation, et sur les externalités que l’éducation apporte à la société. Dans cette perspective, la formation professionnelle est censée faire partie de l’éducation qui est dans une certaine mesure un bien collectif et qui concourt au bien-être de la population tout entière. L’intégration sociale constitue un bien, et le fait que des segments de la population sont exclus du marché du travail faute d’avoir les compétences nécessaires pour être employable aboutit à des problèmes sociaux. D’un point de vue économique, l’argument en faveur du financement de la formation par l’Etat est aussi soutenable. En cas de chômage frictionnel provoqué par le phénomène de la coexistence, caractéristique des périodes d’expansion, d’une offre abondante de travailleurs sans les qualifications requises et une demande de qualifications qui sont rares en raison de la durée de la formation, il est très difficile pour les individus ou les entreprises d’investir dans la formation générale et spécifique nécessaire pour opérer une meilleure reconversion dans les technologies nouvelles. Le fait qu’il existe alors un ensemble de personnes ayant une formation qui leur permette de s’adapter aux nouvelles technologies peut atténuer l’impact du chômage. C’est la raison pour laquelle l’immense majorité des Etats, et en particulier ceux qui ont enregistré une forte expansion de la production, financent l’éducation de base générale et, en partie du moins, la formation professionelle (Gasskov, 1994; Castro, 1995a).

Partant donc de l’hypothèse selon laquelle, en plus de la formation financée directement par les entreprises et par les utilisateurs eux-mêmes qui achètent les cours sur le marché, l’Etat doit financer la formation, on peut formuler une première question : à qui va le financement et comment? Aux institutions pédagogiques pour appuyer leurs activités? Aux entreprises pour qu’elles améliorent leur productivité? Ou bien aux bénéficiaires eux-mêmes, c’est-à-dire aux personnes qui reçoivent la formation? Une première réponse est que, compte tenu des considérations précédentes, l’Etat doit surtout financer ce qui ne s’autofinance pas.

En ce qui concerne les institutions pédagogiques, la remise en question de l’impôt sur le travail en tant que mode traditionnel de contribution à la formation professionnelle dans la Région tient à deux aspects : l’un est qu’il enchérit le coût du travail sans garantir l’utilité de la formation dispensée; l’autre est qu’il favorise la création de grandes structures administratives qui ont tendance à se perpétuer dans le temps. L’option, comme on l’a déjà vu,

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est le financement sur demande, soit par l’intermédiaire des entreprises, soit au moyen de cours qui assurent leur adaptation à la demande de main-d’oeuvre. Les choix possibles à et égard seront examinés dans les paragraphes suivants.

S’agissant des entreprises, leur objectif est d’améliorer leur position concurrentielle, en particulier pour les petites et microentreprises, ce qui leur permet d’accroître leur productivité et de se maintenir sur les nouveaux marchés. La formation fait donc partie des politiques, au sens large, relatives à l’emploi et au développement de la production, comme le crédit, l’accès à l’information et à la technologie et le perfectionnement de la gestion.

Pour ce qui est des individus bénéficiaires, il faut appuyer les cours de formation générale technique et pratique des travailleurs qui n’est pas fournie par les entreprises, de formation aux compétences nécessaires pour être employable à l’intention de ceux qui ne peuvent pas y avoir accès par leurs propres moyens, et de recyclage des travailleurs déplacés par l’évolution technologique et dont les qualifications sont obsolètes. On s’interroge, dans les formes actuelles de financement, sur le fait que dans certains pays les subventions sont accordées principalement aux grandes entreprises, et en particulier à des travailleurs qui occupent des postes de direction et des postes administratifs; c’est justement pour eux que les coûts de formation seraient peu élevés et que l’investissement individuel aurait de bons taux de rendement. La formation plus coûteuse pour les professions exigeant des qualifications en mécanique, électronique, etc., qui est généralement demandée par la population ayant peu de ressources, est pour l’essentiel dispensée dans les IFP et ne fait pas partie des appels d’offres pour des cours dans lesquels la brièveté et le niveau des coûts sont déterminants (Castro, 1995a).

On peut formuler une autre question ayant trait à la forme sous laquelle est effectué l’apport de l’Etat. C’est une question à plusieurs dimensions : a) les ressources peuvent être centralisées dans une institution qui se charge de la formation; elles peuvent être gérées localement par les municipalités ou des organisations locales; ou dans le cadre d’un accord avec de multiples entreprises ou institutions de formation; b) la contribution de l’Etat peut prendre la forme de prêts, de dégrèvements d’impôt, de subventions de l’offre de cours, de subventions de la demande de cours (payer les cours aux entreprises), de bourses à l’intention des bénéficiaires; c) les demandes de contrepartie : l’Etat a tendance à partager les coûts pour assurer que l’autre partie s’engage, qu’il s’agisse des entreprises, des institutions de formation ou des utilisateurs. Les différentes formes d’affectation des ressources de l’Etat proviennent des diverses façons de combiner ces tactiques. L’objectif est d’atteindre un équilibre qui maintienne la sensibilité éveillée face aux signaux du marché, de façon à éviter la bureaucratisation de la formation et la

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permanence de dispositifs de formation obsolètes, tout en aidant à résoudre les problèmes d’équité et d’imperfections du marché susmentionnés.

La tendance actuelle est à la décentralisation de l’affectation des ressources qui se fait au niveau local ou sectoriel, mais compte tenu d’objectifs sociaux plus larges. En général, ces ressources sont canalisées par l’intermédiaire d’organisations locales (comités de liaison qui comprennent des municipalités, des associations patronales, des entités pédagogiques et, dans certains cas, des syndicats) ou des organisations sectorielles appartenant à une branche donnée de la production, avec une participation tripartite. C’est ainsi que les programmes nationaux sont financés. De même, l’expérience semble montrer qu’il est bon que des apports locaux et/ou des apports des secteurs et des entreprises viennent s’ajouter aux apports nationaux pour assurer l’engagement des différents acteurs (McDonnell et Grubb, 1991).

Pour illustrer les différentes combinaisons dont les apports de l’Etat peuvent faire l’objet, nous proposons les exemples suivants :

-Subventions à des entités pédagogiques qui donnent des cours dans le cadre d’un accord conclu avec des entreprises. Les coûts sont partagés par l’entreprise et la condition de l’affectation des ressources de l’Etat est que la formation ne doit pas être spécifique à cette entreprise. La décision relative à l’affectation dépend de l’évaluation de la qualité du cours et de l’augmentation de la compétitivité de l’entreprise. Elles englobent les coûts des ressources technico-pédagogiques : élaboration des programmes d’enseignement, préparation des matériels didactiques, recyclage des enseignants. Le même type de subvention peut être accordé aux entreprises pour qu’elles achètent des cours sur le "marché de la formation", mais dans ce cas il faut veiller à ce que les coûts des ressources technico-pédagogiques soient couverts pour éviter une lente détérioration de la qualité de la formation. La subvention peut être octroyée directement ou sous forme de dégrèvement d’impôt.

- Subventions aux institutions pédagogiques qui donnent des cours à des populations cible déterminées jugées prioritaires (par exemple les jeunes, les femmes, les chômeurs). Dans ce cas, il faut veiller à ce que les bénéficiaires réels correspondent aux groupes cible, que les cours répondent à une véritable demande professionnelle, qu’ils prennent en compte les caractéristiques spécifiques des bénéficiaires et que les taux d'abandon soient faibles.

- Bourses à des personnes désavantagées appartenant aux populations cible, qui pourront ainsi payer la formation dispensée par des institutions pédagogiques. Cette formule permet de choisir individuellement les

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intéressés et les laisse établir leurs itinéraires de formation. Cette formule doit répondre aux mêmes exigences que le cas précédent.

- Prêts à des personnes qui désirent suivre des carrières techniques et qui n’en ont pas les moyens. Ces prêts permettent aux utilisateurs de payer les coûts directs et les coûts d’opportunité des études; il leur est demandé de les rembourser sur une période relativement longue au moyen des bénéfices réalisés grâce à l’amélioration de leur qualification. C’est une solution qui suppose des taux de rendement relativement acceptables, de faibles niveaux de chômage et des populations cible disposées à différer les rendements du travail. Ce schéma semble convenir pour les carrières brèves de techniciens dans le secteur tertiaire.

- Il existe une initiative intéressante qui peut avoir de l’avenir dans la Région : il s’agit de la création de fonds individuels de formation, comme des systèmes d’épargne offrant des comptes personnels pour le financement des coûts de la formation. Ces fonds seraient constitués moyennant une retenue sur le salaire du travailleur (à laquelle s’ajouterait éventuellement des apports volontaires et/ou des employeurs), de la même manière que les fonds de retraite privés. Les retraits sur ce compte ne pourraient être effectués qu’à des fins d’enseignement ou de formation. L’objectif de ce système est d’encourager la demande de formation de la part des travailleurs, la collecte de fonds à cette fin, l’accroissement de l’épargne et l’efficacité de l’affectation des ressources, en facilitant l’investissement dans le capital humain de l’intéressé lui-même pendant sa trajectoire professionnelle (CEPAL, 1997f).

A qui doit servir la formation professionnelle et quels services doit-elle fournir   : les bénéficiaires et les actions de formation

On peut indiquer certains groupes cibles clés pour la formation professionnelle auxquels devraient s’adresser les politiques de formation, en précisant aussi les caractéristiques du type de formation adapté à chaque groupe :

- Les travailleurs ayant l’expérience des entreprises qui doivent s’adapter à l’évolution technologique. Il y a eu des antécédents dans les pays de la Région de programmes de formation organisés conjointement par les entreprises, les fournisseurs des nouveaux équipements et les gestionnaires de la transformation de l’organisation du travail.

- Les personnes déplacées par la restructuration de la production. Ce qui importe dans leur cas c’est de tirer parti de leur expérience professionnelle préalable, en les aidant à suivre des cours de recyclage qui comprennent : une mise à jour des qualifications moyennant un inventaire des compétences, des techniques de gestion de l’emploi et un suivi dans leur recherche d’emploi

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(bourses du travail, information, etc.). Sur ce dernier point, il importe que l’information ne se limite pas seulement au milieu local, mais qu’elle permette aussi l’insertion dans d’autres contextes touchés différemment par la restructuration de la production.

- Les secteurs dans lesquels sévit la pauvreté. Les effets conjugués du manque de qualifications et du manque de possibilités d’accès au marché du travail créent un cercle vicieux d’exclusion. La formation destinée à ces secteurs doit être dispensée près des endroits dans lesquels vivent ces groupes. Elle doit consiter à : renforcer les aptitudes de base, l’apprentissage des groupes de professions relevant de secteurs économiques accessibles (par exemple la construction et le commerce), l’appui à la recherche d’un emploi et à l’accès à l’emploi (capital social), la formation aux techniques de gestion pour le travail indépendant et les microentreprises.

- Les jeunes qui sont à la recherche de leur premier emploi. Les besoins des jeunes varient beaucoup selon leur niveau d’éducation et la qualité de l’enseignement formel qu’ils ont reçu. Dans certains cas, ils devront recevoir un appui supplémentaire pour acquérir les compétences de base qui leur permettront d’être employables; dans d’autres, il sera indispensable de leur donner l’occasion d’accéder à une formation spécifique et à l’expérience d’un apprentissage informel dans un travail réel, au moyen de programmes qui comprennent des stages ou une formation en alternance.

- Les femmes, du fait de la caractéristique différentielle de leur double responsabilité, productive en ce qui concerne le monde du travail et reproductive en ce qui concerne la vie de famille, présentent des demandes particulières en matière de formation et d’insertion professionnelle. Les propositions visant les autres groupes sont aussi valables dans ce cas selon qu’il s’agit de femmes pauvres, travailleuses expulsées, dans des industries de transformation ou de jeunes. Cependant, en raison de leur sexe, viennent s’ajouter de nouveaux défis. En choisissant des spécialités de la formation professionnelle, les femmes devront tenir compte de leurs caractéristiques différentielles; les modalités des cours (modulaires, avec l’appui de garderies) doivent leur permettre de répondre à leurs besoins et viser à promouvoir leur insertion dans des tâches souples et qualifiées leur permettant de concilier la vie productive et la vie reproductive (Gallart, 1995).

- Les petites et moyennes entreprises qui doivent accroître leur compétitivité pour faire partie du nouveau modèle de production. Dans ce cas, les besoins passent par une transformation intégrée et un vaste appui qui introduit la formation comme un élément supplémentaire qui accompagne la transformation générale de l’entreprise.

Les résultats escomptés et l’évaluation de la formation

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On peut faire une synthèse des résultats escomptés des interventions en matière de formation : accroissement des compétences et des qualifications des bénéficiaires, et augmentation de la compétitivité et de la productivité des organisations de production.

S’agissant de l’accroissement des compétences des bénéficiaires, la méthode d’évaluation des résultats la plus couramment utilisée consiste à analyser le changement intervenu dans leur situation professionnelle. Il peut être conçu en termes de taux de rendement, ou bien de coûts par opposition à l’augmentation des revenus du travail, ou en tant qu’amélioration qualitative de l’insertion professionnelle. Dans tous ces cas, il s’agit d’une évaluation externe, des ressources et des résultats, qui n’entre pas dans la boîte noire du processus de formation. Pour agir sur les processus de formation il faut ouvrir cette boîte noire.

On propose donc ici que l’évaluation des programmes et institutions de formation, visant à améliorer les instruments des politiques de formation, ait au moins deux dimensions : une évaluation des ressources et du produit et une évaluation du processus. La première est fondée sur une vérification du taux d’admission des utilisateurs du programme et un suivi de l’insertion professionnelle ultérieure des travailleurs qui ont participé à la formation; cette évaluation comparée aux coûts de chaque programme permet d’identifier les programmes qui remportent le plus grand succès. L’évaluation du processus, en revanche, mesure d’autres aspects : la capacité institutionnelle d’offrir non seulement des cours individuels mais aussi les services à long terme (élaboration des programmes d’enseignement, préparation des matériels didactiques, formation des formateurs); l’association école-entreprise; la capacité de reformuler les programmes en fonction des changements de contextes; la gestion des ressources; l’appui à l’insertion sur le marché du travail des personnes ayant reçu une formation.

L’analyse des coûts, qui complète cette proposition, tient compte de dimensions telles que la capacité d’avoir accès à d’autres sources de financement, l’entretien et la remise en état de l’équipement, la qualité et le coût des ressources humaines.

L’analyse à la fois des données quantitatives et de l’information qualitative permettra d’effectuer une évaluation sur laquelle reposeront les changements d’orientation nécessaires à une formation professionnelle adaptée à un monde professionnel en évolution.

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