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WWW.SECOURS-CATHOLIQUE.ORG Terre d’exil en Amazonie L’accueil des demandeurs d’asile en Guyane Rapport d’activite du Secours Catholique délégation de Guyane : projet expérimental d’hébergement des demandeurs d’asile

Terre d’exil en Amazonie L’accueil des demandeurs d’asile

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L’accueil des demandeurs d’asile en GuyaneRapport d’activite du Secours Catholique délégation de Guyane : projet expérimental d’hébergement des demandeurs d’asile

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Sommaire

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Délégation de la Guyane37, Cité Lafaurie

BP 354 - 97328 CAYENNE

Tel : 05.94.28.75.50

Fax : [email protected]

Préface de l’Evêque de Guyane 3

Édito du Président national du Secours Catholique - Caritas France 4

Préambule 6

Présentation du Secours Catholique - Caritas France 6

Présentation de la délégation de Guyane du Secours Catholique 7

Quelques éléments sur la Guyane 8

PARTIE 1 NAISSANCE, MISE EN PLACE ET GESTION DE L’HEBERGEMENT 10

L’hebergement experimental 15

Bilan fi nancier 21

Les recommandations du Ssecours Catholique en Guyane 22

PARTIE 2 LE CONTEXTE DE L’ASILE EN EUROPE, EN FRANCE METROPOLITAINE, EN GUYANE 25

L’asile en europe 26

Le droit d’asile en France métropolitaine 29

Le droit d’asile en Guyane 33

Les recommandations du Secours Catholique national - Caritas France 38

Le mot de la fi n par Thierry Cuenot 40

Annexes 41

Présentation du DVD webdocumentaire 43

Réalisation des supports de communication 43

Les remerciements 43

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Préface

Je remercie le Secours Catholique d’avoir réa-lisé ainsi un document compréhensif sur la situation des demandeurs d’Asile en Guyane française. Tout le monde aura compris, à la

lecture de ce document, l’engagement exemplaire de la délégation du Secours Catholique de la Guyane, avec l’appui du siège de l’association à Paris. Qu’ils en soient ici publiquement remerciés.

« J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Mat-thieu 25,35)

La déclaration du Christ est à la source de tout enga-gement chrétien en faveur des étrangers. Quelque soit leur situation, ils demeurent des personnes, et, au titre de la précarité de leur situation, des privilégiés de l’amour du Christ, et par voie de conséquence, de

tout disciple du Christ

Qu’il me soit permis d’attirer l’attention sur deux points qui ressortent de la lecture de ce texte.

La première concerne le fait qu’à de nombreuses reprises, on verra que des droits reconnus aux demandeurs d’Asile en métropole ne le sont pas en Guyane. Ceci est contraire à la consti-tution et au fait que la Guyane est un territoire et un département français.

quelqu’un : « tu peux rester là, mais tu n’as pas le droit de subvenir toi-même à tes besoins » ? D’autres pays ont reconnu l’illégitimité de cette mesure et accordent aux demandeurs d’asile le droit de travailler. Je souhaite que mon pays fasse de même.

† Emmanuel LafontEvêque de Cayenne

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Éditorial

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Le Secours Catholique de Guyane étend son action auprès des personnes exclues, des personnes migrantes, des demandeurs d’asile, des personnes en situation de dé-tresse ou au chômage, des jeunes, etc. En

2011, ce sont près de 8.000 situations de pauvreté qui ont été rencontrées. Cela représente une très forte augmentation par rapport à 2010, quand seules 6.100 situations de pauvreté avaient été dénombrées.

Cette augmentation montre l’état de dénuement qui règne dans ce département français, avec une impor-tance toute particulière dans l’ouest du pays et le

C’est dans ce contexte d’aide aux personnes en

amené à s’engager sur l’hébergement de familles en situation de demande d’asile, dans un accueil d’urgence de demandeurs d’asile (AUDA). Cet hébergement a pour mission d’accueillir, à titre transitoire, des demandeurs d’asile préalablement à leur admission en CADA. Le pro-blème ici est qu’il n’y a pas de CADA.

L’implication du Secours Catholique dans cette aventure est intéressante à retracer. C’est l’objet de ce rapport, qui met en lumière la problématique générale suivie par le Secours Catholique en Guyane et dans les autres départements français en matière de soutien aux demandeurs d’asile.

En Guyane, faute d’hébergement, les demandeurs d’asile sont bien souvent contraints de squatter des immeubles vides. C’est cette situation considérée comme insupportable qui a conduit, à partir du mois de janvier 2010, un groupe de personnes à envisager un squat qui deviendra le squat de la Providence, en plein centre de Cayenne. C’est un immeuble vide, inoccupé depuis trois ans. Cet immeuble est tenu par une communauté religieuse et c’est sans doute l’élément le plus important dans l’histoire. Ainsi, l’occupation d’un territoire ecclé-siastique a pu attirer l’attention des médias et a rendu nécessaire, autant que spontanée, la réaction de l’évêque de Guyane, Monseigneur Emmanuel Lafont. On pourrait presque dire que ce fut une chance et une providence. En effet, la circonstance particulière de l’occupation de

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cet immeuble a obligé à trouver très vite une solution de remplacement. L’évêque de Guyane s’est beaucoup mobilisé, allant jusqu’à la présidence de la République. La Direction régionale de la cohésion sociale elle-même s’est assez rapidement rendue compte que la situation ne pouvait pas durer. Le Secours Catholique, très présent dans le département, a joué aussi son rôle pour trouver une situation plus durable.

En fait de solution durable, l’administration proposait la réhabilitation provisoire d’un immeuble dégradé. Le Secours Catholique a estimé que cette solution n’était pas bonne et il a choisi de louer neuf logements pour en faire un hébergement en sites éclatés, plus à même de respecter la dignité des personnes, ce qui est l’un des objectifs majeurs de son action. L’une des raisons principales de ce choix est que le voisinage est souvent réticent à ce qu’une quarantaine de demandeurs d’asile s’installe d’un seul coup dans le quartier. Ainsi, des logements ont pu se trouver plus facilement, des installations discrètes ont été acceptées par le voisinage, et des familles ont pu conserver une certaine intimité. Le Secours Catholique a estimé cependant que, malgré la solution retenue, il ne pouvait pas gérer durablement ce type d’installation. Il a donc mené en parallèle deux actions : l’une, institutionnelle, pour faire venir la CNDA en audience foraine, l’autre pour pouvoir céder la gestion de l’expérimentation à une nouvelle association, car la vocation du Secours Catholique n’est en aucune manière de gérer dans la durée ce qui est, normalement, de la responsabilité de la puissance publique. C’est la Croix-Rouge qui reprendra l’expérimentation sous forme d’un AUDA de 80 places, accroissement rendu nécessaire par le fait que les personnes qui rentrent se maintiennent dans les lieux du fait de très longs délais d’examen de leur demande. Pendant ce temps, d’autres familles arrivent avec le besoin d’être également hébergées. Le Secours Catholique, sans vouloir gérer pendant très longtemps cette installation, a estimé de son devoir d’offrir une solution plus pérenne, et surtout un tout petit peu plus confortable que celle du squat. S’il a accepté de gérer l’hébergement, c’est parce que promesse a été faite que cela serait provisoire. A aucun moment, le Secours Catholique n’a voulu transformer cet hébergement expérimental en solution durable. S’il a accepté cette initiative d’hébergement, c’est comme un premier pas vers l’établissement d’une structure durable. Cette

Catholique ne gère plus l’hébergement, celui-ci demeure avec un nouveau gestionnaire.

François SoulagePrésident national

du Secours Catholique – Caritas France

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Ce rapport a pour objectif de rendre compte du déroulement de l’hébergement pour demandeurs d’asile mis en place par le Secours Catholique, avec l’appui de la DRJSCS (Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale), en avril 2010.

En effet, entre avril 2010 et septembre 2011, la délégation de Guyane du Secours Catholique a été responsable d’un hébergement expérimental pour 45 demandeurs

d’asile. Cette action est née suite au squat d’un immeuble inoccupé de Cayenne, nommé « La Providence », qui était alors tenu par une communauté religieuse, en charge d’un établissement scolaire, situé en face. C’est dans ce contexte que le Secours Catholique a accepté d’initier – pour le compte de l’Etat – le premier hébergement pour demandeurs d’asile en Guyane. Ce choix a été fait à la condition que l’Etat trouve un repreneur rapidement car si le Secours Catholique a pour mission d’innover, il n’a pas vocation a faire porter par son réseau de bénévoles et de donateurs la gestion de ce type d’établissement dans la durée.

Aujourd’hui, la Croix Rouge est en charge de ce qui est devenu un AUDA (Accueil d’Urgence des Demandeurs d’Asile), qui dispose actuellement de 80 places.

Ce document, qui se veut également a portée pédagogique, retracera en seconde partie l’évolution -

hension du contexte général dans lequel cette action a été menée.

Le Secours Catholique - Caritas France

Fondé en 1946 par l’abbé Jean Rodhain, le Secours Catholique - Caritas France est un service de l’Église catholique, membre-fondateur de la confédération Caritas Internationalis. Association loi 1901 à but non lucratif reconnue d’utilité publique, le Secours Catholique gère un budget annuel de 148 M ̂ et anime un réseau de 62 000 bénévoles pour « apporter, partout où le besoin s’en fera sentir, à l’exclusion de tout particularisme national ou confessionnel, tout secours et toute aide directe ou indirecte, morale ou matérielle, quelles que soient les options philosophiques ou

(extrait des statuts, article 1er).

Le Secours Catholique enracine son action dans l’Évangile et dans l’enseignement social de l’Église : le respect de la dignité de la personne humaine, la justice, la solidarité, la fraternité, la réconciliation, la paix, l’option préférentielle pour les pauvres, le développement intégral de la personne humaine, la subsidiarité, la destination universelle des biens, l’indivisibilité des droits.

La mission de l’association, selon le vœu de son initiateur, devenu Monseigneur Rodhain est de faire rayonner la charité chrétienne par la mise en œuvre d’une solidarité concrète entre tous, en France et dans le monde. L’association : considère que les hommes, femmes, enfants vivant des situations de pauvreté sont les premiers acteurs de leur développement.

s’engage à leurs côtés pour lutter contre les causes de pauvreté et d’exclusion, et promouvoir le développement de la personne humaine dans toutes ses dimensions.

-mouvoir la justice sociale au sein des politiques locales, nationales et internationales.

Préambule

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invite chaque personne à aller à la rencontre des plus pauvres, à se mettre à leur écoute, à les soutenir et à s’associer avec eux pour construire ensemble une société juste et fraternelle.

La délégation de Guyane du Secours Catholique

C’est en se fondant sur l’éthique et sur l’esprit de justice sociale prévalant dans l’association que le Secours Catholique délégation de Guyane a accepté de mettre en place et de gérer provisoirement un hébergement dont la création était indispensable en Guyane, au vu du nombre de demandeurs d’asile en situation extrêmement précaire sur le territoire. Nous détaillerons par la suite les circons-tances dans lesquelles cette décision a été prise.

Actuellement, la délégation est organisée avec : un Bureau, un local fonctionnel pour la délégation départementale à Cayenne,5 lieux d’accueils dans le département, 5 Équipes d’animation territoriale (EAT),103 bénévoles, 4 salariés permanents.

Pendant l’action d’hébergement, la délégation de Guyane a embauché un employé supplémentaire. En effet, pendant cette action la délégation a fait face à un surcroit de travail, puisqu’il s’agissait d’une activité tout à fait nouvelle, assumée pendant près d’un an et demi. Cela n’a pas empêché la délégation de mener ses actions habituelles. En Guyane comme partout en France, l’action du Secours Catholique s’étend à toutes les personnes exclues : familles, mères seules, migrants, personnes en situation d’errance, personnes au chômage, personnes âgées, etc.

Ainsi, en 2011, le réseau du Secours Catholique a rencontré près de 8000 situations de pauvreté dans le département de la Guyane. Cette année-là, le Secours Catholique s’est essentiellement consacré :

à l’aide alimentaire d’urgence (avec 1136 familles rencontrées et aidées), à l’accueil et à l’écoute avec notamment, chaque dimanche à Cayenne, une table ouverte pour le petit déjeuner et le repas du soir pour environ 50 personnes, avec 2300 passages répertoriés dans l’année,au vestiaire participatif (en 2011, 1400 familles ont été aidées (vêtements, chaussures, jouets) à l’apprentissage du français sur 4 sites (Cayenne, St Laurent du Maroni, Mana, Maripasoula) avec 220 adultes inscrits, à l’évaluation et au développement des capacités d’intervention en cas de catastrophe naturelle

à l’action internationale, avec d’une part des actions donnant suite à l’urgence en Haïti et d’autre part des actions de plaidoyer, avec la participation de 7 membres au Forum Social Mondial à Dakar en février 2011, ainsi qu’à l’hébergement de 45 demandeurs d’asile dans 9 appartements, avec un accompa-gnement à la fois salarié et bénévole.

C’est sur le dernier point de cette liste non exhaustive que nous nous pencherons dans ce rapport.

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PARCOURS DES RÉFUGIÉS COLOMBIENS

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Quelques éléments sur la Guyane

La Guyane est une région et un département d’outre-mer français en Amérique du Sud. Avec

2, c’est la plus grande région française. Deux départements d’outre-mer connaissent une pression migratoire exceptionnellement élevée : Mayotte et la Guyane.

Mayotte est un nouveau département français dans l’océan indien, entre Madagascar et la Mozam-bique, près des autres îles des Comores : il reçoit beaucoup de Comoriens et de demandeurs d’asile de l’Afrique des grands lacs (Rwanda, République Démocratique du Congo – ex Zaïre)

La Guyane, qui est le seul territoire français en Amérique du Sud, connaît un niveau de développe-ment social et économique attrayant pour des populations originaires de pays voisins, souvent plus pauvres, comme le Suriname, le Guyana, le Nordeste du Brésil ou encore Haïti et Saint Domingue. En outre, à cause de sa géographie particulière (forêt amazonienne) et de la longueur de ses fron-tières communes avec le Suriname (520 km), et le Brésil (730 km), la mise en œuvre d’une politique

En conséquence, la proportion de ressortissants étrangers dans la population totale de Guyane est beaucoup plus grande qu’en France métropolitaine. Ainsi, le rapport au Parlement sur « Les orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration », publié en décembre 2011 par le

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OCEANATLANTIQUE

Secrétariat général du comité interministériel de contrôle de l’immigration, indique que sur une population totale de 206 000 habitants au 31 décembre 2010 en Guyane, 32 000 sont des res-sortissants étrangers (hors Union européenne) en situation régulière. Ce même rapport indique qu’on estime « entre 30 000 et 60 000 voire 80 000 le nombre d’immigrés illégaux, dont 3500 à 5000 en forêt travaillant sur les sites d’orpaillage clandestin». De son côté, le Plan départemental d’accueil, d’hébergement et d’insertion en Guyane (PDAHI) écrit en 2010 : « Le recensement de 2008 dénombre une population de 221 000 habitants […]. La plupart des estimations situent la part de la population immigrée (en situation régulière ou irrégulière) dans une fourchette comprise en 25 et 30% du nombre total d’habitants ».

Le nombre de demandeurs d’asile, au regard de la proportion très élevée de migrants en Guyane, reste donc réduit mais il a considérablement augmenté ces dernières années. En 2005, les nou-velles demandes d’asile en Guyane s’élevaient ainsi à 280 par an alors qu’en 2010, l’OFPRA en enregistrait 1130, soit 4 fois plus. Si bien que la Guyane recueille aujourd’hui environ 44% des premières demandes d’asile déposées outre-mer, sachant que les demandes déposées en outre-mer représentent 7% des demandes totales en France.

La situation géographique particulière de la Guyane la rend donc poreuse aux personnes qui, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes, souhaitent quitter leur pays, pour des raisons économiques ou politiques, les deux étant parfois intriquées. Or le continent sud- américain connaît son lot de problèmes, avec de véritables zones de non droit où les états échouent à protéger leurs citoyens qui vivent parfois dans une misère insupportable. Si bien que nombre de migrants passent la frontière dans l’espoir d’une vie meilleure. Parmi eux, on trouve des demandeurs d’asile. ●

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Naissance, mise en place et gestion de l’hebergement

Le squat : quand nécessité fait loi

Les demandeurs d’asile, en Guyane, sont bien souvent contraints de squatter des anciens immeubles vides appartenant à des privés mais le plus souvent ces bâti-ments vides depuis plusieurs années appartiennent aux collectivités locales ou aux agences et services de l’état. C’est le cas pour les anciens bâtiments de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), du conservatoire du littoral, d’une ancienne prison, d’une ancienne gendarmerie, de météo France ou de l’institut de recherche pour le développement. Les règles de vie

ou des mésententes qui existent entre les occupants et selon le caractère et le comportement de celui ou ceux qui se sont établis comme les maîtres du lieu. La cohabitation est souvent compliquée, notamment entre hommes et femmes, dont certaines sont tout juste sorties de l’adolescence, sans compter l’insalubrité fré-

quente des locaux, le confort inexistant, mais tout est mieux que de dormir dans la rue.

de cinquante personnes en ce mois de Janvier 2010

cœur de Cayenne. Pour la plupart, ils se connaissent déjà. Ils se sont rencontrés pendant leurs démarches administratives ou dans des associations qui les aident à les accomplir car ils sont en majorité des demandeurs d’asile. Parmi eux, de nombreuses familles, désespé-rées car elles sont arrivées au bout de leurs ressources, sans solution pour mettre leurs enfants à l’abri. Des célibataires prennent également part à ces discussions. Eux aussi ont besoin de trouver un hébergement qui leur assure une relative stabilité. Chacun partage la même histoire : on leur a dit qu’ils pourraient demander l’asile mais qu’il n’y avait rien de prévu pour les héberger. Les seules solutions proposées, réservées aux familles, ne

Le squat de la Providence,un élément declencheur fort

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pouvaient être que de courte durée. Dans le groupe, certains sont déjà dans un squat, mais l’eau y a été coupée, rendant le lieu invivable. Il faut donc s’organiser pour que les choses changent, autrement dit trouver un lieu vide habitable pour s’y installer.

C’est ainsi qu’un soir, en février 2010, un groupe

centre de Cayenne. Il est inoccupé depuis plusieurs années. Ils ont appris, grâce à un Français marié à une Colombienne, qu’il ne faut pas que l’on découvre leur

puisse pas les mettre à la porte du jour au lendemain.

enfants à les rejoindre pour que les lieux soient nettoyés et organisés.

Ce qu’ils ignorent, c’est que cet immeuble est tenu par une communauté religieuse et qu’en s’y établissant et surtout, en luttant pour être autorisé à y rester, ils vont attirer l’attention de l’Eglise, de l’Etat, du monde associatif et de la presse… et contribuer ainsi à faire évoluer le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile en Guyane.

La cellule de crise

Au tout début du mois de mars 2010, Mgr EmmanuelLafont, Evêque de Guyane, est averti de la situation par les religieuses de l’Externat Saint Joseph, responsables du bâtiment occupé. Il décide aussitôt de rencontrer les squatteurs et d’organiser une cellule de crise.

Y sont conviés divers acteurs locaux : La sœur responsable de la communauté, qui repré-sente le propriétaire,La présidente de l’Association des Parents d’Elèves (APEL),La présidente de l’Organisme de Gestion de l’Etablis-sement Catholique (OGEC),Le conseiller juridique de l’évêché,Le chef du pôle social à la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale (actuelle DRJSCS, ancienne DSDS), qui est notam-ment chargé des logements sociaux et des relations avec les associations, Le commissaire de police (qui dans le passé a connu une situation du même ordre avec l’Eglise Saint Ber-nard, à Paris),Le Secours Catholique est également présent avec son délégué départemental ainsi que son délégué à la vie régionale présent en mission dans le département. Le Bureau de la délégation de Guyane s’implique éga-lement avec son président de l’époque (Jean Roland Kong) et son aumônier (Père Elie Lagrille),

D’autres acteurs sont appelés à se joindre aux ré-

Pour l’Evêque, il est essentiel de trouver une solution qui respecte la dignité de ces personnes mêmes squatteurs. Or les expulser revient à les mettre à la rue sur la place des palmistes.

Qui se trouve dans le squatde la Providence ?

De nombreuses familles, dont des enfants, certains sco-larisés, d’autres en bas âge. On trouve aussi un jeune garçon dont l’audition défaillante est un handicap parmi d’autres ainsi qu’une femme enceinte. Il y a également quelques couples sans enfants et des célibataires, avec parmi eux de rares migrants sans-papiers qui s’efface-ront rapidement. Au total, un ensemble d’une quaran-taine de personnes, dont les parcours se rejoignent à Cayenne. Ils ont en commun d’être pour la plupart Colombiens. Ce n’est pas qu’ils soient si nombreux en Guyane, mais l’arrivée des demandeurs d’asile venus

--

ment d’un phénomène nouveau. Cependant, l’UNHCR (Le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies) le rappelle : la Colombie est le pays d’Amérique du Sud d’où provient le plus grand nombre de deman-deurs d’asile. En 2009, c’était même le troisième dans le monde. Le pays connaît de véritables zones de non

gouvernement, FARC (Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes) et paramilitaires ont contraint 4,1 millions de personnes à se déplacer depuis 1985, aussi bien sur le territoire colombien qu’à l’extérieur des frontières. Les Colombiens présents en Guyane ne sont donc que l’épiphénomène d’un large mouvement de migration politique qui se dirige habituellement vers d’autres par-ties de l’Amérique du Sud, essentiellement l’Equateur.

Des interrogations se posent immédiatement à leur su-jet : les habitants du squat sont-ils eux aussi les victimes de la violence générée par la situation en Colombie ?

d’en préjuger. Pour l’heure, ils sont demandeurs d’asile et ils ignorent quelle réponse l’Etat français va apporter à leur requête. Et dans combien de temps.

L’immeuble de la Providence constitue donc pour eux un lieu d’attente et d’espoir. Certaines de ces familles y sont réunies pour la première fois depuis leur arrivée en France. Un des hommes qui se trouve dans ce squat

qu’elle n’ait pas à dormir avec lui et son frère sur une

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de ces personnes, ce squat leur offre une possibilité de

Dès les premières visites, les forces de police, la DJSCS, l’Evêque, les délégués du Secours Catholique et la com-munauté religieuse constatent que les personnes qui ont pénétré dans cet immeuble semblent responsables et organisées. La plupart d’entre elles sont déjà connues par les associations qui les ont parfois aidées. Le sen-timent général est que ces personnes ne constituent pas une menace à l’ordre public. La loi a été violée mais le dialogue est possible et il y a une réelle volonté de leur part de communiquer. Les squatteurs veulent alerter l’opinion publique. Quand ils apprennent que l’immeuble est sous la responsabilité d’une commu-nauté religieuse, ils viennent chercher, au travers de Monseigneur Lafont, l’appui de l’Eglise Catholique. Et celui de la société toute entière.

Des divisions sur les solutions immédiates à apporter

Très vite, la réponse à donner à la situation divise les participants de la cellule de crise. Tandis que la plupart

de pouvoir trouver une solution plus satisfaisante qu’une expulsion, la communauté religieuse – soutenue par

-teurs expulsés dès que possible.

Le bâtiment, dit « La Providence », est à ce moment-là sous la responsabilité des religieuses de Cluny, en charge de l’Externat Saint Joseph – un établissement scolaire catholique. En plus de l’illégalité manifeste de l’entrée des squatteurs dans l’immeuble, les sœurs ex-pliquent qu’elles sont sur le point de faire des travaux et que des bacs blancs doivent s’y dérouler au mois de mai. Au niveau académique, on indique que, sur ce dernier point, d’autres solutions peuvent être trouvées

trop dangereux, bien que plusieurs personnes, après l’avoir visité, pensent le contraire. Chacun restant sur ses positions, Monseigneur Lafont s’efforce de cher-cher à tout prix une solution chrétienne au dilemme qui se pose mais les responsables de l’établissement scolaire persistent dans leur volonté de faire vider les lieux au plus tôt.

Les squatteurs refusent quant à eux de quitter le refuge qu’ils se sont trouvés. Monseigneur Lafont, prenant acte de la volonté de l’Externat Saint Joseph de faire procé-der à une expulsion, s’emploie alors à trouver un avocat

légalement. Il s’active par ailleurs à trouver une solution qui permettrait de ne pas remettre ces personnes à la

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sur le préfet pour obtenir leur expulsion dans de brefs délais. Celle-ci est annoncée pour début mai. Il y a lieu de rappeler que nous sommes également dans le cadre de la campagne pour les élections régionales en Guyane, la situation est donc tendue.

Devant la tournure des évènements et désireux d’alerter l’Etat sur cette situation symptomatique du manque et d’absence de structure d’accueil, l’Evêque décide de faire remonter l’affaire jusqu’à l’Elysée. L’Etat, de son coté, sait qu’il ne respecte pas ses obligations envers les demandeurs d’asile. La DRJSCS propose alors de loger ces familles dans des locaux du conservatoire du littoral mais qui nécessitent une réhabilitation. Elle sollicite une association et le Secours Catholique pour assurer cette opération, le temps de trou-

mènera le Secours Catholique à accepter de mettre en place et de gérer provisoirement cet hébergement.

Stabiliser le nombre de squatteurs

Du coté des squatteurs, la tension est vive. En effet, l’im-meuble qu’ils occupent est immense et la quarantaine de personnes qui s’y est installée ne remplit qu’une partie du millier de mètres carrés laissés sans affectation. On craint de voir le squat investi par les nombreux précaires qui se trouvent dans la ville et qui ont eux aussi besoin d’un toit.

La première étape consiste donc à s’assurer que le nombre de squatteurs reste stable. Les occupants, qui ont constaté qu’on se préoccupe de leur sort, s’engagent à ne pas permettre d’entrées supplémen-taires. Cette promesse n’est pourtant pas facile à tenir, ni matériellement, ni émotionnellement. Car, comme plu-sieurs d’entre eux l’expliqueront ensuite, les demandes d’accueil sont fréquentes : on les implore d’accepter

entrer d’autres personnes dans cet espace bien trop grand pour eux seuls ! Mais les squatteurs, qui espèrent obtenir un soutien, répondent négativement. Cela leur

qu’affrontent ces frères d’infortune. Malgré tout, ils mettent en place des tours de garde pendant la nuit

interviendra à plusieurs reprises.

La mobilisation de la délégation de Guyane pendant le squat

Le Secours Catholique se mobilise dès la découverte du squat. L’association, très sollicitée à l’époque par les aides humaines liées au séisme à Haïti, comme le reste du monde associatif, doit puiser dans ses ressources pour aider la situation à se dénouer.

Ses actions vont être de plusieurs ordres :Tout d’abord, il s’agit de

repérer à l’intérieur du squat des leaders susceptibles de devenir les porte-parole des squatteurs en vue de sim-

très importante, permettra d’établir un dialogue construc-tif tout au long de l’action menée, y compris par la suite. Aide matérielle : L’eau étant coupée, tout comme l’électricité, une distribution d’eau est organisée pen-dant 5 semaines. Des meubles, offerts spontanément par des familles de militaires, sont amenés au squat. L’association fournit également de la vaisselle, pour 6 à 7 familles, un fer à repasser, des rideaux, des draps, du linge de maison. Il s’agit de permettre aux habitants de vivre de façon plus décente pendant cette période. Médiation : Un dialogue s’engage avec la police et avec l’Etat, qui souhaitent également éviter une expulsion qui requerrait l’usage de la force. L’asso-ciation cherche aussi à retarder celle-ci en obtenant des sœurs de l’Externat Saint Joseph la réouverture des compteurs d’eau. Aide alimentaire : Plusieurs familles sont orientées vers la Cimade, qui est porteuse de la plateforme

aide alimentaire hebdomadaire. Les occupants du squat sont par ailleurs conviés à la « Table Ouverte » que tient chaque dimanche le Secours Catholique grâce à une équipe de bénévoles. Le nombre des accueillis s’accroit pendant cette période de près de 50 nouvelles personnes, mais l’équipe assurera sans faille le petit déjeuner et le diner pour tous. Certains accueillis deviendront bénévoles et le resteront.Aide vestimentaire : Le vestiaire participatif du Se-cours Catholique contribue à habiller des adultes et des enfants. On trouve des chaussures à ceux qui en ont besoin pour l’école.

Pour que les enfants puissent conti-nuer à aller à l’école, l’association contribue aux frais d’essence occasionnés par les trajets ainsi que la mise a disposition de vélos avec siège pour enfant. Des unités téléphoniques sont également offertes à

les liaisons sept jours sur sept.

Accepter la gestion provisoire d’un hébergement expérimental ?

La question que pose la DRJSCS au Secours Catho-

-cepter de mettre en place et de gérer provisoirement un hébergement.

Tout d’abord, cela fait déjà plusieurs années que le tissu

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associatif réclame sans relâche que l’Etat mette en place un CADA (Centre d’Accueil pour les Demandeurs d’Asile doté de moyens pour un accompagnement administratif et social). Or, il n’en existe aucun dans les DOM. En char-geant le Secours Catholique de se lancer dans la mise en place de ce qui deviendra au bout du compte un AUDA (Accueil d’Urgence des Demandeurs d’Asile – avec des mesures d’accompagnement moindres), certains acteurs associatifs ont l’impression que l’Etat se défausse et qu’il devrait être mis face à ses responsabilités.

De plus, le Secours Catholique n’a pas vocation à gérer ce type d’établissement. Certaines associations en mé-tropole se sont spécialisées dans ce domaine et y ont développé une expertise. La position est délicate pour le Secours Catholique, qui veut entretenir de bonnes relations avec le réseau associatif.

Pour autant, si le Secours Catholique n’a pas voca-tion à devenir porteur de projets sur l’hébergement de façon durable, il lui est arrivé d’initier ailleurs en France métropolitaine des CHRS (Centre d’Hébergement et de Réadaptation Sociale) ou des structures à vocation

fois construites, à d’autres relais. En effet, quand il y a carence, la philosophie de l’association la porte à mettre

d’une action de plaidoyer qui vise à ce que d’autres acteurs institutionnels s’en emparent.

La délégation de Guyane du Secours Catholique, qui participe à la cellule de crise depuis le début, note que les représentants locaux de l’Etat sont désormais prêts à développer une solution d’accueil mais qu’aucun pres-tataire éventuel sur le territoire n’est disposé à s’en charger.

Avant d’accepter ce rôle, cependant, le Secours Catho-lique veut s’assurer que cette action d’hébergement expérimental s’installera dans le temps et qu’elle ne se limitera pas à s’occuper d’un groupe de 45 demandeurs d’asile Colombiens jusqu’à ce qu’une protection soit accordée ou refusée à chacun d’entre eux. Le besoin de CADA sur le territoire est en effet criant et, bien que l’Etat ne semble pas encore enclin à en mettre un en

-moins de premier pas vers l’établissement d’une struc-ture d’accueil. Encore faut-il que sa pérennisation soit assurée et qu’un autre prestataire spécialiste en matière d’hébergement de demandeurs d’asile soit activement recherché pour en reprendre les rênes.

C’est ce sur quoi le Secours Catholique et la DRJSCS, qui la sollicite dans cette mission, vont s’accorder : une suite sera bien donnée à cet hébergement qui sera repris par un autre prestataire, dans un laps de temps rela-tivement court puisque la première convention signée est de 6 mois.

Elle débute le 15 Avril 2010. ●

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Quelles étapes ?

avenants successifs avec le Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Dévelop-pement Solidaire, représenté par le Préfet de Guyane :

D’avril 2010 à octobre 2010 (6 mois)D’octobre 2010 à avril 2011 (6 mois)

-sera la main au repreneur dans le courant du mois

Mais le Secours Catholique devra régulièrement rap-peler son intention de ne pas aller au-delà du second semestre d’hébergement collectif, notamment par cour-

Une recrue salariée supplémentaire

La surcharge de travail qu’entraine cet hébergement ne peut être entièrement supportée par les salariés du Secours Catholique, ni par les bénévoles qui, malgré

-ponibles.

Un employé est donc embauché en contrat à durée déterminée dans le cadre de la première convention, dont le Secours Catholique souhaite qu’elle soit la seule avant une reprise en main par un prestataire spécialisé. Comme on l’a vu, ce ne sera pas le cas.

La délégation de Guyane, qui n’a que peu d’expertise dans le domaine de l’hébergement, ne réalise pas qu’à

agent de maintenance. En effet, l’installation des familles dans 9 hébergements différents suppose de nom-breuses tâches, qui vont de l’entretien des lieux avec de menues réparations, à l’organisation de la répartition des familles, à l’achat et la mise en place de meubles et de fournitures pour que les logements soient propres à l’habitation… La première embauche n’est donc pas bien calibrée pour le travail à effectuer.

Lors de la deuxième convention, la délégation de

d’embaucher quelqu’un qui ait déjà une expérience avec les demandeurs d’asile. L’association privilégie

formation juridique et qui maitrise l’espagnol.

Cette embauche permettra l’accueil individuel des per-sonnes hébergées, qui passeront ainsi d’un positionne-

ment collectif à des préoccupations plus individuelles, ce qui est important pour que le suivi de chacun puisse se faire aussi bien au niveau juridique (des procédures sont en cours) que social (cela permet de repérer les éventuels problèmes plus tôt et d’orienter les personnes vers les bons interlocuteurs dans le tissu associatif).

En outre, cette personne recevra également des deman-deurs d’asile susceptibles d’entrer dans l’hébergement quand des places se libèrent et elle pourra ainsi faire des recommandations sur la base de son analyse. Ce

en juin 2011, peu avant la passation de l’hébergement à une autre association.

Quel type d’hébergement ?

La formule retenue sera celle de l’hébergement en site éclaté, pour un total de 45 places. 9 logements en feront partie.

Ils se situent dans Cayenne ou à proximité car les transports en commun sont rares et onéreux dans le département et les demandeurs d’asile doivent pouvoir se rendre facilement aux rendez-vous administratifs cruciaux qu’entraine leur demande.

Les raisons pour lesquelles la DRJSCS et le Secours Catholique privilégient un hébergement en site éclaté

Mais un autre obstacle les porte également à choisir cette formule : le voisinage est souvent réticent à ce qu’une quarantaine de demandeurs d’asile s’installent d’un coup dans leur quartier.

Certes, il existe quelques inconvénients : la gestion des divers lieux de vie est plus contraignante, du fait de leur

L’hébergement expérimental

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éparpillement. Cela requiert une attention plus grande aux problèmes éventuels qui peuvent surgir, comme par exemple, les éventuelles demandes d’accueil de la part d’autres demandeurs d’asile extérieurs, reçues par les familles occupantes…

Mais les avantages de l’hébergement en site éclaté sont notables : les logements se trouvent plus facilement (malgré les conditions de location, car il ne s’agit pas d’un bail classique) et ces installations discrètes sont plus simples à faire accepter au voisinage. De plus, familles comme couples peuvent conserver une certaine

que dans un grand centre commun.

maison située à Baduel, dans la périphérie de Cayenne, qui est réservée aux familles avec enfants. Composée de deux appartements, elle dispose d’un espace extérieur, mais s’avère trop exigüe pour le nombre d’habitants qui y résident. En outre, les familles ne comprennent pas pourquoi on ne leur a pas proposé les studios mis à dis-position des célibataires ou des couples sans enfants. Ils estiment qu’ils auraient certes été trop petits mais qu’ils auraient ainsi pu éviter de cohabiter à plusieurs familles. La prise en charge des personnes sans charge familiale va par ailleurs rapidement poser question au Secours Catholique qui décidera, avec la seconde convention,

Sélection des bénéficiaires 

En effet, des critiques s’élèvent autour de cette action

charge des célibataires et des couples, alors qu’une population avec enfants, nettement plus nécessiteuse et vulnérable, est encore à la rue ? Le fait que l’héber-gement ne soit constitué que de Colombiens soulève aussi nombre de commentaires dans le monde des demandeurs d’asile et du tissu associatif.

Le Secours Catholique est conscient de la nécessité de refonder les critères d’attribution de cet hébergement, créé à la suite du squat et conçu pour apporter une réponse immédiate au problème crucial qui se posait. L’association se résout donc à opérer une sélection pour la suite parmi les hébergés. Or rien n’est simple dans ce domaine. Certains célibataires s’avèrent être des pères de famille désireux de faire venir leurs enfants, restés dans un autre pays, parfois sur le chemin de l’exil. Des familles entières espèrent être réunies alors que seul un de leurs membres est présent sur le territoire Guyanais…

Un atout de taille dans cette opération délicate réside -

sources, qui étaient les anciens porte-paroles du groupe pendant le squat. Certains d’entre eux acceptent de participer à cette médiation pour aider à déterminer les hébergés les plus « aptes » à quitter les lieux. Ces

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personnes ressources permettent ainsi que cette réor-ganisation des critères soit comprise et acceptée par les anciens squatteurs.

Le Secours Catholique va également s’appuyer sur la nouvelle salariée pour choisir les nouveaux béné-

signée, de nouvelles familles se substituent aux per-sonnes seules, la présence d’enfant(s) à charge ayant

Des difficultés inattendues : les conflits intrafamiliaux

Alors que le groupe, très soudé lorsqu’il était dans le squat, ne laissait guère apparaître de failles, certaines familles et couples, qui vivent désormais une situation moins stressante, semblent se déliter. Le Secours Ca-tholique se trouve face à un public fragile, qui a traversé

les personnes sont parfois violents, notamment au sein de la cellule familiale. Tentatives de suicide, enfants né-gligés ou mis en danger, violence conjugale, addictions ou accoutumances, pratiques de survie allant jusqu’au

la délégation de Guyane du Secours Catholique qu’elle réagisse avec la plus grande célérité. Pour cela, l’asso-ciation, qui s’est dotée d’un salarié compétent dans le

le lien avec les structures sociales du département ainsi qu’avec les associations capables d’apporter leur aide

Des signalements seront également effectués auprès de la Cellule d’Informations Préoccupantes (CIP), qui dépend de l’Aide Sociale à l’Enfance. Malheureuse-

et l’absence de psychologues se fait sentir. Des glisse-ments prévisibles auraient pu être ainsi évités comme des tentatives de suicide répétées se soldant par un séjour en hôpital psychiatrique ou des menaces de comportements à risques développés par des enfants très perturbés par leur vécu.

La relation au travail et le désœuvrement

Pour les demandeurs d’asile, cette étape d’héberge-

leur avenir est incertain et le travail ne leur est pas auto-risé. Le désœuvrement entraîne bien souvent un repli sur soi et une tendance dépressive. Sans possibilité de participer à la vie productive du pays, beaucoup se sentent inutiles et dévalorisés. Les hommes, qui se

besoins de leur famille, surtout en Amérique du Sud, souffrent souvent d’une perte d’estime de soi.

Certains décident de travailler au noir. Dans un dépar-tement où les sans-papiers sont légions, nombreux sont les employeurs qui font appel à une main d’œuvre

tournent mal. Certains rapportent travailler 12 heures par jour pour la promesse de 35 euros quotidien, que

-niment. Se sachant dans l’illégalité, les demandeurs d’asile n’osent pas protester. Découvrant à l’occasion de cet hébergement les ravages que cause cette si-tuation de non accès au travail le Secours Catholique décide d’intervenir à plusieurs niveaux pour rendre les

des activités et à s’insérer ainsi plus facilement dans la société française. Car au vu des délais pour juger de leur statut, leur présence sur le territoire, on l’a vu, est appelée a priori à durer plusieurs années.

Renforcer l’alphabétisation : Pendant la gestion de cet hébergement en Guyane, le Secours Catholique renforce son activité d’alphabétisation, avec l’aide de bénévoles. Dans le même temps, l’association crée des liens avec l’Alliance Française qui lance des cours de français en direction des demandeurs d’asile. Le Secours Catholique octroie ainsi des bourses pour des

-tholique continue, grâce à l’appui des bénévoles, d’ac-cueillir ceux et celles qui en ont besoin pour les aider à apprendre la langue française. Outre leur vocation d’enseignement, ces sessions hebdomadaires consti-tuent aussi un lieu de rencontre où des personnes de toutes cultures et de tous statuts administratifs (ils ne sont pas tous en demande d’asile) peuvent apprendre à se connaître. Pour des personnes très isolées du fait de leur exclusion sociale, ces sessions, fréquentées essentiellement par des femmes, constituent parfois une opportunité unique de socialisation. Repérer les talents et prendre des temps de convivialité : Le Secours Catholique conduit des temps de convivialité et d’écoute qui lui permettent de repérer les talents de chacun. Rapidement, les demandeurs d’asile y révèlent des capacités variées susceptibles d’être utiles au quotidien à ceux qui les entourent comme à eux même. Certains sont peintres et peuvent aider à réhabiliter un endroit, d’autres sont couturières et ainsi apporte leur contribution en matière de vêtements, des cuisiniers sont à même de pro-diguer leurs conseils pour réaliser des plats écono-miques, d’autres, titulaires d’un permis de conduire, peuvent assurer le transport de ceux qui en ont be-soin, certains sont capables de faire des traductions et aider ainsi d’autres demandeurs d’asile dans leurs démarches… Pour mieux comprendre comment ces

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talents peuvent être cultivés, les membres du Bu-reau invitent une famille par semaine pour faire mieux connaissance et voir avec elle quelle peut être l’action du Secours Catholique pour la soutenir et l’aider ainsi à lutter contre l’oisiveté et le sentiment d’inutilité. Aides matérielles : Le Secours Catholique met en place des aides matérielles pour le public hébergé, avec notamment des aides à la scolarité, des fourni-tures scolaires et des aides à la mobilité, avec l’attri-

à l’école. L’association, qui est en contact avec toute une frange très précaire de la population, fait parfois face à des cas de conscience, en réservant ce type d’aide aux seuls demandeurs d’asile hébergés. Microcrédits : La délégation de Guyane expéri-mente également des microcrédits sur des achats permettant le développement de la personne ou de son niveau de confort. Parfois, ces microcrédits ont pour objectif d’aider un demandeur d’asile à sortir de l’ornière dans laquelle son statut le place : la délégation de Guyane apprend par exemple que l’un d’eux ne peut pas accéder à une assurance voiture car on lui refuse la mensualisation, du fait de son statut incertain. La délégation interviendra en prenant en charge la cotisation annuelle, qu’elle se fera progressivement rembourser. Des microcrédits assortis de dons sont également développés pour l’achat de matériel plus mobilier, comme par exemple un ordinateur, grâce auquel une famille pourra à la fois rester en contact avec son pays d’origine et développer des compétences bureautiques…

Impliquer les demandeurs d’asile : La prise en charge des demandeurs d’asile, doublée du désœuvrement dans lequel ils peuvent s’enfoncer, pose un problème de perte

grande impuissance, dans la mesure où on les empêche de subvenir concrètement à leurs besoins. La délégation, en mettant en place des microcrédits ou un Règlement Intérieur (lors de la seconde convention) ou encore une contribution symbolique de participation aux charges de l’hébergement, cherche à leur donner les moyens de rester impliqués dans leur vie, en les mobilisant (entretien des locaux, bénévolat, tonte de la pelouse...).

La venue de la CNDA en Guyane

Le sujet des délais est une préoccupation centrale pour la plateforme d’orientation et d’accueil des demandeurs d’asile. En effet, la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) n’était venue que deux fois depuis 2007, laissant des dos-siers en souffrance comme autant de vies humaines sus-pendues à une décision. Ainsi, certains des dossiers à traiter concernaient des familles entrées en Guyane en 2007 !

Face à ces lenteurs, la plateforme d’accueil et d’orientation des demandeurs d’asile envoie donc un courrier à la CNDA

D’autres courriers sont également adressés au préfet, à l’Evêque, aux députés et aux sénateurs de la Guyane pour qu’ils soutiennent cette demande à la CNDA. Celle-ci, sti-mulée par ces pressions, informe alors la plateforme qu’une

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audience foraine est programmée en mai 2011.

Chose exceptionnelle, du fait d’une domiciliation peu -

mise par la CNDA au Secours Catholique, à la Cimade ainsi qu’à une avocate impliquée dans les sessions à

-ciations et les demandeurs d’asile hébergés joueront un rôle de relais auprès de ceux qu’ils connaissent et qui partagent leur situation administrative. En effet, il est important d’avertir un maximum de demandeurs d’asile de la possibilité de consulter les convocations dans les locaux des associations, d’autant que le CIASIC (la coordination intercommunale des CCAS de l’ile de Cayenne) qui s’occupe de la domiciliation,

de la grève de ses salariés depuis le 14 février 2011. Il faut donc s’assurer que tous les demandeurs soient informés de leur convocation.

De son côté, la délégation de Guyane, qui est membre de la plateforme, sollicite le CEDRE (Centre d’Entraide pour les Demandeurs d’Asile et les Réfugiés) qui est à Paris une antenne du Secours Catholique d’aide et de conseils aux démarches de demande d’asile. Le CEDRE

-portent leur soutien pendant cette visite. Spécialistes de l’accompagnement des demandeurs d’asile, elles séjourneront en Guyane pendant 3 semaines. Précédant de peu la visite des juges de la CNDA du 16 au 27 mai 2011, elles s’activeront à faciliter la bonne tenue des audiences en organisant des simulations d’entretiens, en créant du lien entre les différents acteurs impliqués, en facilitant les traductions…

Le tribunal de grande instance, le tribunal administratif ainsi que la chambre de commerce et de l’industrie acceptent de prêter leurs locaux. Divers avocats déci-dent de se former dans des délais très courts au droit d’asile et sont ainsi à même d’assister les demandeurs d’asile dans le cadre de l’aide juridictionnelle.

quelques jours, 450 demandeurs doivent être entendus en audience par la CNDA.

Grâce à cette mobilisation, les audiences se déroulent bien.

Cette action, bien qu’elle ne concerne pas l’ensemble des hébergés à ce moment là, aura eu pour avantage d’apporter des réponses à certains d’entre eux, qui

ou s’ils sont déboutés.

Car la question que pose cet hébergement concerne également la suite à donner lors du dénouement de la situation du demandeur d’asile.

En matière d’hébergement, la règle pour les CADA que la préfecture a voulu appliquer ici repose sur l’alternative suivante :

Soit la réponse est positive et le demandeur d’asile dispose de 3 mois pour quitter l’hébergement, ce délai étant renouvelable une fois.Soit la réponse est négative et le débouté doit quitter l’hébergement sous un mois, un délai normalement non renouvelable.

L’aide pour un départ volontaire digne

En Guyane comme en France métropolitaine, les déboutés sont bien plus nombreux que ceux qui obtiennent la protection de l’Etat. Les délais étant encore plus longs dans ce département d’outre mer que dans l’Hexagone, les anciens demandeurs d’asile se trouvent bien souvent dans l’incapacité de partir, même s’ils le souhaitent. Ce temps de latence, qui a pu leur prendre 2 à 5 années de leur vie, ne leur a généralement pas permis de développer des compé-tences ou des économies. Aussi, certaines familles, qui seraient prêtes à rentrer chez elles ou à tenter leur chance ailleurs, se retrouvent dans l’impossibilité de partir sans s’exposer à de nouvelles vicissitudes. En 2006, une circulaire ministérielle a exclu les aides au retour humanitaire et les aides au retour vo-lontaire depuis la Guyane. Pourtant, la Délégation de Guyane du Secours Catholique perçoit dans la solution d’un départ volontaire une perspective qui pourrait intéresser certaines familles dont le sort a été scellé par une décision négative. L’association expé-rimentera donc une aide qu’ils appelleront « aide au départ volontaire » avec le soutien de la DRJSCS qui

-tra à une quarantaine de personnes, pas uniquement parmi les hébergés, de prendre un nouveau départ. Pour s’assurer de l’implication des familles, le Secours Catholique étudie chaque parcours et chaque projet et une contribution est demandée à chacune d’entre elles

leur volonté de se reconstruire ailleurs est réaliste et motivée, ce qui permet de répondre aux suspicions occasionnelles d’organiser des retours de confort. Certes, l’aide au départ volontaire n’est pas une solu-tion généralisable à l’ensemble des déboutés, mais en Guyane, cette expérimentation a indéniablement constitué une porte de sortie salvatrice pour quelques familles. Ce simple constat mérite probablement qu’on étudie cette solution de plus près et qu’on considère une réinstauration des aides au retour volontaire et humanitaire en Guyane, puisqu’elles sont proposées en France métropolitaine.

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L’aide au retour volontaire concerne les étrangers

soumis à une procédure d’expulsion (ceux qui ont reçu

une OQTF - Obligation à Quitter le Territoire Français - ou

ceux qui font l’objet d’une reconduite à la frontière).

Les ressortissants de l’Union Européenne, les personnes

placées en centre de rétention et les personnes ayant

déjà bénéficié d’un programme d’aide au retour en sont

exclues.

L’aide au retour humanitaire concerne les étrangers

qui, du fait de leur situation de grande précarité en

France, souhaitent quitter le pays. Les mineurs isolés,

les déboutés du droit d’asile, les étudiants en détresse,

peuvent par exemple en bénéficier…

Les personnes qui ont fait l’objet d’une mesure

administrative ou judiciaire d’éloignement du territoire n’y

sont pas éligibles.

Enfin, les étrangers en mesure de regagner leur pays

d’origine ou un pays d’accueil sans avoir besoin de

l’aide apportée par ces programmes ne peuvent pas en

bénéficier.

En Guyane, ces aides ont cessé d’être proposées depuis

2006. En 2012, on voit de nouveaux quelques propositions

de l’Ofii au cas par cas.

Trouver un repreneur pour cet hébergement expérimental rapidement

Le Secours Catholique aura signé 3 conventions suc-cessives. A chaque fois, la durée des conventions a été courte car il s’agissait de permettre à un nouveau prestataire de prendre le relais. En installant le centre d’accueil et en le faisant fonctionner de façon satisfai-sante, l’association espérait une reprise rapide, mais s’aperçoit très vite qu’il semble acté que le Secours Catholique est désormais responsable de cet héberge-ment. Le tissu associatif local, tout comme les pouvoirs publics ou les demandeurs d’asile, semblent en effet penser que cette gestion va s’installer dans le temps. Or la Délégation de Guyane, déjà en peine sur d’autres de ses missions, ne souhaite pas poursuivre ce projet durablement et trouve plus adéquat qu’une association spécialisée dans ce domaine se substitue à elle.

Pour s’assurer qu’un relais soit pris, un certain nombre d’actions sont donc accomplies : François Soulage, le Président du Secours Catholique – Caritas France vient ainsi en Guyane pour rencontrer le président de Région, le Président du Conseil Général, la Maire de Cayenne ainsi que le Préfet, le chef du pôle social de la DRJSCS (ex DSDS), son adjointe et le directeur de

relais. L’OFII a en effet dans le cadre de cette recherche un rôle important à jouer.

La délégation de Guyane ne reconduit pas le CDD de la salariée dédiée à cette expérience, qui termine son

que le temps de mise en place est passé.

Les services de l’Etat décident donc de lancer un appel d’offres. Le Samu Social et le Groupe SOS, sollicités localement pour reprendre l’hébergement, déclinent l’offre tarifaire et la Croix Rouge reste seule sur les rangs. L’association viendra d’ailleurs faire deux visites suc-cessives pendant l’été 2011 et c’est elle qui reprendra

Aujourd’hui, cet hébergement expérimental est devenu un AUDA (Accueil d’Urgence des Demandeurs

d’Asile) bien qu’en réalité les personnes qui y entrent n’en

sortent que lorsqu’elles ont obtenu une réponse, ce qui

est normalement le propre d’un CADA. La capacité de

cet hébergement est passée de 45 places à 80 places et

la Croix Rouge a repris la domiciliation postale, qui était

passée par le Secours Catholique, puis par la Cimade et le

CIASIC…

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Bilan financierL’enveloppe globale accordée à la Délégation de Guyane du Secours Catholique, pour les trois conventions, a été de 292 235 euros.

Coût unitaire journalier :

dans l’urgence, accepte les conditions tarifaires propo--

dant, lors de la seconde convention, ce tarif baisse en s’alignant sur les recommandations du Ministère des

La délégation de Guyane du Secours Catholique tient donc à ce que ces tarifs remontent pour la troisième convention car s’ils sont trop bas, ils risquent de dis-suader d’éventuels repreneurs de se présenter. Il est essentiel pour la Délégation de Guyane de mettre en place des conditions de reprise attractive. Mais le retour

tarif négocié par La Croix Rouge, l’association qui a repris ce projet, sera d’ailleurs plus élevé que celui qui

le Secours Catholique.

Comment le Secours Catholique a-t-il fait pour as-surer cette gestion avec un coût unitaire journalier

approchées pour en être les repreneurs ? En effet, le Samu Social et le Groupe SOS refuseront de reprendre le projet du fait des tarifs, jugés trop bas, et la Croix

Plusieurs facteurs l’expliquent : Les conventions signées ayant été à chaque fois très courtes, puisqu’elles n’ont jamais dépassé les 6 mois, la délégation n’a pas lancé de projets de long terme, si bien que certaines dépenses n’ont pas eu lieu par manque de visibilité sur l’avenir de cet hébergement.Pour des raisons du même ordre (durée réduite de chaque convention et incertitude quant à une recon-duction ou une reprise), la délégation a limité le recru-tement à un seul salarié supplémentaire, là où dans un établissement correspondant il en aurait fallu au moins quatre. Parce qu’il n’était pas dans l’intérêt de la délégation de montrer une intention de s’installer dans la gestion de cet hébergement, l’association s’est donc appuyée sur des ressources qui ne seront pas (ou presque pas) facturées à l’Etat.

En effet, la délégation de Guyane du Secours Catho-lique n’a pas l’habitude de ce genre de projets et n’est donc pas entrée dans une logique de facturation de certains services :

Seul un petit pourcentage de la location des locaux du Secours Catholique (qui servent pourtant de lieu de permanence, de réunions ou d’entretien avec les

L’équipe salariée en place, souvent mobilisée sur le projet n’est pas pour autant payée sur le bud-get « hébergement » malgré les heures qui y sont allouées pendant toute la période.

à la gestion du projet d’hébergement. Selon les calculs de la délégation, l’équivalent de 13160 ˆ a ainsi été valorisé grâce aux bénévoles, actifs à de nombreux niveaux (services alimentaires, pro-gramme d’alphabétisation, diverses médiations,

chacun des 9 logements).

La Délégation de Guyane a donc mis à disposition le temps de ses bénévoles, de ses salariés et une partie de ses bureaux, sans en faire porter la charge entière

journalier a été nécessaire pour qu’une reprise soit faite dans des conditions satisfaisantes.

Les dépenses se sont réparties de la façon suivante :

1 Loyers 124 907,00

2 Aides et secours aux familles 46 817,00

3 Salaires et charges 38 736,00

4 Divers (entretien, autres frais) 18 667,00

5 Valorisation du bénévolat 13 160,00

6 Frais de gestion 11 920,00

7 Communication du projet 8 000,00

8 Energie 7 963,00

9 Solde pour d’autres projets 22 065,00

TOTAL 292 235,00

La part la plus importante des charges est bien évi-demment liée aux loyers des 9 logements. Le second poste de dépenses concerne les aides aux familles, qui ont été adaptées au cas par cas. On y trouve ainsi des aides assez variées, qui vont de l’achat de mobilier ou de matériel électroménager, à des participations au transport des enfants pour la scolarité, à l’achat de vélos, à des microcrédits avec

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participation de la Délégation de Guyane du Secours Catholique, à des contributions liées à l’aide au départ volontaire ou encore au transfert d’une famille jusqu’à

Etonnamment, le troisième poste est celui des sa-laires, alors que c’est traditionnellement un poste très élevé dans ce genre d’initiative. Ici, la présence d’un seul salarié a été compensée par l’investissement de l’équipe permanente du Secours Catholique. Les postes suivants, par ordre d’importance, concernent :

Divers : tous les frais de réparations dans les loge-ments (qu’il s’agisse de plomberie ou d’électri-

cité ou encore de mobilier) ainsi que tous les frais d’entretien. Les frais de gestion : Ce poste recouvre les frais de fonctionnement administratif liés à cette activité : les lignes téléphoniques, les timbres, le courrier, etc.…Energie : Il s’agit de l’électricité, du gaz, de l’eau…Communication : ce poste couvre la réalisation d’un DVD web documentaire sur cette action d’hébergement et le présent rapport.

-

l’insertion pour le public des réfugiés ayant obtenu le droit d’asile en Guyane. ●

Les recommandations du Secours Catholique en Guyane

Cette expérience, pour la délégation de Guyane du Secours Catholique, a représenté une opportunité

aux demandeurs d’asile en attente sur le territoire. La délégation en a tiré un certain nombre de recom-mandations, qui sont celles qui lui paraissent les plus importantes à faire évoluer rapidement sur le territoire.

Un véritable CADA

La Guyane a besoin d’un véritable centre d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile. Le nombre de demandeurs d’asile augmente et il est essentiel qu’une structure d’accueil pérenne, dotée d’un véritable accom-pagnement social et administratif, soit mise en place.

L’hébergement expérimental de 45 places qu’a géré la délégation de Guyane du Secours Catholique est devenu un AUDA de 80 places. Cette évolution est importante, certes, mais ce type de structure se destine normalement à accueillir les demandeurs d’asile de façon transitoire. Or les

Il semble donc important et logique d’en faire un véritable CADA car le support administratif et social qu’offre un CADA permettrait aux familles hébergées de mettre toute leur énergie à préparer leur audience à l’OFPRA puis, si il y a un appel, à la CNDA.

sujet de la capacité d’accueil de la structure actuelle,

demandeurs d’asile sur le territoire ?) et au sujet de la centralisation de l’accueil sur Cayenne en Guyane, d’autre part. La Guyane représente un cinquième du territoire hexagonal. Des places d’accueil dans d’autres communes que l’ile de Cayenne répondrait mieux pro-

Raccourcir les délais

Les délais de traitement des demandes d’asile sont problématiques car ils enlisent les demandeurs d’asile dans une position d’attente et de précarité qui peut durer entre 2 et 5 ans, en Guyane. Cette attente doit absolument être diminuée.

Pour cela, la délégation de Guyane souhaite que la présence des instances OFPRA et CNDA soit renforcée dans le département.

L’OFPRA, dont l’antenne délocalisée se trouve en Gua-deloupe, vient déjà plus régulièrement, cependant une délocalisation sur le territoire Guyanais peut être une piste à approfondir tant le décalage est grand entre les demandes d’asile aux Antilles françaises et celles qui sont faites en Guyane.

D’autre part, la fréquence des visites foraines de la CNDA sur le territoire doit augmenter. Les dossiers

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en souffrance sont légions et le retard doit être rattrapé

une réponse. Seule une plus grande régularité des

entre le recours et la réponse de la Cour Nationale du Droit d’Asile.

La diminution des délais est d’autant plus importante que pendant ce laps de temps, le demandeur d’asile n’a pas accès au travail. Or l’allocation temporaire d’attente, qui équivaut à un peu plus de 300 ˆ par mois et qui

pour survivre dans le département, encore moins en famille avec des enfants à charge.

Permettre l’accès au travail

L’accès au travail est essentiel quand on autorise une personne à rester sur le territoire pendant aussi long-temps. Le respect de la dignité humaine exige que l’on permette à chacun d’essayer de pourvoir à ses besoins.

Cet accès devrait être possible puisqu’au niveau réglementaire, il est autorisé sous certaines condi-tions (après un an d’attente d’une réponse de l’OF-PRA ou dès le recours auprès de la CNDA). Cepen-dant, en Guyane comme dans les autres départements, ce droit semble inexistant, d’une part parce qu’il n’est quasiment jamais demandé, d’autre part, parce qu’il

est presque systématiquement refusé lorsqu’il l’est.

Il est souhaitable que la Direction du Travail publie une liste des professions et des secteurs sous ten-sion -cher du travail dans ces domaines. Car il faut permettre

demande d’asile, quelle que soit son issue, ne soit pas une période de fragilisation, de précarisation, et d’assis-tanat qui s’ajoute aux épreuves souvent traversées par ces personnes.

L’aide pour un départ volontaire et digne

Cette expérience d’hébergement a permis à la délé-gation de Guyane du Secours Catholique de consta-ter qu’une aide au départ volontaire et digne pouvait constituer une voie de sortie et de reconstruction pour des familles qui comprennent que leur demande d’asile auprès de la France les mène dans une impasse. Soit parce qu’elles ont été déboutées, soit parce qu’elles savent qu’elles obtiendront une réponse négative. Cer-taines préfèrent alors rentrer dans leur pays volontaire-ment mais n’en n’ont pas les moyens.

Avec un projet bien construit et une participation

cette aide au départ volontaire peut constituer une solution positive. Cependant, cette possibilité doit être

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anticipée. Plus la possibilité d’un départ volontaire est évoquée tôt, plus la famille peut se projeter dans cette voie. Un travail de sensibilisation du réseau Caritas dans les pays de provenance des demandeurs d’asile serait également nécessaire pour qu’une écoute et une atten-tion particulière soient développées en direction de ces

La délégation de Guyane demande donc à ce que les aides au retour (volontaire et humanitaire) soient remises en place sur le territoire.

Mettre fin aux régimes d’exception

En métropole, les recours contre les mesures d’éloigne-ment sont suspensifs. Ce n’est pas le cas en Guyane, ni à Mayotte ou en Guadeloupe. Une personne peut donc être expulsée avant même d’avoir pu être entendue par un juge et il est arrivé que certains demandeurs d’asile soient ainsi reconduits à la frontière alors qu’ils auraient

D’autre part, les départements d’outre mer ne font pas partie de l’espace Schengen, si bien que les deman-deurs d’asile, admis à séjourner en Guyane, ne peuvent pas circuler librement sur le territoire national, sauf en cas de convocation à la CNDA ou pour des motifs exceptionnels.

sur le territoire de la République.

Renforcer le guichet unique

Le parcours du demandeur d’asile est morcelé, qu’il s’agisse des démarches auprès de l’administration ou de demandes d’assistance auprès des diverses asso-ciations qui peuvent l’aider. Une coordination, néces-saire, a été prise en main par l’OFII. Mais sa présence sur le territoire est récente (ouverture en Septembre 2011) et un renforcement de l’accompagnement social reste nécessaire, en tenant compte des particularités du public qui vient demander l’asile en Guyane. De

apporté par ce guichet unique doit être plus complet pour que le demandeur d ‘asile soit réellement épaulé, écouté et accompagné dans ses diverses démarches.

En outre, la direction de l’OFII est en première place pour connaître l’évolution mensuelle du nombre de demandeurs d’asile sur le territoire et pourrait prendre en charge l’organisation et la coordination d’une cellule de veille autour du Sous Préfet à la Cohésion Sociale dans l’objectif d’alerter ou de mobiliser les CCAS et le tissu associatif quand c’est nécessaire.

De plus l’absence de coordination d’une Union Dépar-

Vivre ensemble et vaincre les réticences.

Nous sommes tous frères et sœurs, osons la fraternité !

Ce projet a renforcé la délégation de Guyane du Secours Catholique dans sa conviction qu’il est essentiel de favoriser le vivre ensemble. Ce vivre ensemble ne peut pas se décréter, il passe par la rencontre avec l’autre, le changement de regard et le fait de se côtoyer pour apprendre à se connaitre…

Les demandeurs d’asile restent peu nombreux en Guyane au regard de la population étrangère présente sur le territoire. Cependant, ils souffrent parfois de la même xénophobie latente et d’un regard souvent plus

obtenir le statut de réfugié.

Des lieux de rencontre et de dialogue doivent exister à l’image de ce que propose l’équipe bénévole du Secours Catholique de Cayenne par la table ouverte du dimanche et par les ateliers d’alphabétisation à St Laurent du Maroni.

Pour cela, des lieux d’écoute doivent être créés. Un accueil de jour sur la municipalité ou l’intercommunalité de Cayenne pourrait – entre autre - commencer à ré-pondre à ce besoin pressant. Les maisons de quartiers abandonnées depuis plusieurs années doivent retrouver leur fonction de mixité sociale en associant mieux la population voisine.

Après l’expérience riche qu’a constitué cet hébergement expérimental, la délégation souhaite également impli-quer les bénévoles dans des actions de vivre ensemble qui s’adressent à tous et qui permettent que toutes les franges de la population de Guyane apprennent à mieux se connaître. Il est important que les bénévoles du tissu associatif soient sensibilisés à la notion d’inter culturalité et qu’ils puissent transmettre autour d’eux ce qu’ils ont découvert au sujet des étrangers, des situa-tions diverses dans lesquelles ils peuvent se trouver et

Plus que jamais, il est important de faire évoluer les regards sur les migrants, qu’ils soient dépositaires d’une carte de séjour, demandeurs d’asile ou sans-papiers. En Guyane, les étrangers, toutes catégories confondues, représentent au moins un tiers de la population… Il est donc important d’apprendre à se connaître, à s’appré-cier et tout simplement à vivre ensemble, ce sera sans aucun doute un enjeu important du projet de délégation à construire et à écrire pour les cinq années à venir de notre association. ●

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Le contexte de l’asile en Europe, en France métropolitaine, en Guyane

Pour rendre compte du contexte dans lequel le Secours Catholique délégation de Guyane a accepté d’ini-tier cet hébergement pour les demandeurs d’asile comme nous venons de le voir il faut s’interroger sur

la façon dont les demandeurs d’asile sont reçus sur ce terri-

européenne pour bien en situer l’esprit. Car la Guyane en fait partie, bien qu’elle se situe en Amérique du Sud à 7500 kilo-mètres ce qui rend sa situation tout à fait particulière, d’autant que certains règlements n’y sont pas appliqués («Dublin»

l’asile en Europe).

Tout d’abord, quelques défi nitions 

Les personnes hébergées dans le cadre de cette action étaient des demandeurs d’asile.

nations données aux migrants selon leur situation :

Un étranger est une personne qui n’a pas la nationalité française et qui réside sur le territoire français. Parmi les 3,7 millions résidant en France, 1,3 millions sont ressortissants d’un des états des 27 pays de l’union européenne dont prés de 500 000 Portugais.

1,1 million sont originaires d’Afrique du Nord, 465000 viennent des autres pays d’Afrique et 500000 viennent d’Asie….

Un immigré est une personne née étrangère de parent étranger venue s’installer dans un pays autre que le sien et qui réside sur le territoire français. Tandis que certains immigrés acquièrent la nationalité française, d’autres restent étrangers. Au 1er Janvier 2008, l’INSEE recensait 5,3 millions d’immigrés en France, soit 8,4% de la population.

Un demandeur d’asile est une personne qui demande protection dans un autre pays parce qu’elle estime que sa liberté ou sa vie est menacée dans son pays. Les sources de cette migration sont liées à l’instabilité politique qui règne dans certains pays, l’intolérance à cause d’opinions politiques ou religieuses ou de pratiques sociales, la non reconnaissance de minorités, les persécutions, etc. (voir ci-dessous «réfugié»). Le demandeur d’asile est donc celui qui engage des démarches pour être protégé.

des réfugiés et apatrides) qui est chargé de l’étude de la demande en première instance. Si la réponse est négative et que le demandeur souhaite faire appel de cette décision, il

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se tourne vers la CNDA (Cour nationale du droit d’asile). Ces deux instances ont pour mission d’accorder ou de refuser une protection à la personne qui en fait la demande : ce sera soit le statut de «réfugié», soit le

par une directive européenne pour des cas non prévus par la Convention de Genève (voir plus loin son appli-cation en France métropolitaine).

Un réfugié - au sens de la Convention de Genève relative aux réfugiés de 1951 – est « une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle a sa résidence habituelle ; qui craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, et qui ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou y retourner en raison de ladite crainte ».

correspond donc au droit de rechercher refuge, et de ne plus être persécuté.

Du point de vue de celui qui l’accorde, le droit d’asile correspond au droit d’accorder une protection de substitution à des personnes persécutées dans leur pays d’origine et dont les autorités sont soit auteurs des persécutions, soit incapables de les protéger de ces persécutions.

Un débouté (du droit d’asile) est une personne à la-quelle la protection a été refusée par l’OFPRA, et par la CNDA si elle a fait appel. Si la personne déboutée ne quitte pas le territoire, elle devient alors « sans-papiers »

Un sans-papiers est un étranger qui vit en France sans avoir le droit d’y séjourner, soit parce qu’il n’a pas demandé de titre de séjour, soit parce que l’administra-tion le lui a refusé ou ne le lui a pas renouvelé ; il faut savoir que son entrée en France a souvent été légale (pour des raisons de tourisme, d’études, de problèmes de santé, de contrat de travail, etc.). On estime que le nombre de sans-papiers se situe entre 200 000 et 400 000 personnes en France. ●

L’asile en europeL’Europe, un continent d’accueil ?

L’Europe reçoit de nombreuses demandes d’asile. Il est

effet, elle se dote d’instruments et de dispositifs visant à réduire au maximum l’accueil des migrants qu’elle ne choisit pas, y compris celui des réfugiés.

Le droit d’asile dans l’Union Européenne s’est formalisé depuis plus d’un demi-siècle, notamment avec la signa-ture par divers pays de la Convention de Genève rela-tive aux réfugiés en 1951, au lendemain de la seconde guerre mondiale et de la mise en place du «rideau de fer». Mais avec la chute du mur de Berlin en 1989, un tournant s’est dessiné pour une politique européenne de l’asile. C’est à cette époque que sont négociés les principaux accords - dont Dublin et Schengen (voir encadré). A travers eux, les gouvernements européens se mettent d’accord sur une architecture générale de la politique d’asile qui parait reposer avant tout sur une volonté de se protéger des demandeurs d’asile.

Plusieurs raisons expliquent ce virage : les équilibres géo-politiques en place depuis la seconde guerre mondiale se

l’effondrement du bloc communiste. En Europe occiden-tale, on craint alors de voir déferler des vagues massives

de réfugiés venus de l’Est. La Convention de Genève a

et visait surtout les conséquences de la seconde guerre mondiale avec les déplacements induits de populations ; en 1967, cette Convention a intégré un protocole qui l’a élargie à tous les persécutés du monde. Dans le contexte des années 90, elle apparaît alors un peu trop ouverte aux yeux de ses signataires européens.

En plus de ces changements politiques majeurs, d’autres phénomènes inquiètent les gouvernements européens. Le premier choc pétrolier, en 1973, a engen-dré un chômage qui affecte de plus en plus les pays d’Europe et semble devenir structurel. Dans ce contexte de relative pénurie du travail, la question du migrant, toutes catégories confondues, suscite l’angoisse d’une concurrence pour les travailleurs locaux et cristallise les peurs. C’est d’ailleurs au cours de ces années que l’on assiste à la montée des mouvements xénophobes et populistes dans bien des pays d’Europe. Les frontières se ferment à l’immigration économique : les persécu-tés qui utilisaient souvent cette voie pour obtenir une protection de fait sans demander l’asile - qui leur inter-dit de retourner dans leur pays, même pour un court séjour – se trouvent alors obligés de demander l’asile (beaucoup d’Espagnols ou de Portugais qui fuyaient les dictatures dans leur pays s’étaient installés en France

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avant cette période comme «migrants», pas comme «réfugiés» pour cette raison).

Parallèlement, le nombre de réfugiés, de demandeurs d’asile et de déplacés augmente dans le monde. Des

-gent (avec le terrorisme par exemple). Ainsi, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) note en 2010 que « les pays en développe-ment accueillent les 4/5e des réfugiés, à une période où l’hostilité à l’égard des réfugiés s’accroit dans de nombreux pays industrialisés. »

On voit que contrairement aux idées reçues, l’Europe n’est pas la première terre d’accueil des demandeurs d’asile ou des réfugiés : sur les 15 millions de réfugiés recensés dans le monde en 2010, l’Europe en accueille seulement 1,6 million. L’Europe reçoit donc peu voire très peu de réfugiés eu égard à sa richesse économique, puisque pour l’essentiel, ils quittent leur pays pour un pays voisin.

Une politique commune restrictive

met en place une politique commune très res-trictive en terme d’asile. Elle consiste, d’une part, à

venir en Europe et d’autre part, à éviter les demandes d’asile multiples en Europe.

L’externalisation de l’asile consiste à bloquer les demandeurs d’asile tout comme le traitement des demandes d’asile à l’extérieur de l’Union européenne,

-taller» en Europe certaines des personnes qui seraient reconnues réfugiées. Ces politiques se traduisent par une prolifération de camps dans les pays frontaliers avec des conditions de vie parfois infrahumaines. Elles se caractérisent aussi par une forte pression sur les pays de «transit» pour qu’ils développent un système d’asile et participent à cette politique en y engageant leurs propres fonctionnaires. Parallèlement, l’Union et les pays membres mènent des politiques de dissuasionde l’asile (voir plus loin).

la signature de la Convention de Genève oblige chaque pays signataire à ne pas «refouler» un demandeur d’asile vers un pays où ce dernier craindrait pour sa vie ou sa liberté ; chaque demande doit donc d’abord être examinée. Les pays de l’Union ont alors décidé que chaque demande serait examinée mais par un seul de

critères pour savoir quel pays serait responsable de cet examen (voir encadré) Les écarts entre les législa-

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tions des Etats membres, le taux de réponses positives très variable d’un pays à l’autre, et surtout les liens cultu-rels, historiques, familiaux ou linguistiques expliquent en effet que les demandeurs d’asile puissent préférer tel pays d’accueil à tel autre. Les disparités sont telles que

un véritable régime européen d’asile commun en 2012, mais l’harmonisation des politiques reste une gageure à l’heure actuelle tant les divergences sont grandes dans les pratiques des Etats membres.

En 2011 le nombre de demandeurs d’asile enregis-trés dans les 27 pays de l’Union européenne a été de 301 000 personnes, soit environ 40 000 de plus qu’en 2010). Mais cette progression n’est pas une constante : ils étaient 375 500 en 2001 pour l’UE limitée alors à 15. La comparaison demeure cependant malaisée car les façons de comptabiliser les demandeurs d’asile ont

relativement stables malgré l’augmentation des réfugiés dans le monde. En effet, l’attitude de l’Europe vis à vis des réfugiés potentiels est équivoque. Il y a à la fois une volonté d’harmonisation des politiques d’accueil

d’assurer la qualité de l’accueil aux demandeurs d’asile,

mêmes pays qui se manifeste au travers de dispositifs

venir chercher refuge.

Le droit d’asile est pourtant un « droit ultime », puisqu’il s’agit de protéger un individu contre le risque de per-sécution, mais malgré tout, on observe une dérive des Etats vers des interprétations de plus en plus minima-listes de la protection, dictées avant tout par la protec-tion de leurs concitoyens : respect de l’ordre public et

Europe, les demandeurs d’asile sont confrontés à de nombreux obstacles : zones de non droit, cadres juri-diques multiples, procédures administratives obscures et interminables…

Dans ce sens, l’Europe qui se construit ressemble à une forteresse. L’accueil des demandeurs d’asile continue mais il est en deçà de la richesse et des possibilités

plus en plus coercitives si bien qu’on voit s’élever les atteintes aux droits fondamentaux des personnes. ●

Le premier accord de Schengen, signé en 1985, promulgue l’ouverture des frontières entre les pays signataires pour créer un espace de libre circulation des personnes. Après cet accord, la convention de Schengen est signée en 1990. Les articles concernant la coopération policière, l’immigration et l’asile y sont désormais majoritaires. Au fi l du temps, plusieurs pays ont rejoint « l’espace Schengen » : aujourd’hui, 26 états en sont membres (les pays de l’UE moins la Grande-Bretagne, l’Irlande, Chypre, la Roumanie et la Bulgarie, + les pays de l’espace économique : Suisse, Norvège, Islande et Liechtenstein). Diverses modifi cations ont été apportées à cet accord au fi l du temps, avec, en 2007, la volonté de renforcer la coopération policière et judiciaire, notamment en matière de politique de visas, d’immigration et d’asile. Bien qu’il n’y ait en théorie plus de contrôles aux frontières internes de l’espace Schengen, les Etats veulent conserver leur prérogative pour les remett re en place s’ils s’avèrent nécessaires, actuellement pour des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale et prochainement en cas d’incapacité de l’un des pays de contrôler ses frontières…

La convention de Dublin, signée en 1990, visait à déterminer l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres de la Communauté européennes, sur la base de divers critères.

Le Règlement de Dublin 2, signé en 2003, visait à empêcher les demandeurs de présenter des demandes dans plusieurs Etats membres, en créant l’obligation de demander l’asile dans le premier pays où leur vie n’est pas en danger. L’un des critères porte donc sur le pays par lequel le demandeur est entré dans l’Union ; ce règlement ne s’applique pas eff ectivement en Guyane. Pour objectiver ces critères, il a été créé une base de données «Eurodac» dans laquelle chaque État envoie le relevé des empreintes digitales des demandeurs d’asile ou étrangers sans papiers contrôlés près de ses frontières.

La même année le règlement Eurodac, a démarré un système informatique de comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile à l’échelle de «Dublin», afi n de faciliter leur contrôle.

En conséquence de ces réglementations européennes, la pression sur les zones frontalières s’est accentuée. Cela a également comme eff et d’entraver les droits et le bien être des demandeurs d’asile, y compris celui à un examen équitable et à une protection eff icace.

Parmi les préoccupations que posent ces règlements, on trouve l’iniquité des procédures nationales, le recours à la détention, les délais de réponse entre pays, la vie de «galère» et d’incertitude pendant cett e procédure complexe, ainsi que la séparation des familles élargies que cett e règle peut entraîner.

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Le droit d’asile en France métropolitaineEn France, la notion d’asile est d’abord héritée d’un contexte religieux : «l’asile en Église» protégeait celui qui se réfugiait dans un lieu sacré et les poursuivants devaient respecter cet asile. La Révolution reprend le principe d’accorder l’asile sur le territoire mais cela va concerner des individus du fait de leur action ou situation : la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen en 1789 mentionne un droit à la sureté et à la résistance à l’oppression et la Constitution de 1793 proclame que «le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté», un principe repris dans le préambule de la Constitution de 1946 puis de 1958 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la Répu-blique ». Il existe donc en France une longue tradition d’accueil, voire d’asile et si l’Église catholique ne mentionne plus le droit d’asile dans son code du droit canonique de 1983, elle y est très sensible et n’hésite pas à intervenir sur ce sujet.

Les évolutions internationales

Les premiers fondements internationaux apparaissent au lendemain de la seconde guerre mondiale, après la création de l’ONU. La Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 proclame que, devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile

-sion de l’ONU, se mènent des négociations pour une convention protégeant les réfugiés : elle aboutit à la Convention de Genève du 25 juillet 1951 signée alors par 26 Etats pour une entrée en vigueur en 1954.

et Apatrides (OFPRA), placé sous la tutelle du Ministre des Affaires étrangères, en lien avec le Haut Commis-saire des Nations Unis pour les Réfugiés (HCR), gardien de cette Convention de Genève. Ces deux garanties

vis-à-vis du Ministère de l’Intérieur, chargé de la police. Après avoir introduit une cellule du Ministère de l’intérieur

à l’OFPRA, le Président Sarkozy attribue cette tutelle au ministère de l’Immigration qui va se fondre dans celui de l’Intérieur.

Pendant 20 ans, en période de forte croissance éco-nomique, la voie de l’asile est peu utilisée car l’accès à l’immigration permet à de nombreux persécutés d’obte-nir le séjour sans devoir couper les liens avec leur pays. Dans ce contexte de faible demande d’asile, un proto-cole additionnel à la Convention l’élargit en 1967 aux persécutés du monde, et pas aux seuls déplacés de cette guerre. Le coup d’état au Chili occasionnera ainsi la fuite de réfugiés chiliens et l’organisation en France

l’immigration de travail. Une succession de lois va durcir la règlementation et la demande d’asile va alors devenir une des rares voies d’entrée en France ; les suspicions de fraudes et les premiers attentats terroristes brouillent l’image du persécuté en quête de liberté, depuis l’autre côté du «rideau de fer». Cependant, sous la pression des media qui montrent les boat-people fuyant le Vietnam,

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en proie aux pirates et aux noyades, la France leur ouvre sa porte, sur quotas (dans la région Guyane, ce sera l’accueil des Hmongs, voir encadré plus loin). Mais très vite les politiques de fermeture et de restriction - notam-ment budgétaires - l’emportent : les avantages attribués ne les attirent-ils pas ? La célèbre phrase de Michel

qu’elle « doit en prendre sa part »), résume ce contexte. Le fantasme d’un déferlement de « faux réfugiés » plane sur l’Europe ; jugeant qu’un persécuté doit rester dans le premier pays où sa vie n’est pas en danger, les gou-vernements des pays européens étudient des mesures pour réduire les arrivées via un groupe de travail assez secret : ce sont les «résolutions» de Londres qui vont

forteresse se construit donc avec des notions de pays

sanctions aux transporteurs (notamment aériens) de migrants sans autorisation, d’obligations de visa pour un simple transit par un aéroport, des zones d’attente en frontière, etc. Les bavures se multiplient. La chute du mur de Berlin, l’éclatement de l’ex-Yougoslavie et les guerres qui s’en suivent engendrent de multiples demandes d’asile, surtout en Allemagne qui presse l’Europe de «partager le fardeau». Les événements du 11 septembre 2001 vont renforcer les peurs.

En Europe, l’espace Schengen organise la libre circula-tion intérieure mais nécessite de renforcer les frontières extérieures. Pour éviter des demandes d’asile multiples dans divers pays, chaque Etat pourra déléguer à un autre son obligation d’examen des demandes en com-munautarisant l’asile : un demandeur verra sa demande examinée mais par un seul pays ; des règles sont alors

Cette perte partielle de souveraineté nécessitera de

de l’asile est décidée à l’unanimité en 1991 : des loi-

minimales. Les États réticents, Iles britanniques et Dane-mark, obtiennent un statut particulier pour les appliquer mais tout nouveau membre de l’Union doit les intégrer.

-tisés gigantesques. L’Union veut parvenir à un régime d’asile européen commun en 2012, mais les disparités entre pays sont énormes, d’autant que chaque État veut conserver ses prérogatives.

L’évolution récente en France

Le devoir d’accueil des réfugiés ne devrait donc jamais servir de « variable d’ajustement » de la politique d’immi-gration. Pourtant, la question du droit d’asile est régu-

lièrement traitée conjointement à celle de la gestion des

concert avec cette politique. Le Conseil constitutionnel fait parfois de la résistance et décidera ainsi en 1993 que : « le respect du droit d’asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d’une manière générale que l’étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande ». Le Conseil d’État ajou-tera aussi sa voix pour diverses interprétations de la loi.

d’asile, soupçonnés d’être en réalité des migrants économiques donc non concernés par la conven-tion de Genève. Plusieurs lois entretiennent d’ailleurs la confusion en traitant de l’immigration et des procédures liées aux demandes d’asile. Ainsi, pour dissuader les

légitimes.

Quelques exemples, d’abord en frontière puis une fois sur le territoire :

L’occasion des attentats terroristes en France mé-tropolitaine va donner l’opportunité d’exiger un visa d’entrée pour les ressortissants des pays qui n’en avaient pas besoin antérieurement (notamment les anciennes colonies françaises). Puis l’octroi d’un visa

-tion de ces visas se fera ensuite au cas par cas par accords bilatéraux qui prendront souvent en compte la situation migratoire.En 1991, un visa de transit est imposé aux ressortis-sants de pays considérés comme sources de fraudes, notamment pour demander l’asile lors du transit. L’an-née suivante des «zones d’attentes» (considérées comme des zones internationales, donc pas encore comme la France), sont instituées dans les gares ou aéroports internationaux français : les étrangers qui n’ont pas les documents exigés pour pénétrer sur le

en France. Cette privation de liberté en zone d’attente, initialement de 4 jours, peut aller aujourd’hui jusqu’à 30 jours en cas de demande d’asile tardive et de recours contre un refus d’asile. Les contrôles aux frontières sont renforcés et la notion de demande d’asile «mani-festement infondée» y prolifère.

-duite en France et tend à présumer du caractère abusif des demandes, alors que pour nombre d’associations d’entraide, cette notion contrevient aux dispositions de la Convention de Genève car elle discrimine les demandeurs d’asile selon leur pays d’origine. En effet, les ressortissants de ces pays sont assez systéma-tiquement placés en procédure prioritaire, avec des décisions accélérées et un recours qui ne suspend pas un éventuel éloignement du territoire. Pourtant

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semble avoir une visée toute autre : en 2012, pour la 3e fois en 4 ans, le Conseil d’Etat sanctionne l’OFPRA

-saient pas les conditionsLes délais maximaux de dépôt des demandes d’asile à l’OFPRA sont raccourcis en 2004 à 21 jours à comp-ter de la remise du formulaire de demande par les préfectures, à 15 jours pour les demandes jugées abusives voire à 5 jours en rétention sans interprète à disposition. Le formulaire doit impérativement être rédigé en français avec un récit très circonstancié.Les adresses des demandeurs sont fortement enca-drées et les associations qui accordent une domici-liation postale à ceux qui n’ont pas d’adresse doivent être agréées par le préfet à partir de 2004. En sachant que depuis la première loi «Pasqua», tout étranger demandeur d’asile doit d’abord être toléré en France : les préfectures ont le monopole de la remise du for-mulaire de demande d’asile.

Ces mesures, parmi d’autres, illustrent la volonté de dissuader les demandeurs d’asile de venir sur le territoire. Ce constat, suivi d’actions variées pour que la « misère du monde » ne se convie pas au ban-quet français, explique probablement qu’au cours des 3 dernières décennies, les demandes aient oscillé selon les années entre 17 000 et 62 000 demandes d’adultes primo-arrivants, soit à peine 1 pour 1000 habitants. Au regard de la situation mondiale, la demande d’asile en France semble donc relativement faible, ce qui est probablement lié aux obstacles mis en place pour dis-suader les demandeurs d’asile de venir.

La procédure d’instruction des demandes d’asile en France

Elle comprend 2 étapes principales.

Les demandes d’asile sont instruites dans un pre-

des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA), qui peut

protection subsidiaire, soit rejeter ces demandes, ce qui est le cas le plus fréquent : le taux d’accord de l’OFPRA est de 11 % en 2011.

Les délais avant d’obtenir une décision sont variables : 15 jours légaux en procédure prioritaire (en fait 27 jours en moyenne, mais 4 jours si le demandeur est en centre de rétention), et jusqu’à plusieurs semaines ou mois en procédure normale. L’OFPRA donnera toujours une réponse explicite et motivée, mais la motivation est souvent compréhensible par les seuls initiés.

d’un mois pour déposer un recours auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA). Cette juridiction indépendante examine les recours et peut annuler des refus d’asile décidés par l’OFPRA, donc accorder la protection. Le taux de recours en CNDA est très élevé (85% des rejets) et le taux de décisions favorables aux demandeurs y est supérieur à celui de l’OFPRA et atteint 17,7 % des recours jugés en 2011.

à 2008 ont obtenu l’asile, recours et réexamens com-pris, quatre ans plus tard du fait des délais de décision.

En 2011, le temps d’attente moyen pour obtenir une

an, sans compter divers délais indirects : entre 1 jour et quatre mois selon les préfectures pour obtenir le formu-laire de demande d’asile et, en cas de recours auprès de la CNDA, la réponse du bureau d’aide juridictionnelle à la demande de prise en charge des honoraires d’avocatqui suspend d’autant le délai du recours.

Le dispositif d’accueil

La France a mis en place un dispositif national d’accueil (DNA) dédié aux demandeurs d’asile et aux réfugiés.

Au 30 juin 2011, le DNA comprend :271 centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) avec 21 410 places.28 centres d’hébergement (CPH) des réfugiés avec 1083 places.Plusieurs milliers de places d’hébergement d’urgence,

Une trentaine de plateformes d’accueil et d’orientation pour les demandeurs d’asile qui viennent d’arriver et qui doivent obligatoirement aller dans une préfecture jugée «compétente», en général une par région.

Une des suspicions qui pèse sur les demandeurs d’asile

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niveau européen par une directive de 2003 qui établit les normes minimales d’accueil pour les demandeurs d’asile, tous ne sont pas accessibles.

Selon cette directive européenne, les Etats membres doivent pourtant garantir :

certaines conditions d’accueil matérielles, notamment le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en

-santes pour empêcher que le demandeur ne tombe dans l’indigence.

familiale.les soins médicaux et psychologiques.l’accès des mineurs au système éducatif pour assurer une scolarité normale.

En outre, la directive précise que les États membres ne peuvent pas interdire aux demandeurs d’asile l’accès au marché du travail et à la formation professionnelle

an à partir de la date de présentation de la demande. Cependant, les États conservent le contrôle de leur marché du travail et peuvent déterminer les emplois auxquels les demandeurs d’asile peuvent accéder, la durée et les modalités du travail, les compétences et

article indique que les demandeurs devraient également être autorisés à circuler dans le territoire national.

Dans les faits, en France, certains de ces droits sont

Tout d’abord, ils n’existent que si les demandeurs d’asile en font la demande et ce, dans un respect précis des délais et des procédures. Ensuite, encore faut-il pouvoir y accéder.

Pour être hébergé, des places doivent être disponibles, or il y a un décalage évident entre le nombre de places

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ciellement de cet accueil reconnaît qu’en 2011 seulement 26% des demandeurs sont hébergés parmi ceux qu’il

calcul, il exclut de cette «éligibilité» les demandeurs outre-mer car il n’y existe aucun CADA, tous les demandeurs placés en procédure prioritaire et les victimes du règle-ment Dublin ! Si certains exclus peuvent s’appuyer sur des solidarités familiales ou amicales, et si les demandeurs sous « règlement Dublin » (non applicable en Guyane) et les « prioritaires » sont exclus de cet hébergement spé-

a donc obligation de leur chercher un hébergement, qui sera en général uniquement d’urgence, s’ils insistent.

Pour travailler, il faut depuis 1991 une autorisation du pré-fet, qu’il peut délivrer après un an d’attente de la réponse de l’OFPRA ou dès le recours en CNDA. Mais pour que

l’accès sur la base d’une proposition d’embauche dans un métier où le chômage local ne lui serait pas opposable, car les demandeurs d’emploi ont priorité sur lui. Bien que certains secteurs soient sous pénurie de personnel, cet accès n’est que rarement accordé ; il est même arrivé que le refus de certains préfets soit cassé par le tribunal administratif car il n’était motivé par aucune analyse de la Direction du travail : ambiance générale aidant, la préfec-ture se contentait de dire qu’un demandeur d’asile n’avait pas droit au travail, dissuadant ainsi toute demande.

se retrouver pendant 1 an, 2 ans, ou plus, sans accès au travail, sans être hébergé, et disposant d’à peine plus de 300 euros par mois pour survivre, même en famille. Car en fonction de sa situation le demandeur d’asile non hébergé en CADA a droit à une allocation de survie. L’Allocation Temporaire d’Attente (ATA) sera accor-dée si le demandeur n’est pas logé en CADA (inexistant en Guyane) ou s’il refuse cette offre théorique. L’ATA, qui s’élève en 2012 à 11 euros par jour et par adulte est virée mensuellement. Son versement par la banque concernée

de séjour en cours de validité. Les mineurs n’y sont pas

donc bien aléatoire en fonction du renouvellement de récé-pissé, de l’accès en préfecture, de la domiciliation, de la bonne réception des courriers des organes de décisions... Ironiquement, cette aide est versée par le Pôle Emploi.

La situation de nombreux demandeurs d’asile est donc extrêmement pénible et bien moins « at-trayante » que ne pourraient le laisser supposer les dispositions légales les concernant. D’autant plus que d’autres mesures, plus « passives », visent à rendre

préfectures, il faut attendre de longs jours ou semaines

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pour être reçu. L’accès au travail est si restreint que c’est comme si ce droit n’existait pas et les gens peuvent se trouver démunis, désœuvrés ou victimes d’exploitation par des employeurs peu scrupuleux. L’accès aux droits sociaux est compliqué, les places d’hébergement sont rares, si bien que certains demandeurs d’asile sont vic-times d’exploiteurs de toutes sortes. L’accompagnement

-dée aux demandeurs d’asile est très réduite. Et surtout, les procédures pour obtenir une décision de l’OFPRA, puis de la CNDA en cas d’appel contre un refus, sont longues et complexes, en plus de se solder généralement par un échec - souvent par absence d’informations éclairées.

sans faux-pas : la nécessité d’attester d’une domiciliation,

l’exigence de remettre un dossier complet en français et la possibilité pour les préfectures de placer certains deman-deurs en procédure prioritaire rendent de plus en plus com-plexe et aléatoire l’accès au séjour provisoire et ensuite la procédure d’examen de la demande. Finalement, on crée un véritable parcours du combattant pour des personnes qui viennent de traverser de douloureuses épreuves, dont celle d’avoir tout quitté car leur vie était menacée.

En 2011, pourtant, la France se situait en tête des pays d’Europe avec 57 000 demandeurs d’asile, enfants et réexamens compris, mais en 8e position au regard de sa population. Parmi eux, de nombreuses personnes dans les

qui existent en métropole. Nous le verrons avec l’exemple de la Guyane. ●

Le droit d’asile en Guyane

En Guyane, jusque vers 2003, la demande d’asile est quasi inconnue alors qu’en 2010, elle atteint 3% de la demande d’asile de toute la France. Cette

public demandeur – majoritairement haïtien - avec l’appa-rition de nouvelles régions d’origine, comme l’Afrique de l’Ouest ou l’Amérique du Sud continentale (Colombie, Equateur, Pérou…)

La Guyane a déjà reçu une vague importante de réfugiés

avec l’accueil de près de 900 réfugiés Hmongs entre 1977

et 1980, réinstallés depuis les camps de Thaïlande. Etablis

à Cacao en 77, puis à Javouhey en 79, dans des villages

reculés qu’ils ont pratiquement construits de leurs mains,

ils se sont spécialisés dans l’agriculture, le maraichage,

l’arboriculture… Aujourd’hui, la quasi intégralité du

maraichage et de l’arboriculture du département sont

produits par les Hmongs, dont la communauté compte

environ 2000 membres. On peut parler à leur endroit

d’intégration réussie. Pourtant, lorsque le projet de leur

implantation en Guyane a été divulgué en 1977, après la

guerre du Vietnam, la confusion était forte et les réactions

xénophobes fréquentes. Il faut dire que la rumeur évoquait

40 000 réfugiés alors que la population Guyanaise

s’élevait alors à tout juste 45 000…

En Guyane en 2009 déjà, la situation est explosive à de nombreux égards. Les conditions matérielles d’accueil sont bien loin des normes minimales qu’indique la di-

l’hébergement expérimental géré par le Secours Catho-lique est effectif depuis 5 mois, le Tribunal administratif de Cayenne rend 18 ordonnances enjoignant au Pré-

fet de Guyane d’indiquer aux requérants (de nouvelles familles arrivées sur le territoire) un lieu d’hébergement susceptible de les accueillir dans un délai de 48 heures.

Le problème de l’accueil des demandeurs d’asile est bien

hébergement expérimental pour demandeurs d’asile en avril

administratif qu’au niveau des moyens de survie dans de nombreux squats, en termes de ressources, d’accompa-gnement ou d’hébergement, voire d’accès au travail.

Un dédale de démarches administratives

Pour le demandeur d’asile, la première étape consiste à aller en préfecture avec une adresse acceptée, pour solliciter une « admission au séjour » et obtenir alors le formulaire « asile » à remplir en français et à envoyer à l’OFPRA sous 21 jours.

sont souvent interminables devant la préfecture de Cayenne, qui impose alors de prendre rendez-vous par téléphone –

préfecture ferme parfois son guichet «étrangers» (décembre 2006, mars 2009…) et que le personnel de réception mai-trise rarement d’autres langues que le français : la com-munication peut échouer et la tension devient parfois vive.

Par ailleurs, cette préfecture est soumise comme les autres à des quotas d’expulsion mais, particularité de l’outre-mer, les recours contre les renvois ne suspendent pas une reconduite à la frontière. Et les contrôles juri-

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dictionnels, qui seuls pourraient suspendre les mesures administratives s’avèrent quasi inexistants. Il arrive donc que des demandeurs d’asile soient mis en rétention, voire expulsés s’ils n’ont pu se faire entendre, ou que certains étrangers demandent l’asile une fois enfermés avant l’expulsion. Ils ne seront alors pas «admis au séjour» mais placés en situation «prioritaire», donc à la merci d’un refus lapidaire par l’OFPRA dont la seule réponse peut arrêter leur éloignement.

Des différences préoccupantes au niveau de la réglementation :Par dérogation, les recours outre-mer contre une

reconduite à la frontière ne suspendent pas l’expulsion.

Ainsi, certaines décisions de reconduites, bien que mal

justifiées, se voient appliquées par absence ou inefficacité

de recours contre elles. Seul le consul du pays d’origine

pourrait demander de surseoir d’un jour.

Il n’est pas possible pour un étranger de pénétrer sans

visa dans l’espace Schengen (sur le continent européen)

depuis l’outre-mer, donc de circuler librement sur le

territoire national. Les demandeurs d’asile ne sont pas

autorisés à se rendre en France métropolitaine sauf

en cas de convocation à la CNDA ou pour des motifs

exceptionnels. Il existe donc une inégalité de droits sur le

territoire de la République.

OFPRA : le demandeur d’asile est autorisé à séjourner sur le territoire français jusqu’à ce que l’OFPRA l’auditionne pour décider de la suite à donner à sa requête. Depuis 2006, l’OFPRA a décentralisé un bureau à Basse-Terre en Guadeloupe. Mais ce bureau parvient mal à répondre

de l’OFPRA de Basse-Terre, qui se déplace dans la zone Caraïbe - Amérique du Sud de façon mensuelle ou tri-

moyens), conduit de plus en plus d’entretiens par vidéo conférence depuis 2009. Une pratique qui tend à se géné-raliser malgré tous ses inconvénients (732 dossiers ont été traités ainsi en 2011).

En France métropolitaine, le taux de décisions positives par

l’OFPRA est d’environ 10 à 12%.

En Guyane, il se situe entre 3 et 6%. Il est probable

que la mauvaise situation matérielle des demandeurs

d’asile influe sur leur capacité à se concentrer sur leurs

démarches et la construction de leur argumentaire.

Autre facteur qui explique ce décalage : les nationalités

de la majorité des demandeurs en Guyane sont réputées

obtenir l’asile plus difficilement, leurs motivations étant

supposées plutôt «économiques».

CNDA : S’il est débouté par la première instance (l’OF-PRA), le demandeur a un mois pour faire appel de cette décision auprès de la Cour Nationale du droit d’Asile (CNDA). Pour l’audience à la CNDA, le demandeur est invité à une audition soit à Montreuil (près de Paris), soit en

étant à charge du demandeur, cela le dissuade généra-

fréquemment précaire, voire désastreuse. La plupart des demandeurs repoussent la proposition de Montreuil et ne quittent donc pas le territoire Guyanais : ils se trouvent

leur recours sans pour autant être autorisés à participer à la vie productive du pays, car l’attente d’une audience à Cayenne est longue et incertaine. Ainsi, en 5 ans, il y en a eu cinq : en décembre 2007, en avril 2009, en mai 2011 et deux en 2012. Et si le volume d’affaires traitées est élevé à chaque audience foraine, le retard accumulé n’est pas comblé par ces visites sporadiques et irrégulières. En effet, les dossiers en retard sont légions et le « stock » d’affaires à traiter tourne actuellement autour de 3000. Si bien qu’il est courant en Guyane qu’un demandeur d’asile attende une réponse à sa demande d’asile pendant plus de 2 ans, voire 3 ou 4...

Les entretiens vidéos : un remède aux effets secondaires néfastes ? La loi de juin 2011, qui permet à la CNDA de juger le

recours par vidéoconférence permettra probablement

à la Cour de rattraper un peu de son retard mais cette

méthode a pour inconvénient majeur de ne pas accorder

des garanties équitables aux demandeurs d’asile. Le

décret d’application a été publié mais pas encore l’arrêté

nécessaire.

Les personnes auditionnées, qui peuvent avoir subi

des persécutions très humiliantes ou intimes, doivent

bénéficier d’un espace de confrontation directe avec les

juges dans de bonnes conditions, non via le filtre unique

et intimidant de caméras et d’écrans télé qui occasionnent

des incidences mal gérables par beaucoup. De plus, si le

demandeur en métropole peut repousser l’offre de vidéo-

entretien pour lui préférer l’audience directe, ce choix n’est

pas possible en Guyane.

L’usage croissant d’entretiens vidéo dans les auditions,

d’abord à l’OFPRA puis à la CNDA, est inquiétant quand on

considère les enjeux humains qui en dépendent.

Des conditions de vie difficiles,parfois de survie

Depuis 2005, les demandeurs d’asile peuvent recevoir l’aide de la plateforme associative d’accueil et d’orienta-

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tion (PAODAR) qui se crée en Guyane à l’instar de ce qui se fait dans les autres régions françaises. Y participent :

La Cimade, qui est porteuse de la plateforme asso-ciativeMédecins du MondeLe Secours CatholiqueLa Ligue des Droits de l’HommeL’Arbre Fromager, une association localeLe Samu Social en devient partenaire

de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale jusqu’en décembre 2010, connaît de nombreuses

exponentiel de demandeurs à accueillir et à orienter, du manque de structures d’accueil, et globalement, du peu de solutions qu’elle est à même de proposer.

L’accès à la santé est compliqué. Le parcours est

d’asile de comprendre ses droits et la façon d’agir pour y accéder. L’association Médecins du Monde reçoit ainsi de nombreux demandeurs sous récépissé «asile», non-inscrits à la sécurité sociale, à laquelle ils ont pourtant droit, ce, par défaut d’information.

Les moyens alimentaires manquent également cruel-lement pour ces personnes et familles déracinées, sou-vent sans réseau en Guyane. Les associations ne sont

demandeurs d’asile se retrouvent souvent le ventre vide. En Guyane, il n’y a pas de Resto du Cœur et une pla-teforme d’approvisionnement et de stockage alimentaire vient seulement d’ouvrir, portée par la Croix Rouge depuis 2012. Le Secours Catholique propose une aide sous forme

Cayenne. Les familles sélectionnées par la Cimade, qui est l’association porteuse de la plateforme d’accueil et d’orien-

bons pendant la période d’attente du versement de l’ATA, qui dure entre 2 et 4 mois. Ces bons peuvent également être proposés aux familles s’il survient une rupture dans le versement de l’ATA (ces interruptions sont souvent liées

si elles souffrent d’une vulnérabilité particulière, n’y ont pas droit. Les bons alimentaires sont généralement délivrés une fois par semaine et leur montant moyen s’élève à 35 euros. Il varie cependant en fonction de la composition de la famille.

cette activité à hauteur de 9000 euros par an au Secours catholique soit l‘équivalent pour une personne de 30 euros

La domiciliation, cruciale pour le demandeur d’asile, fonctionne mal alors qu’aucune démarche ne peut être faite sans adresse. En l’absence de loge-ment, de liens familiaux ou amicaux, les demandeurs ne peuvent que se tourner vers les associations. Le Secours

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Catholique offrait depuis plusieurs années l’accès à une adresse dans le cadre de sa domiciliation pour tout «sans domicile» : il devra même convaincre divers organismes (notamment la Poste pour le compte bancaire) de ne pas exiger cette seule adresse pour les demandeurs d’asile, en cas d’adresse personnelle ! Le travail était énorme : en 2009, près de 1200 dossiers sont ouverts dans les locaux inadaptés du Secours Catholique, ce qui est parfois source d’agressivité. Cette activité qui exige rigueur, régularité et accompagnement personnalisé en fonction des courriers reçus, est en outre assurée sans personnel salarié. L’augmentation du nombre de domiciliés amène notre association à chercher des relais

l’objectif d’abandonner cette activité. L’association décide alors - au moment des élections municipales de 2008 – d’essayer de convaincre de la nécessité d’une reprise de la domiciliation postale par le centre intercommunal d’action sociale de l’Ile de Cayenne (CIASIC). Cette action

Cimade, en charge de la moitié des domiciliés, cessera cette activité en 2011, faute de moyens et cette même année, le CIASIC implosera pour des raisons internes,

domiciliation. Tout cela a un impact direct sur les deman-deurs d’asile, puisque leurs démarches administratives dépendent aussi du bon fonctionnement de leur cour-rier, aussi bien pour les étapes de leur demande d’asile (convocations ou réponses OFPRA ou CNDA) que pour le versement de leurs éventuelles allocations de survie (ATA).

Les besoins d’hébergement sont criants mais il n’existe quasiment aucune structure d’accueil.Certes, le Secours Catholique loue un appartement F3 dans le centre de Cayenne mais il ne peut que répondre à quelques unes des situations les plus désespérées. Cet appartement, qui a aussi pour fonction d’alerter les par-tenaires, tout comme les services de l’Etat, sur l’absence d’hébergement, fera alors l’objet d’une convention avec l’Etat en 2007. L’association se retrouve alors dans la situation paradoxale de devoir faire sortir des familles peu après la perception de l’allocation de survie, ce qui équivaut à les remettre à la rue. Or c’est en contradiction avec la déontologie du Secours Catholique national qui refuse la remise à la rue sans solution. L’action institutionnelle du Se-cours Catholique national, menée en collectif sur plusieurs années, a d’ailleurs amené le Président de la République à s’engager sur «l’accueil inconditionnel». La situation est donc pour le moins inconfortable pour la délégation de Guyane du Secours Catholique qui se trouve en porte à

La Cimade et l’Arbre Fromager, qui, disposant également de quelques places, se trouvent dans la même situation.

Reste ensuite pour les demandeurs d’asile la possibilité de faire appel au 115, pour avoir accès à un hébergement

de droit commun, mais la cohabitation des publics – SDF, isolés et demandeurs d’asile éventuellement en famille – est

Pour bien comprendre la problématique, il faut savoir que la pénurie de logements est telle en Guyane, que les squats ne sont pas uniquement occupés par les demandeurs d’asile ou les sans-papiers, mais aussi par toute une frange pauvre et exclue de la société. Dans la région, qui connaît nombre de zones « d’habitats spontanés », le logement précaire est légion et le niveau des loyers très élevé – tout comme le

de l’hébergement et de l’insertion résumait : « En 2009, le nombre de logements insalubres est estimé à près de 10 000 et concerne plus de 30 000 personnes, soit près de 15% de la population totale du département ». Puis : « A titre d’exemple le ratio de places installées de CHRS (Centre d’Hébergement et de Réadaptation Sociale) par tranche de mille habitants est de 0,29 soit moins du tiers de la moyenne nationale alors que l’ensemble des indicateurs

du département ».

Les demandeurs d’asile n’ont donc accès à aucune struc-ture d’accueil et sont contraints de trouver des solutions par eux-mêmes. N’ayant pas l’accès au travail, ils sont tributaires dans le meilleur des cas d’une allocation d’un peu plus de 300 euros par mois et par adulte, qui était même limitée à un an avant 1997. Avec cette somme, le seul logement qu’ils peuvent éventuellement obtenir est une chambre - souvent insalubre - chez un marchand de sommeil. Les autres se retrouvent à la rue ou en squat, dans des conditions très précaires (absence d’eau et d’électricité, menace d’expulsion, etc.). Par ailleurs, la période d’attente avant de percevoir l’ATA est souvent très longue, puisqu’elle dure entre 2 et 4 mois.

Aucun CADA n’existe en Outre-mer. En Guyane,

seul un AUDA, désormais géré par la Croix Rouge, dispose

de 80 places.

Les Centres d’Accueil de Demandeurs d’Asile (CADA) offrent aux demandeurs d’asile un lieu d’accueil

pendant l’étude de leur demande d’asile. Cet accueil

prévoit leur hébergement, ainsi qu’un suivi administratif

(accompagnement de la procédure de demande d’asile),

un suivi social (accès aux soins, scolarisation des enfants,

etc.) et une petite aide financière complémentaire.

Les Accueils d’Urgence de Demandeurs d’Asile (AUDA) ont pour mission d’accueillir à titre transitoire des

demandeurs d’asile, préalablement à leur admission en

CADA ; on les appelait «pré-CADA» au début. Ils diffèrent des

CADA par un accompagnement social et technique plus léger.

-ment longs pour l’asile. Certains dossiers en recours ne sont toujours pas jugés par la CNDA alors que les

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personnes sont présentes sur le territoire depuis plus de 2 ans, 3 ans, parfois même 4 ans. Pendant tout ce temps, les gens survivent tant bien que mal et lorsqu’ils obtiennent leur réponse, généralement négative, cela fait déjà plusieurs années qu’ils se sont établis sur place. Faire quitter le pays aux déboutés, qui forment la majorité des demandeurs, est à ce stade extrêmement compliqué car bien souvent, c’est toute une famille qui a migré. Si bien que les enfants vont à l’école et que des réseaux relationnels se sont tissés. Cette situation d’attente déme-surément longue met les demandeurs d’asile dans une position intenable. Et elle rend le départ de la Guyane

D’autant plus que contrairement au reste du territoire, les aides au départ volontaire vers le pays d’origine ou vers un autre pays n’y sont plus proposées depuis 2006. Il faut d’ailleurs souligner que l’OFII s’est installé tardivement en Guyane, puisqu’il n’a ouvert ses portes aux demandeurs d’asile qu’en septembre 2011, pour y reprendre la coordination de l’accueil et du suivi des demandeurs d’asile que portait auparavant la Cimade.

Le contexte dans lequel le Secours Catholique décide de prendre en charge le premier hébergement pour demandeurs d’asile est donc très préoccupant. Les associations ne cessent d’alerter les pouvoirs publics mais le gouvernement fait la sourde oreille, même s’il devient de plus en plus patent qu’il faut développer davantage de structure d’accueil.

Le squat de l’immeuble dit de la Providence en Février 2010 viendra faire évoluer la situation et a fait basculer

ment d’accueil des demandeurs d’asile en Guyane. ●

L’accès à l’hébergement et les demandeurs d’asile

Sur la base de la directive européenne “accueil” des demandeurs d’asile de 2003, le Conseil d’Etat aff irme par un arrêt en juin 2008 que : « les demandeurs d’asile ont droit, dès le dépôt de leur demande et aussi longtemps qu’ils sont admis à se maintenir sur le territoire d’un Etat membre, à bénéfi cier de conditions matérielles d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement ainsi qu’une allocation journalière, quelle que soit la procédure d’examen de leur demande ». Le conseil d’Etat juge même en mai 2009 que ces conditions matérielles d’accueil minimales sont un corollaire au droit d’asile, en considérant que la privation de conditions d’accueil décentes constitue potentiellement une att einte au droit constitutionnel d’asile.

Mais ce Conseil estimera pourtant qu’en accordant l’Allocation temporaire d’att ente (ATA) l’Etat remplit ses obligations pendant la recherche d’un hébergement, sauf cas de grande vulnérabilité (problèmes de santé, présence d’enfants…).

Cela explique que la préfecture de Guyane ait été l’objet de recours devant le tribunal administratif car si l’ATA y est versée en général aux demandeurs d’asile, la recherche d’hébergement disponible a été laissée au point mort jusqu’en avril 2010, date à laquelle le premier AUDA a vu le jour à la suite de l’expérience menée par le Secours Catholique.

Sur le sujet plus général du logement et de l’hébergement, la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable (DALO) est venue compléter le code de l’action sociale qui accordait déjà le droit à un hébergement pour les sans-abris en détresse. Cett e loi dispose que : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cett e orientation est eff ectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ». Un arrêt du Conseil d’État du 10 février 2012 va consacrer le droit à l’hébergement comme un droit fondamental, donc susceptible de recours devant le juge si ce droit n’est pas eff ectif. Ce droit qui concerne tout sans-abri en détresse en France quelle que soit sa situation administrative, englobe donc aussi les déboutés ou sans-papiers.

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-ser les recommandations que le Secours Catholique partage avec ses partenaires associatifs, regroupés au sein de la Coordination française pour le droit d’Asile1*.

Exposées en 10 points qui résument les conditions minimales pour que l’asile soit un droit réel, ces re-commandations sont extraites du rapport de la CFDA, « Réformer le système d’asile pour mieux protéger les réfugiés », publié en Avril 2012. Ces recommandations sont organisées selon 3 axes :

Permettre aux demandeurs d’asile de voir leur de-mande examinée en France.Garantir les conditions pour un examen de qualité des demandes de protection.Garantir les droits des demandeurs d’asile et des per-

Le principe de non refoulement garanti par l’article 33 de la Convention de Genève de 1951

doit être respecté pour toute personne en quête de protection La gestion des frontières extérieures de l’Union euro-péenne doit s’effectuer dans le plein respect des droits humains et du droit d’asile et en toute transparence, notamment par la formation appropriée des gardes-fron-tières de l’agence européenne des frontières (FRONTEX) créée en 2005 et des personnels d’ambassades ou d’en-treprises de transport. De plus, les demandeurs d’asile doivent être exclus explicitement de la mise en œuvre des

n’a pas été rendue sur leur demande de protection.

1 * La coordination Française pour le droit d’Asile rassemble les orga-nisations suivantes : ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Amnesty International - section française, APSR (Association d’accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France), ARDHIS (Association de Reconnaissance des Droits des personnes Homosexuelles et transsexuelles à l’Immigration et au Séjour, Associa-tion Primo Levi (soins et soutien aux personnes victimes de la torture et de la violence politique), CAAR (Comité d’Aide aux Réfugiés), CASP (Centre d’action sociale protestant), La Cimade (Service oecuménique d’entraide), Comede (Comité médical pour les exilés), Dom’Asile, ELENA (Réseau d’avocats pour le droit d’asile), FASTI (Fédération des associations de soutien aux travailleurs immigrés), GAS (Groupe accueil solidarité), GISTI (Groupe d’information et de soutien des immi-grés), JRS-France (Jesuit Refugee Service), LDH (Ligue des droits de l’homme), Médecins du Monde, MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), SNPM (Service National de la Pastorale

-sentation du Haut Commissariat pour les Réfugiés en France et la Croix Rouge Française sont associés aux travaux de la CFDA

peuvent se dédouaner de leurs engagements internationaux en externalisant l’examen des de-mandes d’asile Les mesures prétendant améliorer les conditions d’ac-cueil des demandeurs d’asile et réfugiés dans un pays tiers, tels « les programmes de protection régionaux », ne doivent pas faire obstacle au dépôt d’une demande d’asile sur le territoire de l’Union ; les garanties en ma-tière de respect des droits de l’homme sont en effet

les zones proches des pays de départ. Introduite par la directive européenne sur les procédures

déclarer irrecevables les demandes d’asile des per-sonnes ayant transité par ces pays est à cet égard très dangereuse et ne doit pas être reprise dans la législation française.

Le choix du pays d’asile par le demandeur Le système de responsabilisation d’un Etat membre

de l’Union européenne pour l’examen d’une demande d’asile qui découle du règlement « Dublin II » doit être profondément revu : le principe doit être que la demande est examinée dans le pays du choix du demandeur. Le « système Dublin » s’avère en effet souvent injuste et inhumain, d’autant que le traitement des demandes reste inégalitaire entre les Etats membres. Par ailleurs, un mécanisme de solidarité devrait être créé pour venir en aide aux Etats membres en fonction du nombre de demandeurs d’asile accueillis.

Le principe d’admission au séjour provisoire des demandeurs d’asile doit être respecté.

Tous les demandeurs d’asile doivent être admis à péné-

recours suspensif de toute mesure d’éloignement. La procédure prioritaire, qui ne permet pas aux deman-deurs d’asile de déposer équitablement leur demande d’asile et de voir celle-ci convenablement examinée, doit être supprimée. La privation de liberté des demandeurs d’asile doit être proscrite.

Les recommandations du Secours Catholique national /Caritas France

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Une application pleine et entière de la Conven-tion de Genève

Les organes de détermination doivent remplir leur mission en toute indépendance. La France et l’Union européenne doivent adopter une interprétation pleine

Genève, notamment en ce qui concerne les violences faites aux femmes, l’orientation sexuelle, les victimes de la traite des êtres humains et plus généralement l’appar-tenance à un groupe social. La protection subsidiaire ne doit s’appliquer qu’aux demandes ne relevant pas du champ de la Convention de Genève et ne doit pas se substituer à celle-ci.

-sant les droits du demandeur

A chaque étape de la procédure d’asile, le demandeur doit être entendu, et assisté d’un conseil et d’un inter-prète, que ce soit à la frontière ou sur le territoire, en première instance et en appel ; il doit avoir un accès sys-tématique à tous les éléments de procédure (comptes-rendus, observations, sources des informations utilisées pour l’instruction…). En cas de refus d’enregistrement de la demande (délais, incomplétude), le demandeur doit être informé des possibilités de se faire accompagner dans ses démarches. En cas de rejet par la première instance, la décision doit être explicitement motivée et le recours suspensif. Les frais de procédure doivent être pris en charge par l’Etat (traduction de documents, frais de transport, aide juridictionnelle revalorisée). Toute

précédée d’une évaluation de l’existant, d’un échange avec les associations concernées et d’une étude pour prévenir les aspects négatifs pour les demandeurs et les risques de dysfonctionnement.

La prise en compte des risques encourus par les déboutés du droit d’asile en cas de retour

dans leur paysCertains demandeurs déboutés de l’asile se retrouvent dans une situation inextricable : ils craignent pour leur intégrité physique ou morale en cas de retour dans leur pays et l’administration française ne veut ou ne peut les éloigner du territoire. Elle a donc l’obligation de les protéger en leur reconnaissant un statut légal. Leurs demandes doivent être réexaminées ou leurs situations régularisées, notamment au regard du respect de leurs droits fondamentaux.

Des conditions de vie digne pour les deman-deurs d’asile

L’autonomie des personnes doit être garantie pendant la procédure : le droit au travail doit être réel et l’accès à la formation professionnelle et à l’apprentissage de la

-cès à l’assurance maladie doivent être assurés pour tous les demandeurs d’asile. Elles doivent être versées dès la première démarche de demande d’asile et pendant toute la procédure, être d’un niveau respectant la dignité de chaque personne et permettre de vivre dignement (au moins équivalentes au RSA avec prise en compte de la composition familiale et du mode d’hébergement).

Le maintien de la liberté de choix pour l’héber-gement

Le système français d’hébergement pour les deman-deurs d’asile, caractérisé par la liberté de choix du mode d’hébergement (soit individuel, soit collectif en Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA), doit être maintenu. Pour que ce choix soit réel pour tous les

garanti et doit être accessible dans chaque départe-ment, y compris Outre-mer. Les CADA ne doivent pas devenir des lieux obligatoires de résidence.

Le respect des droits des personnes pro-tégées

de la protection subsidiaire doit être soutenue par des mesures adaptées en ce qui concerne le logement et l’emploi (reconnaissance des diplômes et de l’acquis professionnel dans le pays d’origine). La procédure de

-tion subsidiaire doivent pouvoir jouir des mêmes droits que les réfugiés, en particulier en matière d’accès aux prestations sociales ou de rapprochement de famille. ●

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Le mot de la fin

En poussant la porte d’un immeuble vide qui était sous la responsabilité à ce moment là d’une communauté religieuse, 45 demandeurs d’asile venus de Colombie ont mis l’Eglise devant un dilemme. Expulser ces familles avec enfants et les mettre à la rue sur la place des Palmistes ou les accueillir, entendre leur parole, comprendre leurs souffrances

et s’associer à eux pour les accompagner dans leurs démarches et insertion. L’évêque de Guyane est donc allé jusqu’à l’Élysée pour réclamer que l’État mette en place dans notre département une première structure d’hébergement pour les demandeurs d’asile. Aucun opérateur n’étant prêt à porter ce projet expérimental, le Secours Catholique et son réseau de salariés et bénévoles a accepté de l’initier, de le gérer provisoirement pendant 15 mois, le temps avec la Direction Régionale de Jeunesse et Sport et Cohésion Sociale (DRJSCS) de trouver un porteur pérenne pour prendre la suite.

J’ai eu à porter et diriger ce projet depuis la sortie volontaire des familles du bâtiment squatté jusqu’à la passation à la Croix Rouge et la remise des clés des appartements loués 15 mois plus tôt. Je souhaite remercier l’ensemble des bénévoles et l’équipe salariée qui a su se mobiliser

aux membres du bureau du Secours Catholique de Guyane avec qui nous nous retrouvions chaque semaine ainsi qu’à Mgr Lafont pour sa disponibilité et son écoute active permanente.Merci également à la DRJSCS et aux différents services de l’état pour le bon partenariat entretenu tout au long de ce projet.

documentaire « TERRE D’EXIL EN AMAZONIE », réalisé par Karl Joseph et Muriel Guaveïa que je remercie pour la qualité de leur travail dans l’aide à la rédaction de ce document

Catholique de Guyane.

Thierry CuenotDélégué Départemental

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Souvenirs

Se souvenir de temps comme de mots

Sentir le tumulte dans la peau

Enchainé à l’oreiller pour ne pas sentir le sommeil glacial

De l’homme mis en cage qui cherche un refuge

Ou peut-être un lieu pour mourir

Girasol

Déplacements forcés

La lutte des classes et l’inégalité sociale dans la société créent des facteurs de violence, de déplacements forcés et de destruction, à cause desquels les populations se confrontent à une lutte cruelle qui laisse derrière elle des mutilés, des disparus, des morts.

Nos pays vivent aujourd’hui une crise et ils sont vic-times de l’ambition et de la soif de pouvoir. « Le pouvoir imposé » fonde une société opprimée dans laquelle seul système de dialogue est celui de la violence, des

Chaque année, des milliers de personnes et de familles se voient forcées de quitter leurs terres, en n’emportant avec elles que l’espoir de trouver un pays qui leur donne la possibilité d’un futur, pour eux et pour leurs enfants, ces enfants qui sont les principales victimes de ces départs forcés. Ce sont eux qui subissent les conséquences de cette guerre sale qui fait des blessés jour après jour.

Il est donc du devoir des gouvernements de prendre conscience de l’absolue nécessité de faire cesser dès maintenant la violence et la discrimination et de créer de véritables projets d’intégration.

Nous connaissons tous l’histoire de l’évolution humaine, nous savons que l’être humain s’améliore constamment et nous pouvons gagner du temps et trouver les moyens

Le plus grand défaut de l’être humain consiste à conti-nuer ce cercle vicieux de l’oppression, de la destruc-tion et de l’abandon derrière lequel ne subsistent que l’angoisse et la douleur de ceux qui sont les victimes de la violence et la persécution, de ceux qui ne peuvent pas retourner chez eux, dans leur pays.

Il est nécessaire d’aider ce type de population, de créer de véritables programmes d’accueil et d’inté-gration où les personnes puissent faire un chemin effectif vers la formation et le développement profes-sionnel. C’est grâce à cela que l’on pourra avoir des personnes et des familles autonomes, capables de réorganiser leurs vies dans le pays qui les a accueilli. Car ces personnes apportent leurs connaissances, leurs compétences et peuvent aider à ce que l’éco-nomie du pays d’accueil se développe.

Créer des parasites du système n’apporte rien. Il faut que ces familles, qui se sont vues obligées de quitter leurs pays, obtiennent la possibilité de gagner leur vie, de travailler, d’exercer leur profession. Leur donner cette possibilité permettra qu’elles atteignent l’autonomie, leur permettra d’offrir de meilleures conditions de vie à leurs enfants et cela permettra que ces enfants ne se retrouvent pas encore une fois confrontés à la douleur qui les poursuit.

Nous ne voulons pas que ces employés ou ces fonctionnaires qui n’ont pas été formés pour travail-ler avec les personnes et les familles victimes de déplacements forcés, enrichissent leurs institutions à nos dépends. Nous voulons qu’ils regardent cette population qui arrive chaque jour et demande l’asile politique. Aucune institution ne semble vouloir voir la véritable problématique qui se pose car il n’existe pas de véritables programmes qui aident les populations déplacées victimes de la violence et de la persécution. Il faut créer des programmes socio-éducatifs et un programme de retour au travail qui permette le retour à l’autonomie.

Girasol

Un poème (Souvenirs) et un article (Déplacements forcés) de Mercedes Lopez originaire de Colombie poétesse surnommée « Girasol » qui est aujourd’hui réfugiée en Guyane après être passée, entre autre, par l’hébergement expérimental du Secours Catholique.

Le récit de Daniella sur le squat, extrait du DVD webdocumentaire « TERRE D’EXIL EN AMAZONIE » « L’accueil des demandeurs d’asile en Guyane »

Annexes

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Un jour où nous étions à la CIMADE, mon frère explique qu’il n’a nulle part où aller.

Il dit : “ On va devoir dormir dans la rue.” Alors mon neveu, qui avait 6 ans à cette époque, se met à pleurer : “ Papa, non, je ne veux pas dormir dans la rue. Ça me fait peur!”

Mais ils répondent toujours la même chose : « Il n’y a pas de lieu pour vous ».

A la CIMADE, nous avons rencontré d’autres Colombiens. Ils avaient le même problème que nous pour se loger. Alors nous nous sommes réunis et nous avons commencé à nous orga-niser pour faire un squat.

Et donc on a pris un lieu…

Sauf que nous ne savions pas à qui il appartenait. Et il s’est trouvé qu’il appartenait à des religieuses ! Des religieuses ! Quand elles sont arrivées, quel scandale ! Elles nous ont dit : « Bon, d’accord, vous pouvez rester un temps. » Mais quand elles ont vu que les choses se prolongeaient… Elles ont commencé à nous causer des soucis, à nous envoyer la police pour qu’ils nous chassent. L’eau a été coupée, l’électricité aussi.

La première nuit, nous avons tous dormi au dernier étage. Par terre ! Nous avons dormi sur des cartons. Avec un drap. Je me disais : « Mon Dieu, ça ne peut pas être moi, là. » Alors

nuit-là, dormir par terre… J’ai pleuré. Certes, nous avions un toit, mais quelle pauvreté ! Ça n’a pas été facile cette nuit là.

Mais il fallait vivre, il fallait faire nos papiers et aussi nous occuper du lieu. Parce que les reli-gieuses nous avaient dit : « Vous êtes 50, personne d’autre ne doit entrer. » Car d’autres gens voulaient nous rejoindre. Ils voyaient ce lieu immense et ils nous disaient : « Laissez nous entrer, vendez-nous une chambre ! » C’était horrible.

n’ont jamais noté notre présence. Malheureusement, quand la presse a relaté que 50 per-sonnes squattaient une propriété des Sœurs de Saint Joseph, on nous a présenté comme des délinquants.

Alors qu’en réalité, nous étions des gens normaux. Nous tentions juste de nous en sortir.

C’est alors qu’ils ont cherché une institution pour se charger de ce « petit » problème, de ces familles… A ce moment là, le Secours Catholique, la CIMADE et la DJSCS ont commencé à se réunir pour trouver une solution. L’Evêque aussi était là, très ennuyé car il nous avait ren-contré et voulait nous aider mais il y avait aussi les religieuses… Alors tandis qu’elles portent plainte, l’Evêque nous prend un avocat ! Mais nous avons perdu le procès et on nous a dit qu’en réparation du préjudice causé, il fallait quitter le lieu rapidement.

Et là, le Secours Catholique nous a trouvé un logement. ●

Le récit du squat de la Providence

Tel que raconté par Daniella, sur la base de son récit dans le DVD webdocumentaire.

Page 43: Terre d’exil en Amazonie L’accueil des demandeurs d’asile

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Le DVD webdocumentaire

Avec « terre d’exil en Amazonie »,vous découvrirez :

Les craintes et les espoirs de Daniella,

des toutes premières heures de la vie dans le squat.Le courage et la détermination de

Les principales recommandations de la délégation de Guyane, résumées par Thierry Cuenot, délégué départemental du Secours Catholique.Découpé en séquences courtes, « Paroles d’Experts » vous autorise une lecture facile, curieuse, ludique et pédagogique d’un simple clic à tout moment : Y participent Monseigneur Emmanuel Lafont - Évêque de Guyane, Francis Happe - Chef du Pôle Social à la DRJSCS, Bernard Nicoud - Délégué à la Vie Régionale au Secours Catholique et Thierry Cuenot. Deux petites séquences sur le bénévolat en Guyane vous per-mettront de mieux faire connaissance avec notre réseau pour

de ceux qui sont loin de tout.

Des textes explicatifs, sur lesquels les internautes peuvent cliquer pour en savoir plus, viennent compléter les sujets qui reprennent

Adresse internet pour retrouver ce document web documentaire : guyane.secours-catholique.org

RemerciementsLe Secours Catholique – Caritas France remercie :Monseigneur Lafont, Evêque de Guyane.Francis Happe, Chef du Pôle Social de la DRJSCS (Direction Régionale Jeunesses Sports et Cohésion Sociale) ses collabora-teurs et sa direction.L’ensemble des acteurs qui ont participé à cette opération : les bénévoles et les salariés du Secours Catholique, les associations partenaires, le centre de formation Equinoxe qui a accepté d’ouvrir ses portes (pour la réalisation du DVD webdocumentaire) et tous ceux qui sont venus apporter leur soutien.

Réalisation des supports de communicationSur une idée originale de Thierry Cuenot de donner

place et parole aux acteurs de ce projet. Conception

et réalisation du webdocumentaire : Karl Joseph et

Muriel Guaveïa Rédaction du rapport : Muriel Guaveïa

et Thierry Cuenot, avec l’aide de bénévoles du Secours

Catholique Photos : Karl Joseph Maquette et édition à 500 exemplaires :

Secours Catholique

Financement en partenariat avec DRJSCS de Guyane

Contact Karl : www.karljoseph.com - [email protected] - 06 30 90 98 74

Contact Muriel : [email protected] - 06 77 53 49 05

Préfecture de la Région Guyane Direction de la Jeunesse des Sports

Et de la Cohésion Sociale

Avec le soutien de

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www.secours-catholique.org - BP455 Paris 7

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Délégation de la Guyane37, Cité Lafaurie - BP 354 - 97328 CAYENNE

Tel : 05.94.28.75.50 - Fax : 05.94.30.90.20

[email protected]