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LPO Mission rapaces - n°11, 12 & 13 - avril 2014 page 1 n° 11, 12 & 13 - avril 2014 Massif vosgien 1 Bourgogne 3 Haute-Loire 7 Limousin 8 Cévennes 9 Alpes du Nord 13 Hauts-Plateaux du Vercors 15 Pyrénées-Atlantiques 17 Enquête nocturnes 20 Etude dans les Alpes 20 Tengmalm dans le Jura franco-suisse 23 Tengmalm en Forêt-Noire 27 Dialogue entre naturalistes et forestiers 32 Photos : D. Hackel, G. Trochard © Compte-rendu de la première rencontre nationale du réseau « Petites chouettes de montagne » Tengmalm et chevêchette par massif en France La chouette de Tengmalm et la chevêchette d’Europe dans le massif vosgien L’objet de l’intervention était de présenter l’historique, la répartition et les fluctuations d’abondance de la chouette de Tengmalm et de la chevêchette d’Europe dans le massif vosgien, ainsi que quelques paramètres de l’écologie des deux espèces sur un secteur bien suivi des Vosges du Nord. La chouette de Tengmalm Historique Les premières mentions de chouette de Tengmalm dans le massif vosgien sont dues à GODRON (1863). Il reste assez vague : « Rare et de passage ; quelques individus restent et nichent dans les Vosges » écrit-il. En revanche, KROENER (1865) est plus précis : « niche dans les hauts vallons de la vallée de Munster. Il pond dans les trous naturels des sapins deux œufs blancs arrondis (Musée de Strasbourg) ». Au musée de Colmar, SCHNEIDER (1895) relève la présence d’un jeune en provenance de la vallée de Munster (Collection Saint- Firmin) et d’un adulte venant d’Alsace. Dans les Vosges moyennes, l’espèce est connue dès 1923 grâce à un collectionneur qui prélève un œuf dans une ponte à Wangenbourg (67) (WEHRUNG, 1951). Plus au nord, la chouette de Tengmalm a été entendue pour la première fois dans le Pays de Bitche en mars 1986 dans des pinèdes sylvestres à basse altitude (MULLER, 1986). Et enfin, un individu a été capturé en octobre 1993 en plaine d’Alsace dans la vaste forêt de Haguenau (SAMTMANN & SCHMITTER, 1996) et une nichée volante y a été observée en mai 2002 à une altitude de 160 mètres (HOF & WEISS, 2002) ! Répartition et fluctuations d’abondance Les recherches menées de 2005 à 2012 tant pour l’atlas des oiseaux nicheurs d’Alsace que pour l’atlas national ont permis de trouver la chouette de Tengmalm sur 19 mailles de 10 x 10 kilomètres depuis les Vosges du Nord jusqu’aux Hautes-Vosges. La création du groupe de travail LPO- ONF a permis d’assurer un suivi assez régulier du massif. Le nombre de chanteurs est fluctuant, passant de 48 en 2007 à 9 en 2009, puis il remonte à 39 en 2012 pour s’effondrer à trois l’année suivante. Ces fluctuations semblent liées aux variations d’abondance des populations de micro-mammifères. Globalement, l’espèce semble en régression dans le massif vosgien. Suivi effectué dans les Vosges du Nord La première mention de chouette de Tengmalm dans les Vosges du Nord date de 1986 : deux chanteurs sont entendus en mars-avril à Eguelshardt, Du 22 au 24 octobre 2013, les petites chouettes de montagne ont élu domicile à Sarrebourg, à une portée de chant de la Tengmalm du massif vosgien. A l’initiative du groupe de travail LPO-ONF « Petites chouettes de montagne », naturalistes et forestiers se sont donnés rendez-vous dans le nord-est de la France. Et ils sont tous venus, de tous les massifs de France, mais aussi de Suisse, d’Allemagne, du Luxembourg et de Belgique pour échanger avec rigueur, non sans humour, sur leur beau souci : la connaissance et la préservation de nos deux petites chouettes, Tengmalm et chevêchette. Les différentes interventions ont permis de découvrir, secteur par secteur, l’évolution des populations. Et de comparer, mutualiser les méthodes de suivi temporel des deux espèces. Et ils sont tous venus avec leurs spécialités gastronomiques, solides et liquides ! La vue du buffet réjouissait l’âme et le cœur avant même la dégustation. Agréable dégustation ! Emaillée de rires et de chants ! Et ils ont tous suivi avec délice la soirée projection offerte par Claus König, référence ornithologique mondiale qui avait fait le déplacement. Et après une nuit heureusement confortée par les munitions de nos amis belges, ils ont essaimé dans le massif à la découverte des biotopes vosgiens. Opération à reconduire, de l’avis unanime des congressistes, repartis pleins d’une énergie nouvelle vers leurs forêts et leur petit peuple nocturne. Philippe Sornette

Tengmalm et Chevèchette

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Bulletin de la Mission Rapaces de la LPO N° 11, 12 & 13 - avril 2014

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Photos : D. Hackel, G. Trochard ©

LPO Mission rapaces - n°11, 12 & 13 - avril 2014 page 1

n° 11, 12 & 13 - avril 2014

Massif vosgien 1Bourgogne 3

Haute-Loire 7Limousin 8Cévennes 9

Alpes du Nord 13Hauts-Plateaux du Vercors 15

Pyrénées-Atlantiques 17Enquête nocturnes 20

Etude dans les Alpes 20Tengmalm dans le Jura franco-suisse 23

Tengmalm en Forêt-Noire 27Dialogue entre naturalistes et forestiers 32

Photos : D. Hackel, G. Trochard ©

Compte-rendu de la première rencontre nationale du réseau « Petites chouettes de montagne »Tengmalm et chevêchette par massif en France

La chouette de Tengmalm et la chevêchette d’Europe dans le massif vosgien

L’objet de l’intervention était de présenter l’historique, la répartition et les fluctuations d’abondance de la chouette de Tengmalm et de la chevêchette d’Europe dans le massif vosgien, ainsi que quelques paramètres de l’écologie des deux espèces sur un secteur bien suivi des Vosges du Nord.

La chouette de Tengmalm

HistoriqueLes premières mentions de chouette de Tengmalm dans le massif vosgien sont dues à GODRON (1863). Il reste assez vague : « Rare et de passage ; quelques individus restent et nichent dans les Vosges » écrit-il. En revanche, KROENER (1865) est plus précis : « niche dans les hauts vallons de la vallée de Munster. Il pond dans les trous naturels des sapins deux œufs blancs arrondis (Musée de Strasbourg) ». Au musée de Colmar, SCHNEIDER (1895) relève la présence d’un jeune en provenance de la vallée de Munster (Collection Saint-Firmin) et d’un adulte venant d’Alsace.Dans les Vosges moyennes, l’espèce est connue dès 1923 grâce à un collectionneur qui prélève un œuf dans une ponte à Wangenbourg (67) (WEHRUNG, 1951).

Plus au nord, la chouette de Tengmalm a été entendue pour la première fois dans le Pays de Bitche en mars 1986 dans des pinèdes sylvestres à basse altitude (MULLER, 1986). Et enfin, un individu a été capturé en octobre 1993 en plaine d’Alsace dans la vaste forêt de Haguenau (SAMTMANN & SCHMITTER, 1996) et une nichée volante y a été observée en mai 2002 à une altitude de 160 mètres (HOF & WEISS, 2002) !

Répartition et fluctuations d’abondanceLes recherches menées de 2005 à 2012 tant pour l’atlas des oiseaux nicheurs d’Alsace que pour l’atlas national ont permis de trouver la chouette de Tengmalm sur 19 mailles de 10 x 10 kilomètres depuis les Vosges du Nord jusqu’aux Hautes-Vosges.La création du groupe de travail LPO-ONF a permis d’assurer un suivi assez régulier du massif. Le nombre de chanteurs est fluctuant, passant de 48 en 2007 à 9 en 2009, puis il remonte à 39 en 2012 pour s’effondrer à trois l’année suivante. Ces fluctuations semblent liées aux variations d’abondance des populations de micro-mammifères. Globalement, l’espèce semble en régression dans le massif vosgien. Suivi effectué dans les Vosges du NordLa première mention de chouette de Tengmalm dans les Vosges du Nord date de 1986 : deux chanteurs sont entendus en mars-avril à Eguelshardt,

Du 22 au 24 octobre 2013, les petites chouettes de montagne ont élu domicile à Sarrebourg, à une portée de chant de la Tengmalm du massif vosgien.A l’initiative du groupe de travail LPO-ONF « Petites chouettes de montagne », naturalistes et forestiers se sont donnés rendez-vous dans le nord-est de la France.

Et ils sont tous venus, de tous les massifs de France, mais aussi de Suisse, d’Allemagne, du Luxembourg et de Belgique pour échanger avec rigueur, non sans humour, sur leur beau souci : la connaissance et la préservation de nos deux petites chouettes, Tengmalm et chevêchette.Les différentes interventions ont permis de découvrir, secteur par secteur, l’évolution des populations. Et de comparer, mutualiser les méthodes de suivi temporel des deux espèces.

Et ils sont tous venus avec leurs spécialités gastronomiques, solides et liquides ! La vue du buffet réjouissait l’âme et le cœur avant même la dégustation. Agréable dégustation ! Emaillée de rires et de chants !Et ils ont tous suivi avec délice la soirée projection offerte par Claus König, référence ornithologique mondiale qui avait fait le déplacement.

Et après une nuit heureusement confortée par les munitions de nos amis belges, ils ont essaimé dans le massif à la découverte des biotopes vosgiens.

Opération à reconduire, de l’avis unanime des congressistes, repartis pleins d’une énergie nouvelle vers leurs forêts et leur petit peuple nocturne.

Philippe Sornette

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sept kilomètres à l’est de Bitche (57), dans des pinèdes situées entre 260 et 330 mètres d’altitude (MULLER, 1986). La nidification est prouvée l’année suivante à Philippsbourg, à 2-3 kilomètres du site précédent : le couple niche dans une vieille pinède assez claire de plus de 140 ans, bordée d’une pessière très dense d’une trentaine d’années, à une altitude de 250 mètres (MULLER, 1988).Par la suite, l’espèce a été suivie régulière dans la ZPS « Forêts, rochers et étangs du Pays de Bitche » (6 300 ha). Le chant a été entendu au cours de 22 années sur 28 au cours de la période 1986-2013, avec un maximum de trois chanteurs entendus sur les 6 300 hectares lors de cinq années différentes. Au vu de la difficulté des recensements, on peut considérer qu’il s’agit d’un minimum.17 nidifications ont été contrôlées dans la zone d’étude dans neuf cavités différentes d’arbres : cinq sont d’anciens nids de pic noir et quatre sont des cavités « naturelles ». Les arbres sont cinq hêtres, trois pins sylvestres et un chêne. L’altitude est comprise entre 250 et 380 mètres.

La Chevêchette d’Europe

HistoriqueMOUGEL et LOMONT (1887) sont les premiers auteurs à mentionner la présence de l’espèce dans le massif vosgien (à La Bresse, dans le département des Vosges). SCHNEIDER (1895) note l’absence de spécimens régionaux dans les collections du Muséum d’histoire naturelle de Colmar, mais il précise que la chevêchette d’Europe a déjà été

observée et tuée dans le massif vosgien. Dans le nouvel atlas des oiseaux nicheurs de France (période 1985 à 1989), l’espèce n’est mentionnée que sur une carte du massif vosgien (YEATMAN-BERTHELOT & JARRY, 1994). Effectivement, au cours des deux dernières décennies du XXe siècle (période 1980-1999), malgré

des recherches parfois orientées vers cette espèce, seules six observations ont été homologuées en Alsace-Lorraine et aucune nidification n’est mentionnée dans la littérature pour l’ensemble du massif vosgien jusqu’en 2002 (MULLER, 2003).Aussi, sa découverte en novembre 2000 à basse altitude dans les Vosges du Nord (MULLER, 2001), et plus encore la preuve de reproduction à 250 mètres d’altitude en 2002 (MULLER, 2003) ont constitué une heureuse surprise ! D’autant plus que l’espèce est aussi découverte en 2007 dans les Vosges moyennes (secteur du Donon) (BERGER, 2007).

Répartition et fluctuations d’abondanceComme pour la chouette de Tengmalm, les recherches menées de 2005 à 2012 tant pour l’atlas des oiseaux nicheurs d’Alsace que pour l’atlas national ont permis de trouver la chevêchette dans l’ensemble du massif, depuis les Vosges du Nord jusqu’aux Hautes-Vosges. Elle est signalée dans 18 mailles de 10 x 10 kilomètres.Le suivi effectué par le collectif « Petites chouettes de montagne » a permis de mettre en évidence d’importantes fluctuations d’abondance. 14 chanteurs sont mentionnés en 2007, puis 25 l’année suivante. Les

effectifs dénombrés chutent à cinq chanteurs en 2010 mais progressent à nouveau jusqu’à un maximum de 40 chanteurs au printemps 2012. Ils baissent à nouveau en 2013, mais globalement, la chevêchette semble en progression dans le massif vosgien.

La chevêchette d’Europe dans les Vosges du NordLa chevêchette d’Europe a été longuement recherchée dans une partie de la ZPS « Forêts, rochers et étangs du Pays de Bitche » et sa bordure (plus de 1 000 sorties au cours d’une décennie dans une zone d’étude d’environ 5 400 hectares). Cette zone est située à l’extrême est de la Lorraine, sur les territoires communaux d’Eguelshardt, Philippsbourg et Sturzelbronn et déborde sur l’Alsace sur les communes de Dambach-Neunhoffen et Obersteinbach.Les effectifs sont fluctuants : un maximum de 20 territoires a été recensé en automne 2007. Les populations ont régressé les années suivantes avec seulement deux territoires occupés en automne 2009

(avec la même pression d’observation), puis progressé à nouveau (15 territoires occupés en automne 2012).Les chevêchettes se cantonnent dans des cuvettes froides et humides, à des altitudes variant de 250 à 280 mètres. Le couvert forestier est varié, avec des forêts de feuillus (chênes principalement) et de conifères (pins sylvestres et épicéas). La présence de gros bois est nécessaire pour les cavités. 14 nidifications ont été suivies de 2002 à 2013. Les nids sont d’anciennes cavités de pic épeiche (ou peut-être de pic mar). 12 nids sont situés dans un chêne, un dans un épicéa et un dans un pin sylvestre. La surface terrière autour

Fluctuations d’abondance de la chouette de Tengmalm dans le massif vosgien

Fluctuations d’abondance de la chevêchette d’Europe dans le massif vosgien

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des nids varie de 18 à 37m2/ha, en moyenne 29,5 m2/ha. Le pin sylvestre est neuf fois l’essence dominante, le chêne quatre fois et l’épicéa une fois.Les pontes sont déposées entre mi-mars et mi-avril, avec un envol des nichées entre le 19 mai et le 23 juin. Deux nichées ont échoué. Les jeunes quittent parfois le nid avant d’être capables de voler et ils sont alors très vulnérables. Le régime alimentaire est composé d’oiseaux et de micro-mammifères. Il est variable d’une année à l’autre. Ainsi en 2012, il y a 79 % de rongeurs et 21 % d’oiseaux (221 proies) alors que l’année suivante, la proportion de rongeurs n’est que de 31 % (MULLER & RIOLS, 2013).

Bibliographie- BERGER J.M., SAINT-ANDRIEUX J.P., 2011.- Première preuve de nidification de la Chevêchette d’Europe Glaucidium passerinum dans les Vosges moyennes. Quelques données sur le comportement et le régime alimentaire. Ciconia, 35 : 25-28.- GODRON D.A., 1863.- Zoologie de la Lorraine ou Catalogue des animaux sauvages observés jusqu’ici dans cette province. Mém. Acad. Stanislas, 1862 : 355-643 (oiseaux pp. 365-382) ou tiré-à-part Nancy : 283 p.- HOF C., WEISS M., 2002.- Nidification de la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) dans la forêt de Haguenau (Bas-Rhin). Ciconia 26 : 121-122.- KROENER C.A.,1865.- Aperçu des oiseaux de l’Alsace et des Vosges. Derivaux, Strasbourg, 43 p.. Réf. n°80061- MOUGEL J.B., LOMONT C., 1887.- Catalogue des oiseaux. In LOUIS L. « Le Département des Vosges. Description, histoire, statistique ». Tome 3 (Zoologie, minéralogie, géologie), impr. E. Busy, Épinal (pp. 274-327).- MULLER Y., 1986.- La Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) dans les Vosges du Nord. Ciconia, 10 : 125-126.- MULLER Y., 1988.- Nidification de la Chouette de Tengmalm

(Aegolius funereus) dans les Vosges du Nord. Son contexte dans le massif vosgien. Ciconia, 12 : 1-12.- MULLER Y., 1999.- À propos de la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) dans les Vosges du Nord. Ciconia, 23 : 117-120.- MULLER Y., 2001.- Une Chouette chevêchette (Glaucidium passerinum) dans les Vosges du Nord. Ciconia, 25 : 19-27.- MULLER Y., 2003.- Nidification de la Chevêchette d’Europe Glaucidium passerinum dans les Vosges du Nord. Ornithos, 10 : 30-36.- MULLER Y., 2003.- Signification écologique et bio-géographique de la nidification de la Chevêchette d’Europe Glaucidium passerinum dans les Vosges du Nord. Alauda, 71 : 237-242.- MULLER Y. & RIOLS C., 2013. - Premières données sur le régime alimentaire de la Chevêchette d’Europe Glaucidium passerinum dans les Vosges du Nord. Ciconia, 37 : 107-113.- SAMTMANN S., SCHMITTER L., 1996.- Note sur l’observation de la Nyctale de Tengmalm (Aegolius funereus) en forêt de Haguenau. Le Schoeniclus, N° 1 : 35-36.- SCHNEIDER G., 1895.- Katalog der Vögel welche im Naturhistorischen Museum in Colmar aufgestellt sind. Buchdruckerei Decker, Colmar, 50 p. Réf. n°80060- WEHRUNG, 1951.- Inventaire de la collection d’œufs d’oiseaux de la région paléarctique. Document manuscrit. Musée Zoologique de Strasbourg.- YEATMAN-BERTHELOT D., JARRY G., 1994.- Nouvel Atlas des oiseaux nicheurs de France. 1985-1989. Société d’Études Ornithologiques, Paris, (ISBN : 2-9505440-1-0), 776 p.

Yves Muller (LPO Alsace)

[email protected]

Les petites chouettes de montagne en Bourgogne : contexte régional et zoom sur le Morvan

IntroductionLa Bourgogne n’est pas, a priori, la région la plus favorable à l’accueil des petites chouettes de montagne. Pourtant, sa position stratégique en France, son taux de boisement important et les conditions géomorphologiques et climatiques de certaines entités naturelles, semblent compatibles à l’installation plus ou moins durable de petites populations. En effet, deux secteurs bourguignons ressortent : le Haut-Morvan pour les deux espèces et le complexe côte/arrière-côte et montagnes châtillonnaise et nord-dijonnaise pour la Tengmalm.

Historique et répartition régionale de la TengmalmLa Tengmalm a été découverte au cours du 19e siècle en Bourgogne avec quelques mentions en Côte-d’Or entre 1835 et 1864. Elle a ensuite été redécouverte dans les années 1960 sur la montagne nord-dijonnaise (FROCHOT &

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Carte de la Bourgogne et zones concernées pour les petites chouettes de montagne (source DREAL Bourgogne)

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FROCHOT, 1963) et a fait l’objet d’un suivi régulier dans les années 1980 (DESSOLIN, 1989) sur cinq secteurs forestiers de Côte-d’Or d’altitudes comprises entre 300 et 600 mètres. En tout, 75 pontes ont été recensées sur sept années d’étude, dont 29 en cavité naturelle et 46 en nichoirs, sur lesquelles 164 jeunes et 55 adultes ont été bagués. Un pic a été constaté en 1983 avec 19 pontes et 67 jeunes à l’envol et en 1984 avec des densités de chanteurs importantes (30 chanteurs sur un même massif). Des données de nidification sont disponibles jusque dans les années 1990, puis on assiste à une réduction significative des contacts sans pour autant constater de modification notable de son habitat.

Dans le Morvan, la découverte de la Tengmalm est bien plus tardive. Le premier contact a été établi au cours de l’hiver 1987-1988 et la première nichée a été trouvée dans un nichoir à chouette hulotte en forêt domaniale de Saint-Prix (GJOA, 1988). L’installation sur trois massifs forestiers du Haut-Morvan (forêts domaniales de Glenne, Saint-Prix et Anost en Saône-et-Loire, altitudes comprises entre 500 et 850 mètres) de 18 nichoirs à Tengmalm par le Parc naturel régional du Morvan en lien avec la Choue en 1997 a permis de suivre plusieurs nichées. Un total de 11 pontes ont

été recensées sur le Haut-Morvan avec 24 jeunes bagués (SIRUGUE & JACOB, 2007). A partir de 2000, plus aucune ponte n’a été trouvée et très peu de contacts ont été enregistrés. Les prospections reprises en 2011 n’ont donné aucun résultat et c’est seulement en 2012 qu’une ponte a été redécouverte dans un nichoir (échec de la ponte) et plusieurs chanteurs ont été contactés sur le Haut-Folin (DETROIT, 2011 & 2012).

Dans l’atlas des rapaces de Bourgogne (STRENNA, 2000), l’espèce est notée

nicheuse (possible, probable ou certaine) sur 21 mailles de 10 x 10 kilomètres, dont quatre dans le Morvan et 17 en Côte-d’Or (prospections entre 1992 et 1998). Les effectifs nicheurs bourguignons sont alors estimés entre 15 et 50 couples. Le dernier atlas des oiseaux nicheurs (période 2009-2012) donne une répartition et des effectifs encore plus restreints. Seulement quatre mailles de 10 x 10 kilomètres occupées avec trois données de chanteurs sur la montagne

châtillonnaise et la côte nord-dijonnaise et pour le Haut-Morvan, une donnée de nidification certaine et deux à trois chanteurs estimés.

Description des régions naturelles occupéesLes habitats rencontrés sur les deux secteurs par la Tengmalm sont différents et présentent chacun des particularités. Pourtant, on trouve des points communs au niveau des conditions climatiques et géomorphologiques. Les descriptions des petites régions naturelles se basent sur celles utilisées pour l’atlas de la flore de Bourgogne (BARDET et al., 2008).

Côte d’OrLa montagne châtillonnaise est une vaste région naturelle de presque 135 000 hectares fortement boisée, majoritairement en feuillus. La part de forêt sur le territoire du potentiel futur Parc national des forêts de Champagne et Bourgogne est évaluée à 53 %, dont 4 % seulement de résineux. Le relief alterne entre des plateaux forestiers de 400 à 500 mètres d’altitude et des petites vallées prairiales. Cette région est à la fois marquée par des influences montagnardes et continentales (précipitations jusqu’à 1 000 millimètres/an et fortes amplitudes de température). La côte et arrière-côte nord-dijonnaise et la montagne d’arrière-côte présentent également des plateaux boisés en feuillus jusqu’à 600 mètres d’altitude. On retrouve

Carte de répartition de la Tengmalm issue de l’atlas des rapaces de Bourgogne (STRENNA 2000)

Photo : P. Coudor ©

Photo : D. Sirugue ©

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une ambiance continentale et une pluviosité importante dans les secteurs nord. Les principaux massifs occupés par la Tengmalm sont ceux de Châtillon, Recey-sur-Ource, Moloy, Is, Vernot, Francheville, du Val-Suzon et Détain Gergueil. Au niveau des habitats forestiers, on retrouve souvent un système de combe avec une corniche calcaire au sommet (on y trouve des espèces montagnardes comme le nerprun des Alpes) et de la hêtraie neutrophile en fond de combe, occupée par le pic noir. Les pentes sont occupées par les forêts sur éboulis (tillaie-érablaie et hêtraie froide à dentaire) où les éclaircies sont plus nombreuses. Les clairières intra-forestières sont constituées principalement de pelouses et ourlets calcicoles. La chênaie sèche occupe les sommets de combe et la chênaie-charmaie, habitat forestier plus banal, est également présent sur ces massifs.

Haut-MorvanLe Morvan est caractérisé par sa forêt omniprésente, notamment sur le Haut-Morvan. 45 % du

territoire est forestier (6 à 84 % selon les communes), ce qui représente 128 000 hectares dont 85 % appartiennent à des privés. Les feuillus (55 %) sont principalement de la hêtraie-chênaie en taillis sous futaie. Les résineux sont, quant à eux, majoritairement du douglas, mais aussi de l’épicéa et du sapin en futaie régulière. Le taux d’enrésinement, très variable sur le territoire, est beaucoup plus important sur les secteurs concernés par les petites chouettes de montagne, à savoir le Haut-Morvan montagnard. Cette petite région naturelle de 11 000 hectares, à cheval entre la Saône-et-Loire et la Nièvre, est la partie la plus élevée du Morvan avec les plus hauts sommets bourguignons (point culminant sur le Haut-Folin à 901 mètres). Le climat est de type moyenne montagne avec des précipitations importantes.

Parmi les habitats potentiels pour les deux espèces, on trouve : - des boisements feuillus représentés par la hêtraie

montagnarde à houx, avec de la hêtraie neutrophile en bas de versant et de la hêtraie sur sols très acides en haut de versant ;- des vieilles plantations résineuses plus éclaircies avec de la régénération de résineux ;- des boisements mélangés avec du hêtre et du résineux ;- de nombreuses zones humides avec des zones d’aulnaie-boulaie-saulaie ;- des zones ouvertes intraforestières avec des landes à myrtille et à callune, des tourbières et bas-marais à carex.

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Combe de Côte-d’Or - Photo : O. Bardet ©

Hêtraie de fond de combe - Photo : O. Bardet ©Ourlet à gentiane jaune - Photo : O. Bardet ©

Paysage de forêt feuillie et résineuse du Haut-Morvan Photo : C. Détroit ©

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Tengmalm et chevêchette n°11, 12 & 13 - avril 2014 - LPO Mission rapaces

Découverte de la chevêchette en Bourgogne La reprise du suivi sur la Tengmalm en 2011 a permis de mettre en place des prospections sur la chevêchette dans les mêmes secteurs du Haut-Morvan, jugés favorables pour les deux espèces. En 2011, seules des réactions de passereaux à la repasse ont été répertoriées. Le premier contact (un chant d’automne entendu à plusieurs reprises en plein après-midi, en réponse à la repasse) a été établi le 18 novembre 2012 dans l’un des secteurs suspectés. Un mâle chanteur (chant spontané, toujours en plein après-midi) a ensuite été contacté en mars 2013 sur un secteur voisin du premier site (observateurs : Bardet Olivier, Véron Dominique et Détroit Cécile) (DETROIT, 2014).

Actions en cours sur le MorvanDes prospections d’arbres à cavités, potentiellement favorables aux deux espèces, et des indices de nidification ont débuté dès 2012. Pour le moment aucune cavité occupée n’a été découverte. Les recherches se poursuivent en 2014 dans le cadre d’un projet coordonné par le Parc naturel régional du Morvan sur la biodiversité associée aux vieux arbres de son territoire, en partenariat avec l’ONF.

ConclusionLa taille réduite des populations nicheuses bourguignonnes de Tengmalm et leur isolement par rapport aux autres régions occupées pose la question de leur renouvellement sur le long terme.

Par ailleurs, l’exploitation forestière intensive en cours sur le Haut-Morvan et la part importante de plantations régulières de douglas au détriment des vieilles hêtraies et des mosaïques d’habitats forestiers très peu représentés sur les secteurs les plus en altitude sont des facteurs limitant les capacités d’accueil des petites chouettes. On peut donc s’interroger sur les possibilités d’installation de la chevêchette et de maintien durable des deux espèces sur le Morvan et par conséquent en Bourgogne. D’où l’importance de la poursuite des prospections en cours et du travail en concertation avec l’ensemble des forestiers.

Bibliographie- BARDET, O., FEDOROFF, E., CAUSSE, G. & J. MORET, 2008. Atlas de la flore sauvage de Bourgogne.

Ed Biotope, Mèze, (Collection Parthénope) ; Muséum national d’histoire naturelle, Paris, 752 p.- DESSOLIN, J.-L. 1985. La Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) en Côte-d’Or de 1981 à 1987. Le Jean-le-Blanc, 24: 1-24.- DETROIT C. 2012. Suivi des populations de Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) des forêts du Haut-Morvan. Société d’histoire naturelle d’Autun, 27 p.- DETROIT C. 2013. Suivi des populations de Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) des forêts du Haut-Morvan. Société d’histoire naturelle d’Autun, 20 p.- DETROIT C. 2014. Une nouvelle chouette découverte en Bourgogne : la Chevêchette d’Europe Glaucidium passerinum. Rev. Sci. Bourgogne-Nature 18-2013 (sous presse).- FROCHOT B. & FROCHOT H. 1963. La Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) retrouvée en Côte d’Or. Alauda, XXXI (4): 246-255.- GJOA 1988. Chouette de Tengmalm Aegolius funereus - Nouvelle espèce dans le Morvan. Soc. Hist. Nat. Autun, 125: 31.- STRENNA L. (coord.) 2000. Les rapaces de Bourgogne. Aile Brisée, Talant, 176 p.- SIRUGUE D. & JACOB H. 2007. La Nyctale de Tengmalm Aegolius funereus, un mâle venu de Suisse. Rev. Sci. Bourgogne-Nature Hors-série 3-2007 : 42-43.

Cécile Détroit(Société d’histoire naturelle d’Autun)

[email protected]

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Mélange hêtres et résineux et lande à myrtille et callune. Photos : C. Détroit & S. Bellenfant ©

Photo : F. & G. philibert © Photo : L Cournault ©

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Suivi de la chouette de Tengmalm et découverte de la chevêchette en Haute-Loire

2011 a été une année de reprise des prospections de la nyctale dans les massifs du Devès et Meygal du département de la Haute-Loire. Si un contact auditif, il y a quelques années, laissait présager d’éventuelles reproductions, les années 2011 et 2012 ont apporté plus que des preuves...Le hêtre commun est présent par taches de concentration dans du parcellaire privé morcelé, mais surtout sur près de 1 000 hectares de forêts gérées par l’ONF. Sur certains sujets, son élagage naturel favorise l’installation du pic noir, grand pourvoyeur de cavités. Plus rarement, des loges sont visibles dans des sapins pectinés, mais aussi dans quelques épicéas communs, ou encore plus rarement dans des pins sylvestres. Un état des lieux aura permis de « pointer » quelques 200 arbres, aux limites de la Haute-Loire, de l’Ardèche et de Lozère jusqu’à la Margeride. Bien des secteurs restent encore à explorer.Les hêtraies-sapinières d’altitude (environ 1 100 mètres de moyenne) représentant le milieu type fréquenté par la chouette de Tengmalm, le gîte et le couvert disponible sur le Devès ne pouvait que l’accueillir.En quelques chiffres et observations marquantes sur les deux années 2011 et 2012 :- 12 mâles chanteurs entendus ;- 15 individus observés à la loge ;- 5 jeunes vus.Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer l’échec ou l’abandon de ces reproductions ou tentatives de reproduction : la fluctuation des quantités de nourriture disponible, la prédation et les intempéries. La disponibilité des observateurs et l’effort de prospection constituent aussi un biais considérable. Il est aussi possible que la chouette ne se montre pas en réponse au

grattage car « boudeuse » ou simplement absente, alors que les jeunes sont bien là. Les observations de jour de cette chouette en dehors de la cavité sont exceptionnelles pour ne pas dire rarissimes, car elle reste bien cachée dans le couvert des grands arbres. Cet oiseau est strictement nocturne et des observations de ses passages en vol lors de nuits claires sont alors possibles.Découverte de la chevêchette d’Europe sur le massif du Meygal : plusieurs contacts auditifs d’un individu en automne et début d’année 2013.En 2013, les secteurs occupés l’an passé par la Tengmalm sont désertés. En cause, vraisemblablement l’hiver long et le printemps humide. Seuls trois chanteurs sont contactés au printemps, une seule chouette est observée à la loge, sans suite.L’automne est en revanche marqué par une belle surprise au moment des écoutes du brame du cerf. Sur deux secteurs à Tengmalm, des chanteurs lançant quelques « poupou » et cris sont entendus. Les chants d’automne sont plus que rares, entendus dans les premières minutes de la nuit puis le silence s’installe. Malgré les prospections il ne sera pas possible de recontacter la chevêchette.L’hiver 2014 est doux, la couverture neigeuse est faible rendant la forêt accessible. Les prospections permettent d’entendre jusqu’à quatre chanteurs de Tengmalm en simultané.Depuis les pôles connus, on peut totaliser au moins 10 chanteurs.Depuis la mi-mars, six femelles à la loge sont notées lors des contrôles des cavités. Lors d’une sortie, c’est une nouvelle surprise :

deux chevêchettes se répondent !Les prospections à la recherche d’un possible couple, sur ce secteur, sont en cours. La fée des bois était restée discrète. Cette présence est bel et bien une découverte.Une convention entre la LPO Auvergne et l’ONF est en préparation et devrait être signée dans le courant de l’année. Le marquage à la peinture (couleur chamois) des arbres à cavités et leur pointage au GPS est en cours. D’ores et déjà, la prise en compte des chandelles et arbres à loges, en général, est intégrée au plan de gestion des 625 hectares de la forêt domaniale du lac du Bouchet, entre autres.Une sylviculture allant dans le sens de la protection et la conservation des arbres à cavités et la création d’îlots de sénescence ne pourront que favoriser durablement la présence et la reproduction de ces petites chouettes de montagne. La création de réserves biologiques intégrales (RBI) ou dirigées (RBD) dans les forêts publiques sont aussi des pistes de préservation des milieux à préconiser.Une information aux acteurs des forêts publiques et privées sur l’intérêt des arbres à loges pour d’autres espèces cavicoles serait un pas vers la biodiversité dont ont besoin nos forêts.

Nicolas Vaille-Cullière en collaboration avec Christophe Tomati (LPO Auvergne)

[email protected]

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Photo : N. Vaille-Cullière ©

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Tengmalm et chevêchette n°11, 12 & 13 - avril 2014 - LPO Mission rapaces

La chouette de Tengmalm en Limousin : habitat, sylviculture et perspectives

Les premiers chants de Tengmalm sont entendus en Limousin pour la première fois en 1980. Les données deviennent fréquentes et systématiques à partir de 1986. Il faut attendre 1995 pour la première preuve de nidification, dans le massif forestier le plus haut en altitude de la région, entre 900 et 1000 mètres d’altitude. Depuis, l’espèce fait l’objet d’un suivi régulier sur un ensemble forestier de près de 10 000 hectares. Nous possédons donc un recul de près de 18 ans sur l’évolution de la population et de l’habitat qu’elle fréquente.

Population et dynamiqueLes preuves de nidification de la chouette de Tengmalm sont continues depuis 18 ans. Néanmoins les effectifs sont modestes et la production de jeunes faible.Chaque année, deux et trois mâles chanteurs sont découverts en moyenne, avec des pics compris entre cinq et neuf mâles. On assiste en général à deux tentatives de couvaisons, mais 60 % d’entre elles n’aboutissent pas. La proportion d’échec est donc importante avec des causes multiples dont la prédation de la nichée, l’inondation des cavités par ruissellement, etc. Lorsque celles-ci aboutissent, elles produisent seulement deux jeunes prêts à l’envol. Le bilan des 18 années de suivi a abouti à la découverte de 43 mâles chanteurs et le cumul de 40 jeunes, dont nous ne connaissons rien du devenir sans programme de baguage. D’une année à l’autre, on relève des fluctuations importantes de la population nicheuse mais leur amplitude est bien plus faible que dans d’autres régions comme le Jura français, le Jura vaudois, les Hautes-Vosges, les Vosges moyennes, le Livradois, les Cévennes, les Hautes-Fagnes, par exemple.

L’espace de reproduction de la chouette de TengmalmEn dépit d’effectifs faibles, la chouette de Tengmalm a été entendue sur 17 sites différents. Sept de ces sites regroupent 80 % des observations.

Aussi, la population nicheuse se maintient autour d’un « noyau dur » situé sur les secteurs de plus haute altitude du Limousin, dans le croissant forestier se développant du sud-ouest au nord-est entre Egletons, Meymac et Peyrelevade.On note depuis 2008 une baisse de l’activité de reproduction sur les principaux sites, une diminution locale qui est atténuée par la découverte de nouveaux sites en périphérie de la zone suivie, à des altitudes moins élevées, entre 800 et 600 mètres. Il s’agit de secteurs dans lesquels le suivi n’est pas régulier, des mentions qui proviennent généralement d’observateurs occasionnels, qui la plupart du temps vivent à proximité des sites.A ce constat, on suspecte qu’il existe une taille minimale critique des massifs forestiers favorables à la chouette de Tengmalm. De façon empirique, dans le contexte morcelé de la forêt limousine, nous évaluons ce seuil à 500 hectares d’un seul tenant. Il s’agirait donc d’une étendue en dessous de laquelle l’intégrité forestière ne serait plus suffisante pour assurer l’accueil de l’espèce ; une exigence écologique qui viendrait s’ajouter, sinon s’imposer, au critère altitudinal donc climatique. Cette condition, qui se confirme année après année, ouvre des perspectives intéressantes, car elle étend très largement l’aire potentielle de répartition de l’espèce. Jusque vers 2005, les recherches se cantonnaient presque exclusivement aux plus vastes espaces forestiers au dessus de 850 mètres d’altitude. Or, les plus grands ensembles forestiers du Limousin se trouvent sur les monts et plateaux compris entre 500 et 700 mètres d’altitude. Il s’agit de forêts où personne ne cherche l’espèce, une chouette qui de plus passe facilement inaperçue !

Aperçu de l’habitat de la chouette de Tengmalm en LimousinPour l’heure, les milieux fréquentés par la chouette de Tengmalm consistent en de vastes ensembles forestiers de plusieurs centaines d’hectares d’un seul tenant, qui sont installés sur les versants et sommets des hauteurs du plateau de Millevaches, entre 850 et 1 000 mètres. Ces forêts sont majoritairement

composées de plantations équiennes et monospécifiques de résineux, majoritairement représentés par l’épicéa commun et le douglas.Les sites de reproductions consistent en des hêtraies dont certains arbres ont été forés par le pic noir. Ces hêtraies, sont le plus souvent des futaies monospécifiques, plantées majoritairement entre 1920 et 1960, sur d’anciennes banquettes de culture. C’est pourquoi on les trouve sur les zones de replats, en périphérie des massifs résineux, proches des zones d’habitats. Ce sont généralement des peuplements de petites surfaces, de quelques hectares seulement.La forêt de la montagne limousine actuelle est une forêt jeune dans la mesure où son existence remonte aux opérations de reboisements des terres agricoles en déprises durant l’exode rural du 20e siècle. Le pic de reboisement a été atteint entre les années 1960 et 1990.Dans ces peuplements, le développement d’une sylviculture dynamique, suivant un itinéraire sylvicole simplifié et généralisé de coupe à blanc-plantation-éclaircie, selon un cycle de révolution moyen de 40 ans, laisse peu de place au développement d’arbres à cavités, favorables à la nidification l’espèce.Ce contexte forestier a deux conséquences en termes de pérennité du potentiel d’accueil pour l’espèce :- les hêtraies pourvoyeuses de loges, déjà peu nombreuses, sont vieillissantes puisque plantées dans la première moitié du siècle. Leur état sanitaire très mauvais pose le problème de leur maintien et renouvellement ;- la pérennité d’un espace boisé favorable à la chouette de Tengmalm. En effet l’homogénéité des classes d’âge fait que dans les 20 années à venir, 80 % de l’espace boisé fréquenté par l’espèce sera composé de peuplements de douglas ayant moins de 30 ans.

Problématiques liées à cette histoire forestièreL’installation de la chouette de Tengmalm en Limousin est étroitement liée à l’histoire sylvo-pastorale de la montagne limousine. Les difficultés sylvicoles et économiques auxquelles doit faire place la filière bois locale

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conditionnent très directement le potentiel d’accueil de l’espèce.On notera que sur ce territoire, la chouette de Tengmalm se présente comme un élément patrimonial symbolique de l’histoire du territoire de la montagne limousine. Cela permet de légitimer des actions de médiation, conservation, amélioration des conditions d’accueil de l’espèce, auprès des acteurs de la sylviculture limousine, dont les propriétaires privés. Elle permet en effet de faire un lien direct entre préservation de la nature et développement territorial. Réfléchir sur la préservation des conditions d’accueil de l’espèce revient à apporter, localement, des solutions pour éviter le creux de production de bois qui se profile dans les deux décennies à venir. Pour répondre à ces problématiques de conservation-production, le Parc naturel régional de Millevaches en collaboration avec le Centre régional de la propriété forestière a mis en place, dans le cadre de la Charte forestière de territoire, un outil innovant et expérimental : le Plan de développement de massif « Chouette de Tengmalm ». Les PDM sont des outils de la loi d’orientation forestière de 2001 pour accompagner, faciliter et améliorer la récolte forestière sur un massif forestier donné. Le PDM « Chouette de Tengmalm » concerne sept communes, 18 850 hectares de forêts (66 % de taux de boisement), forêts sur lesquelles les efforts de sylviculture et de mobilisation de la ressource en bois sont associés à des actions favorables à la préservation de l’habitat de la chouette de Tengmalm : éclaircies, reboisements après coupe, régénération naturelle, irrégularisation, etc.Depuis sa mise en place, il y a un an, cette co-action sylvo-environnementale apparait satisfaisante car elle permet de toucher et d’intéresser des propriétaires qui jusqu’alors

demeuraient dans l’angle mort des objectifs de la filière bois ou des actions de conservation de la nature. Le PDM « Chouette de Tengmalm » se présente comme un complément efficace de la boîte à outils classique mise à disposition par les politiques nationales et européennes de production forestière ou de protection de la nature.

Romain Rouaud (Géolab-CNRS, Université de Limoges), Olivier Villa (PNR de Millevaches) & Yann Bourguignon (CRPF Limousin)

[email protected]@yahoo.fr

La chouette de Tengmalm dans les Cévennes de 1990 à 2013

1 - La zone d’étudeSi, aujourd’hui, les prospections tentent de couvrir l’ensemble de la zone décrite (du moins dans sa partie lozérienne et gardoise), soit environ 5 235 km2, l’essentiel de la pression d’observation se concentre (et s’est concentrée, entre 2000 et 2013) sur la région Hautes-Cévennes et plus particulièrement sur le massif de l’Aigoual (partie sud de la

zone et du cœur du parc), qui représentent respectivement 20 et 5 % de la surface totale.A noter que les « Basses-Cévennes » ne sont représentées que pour mémoire dans la mesure où elles représentent les versants méditerranéens couverts de châtaigniers (et pins maritimes) et qu’elles ne sont concernées que par quelques données en bordure des Hautes-Cévennes.

Il ressort clairement du tableau (cf. page suivante) que deux types de forêts sont représentés dans la zone avec des recouvrements importants : le premier présentant un équilibre feuillus-résineux (donc une forte présence du hêtre), en altitude, sur granite, sur les Hautes-Cévennes ; le second sur la Margeride et certaines parties des causses, plus franchement résineux, à base de peuplements de pins assez souvent monospécifiques.

2 – Evolution de la population2-1 - Chronologie des observations et des suivis- 1990 : J.Y. Guillosson observe la première nidification de l’espèce sur le Lingas (Aigoual sud); - 1990 à 1999 : les prospections effectuées sur l’Aigoual gardois, par les agents du PN des Cévennes sont globalement infructueuses, hormis des contacts épisodiques

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Zone d’étude « chouette de Tengmalm »

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sur le secteur du Lingas (difficile d’accès en hiver) ; - 2000 : suite à l’observation d’un individu vers le col du Minier, le parc relance une série d’écoutes nocturnes, sur ce même secteur, ce qui permet de confirmer la deuxième nidification de l’espèce ; - 2000 à 2004 : une pression d’observation assez forte est maintenue sur la partie gardoise du massif.- 2005 : la conjugaison d’une année exceptionnelle pour la reproduction de la Tengmalm avec la présence (sur six mois) d’une stagiaire (Angèle Pialot) affectée à ce sujet, a permis de bien confirmer l’implantation d’un réel noyau de population sur l’Aigoual gardois, avec 15 sites occupés et 11 femelles nicheuses.- 2006 à 2008 : la pression d’observation se développe sur l’ensemble de l’Aigoual (Gard et Lozère) ;- 2009 à 2010 : les prospections tendent à se normaliser sur les autres massifs du parc des Cévennes (mont Lozère, vallées cévenoles et causses gorges).En plus des écoutes faites en interne, le parc sollicite, sur l’Aigoual, les naturalistes locaux en organisant quatre soirées de prospection au chant.A partir de 2009, le parc intègre le réseau « PCM ».A partir de 2011, le parc et l’ALEPE échangent leurs informations.- 2012 représente la deuxième année exceptionnelle en matière de chant (41 chanteurs différents sur l’Aigoual, 66 sur l’ensemble de la zone d’étude) … mais la reproduction n’est pas à la hauteur (seulement 10 reproductions possibles) !- 2013 a constitué une mauvaise année avec 13 territoires occupés sur

l’ensemble de la zone d’étude (sept seulement sur l’Aigoual).

2-2 - Résultats sur le massif de l’AigoualAprès 10 ans de contacts très épisodiques (1990-2000), les observations effectuées entre 2000 et aujourd’hui ont permis de suivre l’installation d’une population de chouettes de Tengmalm, maintenant

bien en place, sur ce territoire.Les variations importantes de populations, en termes d’effectifs reproducteurs, sont une constante de cette espèce. Ce phénomène semble lié à l’abondance hivernale et printanière

des proies (principalement campagnol roussâtre et mulots), elle-même corrélée avec les quantités de fruits forestiers disponibles.

Une répartition par noyauxLe 1er noyau historique, le plus au sud (Lingas) s’est maintenu depuis 1990 et semble se développer doucement ; encore faut-il ajouter que ce secteur est souvent peu accessible du fait de l’enneigement et subit donc une pression d’observation faible. Les 2e (Montals) et 3e (Bois de Miquel-Suquet), plus faciles à prospecter se développent nettement depuis 2000. Un 4e (Aire de Côte) et un 5e (Tabilloux) noyau commencent à se constituer ; l’espèce y a été observée avec un seul indice de reproduction (non confirmée).

2-3 - Résultats sur l’ensemble de la zone d’étudeLa synthèse des résultats, à cette échelle, étant relativement récente (début en 2009), et les pressions d’observation étant très hétérogènes,

nous ne ferons pas d’analyse diachronique ou détaillée de ces derniers. Outre le tableau inclus dans la carte ci-dessus, présentant l’ensemble des données obtenues sur la période 2000-2012, nous nous bornerons à faire un focus sur les résultats 2012 : l’ensemble confirme bien

 Margeride   Aubrac   Causses  

Hautes‐Cévennes(incluent Mont Lozère, Mont 

Aigoual, PNC)  48   Plateau 48   Causse nu 48 Causse 30 Causse boisé 48   48   30

Descrip

tion  

Superficie (km2)   2 159   291   550   273   893   833   236  

Roche mère dominante   granite   basalte   calcaire   calcaire   calcaire   Granite et 

schiste  Granite et schiste  

Caractéristique

s forestiè

res   Taux de 

boisement (%)   44,6   11,6   26,1   29,1   49,6   52,7   77  

Equilibre feuillus résineux  

82 % de résineux  

53 % de résineux  

87 % de résineux  

23 % de résineux  

86 % de résineux  

50 % de résineux  

55 % de résineux  

Essences dominantes  

pin (sylvestre) ; épicéa, hêtre 

(sapin, bouleau)  

hêtre et épicéa(équilibre feuillus résineux)  

pins (sylvestre et noir)  chêne 

pubescent  

chêne pubescent  

pins (sylvestre et noir)  chêne 

pubescent  

hêtre et pins (sapin, épicéa…)  

Hêtre, pins (sylvestre et Laricio), épicéa  

Traitements dominants   Futaie régulière   Futaie régulière   Futaie 

régulière   Taillis   Futaie régulière   Futaie régulière  

Futaie régulière  

Source IFN 1995

 

Evolution des contacts chouette de Tengmalm en période de chant sur le massif de l’Aigoual entre 2000 et 2012 Cartographie des noyaux

Comparaison entre la production de faînes et la reproduction de la nyctale de Tengmalm sur le massif de l’Aigoual

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l’installation d’une population de nyctales à l’échelle du sud-est du Massif central.

3 - Les protocoles sur l’AigoualPour bien comprendre les limites et l’intérêt de ces résultats, il nous a paru utile de rapporter ici les trois méthodes employées sur le massif de l’Aigoual par le Parc national des Cévennes :- les écoutes : entre la mi-janvier et la fin mars, quatre sorties collectives, représentant chacune entre 10 et 20 itinéraires et des sorties « opportunistes » sont effectuées, ce qui représente, aujourd’hui, de l’ordre de 150 à 200 heures … avec beaucoup d’échecs ! C’est principalement sur ce protocole que les

naturalistes locaux (Cogard, ALEPE, individuels, ONF) nous apportent leur aide précieuse.- les grattages : en avril et mai, les arbres à loges connus sont grattés au pied par les agents du parc, prioritairement autour des zones de chants identifiées lors des écoutes, pour recenser les femelles nicheuses.- l’escalade : d’août à novembre, par binômes de cordistes du parc, les arbres à loges positifs au grattage (en priorité) sont escaladés pour :- vérifier la reproduction après nidification (restes de micromammifères, odeur, restes d’œufs …) ;- récupérer les fonds de loges utilisées pour l’étude du régime

alimentaire ; - avoir un aperçu de l’offre réelle en loge et de leur utilisation par les autres espèces.

La synthèse effectuée en 2007 sur les arbres à cavités de pic noir nous fournit un aperçu de la disponibilité en loges pour la chouette de Tengmalm :sur 265 arbres à cavités inventoriés et visités (totalisant 686 orifices visibles du sol, ébauches comprises), seulement 137 (grosso modo, la moitié) portent une ou plusieurs loges complètes, ce qui représente un potentiel d’accueil théorique de 292 loges réelles. Mais, en fait, 30 % des loges sont inondées (plus 5 % qui sont seulement humides, donc tout de même utilisables pour peu qu’il y ait apport de matériaux : mousses, herbes, branchettes) et 5 % sont remplies de terreau. Ce qui signifie que le potentiel d’accueil réel n’est que de 190 loges. 4 – Le choix des arbresLes arbres utilisés par la chouette de Tengmalm (42 recensés, 21 décrits) parmi 1 190 arbres à loges (478 décrits) aujourd’hui recensés, sont 38 hêtres vivants, deux sapins vivants, une chandelle d’épicéa (sur le massif de l’Aigoual) et une chandelle de pin noir (sur le causse Méjean).Il ne semble pas ressortir de sélection particulière des arbres eux-mêmes ou des loges, si ce n’est que les trous utilisés sont

toujours le fruit du travail du pic noir et que les loges utilisées par la Tengmalm sont un peu plus basses que la moyenne des loges observées : 6,95 mètres contre 7,62 mètres.

Aigoual Mont Lozère Causses Margeride Total

Sites occupés 41 13 7 5 66

Zone d’étude « chouette de Tengmalm »

Photo : J. Séon © Contrôle de l’occupation des loges - Photo : J. Séon ©

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5 - Typologie des stations utiliséesSi aucune sélection positive n’apparait dans le choix des arbres à loges utilisés, les facteurs stationnels semblent, par contre, montrer des tendances assez nettes.

L’exposition du siteEn comparant les orientations des pentes sur un échantillon aléatoire d’arbres à loges de pic noir et ceux choisis par la nyctale, on constate une sélection négative des orientations préférentielles du pic noir (nord-est, sud-est) et une sélection positive de celles qui sont « marginales » pour le pic noir (ouest et nord-ouest). Elle confirme donc son origine nordique par une sélection positive évidente des ubacs et des expositions froides.

La nature de l’étage dominantLe hêtre est majoritaire dans 83 % des stations utilisées par la nyctale alors que l’offre représentée par les stations à loges de pic compte 90 % de hêtraie majoritaire. Il existe donc une sélection positive des peuplements mixtes, voire à dominante résineuse.

Le recouvrement de l’étage dominantLa comparaison nous indique une sélection plutôt négative des peuplements dominants à fort recouvrement (surtout > 75 %) et positive de la tranche 25 à 50 % de recouvrement par la strate dominante. On retrouve la même tendance avec l’analyse des surfaces terrières avec des moyennes à 16,5 m2/ha sur les stations à Tengmalm alors qu’elles sont de 19,7m2/ha sur l’échantillon témoin.Il s’agit donc de peuplements ouverts au niveau de la strate dominante, dans lesquels le travail de préparation à la

régénération est déjà avancé.Si on ajoute à cette première comparaison une seconde mettant en parallèle les préférendums du pic noir et ceux de la nyctale, lors de leurs nidifications et que l’on tente de replacer ces étapes dans le cycle de sylvigénèse d’une hêtraie, on obtient le schéma ci-contre.Certes, le nombre de relevés stationnels (12 pour la nidification du pic noir, et 20 pour celle de la nyctale) limite la validité statistique de

ces résultats, mais ils nous semblent nettement indicatifs et conformes au « ressenti de terrain ».Cet exercice nous semble de plus constituer un début d’explication aux 30 ans qui séparent l’arrivée du pic noir sur le massif de l’Aigoual et celle de la chouette de Tengmalm. Pour résumer, il a fallu attendre que le pic noir colonise les stations froides de hêtraie, pure ou mixte, qui ne correspondent pas à ces préférendums et que celles-ci commencent à être régénérées avec un enrichissement en résineux (sapins principalement) pour que la chouette de Tengmalm prenne sa place.La capacité de dispersion de la nyctale ayant bien évidemment joué son rôle dans ce processus.

6 - Régime alimentaire sur l’AigoualL’escalade des arbres a par ailleurs permis de collecter 19 fonds de loges, en plus des quelques pelotes récupérées au pied des arbres. L’ensemble a été analysé, totalisant 979 proies.

En scindant l’échantillon en deux, selon l’importance de la faînée (2005, faînée

record : 535 proies ; autres années : 444 proies), on peut constater des variations semblant significatives : lors des fortes faînées, la part des mulots (sylvestres ou à collier), mangeurs

de fruits forestiers, augmente alors que celle des campagnols roussâtres, plus herbivores, diminue, de même que les proies secondaires (musaraignes).

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7 - Mesures de protection Outre la configuration des milieux, un autre facteur a permis de conforter cette évolution : les mesures de protection engagées en forêt domaniale, en zone cœur du parc, ce qui représente plus de 95 % des territoires identifiés :- tout d’abord, la conservation systématique des arbres à loges de pic noir par un marquage à la peinture (cerclage jaune) par les agents du parc, avant martelage. Appliquée depuis une vingtaine d’années, ce maintien des gîtes potentiels pour la chouette de Tengmalm (et quelques dizaines d’autres espèces) a permis une fixation durable des noyaux de populations, dans le temps et dans l’espace ;- depuis quelques années, on applique aussi à la chouette de Tengmalm la notion de périmètre de quiétude : pas d’intervention sylvicole entre le début janvier et la fin juillet, dans un rayon de 50 mètres autour des arbres à loges utilisés ou susceptibles de l’être (arbre à loge à moins de 300 mètres d’une place de chant).

Jean Séon (Parc national des Cévennes)

[email protected]

Suivi de la chevêchette d’Europe et de la chouette de Tengmlam en Haute-Savoie

La chevêchette d’Europe En Haute-Savoie, elle est longtemps restée secrète et sa présence se limitait à quelques massifs. Depuis quelques années, les prospections menées ont permis de faire évoluer nos connaissances et sa répartition semble être beaucoup plus étendue que celle supposée.

MéthodologieCe bilan des prospections de la chevêchette d’Europe repose sur les connaissances accumulées

par la LPO Haute-Savoie depuis 1960 sur le département. La base de données faune gérée par la LPO Haute-Savoie rassemble à ce jour plus de 1 175 000 insertions (dont 96 % concernent l’avifaune).Parmi l’ensemble de ces données récoltées bénévolement se trouvent de nombreuses observations ponctuelles, mais aussi des observations concernant des prospections spécifiques (comme pour la chevêchette d’Europe) et des suivis coordonnés par des ornithologues confirmés adhérents à la LPO.La base de données de la LPO Haute-Savoie fait l’objet d’un contrôle quotidien par 18 naturalistes confirmés. Ce système de vérification des données permet d’exclure rapidement toute observation jugée aberrante ou douteuse.Une requête effectuée sur toutes les communes de la Haute-Savoie a permis d’extraire les données concernant la chevêchette d’Europe de la base de données.

RésultatsDe 1960 à 2006Entre 1960 et le 31/12/2006, seules 39 données concernent l’espèce sur tout le département. 26 contacts sont recensés en période de nidification, 11 en

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Données de chevêchette d’Europe en Haute-Savoie entre 1960 et 2007

Régime alimentaire de la chouette de Tengmalm sur le massif de l’Aigoual gardois

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automne et début d’hiver et deux prospections avec utilisation de la repasse donnent des réactions de passereaux. Seuls quelques massifs (Glières, Semnoz, Voirons, Haut-Giffre, Aiguillette des Houches, vallée de Chamonix…) sont visités par quelques passionnés amateurs ou professionnels (ONF, Grifem). Une seule reproduction a été constatée avec une famille en août 2006 dans le massif des Voirons.

Depuis 2007Entre janvier 2007 et décembre 2012, 592 données concernent l’espèce. La raison principale en est une prospection systématique des massifs forestiers de montagne. Cette multiplication spectaculaire du nombre de données s’explique par plusieurs facteurs. En 2007, un groupe de travail commun LPO - ONF « Petites chouettes de montagne » est constitué au niveau national et coordonné par la LPO Mission rapaces (Y. Muller). Une recherche avec protocole, sous la direction d’Asters, en collaboration avec le CREA et la LPO Haute-Savoie a été conduite à l’automne 2007 sur la réserve naturelle de Sixt-Fer-à-Cheval. Enfin, depuis 2008, un petit groupe de passionnés s’est constitué et a multiplié les sorties. Les résultats ne se sont pas fait attendre : la présence de la chevêchette est désormais confirmée dans tous les massifs forestiers de montagne.En période de nidification, 274 sorties ont été effectuées permettant 156 contacts et un minimum

de 44 constats de réactions des passereaux. Seules neuf preuves de nidification ont été rapportées. La recherche de cavités occupées est délicate car elle doit s’opérer souvent dans des conditions difficiles avec de la neige, les mâles commençant les chants territoriaux dès la mi-janvier. Des accouplements ont été observés jusque dans la deuxième quinzaine de mars. Par la suite, les prospections se concentrent sur la période de nourrissage des jeunes qui débute vers la mi-mai. Les conditions sont plus favorables, mais l’espèce est aussi plus discrète : les chants émis par le mâle pour signaler son arrivée avec une proie ne sont audibles qu’à faible distance de la cavité.A l’automne, 282 prospections ont été réalisées avec 125 contacts recensés et au moins 89 constats de réaction de passereaux.A ce jour, la présence de la chevêchette d’Europe est connue sur 143 localités de Haute-Savoie dont 101 où la présence a été avérée au printemps.

Discussions En conclusion, cette espèce, considérée comme très rare dans le passé, est en fait bien présente sur le département. Elle reste tout de même considérée comme nicheur rare. Il n’est par contre pas possible de parler d’une quelconque évolution de la population, puisque cela fait seulement cinq ans que des données régulières sont enregistrées. En effet, nous sommes toujours en phase de prospection de nouveaux sites ou de loges

occupées pour la nidification. Celles-ci doivent également permettre de vérifier si les localités occupées à l’automne le sont aussi au printemps.La préservation de la chevêchette d’Europe passe obligatoirement par la conservation des vieux massifs forestiers d’altitude qui, par chance pour l’espèce, sont aussi le domaine de la chouette de Tengmalm, du tétras-lyre et de la gélinotte des bois. La prise en compte par les propriétaires et gestionnaires forestiers des exigences écologiques de ces oiseaux dans les politiques d’aménagement et d’exploitation des forêts où ils sont présents est d’une importance capitale.

La Chouette de Tengmalm

Historique Les premières données fiables de chouette de Tengmalm pour le département de la Haute-Savoie datent de 1977, au Col de Bretolet (J.-P. Matérac), puis en 1980 dans le massif des Glières (A.Miquet).L’espèce est découverte par la suite dans la vallée du Haut-Giffre en 1982 (M. Maire) et à partir de 1989, les secteurs occupés par l’espèce se multiplient sur l’ensemble des massifs forestiers propices.

Répartition actuelle Bien que l’espèce ait été contactée à basse altitude, par exemple un individu récupéré en 2009 dans la cour de la mairie de Jonzier-Epagny, à 620 mètres d’altitude (L. Méry) et un autre en 2010 au lycée Saint-Joseph de Thonon-les-Bains, à 430 mètres d’altitude (T. Favre), c’est essentiellement sur les massifs forestiers d’altitude que la chouette de Tengmalm est présente, principalement entre 1 200 et 1 700 mètres d’altitude.Ainsi, le massif des Glières, les forêts des Houches, le Haut Giffre, bien prospectés par des passionnés ou des professionnels (ONF, Grifem) concentrent la majeure partie des données jusqu’au début des années 90. Puis, petit à petit, des données sont récoltées dans l’ensemble des massifs montagneux.Dans le détail, des preuves de nidification sont trouvées en 1993 sur la commune de Thorens-Glières (D. Edon) et à Chamonix-Mont-Blanc, en

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Données de chevêchette d’Europe en Haute-Savoie entre 2007 et 2012

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2010 aux Contamines-Montjoie (G. Garcel) et à Passy (S. Come), en 2012 à Allèves où deux loges distantes de 1 800 mètres sont occupées en même temps (P. Favet), à Mègevette (X. Birot-Collomb, D. Rey) et à Bellevaux (B. Douteau).L’espèce a été contactée sur 152 localités, dont 118 occupées au printemps.Malgré toutes ces données, l’estimation des effectifs ainsi que la répartition de cette espèce restent délicates. Les prospections en période hivernale sur les massifs d’altitude et les fluctuations d’abondance de l’espèce d’une année sur l’autre rendent les estimations difficiles.

Habitat La moyenne altitudinale des zones concernées est proche de 1 500 mètres.L’habitat varie des vieilles sapinières à la hêtraie. La présence du pic noir et de ses loges est notée sur l’ensemble des zones concernées. C’est une espèce qui peut apprécier les nichoirs. La présence d’arbres creux associée à des zones dégagées pour la chasse reste la condition principale pour le développement de cette espèce.

Perspectives La chouette de Tengmalm reste pour notre département une espèce bien présente mais dont la répartition, et plus encore l’effectif, doivent être précisés. Les noyaux de populations semblent isolés, et afin d’améliorer la carte de répartition et les connaissances sur l’évolution de cette espèce, un suivi des zones occupées associé à un effort de prospection sur des secteurs potentiellement favorables doivent être développés.

Pascal Charrière & Baptiste Doutau

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Evolution des connaissances sur la répartition de la chevêchette d’Europe dans les Alpes centrales

La restitution de cette communication faite par Bruno Veillet (LPO Isère et Drôme) n’est pas disponible. Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser.

La LPO Mission rapaces

Distribution, abondance de la chevêchette d’Europe sur la réserve biologique intégrale des Hauts-Plateaux du Vercors. Etat des lieux de 2009 à 2012.

IntroductionLe travail d’inventaire dont nous proposons les résultats dans cet article a été mené sur les Hauts-Plateaux du Vercors. Ce territoire, classé en réserve nationale en 1985, s’étend sur une superficie d’environ 170 km². En 2009, l’ONF classe environ 2 160 hectares en réserve biologique intégrale (fermeture totale à l’exploitation forestière, au pâturage et à la chasse de loisir, mais territoire ouvert au public). L’objectif de cette RBI du Vercors est de pouvoir observer la libre expression des processus d’évolution naturelle des écosystèmes à des fins d’amélioration et de préservation de la diversité biologique et de développement des connaissances scientifiques (article 2 de l’arrêté ministériel 2009/24 du 10 janvier 2010). Les gestionnaires de la réserve des Hauts-Plateaux du Vercors et l’ONF ont souhaité mener un travail d’état initial portant sur l’écologie de la chevêchette d’Europe distribuée sur la RBI. Ce travail avait pour objectif d’apporter des éléments sur les effectifs, la distribution, les sites de nidification, l’habitat, la biologie de reproduction et le régime alimentaire de l’espèce sur ce territoire. Ce travail s’est

déroulé sur quatre années, de 2009 à 2012. Matériel et méthodesLa RBI des Hauts-Plateaux du Vercors est située dans les Préalpes, sur les départements de la Drôme et de l’Isère (44°55’N 5°29’E), dans la partie nord de la réserve naturelle. Si ses limites sont proches de celles de la réserve nationale, une partie dépasse celle-ci, notamment au nord et à l’ouest. La zone d’étude couvre une large plage d’altitudes comprises entre 920 et 2 090 mètres. La forêt couvre plus de 80 % du territoire de la RBI. Quatre strates forestières se succèdent en fonction de l’altitude. Chênaie pubescente et forêt de buis par taches, versants sud sur karst : 900-1 000 mètres ; hêtraie-sapinière avec épicéa puis pessière : 1 000-1 600 mètres ; pinède de pin à crochet : 1 600 2 000 mètres). De nombreuses prairies intra-forestières et de de rochers nus (lapiaz dus à l’érosion du calcaire urgonien) couvrent également une surface importante (cf. photo page suivante).L’inventaire des chevêchettes a été réalisé en utilisant la méthode

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Chevêchette adulte photographiée dans la RBI des Hauts-Plateaux du Vercors - Photo : G. Trochard ©

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de la repasse. L’ensemble du territoire de la RBI a été recensé à partir d’un réseau de 405 points géo-référencés espacés de 230 mètres, utilisés par l’ONF comme sites de suivi de la végétation. La repasse a été réalisée à partir d’un ocarina en fa, en trois séries de 30 secondes de chant entrecoupées de 30 secondes d’écoute. Les notes émises avec l’ocarina étaient espacées de trois à cinq secondes. Ces prospections ont été effectuées de jour entre le 15 mars et le 10 mai. Pour couvrir 95 % de l’ensemble de la zone d’étude (Figure 1), trois printemps ont été nécessaires (2009-2010-2011). En

2009 et 2010, les zones prospectées se chevauchent fortement. L’année 2011 a été consacrée à la prospection des zones les plus excentrées, quelques zones n’ont pu être explorées car très difficiles d’accès (escarpements et pentes abruptes avec boisements de buis impénétrables), où l’habitat a été considéré comme peu favorable à l’espèce, comme les crêtes et leurs pelouses alpines.L’estimation du nombre de couples a été réalisée en ajoutant les données collectées ponctuellement aux cavités de reproduction occupées entre 2009 et 2012. Le découpage a ensuite été fait à dire d’expert par Sébastien Blache et Gilles Trochard.

RésultatsLa plupart des chevêchettes ont été contactées par point d’écoute standardisé en 2009 et 2010 avec respectivement 62 et 76 contacts positifs. En 2011, les zones prospectées ne se sont pas révélées favorables, avec un seul contact en partie centrale de la RBI. Nos inventaires montrent que

l’espèce occupe la partie centrale de la RBI plus particulièrement dans la tranche d’altitudes comprises entre 1 300 et 1 500 mètres.La chevêchette d’Europe est distribuée sur environ 450 hectares, soit 23 % de la surface de la RBI.

La méthode utilisée pour estimer le nombre de territoires occupés nous amène à proposer treize territoires pour les printemps 2009 et 2010 (mais seulement une estimation de 10 mâles chanteurs cantonnés étaient régulièrement contactés par contrôle à la repasse durant les deux années). Cette distribution est similaire pour

les deux saisons de reproduction 2011 et 2012. Sur les 450 hectares occupés par l’espèce, la densité est de 2,8 couples pour 100 hectares (Figures 2 et 3).

DiscussionNos inventaires montrent que l’espèce n’est pas distribuée sur l’ensemble du territoire de la RBI. La qualité de l’habitat semble être l’un des éléments déterminants pour expliquer cette distribution. L’espèce occupe l’ensemble de la hêtraie-sapinière avec épicéa et partiellement la pessière. Elle est totalement absente de la chênaie pubescente et de la pinède de pin à crochet (sauf en

automne où des oiseaux y sont parfois contactés, certainement durant leur dispersion). La rareté des cavités de pic épeiche, nécessaires à la reproduction de la chevêchette, semble être l’un des éléments déterminants de cette absence sur cette partie de la RBI. Sur 13 nids découverts, 11 ont été localisés dans un épicéa, un dans un sapin et un dans un hêtre. L’absence de cavités de pic épeiche dans la pinède de pin à crochet et dans la

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Figure 2. Localisation des réponses positives de chevêchettes à la repasse en 2009

Figure 3. Localisation des réponses positives de chevêchettes à la repasse en 2010

Clairière et pessière visitées par la chevêchette dans la RBI des Hauts-Plateaux du Vercors - Photo : G. Trochard ©

Figure 1. Carte d’effort de prospection par points de repasse standardisés, réalisé en 2009, 2010 et 2011

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chênaie pubescente (avec buis) est probablement à mettre en relation avec les petits diamètres des troncs, peu favorables au creusement des loges. Dans les Vosges du Nord, la chevêchette niche régulièrement dans des chênes sessiles de gros diamètre (Y. Muller). Si nous sommes conscients que la méthode utilisée pour déterminer le nombre de couples manque de précision, l’abondance de 2,8 territoires au km2 apparaît dans la moyenne des densités estimées en Suisse et en Allemagne (entre 1,5 et 4,2 territoires au km2 (Möckel, 1980 ; Lang, 1996 ; Augst, 1994 ; Wiesner et al., 1991 ; Schmidbauer, 1989 et Scherzinger, 1974). Néanmoins, nous pensons que notre estimation pourrait s’avérer surestimée compte tenu de la taille des domaines vitaux des mâles, évaluée par télémétrie à 0,99 km² (Barbaro et al. En préparation) à moins que les estimations proposées dans la littérature aient été surestimées.

ConclusionCe travail d’inventaire exhaustif sur la RBI nous permet d’établir une évaluation se situant entre 40 et 60 couples de chevêchettes suivant les années sur l’ensemble de la réserve. Ce travail servira d’état initial dans un contexte incertain de changement climatique imposant de nouvelles pratiques sylvicoles.

RemerciementsNous tenons à remercier Jean-Louis Traversier, de l’ONF de la Drôme, Pierre-Eymard Biron, de la réserve naturelle des Hauts-Plateaux et Freddy Andrieu, de la DREAL, pour les soutiens financier et technique nécessaires au bon déroulement de cette étude qu’ils nous ont apportés, Eric Rousset, pour son aide logistique ainsi qu’ Hervé Chirouze et Jacques L’Huillier, de l’ONF Drôme, Anika Goyot et Guy Caullireau, de la Réserve naturelle nationale des Hauts-Plateaux

du Vercors, pour leur aide à la réalisation des inventaires.

Bibliographie- Barbaro L., Blache S., Trochard G., de Lacoste N. - Hierarchical habitat selection by Eurasian pygmy owls in old-growth prealpine forests, in prep. - Bibby C.J., Burgess N.D., Hill D.A., Mustoe S., 2000 - Bird census techniques. Academic Press, London- Blache S., Trochard G., Barbaro L. - Site et biologie de reproduction de la Chevêchette d’Europe dans les forêts mixtes préalpines des Hauts-Plateaux du Vercors, en préparation- Mebs T., Scherzinger W., 2006 - Rapaces nocturnes de France et d’Europe. Éditions Delachaux et Niestlé, 398 p.- Muller Y., 2003 - Nidification de la Chevêchette d’Europe Glaucidium passerinum dans les Vosges du Nord. Ornithos 10 pp 30-36.- Strom H., Sonerud G., 2001 - Home range and habitat selection in the Pygmy Owl Glaucidium passerinum. Ornis Fennica 78 pp 145-158.

Sébastien Blache, Gilles Trochard (LPO Drôme) etLuc Barbaro (INRA et université de Bordeaux)

[email protected] [email protected]

Ecologie du domaine vital et régime alimentaire de la chevêchette d’Europe dans la RBI des Hauts-Plateaux du Vercors

La restitution de cette communication faite par Sébastien Blache (LPO Drôme) n’est pas disponible. Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser.

La LPO Mission rapaces

Connaissances actuelles sur la répartition, l’écologie et la protection de la chouette de Tengmalm et de la chevêchette d’Europe dans les Hautes-Alpes et massifs limitrophes

La restitution de cette communication faite par Philippe Gilot n’est pas disponible. Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser.

La LPO Mission rapaces

13 ans de suivi de la chouette de Tengmalm dans les Pyrénées-Atlantiques

L’aventure a commencé en 2000 quand nous avons persuadé nos collègues ainsi que ceux du Parc national des Pyrénées, de l’ONCFS et de différentes associations dont la LPO, de participer à une grande saison de prospection de la chouette de Tengmalm dans les forêts publiques des Pyrénées-Atlantiques. Les buts étaient de connaître sa répartition, de suivre sa reproduction, de mieux connaître sa biologie et son habitat décrit en termes sylvicoles signifiants pour le forestier et d’en déduire des préconisations de gestion.

Territoire d’étudeLa grande prospection menée en 2000 s’est effectuée sur un domaine de 53 000 hectares de 32 forêts communales depuis les grandes hêtraies basques d’Iraty ou des Arbailles en passant par leshêtraies sapinières des vallées de Barétous, Aspe et Ossau jusqu’à celle de l’Ouzoum à l’est.Ces vallées sont orientées nord-sud avec de nombreux vallons perpendiculaires orientés est-ouest. En tout, 8 600 hectares, soit 16 % des massifs ont été prospectés le long de 470 kilomètres de pistes et sentiers forestiers réunissant une quarantaine de personnes.Ensuite, pendant 13 ans, nous

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avons enrichi la connaissance par d’autres prospections, le suivi des sites de reproduction, et le recueil de différentes données des multiples observateurs tout au long de ces années.

Matériel et méthodeLa technique des localisations par point d’écoute avec repasse a été utilisée. Puis une fois les chanteurs repérés, des écoutes par points fixes sur le massif ont permis de déterminer les territoires. Enfin, des prospections diurnes à la recherche de cavités, puis le grattage des arbres les abritant ont permis de trouver quelques nids.

Résultats- Plusieurs localités nouvelles ont été trouvées jusqu’en 2013 puisqu’un total de 97 données ont été rassemblées dont 85 nouvelles depuis la forêt

syndicale de Cize jusqu’en vallées de Baretous, Aspe et Ossau. Trois massifsprincipaux, deux en Aspe et un en Ossau rassemblent 65 % des données.

- Plusieurs reproductions ont été suivies en vallée d’Ossau en 2000, 2002, 2005 et 2007 à partir desquelles plusieurs constatations ont été faites :· les nids sont distants de 400 mètres ;· les loges de pic noir ont été utilisées à chaque fois, toutes creusées dans des hêtres de gros diamètre ;· les Tengmalm sont fidèles au site, à l’arbre et même à la loge d’une reproduction à l’autre ;· dans les deux sites trouvés, les nids étaient entourés de cinq arbres réunissant 15 et 18 loges sur 1/4 à 1/2 hectare ;· à chaque fois, ce sont des loges à deux entrées opposées qui ont été choisies pour les reproductions ; certainement parce que la cavité est grande puisque occupant tout le diamètre de l’arbre. La nichée a donc plus de place pour se développer ; l’aération se fait mieux ; il y a aussi une sortie de secours éventuelle ;· les pontes ont eu lieu vers la mi-février, l’envol mi-avril ou bien la ponte mi-mars avec l’envol vers fin mai. Le nombres de jeunes à l’envol ou les échecs n’ont jamais pu être constatés

ou expliqués ;· une corrélation certaine existe entre une grosse fainée l’automne précédent et les reproductions trouvées au printemps suivant, du moins en hêtraiesapinière ;· des pelotes de réjection ont été analysées avec une majorité de mulots sylvestres puis de campagnols agrestes ou roussâtres ;· les peuplements les abritant sont des hêtraies-sapinières ou sapinières-hêtraies à gros bois entre 22 et 30 m2 de surface terrière à l’hectatre à structure irrégulière.

- L’analyse des peuplements forestiers de 85 données géolocalisées de présence de la Tengmalm a été faite grâce au SIG de l’agence ONF de Pau. N’ayant pu être faite sur le terrain, il faut être prudent quant à la précision, donc l’exactitude des résultats suivants :· exposition : 70 % dans le quart nord· pente : 65 % des données entre 30 et 60 % de pente· altitude : 50 % des données entre 1 300 et 1 600 mètres· surface terrière : 55 % entre 20 et 30 m2

· volume à l’hectare : 60 % de données entre 250 et 400 m3/ha· hauteur du peuplement : 65 % de données entre 20 et 30 mètres de haut· densité : 45 % des données entre 200 et 400 tiges/ha.Le reste des données de contact se répartit pour moitié au-dessus et au-dessous de ces valeurs : · essences : 64 % des données sont dans des hêtraies-sapinières ; 7 % des données sont dans des sapinières-hêtraies ; 16 % des données sont dans des hêtraies pures ; 12 % des données sont dans les sapinières pures ;

· type de futaies : 20 % sont des peuplements réguliers ; 35 % sont dans des peuplements régularisés ; 38 % sont dans des peuplements irréguliers ;· structure : 30 % à petit bois prépondérant ; 23 % à bois moyen

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Forêt communale de Laruns en vallée d’Ossau - Photo : J.-C. Auria ©

Cavités dans un hêtre - Photo : J.-C. Auria © Cavité à double entrée-sortie - Photo : J.-C. Auria ©

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prépondérant ; 24 % à gros bois prépondérant ; 15 % en futaie jardinée.· l’exploitation forestière n’a pu être étudiée mais mon expérience me laisse penser qu’elle n’est pas un facteur limitant pour la présence de la Tengmalm, à partir du moment où l’onrespecte certaines règles. En tout cas, une grande partie des massifs n’est pas exploitée (ex : 1 000 hectares exploités sur 6 000 hectares de la forêt communale de Laruns).

- Préconisations de gestion· laisser tous les arbres à loges de pic noir ;· garder les arbres à grosses cavités ;· ne pas reboiser les clairières intra-forestières ;· une forêt à structure irrégulière à plusieurs essences équilibrées en tout bois traitées en bouquet ou petit parquet rassemble une diversité de milieux favorables en général à toute la faune dont notre petit chanteur ;

· l’interruption négociée des exploitations forestières en cas de nichée avérée jusqu’à l’envol des jeunes.

ConclusionGrâce à l’effort de tous, la connaissance de la répartition et de la biologie de la chouette de Tengmalm a pu progresser dans le département. Des préconisation de gestion ont été avancées. Elles ont été prises en compte dans les aménagements forestiers des forêts de montagne. Toutefois, des axes d’amélioration de cette connaissance pourraient être avancés tant dans sa répartition (nouvelles prospections les années à faines), dans sa biologie (suivi fin de la reproduction, dispersion, émigration, suivi télémétrique, densité, occupation du territoire) que dans le choix de son habitat et sa

description in situ en terme sylvicole. Et ce, afin d’en dresser peut-être un profil type applicable à l’ensemble des forêts et où l’on pourrait y proposer des mesures de gestion ad hoc sans avoir à prouver sa présence (l’audition de ses chants étant parfois inexistante alors que l’année d’après, ses chants emplissent la forêt si la fainée est bonne).Pour ce faire, une collaboration entre l’ONF et la LPO Aquitaine pourrait voir le jour afin de mener à bien ce travail.

Espérons que la Nachtbubberle allemande puisse devenir dans le langage des ornithos du coin la beroye cabeque béarnaise !

Jean-Claude Auria (ONF)

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Synthèses des données et projets d’étude sur les petites chouettes de montagne

Synthèse des données de l’ONF sur les petites chouettes de montagne en France

La restitution de cette communication faite par Yvan Orecchioni (ONF) n’est pas disponible. Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser.

La LPO Mission rapaces

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Photo : J.-C. Auria ©

Forêt syndicale d’Issaux en vallée d’Aspe - Photo : J.-C. Auria ©

Photo : J.-C. Auria ©

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Enquête nationale sur les rapaces nocturnes (2015-2017)

Les rapaces diurnes ont fait l’objet d’une enquête nationale en 2000-2002 qui a permis de faire un point sur la répartition et l’abondance des différentes espèces. Malgré quelques imprécisions, cet état de lieux constitue une précieuse référence pour évaluer les tendances d’évolution des populations. Malheureusement la situation en France des rapaces nocturnes est bien moins connue.Aujourd’hui, sur le territoire français, il existe neuf espèces nicheuses de rapaces nocturnes, dont deux localisées (chevêchette d’Europe et chouette de Tengmalm) et une exceptionnelle (hibou brachyote ou des marais). La LPO, en lien avec plusieurs structures, travaille et suit cinq espèces au niveau national avec l’aide de quatre réseaux : le grand-duc d’Europe, l’effraie des clochers, la chevêche d’Athéna et les petites chouettes de montagne (chevêchette d’Europe et chouette de Tengmalm). Ceux-ci représentent au total environ 1 500 personnes dans 60 départements qui s’investissent annuellement dans les suivis et études des rapaces nocturnes ! Malgré cela, à notre époque, nous ne pouvons toujours pas faire d’estimations des effectifs à l’échelle nationale, et ainsi dire si les tendances de ces populations sont stables, en augmentation ou en déclin...

Cette enquête « rapaces nocturnes », soutenue par le Ministère de l’écologie et la fondation Nature & découvertes, est pilotée par la LPO et le CNRS de Chizé, sur une période de trois ans, de janvier 2015 à la fin de l’année 2017. Elle a pour objectifs prioritaires de connaitre les répartitions précises et les effectifs des rapaces nocturnes à l’échelle du pays. A partir de cet état initial, il sera possible de suivre les tendances voire les évolutions des populations à l’avenir ou encore de faire évoluer les statuts de conservation de ces espèces encore méconnues. Nous espérons que cette enquête mobilisera un maximum de personnes et de partenaires et nous permettra ensuite de mieux appréhender ces magnifiques rapaces !

Quelques éléments en résumé sur l’enquête « rapaces nocturnes »

Durée de l’enquête : 3 ans.

Méthode utilisée : combinaison entre la repasse et l’écoute spontanée.

Protocole :- carré échantillon central des cartes IGN de 5 x 5 kilomètres (soit 25 km2) ;- un point de repasse sera à effectuer au centre de chaque mini-carré de 1 x 1 kilomètre (soit 25 points par carré échantillon). Ce point sera à replacer au bord d’une voie carrossable la plus proche, soit un point d’écoute tous les kilomètres offrant à l’observateur un rayon de détection des espèces d’environ 500 mètres ;- un point de repasse, ce sont deux minutes d’écoute spontanée + n minutes de repasse (30 sec par espèce) + n minutes d’écoute spontanée (30 sec par espèce) + deux minutes d’écoute spontanée terminale. Le nombre de repasses ne dépassera jamais quatre espèces différentes par passage ;- période de recensement : à raison d’un peu plus d’une dizaine de points par soirée, la réalisation de la totalité des points d’écoute d’un carré demande deux à trois soirées par passage ;- deux à trois passages par carré échantillon seront à effectuer selon la présence des différentes espèces (en moyenne deux passages seront nécessaires pour les cinq espèces les plus communes : un entre février et mars et l’autre entre mai et juin). Pour précision, la désignation d’espèce par passage reste théorique et est basée sur des dates permettant de couvrir au mieux la période d’activité de chant de chaque espèce ;- au total, 2 007 carrés échantillons seront à couvrir sur le territoire pendant la durée de l’enquête.

Laurent Lavarec (LPO Mission rapaces)

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Etude des petites chouettes forestières de montagne, de leurs écologies, de leurs proies et de l’influence de la sylviculture

La volonté d’apprendre à connaître les petites chouettes forestières de montagne, chouette de Tengmalm et chouette chevêchette a suscité quelques rares études, principalement dans les pays nord-européens.Certaines ont exploré leur reproduction (Lundberg, 1979, Solheim, 1984, Dessolin, 1987, Henrioux et al., 2003), leur territorialité ( Löfgren et al., 1986), leur régime alimentaire (Solheim, 1984, Korpimäki, 1987, Selaas, 1993, Kullberg, 1995, Lehikoinen et al., 2011) et leurs techniques de chasses (Korpimäki, 1986, 1992, Zarybnicka, 2009, Härmä, 2011), pendant que d’autres étudiaient la compétition inter-spécifique (Suhonen et al., 2007, Morosinotto et al., 2010) ou encore la relation prédateur-proies (Korpimäki, 1994). La modélisation de leur présence est une piste de recherche plus récente (Castro et al., 2008, Redon, 2012).Grâce à la mise en place, dès 2009, d’un réseau national LPO-ONF sur les « Petites chouettes de montagne » (http://rapaces.lpo.fr/chevechette-tengmalm) et de la mobilisation de nombreux observateurs, les connaissances sur la répartition de la chevêchette d’Europe et de la chouette de Tengmalm se sont améliorées en France. Les tendances évolutives de leurs répartitions semblent différer et nécessitent des prospections complémentaires, autant dans les zones historiques non suffisamment visitées que dans la frange occidentale (voire méridionale) de leurs répartitions.Savoir où elles vivent est une étape. Savoir comment elles vivent en est une autre…Il est nécessaire de mener des recherches avancées sur l’écologie de ces deux espèces afin de mettre en œuvre efficacement une meilleure préservation de la biodiversité dans les contextes forestiers montagnards métropolitains et de prendre en compte leur présence dans les actes de gestion sylvicole. A l’instar d’autres espèces cavicoles

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(passereaux et chauves-souris par ex.), on ne peut ni douter de l’importance des disponibilités alimentaires et encore moins de la disponibilité en gîtes dans l’écologie des petites chouettes de montagne.Même si les passereaux hivernants composent le régime alimentaire de ces deux espèces, et particulièrement de la chevêchette d’Europe, il est admis que les petites chouettes sont très dépendantes des populations de micromammifères – et particulièrement des campagnols (Microtus sp. et Pitymys sp.) dont le campagnol roussâtre et des mulots – connues pour évoluer cycliquement sur quelques années (Hörnfeldt et al., 1990), en parallèle aux fructifications forestières.L’abondance des micro-mammifères varie donc dans le temps, mais également dans l’espace, et ce, au sein même des parcelles forestières. D’une part, Verschuyl et al. (2011) avancent que les trouées et clairières, par leurs structures, leurs compositions végétales et animales associées, et leurs micro-climats (Berges et al., 2004), pourraient avoir un effet positif sur les populations de petits mammifères. Les guides de sylviculture en futaie irrégulière de montagne sont donc susceptibles d’impacter différemment les populations de micro-mammifères et indirectement celles de leurs prédateurs, selon qu’ils plébiscitent la régénération pied à pied, celle en bouquet ou encore celle en parquet.D’autre part, certains auteurs montrent que la quantité de bois mort au sol impacte positivement l’abondance de certaines espèces de micro-mammifères nord-américaines : des insectivores (Loebs, 1999 ; Maguire, 2002), mais aussi certains rongeurs (de la famille des campagnols (Bowman, 2000), des muridés (Mc Cay, 2000; Lee, 2012) et des tamias (Lee, 1997)). Cette composante naturelle de la forêt est utilisée comme gîte ou comme

support de déplacement à ces espèces. L’export de la totalité des arbres martelés pour répondre aux besoins croissants de bois-énergie ou pour s’adapter aux techniques actuelles de coupes à câble, peuvent potentiellement, en France aussi, impacter certaines populations de micro-mammifères.Par-ailleurs, la présence-abondance de gîtes de nidification semble être un facteur limitant chez ces petites chouettes (Löfrgen et al., 1986). Les arbres à cavités, qu’elles utilisent en reproduction seraient plutôt :(i) des hêtres forés par le pic noir dans le cas de la Tengmalm et,(ii) des feuillus ou résineux, vivants (Côté et al., 2004) voire morts sur pied, même de faible diamètre (des nidifications ont été observées dans des arbres de 30-35 centimètres de diamètre à hauteur de poitrine) pour la chevêchette d’Europe. La nécessité de conserver ces arbres à cavités, vivants, dépérissant et même morts est du ressort du forestier.A l’évidence, les sujets forestiers qui nous préoccupent plus particulièrement ont fait l’objet de beaucoup moins d’investigations, tels (i) la caractérisation des sites de nidification, (ii) l’utilisation de l’espace (Strom & Sonerud, 2001, Trochard,2011, Blache et Trochard, 2013) et (iii) l’impact des exploitations forestières (Hakkarainen et al., 1996 ; Côté et al., 2004, Sidorowicz et al., 2008). Ainsi, des précisions pourraient être apportées sur les points suivants, dans le cadre de la gestion durable et multifonctionnelle, en particulier dans le contexte forestier montagnard :- quelles sont leurs exigences au niveau des peuplements forestiers qui les abritent ? Sont-elles identiques en fonction de la zone géographique ?Préfèrent-elles les forêts mixtes aux peuplements purs (résineux ou feuillus dominants) ? Des peuplements pluri-stratifiés ou à

strate unique ? Des peuplements irréguliers ou à tendance régulière ? Des peuplements clairs ou des peuplements plus denses comportant des trouées (martelages en bouquets) ? Des peuplements matures ou non ? Qu’en sera-t-il dans une perspective de réchauffement climatique ?- Quelles sont leurs exigences au niveau des arbres porteurs des cavités et des cavités qu’elles utilisent ?Quels arbres « types » doivent conserver les forestiers pour la nidification ? En particulier pour la chevêchette, quelles sont les caractéristiques des arbres morts qu’elles peuvent utiliser pour nicher ? Quels picidés contribuent le plus à la création des loges de nidification (pic noir, pic épeiche, pic tridactyle, pic vert…) ? Quelles sont les caractéristiques de l’ambiance forestière autour de l’arbre à cavité (et à plus grande distance : clairières…) ?- Où et que chassent les deux espèces dans les étages montagnards et subalpins ? Dans quels types d’habitats forestiers (ouverts/fermés) les deux espèces chassent-elles leurs proies ? A quelle distance du nid ? Quelle surface représentent ces habitats dans leur territoire ? Est-ce que la présence des deux espèces sur le même site influence les habitats et comportements de chasse de chacune d’elle ? Quelle caractéristique de trouée bénéficie aux deux espèces sur les terrains de chasse ? Quelle est l’influence des lisières internes ? Y-a-t-il une différence saisonnière dans le comportement de chasse ? Le régime alimentaire diffère-t-il selon l’étage de végétation ? Dans quelle proportion les espèces de micro-mammifères de montagne – tel le campagnol des neiges - font-elles partie des proies des deux chouettes ? Quel est l’intérêt du bois mort et souches au sol (pour la diversité de micro-mammifères) ? Quelles sont les pertes subies par la population de passereaux hivernants ?- Pendant combien de temps les

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trouées, créées lors des exploitations, bénéficient-elles aux deux chouettes et à leurs proies ? La rotation des exploitations dans les forêts de montagne est-elle optimale ? Quid des coupes à câble ? Quid de l’impact des travaux préparatoires à des regarnis-régénération naturelle à la pelle araignée ? Comment évoluent les populations de micro-mammifères présents selon taille et ancienneté des trouées ou hors trouée ? A comparer avec ce qui se passe en forêts sub-naturelles (forêts sans exploitation depuis plus de 50 ans).

Ce sont à ces questions que veulent répondent forestiers, ornithologues de la LPO et naturalistes rhônealpins, appuyés par des structures de recherche : INRA, IRSTEA, CEFE-CNRS, MNHN…

Bibliographie- Berges L., Gosselin F., Richard D., and Laroussine O. Rôle des coupes, de la stratification verticale et du mode de traitement dans la conservation de la biodiversité. Biodiversité et gestion forestière: connaitre pour préserver. Synthèse bibliographique, pages 149–215, 2004.- Bowman J.C., SleepD., Forbes G.J., and Edwards M. The association of small mammals with coarse woody debris at log and stand scales. Forest Ecology and Management, 129:119–124, 2000.- Castro A., Munoz A.R., and Real R. Modelling the spatial distribution of the tengmalm’s owl Aegolius funereus in its southwestern palaeartic limit (NE Spain). Ardeola, 55 (1):71–85, 2008.- Côté M.,Doyon F., and Bergeron N. Spatially explicit habitat suitability index model for the boreal owl (Aegolius funereus) in western newfoundland, 2004.- Dessolin J-L. La chouette de tengmalm (Aegolius funereus) en Côte-d’Or de 1981 à 1987, 1987.- Fuller R.J. Influence of treefall gaps on distributions of breeding birds within interior old-growth stands in bialowieza forest, poland. The Condor, 102:267–274, 2000.- Henrioux P., Henrioux J-D., Walder P., and Chopard G. Effects of forest structure on the ecology of pygmy owl Glaucidium passerinum in the Swiss jura

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range and habitat selection in the pygmy owl Glaucidium passerinum. Ornis Fennica, 78 (4):145–158, 2001.- Suhonen J., Halonen M., Mappes T., and Korpimaki E. Interspecific competition limits larders of pygmy owls Glaucidium passerinum. Journal of Avian Biology, 38:630–634, 2007.- Trochard G. Etude du domaine vital de la chevêchette d’Europe en période de reproduction dans la réserve naturelle des Hauts-Plateaux du Vercors à l’aide d’un suivi télémétrique. Tengmalm et Chevêchette, 5 & 6:10–14, 2011.- Trochard G. & Blache S. La chevêchette d’Europe Glaucidium passerinum sur la réserve biologique intégrale des Hauts-Plateaux du vercors - bilan du suivi télémétrique 2012, 2013.- Verschuyl J., Riffell S., Miller D., and Wigley B. Biodiversity response to intensive biomass production from forest thinning in north american forests - a meta-analysis. Forest Ecology and Management, 261: 221–232, 2011.- Zarybnicka M. Activity patterns of male tengmalm’s owls, Aegolius funereus under varying food conditions. Folia Zoologica, 58 (1):104–112, 2009.

Sébastien Laguet (ONF)

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La chouette de Tengmalm dans les pays voisins

Evolution du statut de la chouette de Tengmalm en Belgique et évocations de quelques spécificités de son suivi

La restitution de cette communication faite par Serge Sorbi (ONF) n’est pas disponible. Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser.

La LPO Mission rapaces

La chouette de Tengmalm dans le Jura franco-suisse : bilan de 30 années de suivi

But de l’étudeLa chouette de Tengmalm fait l’objet d’un suivi depuis le début des années 1980 dans la région de Sainte-Croix, en Suisse, au nord du canton de Vaud dans le massif du Jura. Le but général de ce travail est de découvrir et préciser l’influence des principaux facteurs intervenant dans la biologie de cette petite chouette forestière et montagnarde. Cela implique le repérage des nids, la relation entre la structure et les traitements forestiers et la présence de l’espèce, l’étude des principaux paramètres de la nidification, le baguage des jeunes, la capture, le baguage et le contrôle des adultes nicheurs et l’analyse du régime alimentaire.

Secteur d’étudeLa région prospectée a déjà fait l’objet de descriptions détaillées (Ravussin 1991, Ravussin et al. 1993). La surface est d’environ 150 km2, dont un tiers sur territoire français dans le département du Doubs, le reste en Suisse, dans le nord du canton de Vaud près de Sainte-Croix (46°49 N; 6°28 E). Le nombre d’arbres à cavités et de nichoirs contrôlés est plus ou moins stable depuis 1988. Le secteur d’étude est limité à l’ouest par le vallon de la Jougnenaz et par la dépression naturelle de Vallorbe à Pontarlier, au sud par la ligne de niveau 800 mètres de l’adret jurassien, à l’est et au nord par la frontière des cantons de Vaud et de Neuchâtel, prolongée jusqu’au hameau français de La Gauffre (Doubs). Les forêts mixtes, ou à peuplement pur de conifères, ainsi que les prairies permanentes couvrent l’essentiel de la surface. L’altitude est comprise entre 800 et 1 600 mètres. Près de 150 arbres à cavités et de 70 à 120 nichoirs susceptibles d’accueillir la chouette de Tengmalm sont contrôlés annuellement en saison de

nidification. Une série d’articles consacrés à cette étude ont déjà été publiés (cf. bibliographie).

Méthode de travailLes repérages de chanteurs sont réalisés à pied ou en raquettes dès le mois de février, voire en janvier déjà lors d’hivers particulièrement doux. Les arbres pourvus de cavité(s) convenant à la nidification ont été marqués afin, dans la mesure du possible, de les soustraire à l’abattage. Ils sont examinés dès le mois de mars et, à partir de fin avril-début mai, les nichoirs sont contrôlés au moins deux fois dans la saison, afin d’en déterminer le contenu. Les femelles au nid sont capturées en principe sur leurs jeunes, à l’aide d’une épuisette et marquées ou contrôlées. Au moment du baguage, pour les jeunes comme pour les adultes, nous notons la longueur de l’aile pliée, celle de la troisième rémige primaire, du tarse, ainsi que le poids. L’âge des adultes est déterminé d’après le mode de renouvellement des rémiges, qui permet de les séparer en trois catégories d’âge au moins (un an, deux ans, trois ans et plus). Nous notons encore le contenu du nichoir (nombre d’oeufs, de jeunes et de proies avec leur détermination). Les jeunes ne sont bagués qu’à partir d’un âge de 20 jours et, lorsque le temps à disposition le permet, nous tentons la capture des mâles en nichoir, en installant un piège ou un haut filet devant le trou de vol. Après la nidification, le contenu du nichoir est prélevé, afin d’analyser en détail et de déterminer les restes de proies qui s’y trouvent.

Fluctuation du nombre de couples nicheursEntre 1985 et 2013, 604 nids de chouette de Tengmalm on été suivis. Les cavités de pic noir en ont abrité 174 et les nichoirs 430. Le nombre annuel de nids a fluctué entre un (le minimum en 2013) et 56 (le maximum en 1992) avec une moyenne de 22,9 nids sur l’ensemble des

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29 années de suivi. La figure 1 montre ces variations très importantes de l’effectif nicheur, avec quelques années d’invasion à effectifs très élevés qui ressortent nettement de l’ensemble, comme 1992, 2000, 2005 et 2010. Malgré ces fluctuations marquées, la tendance globale est nettement à la baisse. Ainsi, l’effectif moyen était 21,4 entre 1986 et 1990, de 32,4 entre 1991 et 1995, de 26,4 entre 1996 et 2000, de 18,8 entre 2001 et 2005 et de 14,2 entre 2006 et 2010.

Paramètres de la reproductionParallèlement aux importantes fluctuations de l’effectif nicheur, on note des différences très marquées dans les paramètres annuels de la reproduction. Les données sont présentées dans le tableau 1. Ces variations peuvent être résumées de la manière suivante. Les années à fort effectif nicheur se caractérisent par une date de ponte moyenne plutôt précoce (minimum le 18 mars en 2000), mais la saison de reproduction s’étale sur une longue durée avec parfois des jeunes à l’envol d’avril à septembre. De telles années montrent une grandeur de ponte moyenne importante (supérieure à six en 1996, 2000, 2005 et 2012, avec même un record à 7,0 en 2010) et un succès de la

reproduction également important, avec par exemple une moyenne de plus de cinq jeunes par nid réussi en 1996, 2005, 2010 et 2012 et même supérieure à 6,0 en 2000. En 2000, près de 300 jeunes se sont envolés de nos nids et nichoirs. A l’opposé, les mauvaises années sont tardives, avec de petites grandeurs de ponte, un succès mitigé et un nombre de jeunes à l’envol beaucoup plus faible. L’extrême ayant été atteint en 2013, le seul nid tenté ayant échoué. Les autres très

mauvaises années furent 2001 avec huit nids tentés dont un seul devait réussir et 2011 avec quatre nids tentés, dont trois réussissaient, mais chacun avec un seul jeune à l’envol. Là également, une tendance générale se

manifeste avec des mauvaises années toujours plus marquées et une production de jeunes en baisse. Analyse des reprises de baguesDe 1985 à 2013, 1 623 jeunes, 395 femelles et 26 mâles ont été capturés et bagués au nid. Les poussins ont été mesurés et bagués lors du contrôle du nid. Les femelles ont été capturées à l’épuisette ou directement à la main dans les nids. La capture des mâles est réalisée lors du nourrissage à l’aide d’un piège placé devant le trou de vol, ou encore à l’aide d’un haut filet placé à quelques mètres du trou de vol.Des 1 623 jeunes bagués au nid, seuls 46 (2,8 %) ont été contrôlés (c’est-à-dire capturés vivants et relâchés) ou

repris (c’est-à-dire retrouvés morts) par la suite. Ce très faible taux de reprise pose de gros problèmes d’interprétation qui laisse des quantités d’hypothèses ouvertes. Où vont et que deviennent les 97,2 % de poussins dont on n’a pas de nouvelles ?Les chouettes de Tengmalm ne sortent pratiquement jamais des étendues de forêts de montagne où la probabilité de reprise est très faible. Il y a bien sûr une mortalité très élevée. Une espèce capable d’élever jusqu’à neuf jeunes en une nidification est forcément sujette à un taux de mortalité important. Toutefois, l’absence de reprises ne nous permet pas de savoir où et quand cette mortalité intervient. Les données de reprises montrent aussi que les déplacements peuvent se réaliser sur des distances importantes, mais on n’a pas obtenu de reprises ou de contrôles de « nos » jeunes, alors qu’on sait que le phénomène existe, par le contrôle dans le massif du Jura de jeunes bagués ailleurs.Ainsi, lors du printemps 2000, quatrre oiseaux nés en Allemagne en 1999, ont été contrôlés à des distances de 362 à 787 kilomètres de leur lieu de naissance. Le taux de contrôle des adultes est nettement supérieur. Sur les 421 adultes capturés, il y a eu 87 contrôles (20,7 %). 19 ont été contrôlés deux fois, trois contrôlés trois fois et un seul oiseau l’a été à quatre reprises.La longévité maximale est d’au moins huit ans. Il s’agit d’un oiseau bagué femelle adulte le 9 mai 1987 dans le nichoir TB37, (commune Les Fourgs, Doubs, France) à quelques mètres de la frontière suisse. A cette époque, on ne distinguait pas les classes d’âge des adultes, donc il est impossible de savoir s’il était âgé d’un an ou plus. Cette femelle a ensuite été contrôlée en 1990, à 3 300 mètres de là, dans le nichoir TB18 (forêt de La Limasse, commune de Baulmes, VD), puis deux ans plus tard au TB05, 800 mètres plus loin, toujours dans la forêt de La Limasse et enfin en 1994, au TM48 à Bullet VD à sept kilomètres de son site précédent. Ces petits déplacements illustrent la sédentarité d’une partie des individus de l’espèce, mais l’absence de contrôles en 1988, 1989, 1991 et 1993 nous interpelle. Cette femelle était-elle présente dans notre secteur

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Fig.1. Nombre annuel de nids de chouette de Tengmalm en cavités et en nichoirs de 1985 à 2013. Les pics d’abondance observés entre 1992 et 2012 sont toujours moins marqués et les creux entre ces pics deviennent quant à eux de plus en plus inquiétants.

Tab. 1. Principaux paramètres de la reproduction de 1985 à 2013.

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d’étude ? A-t-elle niché dans des nids qu’on n’a pas découverts ou au contraire s’est-elle abstenue de nicher ? Ou encore, était-elle ailleurs durant ces années d’absence ? Ces questions résument bien les nombreuses inconnues qui subsistent dans la connaissance des phénomènes de sédentarité ou de nomadisme de l’espèce.Ces observations qui ont nécessité un nombre très élevé de sorties, de déploiements d’échelle, de kilomètres de voiture, travail entièrement bénévole assuré depuis près de 30 années par des passionnés montrent clairement les limites de la méthode. Certes,

ces données documentent des cas de sédentarité claire, d’autres de nomadisme marqué, mais on voit mal comment la poursuite de ces méthodes pourrait améliorer notre connaissance des modalités de déplacements et des causes de mortalité de la chouette de Tengmalm. A l’évidence, une meilleure connaissance des déplacements et du mode de vie de cette petite chouette nécessitera d’autres voies de recherche. Les géolocalisateurs, très employés sur certaines espèces d’oiseaux, nécessitent la recapture de l’oiseau pour être interprétés. Ici, le taux de recapture est tellement faible que

cette technique est clairement inutile. L’avenir sera sans doute à des balises suffisamment miniaturisées et autonomes pour être portées par un oiseau de 100 à 150 grammes, forestier et nocturne, ce qui soulève de gros problèmes techniques.

Régime alimentaireDe 1982 à 2012, 216 fonds de nichoirs ont été analysés. Un total de 15 443 proies ont pu être identifiées. Certaines sont très rares et n’apparaissent qu’exceptionnellement dans le régime alimentaire de la chouette de Tengmalm (taupe : 1, musaraigne bicolore : 2,

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Fig. 3 et 4. Les reprises de chouettes de Tengmalm de notre zone d’étude. A gauche, dispersion juvénile, c’est-à-dire reprises de chouettes de Tengmalm baguées poussins au nid. Pour leur « première nidification » (en fait, il s’agit du premier contrôle qui peut survenir plusieurs années plus tard), la plupart (74 %) s’installent à moins de 20 kilomètres de leur lieu de naissance, mais, plus d’un quart sont contrôlées entre 20 et 200 kilomètres (n = 46, 36 femelles et 10 mâles). A droite, déplacements des adultes (n = 87, 83 femelles et 4 mâles), sédentarité importante (85 % se déplacent à moins de 20 kilomètres), mais … déplacements marqués pour 15 % et parfois à très longues distances, jusqu’à près de 800 kilomètres. Cette représentation est biaisée car la probabilité de contrôle à courte distance est plus élevée vu le nombre d’équipes travaillant sur cette espèce dans le massif du Jura. Les oiseaux quittant ce massif ont une très faible probabilité d’être contrôlés ou repris.

Fig. 6. Reprises de chouettes de Tengmalm à plus de 100 kilomètres de leur lieu de baguage depuis le 1.1.1970 (données de la Station ornithologique suisse de Sempach) O : lieu de baguage, o : lieu de reprise.

Fig. 5. Baguage annuel des chouettes de Tengmalm en Suisse de 1970 à 2012. Poussins : n= 4 561, adultes : n=1 468. Données de la Station ornithologique suisse de Sempach.

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musaraigne musette : 6, musaraigne aquatique: 5, souris grise : 1, lérot : 4). D’autres sont beaucoup plus abondantes (musaraigne carrelet : 3 418, campagnol roussâtre : 2 859, mulots : 4 939). La figure 7 montre les proportions des divers groupes de proies et la figure 8 présente leurs variations annuelles entre 1986 et 2012.

BilanLa caractéristique fondamentale de la nidification de la chouette de Tengmalm dans nos régions est l’amplitude de ses fluctuations. Ces variations d’effectif plus ou moins cycliques sont parfaitement naturelles. Elles dépendent de celles de leurs proies, surtout des mulots et des campagnols, dont l’abondance varie également de manière importante en fonction de la fructification de certains arbres qui fournissent de la nourriture à ces petits mammifères. En moyenne, on connaît tous les quatre à cinq ans, une bonne année, suivie d’une année de disette et de deux ou trois années intermédiaires. Mais plus de 30 années de suivi montrent de manière claire une tendance à long terme négative. Les pics de population sont toujours moins marqués et les creux le sont toujours plus. L’année 2013 est de loin la pire que nous ayons connue et rien ne permet d’espérer une inversion du phénomène.

Comment expliquer cette raréfaction continue alors que les efforts de protection ont été intensifs ? La collaboration avec les autorités forestières a permis la sauvegarde de la plupart des arbres à cavités. De très nombreux nichoirs équipés de systèmes réduisant la prédation fournissent des cavités supplémentaires et sûres. C’est sans doute dans l’offre en nourriture qu’on trouvera l’explication. Pourquoi les petits mammifères intéressants pour la chouette de Tengmalm sont-ils de moins en moins nombreux dans nos forêts de montagne ? La gestion actuelle de nos forêts pourrait être en cause. Les forestiers relèvent fréquemment la nécessité d’un rajeunissement de nos forêts de montagne. Ce rajeunissement s’accompagne en de nombreux sites de l’élimination systématique du hêtre qualifié d’envahissant et en particulier des vieux hêtres de futaies qui fournissent les faines fondamentales dans la dynamique des mulots. On en profite donc pour remplacer ces hêtres par des conifères économiquement plus intéressants. Le réchauffement climatique pourrait intervenir en modifiant les cycles de certaines espèces de micromammifères et leur amplitude ou encore en favorisant la hulotte, un concurrent direct. La cause est

sans doute plurifactorielle. Mais il est très inquiétant de constater qu’en 30 ans, la chouette de Tengmalm a perdu, dans nos régions, plus de la moitié de ses effectifs.

RemerciementsIl s’agit d’un travail d’équipe mené à bien grâce à l’enthousiasme et au dévouement de nombreux bénévoles. Pour ces dernières années, on peut citer Daniel Trolliet, Valentin Métraux, Jacques Roch, Valérie Badan, Françoise Walther, Ludovic Longchamp, Fabio Clémençon, Martin Spiess, Chantal Guggenbühl, Sandy Bonzon, Carole Daenzer, Maryjane Klein, Jean-Pierre Cosandier, Marinette Bachmann, ainsi que les oubliés que nous prions de nous excuser. Sans cette aide bénévole, tout ce travail d’étude et de protection ne serait simplement plus possible. A tous, nous adressons nos vifs remerciements.

Articles publiés- Ravussin, P.-A., L.-F. De Alencastro, B. Humbert, D. Rossel et J. Tarradellas (1990) : Contamination des œufs de la Chouette de Tengmalm Aegolius funereus du Jura vaudois par les métaux

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Fig. 7. Proportions des principaux groupes de proies dans le régime alimentaire de la chouette de Tengmalm. Trois groupes dominent. Il s’agit des mulots Apodemus sylvaticus, A. flavicollis et A. sp avec 33 %. Ensuite, les musaraignes, essentiellement représentées par Sorex araneus avec 27 %. Enfin, le campagnol roussâtre avec 17 %. Cette représentation masque de très larges variations annuelles comme on peut le constater à l’analyse de la figure 8.

Fig. 8 : Variations annuelles des principaux groupes de proies identifiées dans les fonds de nichoirs entre 1986 et 2012. Entre 1986 et 1989, les variations sont faibles et ce sont les campagnols des genres Microtus et Pitymys (autres Microt.) qui dominent. De 1990 à 1993, les variations annuelles restent faibles, mais ce sont alors les mulots (Apodemus) qui dominent. Depuis 1993, les mulots fluctuent de manière plutôt cyclique avec des pics tous les trois à cinq ans. Les insectivores (essentiellement Sorex araneus) sont des proies de remplacement. Elles sont abondantes dans les fonds de nichoirs lors des « mauvaises années » en particulier entre 2001 et 2004, en 2006 et surtout en 2007 et 2009, mais étonnamment pas en 2011. C’est l’abondance cumulée des mulots et du campagnol roussâtre qui caractérise 2012.

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lourds et les organochlorés. Nos Oiseaux, 40 : 257-266.- Ravussin, P.-A. (1991) : Un déplacement exceptionnel chez une Chouette de Tengmalm Aegolius funereus. Nos Oiseaux, 41: 114-115.- Ravussin, P.-A. (1991) : Biologie de reproduction de la Chouette de Tengmalm, Aegolius funereus dans le Jura vaudois (Suisse). Actes du XXXe colloque interrégional d’ornithologie. Porrentruy . Nos Oiseaux.- Ravussin, P.-A. (1991) : Ein Leben wie in Sibirien. Ornis 1/91, 29-31.- Ravussin, P.-A., D. Trolliet, L. Willenegger et D. Béguin (1993) : Observations sur les fluctuations d’une population de Chouettes de Tengmalm (Aegolius funereus) dans le Jura vaudois (Suisse). Nos Oiseaux, 42 : 127-142 - Ravussin, P.-A., P. Walder, P. Henrioux, V. Chabloz et Y. Menétrey (1994) : Répartition de la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) dans les sites naturels du Jura vaudois (Suisse). Nos Oiseaux, 42 : 245-260. - Ravussin, P.-A., D. Trolliet, L. Willenegger, D. Béguin et G. Matalon (2001.) : Choix du site de nidification chez la Chouette de Tengmalm Aegolius funereus : influence des nichoirs. Actes du 39e Colloque interrégional d’ornithologie. Nos Oiseaux, suppl. 5, pp.41-51.- Ravussin, P.-A., D. Trolliet, D. Béguin, L. Willenegger et G. Matalon (2001) : Observations et remarques sur la biologie de la Chouette de Tengmalm Aegolius funereus dans le massif du Jura suite à l’invasion du printemps 2000. Nos Oiseaux 48 : 235-246.- Ravussin, P.-A. (2004) : Kleine Eule mit grossen Geheimnissen. Ornis 2/04 16-19.- Ravussin, P.-A., D. Trolliet, V. Métraux et V. Gorgerat (2010) : Un cas de polydactylie chez la Chouette de Tengmalm Aegolius funereus. Nos Oiseaux, 57 : 107-108.

Pierre-Alain [email protected]

La chouette de Tengmalm en Forêt-Noire (Allemagne)

IntroductionLe massif du « Schwarzwald » (Forêt-Noire) est le pendant des Vosges de l’autre côté du Rhin. Les dimensions et altitudes des deux massifs sont similaires. Mais cette région montagneuse d’Allemagne est davantage couverte de forêts étendues de conifères, surtout d’épicéas, parfois mélangés avec des sapins, des pins sylvestres et des hêtres. Cette dominance de conifères donne l’impression sombre des montagnes. C’est pour cette raison que l’on appelle ce massif « La Forêt-Noire ».

La plupart des épicéas ont été plantés il y a plus de 250 ans après une déforestation énorme. A l’origine, le « Schwarzwald » était boisé de forêts mixtes avec principalement des sapins, des pins et des hêtres. Les épicéas n’existaient qu’aux altitudes les plus élevées dans le sud du massif, autour du Feldberg (1 493 mètres). Dans quelques vallées, on trouve des petits lacs de la période glaciaire et sur plusieurs haut-plateaux des tourbières de montagne (photos 1 et 2).

La chouette de Tengmalm est répandue dans tout le massif (EPPLE in HÖLZINGER 1987, KÖNIG 1975). Chez les habitants des petits villages dans la forêt, elle est connue depuis

plus de 200 ans sous le nom de « Nachtbubberle » (petit glouglouteur nocturne) à cause de son chant.Les habitats typiques de la chouette de Tengmalm sont les forêts d’arbres âgés avec des cavités soit creusées par le pic noir, soit par décomposition (photos 3 et 4). Le pic noir préfère les troncs de sapins, de pins ou de hêtres pour creuser son nid. On ne les trouve pas souvent dans les troncs d’épicéas. En revanche, le

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Paysage dans la Forêt Noire autour d’un lac de l’époque glaciaire (Huzenbacher See) - Photo 1 : C. König ©

Tourbière de montagne à 982 mètres (Hohlohmiss) au nord de la Forêt Noire - Photo 2 : R. Ertel ©

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pic épeiche et le pic tridactyle préfèrent les troncs vivants ou morts d’épicéas, et leurs cavités abandonnées sont utilisées par la chevêchette d’Europe pour y nicher.Pendant nos investigations depuis environ 50 ans sur l’écologie et le comportement des chouettes de Tengmalm et des chevêchettes d’Europe en Forêt-Noire, nous avons trouvé des nids de Tengmalm à différentes altitudes du massif, à peu près de 400 à 1 250 mètres. Les Tengmalm occupent des forêts favorables sur les pentes des montagnes ou sur les plateaux.

Densité de populationNous avons débuté les études en 1962 avec l’aide de plusieurs collègues. Après des contrôles de présence de la chouette de Tengmalm dans tout le massif, nous avons effectué des recensements réguliers dans plusieurs « zones tests ». A partir de ces résultats annuels, nous avons fait une estimation de la population de tout le massif (KÖNIG 1975). Le nombre annuel de couples était fort variable. Nous avons classé les années en « normales », « riches » ou « pauvres » : cela dépendait de l’abondance des proies (principalement les rongeurs) (KÖNIG 1965, 1967). En moyenne dans l’ensemble du massif, les années « normales », nous estimions la population à 130-150 couples, les

années « riches » à plus de 200 et dans les années « pauvres » à seulement 60-70. Il y a actuellement plusieurs groupes d’ornithologues qui étudient la chouette de Tengmalm en Forêt-Noire.

Si l’habitat et l’abondance de cavités favorables le permet, la chouette de Tengmalm montre une tendance à s’installer en « îlots », c’est-à-dire que l’on peut entendre plusieurs mâles (souvent trois à quatre) à un point d’écoute. Dans ce cas, nous avons pu trouver des nids occupés à une distance d’environ 100 à 200 mètres l’un de l’autre. Des observations similaires ont été faites dans les montagnes du Harz au nord de l’Allemagne (SCHWERDTFEGER 1984).Dans toute la Forêt-Noire, la chouette de Tengmalm niche principalement dans les cavités creusées par le pic noir. L’utilisation de nichoirs est ici très rare, contrairement à d’autres montagnes d’Allemagne (Jura souabe, Harz, etc.) où la majorité de ces chouettes niche dans des nichoirs (KÖNIG 1969, SCHWERDTFEGER 1993). Durant les 15 dernières années, nous avons constaté que la population est en déclin. Dans notre zone d’étude, au nord de la Forêt-Noire (environ 70 km2) dans laquelle mon épouse et moi-même faisons un recensement régulier, il y avait normalement, il y a plus de 15 ans,

autour de 20-25 couples. La régression des dernières années est presque de 50 % ! Il est possible que les fortes tempêtes des dernières années aient eu des répercussions négatives sur les habitats des chouettes de Tengmalm, en renversant beaucoup d’arbres âgés avec des cavités et en laissant des grandes surfaces déboisées. L’année 2013 fut très mauvaise avec seulement trois nids occupés dans notre zone d’étude ! L’hiver fut très long et le printemps trop humide avec de la neige jusqu’en mai. Le manque de nourriture (quasi-absence de rongeurs) est sans doute la principale cause de cette situation préoccupante. Actuellement, sur notre terrain d’étude, la chevêchette d’Europe est plus commune (25 à 30 territoires occupés sur environ 70 km²) que la chouette de Tengmalm !

NourritureD’après nos observations, les chouettes chassent non seulement dans la forêt, mais aussi en lisière des bois et parfois même sur des terrains ouverts (tourbières, prés). La nourriture est constituée principalement de petits rongeurs, comme des mulots et des campagnols roussâtres. Lors d’années avec d’abondantes populations de campagnol des champs et de Campagnol agreste, ces espèces sont les proies dominantes. Les musaraignes sont aussi capturées. Très rarement, nous trouvons des petits oiseaux jusqu’à la taille d’une grive.Les proies plus grandes étaient la taupe et le lérot. Ce dernier est assez commun en Forêt-Noire.

VocalisationsLes vocalisations émises par la chouette de Tengmalm sont assez diversifiées (KÖNIG 1968, KÖNIG et al. 2008, MEBS & SCHERZINGER 2000). Le chant du mâle le plus connu est celui émis à proximité d’un nid potentiel. Ce chant comparable à un « ocarina » varie individuellement dans la nature des notes et dans le nombre de sons composant une strophe. Mais la séquence des strophes et des pauses est toujours très régulière. Nous avons distingué les différents mâles de notre terrain d’étude par le caractère de leurs chants. Nous avons ici les sonagrammes du chant de trois mâles

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Habitat des chouettes de Tengmalm et chevêchettes avec une végétation basse touffue

en hiver - Photo 3 : C. König ©

Habitat de la chouette de Tengmalm avec une végétation basse au sol (avant tout des myrtilles)

- Photo 4 : C. König ©

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différents. On peut bien voir les différences du nombre de sons et de la vitesse de leur séquence dans une strophe. (figure 13 a-c).

Ce chant sert principalement à attirer une femelle, indiquant « voici un mâle avec un nid ». C’est pour cette raison que les mâles chantent seulement autour d’un nid potentiel. Tant qu’il est encore célibataire, le mâle chante pendant presque toute la nuit, avant tout durant des nuits claires et calmes. Quand il a trouvé une femelle, il cesse de chanter régulièrement, émettant seulement peu de strophes de chant avant d’apporter une proie au nid.

D’après nos études, nous ne croyons pas que ce chant soit un « chant territorial ». Le mâle défend probablement seulement un nid potentiel et non pas un territoire ! Il permet alors à d’autres mâles de chanter pas très loin de lui. C’est pourquoi nous appelons ce type de chant nuptial le « chant d’annonce », qu’il ne faut pas confondre avec deux vocalisations similaires, mais avec des raisons différentes. Ce sont le « trille », une série très longue et uniforme (jusqu’à une minute, parfois plus long) sans pause et le « chant de fiançailles ». Ce dernier

se compose d’éléments de sons en séquence irrégulière comme un bégaiement. On peut écouter ces deux vocalisations pendant la période d’accouplement et quand le mâle « montre »

un nid potentiel à une femelle, chantant à l’orifice d’une cavité.Lors de certaines années, on peut écouter après le coucher du soleil ou avant l’aube quelques strophes de chant de mâles seuls en automne – s’il fait beau temps avec peu de vent. Nous avons constaté que l’on peut observer cette activité avant tout quand il y a un surplus de nourriture. Il est possible que cette abondance puisse influencer la précocité des activités nuptiales.

La femelle dispose aussi d’un chant similaire au chant d’annonce du mâle. Celui-ci est moins fort et moins clair que le sien. On l’écoute principalement avant l’accouplement.

ReproductionC’est le mâle qui choisit le lieu de nidification et qui propose des nids potentiels en chantant (photos 5 et 6). La femelle choisit son partenaire parmi les chanteurs. La ponte normale est de quatre à cinq œufs, dans des « années riches » jusqu’à huit, dans des « pauvres » deux ou trois, voire moins. Lorsqu’il a plus de huit oeufs, c’est qu’une seconde femelle a pondu dans le même

nid. Ce fait est prouvé par le baguage. La femelle seule couve les oeufs. Pendant l’incubation, elle est nourrie par le mâle, qui apporte la proie à l’orifice du nid ou dans la cavité. Les oeufs sont pondus à intervalles de deux jours. La durée de l’incubation est de 26 à 29 jours et la femelle débute la couvaison dès la ponte du premier oeuf. Les poussins éclosent donc aussi à deux jours d’intervalle (photo 7).Si l’on gratte le tronc d’un nid occupé, la femelle paraît à l’orifice le plus souvent. Nous utilisons le grattage du tronc pour voir si une cavité est occupée. C’est une réaction innée contre un prédateur grimpant vers le nid. Mais lorsque les poussins sont

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Mâle chantant à l’entrée d’un nichoir (type « Schwegler ») - Photo 5 : C. König ©

Mâle sur son perchoir de chant - Photo 6 : C. König ©

Trois poussins et trois oeufs dans un nichoir. Notez la différence de taille des trois jeunes

- Photo 7 : C. König ©

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proches de l’éclosion, la femelle ne réagit plus de cette manière. Le mâle seul nourrit la couvée. Lorsque que les poussins sont petits, la femelle les nourrit avec des morceaux de proie... Plus tard, les jeunes la dévorent entière. Dans des « années riches », la polygamie (polyandrie et polygynie) est prouvée dans plusieurs cas. Très souvent, la femelle abandonne le nid avec des poussins avant leur envol et laisse le mâle s’en occuper. Quand les jeunes sortent du nid, ils sont déjà capables de voler sur plusieurs mètres (photo 8).Lors d’« années riches », nous avons constaté que quelques femelles faisaient une autre ponte avec un nouveau mâle. C’est pour cette raison que nous pensons qu’il n’y a pas une liaison fixe entre mâle et femelle pendant la période de nidification.

Migrations et longévitéNous avons capturé des mâles à l’aide d’un piège à filet avec une proie vivante dans une cage pour les baguer et les femelles avec une épuisette montée sur une perche d’environ deux mètres de longueur. A l’aide de crampons et de cordes, le grimpeur s’approchait du nid et capturait la femelle en mettant l’épuisette à l’entrée de la cavité. Elle sautait alors dans le filet de l’épuisette. Les bagues « Vogelwarte Radolfzell » ont été utilisées.

La majorité des mâles adultes sont assez sédentaires. Nous avons observé beaucoup de mâles cantonnés sur les mêmes lieux de nidification pendant plusieurs années. Durant les « années riches », il y a des immigrations de mâles, avant tout de jeunes de l’an passé.Les femelles sont très migratrices. Quelques-unes baguées aux nids ont été reprises la même année jusqu’à 400 kilomètres de distance ! De toute évidence, les populations de la Forêt-Noire ont des contacts avec celles

d’autres forêts de montagne.

Longévité : un mâle né en Forêt-Noire a vécu dans nos volières pendant 10 ans. Nous estimons l’espérance de vie moyenne des individus en liberté à six-sept ans.

ConservationLa conservation d’habitats est le facteur plus important. En Forêt-Noire, il y a plusieurs réserves naturelles avec des populations de chouettes de Tengmalm et de chevêchette d’Europe. Un parc national est en cours de création au nord de la Forêt-Noire. Dans ce parc vivent des espèces rares, mais typiques de la région : grand tétras, chouette de Tengmalm, chevêchette d’Europe, grand corbeau, cassenoix moucheté, pic noir, pic tridactyle, merle à plastron, venturon montagnard et probablement encore quelques couples de la gélinotte des bois. Les arbres avec des cavités de pics sont conservés dans les forêts de l’Etat et les forêts privées. Il n’est pas autorisé de faire des coupes forestières sur des grandes surfaces. Mais, nous ne pouvons rien faire contre les tempêtes, qui ont détruit beaucoup de bois d’arbres âgés. Cette destruction d’habitats avec des cavités naturelles est probablement le problème capital pour le déclin actuel de la chouette de Tengmalm.Nous avons monté plusieurs nichoirs, mais avec encore peu de succès. La majorité des chouettes niche dans les cavités creusées par le pic noir. C’est pourquoi nous protégeons ces nids avec des manchettes de tôle ou de plastique d’un diamètre de 50 centimètres autour du tronc, dessous et au-dessus de la cavité ou du nichoir (photos 9 à 11). Cette mesure a fait ses preuves contre des prédations du nid par la martre, la fouine ou le raton laveur (KÖNIG 1968b, SCHWERDTFEGER 1993).Parmi les concurrents des nichoirs, la sittelle torchepot joue un rôle assez important. Elle rétrécit les orifices avec de la boue. A trois reprises, nous avons observé qu’une sittelle avait emmuré une femelle de chouette de Tengmalm avec ses poussins dans la cavité ! Le mâle les avait nourris par le petit orifice qu’avait laissé la sittelle. Nous avons

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Poussin de chouette de Tengmalm sorti de son nid - Photo 8 : I. König ©

Cavité creusée par le pic noir dans le tronc d’un sapin, protégée avec des manchettes de

tôle - Photo 9 : C. König ©

Nichoir « naturel » (une partie d’un tronc de pin avec une cavité du pic noir) occupé par la femelle

et protégé par des manchettes de tôle - Photo 10 : I. König ©

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libéré les captifs ! Nous avons constaté que la chouette de Tengmalm évite les régions avec une population importante de chouette hulotte. La dernière est une prédatrice polyvalente et, lorsqu’elle est fréquente, est un danger pour les petites chouettes, avant tout pour leurs poussins après leur envol. C’est pourquoi il ne faut pas favoriser la chouette hulotte avec des nichoirs dans les régions où vivent les chouettes de Tengmalm et chevêchettes d’Europe ! La chouette de Tengmalm est un oiseau secret, dont l’étude de la biologie est passionnante et il reste encore beaucoup de questions sur sa vie. En tout cas, elle est une bonne indicatrice de l’état biologique d’une forêt !

Bibliographie- EPPLE W., in HÖLZINGER, J.(1987).- Die Vögel Baden-Württembergs. Gefährdung und Schutz. Teil 2.-Stuttgart. - KÖNIG C. (1965).- Bestandsverändernde Faktoren beim Rauhfußkauz (Aegolius funereus) in Baden-Württemberg. - Int.Rat Vogelsch., Deutsche Sekt., Bericht 5: 32-38.- KÖNIG C. (1967).- Einfluß des naßkalten Frühjahrs 1967 auf die Fortpflanzungsrate des Rauhfußkauzes (Aegolius funereus) in Baden-Württemberg. - Int.Rat Vogelsch.,Deutsche Sekt., Bericht 7: 37-38.- KÖNIG C. (1968a).-

Lautäußerungen von Raufußkauz (Aegolius funereus) und Sperlingskauz (Glaucidium passerinum). - Beih. Vogelwelt I : 115-138- KÖNIG C. (1968b).- Zum Schutz des Rauhfußkauzes (Aegolius funereus) in Baden-Württemberg. (avec des résumés en anglais et français).- Angewandte Ornith. 3 (2):65-71.- KÖNIG C. (1969).- Sechsjährige Untersuchungen an einer Population des Rauhfußkauzes (Aegolius funereus). - Journ.

Ornith.110:133-147. - KÖNIG C. (1975).- Zur Situation von Uhu, Sperlings- und Rauhfußkauz. - Beih. Veröff. Landesstelle Natursch. Und Landschaftspfl. Baden-Württemberg 7: 68-77.- KÖNIG C., F.WEICK & H.-J. BECKING (2008).- Owls of the World. Second edition.- London & New Haven (USA). - MEBS & SCHERZINGER (2000).- Die Eulen Europas- Stuttgart.- SCHWERDTFEGER O. (1984).- Verhalten und Populationsdynamik des Rauhfußkauzes (Aegolius funereus). - Vogelwarte 32: 183-200.SCHWERDTFEGER O. (1993).- Ein Invasionsjahr des Rauhfußkauzes (Aegolius funereus) im Harz – eine populationsökologische Analyse und ihre Konsequenzen für den Artenschutz. - Ökol. Vögel 15: 121-136.

Claus Kö[email protected]

Epicéa mort avec une cavité creusée par le pic noir et protégée avec des manchettes de tôle - Photo 11 : I. König ©

Figure 13. Sonagrammes du « chant d’annonce » de trois mâles différents d’un îlot montrant les différences individuelles de chaque strophe. Enregistrement par C. König

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Chevêchette et TengmalmBulletin de liaison du réseau Petites chouettes de montagne (disponible sur http://rapaces.lpo.fr/chevechette-tengmalm)

LPO © 2014

Réalisation : LPO Mission Rapaces 26 boulevard Jourdan, parc Montsouris, 75 014 [email protected]

Conception et réalisation : Fabienne David

Comité de rédaction :Fabienne David, Pascal Denis, Sébastien Laguet et Yves Muller.

Relecture : comité de rédaction et Danièle Monier.

ISSN 2266-1581

D’après une maquette de la tomate bleue

Information

Sachez que le programme de cette première rencontre ainsi que les diaporamas des intervenants sont disponibles en téléchargement sur la page réservée (accessible uniquement au réseau) du site Internet consacré aux petites chouettes de montagne. Si vous ne vous souvenez plus de l’adresse et du mot de passe, demandez-les à la LPO Mission rapaces ([email protected]).

La LPO Mission rapaces

Naturalistes et gestionnaires : plaidoyer pour le dialogue. Cas de Gérardmer-Belbriette (Vosges)

Le 6 novembre 2013, je suis intervenu lors d’une réunion entre des naturalistes et des gestionnaires de l’ONF sur une parcelle de la forêt domaniale de Gérardmer-Belbriette. Je représentais alors le réseau avifaune de l’ONF dans le cadre du groupe LPO-ONF « Petites chouettes de montagne »Les naturalistes connaissaient, depuis quelques années, la présence de la chevêchette d’Europe dans cette vieille sapinière à hêtres. En découvrant les marques de marteau sur les arbres, ils avaient alerté les associations Oiseaux-Nature et Mirabelle, d’où cette réunion dans la parcelle concernée.La parcelle classée en « irrégulier » par l’aménagement de la forêt, est très riche en « gros bois » (arbres de plus de 50 centimètres à 1,30 mètres de haut) et en « très gros bois » (arbres de plus de 70 centimètres à 1,30 mètres de haut). Elle connaît, par ailleurs un problème chronique de surdensité de gibier qui rend difficile voire impossible toute régénération du sapin pectiné et des feuillus. Les forestiers locaux cherchent à régénérer ces essences par parquets protégés des cervidés

par des clôtures. Leur martelage consiste (entre autre) à marquer les très gros bois dans ces parquets qui vont être cloturés.Les personnels de l’ONF, responsables de terrain, tout en refusant catégoriquement d’annuler le martelage, acceptaient après discussion de démarquer les arbres à cavités (martelés involontairement), ainsi que quelques « très gros bois ». De plus, les gestionnaires acceptaient de programmer l’exploitation hors période de reproduction, à savoir en automne.L’accord intervenu ce jour-là, est à mon avis très satisfaisant, pour la petite chouette, qui trouvera après exploitation, un vieux peuplement forestier plus ouvert et clairièré, et de ce fait, plus favorable.Cela dit, cette réunion de conciliation, n’aurait pas été nécessaire, si les gestionnaires (l’ONF), avaient été avertis de la présence de la chevêchette, en amont du martelage. Le martelage est le cœur de métier du forestier ; c’est une opération complexe de désignation des arbres à prélever qui doit concilier de nombreux aspects parfois antagonistes : production de bois pour alimenter une filière, protection des sites et du paysage, prise en compte de la biodiversité, accueil et sécurité du public, obtention de régénération

dans « l’essence objectif »…Pour pouvoir mettre en œuvre une gestion équilibrée qui prenne en compte l’environnement, il est primordial que le forestier soit averti de la présence d’une espèce animale ou végétale de grand intérêt : il est presque toujours possible de prendre en compte les espèces sensibles lors du martelage même si parfois c’est difficile. Il est en revanche très délicat de revenir après coup sur un martelage réalisé (question de temps, de coût, de rapports humains…). Et c’est chose quasi impossible lorsque la vente de bois a eu lieu ! Ce thème de l’information et du dialogue a été soulevé en fin de réunion... Et l’idée semble avoir été prise en compte par les naturalistes et acceptée par les forestiers.De nombreux cas similaires se produisent chaque année en France. Des naturalistes qui informent le forestier gestionnaire « après coup » de la présence d’espèces sensibles. Il serait tellement plus simple, plus efficace, plus pédagogique et moins gourmand en temps que les naturalistes coopèrent avec les forestiers dans un climat serein et apaisé, en partageant leurs découvertes.

Jean-Marie Berger

[email protected]

1re rencontre du réseau national - Photo : J. Hahn ©