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Terres indiennes et politique indigeniste au Bresil : Des territoires a la carte

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SOMMAIRE

Liste des abréviations 7Tableaux et illustrations 9Carte des principales ethnies 10Préface 11Introduction 15

PREMIERE PARTIELes antécédents de la politique indigéniste et le tournant dela nouvelle Constitution 19Chapitre 1 21De 1910 aux années 1970 : La « civilisation » commeunique option 21Chapitre 2La Nouvelle République : Sarney et l’espoir déçu 41Chapitre 31988, un tournant pour les communautés indigènes 55

DEUXIEME PARTIELa politique indigéniste et ses acteurs depuis 30 ans 77Chapitre 1La politique indigéniste de Fernando Collor de Mello à Lula 79Chapitre 2L’enjeu central, la Terre 101Chapitre 3Quelles perspectives d’avenir pour les Indiens du Brésil ? 125

Conclusion 151Sources et Bibliographie 157Annexes – table 169Table des matières 196A propos de Survival 201

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LISTE DES ABREVIATIONS

CAPOIB : Conselho de Articulação dos Povos e OrganizaçõesIndígenas no Brasil [Conseil pour l’articulation entre les peuples etles organisations indiennes du Brésil]CCPY: Comissão Pró-Yanomami [Commission pro-Yanomami]CEDI : Centro Ecumênico de Documentação e Informação[Centre oecuménique de documentation et d’information]. Cetteorganisation deviendra par la suite l’ISA (Cf. ci-après).CIMI : Conselho Indigenista Missionario [Conseil (catholique)indigéniste missionnaire]CIR : Conselho Indígena de Roraima [Conseil indigène deRoraima]COIAB : Coordenação das Organizações Indígenas da AmazôniaBrasileira [Coordination des organisations indigènes d’Amazoniebrésilienne]COICA: Coordinadora de las Organizaciones Indígenas de laCuenca Amazónica [Coordination des organisations indigènes duBassin amazonien]CONAGE: Coordenação Nacional dos Geólogos [Coordinationnationale des géologues]CPI/SP: Comissão Pró-Índio de São Paulo [Comission pro-indienne de São Paulo]CSN : Conseil de sécurité nationalCTI : Centro de Trabalho Indigenista [Centre de travail indigénis-te]DNPM : Departamento Nacional de Produção Mineral [Départe-ment national de production minérale]FOIRN : Federação das Organizações Indígenas do Rio Negro[Fédération des organisations indigènes du Rio Negro]FUNAI : Fundação Nacional de Assistência aos Indios[Fondation nationale d’assistance aux Indiens]IBRAM : Instituto Brasileiro de Mineração [Institut brésiliend’exploitation minière]INCRA : Instituto Nacional de Colonização e Reforma Agrária[Institut national de colonisation et de réforme agraire]ISA : Instituto SocioAmbiental [Institut socio-environnemental]

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NDI: Núcleo de Documentação e Informação [Noyau de documen-tation et d’information]OIT : Organisation internationale du travailONG : Organisation non-gouvernementaleOPAN: Operação Anchieta, deviendra Operação Pan AmazônicaPCN : Projet Calha NorteSADEN : Secretaria de Assessoramento da Defensa Nacional[Secrétariat des affaires de Défense nationale]SNI : Service national d’InformationSPI : Serviço de Proteção aos Índios [Service de protection del’Indien]TI : terre indigèneUNI: União das Nações Indígenas [Union des Nations indigènes]

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TABLEAUX ET ILLUSTRATIONS

Figure 1 – Le démembrement du territoire yanomamiFigure 2 – Le démembrement de la terre indigène Pari-CachoeiraFigure 3 – Conséquences du décret 1.775/96 sur les T.I.Figure 4 – Situation des T.I. au Brésil (ISA)Figure 5 – Ecole kayapóFigure 6 – La représentation du territoire (Kayapó)Figure 7 – Les limites du PIX : « Nous et les Autres »

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CARTE DES PRINCIPALES ETHNIES

Source : Survival, « Dépossédés : Les Indiens du Brésil », Ethnies, Paris, vol. 16, n° 28,2002, p. 19.

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PREFACE

Conçu à l’origine comme un mémoire de fin d’études del’Institut d’Études politiques de Strasbourg, le texte d’Émilie Stolla l’immense mérite d’être le premier bilan en langue française de lapolitique indigéniste brésilienne de ces trente dernières années. Aumoment même où le Brésil et le monde s’interrogent sur les effetsde la déforestation accélérée qui ravage l'Amazonie, elle analyseavec méthode et discernement les bouleversements qui ont faitpasser les sociétés autochtones du Brésil du statut de populationsmineures, victimes et largement laissées pour compte du dévelop-pement économique, à celui de sujets collectifs de droit de plus enplus présents dans la vie politique nationale. Son travail renvoie aumagasin des clichés complaisants et archaïsants des révélationsmédiatiques périodiques de "tribus inconnues n'ayant jamais eu decontact avec la civilisation". Quelques silhouettes brandissant desarcs et des flèches en direction du ciel et de l’avion qui les photo-graphie, cet instantané publié récemment ne fait que reprendre uncliché connu depuis soixante ans au moins. En réalité, ces groupes,qui subsistent effectivement en très petit nombre en Amazonie,souvent de la taille d'une grande famille ou des habitants dequelques maisons, ne sont que les derniers rescapés de sociétésmorcelées et harcelées fuyant les contacts violents avec les "pion-niers" du front de colonisation, exploitants de bois tropicaux, cher-cheurs d'or, éleveurs de bétail et autres et portent souvent dans leurchair les cicatrices de balle de leurs bourreaux. Pour 99% des so-ciétés autochtones du Brésil, le contact avec le monde moderne estplus ou moins récent, mais il est permanent et irréversible, etÉmilie Stoll a justement mis au centre de son analyse des poli-tiques récentes la question du territoire, élément premier et fonda-mental de la survie indienne au Brésil.

Les Indiens possèdent aujourd'hui un territoire - en réunissanttous les "parcs indigènes" et les "territoires indigènes" disséminésdans cet immense pays, mais majoritairement amazoniens- quiconstitue globalement un peu plus de 12 % de la superficie totaledu Brésil, ce que l'on peut facilement contraster avec l'étendue desdéforestations, de l'ordre de 7 à 8 % (chiffre âprement discuté, maisdont l'ordre de grandeur n'est pas en doute). On peut imaginer ce

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que les propagandistes du développement accéléré, fort nombreuxet bien organisés au Brésil, disent de cette situation, surtout àl'heure de l'expansion vertigineuse de la culture du soja et de celledes futurs biocarburants. Il n'en reste pas moins qu'Émilie Stoll araison d'affirmer que les sociétés autochtones "sont le dernier bas-tion contre la déforestation massive qui sévit en Amazonie". Lemode de culture traditionnel des sociétés indiennes - et il faut icirépéter, contre un préjugé encore trop courant, que les Indiensd'Amérique du Sud sont dans leur immense majorité et depuis desmillénaires des agriculteurs et non des chasseurs-cueilleurs no-mades - ne détruit pas la forêt, il l'aménage et la mise en jachèredes jardins après quelques années d'exploitation permet la reconsti-tution du couvert végétal, ce qui rend possible de défricher à nou-veau.

Il ne fait donc aucun doute que la constitution de 1988 qui lé-galise la reconnaissance de territoires indiens sous la garantie del’État brésilien (qui reste le propriétaire de ces terres) a ralenti lemouvement de déforestation et a permis la consolidationd’importantes réserves foncières en Amazonie, et les quelques cas,relativement isolés, de d’abattage et de vente illégale de bois dansdes réserves indiennes par des Indiens ne contredisent pas cetteréalité. Les tentatives plus récentes de l’État pour contrôler lesdéfrichages et ralentir l’exploitation sauvage de l’Amazonie (créa-tion des UCF, unités de conservation forestière, sanctions finan-cières aux défricheurs abusifs, crédits pour un développement res-pectueux de l’environnement…) viennent compléter les effets de lapolitique indigéniste inaugurée en 1988. Si les mouvements pro-Indiens, au Brésil et à l’étranger ont pu contribuer à sauver lesIndiens en les abritant derrière les arbres (l’argument écologique),ce sont aujourd’hui les Indiens qui abritent les arbres.

Émilie Stoll, en retraçant avec finesse et rigueur les vicissi-tudes et les contradictions de la politique indigéniste, ne cache niles insuffisances de celle-ci, notamment quant à une dotation bud-gétaire chroniquement squelettique pour la FUNAI, ni la progres-sive décentralisation de celle-ci, qui est allée de pair avec un des-saisissement de ses fonctions. En effet, l'assistance médicale etsanitaire et l'éducation sont aujourd'hui respectivement sous laresponsabilité du ministère de la santé et des états et communes.Les communautés indigènes doivent donc se battre avec les com-

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munes proches de leur territoire pour que les crédits fédéraux al-loués aux Indiens et relayés par les communes ne soient pas "aspi-rés" ou simplement volés au passage, et de nombreuses manifesta-tions indiennes attestent de ces difficultés.

Il en est de même des invasions de territoires indigènes, pourlesquelles les forces de police et les juges locaux prennent généra-lement le parti des envahisseurs au mépris de la loi. La Funai,même lorsqu'elle réagit en défense des Indiens, ce qui est son rôleconstitutionnel, ne dispose en général pas de moyens de con-trainte, et doit faire appel, comme les Indiens d'ailleurs, à l'opinionpublique, en mobilisant les associations et les ONG tant indiennesque pro-indiennes.

C'est enfin la renaissance indienne au Brésil que ce tableau dela politique indigéniste esquisse, montrant comment les Indiens ontrapidement pris conscience que les représentations traditionnellesde l’indianité au Brésil pouvaient être bouleversées par leur accèsaux savoirs modernes, par la valorisation de leurs savoirs et de leursavoir-faire dans le monde actuel (biodiversité, patrimoine géné-tique, connaissances pointues des êtres vivants de la forêt), maisaussi que le rapport de force leur était en général défavorable, par-ticulièrement dans les conflits locaux, et que l’appel à l’opinionpublique, pour rappeler et faire respecter leurs droits, permettaitparfois de renverser le rapport de force. Il est étonnant, et la con-clusion relativement optimiste de l’auteur va en ce sens, quequelque 700 000 Indiens aient pu survivre dans le Brésild’aujourd’hui, et défendent leur existence, leur culture et leur ave-nir contre les formidables pressions d’un des états les plus mo-dernes de la planète.

Patrick MengetPrésident de Survival International France.

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INTRODUCTION

Alors que les gouvernements occidentaux commencent às’alarmer du réchauffement climatique et de la raréfaction des res-sources naturelles, les populations autochtones du Brésil etd’ailleurs sont touchées de plein fouet par le « rouleau compresseurde la civilisation ». Ces peuples dits « primitifs » sont fragiles carleur survie en tant qu’Indiens est intrinsèquement liée àl’environnement naturel dans lequel ils vivent.

Au Brésil, cela fait longtemps que les gouvernements essaientde résoudre la question indigène. Au gré des époques, l’image del’Indien a changé et les actions gouvernementales mises en œuvredépendaient de la façon dont il était perçu. Ce n’est qu’au XXèmesiècle que les Indiens ont été considérés comme dignes d’être in-corporés dans la civilisation des Blancs, en tant qu’êtres humains.

Un long chemin a été parcouru jusqu’à la situation actuelle etla question indigène a beaucoup évolué, surtout depuisl’avènement de la Constitution fédérale de 1988, qui a permisl’essor d’un ample mouvement associatif. Cependant, la politiqueindigéniste fluctue invariablement autour d’une constante : celled’un rapport de force permanent entre les Indiens et les acteurséconomiques pour la possession du territoire.

Nous allons traiter ici de la politique indigéniste mise en œuvredepuis 1988 ainsi que des promoteurs de cette politique. Le sujetest vaste et nous avons tenté d’en donner une vue générale de ma-nière à apporter des pistes de réflexion sur des enjeux présents qui,de près ou de loin, nous concernent tous. La mise en œuvre d’unepolitique indigéniste en harmonie avec les populations concernéesnécessite une compréhension des modes de pensée et d’action in-digènes. Aussi avons-nous voulu apporter un éclairage historique àcet ouvrage, tout en y incorporant des notions ethnologiques dansla mesure de nos possibilités.

Le message est avant tout humaniste et malgré toutes les diffi-cultés que traversent aujourd’hui les Indiens au Brésil, il se veutoptimiste et chargé de l’espérance que, dans un futur proche, lesgouvernements ne confondent plus altérité indienne et retard men-tal ou technologique.

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Au XVIe siècle, lorsque les Portugais ont débarqué, il y avaitenviron cinq millions d’autochtones au Brésil. Selon le recense-ment de l’IBGE réalisé en 2000, complété par les estimations de laFondation nationale de l’Indien (FUNAI) et de l’Institut SocioAm-biental (ISA), la population indienne vivant toujours traditionnel-lement s’élèverait aujourd’hui à 480 000 individus1, soit 0,25% dela population totale. Aujourd’hui cette population croît à une vi-tesse surprenante et les prévisions fatalistes des écrivains du débutdu siècle n’ont plus lieu d’être. Ce surprenant revirement de situa-tion s’opère depuis les années 1950 et nous a interpellés. Aprèscinq siècles de confrontation avec la société occidentale qui ontengendré maladies et aliénation ; après le contact, la « pacifica-tion », puis la civilisation par les fonctionnaires brésiliens, les In-diens résistent et préservent leur culture des agressions occiden-tales. Leur présence, qui paraît si anachronique, est un exemplevivant de leur résistance culturelle. Lorsque nous regardons enarrière et analysons les législations et les politiques indigénistesmises en œuvre, nous sommes remplis d’admiration par l’existenceencore réelle de ces peuples au Brésil aujourd’hui. Notre travailmet le doigt sur des moments clés de l’histoire de la politique indi-géniste et analyse les réactions de part et d’autre du rapport deforce afin de comprendre comment ces populations ont su défendreleurs territoires et leur culture, notamment grâce à l’appropriationde techniques occidentales. Dès lors, le nombre réduit que consti-tuent les Indiens monopolise depuis 1988 une grande part du débatnational.

Nous étudierons tout d’abord la genèse et les antécédents de lapolitique indigéniste moderne, ainsi que l’importance de la rédac-tion d’une nouvelle constitution pour le développement d’une ré-sistance indigène. Puis, nous analyserons la politique indigénisterécente et les débats actuels autour de l’indianité au Brésil. Nous

1. L’IBGE recense la population en prenant note de l’origine ethnique de chaque individusur la base d’une déclaration. Ainsi, le dernier recensement, en 2000, dénombrait 734 127individus auto-déclarés indiens (Cf. Annexe 1). Ce nombre intègre les populations vivant demanière traditionnelle ainsi que les Indiens urbanisés ou les groupes ayant entamé un renou-veau culturel (il s’agit principalement de groupes indiens originaires du Sud-est du Brésilqui ont été les premiers colonisés et qui, bien souvent, ont subi de très lourdes pertes cultu-relles). De leur côté, la FUNAI et l’ISA, qui travaillent directement avec les Indiens vivantde manière traditionnelle dans les terres indigènes, font régulièrement des recensements etmettent en avant un nombre de 480 000 individus environ.

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prêterons une attention toute particulière à l’action du systèmeassociatif dans les projets mis sur pied alors que l’Etat s’est pro-gressivement désengagé des domaines sociaux concernant les In-diens. La double facette qui a toujours tiraillé le Brésil entre uneidéologie humaniste et une quête pour la modernité est encore au-jourd’hui reflétée dans le traitement dispensé par l’Etat à ses mino-rités.

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PREMIERE PARTIE

Les antécédents de la politique indigénisteet le tournant de la nouvelle Constitution

« L’ethnocide ne trouvera sa so-lution que dans le cadre d’unemodification de ses rapports del’Occident à la totalité, àl’univers ».

Robert Jaulin, 1974.

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Chapitre 1

De 1910 aux années 1970 :La « civilisation » comme unique option

1. Les prémices de la politique indigénisteLe Brésil a beaucoup légiféré sur ses Indiens. Une politique in-

digéniste au sens moderne du terme a pris forme au XIXe siècle, àtravers quelques lois et décrets régulant les relations entre les In-diens et l’Etat. C’est à cette période que germe l’idée que l’Indienpuisse faire obstacle au développement économique de la Nation.Et cette idée a persisté jusqu’à aujourd’hui.

Au XIXe siècle, l’Indien était perçu comme étant au stade in-fantile de l’humanité1. Dès lors, il était susceptible de se dévelop-per si on lui enseignait les rudiments de la « civilisation ». Cettevision était en harmonie avec le positivisme d’Auguste Comte dontétait imprégnée la société intellectuelle brésilienne à cette époque ;selon cette doctrine, l’Homme est perfectible. Dès lors, les Indiensdu Brésil étaient soumis au régime des orphelins2, sous la tutelle dumême juge3. La première constitution du Brésil, en 1891, ne faisaitmême pas mention des autochtones : considérés comme des sous-hommes, il ne leur était reconnu aucun droit.

1. « Infância da humanidade », notion développée par Francisco Adolpho, cité dans Domi-nique Buchillet, « De la colonie à la République : images de l’Indien, politique et législationindigénistes au Brésil », Cahiers des Amériques Latines, Paris, n° 23, 1996, p. 73.2. Juizado de Menores3. Loi du 27 octobre 1831, article 4.

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2. La « conquête » des Indiens

Le SPI, premier organe étatique en charge des Indiens

La genèse du SPIEn 1910, une institution gouvernementale spécifiquement

chargée de la protection des Indiens est créée sous le nom de Servi-ço de Proteção aos Índios e Localização de Trabalhadores Nacio-nais [Service de protection des Indiens et de localisation des tra-vailleurs nationaux – SPI]1. Ce service est le fruit du travail d’unpetit groupe d’activistes libéraux dont un personnage se détache :le lieutenant-colonel ingénieur des armées Cândido Mariano daSilva Rondon, lui-même descendant d’Indiens Bororo par sagrand-mère.

Cândido Mariano da Silva Rondon avait pour mission de cons-truire une ligne télégraphique entre Cuiaba et Araguaia. Pour cefaire, il devait traverser les territoires des Indiens Bororo. C’estdans ces circonstances qu’il élabore les techniques de pacificationdes Indiens dits « hostiles ». C’est alors qu’il a commencé à con-naître et à apprécier ces mêmes Indiens. Il a vu la misère de ceuxqui côtoyaient la civilisation depuis longtemps et les ravages pro-voqués au sein de leurs groupes : désorganisation sociale, pauvreté,prostitution des femmes, dépendance… De là, lui est venue l’idéed’une impérieuse nécessité de créer une agence gouvernementalede protection des Indiens.

« Mourir s’il le faut, mais ne jamais tuer »Cândido Mariano da Silva Rondon accepta d’en devenir le

premier directeur, à six conditions :1. Les Indiens ne devaient pas être forcés d’accepter rapidement

la doctrine chrétienne ou la civilisation.2. L’incorporation des Indiens dans la société nationale ne devait

pas être fondée sur un endoctrinement religieux ou quelqueautre système métaphysique ou religieux.

3. Le nouveau service prendrait la forme d’une inspection quisuperviserait les initiatives publiques et privées.

1. Décret n° 8.072, du 20 juin 1910, créant le Service de Protection de l’Indien et de Locali-sation des Travailleurs Nationaux. Dès sa création, le SPI fut intégré au ministère del’Agriculture, de l’Industrie et du Commerce.

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4. La protection des terres indigènes serait la principale responsa-bilité du SPI. Les territoires volés devraient leur être rendus in-tégralement ou sous la forme d’une compensation d’une aireéquivalente à proximité.

5. Les Indiens seraient encouragés à se sédentariser, et du bétailleur serait donné à cet effet. Cependant, le personnel devraits’assurer que cela n’entre pas en conflit avec leurs traditionsculturelles.

6. Les officiers du service contacteraient des tribus nomades,dans le but d’éviter les guerres entre tribus ou entre Indiens etcivilisés. Les officiers doivent être désintéressés et privilégierle bien-être des Indiens1.

Selon la pensée positiviste de Rondon, si les Indiens étaientpréservés, ils pourraient évoluer en paix et atteindre le niveau decivilisation souhaité2. Rondon était de bonne foi, en témoigne sadevise :

« Mourir s’il le faut, mais ne jamais tuer».Il fallait montrer ses bonnes intentions aux Indiens en ne ripos-

tant jamais aux attaques. Il voulait réaliser « un grand encerclementde paix »3, mais il ignorait alors que cette étreinte se refermerait surles Indiens jusqu’à les étouffer.

La mission du SPILa mission du nouveau service était ambitieuse et teintée

d’humanisme :« Assurer protection et assistance aux Indiens du Brésil, enleur garantissant la vie, la liberté et la propriété, en les pro-tégeant de l’extermination, en les délivrant de l’oppressionet de l’exploitation, et en les abritant de la misère – qu’ilsvivent sédentarisés dans un village, unis en tribus, ou mé-

1. John Hemming, Die if you must, Londres, Pan, 2003, p. 20.2. Alcida Rita Ramos, Indigenism: Ethnic politics in Brazil, Madison, University of Wiscon-sin Press, 1998, p. 156.3. Expression reprise dans le titre du livre de Antonio Carlos de Souza Lima, Um grandecerco de paz, Petropolis, Vozes, 1995, cité dans le compte rendu de Benoît de l’Estoile,dans Revue de Synthèse : Anthropologie, Etats et populations, Paris, tome 121, 4° S., n° 3-4,juillet-décembre 2000, pp. 489-492. Ce lexique guerrier est lié au rôle essentiel joué par lesmilitaires républicains dans le SPI.

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langés avec les civilizados [nouveaux brésiliens ou co-lons] »1.

Le SPI garantissait également aux Indiens la possession effec-tive des terres qu’ils occupaient, ainsi qu’une assistance médicale.Cet organe étatique semblait porter des valeurs très novatrices.L’avenir paraissait prometteur pour les Indiens du Brésil.

Cependant, la loi établissant le SPI contenait également desclauses évolutionnistes et très paternalistes, dont les effets furentproblématiques sur les Indiens. En effet, le but ultime du SPI étaitl’intégration harmonieuse des Indiens dans la société brésilienne,mais aux dépens de leur identité culturelle. A cela s’ajoutait le rôlede tutelle du SPI puisque, selon le Code civil de 1916, les Indiensentraient dans la catégorie des individus « relativement inca-pables »2. La philosophie positiviste aidant, les autorités brési-liennes ont suivi une conception ethnocentrique et évolutionniste, àsavoir que l’unique trajectoire possible pour ces groupes « primi-tifs » était un effort de mimétisme grâce auquel ils parviendraientgraduellement à rattraper le stade des sociétés dites « avancées ». Al’époque, l’idée que ces groupes de « sauvages » possédaient uneréalité culturelle qui leur était propre et avec laquelle ils pouvaientse développer de manière différenciée, n’était pas considérée.

Le fonctionnement du SPI

La pacification, une étreinte mortelleDepuis la découverte des Amériques, les Indiens d’Amazonie

ont la réputation d’être « sans Roi, sans Loi, sans Foi »3. C’est lenoyau même de l’altérité indienne pour les observateurs del’époque. En effet, les chefs indiens entretenaient des relationscomplexes avec d’autres groupes. Ils pratiquaient des activitésguerrières sous forme de razzias (avec des prises d’otages symbo-liques). De plus, les revirements d’alliances et d’hostilités étaient

1. Regulamento do SPI, Article 2.d., 7 septembre 1910.2. Au sens libéral (légal) du terme. « Relativement incapable » était la catégorie dans la-quelle se trouvaient également les femmes et les débiles mentaux (Articles 5 et 6).3. Rapport des Jésuites portugais datant du XVIè siècle. Cf. Anne Losonczy, coursDEVL011, « Anthropologie des sociétés amazoniennes », ULB, notes de cours, année 2005-2006 ; Patrick Menget, « Les frontières de la Chefferie : Remarques sur le système politiquedu haut Xingu (Brésil) », L’Homme, Paris, vol. 33, n° 126, 1993, pp. 59-76.

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constants. Les Indiens ont donc conservé, aux yeux du mondeblanc, une image de guerriers sauvages (parfois anthropophages).Les pacifier permettait aux Blancs (éleveurs de bétail, cultivateurset extracteurs) d’occuper leurs immenses territoires, jusque là im-pénétrables à cause des attaques.

La technique de pacification privilégiée par le SPI était celle dela séduction1 plutôt que la force. Il s’agissait d’attirer les Indiens aumoyen de cadeaux tels que des machettes, des couteaux, des objetsen métal, des colliers de perles... Cette phase de cour galante a étéappelée namôro. Ainsi, des équipes de pénétration, recrutées dansla population locale, partaient à la recherche de tribus isolées pourles pacifier. La pacification a plus tard été renommée attraction.

Concrètement, l’équipe de pénétration s’implantait dans un en-droit stratégique, à l’intérieur du territoire tribal, à proximité demoyens de communication. Elle défrichait une clairière, construi-sait une maison protégée (en prévision des attaques) en son centre,et plantait un potager2. Le poste d’attraction était prêt. La phase denamôro pouvait commencer.

Une fois le contact établi, le SPI fournissait à la tribu des biensde consommation occidentaux, jusqu’à ce qu’elle y soit habituée.C’est alors que le flux cessait. Le groupe était donc obligé d’allerau contact d’autres civilisés pour se procurer les biens et denréesdésirés. Et il devait payer pour les obtenir, une pratique étrangère àces sociétés. Dès lors, une nouvelle forme de relation s’établissaitentre les Indiens et les Blancs. Et au sein même du groupe, lesactivités quotidiennes se trouvaient modifiées par la nécessité deproduire des biens supplémentaires, à vocation mercantile, pourpouvoir les échanger contre les biens manufacturés. En fait, unepacification était réussie lorsque le groupe se trouvait dans unecondition de dépendance irréversible vis-à-vis de la société natio-nale, de laquelle il ne pourrait plus sortir.

Dans ce contexte, le sertanista, « domestiqueur d’Indiens »,était le spécialiste des techniques d’attraction et de pacification despeuples indigènes encore insoumis à l’appareil gouvernemental.Parmi ceux-ci, certains ont été élevés au rang de héros nationauxcomme, par exemple, les frères Villas Bôas ou Sydney Possuelo.

1. Alcida Rita Ramos, 1998, op. cit., pp.146-154.2. Darcy Ribeiro, Frontières de la civilisation, Paris, Union Générale d’Editions, 1973,p. 135.

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Mais derrière les actes de bravoure et de renoncement, il y atoujours eu la visée claire de prendre possession des terres et desressources des territoires où se situaient les Indiens. Comme lesoulignait Darcy Ribeiro, « l’œuvre de pacification sert davantageles besoins d’expansion de la société nationale que ceux des In-diens »1.

Au moyen de la politique de pacification, le SPI est intervenuen tant que nouveau facteur dans le paysage indigène : il contrôlaitartificiellement le processus d’intégration des ethnies.

Qui est Indien ? Qui ne l’est pas ?2La population brésilienne est notamment le résultat d’un métis-

sage de Blancs, d’Indiens et de descendants d’esclaves africains.Dès lors, il est impossible de se baser sur un critère phénotypiqueou culturel pour définir la catégorie « Indien ». De plus, il n’y a pasd’accord entre les scientifiques sur la définition des peuples amé-rindiens.

Darcy Ribeiro a tenté une définition, il y a un demi-siècle :« Dans le Brésil, est indigène essentiellement cette partie dela population qui présente des problèmes d’inadaptation àla société brésilienne sous ses diverses facettes, problèmesprovoqués par la conservation des us et coutumes ou parpure fidélité à une tradition précolombienne. […] Est In-dien tout individu reconnu membre d’une communautéd’origine précolombienne, qui s’identifie comme ethni-quement distincte de la communauté nationale et est consi-dérée indigène par la population brésilienne avec laquelleelle est mise en contact »3.

De manière plus générale, les chercheurs privilégient une défi-nition axée davantage sur la culture que sur l’ascendance préco-lombienne, ou encore une définition axée sur la reconnaissance despopulations indiennes en tant que peuples ou nations et non sim-plement ethnies. Les éléments faisant consensus sont la continuitéhistorique avec les populations antérieures à la conquête, une auto-

1. Id., p.142.2. Eliane Brun, « Qui est Indien ? Qui ne l’est pas ? », Courrier International,Paris, n° 838, du 23 au 29 novembre 2006, p. 30.3. Darcy Ribeiro, op.cit., p. 122.

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identification, ainsi qu’une reconnaissance de cette indianité par lacommunauté nationale1.

Les vicissitudes de l’histoire du SPI

Conditions et effets de l’intervention protectionnisteL’intervention protectionniste du SPI, la pacification, est moti-

vée par l’idée que, si les Indiens sont rattrapés par l’avancée dufront d’expansion économique et qu’ils rentrent en contact directavec les Brésiliens, sans assistance ni protection préalable, ils se-ront voués à disparaître inéluctablement. Pour éviter cela, il estnécessaire qu’un intermédiaire leur assure un minimumd’assistance.

Les premiers effets de la politique de pacification interviennentavant même le premier contact. Les groupes indiens dérangés parles nouveaux occupants blancs migrent vers d’autres territoiresencore vierges, entrant en « concurrence écologique » avecd’autres groupes indiens déjà sur ce territoire. Plus d’Indiens pourmoins de ressources, cela implique une réorganisation politico-économique du ou des groupes.

Par la suite, le contact avec les équipes de sertanistas imposa ànouveau aux Indiens d’élaborer une exégèse eschatologique oùl’homme Blanc aurait sa place. En cela, les Indiens se sont plutôtbien mobilisés, comme en témoignent certaines études2 sur

1. Alison Brysk, « Acting Globally: Indian Rights and International Politics in Latin Amer-ica », in Donna Lee Van Cott (coord.), Indigenous Peoples and Democracy in Latin Amer-ica, New York, St Martin’s Press, 1994, p. 47.En 1986, le Groupe de Travail des Nations Unies sur les Populations Indigènes

(UNWGIP) établit une définition basée sur l’occupation traditionnelle des terres : “Indige-nous populations are composed of the existing descendants of the people who originallyinhabited the present territory of a country (or countries), wholly or partially, at the timewhen persons of a different culture or ethnic origin arrived there from other parts of theworld, overcame them, either by direct conquest, settlement, or other means, reduced themto a non-dominant group within their home region or territory.” (cité par Cindy Holder,« Indigenous Peoples and Multicultural Citizenship: Bridging Collective and IndividualRights », Human Rights Quarterly, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, Vol. 24,n° 1, Février 2002, p. 127).2. Voir par exemple Bruce Albert, « La fumée du métal», L’Homme, Paris, vol. 28, n° 106,1988, pp. 87-119 ; Stephen Hugh-Jones, « The Gun and the Bow –Myths of White Men andIndians », L’Homme, Paris, vol. 28, n° 106, 1988, pp. 138-155 ; Carlo Severi, « L’Etranger,l’Envers de soi et l’échec du symbolisme : deux représentations du Blanc dans la tradition

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l’adaptation des croyances et l’intégration de l’Homme Blanc dansleurs mythes et traditions. C’est sans doute l’une des causes fon-damentales de la persistance et de la ténacité de l’altérité indienneet de leur difficile intégration dans la société brésilienne.

Cependant, c’est la prise de conscience de leur impuissanceface à la société dominante qui a parfois acculé les Indiens au plusprofond de l’acculturation, leur laissant entrevoir un sombre avenir.Darcy Ribeiro raconte les transformations opérées sur une tribusuite aux impressions de trois chefs Kaingang après leur retourd’une visite de São Paulo, organisée par l’inspecteur du SPI :

« Maintenant, ils avaient pleinement conscience del’insignifiance de leur tribu devant la tribu immense desBlancs. C’était le désenchantement d’un peuple tribal de-vant une société nationale et l’ampleur écrasante de celle-cien regard de sa propre petitesse. Dès lors, le prestige qu’ilsattribuaient au Blanc devint tel qu’aucune valeur tribale neput lui résister. Ils avaient appris qu’ils ne pouvaient rienfaire face au Blanc, sinon se livrer désarmés à sa domina-tion. C’est ainsi que se brisa l’orgueil qu’ils avaient pourleurs danses, leurs chants, leurs coutumes particulières etqu’ils commencèrent à adopter les éléments culturels quileurs étaient accessibles : les vêtements, les aliments, lesfaçons de manger et tout ce qui était symbolique de la civi-lisation à laquelle ils se soumettaient »1.

L’objectif du SPI était d’imposer la culture brésilienne aux In-diens pour les faire progresser vers la civilisation. Cela se fit auxdépens des cultures indigènes, ce qui entraîna leur destruction. Legouvernement brésilien a donc officiellement préféré une optiond’éducation à une option d’élimination des Indiens. En ce sens,l’intégrité physique n’était pas ce qu’on cherchait à atteindre, maisbien la culture. Il est possible de parler d’ « ethnocide », selon laformulation de Robert Jaulin2 : l’esprit est attaqué et non la vie des

chamanique cuna », L’Homme, Paris, vol. 28, n° 106, 1988, pp. 174-183 ; Alcida RitaRamos, 1998, op. cit, p. 133.1. Darcy Ribeiro, 1973, op. cit., p. 161.2. Robert Jaulin, La Paix Blanche : Introduction à l’Ethnocide, t.1 « Indiens et colons », t.2« L’Occident et ailleurs », Paris, Seuil, 1974, 423 pp. et 318 pp. ; au sujet de l’ethnocide,voir aussi Pierre Clastres, « De l’ethnocide », L’Homme, Paris, vol. 14, n° 3, 1974, pp. 101-110.

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personnes considérées « autres ». Ces « autres » portent le mal,mais il est corrigible en leur montrant le bien, c’est-à-dire, dans lecas présent, la civilisation brésilienne.

Premier bilan : 1957 et les prédictions de Darcy RibeiroSelon Darcy Ribeiro, en 1957 l’objectif du SPI était atteint1. A

savoir que les étendues de terres convoitées par la société brési-lienne en expansion avaient bien été occupées, tandis que les In-diens étaient tant bien que mal préservés, physiquement, dans lesPostes Indigènes créés à cet effet. Le SPI a donc rempli sa fonctionde point d’équilibre entre, d’une part, le front économique avide deterres, et, d’autre part, les Indiens qui ont été relativement préser-vés, du moins physiquement. Cependant, pour ces Indiens accultu-rés mais vivants, « les chances de jouir des bénéfices de la civilisa-tion sont pratiquement nulles »2, puisqu’ils sont relégués à desrangs subalternes par leur condition d’Indiens.

Les pacifications entreprises par le SPI ont par contre été deséchecs dans le domaine de l’assistance, notamment médicale etfoncière. Les pacificateurs ont en effet transmis aux Indiens desmaladies méconnues, qui ont fait d’autant plus de ravages queceux-ci n’avaient pas de défense immunitaire adéquate : des mala-dies bénignes pour les uns s’avéraient mortelles pour les autres.C’est ainsi que les épidémies de maladies infectieuses ont déciméles Indiens dans des proportions alarmantes, provoquantl’extinction ou la réduction démographique de nombreux groupesindigènes. L’un des seuils les plus bas concernant leur dépeuple-ment correspondrait à la période entre 1900 et 1957 (une périodecaractérisée par les contacts forcés), avec l’extinction d’environquatre-vingt-sept groupes indigènes3. Ceci fut à l’origine de pertesculturelles chez certains Indiens dont la communauté avait été tel-lement réduite, que, sans parler d’acculturation, leur système tribalne pouvait se perpétuer avec si peu d’individus. Quant-aux terres,la politique qui consistait à leur allouer de petites réserves de ma-nière à ce qu’ils soient forcés à une acculturation rapide, s’est avé-rée catastrophique. D’autant plus que leurs terres étaient impuné-

1. Darcy Ribeiro, 1873, op. cit. p. 133 et p. 265.2. Ibid.3. Alcida Rita Ramos, 1998, op. cit., p. 160.

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ment envahies par toutes sortes d’acteurs pour des raisons écono-miques.

En 1957, Darcy Ribeiro, désabusé, prédisait que les Indiens at-teindraient un tel seuil de « déculturation »1 suite aux contacts en-tretenus avec les Brésiliens, qu’ils finiraient par perdre leur identitéethnique et deviendraient des « Indiens génériques », stigmatiséspar la société nationale dont ils ne pouvaient prétendre faire partie,et seraient laissés pour compte, sans culture spécifique ni tradition.Cependant, ceci ne s’est pas produit, et nous assistons même de-puis les années 1950 à un redressement démographique des popu-lations indiennes.

De l’ethnocide au génocideDès le milieu des années 1930, les idéaux humanistes qui

avaient permis la création du SPI commencèrent à s’estomper sousl’effet de plusieurs décrets. L’organe de tutelle des Indiens avaitété retiré des prérogatives du ministère de l’Intérieur et dépendaitdésormais du ministère de la Guerre2. Le SPI avait ainsi une tâchesupplémentaire : inculquer des notions patriotiques (éducationmorale et civique, instruction militaire …) aux Indiens de manièreà en faire de bons citoyens brésiliens3. Ces mesures furent extrê-mement dommageables pour les Indiens.

Trois ans plus tard, l’objectif était, à terme, de transformer lesIndiens en de petits agriculteurs sédentaires, de façon à laisser libreà la colonisation l’immensité du territoire où ils avaient l’habitudede nomadiser, libre à la colonisation. Le SPI fut alors transféré denouveau au ministère de l’Agriculture4, jusqu’en 1967.

C’est surtout à partir des années 50 que le SPI a entamé sondéclin. Les fonds qui lui furent alloués étaient insuffisants pourqu’il puisse assurer la protection des Indiens, si bien qu’ils furentvictimes de nombreux abus. De plus, le personnel en place était

1. Notion utilisée par Christian Gros, Pour une sociologie des populations indiennes etpaysannes de l’Amérique Latine, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 168. La « déculturation » estla dégradation culturelle sous l’influence d’une culture dominante. Cette notion, couplée à lanotion de « reculturation » ont été instituées par Jean Poirier : J. Poirier, « Ethnies et cul-tures », in Ethnologie régionale, Paris, Gallimard, Encyclopédie de la Pléiade, 1972, pp. 24-25.2. Décret n° 24.700 du 12 juillet 1934.3. Décret n° 736 du 6 avril 1936.4. Décret n° 1735 du 3 novembre 1939.

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inapproprié et mal payé, la corruption allait bon train. En 1967, Legénéral João Baptista de Oliveira Figueiredo entreprit la réalisationd’une vaste étude sur l’action du SPI, pour redorer l’image du Bré-sil sur la scène internationale. Or, c’est un catalogue d’actions cri-minelles contre les Indiens qui ressortit de l’enquête : le documentde cinq mille pages listait des meurtres en masse, des actions detorture et de guerre bactériologique, des comportements esclava-gistes, des viols, vols et négligences qui entachaient l’action duSPI. Ainsi, il était possible d’y lire que la variole avait été délibé-rément inoculée aux Indiens Pataxo ; que des Indiens Tapayuna(Beiços de Pau) avaient été empoisonnés à l’arsenic ; que des pro-priétaires terriens avaient donné de l’alcool à des Maxacali et lesavaient abattus alors qu’ils étaient saouls ; et la liste était longue1…

Selon Survival International, le Rapport Figueiredo mettait di-rectement en cause cent trente-quatre fonctionnaires du SPI, accu-sés de plus de mille crimes. Aucun ne fut condamné à une peinesévère. Le rapport ne fut pas publié mais il fit assez de remous auBrésil pour qu’un journaliste britannique, Norman Lewis, mèneson enquête. Il en résulta une première de couverture dans le Sun-day Time, intitulée « Genocide » et publiée dans le monde entier.Cela provoqua une vague de protestations et la création de plu-sieurs ONG internationales qui se rendirent au Brésil pour porterassistance aux Indiens. Parmi celles-ci figurent notamment Survi-val International, la Croix Rouge et The Aborigines ProtectionSociety. Le SPI fut aboli et immédiatement remplacé par l’organede protection des Indiens encore en place aujourd’hui : la Fun-dação Nacional de Assistência aos Indios [Fondation nationaled’assistance aux Indiens – FUNAI].

1. Darcy Ribeiro, 1973, op. cit., p. 133 et p. 265.

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3. SPI-FUNAI : d’un échec à l’autreLe nouvel organe étatique de protection des Indiens prit immé-

diatement la relève du SPI. Cependant, il n’y avait pas de change-ments majeurs dans l’esprit du nouveau service. Il fut même dé-noncé comme étant pire par certains ethnologues brésiliens :

« Le programme de la Fondation nationale d’assistance auxIndiens (FUNAI) est de devenir autosuffisant d’ici peud’années, au moyen de l’exploitation des richesses desterres indigènes et de la force du travail des Indiens »1.

La politique indigéniste au service des « intérêts nationaux »

Avec la militarisation du pouvoir en 1964, une politiqued’occupation systématique de l’Amazonie fut pratiquée, dans uneperspective de développement économique du Brésil et de sécuriténationale. Divers plans furent imaginés de manière à attirer lesintérêts économiques marchands dans la région.

La FUNAI et le Statut de l’IndienL’organisme étatique de protection des Indiens depuis la chute

du SPI, en 19672, s’appelait désormais la Fundação Nacional deAssistência aos Indios [Fondation nationale d’assistance aux In-diens – FUNAI].

Elle fut placée sous le contrôle du ministère de l’Intérieur, cequi était source de conflits, puisque le ministère suivait les objec-tifs d’expansion de la société nationale tandis que la FUNAI géraitles intérêts (notamment fonciers) des Indiens.

La loi n° 6.001, du 10 décembre 1973, communément connuesous le nom de « Statut de l’Indien », vint compléter les statuts dela FUNAI, en la chargeant de la tutelle des Indiens. Toujours envigueur aujourd’hui, elle donne un véritable statut juridique auxIndiens et leur garantit un certain nombre de droits. Ce Statut del’Indien avait notamment pour but d’améliorer l’image du Brésil àl’étranger, suite au scandale du Rapport Figueiredo concernant lespratiques du SPI.

1. Id, p. 149.2. Promulgation de la loi n° 5.371 le 5 décembre 1967.

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Le Statut insiste sur la nécessité de préserver la culture indi-gène1 par le droit de possession des terres pour les Indiens qui lesoccupent. Mais il contient aussi des clauses préjudiciables auxIndiens ; l’esprit même du texte demeure très assimilationniste. Lepremier article prône « l’intégration progressive et harmonieusedes Indiens et des communautés indigènes à la communion natio-nale ». L’indianité est considérée comme une phase temporaire, lesIndiens étant automatiquement voués à être intégrés dans la sociétébrésilienne. A cette fin, les Indiens sont classés selon leur degréd’acculturation : « isolés », « en voie d’intégration » et « inté-grés ». Ces derniers jouissent du plein exercice de leurs droits ci-vils, même s’ils restent sous la tutelle de la FUNAI. Le Statut del’Indien prévoit la possibilité de s’émanciper du régime tutélaire,sous certaines conditions. Cette émancipation s’accompagne de laperte de tous les droits liés à leur condition d’Indiens (et donc laperte du droit à la terre).

Enfin, le Statut de l’Indien prévoit des clausesd’expropriation : la propriété pleine n’est pas reconnue aux In-diens ; ils peuvent être déplacés de leurs propres terres pour desraisons de sécurité nationale, ou encore pour permettre la construc-tion d’ouvrages tels que des routes, des barrages ; des autorisationsde prospection et d’extraction minière peuvent être accordées auxcompagnies brésiliennes et la FUNAI peut louer certaines terresindigènes2.

Donc, si l’incompétence civile des Indiens avait, dans les an-nées 1970, l’avantage de préserver leur patrimoine, elle avait aussiun gros inconvénient : le tuteur des Indiens demeurait l’Etat, quiavait été l’un de leurs agresseurs les plus assidus.

L’eldorado amazonienLes militaires voulaient faire décoller économiquement le

pays, pour en faire une puissance hégémonique sur le continentlatino-américain. Il s’agissait alors d’exploiter les richesses natu-relles du Brésil, et la région amazonienne regorgeait de richesses :

1. Dominique Buchillet, 1996, op. cit., p. 85.2. Bruce Albert, « Indian lands, environmental policy and military geopolitics in the devel-opment of the Brazilian Amazon », Development and Change, La Hague, vol. 23, n° 1,1992, p. 38.

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minerais, or, produits de la forêt (noix…), bois précieux. De plusl’Amazonie était un vaste territoire inoccupé, « sinon par quelquesIndiens ». Dès lors, ceux-ci apparurent comme une entrave au dé-veloppement de l’économie. Il fallait donc les chasser de leursterritoires, soit en les incorporant comme main d’œuvre dans lesfazendas, soit en les exterminant.

Le développement du Brésil devait passer par l’occupation del’ensemble de son territoire par les Nationaux, et par la construc-tion d’infrastructures pour permettre la progression de la frontièreéconomique, d’autant plus que l’Amazonie est une région multi-frontalière, donc « sensible ». Quoi de mieux pour en garantir la« brésilianité » que d’y installer durablement des brésiliens. Dès lesannées 1970, fut officiellement instauré un Plan d’intégration na-tionale (PIN) dont le but était le peuplement et la mise en valeur del’Amazonie. Ce plan permettait aussi par la même occasion derésoudre le problème des petits paysans sans terres.

Le PIN avait trois sortes d’objectifs : économiques, sociopoli-tiques et géopolitiques. Les instruments de cette politique rési-daient dans la création de routes (dont la Transamazonienne est laplus connue), la construction de barrages hydroélectriques (le Tu-curui), la colonisation publique, les aides fiscales et les créditssubventionnés pour l’élevage et l’industrie. Une politique allé-chante couplée à un règlement foncier bienveillant provoquèrent unafflux massif et incontrôlable d’acteurs de toute sorte, en quête deterre. Ceci eut un impact brutal sur la forêt et les Indiens amazo-niens qui étaient restés jusqu’ici relativement isolés de la civilisa-tion. Ce modèle était très prédateur : en l’espace de vingt ans, unesuperficie grande comme la France a été déboisée et les rivières ontété polluées au mercure (utilisé par les orpailleurs)1. Malheureuse-ment pour les Indiens, le « miracle brésilien » des années soixante-dix fut synonyme pour eux de massacres, déportations et spolia-tions2.

1. Bruce Albert, « Les sociétés autochtones : territorialité, ethnicité et écologisme » indossier Brésil : Enjeux amazoniens, Orstom Actualités, Paris, n° 42, 1994, p. 14.2. Bruce Albert, « Les Indiens et la Nouvelle République », Les Temps Modernes, Paris,n° 491, juillet 1987, p. 122.

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La militarisation de la politique indigénisteLes objectifs du PIN, on le comprend bien, contredisaient les

objectifs de reconnaissance des terres indigènes. Dans le contextedu PIN, la FUNAI devenait gênante pour le gouvernement puis-qu’elle était chargée de la délimitation des terres indigènes, délimi-tations qui entraient souvent en conflit avec les intérêts des nou-veaux colons, et plus particulièrement des propriétaires de fazen-das.

Le gouvernement militaire du général João Baptista de Olivei-ra Figueiredo (1979-1985) fit donc en sorte d’affaiblir la FUNAIen la démembrant dans une sorte de projet de régionalisation. Ceprojet, en 1980, prévoyait la création de « Conseils indigénistesrégionaux » destinés à « promouvoir l’articulation del’administration des affaires indiennes aux autorités municipales etrégionales »1. Dans ces conditions, on comprend bien que les inté-rêts locaux et surtout les acteurs de la politique locale (systèmeclientéliste) favorisaient une spoliation des territoires indigènes auprofit des intérêts économiques locaux. D’autant plus que les mili-taires au pouvoir annulèrent les prérogatives d’homologation desterres indigènes de la FUNAI : un décret présidentiel2 associait leConseil de sécurité nationale (CSN)3 et le Service nationald’information (SNI) aux travaux de la FUNAI. Il s’agissait d’unevéritable infiltration des militaires et de leurs organes de sécurité,défense nationale, services secrets, dans l’organe indigéniste. LaFUNAI n’était plus en mesure de défendre pleinement les intérêtsdes Indiens dans une pareille situation.

Le gouvernement Figueiredo avait également signé, en no-vembre 1983, un décret4 légalisant la prospection et l’exploitationminière sur les terres indigènes. Mais ce décret ne fut jamais ré-glementé5.

1. Id., p. 124.2. Décret n° 88.118 du 23 février 1983 et arrêté de réglementation du 17 mars 1983.3. Devenu le SADEN.4. Décret 88.985 de 1983.5. La réglementation est la condition juridique nécessaire pour l’application d’un décret.

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Mouvement pro-indien et contestations indigènes

Devant la montée en puissance de l’intervention de l’Etat enAmazonie et l’expansion des intérêts économiques, une séried’acteurs de la société civile s’organisèrent pour pallier les défi-ciences de l’Etat en matière de protection des droits et coutumesdes sociétés indigènes. Dans la foulée, un mouvement indigène vitle jour ; c’était l’éveil des Nations indigènes.

La création du CIMI et l’essor des ONGDans la lignée de Bartolomé de Las Casas, des missionnaires

formèrent les deux premières ONG pro-indigénistes au Brésil1.Elles joueront un rôle important dans la politique indigéniste jus-qu’à nos jours. L’OPAN (Operação Anchieta) fut créée en 1969.Le CIMI (Conselho Indigenista Missionario) fut créé en 1972, pardes missionnaires catholiques influencés par la théologie de lalibération. L’indigénisme missionnaire et sa doctrine d’« optionpréférentielle pour les pauvres », se portaient désormais comme lesdéfenseurs de l’altérité indienne. Le CIMI se confronta, au nom desintérêts des Indiens, aux groupes économiques et au gouvernementbrésilien et fut actif dans le domaine législatif notamment, en pro-posant divers textes aux autorités.

Dès sa création, le CIMI encouragea les dirigeants indiens à seréunir dans de grandes assemblées, où se formèrent les premiersgermes de la lutte pour le droit à la diversité culturelle des Indiensdu Brésil. Dès les années 1970 et 80, une concurrence entre lesdifférentes ONG et organisations pro-indigénistes2 était déjà ob-servable. Les premières assemblées régionales eurent lieu au débutdes années 70 et furent sponsorisées par le CIMI (quinze réunionsentre 1974 et 1980)3.

A la fin des années 70, les ONG indigénistes se professionnali-sèrent de façon à pouvoir efficacement relayer les demandes desIndiens au niveau national. Les ONG n’avaient pas toutes le mêmechamp d’action. Par exemple, le Centro de Trabalho Indigenista

1. Bruce Albert, « Territorialité, ethnopolitique et développement », Cahiers des AmériquesLatines, Paris, n° 23, 1996, p. 186.2. Alcida Rita Ramos, 1998, op. cit., p. 103.3. Bruce Albert, 1996, op. cit., p. 186.

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(CTI), basé à São Paulo, concentrait ses projets de développementsur les Indiens Kraho de l’Etat de Goias, les Sateré-Mawéd’Amazonas et les Waiãpi de l’Amapa ; la Commission pour lacréation du parc Yanomami (CCPY)1 s’occupait, quant à elle, ex-clusivement des Yanomamis ; tandis que l’Institut socio-environnemental (ISA, initialement CEDI2), s’intéressait autantaux questions indigènes qu’aux questions environnementales.

Dès les années 70, les ONG brisèrent le monopole de la FU-NAI en matière de politique indigéniste, et pallièrent les lacunes del’Etat en jouant un rôle d’assistance à différents niveaux et dansdifférents domaines. Nous verrons par la suite qu’à partir des an-nées 80, les ONG ont porté les revendications des Indiens sur lascène internationale, de manière à pouvoir atteindre plus efficace-ment le niveau national.

L’éveil des Nations indigènesSuite à l’action des ONG pour encourager les Indiens à prendre

conscience de la nécessité de faire valoir leurs droits civiques etpolitiques, un petit nombre d’organisations indiennes ont vu le jourau début des années 80 - même si ce n’est qu’après la promulgationde la Constitution de 1988 qu’elles se sont multipliées.

Dans les assemblées organisées au début des années 70, les In-diens avaient revendiqué leur différence culturelle non pas en tantqu’Indiens « génériques »3, mais en tant que peuples distincts ausein de la Nation brésilienne. Les Indiens sont avant tout Xavante,Kayapó, Yanomami, Kaingang, etc. Dès lors, le terme « Indien »ne fut plus considéré comme péjoratif ou discriminatoire.

C’est en 1980, que la première organisation pan-indienne a étécréée, sous le nom de União das Nações Indígenas (UNI). Dès sacréation, l’UNI s’est trouvée dans une situation de confrontationavec la FUNAI qui ne tolérait pas qu’une organisation indigène pûtexister- les Indiens étant sous la tutelle de la FUNAI - et, pire en-core, pût contester la politique indigéniste officielle. De plus, leterme « Nation indigène » scandalisait les militaires. En effet, ilscraignaient que ce type d’organisation n’encourageât les commu-

1. Créée en 1978, et rebaptisée par la suite Comissão Pró-Yanomami.2. Instituto SocioAmbiental et Centro Ecumênico de Documentação e Informação.3. Cf. les prédictions de Darcy Ribeiro.

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nautés indiennes à fomenter des mouvements séparatistes. Laquestion indigène figurait d’ailleurs toujours dans les préoccupa-tions de sécurité nationale.

Suite à cela, de malicieuses concessions furent accordées parles militaires : des postes au sein de la FUNAI furent proposés en1982 à certains membres du premier directoire d’UNI, y comprisau président de l’organisation1. Un Indien fut nommé chef du per-sonnel de la FUNAI, et un autre Directeur du Parc du Xingu. Ceciétait évidemment une stratégie de déstabilisation puisque les In-diens nommés devaient en toute logique démissionner de l’UNI.Autrement dit, l’UNI serait devenue une organisation indigèneavec une direction salariée de l’organe officiel de la politique indi-géniste, la FUNAI.

Un Indien Xavante, Mario Juruna, fut élu la même année à laChambre fédérale des représentants pour un mandat de quatre ans.C’était la première fois qu’un représentant indigène était élu auParlement. Mario Juruna s’illustra dans son rôle de représentantfédéral, par des discours enflammés dans lesquels il fustigeait laFUNAI et la politique indigéniste du gouvernement. S’il n’a pasjoué de rôle déterminant dans le mouvement indigéniste naissant,faisant trop souvent cavalier seul, néanmoins, comme le fait re-marquer Ailton Krenak, « il a donné une identité à la parole indi-gène au niveau national », permettant ainsi au mouvement de se« structurer dans l’espace qu’il ouvrait par sa personnalité et saprésence politique hors du commun »2. Cependant, il ne représen-tait pas vraiment une menace pour le gouvernement militaire dansle sens où il bénéficiait d’une immunité : sa condition d’Indienexcusait en quelque sorte ses propos, puisque, étant relativementincapable et sous la tutelle de la FUNAI, il n’était pas pleinementresponsable de ses paroles. De plus, ses allées et venues hors dupays étaient soumises à l’obtention d’un passeport dont la demandedevait être formulée à la FUNAI. C’est ainsi qu’en novembre 1980,lorsque Mario Juruna fut invité à participer au tribunal Russell, à

1. Survival, « Entretien avec Ailton Krenak », président de l’UNI ; propos recueillis parCarlos Alberto Ricardo et Robin Wright, Ethnies, Paris, vol. 5, n° 11-12, 1990, p. 8.2. Mario Juruna avait bien cerné la politique des Blancs. Il utilisait ainsi un dictaphone aveclequel il enregistrait les promesses que lui faisaient les représentants officiels (et qu’ils nerespectaient jamais). Sa technique l’avait rendu célèbre et faisait le régal des journauxnationaux. Cf. Survival, « Entretien avec Ailton Krenak », 1990, op. cit., p.8.

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Rotterdam, la FUNAI lui refusa la délivrance d’un passeport, depeur qu’il ne dénonçât comme ethnocide les crimes du Brésil1. Ausu de cette réalité tutélaire, Mario Juruna était utilisé par les diri-geants de son parti politique comme un symbole d’oppression sousle régime militaire. Il représentait une petite porte ouverte pour lescritiques contre le régime, mais n’était en aucun cas pris au sé-rieux. Par conséquent, dès le retour de la démocratie, Mario Jurunan’était plus utile et fut peu à peu écarté de la scène politique.

Les dirigeants d’UNI ont eu à cet égard plus d’influence carils avaient opté pour une stratégie sur le long terme, visant à faireprendre conscience, aux niveaux régional et national, de la valeurdes cultures indiennes et de l’importance de les préserver. Cepen-dant, dès la fin des années 80, UNI cessa d’être active. Elle futnéanmoins relayée par une myriade d’organisations indiennescréées après la nouvelle constitution.

De manière générale, le mouvement pro-indigéniste était trèsmal perçu par les militaires qui voyaient dans chaque revendicationdes Indiens une menace pour la sécurité nationale. L’une de leursréactions fut la proposition par le ministre de l’Intérieur, RangelReis, d’une série de critères d’indianité, tels que les Indiens qui enétaient dépourvus seraient émancipés (contre leur gré)2. Si c’était lecas, après avoir perdu leur culture, ils perdraient tous les droits quis’y rattachaient : le droit à un territoire, à la protection de la FU-NAI, etc. De grands mouvements de contestation éclatèrent, no-tamment de la part d’ONG internationales telles que Survival In-ternational, si bien que le gouvernement fit marche arrière3. Unautre moyen de pression de la part des militaires, fut de restreindrel’accès des territoires indigènes aux anthropologues.

Les années 70 furent donc une période d’éveil politique d’unepetite partie des Indiens brésiliens. Eux qui n’avaient jamais eu lapossibilité de participer à la vie politique du pays, ils commencè-rent à se structurer de manière à jouer un rôle, du moins média-tique, et à devenir les propres acteurs de leur cause. Cependant, lerôle à jouer était encore minime puisque les droits des Indiens res-

1. A ce sujet, voir Alcida Rita Ramos, 1998, op. cit., pp. 104-114.2. Alcida Rita Ramos, « A Hall of mirrors, the rhetoric of indigenism in Brazil », Critique ofAnthropology, Londres, vol. 11, n° 2, 1991, p. 164.3. Survival, « Dépossédés, les Indiens du Brésil », Ethnies, Paris, n° 28, 2002, p. 18.

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taient soumis à leur degré d’acculturation. Or, c’étaient les Indiensles moins acculturés qui avaient le plus intérêt à défendre leursdroits, surtout territoriaux. Ainsi, certains groupes allaient jouer lacarte de l’altérité indienne, qui devint alors une source de puis-sance. Ce fut le cas des Kayapó, qui jouèrent un rôle important lorsde l’assemblée constituante de la constitution de 1988. Une autrestratégie, pour les plus acculturés, fut de se fondre dans la sociéténationale afin d’employer les voies d’accès nationales pour entreren politique. Ce fut, par exemple, le cas de Mario Juruna. Ce der-nier fut quand même instrumentalisé par les militaires puisqu’ilétait sous leur tutelle, ainsi que par les membres de son propreparti, puisqu’il fut éliminé de la scène politique une fois l’horizonplus clément. Cependant, à cette époque, le mouvement indigénistenaissant ne représentait qu’une infime fraction des peuples autoch-tones brésiliens. De plus, les dirigeants de ces mouvements, sou-vent coupés de leurs communautés d’origine et éduqués dans lesvilles, pouvaient être considérés comme des étrangers par lescommunautés villageoises1 qui ne percevaient pas forcémentl’intérêt d’adopter des manières de faire occidentales. Ainsi, ceuxqui faisaient avancer la cause indigène au niveau national et inter-national n’étaient pas forcément perçus positivement par leurs ho-mologues Indiens. On n’observe d’ailleurs toujours pas de rallie-ment autour de ces figures.

1. Alcida Rita Ramos, 1998, op. cit., p. 142.

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Chapitre 2

La Nouvelle République : Sarney et l’espoir déçu

1. De grandes espérancesLa transition démocratique au Brésil s’amorça sous

l’impulsion des élections présidentielles de 1985. Le candidat Tan-credo Neves, qui allait être élu Président, faisait campagne pour lecompte de l’Alliance démocratique, parti politique, récemmentlégalisé, d’opposition au régime militaire en place. Lors de la cam-pagne précédant les élections, Tancredo Neves ouvrit le dialogueavec les représentants indigènes et indigénistes, leur faisant entre-voir un changement dans la politique indigéniste. La grande nou-veauté reposait dans le fait que, pour la première fois, les indi-gènes, par leurs représentants directs (UNI et les ONG indigé-nistes), devenaient des interlocuteurs valables aux yeux du futurPrésident.

La session « Indio e Estado » organisée à la Chambre desdéputés, en novembre 1984, était chargée d’espoir pour les peuplesindigènes du Brésil. Le dialogue semblait enfin ouvert. En témoi-gnait aussi le document de synthèse remis par UNI à TancredoNeves, qui se porta comme le mandataire de la demande de « ré-forme démocratique de la politique indigéniste nationale »1. Maisétait-ce pure rhétorique ? Car cette période transitoire entre gou-vernement militaire et gouvernement civil résultait du bon vouloirdes militaires, dès lors qu’ils restaient très influents sur la scènepolitique.

Nul ne saura les véritables intentions de Tancredo Neves,puisqu’il décéda quelques mois plus tard, avant même d’être rentrédans ses fonctions. Il fut remplacé par José Sarney, nommé Prési-dent intérimaire par les militaires. José Sarney était l’ex-Présidentdu parti démocratique social, qui avait soutenu la dictature issue ducoup d’Etat de 1964. C’est là que le bât blesse : le nouveau gou-vernement civil restait sous la tutelle des militaires. Contrairement

1. Bruce Albert, 1987, op. cit., p. 121.

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aux promesses électorales de Tancredo Neves, le nouveau Prési-dent s’attaqua à la question indigène d’une manière tout à fait inat-tendue : de la même manière que les militaires. La politique indi-géniste allait connaître des changements, mais aux antipodes desintérêts des Indiens. Il s’agissait d’une véritable régression poli-tique ou d’un « lapsus politique » selon l’expression de Bruce Al-bert1.

2. De grandes déceptionsJosé Sarney n’avait pas tenu compte des promesses de Tancre-

do Neves ; pire encore, il poursuivait la politique des militaires, àsavoir une spoliation des terres au profit de l’intérêt national. En1986, il entreprit des réformes se révélant néfastes pour les In-diens : gel de la démarcation des terres indigènes, décentralisationde la FUNAI et autorisation de la prospection minière sur les terresindigènes.

Le gel de la démarcation des terres indigènes

Depuis le décret présidentiel n° 88.118 du 23 février 1983 ré-glementant la procédure de délimitation des terres indigènes, leConseil de sécurité national était associé aux décisions de la FU-NAI, ce qui bloquait le processus d’homologation des terres. Enquelque sorte, les militaires avaient un accès direct aux décisionsde la FUNAI, vidant de sa substance l’organe étatique en charge deprotéger les Indiens.

Le gouvernement Sarney continuait dans cette voie, tant et sibien qu’en décembre 1985, aucune procédure d’homologation deréserve territoriale indigène n’avait été faite (soit au bout de neufmois de pouvoir) :

« Le décret 88.118 du général Figueiredo, vestige de la dic-tature militaire, loin d’être abrogé, fut délibérément utilisépar le gouvernement Sarney, à la fois comme mécanismede spoliation généralisée et, suivant en cela l’exemple de

1. Id., p. 122.

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l’administration précédente en l’amplifiant encore, commeinstrument de blocage »1.

Le Secrétaire du Conseil de sécurité nationale et chef du cabi-net militaire du Président José Sarney, le général Bayma Denys,poussait même à redéfinir les territoires indigènes comme desterres productives appartenant à l’Union, et dont un module de centhectares serait alloué par famille. Il était également le promoteur del’idée selon laquelle l’Etat ne devait pas accorder de terres indi-gènes aux groupes situés géographiquement sur une zone fronta-lière et répartis de part et d’autre de la frontière. Par exemple, lesYanomamis sont situés sur la zone frontalière avec le Venezuela. Ily a donc des Yanomami brésiliens et des Yanomami vénézuéliens.Le général craignait un ralliement des Yanomami brésiliens etvénézuéliens dans des revendications séparatistes. C’est ce qui futà l’origine du projet Calha Norte, comme nous le verrons par lasuite.

La réorganisation de la FUNAI

Suite à la démission du 13e Président de la FUNAI2, ApoenaMireilles début 1986, une commission interministérielle fut misesur pied dans le but de formuler un projet de restructuration de laFUNAI. Il fut décidé de décentraliser la FUNAI de manière à sup-primer la majeure partie de l’administration centrale à Brasilia, etde créer des « super intendances exécutives régionales », aunombre de six3. A cela s’ajoutait une « Super intendance des ques-tions foncières » à Brasilia4. Tout fut fait sans concertation aucuneavec les organisations indigènes. Si bien que, lorsque la nouvelleadministration fut créée, des mouvements de protestation éclatèrentchez les Indiens. Néanmoins, nonobstant leur prise de position,José Sarney signa le même jour, le décret n° 92.470, qui entérinaitla nouvelle organisation de la FUNAI.

Dès lors, c’est au niveau régional que les activités relatives aurecensement – crucial pour la démarcation des territoires indigènes– et à l’utilisation des ressources naturelles situées sur les terri-

1. Id., p.125.2. Cf. Annexe 2 : Les présidents de la FUNAI.3. à Bélém, Cuiaba, Curutiba, Goiania, Manaus et Récife.4. Décret n° 92.470/86.

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toires indigènes, étaient planifiées, coordonnées, exécutées et ac-compagnées. Ceci portait préjudice aux communautés indigènes,puisque ce genre de prérogatives au niveau régional favorisait lescomportements clientélistes et la corruption. De plus, il est évidentque ces mesures n’étaient pas faites pour le bien des Indiens, maisqu’elles favorisaient les intérêts économiques du pays. Il s’agissaitd’une reconnaissance légale de la spoliation planifiée des terresindigènes.

La prospection minière en terres indigènes

Nous avons vu précédemment1 les manœuvres del’administration Figueiredo pour tenter de légaliser la prospectionet l’exploitation minière sur les territoires des Indiens. Or, c’est unarrêté ministériel du gouvernement Sarney qui, en juillet 1985,donna le pouvoir au Directeur du Département national de produc-tion minière (DNPM), radicalement anti-indien, de signer directe-ment les autorisations de prospection minière (alors que le décretFigueiredo n’était pas encore réglementé). En l’espace de quelquesmois, les autorisations augmentèrent de près de 124 %2 ! Suite auxprotestations de l’UNI et du CIMI, le ministre des Mines et del’Energie annula les autorisations et mit en place un groupe detravail3 pour créer une réglementation au décret 88.985, ce qui futfait deux ans plus tard, et ne résolut en rien le problème pour lesIndiens, puisque la finalité était de réguler l’exploitation minièresur leurs terres. Le rapport du groupe de travail ne fut jamais rendupublic. Et les concessions de prospections dénoncées ne furent pasannulées. Cependant, aucune nouvelle concession ne fut octroyéepar après. La conséquence fut une explosion des titres miniers enAmazonie, entre 1985 et 19864, affectant les terres indigènes defaçon considérable.

1. Voir Chapitre 1.2. Bruce Albert, 1987, op. cit., p. 132.3. Arrêté commun du ministre des Mines et de l’Energie et du ministre de l’Intérieur, n° 692,prorogé par l’arrêt n° 1.332.4. Cf. Annexe 9 : évolution de l’exploitation minière dans les TI.

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3. Intérêts géopolitiques et sécurité nationale

Le projet Calha Norte

Proposé en juin 1985, quelques mois avant la Nouvelle Répu-blique, le projet Calha Norte (PCN) émanait de Bayma Denys, leSecrétaire du Conseil de sécurité nationale. Le concept reposait surl’occupation militaire systématique de la zone frontalière se situantau nord du cours de l’Amazone-Solimoes (la rive gauche), et ledéveloppement économique de la région. Les mots d’ordre étaientsécurité nationale et développement. En tout, ce n’était pas moinsde 14 % du territoire national brésilien qui était concerné1. Enoutre, le projet affectait cinquante-six ethnies, soit 53 700 individusreprésentant 25 % de la population indienne du Brésil2. Concrète-ment, la région nord-amazonienne se voyait divisée en trois zones :la zone riveraine (d’occupation plus traditionnelle), la zone fronta-lière (Colombie, Venezuela et les trois Guyanes) et la zone inté-rieure. C’est sur la zone frontalière qu’allait se concentrer le PCN,tout d’abord en délimitant une bande de cent cinquante kilomètresde large, tout le long des 6 500 kilomètres de frontières.

Le côté positif du projet était la construction d’un réseaud’hôpitaux le long de la frontière au nord3, et la volonté affichéed’améliorer les services sociaux et le niveau de vie des populationslocales4. Cependant, le PCN restait avant tout un projet de déve-loppement économique qui visait à attirer les investissementsétrangers et à exploiter les ressources naturelles situées dans lazone concernée et sur les territoires indigènes.

Le PCN prévoyait quatre axes fondamentaux d’intervention,dont le troisième consistait en une « politique indigéniste appro-priée, coordonnée avec celles des pays voisins et prenant encompte les dimensions politiquement sensibles de la question indi-gène ainsi que ses répercussions internationales ; [un] renforcement

1. Marcio Santilli, « Projet Calha Norte : Politique indigéniste et frontières Nord-amazoniennes », Ethnies, Paris, n° 11-12, 1990, p. 113. Il s’agit d’environ 6500 kilomètresde frontière avec la Colombie, le Venezuela et les trois Guyanes.2. Bruce Albert, « Développement amazonien et sécurité nationale », Ethnies, Paris, n° 11-12, 1990, p. 116.3. Alcida Rita Ramos, 1991, op.cit., p. 165-166.4. SG/CSN 1988 : 12-17, 19-23, cité dans Bruce Albert, 1990, op. cit., p. 119.

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de la FUNAI en matière de protection et d’assistance aux popula-tions indigènes »1. Dans la pratique ceci se traduisit par le filtragedes demandes de démarcation des terres indigènes par un groupede travail, selon les indications du Conseil national de sécurité, àsavoir que devaient être exclues des délimitations les terres sui-vantes : 1) les territoires situés dans des zones de frontière ; 2) ceuxdont la superficie était considérée comme trop importante ; 3) ceuxsitués près de villes ; 4) ceux coupés par des voies de communica-tion. L’application de ces critères engendrait une réduction dras-tique des territoires indigènes. Par exemple, les Tikunas ne pou-vaient obtenir que 10% de leur territoire effectif2.

De manière générale, le PCN consistait à réduire les terres in-digènes de façon à sédentariser les Indiens et libérer les terres pourdes compagnies de prospection minière et ainsi attirer les investis-sements dans la région. Il s’agissait clairement d’une politiqued’acculturation forcée des Indiens. A cela s’ajoutait un isolementpolitique, puisque l’accès aux territoires des Indiens était soumis àhabilitation par le PCN. En étaient donc exclus les militants pro-indigénistes, les représentants d’organisations indiennes, les an-thropologues et missionnaires engagés, pour éviter le développe-ment de velléités séparatistes des ethnies frontalières. De cettemanière, l’assistance sanitaire, éducative, économique, alimentaire,fut uniquement promulguée par les militaires, pour créer une dé-pendance irréversible chez les Indiens. Ainsi, ils seraient plus faci-lement manipulables et corruptibles avec l’intrusion sur leur terri-toire d’entreprises d’extraction3.

Une seule ethnie était explicitement nommée par le PCN : lesYanomami. En effet, c’est une ethnie nombreuse et dispersée surun territoire de 94 191 kilomètres carrés, répartis le long de la fron-tière et sur les Etats de Roraima et Amazonas. De plus, elle estreprésentée par la Commission pro-Yanomami (CCPY), une ONGbrésilienne influente créée en 1978, qui milite pour la démarcationd’un parc Yanomami. Ceci était vu d’un très mauvais œil par lesmilitaires, qui craignaient des mouvements séparatistes de la part

1. Extrait de l’exposé des motifs n°018/85 (19/6/85) du SG/CSN, cité dans Bruce Albert,1990, op. cit., p. 119.2. Bruce Albert, 1987, op. cit., p. 138.3. Marcio Santilli, 1990, op. cit., p. 113.

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de ces Indiens binationaux (Brésil-Venezuela), de mieux en mieuxorganisés, et soutenus par des organisations internationales1.

La duperie de la création du Parc Yanomami

Le Projet Calha Norte eut pour conséquence directe le règle-ment de la question foncière en territoire Yanomami. L’associationCCPY militait depuis 1978 pour la création du Parc, et la visibilitéinternationale donnée à cette question poussa les militaires à agirrapidement. Le Conseil national de sécurité, de qui dépendaitl’autorisation de démarcation des terres indigènes, depuis le décretn° 88.118, avait opposé son veto à la proposition de la FUNAI, en1985, de démarquer un parc yanomami continu de 94 191 kilo-mètres carrés. En 1988, à grand renfort de couverture médiatique,le gouvernement brésilien annonça la création d’un parc yanomamide 80 000 kilomètres carrés. Il s’agissait de l’arrêté n°160, modifiéen novembre par l’arrêté n° 2502.

Or, dans la réalité, cette réserve n’avait rien à voir avec le plande parc yanomami proposé par la FUNAI : il s’agissait d’un écla-tement du territoire yanomami en vingt-deux zones régies par dif-férents statuts administratifs de telle façon que ces territoires nesoient pas protégés contres les activités d’extraction. Ainsi, troisunités territoriales furent délimitées (deux forêts nationales et uneréserve, soit 61 097 kilomètres carrés) au sein desquelles furentdécoupées dix-neuf aires indigènes, éparpillées dans les trois unitésécologiques, représentant 24 352 kilomètres carrés3.Dès lors, seuls les dix-neuf « îlots » yanomami4 relevaient du droitdes terres indigènes (droit de possession permanente et usufruitexclusif des Indiens) ; sur les forêts nationales et la réserve, ilsbénéficiaient d’un « usage préférentiel », sans que fût précisé enquoi cela consistait.

Au Brésil, les forêts nationales relèvent du Code forestier5.Selon son article 5, les forêts nationales sont destinées à

1. Bruce Albert, 1990, op. cit., p. 117. Il cite le terme d’ « Etat Yanomami indépendant »employé par les militaires (cf. SG/CSN 1985 : 4-5).2. Au sujet des arrêtés 160 et 250, voir Bruce Albert, 1992, op. cit., p. 40.3. Bruce Albert, 1990, op. cit ., p. 121.4. Cf. Figure 1 : Le démembrement du territoire yanomami.5. Loi 6.771 du 15 septembre 1965.

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l’exploitation commerciale du bois et des ressources du sous-sol1.Si bien que, dès juillet 1989, le ministre des Mines et de l’Industrieavait annoncé la création de trois réserves d’orpaillage dans la Fo-rêt nationale de Roraima, hors territoire yanomami. Clairement, cesstatuts fonciers ne permettaient pas, comme le voulait la nouvelleConstitution de 1988, une occupation permanente et un usage ex-clusif des terres indigènes par les Indiens.

Figure 1

Source : Survival, Ethnie, Paris, vol. 5, n° 11-12, 1990, p. 118.

1. Décret n° 97.627 du 10 avril 1989 : « les activités d’exploitation de sous-sol ne sont pasincompatibles avec le concept de forêt nationale ».

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La figure de la « colonie » indienne

Les militaires avaient inventé une nouvelle stratégie pour inté-grer les Indiens contre leur gré. Il s’agissait de la notion de « colo-nie indienne »1. Partie intégrante du Plan Calha Norte, les « colo-nies indiennes » seraient les terres indigènes destinées aux Indiensacculturés, tandis que les autres Indiens bénéficieraient de mesuresprotectionnistes dans des « aires indigènes ». Le décret n° 94.946du 23 septembre 1987 créant ces nouvelles catégories foncières,stipulait que la FUNAI devait promouvoir le « développement » et« l’intégration progressive » des habitants des colonies indigènes.Cependant, cette initiative fut sans lendemain puisque la nouvelleConstitution de 1988 la rendit inconstitutionnelle.

Le nouveau concept fut expérimenté sur les Indiens Tukano dePari Cachoeira (région du Haut Rio Negro), avec leur « consente-ment ». Il s’agissait d’un marché forcé par les circonstances entreles Tukano et la compagnie minière Paranapanema.

En effet, des Indiens Tikuna du Haut Solimões (Amazonas),ayant refusé de négocier avec les militaires, s’étaient retrouvés sansprotection, et avaient fait les frais de convoiteurs de terres. LesTikunas, en 1988, étaient l’ethnie la plus nombreuse parmi les In-diens du Brésil, avec vingt mille individus répartis sur six muni-cipes2. Confrontés dès le XIXème siècle au contact permanent avecles civilisés, les Tikunas s’étaient petit à petit déculturés jusqu’àl’implantation de sept postes indigènes de la FUNAI, au milieu desannées 70. Ceci permit enfin à ces Indiens d’obtenir la régularisa-tion de leurs terres. Ils avaient revivifié leur culture et avaient in-tensivement lutté pour la reconnaissance légale de leur territoiredepuis 1980. Si bien qu’entre 1982 et 1984, des dispositionsavaient été prises par la FUNAI pour l’identification et la démarca-tion de leurs terres. Ce processus avait été gelé car ces terres sesituaient dans une zone frontalière entrant dans le cadre du PCN.Parallèlement, la FUNAI tenta à plusieurs reprises de duper les

1. Alcida Rita Ramos, 1991, op. cit., p. 166.2. João Pacheco de Oliveira et Antonio Carlos de Souza Lima, « Massacre d’Indiens dans leNord Amazonien », Ethnies, Paris, n° 11-12, 1990, p. 136.Les six municipes : Tabatinga, Benjamin Constant, São Paulo de Olivença, Amatura, SantoAntonio de Iça et Tonantins.

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Indiens à popos de la démarcation de leurs terres, faisant monter latension tant du côté indigène que du côté des exploitants alen-tours1. En mars 1988, les Tikuna obtinrent enfin la démarcationd’une réserve à São Leopoldo, fief d’une exploitation illégale debois. Le 28 mars 1988, des hommes recrutés par Oscar de AlmeidaCastelo Branco, l’exploitant de bois en question, tentèrentd’exterminer le groupe de Tikuna de São Leopoldo, qui s’étaitrendu dans la municipalité de Benjamin Constant pour des dé-marches administratives conseillées par la FUNAI2. Alors qu’ilsétaient sur le chemin pour Capacete, un groupe de Blancs armés lesencercla par surprise et fit feu : quatorze Tikuna furent abattus etvingt-trois autres blessés3. Les Indiens étaient en litige avecl’entrepreneur qui exploitait illégalement du bois sur leur territoire.Les hommes de main d’Oscar de Almeida Castelo Branco furentgardés vingt-quatre heures en garde à vue puis relâchés. Cette dé-sinvolture manifeste dans le traitement des crimes contre les In-diens renforçait la pression que leurs ennemis exerçaient contreeux. Surtout que les militaires du PCN avaient expulsé des terri-toires Tikuna les groupes de soutien et les anthropologues, sousprétexte qu’ils incitaient les Indiens à la révolte.

Dans ce contexte, les autres Indiens de la région durent choisirentre faire un compromis avec les militaires ou bien être laisséssans défense sous le joug des envahisseurs.

Les militaires choisirent d’expérimenter leur projet de « colo-nies indigènes » sur les Indiens Tukano, car, tout comme les Tiku-na, ils étaient parmi les premiers à avoir revendiqué leurs droitsterritoriaux dans les années 70. Alors que le Conseil national desécurité bloquait une proposition de démarcation de leur territoirefaite par la FUNAI, les Indiens Tukano se rendirent à Brasília. A

1. Pour plus de détails, cf. João Pacheco de Oliveira et Antonio de Souza Lima, Id., pp. 138-140.2. En 2001, suite à la vague internationale de protestations, ce massacre a été jugé comme un« génocide », mais en novembre 2004, la Justice Fédérale brésilienne a acquitté le comman-ditaire de ce massacre, et réduit les peines des exécutants. A ce sujet, voir Brazzil Magazinedu vendredi 12 novembre 2004, « Brazilian Justice Acquits Man Sentenced for 1988 Mas-sacre of Indians » : http://www.brazzilmag.com/content/view/711/41.3. Parmi les quatorze victimes, il y avait cinq garçons de cinq à douze ans, et parmi lesblessés, trois enfants et deux vieillards. Voir à ce sujet le rapport d’Amnesty International« Etrangers dans notre pays » Les populations indigènes du Brésil, 2005 ; João Pacheco deOliveira et Antonio Carlos de Souza Lima, 1990, op. cit. p. 141.

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l’entrevue qu’ils obtinrent avec Bayma Denys et le ministre del’Intérieur, les militaires leur refusèrent toute démarcation de ré-serve indigène au motif qu’ils étaient déjà trop acculturés. La seuleoption possible, selon Bayma Denys, était la création de « coloniesagricoles » telles que définies dans l’article 29 du Statut del’Indien : des terres destinées aux activités agropastorales des In-diens acculturés, administrées par la FUNAI, mais auxquellesavaient accès tous les non-indiens. Les militaires leur firent com-prendre que s’ils n’acceptaient pas, ils perdraient tous leurs droitssur leur territoire. La décision de refuser en bloc ce modèle de ré-gularisation foncière fut prise par les Indiens lors d’une réunionextraordinaire à Pari Cachoeira, les 8 et 9 juin 1986 car ils ne vou-laient pas avoir à partager leur terre avec les Blancs. A la place, lesTukano concédèrent une redéfinition des limites de leur réserve,c’est-à-dire une diminution de plus d’un million d’hectares, lais-sant l’entreprise Paranapema libre d’exercer ses activités minièresdans les lieux où elle était déjà établie de fait. Un accord d’honneurfut scellé avec l’entreprise1.

C’est sur cette base que dans le cadre du PCN le territoire Tu-kano fut divisé en forêts nationales et colonies indigènes. Les Tu-kano avaient toujours refusé de partager leurs terres avec lesBlancs. Devant leur intransigeance, le Conseil national de sécuritécréa une nouvelle catégorie foncière : les « colonies indigènes »,dérivées des « colonies agricoles », où seraient mis en œuvre desprogrammes de développement communautaire, sans y faire entrerde colons blancs. Ces colonies indigènes seraient entourées deforêts nationales que des tiers pourraient exploiter avec leur accord.Finalement, le 26 janvier 1988, un arrêté ministériel2 déclaracomme « occupation permanente » des Indiens Tukano et Maku laterre indigène Pari Cachoeira, subdivisée en trois colonies indi-gènes et deux forêts nationales3. La méthode était identique à celleutilisée pour la démarcation du territoire yanomami. De même, ellepréférait l’entrée des capitaux à la protection effective des popula-tions indigènes et de leur milieu.

1. Dominique Buchillet, « Pari Cachoeira, le laboratoire Tukano du projet Calha Norte »,Ethnies, Paris, n° 11-12, 1990, p. 128 et suiv.2. Arrêté ministériel n° 012.3. Dominique Buchillet, 1990, op. cit., p. 133. Cf. Figure 2 : Démembrement de la terre PariCachoeira.

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Figure 2

Le démembrement de la T.I. Pari-Cachoeiraet les « colonies indigènes » - Plan Calha Norte (1988)

Source : Dominique Buchillet, « Pari Cachoeira », Ethnie, Paris, vol. 5, n° 11-12, 1990,p. 131.

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Le but sous-jacent au Plan Calha Norte et de ses ramificationsdemeurait identique aux objectifs du Plan d’intégration nationaledes années 1970, à savoir la réduction des territoires indigènes auprofit des intérêts marchands. Mis en place sous un gouvernement« démocratique »1, il n’en demeurait pas moins très autoritaire tantpar la qualité de ses organisateurs (le Conseil de sécurité national)que par ses moyens d’action (spoliations, accords forcés, expulsiondes organisations militantes des territoires Yanomami…). C’étaittoujours les militaires qui menaient la danse en Amazonie. La poli-tique mise en œuvre dans cette région l’était au détriment desdroits de l’homme et en totale contradiction avec la nouvelle cons-titution de 19882.

De manière générale, la Nouvelle République n’entraîna pas dechangements positifs dans la politique indigéniste. Le retour à ladémocratie n’eut pas de réelle incidence sur les droits des Indiens,et la culture assimilationniste prévalait toujours au sein des institu-tions brésiliennes. Alors que le mouvement indigène s’organisait,le gouvernement Sarney ne semblait pas disposé à l’accueillircomme un acteur à part entière dans le champ politique national, nià considérer les Indiens comme des citoyens brésiliens. En laissantl’Amazonie entre les mains des militaires, il condamnait 60 %3 desIndiens brésiliens à subir une politique d’intégration forcée tellequ’elle avait été pratiquée sous le SPI, et ce sous couvert d’unedoctrine de sécurité nationale. Le véritable enjeu résidait dansl’appropriation des terres des Indiens. Ainsi, comme le dit BruceAlbert :

« La Nouvelle République n’aura ainsi fait que paracheverune politique indigéniste conçue depuis les années 60 avanttout comme un instrument d’élimination des Indiens, obs-tacles humains au modèle d’occupation de l’Amazonie,conjuguant militarisation et grands investissements préda-teurs ».

1. Le plan Calha Norte était un programme « spécial » intégré dans la première version duPlan de Développement de l’Amazonie 1985-1989, de la Nouvelle République (PDA).2. Cf. Annexe 3 : Les effets du PCN sur les TI.3. Au Brésil, les anthropologues considèrent que 60% des Indiens se situent en AmazonieLégale. L’Amazonie Légale comprend les six Etats de l’ancienne « Région Nord » (Amapá,Pará, Roraima, Amazonas, Acre et Rondônia).

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Parallèlement à cela, le gouvernement Sarney était chargé demettre en place une assemblée constituante, chargée de rédiger lanouvelle constitution du Brésil démocratique. Dans cette tâche, lapolitique mise en œuvre renforça le poids des groupes de pressionanti-indiens, notamment l’IBRAM, le lobby minier, qui souhaitaitouvrir les terres indigènes riches en minerais à l’exploitation. Or,de manière inattendue, les Indiens se mobilisèrent pour prendreactivement part à l’assemblée constituante. Ainsi, même si sur leplan étatique la politique indigéniste était catastrophique, la sociétécivile brésilienne était en effervescence et les Indiens prenaientpart à ce mouvement, créant l’outil juridique qui serait à l’origined’un revirement de situation en leur faveur.

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Chapitre 3

1988, un tournantpour les communautés indigènes

1. La Constitution : un apport législatif décisifLa nouvelle Constitution brésilienne entra en vigueur le

5 octobre 1988. Elle était née après dix-huit mois de débats1, entreles différents acteurs de la société civile et les représentants élus del’Assemblée constituante. La nouvelle Constitution se voulait ou-verte aux propositions de la société civile. L’Assemblée consti-tuante devait prendre acte des dépôts d’amendements populaires,lors de la rédaction du texte final. Toutes les catégories sociales dela société civiles ayant milité furent assez bien représentées dans lanouvelle Constitution, exception faite du mouvement des Sansterre2. De manière surprenante, la question des droits indigènesdans le texte constitutionnel constitua l’un des sujets les plus débat-tus.

Une société civile active lors de la constituante

Les Indiens dans le débat constitutionnelCertaines communautés indiennes se mobilisèrent et participè-

rent activement au processus qui mena à la rédaction finale dutexte de la nouvelle Constitution. Leur présence dans la politiquebrésilienne était visible depuis l’élection de Mario Juruna à laChambre des représentants, en 19823.

Pour s’assurer une place dans le débat, l’UNI avait d’abordprésenté huit candidats indiens aux élections des représentants de

1. Manuela Carneiro da Cunha, « L’Etat, les Indiens et la nouvelle Constitution », Ethnies,Paris, vol. 5, n° 11-12, 1990, p. 12.2. Les Sans Terre n’ont rien obtenu en ce qui concerne la réforme agraire. Cf. BérengèreMarques-Pereira, cours POLT 024 « Régimes politiques : pays en développement », ULB,année scolaire 2005-2006 (Conférences).3. Depuis son élection, Mario Juruna s’était différencié des autres députés par sa liberté deparole. Cette liberté lui était conférée par son incapacité juridique due à la tutelle de laFUNAI.

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l’Assemblée constituante, en 19861. Aucun n’ayant été élu, lesIndiens lancèrent alors une campagne nationale sur le thème« Peuples indiens dans l’Assemblée constituante », hautement mé-diatisée. Dès lors, des Indiens de près de trente-cinq ethnies diffé-rentes se rendirent à Brasília et se relayèrent pour participer auxdébats constitutionnels en 1987 et 19882. Parmi ceux-ci, il était ànoter la présence importante et continue du peuple Kayapó. A leurscôtés, l’UNI et ses dirigeants (notamment Marcos Terena, ÁlvaroTukano, Lino Miranha puis Ailton Krenak) assurèrent la représen-tation continue de l’ « indianité générique » au cours du processus3.

Les organisations indiennes comptaient également avec le sou-tien d’organisations en faveur des droits de l’homme et des peuplesindigènes. Parmi celles-ci, le Centre oecuménique de documenta-tion (CEDI), le CIMI, la Comissão Pró-Índio de São Paulo [Com-mission pro-Indiens – CPI/SP], le Centro de Trabalho Indigenista[Centre de travail indigéniste – CTI], Oxfam et Cultural Survivalparticipèrent à l’élaboration de plusieurs des amendements propo-sés4.

A cela s’ajoutait un large mouvement de défense du droit à lacitoyenneté nommé Ação Pela Cidadania [Action pour la citoyen-neté], qui soutint la cause des droits des Indiens, et dont plus parti-culièrement le sénateur Severo Gomes devint l’un des porte-paroles 5.

Les groupes d’intérêts anti-indiens dans le débat constitutionnelLe principal opposant aux intérêts des Indiens, également pré-

sent lors du débat constitutionnel, était le lobby minier, en partiereprésenté par l’IBRAM6. Il souhaitait légaliser l’exploitation dusous-sol sur les terres indigènes.

1. dont Mario Juruna.2. Maria Guadalupe Moog Rodrigues, « Indigenous Rights in Democratic Brazil », HumanRights Quarterly, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, vol. 24, n° 2, mai 2002,p. 494.3. Bruce Albert, 1996, op. cit., p. 188.4. Georgia O. Carvalho, « The politics of indigenous land rights in Brazil », Bulletin of LatinAmerican Research, Elsevier Science Ltd., vol. 19, n° 4, octobre 2000, p. 468.5. Ibid.6. Instituto Brasileiro de Mineração. Parmi les autres lobbies anti-indiens se trouvaientégalement le Syndicat des chercheurs d’or d’Amazonie (União Syndical dos Garimpeiros daAmazônia Legal), l’Association des Importateurs-Exportateurs de bois (Associação dosImportadores e Exportadores de Madeira), l’Association des éleveurs de bétail du Ma-

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Peu après l’élection de l’Assemblée constituante, en 1986, undocument de synthèse sur les concessions de prospection minièreoctroyées en terres indigènes1 fut rendu public. Ce document, rédi-gé conjointement par le CEDI et la Coordenação Nacional dosGeólogos (CONAGE), scandalisa jusqu’aux représentants constitu-tionnels. En effet, un nombre impressionnant de concessions avaitété accordé (illégalement) : plus de 17,6 millions d’hectares étaientsollicités ou concédés pour l’exploitation dans soixante dix-septterres indigènes, sous le contrôle de soixante-neuf entreprises ougroupes économiques2.

Deux propositions d’amendements furent présentées àl’Assemblée constituante, en 1987. La première, rédigée parl’UNI3, tout comme la seconde, émanant du CIMI, proposaientl’interdiction des activités minières sur les terres indigènes par lessociétés privée et publiques, ce droit n’étant ouvert qu’aux Indienseux-mêmes.

En réponse à cela, le lobby minier mena une campagne de dif-famation contre les organisations pro-indigénistes, largement re-layée par la presse conservatiste4. Le CIMI et d’autres organisa-tions furent accusés de bloquer l’accès des entreprises brésiliennesaux gisements de minerais amazoniens et de fomenter des alliancesavec des entreprises étrangères. Tant et si bien qu’une commissiond’enquête fut ouverte. Celle-ci innocenta les organisations accu-sées, mais le démenti fit beaucoup moins de tapage médiatique queles accusations.

ranhão (Associação dos Criadores de Gado do Maranhão), l’Association des entrepreneursamazoniens (Associação dos Empresários de Amazônia – AEA) et l’Union DémocratiqueRuraliste (União Democrática Ruralista – UDR).1. Document intitulé « Empresas de Mineração e Terras Indígenas na Amazônia ».2. ISA, Mineração em Terras Indígenas na Amazônia brasileira, São Paulo, mai 2005, p. 5.3. Avec le soutien de dix-huit organisations indiennes, du CEDI et de l’ABA.4. Notamment le quotidien O Estado de São Paulo : « « A conspiração contra o Brasil »,9 août 1987, cité par Maria Guadalupe Moog Rodrigues, 2002, op. cit., p. 497.

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L’Indien dans la nouvelle Constitution fédérale1

La nouvelle Constitution prévoit un chapitre spécifique entiè-rement dédié aux Indiens : Le Chapitre VIII « Des Indiens »2 dutitre VIII « De l’Ordre social ». A cela s’ajoutent quelques disposi-tions dispersées tout au long du texte constitutionnel sur certainssujets précis. Le texte entérine les succès obtenus lors des négocia-tions de la constituante par le lobby indigène. Tout d’abord, lesIndiens ont obtenu des droits civiques et sont considérés commedes adultes. En second lieu, la Constitution supprime toute pers-pective assimilationniste et reconnaît la diversité culturelle despopulations indigènes. Enfin, le texte garantit le droit à la terre auxIndiens et impose la délimitation totale des réserves territorialesd’ici à 1993.

Une reconnaissance juridiqueLa Constitution de 1988 atténue la capacité relative des In-

diens. Ils quittent leur statut de mineurs pour celui de majeurs, quileur reconnait le droit de plaider à la Cour, de se porter parties légi-times et de créer des organisations (article 232). Le texte reconnaîtdonc aux Indiens la capacité juridique. Si des Indiens portentplainte en défense de leurs droits et intérêts, le Ministère publicdoit intervenir à tous les actes du procès, de façon à défendre leursdroits et leur patrimoine, notamment foncier3.

Les organisations indiennes obtiennent également la capacitéjuridique4. Elles pourront donc dorénavant être officialisées, c’est-à-dire déposer leurs statuts et ouvrir de manière autonome uncompte bancaire. La tutelle ne pourra plus prétendre entraverl’expansion de telles associations, qui sont l’expression même desrevendications indigènes.

En cas de litige ou de poursuite au sujet des droits des Indiens,seule la justice fédérale est compétente5.

1. A ce sujet, cf. Secretaria de communicação de governo da presidência da Republica,Governo Fernando Henrique Cardoso, « Sociétés Indigènes et l’action du gouvernement »,Brasilia, 1996, (www.planato.gov.br/publi_04/COLECAO/PUBLICA.HTM).2. Cf. Annexe 4 : Extraits de la Constitution de 1988.3. Article 129 v, de la Constitution de 1988.4. Article 232 de la Constitution de 1988.5. Article 109 xi, de la Constitution de 1988.

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Le caractère pluriculturel de la Nation brésilienneL’article 231 de la Constitution reconnaît une identité cultu-

relle propre et différenciée aux Indiens, à travers leurs coutumes,langues, croyances et traditions. Elle reconnaît également qu’ils ontune organisation sociale particulière qu’il convient de préserver.L’Etat est en charge de protéger les « manifestations et culturespopulaires des Indiens », car elles « participent au processus cultu-rel national »1. La diversité ethnique est donc considérée commeune richesse culturelle, et non plus comme un stigmate à éradiquer.Pour la première fois au Brésil, la constitution reconnaît aux In-diens le droit à la différence.

La reconnaissance de la culture propre des Indiens dans laConstitution implique une redéfinition de la communauté natio-nale. Jusqu’à présent, le Brésil reconnaissait une société nationaleuniforme dans laquelle la seule option valable était l’intégrationpure et simple de tous les groupes Indiens, considérés comme desétrangers. C’est pour cela que l’Etat faisait la guerre aux culturesindiennes, au moyen d’une politique ethnocidaire. Avec la nouvelleConstitution de 1988, les Indiens ont le droit de conserver leuridentité propre et leur culture différenciée. La nature et les originespluriethniques du pays sont donc implicitement reconnues. Maispeut-on réellement parler, à l’instar de Christian Gros, d’une « Na-tion multiculturelle »2 ? En ce qui nous concerne, nous ne pensonspas que ce terme soit applicable au cas brésilien. Le texte en lui-même ne fait aucune référence explicite à un quelconque multicul-turalisme. Certes, le Brésil reconnaît le droit à la diversité identi-taire et culturelle de ses peuples indigènes et aux Quilombos3. Maisceci ne semble pas se traduire par une égalité de principe entre lesdiverses composantes de la nation brésilienne. En effet, sur le plancivique, les Indiens restent privés de certains droits fondamentauxtels que le droit de vote (sauf sous certaines conditions) et ils res-tent régis par des lois à la philosophie évolutionniste : la loi 6.001sur le Statut de l’Indien et le Code civil. De même, ils ne possèdent

1. Article 215§1 de la Constitution de 1988.2. Christian Gros, « Le multiculturalisme à l’école : entre mythe et utopie », Recherchesamérindiennes au Québec, Montréal, vol. XXXI, n° 3, 2001, p. 61 ; Christian Gros, « Desterritoires multiculturels ? », Cahiers des Amériques Latines, Paris, n° 45, 2004, pp. 30-49.3. Ce sont les populations Noires descendantes d’esclaves fugitifs, qui ont conservé un modede vie traditionnel. La Constitution de 1988 leur accorde également des droits fonciers.

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pas le droit de propriété au sens juridique du terme. Il s’agit doncselon nous d’une reconnaissance de l’origine pluriethnique de laNation et non une sacralisation de la multi-culturalité du Brésil.

Les cultures autochtones sont des richesses constitutives de laNation brésilienne. Elles font partie du patrimoine culturel du Bré-sil. Dès lors, la préservation de ces cultures indigènes devient uneprérogative de l’Etat1. Elle va donc tout naturellements’accompagner de droits culturels différenciés tels quel’enseignement scolaire bilingue2. Selon les termes de MichelAgier, coexistent donc « une qualification symbolique de l’Indienet une déqualification sociale des populations indigènes »3.

La Constitution se porte garante d’une certaine diversité eth-nique pour les populations indigènes et afro-brésiliennes. De cettemanière, toute idée d’incorporation des autochtones à la sociéténationale est supprimée du texte. Ceci est observable à l’article 22,qui donne à l’Union la compétence exclusive de légiférer sur lespopulations indigènes. Auparavant, les constitutions se reportaientà la compétence de l’Union pour « légiférer sur l’incorporation dessylvicoles à la communion nationale »4.

Il n’est plus fait mention d’Indiens acculturés ou non accultu-rés. Dans ce cadre, les colonies indigènes, au sens du projet CalhaNorte, sont parfaitement contraires à la Constitution, puisque lecritère définissant leur emploi est le degré d’acculturation des In-diens se situant sur les territoires.

Le droit à une identité culturelle différenciée passe par un en-seignement différencié. Il se traduit par le droit à un enseignementfondamental bilingue pour les jeunes Indiens, et selon des procédésd’apprentissage spécifiques (article 215).

Dans la majorité des cas, l’école est une institution étrangère àla culture des Indiens. Cependant, c’est quasiment le seul canalpermettant d’accéder aux connaissances nécessaires pour com-prendre et manipuler les codes de la société dominante. L’école est

1. Christian Gros, 2001, op. cit., p. 61.2. Article 210, §2 de la Constitution de 1988.3. Michel Agier, Maria Rosario G. de Carvalho, « Nation, race, culture : Les mouvementsNoirs et Indiens au Brésil », Cahiers des Amériques Latines, Paris, n° 17, 1994, pp. 117-118.4. Secretaria de communicação de governo da Presidência da Republica, 1996, op. cit.

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donc nécessaire pour que les Indiens puissent établir des relationsplus égalitaires avec la société nationale. Dès lors, il est importantd’utiliser si possible des procédés d’apprentissages propres, defaçon à renforcer et valoriser la culture indigène (le but n’étantjustement plus l’intégration des jeunes Indiens dans la société na-tionale).

Dans sa Convention n°169, « relative aux peuples indigènes ettribaux », qui remplace en 1989 la Convention n° 107, jugée troppaternaliste, l’Organisation internationale du travail (OIT) évoqueune éducation bilingue pour les Autochtones.

Cette Convention n°169, qui sera ratifiée par le Brésil en 2002,reconnaît dans ses articles 28, 29 et 30, le droit des peuples autoch-tones à l’usage et à la préservation de leur langue ainsi qu’à desformes spécifiques d’éducation1. La nouvelle Constitution brési-lienne va dans ce sens. Elle est même avant-gardiste par rapport àla Convention n°169 de l’OIT.

Cependant, vu la situation des Indiens au Brésil, la mise enœuvre d’une telle éducation bilingue différenciée représente undéfi de taille. En effet, au Brésil les Indiens se répartissent endeux cent vingt peuples environ, et parlent cent quatre-vingtslangues différentes. Et parmi cette mosaïque de langues, cent dixsont parlées par moins de quatre cents individus2. Il paraît donc peufonctionnel et très coûteux de développer un enseignement bilinguespécifique à chaque groupe. Comment alors satisfaire à toutes lesdemandes ?...

Reste que l’inscription de ce potentiel dans la Constitution a unimpact symbolique fort. Comme le précise Christian Gros, « lesconstitutions fonctionnent comme une sorte de mythe moderne[…]. Avec la place nouvelle que [la Constitution] donne aux popu-lations autochtones, à leurs langues, à leurs cultures, à leur devenir,c’est bien l’imaginaire national qui est ainsi retravaillé »3.

1. Cf. Annexe 5 : Extraits de la convention 169 de l’OIT.2. Chiffres de l’Instituto SocioAmbiental : ISA, Aconteceu- Povos indigenas no Brasil, siteInternet : http://www.socioambiental.org/pib/index.html (consulté le 29 mars 2007).3. Christian Gros, « Le multiculturalisme à l’école, entre mythe et utopie », Recherchesamérindiennes au Québec, Montréal, vol. XXXI, n°3, 2001, p.63.

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Des droits fonciersL’une des grandes avancées de cette Constitution concerne le

droit à la terre pour les Indiens. Non seulement les terres aux-quelles ils peuvent prétendre sont définies très largement, maissurtout, leur droit « originaire » sur ces terres est reconnu1 ; c’estdire qu’il est antérieur à la formation du Brésil en tant qu’Etat in-dépendant, c’est affirmer officiellement que les Indiens sont lespremiers habitants du Brésil.

Dès lors, l’Etat brésilien se doit de délimiter, démarquer et pro-téger les terres indigènes. Selon l’article 231 §1 de la Constitution,il s’agit avant tout des terres « traditionnellement » occupées parles Indiens, c’est-à-dire les terres que les Indiens « habitent de ma-nière permanente, celles qu’ils utilisent pour leurs activités produc-tives, celles qui sont indispensables à la préservation des ressourcesdu milieu naturel nécessaires à leur bien être et celles qui sont né-cessaires à leur reproduction physique et culturelle, selon leursusages, coutumes et traditions ». En somme, ce sont des élémentsculturels (us, coutumes et traditions) qui légitiment en grande par-tie la délimitation des terres indigènes comme terres nécessaires àla subsistance et à la préservation des traditions du groupe. C’estdonc un « habitat »2.

La Constitution stipule que les Indiens ont un droit de posses-sion permanent et inaliénable sur leur terre3. Ils jouissent del’usufruit exclusif des richesses de leur terre, c’est-à-dire les ri-chesses du sol, des cours d’eau et des lacs4. Cependant, la posses-sion qui leur est conférée ne correspond pas à la notion de propriétédu droit civil. En effet, ces terres appartiennent à l’Union (article20, xi), ce qui est contraire à la Convention n° 169 de l’OIT et a étécontesté par certaines organisations militantes5. Au Brésil, la Cons-

1. Article 231 de la Constitution de 1988.2. Secretaria de communicação de governo da Presidência da Republica, 1996, op. cit.3. Article 231, §2 de la Constitution de 1988.4. Article 231, §2 de la Constitution de 1988.5. Il faut noter que la Convention n° 169 de l’OIT est postérieure d’une année à la promulga-tion de la constitution du Brésil. L’ONG Survival International, dans sa publication « Dé-possédés, les Indiens du Brésil », Ethnies, n° 28, 2000, soutient cette thèse.

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titution différencie donc la notion de territoire (indigène)1 et lanotion de propriété (de l’Union).

Dès lors, les terres sont en principe inaliénables et non-appropriables par des non-indiens2. Il existe cependant des excep-tions autorisées par la Constitution. Des concessions minières peu-vent être autorisées en terre indigène, mais seulement après autori-sation du Congrès national et des populations indiennes concer-nées. Il en est de même pour l’utilisation des ressources hydriques3.Cette disposition est le fruit du travail des lobbies miniers durant larédaction de la Constitution. En effet, les terres indigènes, surtouten Amazonie, sont très riches en ressources minérales et aurifères.Si une concession est accordée, une participation aux résultats del’exploitation doit être assurée aux Indiens concernés4. Dans ce casprécis, les Indiens ont le droit d’exprimer leur avis sur l’utilisationdes ressources de leur territoire. Il s’agit d’une grande nouveauté.

Grâce à la possession permanente de leurs terres, les groupesindiens ne peuvent pas en être retirés. Là encore, la Constitutionprévoit des exceptions en cas de catastrophe ou d’épidémie. LeCongrès national doit donner son accord par référendum. Si lasouveraineté nationale est menacée, les Indiens peuvent égalementêtre déplacés, après approbation du Congrès5.

Les terres des Indiens sont donc relativement bien protégéespar les nouveaux statuts de la Constitution de 1988. De plus, cettedernière prévoit qu’en cas de non-respect des clauses concernantl’exploitation des ressources ou la propriété inaliénable des terresindigènes, les actes concernés sont nuls et non avenus et n’ouvrentpas droit à réparation6. Seules sont autorisées des dérogations aunom de « l’intérêt public ». Cette notion assez floue doit être préci-

1. Le territoire, au sens sociologique, peut être lié à l'identité culturelle des populationsl'habitant, ou encore aux représentations que l'on s'en fait (définition de Wikipédia) : « Leterritoire est une appropriation à la fois économique, idéologique et politique (sociale, donc)de l’espace, par des groupes qui se donnent une représentation particulière d’eux-mêmes, deleur histoire. » Guy Di Méo (2000). Au sens politique, un territoire est défini comme « uneportion de l’espace délimitée pour exercer un pouvoir. » Sack (1986).2. Article 231, §4 de la Constitution de 1988.3. Article 49 xvi et 231 §3 de la Constitution de 1988.4. Article 231, §3 de la Constitution de 1988.5. Article 231, §5 de la Constitution de 1988.6. Article 231, §6 de la Constitution de 1988.

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sée ultérieurement dans une loi complémentaire. A ce jour, ceci n’apas été fait et laisse un champ assez large d’interventions possibles.

L’article 67 de la Constitution prévoit un délai de cinq ans pourterminer la démarcation de toutes les terres indigènes, c’est-à-direjusqu’au 5 octobre 1993. Aujourd’hui, ce processus de démarcationn’a pas encore abouti.

2. L’émergence de la société civile indigèneMiliter pour l’inscription des droits indigènes au sein de la

Constitution a beaucoup appris aux groupes déjà en place. Ils ontpris conscience de l’importance de la visibilité de leurs revendica-tions et se sont organisés de plus en plus efficacement. Parallèle-ment, la Constitution de 19881 a légalisé, dans son article 232, lacréation d’organisations indiennes pouvant se porter parties lorsd’un procès : elles ont acquis la personnalité juridique. Ceci a en-couragé leur création.

Naissance d’un ample mouvement associatif

Les organisations indiennes se sont démultipliées à partir de1988. Le Diretorio de Associações e Organizações Indigenas noBrasil ne recensait, en 1986, que huit organisations indiennes avecdes statuts légaux, contre deux cent quatre-vingt-dix en 19992 (soitune multiplication par trente-six en dix ans). Elles sont pour laplupart enregistrées sous la forme d’« organisations de la sociétécivile »3. Fin 2000, Bruce Albert dénombrait plus de trois centsassociations indigènes au Brésil, dont cent quatre-vingts dans lessix Etats du Nord (Acre, Amapá, Amazonas, Pará, Rondônia etRoraima)4.

1. Article 232 de la Constitution de 1988.2. Chiffres cités dans Maria Guadalupe Moog Rodrigues, 2002, op. cit., p. 501.3. Du type des « associations Loi de 1901 » françaises. Bruce Albert, « Associations amé-rindiennes et développement durable en Amazonie brésilienne », Recherches amérindiennesau Québec, Montréal, vol. XXXI, n° 3, 2001, p. 49.4. Id., p. 49. Pour une liste détaillée de ces associations, se reporter au site de l’ISA :http://www.socioambiental.org/pib/portugues/org/quadroorg.htm.

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En général, les organisations indiennes ont plutôt un caractèrelocal (un village, le bassin d’une rivière1…) et ce, en raison de lagrande diversité entre les groupes indiens au Brésil2. Les organisa-tions locales ne bénéficient que de fonds non-gouvernementauxréduits et ponctuels. Elles sont donc très souvent volatiles et ins-tables.

L’ISA observe que certaines de ces petites organisations se ré-fèrent à une catégorie professionnelle au sein d’une ethnie (parexemple des professeurs : l’OPIAC - Organização dos ProfessoresIndígenas do Acre (Acre) ; des agents de santé : l’AAISMS - Asso-ciação dos Agentes Indígenas de Saúde do Médio Solimões (Ama-zonas) ; etc.)

Quelques organisations de femmes se sont également formées(AMAI - Associação das Mulheres de Assunção do Içana(Amazonas) ; Associação das Mulheres Indígenas Jenipapo-Kanindé (Ceará) ; CONAMI - Conselho Nacional das MulheresIndígenas (District Fédéral) ; etc.)

Suites aux campagnes menées par les organisations pro-indigénistes à la fin des années 70 et au début des années 80, con-cernant la démarcation des terres yanomami, kayapó et waiãpi,quelques personnalités indigènes emblématiques se sont signaléessur la scène politique interethnique telles que les chefs Payakan etRaoni (Kayapó), Davi Kopenawa (Yanomami) ou encore Waiwai(Waiãpi). Des organisations kayapó et waiãpi ont été créées en1993 et 1995, et les Yanomami demeurent essentiellement repré-sentés par la CCPY de São Paulo3.

Les Kayapó4 ont été très actifs lors des négociations pour laConstitution de 1988 et ont su pérenniser leur présence sur la scènepolitico-médiatique. En février 1989, ils ont organisé la premièreassemblée des Peuples Indigènes du Xingu d’Altamira (Pará). A

1. Association Ação Cultural Indígena Pankararu des Indiens de la périphérie de São Paulo(site internet : www.setor3.com.br/sitesolidario/pankararu/) ; Associação Guarani Nhe'emPorã (aldeia Krukutu - Saõ Paulo) :http://www.culturaguarani.hpg.ig.com.br/index.html.2. Il y aurait 220 peuples et 180 langues parlées : Chiffres de l’Instituto SocioAmbiantal -ISA , Aconteceu- Povos indigenas no Brasil, site internet :http://www.socioambiental.org/pib/index.html (consulté le 29 mars 2007).3. La Commission Pro-Yanomami est une ONG de solidarité dont les cadres sont constituésd’anthropologues brésiliens et étrangers.4. Voir à ce sujet Bruce Albert, 1997, op. cit., p.193 et suiv.

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cette assemblée étaient présents près de six cents dirigeants in-diens, et presque autant d’invités non-indiens (ONG brésiliennes,américaines et européennes, et près de trois cents journalistes1).Elle avait pour objectif de montrer à grand renfort médiatiquel’opposition des Indiens du Xingu à un projet de complexe hydro-électrique (barrages) d’Eletronorte sur le Rio Xingu. L’assembléefut hautement médiatisée, alors que les Kayapó avaient reproduitl’un de leur villages en guise de campement pour les cinq jours quedurait l’événement. De même, ils pratiquèrent publiquement unrite, la « cérémonie du maïs »2, qui a eû une efficacité médiatiqueremarquable, puisque le prêt de la Banque mondiale fut suspendu.Les Kayapó savent parfaitement bien utiliser leur altérité pour sefaire entendre.

Il s’est également créé un « noyau » d’organisations indiennesrégionales ayant un accès régulier à des fonds importants et, entreautres, gouvernementaux. Ces organisations régionales, que nousnommerons fédérations, sont plutôt urbaines3. Elles se situent àdifférents niveaux.

Sur le plan régional, il existe quelques organisations, commepar exemple l’União das Nações Indígenas do Acre [Union desNations indigènes de l’Acre - UNI-AC] ; le Conselho Indígena deRoraima4 [Conseil indigène de Roraima – CIR] créé en 1989 ; laFederação das Organizações Indígenas do Rio Negro [Fédérationdes organisations indigènes du Rio Negro – FOIRN (Amazonas)]fondée en 1987. Une autre organisation, hors Amazonie, estl’Articulação dos Povos e Organizações Indígenas do Nordeste,Minas Gerais e Espírito Santo [Articulation des peuples et organi-sations indigènes du Nordeste, Minas Gerais et Espírito Santo –APOINME].

Au plan supérieur, la Coordenação das OrganizaçõesIndígenas da Amazônia Brasileira [COIAB] a été créée en 1989.Aujourd’hui, la COIAB regroupe en son sein soixante-quinze or-ganisations indigènes amazoniennes, représentant cent soixante-

1. Maria Guadalupe Moog Rodrigues, 2002, op. cit., p. 495.2. Baridjumoko3. Bruce Albert, 2001, op. cit., p. 49.4. Site du CIR : http://www.cir.org.br/.

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cinq peuples1. La COIAB est elle-même membre d’une confédéra-tion indigène transnationale, la Coordinadora de las Organiza-ciones Indígenas de la Cuenca Amazónica [Coordination des orga-nisations indigènes du Bassin amazonien – COICA], créée en1984. La COICA regroupe les principales organisations des neufpays amazoniens2.

Un effort pour fédérer les organisations au niveau national aété fait depuis 1991, avec la création du Conselho de Articulaçãodos Povos e Organizações Indígenas no Brasil [Conseil pourl’articulation entre les peuples indigènes et les organisations duBrésil – CAPOIB]. Deux assemblées en 1991 et l’année suivante,lors d’une réunion de la COIAB, sont à l’origine de la CAPOIB.Cette dernière a notamment compté sur l’appui du CIMI3. La CA-POIB n’est devenue réellement opérationnelle qu’après sa pre-mière assemblée générale, en avril 1995. Deux cent un chefs indi-gènes s’y rendirent, représentant soixante-dix-sept peuples etquatre cents Indiens4.

De manière générale, les organisations indigènes cherchent à« réduire la distance qui les sépare de la structure sociale brési-lienne, à revendiquer leur reconnaissance légale et leur participa-tion politique. (…) [Il s’agit donc de] réduire leur minorité (ausens juridique d’individus mineurs) sociale et politique et, à partirde là, d’établir une relation moins asymétrique avec les groupesrégionaux structurellement dominants et avec les institutions del’Etat »5.

Ceci a pour effet de créer un clivage entre les groupes accultu-rés et non acculturés. Nous pouvons voir, à travers l’exemple desKayapó et des Xavante, que les actions radicales pratiquées parcertains groupes ne sont tolérées que par ceux que les autoritésnationales reconnaissent comme des « Indiens purs ou authen-tiques »6. Pourtant, ces groupes, qui ont gardé leurs traditions etleur langue, sont souvent ceux qui ont le mieux compris comment

1. Site de la COIAB : http://www.coiab.com.br (consulté le 7 avril 2007).2. Site de la COICA : http://www.coica.org/index.html.3. Bruce Albert, 1996, op. cit., p. 189.4. Maria Guadalupe Moog Rodrigues, 2002, op. cit., p. 502.5. Michel Agier et Maria Rosario G. de Carvalho, 1994, op. cit., p. 112.6. Ibid.

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fonctionnait le système politique brésilien (ils ont comprisl’importance de la médiatisation de leur image), et ont très bien sus’y adapter. Les Indiens de ces groupes ont souvent été érigés enleaders emblématiques, mobilisant un vaste public surtout interna-tional, par exemple le chef kayapó Raoni ou le chef yanomamiDavi Kopenawa.

L’internationalisation du mouvement

Le mouvement indigène qui s’est développé au niveau régional(les assemblées de chefs indiens) et national (l’UNI) dans les an-nées 1970 - 1980 a créé un nouvel espace politique qui a eu large-ment sa place dans les débats autour de la Constitution de 1988. Aucours des années 1990, le mouvement a trouvé un écho mondial.Cette dimension internationale sera consacrée par le « Sommet dela Terre » de Rio de Janeiro (1992) puisqu’il se trouve associé, àtort ou à raison, avec la question de la défense de l’environnementet des droits de l’Homme. Dès lors, les organisations indiennes onteu à leur portée tout un panel de ressources financières allant dusubside municipal à celui de la Banque mondiale.

La mobilisation internationale et la fin du monopole évolutionnisteL’action au niveau international a un potentiel beaucoup plus

important qu’au niveau du cadre strictement national. Pour obtenirle support des organisations internationales, il fallait pouvoir for-muler des demandes de manière à ce qu’elles puissent rentrer dansune discipline reconnue faisant cause sur la scène mondiale. Tousles pays n’ont pas des populations autochtones sur leur territoire etne se sentent pas forcément concernés par une lutte qui peut sem-bler dérisoire. Dès lors, il fallait trouver un autre registre d’action.Le mouvement indigène pouvait se baser sur deux registres dis-tincts : d’une part, le registre écologique de préservation del’environnement, et, d’autre part, le registre de la défense des droitsde l’Homme, en s’appuyant sur la Déclaration universelle desdroits de l’Homme : « Tous les êtres humains naissent libres etégaux en dignité et en droits »1. Le mouvement indien, commenous le verrons par la suite, s’est centré sur le registre le plus ac-

1. Article premier de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (1948).

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cessible et le plus effectif, à savoir, le mouvement écologiste1.Cette internationalisation du mouvement a notamment été renduepossible grâce à des groupes de soutien non-brésiliens2 qui ontrelayé les demandes indigènes sur la scène internationale.

Pour émouvoir le public international, le mouvement a fait ensorte de mettre un visage humain sur les revendications. Ainsi, desleaders indiens, de préférence non acculturés, ont émergés. C’est lecas du chef kayapó Paulinho Payakan, qui fut propulsé sur la scèneinternationale après que l’anthropologue Darryl Posey l’eût emme-né à un congrès scientifique à Miami. Par la suite, Payakan a étéutilisé comme figure emblématique pour faire pression sur laBanque mondiale, pour qu’elle cesse de financer les projets des-tructeurs de l’environnement au Brésil3. A ce sujet, un activisteaméricain du mouvement pro-indigéniste déclarait :

« Nous avions besoin de quelqu’un qui représenterait le cô-té humain … Payakan avait une apparence authentique et,bien sûr, les ornements du chef kayapó ont constitué un trèsbon support médiatique. Il paraissait vraiment représenterla forêt… »4.

Cependant, ceci n’a pas empêché le chef kayapó de se corrompre,la décennie suivante, dans la vente d’une partie du bois de sa ré-serve5, à son propre profit, ce qui a provoqué de sérieuses dégrada-tions écologiques et de graves inégalités sociales au sein desgroupes concernés.

Un autre leader qui a fait connaître la problématique indigènedu Brésil sur la scène internationale est le chef kayapó Raoni, aprèsavoir établi une relation directe avec le chanteur britannique Sting.Ce dernier a créé la Rainforest Foundation en 1989 et a emmenéRaoni dans une tournée mondiale avec lui, de façon à médiatiser aupossible la cause des Indiens du Brésil. Le but était de créer unparc national kayapó de 180 000 kilomètres carrés dans la régiondu Xingu. Raoni a rencontré de nombreuses personnalités qui lui

1. Alison Brysk, 1994, op. cit., p. 30.2. Par exemple, l’association Cultural Survival.3. Par exemple, en novembre 1988, Payakan est allé protester avec les membres de l’ONGSurvival International, devant la Midland Bank, à Londres, contre le financement par cettebanque et la Banque mondiale, d’une série de barrages sur le Xingu. Cf. photo dans Survi-val, Ethnies, Paris, Survival, vol. 5, n° 11-12, p. 23. En 1989, il fut le principal organisateurde la réunion d’Altamira contre le projet de barrage sur le Rio Xingu.4. Interview du 21 mai 1992, retranscrit dans Alison Brysk, 1994, op. cit., p. 36.5. Bruce Albert, 1996, op. cit., p. 195.

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ont apporté leur soutien, dont le Président français de l’époque,François Mitterrand. Le parc a été démarqué en 19931.

Parallèlement, une nouvelle conception des peuples indigènes,moins évolutionniste émerge sur le plan international, permettantde relayer la cause des Indiens et de leurs organisations. La Con-vention n° 107 de l’OIT est remplacée par la Convention n° 169,plus favorable aux Indiens. Cette Convention met l’accent sur ledroit à la diversité culturelle, la fin de la doctrine évolutionniste etle droit à la propriété collective (au sens juridique) de leurs terrespar les peuples indigènes.

La conscientisation des Banques multilatérales de développementLes Banques multilatérales de développement (BMD) partici-

pent au développement des pays dits en voie de développement enfinançant, sous la forme de prêts, de grands projets dans des sec-teurs écologiquement sensibles, comme par exemple l’énergie(complexes hydro-électriques), les transports (construction deroutes) et le développement rural (agriculture intensive). Ces pro-jets, au nom du développement, font passer au second plan lespréoccupations concernant les populations les plus défavorisées,dont les peuples indigènes font partie. Parmi ces organismes definancement, la Banque mondiale et la Banque interaméricaine dedéveloppement (BID) sont les plus actives. La Banque mondiale acommencé à financer à partir des années 19802 des projets à grandeéchelle au Brésil, qui prévoyaient certes une assistance aux popula-tions autochtones touchées, mais sans grands effets dans la pra-tique. Ce fut le cas du projet Fer Carajas3, qui a eu pour consé-quences un déboisement massif à renouveler chaque année pourservir de combustible aux usines implantées. Que ce soit sur desprojets d’implantation d’usines, de construction de routes, ou en-core d’immersion de régions entières par la construction de bar-rages, les populations locales n’avaient aucun pouvoir d’action ni

1. A ce sujet se reporter au site http://gertonline.free.fr/Raoni.2. Stephan Schwartzman et Korinna Horta, « La Banque mondiale en Amazonie », Ethnies,Paris, vol. 5, n° 11-12, 1990, p. 24.3. Projet grandiose mettant à profit le potentiel hydro-électrique de la région du GrandCarajas, de manière à exploiter à grande échelle les richesses minières de la région. Ceprojet touchait quarante communautés indigènes représentant un total de 13000 individus(cf. Stephan Schwartzman et Korinna Horta, 1990, op. cit. p. 24).

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de décision. Ce constat n’était pas propre au Brésil. Il concernaittous les pays en voie de développement bénéficiant de prêts condi-tionnés1 de la part des BMD. Si bien que, dans la première moitiédes années 80, des associations écologistes et indigénistes ont en-tamé une action (notamment aux Etats-Unis2, le plus gros dona-teur) pour faire prendre conscience des conséquences écologiquesdes projets financés par la Banque mondiale. Le mouvement a eugain de cause puisque, en 1989, le Président de la Banque mon-diale3 annonçait une réforme quant au traitement des questionsenvironnementales.

Ce changement s’est concrétisé, par exemple, lorsque la BID amenacé le Brésil de suspendre un prêt accordé en 1985 devantservir à paver une route allant de Porto Velho, dans l’Etat de Ron-dônia, à Rio Branco, dans l’Etat d’Acre. Il s’agissait de continuerla route BR-364. En 1988, les versements ont cessé jusqu’à ce quedes mesures effectives de protection des populations indigènes etde protection de l’environnement soient prises4. Cette route auraitcoupé une partie du territoire yanomami dans son prolongement àtravers les Etats d’Amazonas et de Roraima5. Un Projet pour laprotection de l’Environnement et des Communautés indigènes(PMACI) a été mis en place. Il s’agissait en réalité d’une duperie,puisque sous réserve de protection écologique, le territoire indi-gène était morcelé en dix-neuf îlots et deux forêts nationales.

Aujourd’hui, les Banques multilatérales de développement par-lent d’« écodéveloppement »6 et subordonnent leurs prêts au res-pect d’un cahier des charges rigoureux censé assurer un usage ra-tionnel des ressources et respecter les droits de leurs habitants. La« directive opérationnelle DO 4.20 », en 1991, est venue définir lapolitique de la Banque mondiale destinée aux peuples indigènes.

1. Ces prêts sont conditionnés à l’exécution d’un projet de développement précis qui a étéaccordé par les pays « décideurs » de ces institutions (le nombre de voix de chaque paysmembre est proportionnel à sa contribution dans le fonds de la BMD).2. Campagne relayée aux Etats-Unis par l’Environmental Defense Fund.3. Le ministre à cette date était B. Conable. Cf. Stephan Schwartzman et Korinna Horta,1990, op. cit., p. 27.4. Ibid.5. Gregory M. Maney, « Rival Transnational Networks and Indigenous Rights : The SanBlas Kuna in Panama and the Yanomami in Brazil », Research in Social Movements, Con-flicts and Change, Kent State University, Patrick G. Coy Editor, JAI, Center for AppliedConflict Management, , vol. 23, 2001, p. 130.6. Christian Gros, 2004, op. cit., p. 42.

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Elle prévoit un certain nombre d’obligations à respecter, dont laconsultation systématique des peuples autochtones et la prise encompte de leurs vues et préoccupations dans tous les projets soute-nus par la banque qui ont un impact sur leurs terres, leurs res-sources ou leur culture1. De cette manière, la Banque mondialepeut influer sur la politique des pays et imposer des projets soute-nables qui respectent les droits des peuples autochtones.

Le positionnement écologique du mouvement indigèneJusque dans les années 80, le lobby de défense des droits de

l’Homme restait fermé aux revendications des Indiens du Brésil.D’une part, la législation en vigueur (la Convention 107 de l’OIT)était très paternaliste et, d’autre part, les rares actions menées n’ontpas eu de conséquence réelle. L’Organisation des Etats américains(Organisation of American States – OAS) avait mis sur pied unecommission pour écouter les plaintes des Indiens. Or le dénoue-ment proposé était une médiation entre les Indiens et les auteursdes crimes. Des organisations de défense des droits de l’Hommecomme Amnesty International restaient également absentes decette région du monde. Ce n’est que plus tard que l’organisationpubliera des rapports annuels sur les violations des droits del’Homme concernant les Indiens. De manière générale, le lobbydes droits de l’Homme n’était pas accessible aux Indiens.

Le mouvement s’est donc tourné plus particulièrement vers lelobby écologiste. Leurs revendications respectives avaient un pointcommun : elles étaient reliées à la terre. De plus, les organisationsécologistes avaient un poids important dans les pays occidentauxd’où elles étaient issues. Un des représentants du groupe de soutienCultural Survival précisait :

« Nous nous voyons comme une organisation de défense desdroits de l’Homme au sens large, et c’était certainement notrepremier terrain de contact avec les droits indigènes. Mais nousnous sommes déplacés davantage vers l’écologie… Clairement,cela fonctionne mieux2 ».

1. Conseil économique et social des Nations unies, « Examen des activités du système desNations unies concernant les questions autochtones : débat interactif », New-York, 13-24mai 2002, p. 3 (texte disponible sur Internet :http://www.un.org/french/events/indigenous/ecn1920022a12f.pdf).2. Interview du 14 mai 1992, retranscrit dans Alyson Brysk, 1994, op. cit., p. 36.

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Il s’opéra alors un glissement des organisations pro-indigénistesvers l’écologie. C’est ainsi que le Centro Ecumênico deDoumentação et Informação (CEDI) de São Paulo est devenuInstituto SocioAmbiental (ISA). De même, l’OPAN a changé denom : Operação Anchieta est devenue Operação Amazônia Nativa.

L’alliance entre les organisations indiennes du Brésil et lemouvement écologiste a été scellée en 1989, lors de la conférenced’Altamira contre la construction d’un complexe hydro-électriquepar Eletronorte dans la région ; et elle a atteint son point culminanten 1992, lors du Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro.

Cette tendance a participé à la création d’une image roman-tique de l’Indien protecteur de la nature. Le discours écologisterepris dans les discours des Indiens s’est fait avec d’autant plus decréativité que « la dimension souvent apocalyptique del’écologisme trouve un écho dans la lecture cosmologique qu’ilsfont de la destruction de leur environnement par l’avancée de laFrontière »1. Ceci n’est pas forcément une bonne chose sur le longterme, puisque ce nouvel imaginaire conditionne leur identité poli-tique et la subordonne à une certaine vue de l’Indien. Il risque de secréer un nouveau clivage entre les « vrais » et les « faux » Indiensselon leur rapport à l’environnement. Par exemple, les Waiãpi del’Etat d’Amapá se sont lancés dans une activité d’orpaillage (nonpolluante)2 dans leur réserve, grâce au soutien du Centro de Tra-balho Indigenista (CTI)3. Grâce aux revenus tirés de l’orpaillage,ce groupe a réussi à regagner de l’indépendance et ainsi à conser-ver son identité tout en pouvant se procurer des produits de basebrésiliens (des vêtements, du sucre, du sel …)4.L’autodétermination des Indiens passe aussi par le libre choix de lafaçon plus ou moins écologique dont ils utiliseront leurs ressourcesnaturelles.

Ce n’est qu’après la Conférence d’Iquitos, en 1991, que les In-diens ont noué des liens avec les lobbies de défense des droits del’Homme. Ils ont poussé les écologistes à passer d’un ethos pure-ment « préservationniste » à une stratégie de développement du-

1. Bruce Albert, 1994, op. cit., p. 18-19.2. Bruce Albert, 2001, op. cit., p. 55.3. Création de l’APINA (Conselho das Aldeias Waiãpi) qui met sur pied des projets dans lescommunautés Waiãpi.4. Survival, « Dépossédés, les Indiens du Brésil », Ethnies, Paris, n° 28, 2002, p. 42.

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rable bénéficiant à l’environnement. Amnesty International a alorscréé un compte rendu spécial et lancé une campagne en faveur despeuples indigènes. Après le Sommet de la Terre de Rio, l’ONU adéclaré 1993 comme l’« Année des peuples indigènes ». Cettedernière a été suivie par la « Décade des peuples indigènes ».

Le paradoxe des organisations indiennesLe paradoxe du mouvement indien est très bien résumé par les

propos de Christian Gros. Selon lui, les organisations indigènes quiréussiront le mieux seront celles qui auront :

« la capacité, assez remarquable, […] d’articuler différentes lo-giques apparemment peu conciliables : revendication identitaireet demande d’intégration ; volonté d’affirmer une autonomie etcapacité à passer des alliances ; référence à une histoire, unetradition, et un désir de modernisation ; revendications de droitsgénéraux (comme les droits de l’individu et du citoyen) et dé-fense des droits particuliers (comme les droits autochtones) ; at-titude contestataire face au pouvoir et appel à l’Etat protecteuret dispensateur de ressources ; forte expressivité dans la con-duite du mouvement et aussi réelle capacité instrumentale ;création d’organisations nouvelles, mais aussi respect et appuiaux formes d’organisations traditionnelles ; ancrage territorial etréférents globaux, etc. »1.Ces mouvements ont comme principal objectif la lutte pour la

reconnaissance des droits autochtones (droit à la terre, droit à ladiversité culturelle, droit au respect), mais également la reconnais-sance des droits à la citoyenneté brésilienne. D’une certaine façon,pour atteindre la question de l’accès à la citoyenneté, ces groupesutilisent les signes de la différence ethnique2. Ce qui est paradoxalpuisque les citoyens, dans une démocratie, sont égaux devant la loi.Or, leur condition d’Indiens « originaires » leur ouvre droit à touteune série d’avantages, notamment fonciers, dont ne disposent pasd’autres couches de la société brésilienne tout aussi défavorisées(par exemple les Sans terre). A travers cette lutte pour la recon-naissance de leurs droits, les Indiens souhaitent une intégration

1. Christian Gros, 2001, op. cit., p. 64.2. Michel Agier et Maria Rosario G. de Carvalho, 1994, op. cit., p. 107.

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dans la Nation, mais construite sur le respect de leurs différences,de leurs valeurs et de leurs droits1.

La Constitution de 1988 ouvre de grandes perspectives en ma-tière de droits pour les Indiens. Certes, certaines dispositions de laConstitution doivent être précisées par des lois applicatives, mais letronc d’ensemble est assez satisfaisant. Il est évident que la mobili-sation directe des Indiens lors des préparatifs de l’Assemblée cons-tituante a joué un rôle essentiel dans cette avancée.

Cependant, dans les faits, les Indiens d’Amazonie (60 %) neprofitent pas de ce renouveau constitutionnel, puisqu’ils sont sousle joug des militaires. En effet, le projet Calha Norte et ses ramifi-cations sont une réalité pour les ethnies d’Amazonie. De fait, nousvoyons bien le caractère anticonstitutionnel d’un tel projet puis-qu’il est guidé par une vision civilisatrice, aux antipodes des nou-veaux idéaux de reconnaissance pluriethnique de la société brési-lienne. Cependant, ce projet militaire reste possible grâce à laclause de l’article 231 §5 prévoyant une atteinte aux droits territo-riaux des Indiens en cas de risque pour la « souveraineté du pays ».Et c’est bien ce qu’invoquent les militaires lorsqu’ils mettent enavant la Sécurité Nationale et des risques de mouvements sépara-tistes, notamment de la part des Yanomami. De par la nouvelleorganisation des pouvoirs de la Constitution, il appartiendra dé-sormais au Chef d’Etat brésilien d’assumer la démocratisation duBrésil en faisant appliquer la Constitution sur l’ensemble du terri-toire.

L’entrave la plus flagrante à l’application de la nouvelle Cons-titution réside dans la législation antérieure du Statut de l’Indien.Ce Statut reste en vigueur et représente la loi commune régissant ledroit indigène. Or, il n’est pas compatible avec la Constitution de1988. Il met l’accent sur « l’intégration progressive et harmonieusedes Indiens et des communautés indigènes à la Nation » et recon-naît plusieurs classes d’Indiens selon leur degré d’acculturation(Indiens isolés, en voie d’intégration, et intégrés)2. Cet objectif a

1. Christian Gros, « Indiens et Démocratie en Amérique Latine », Ethnies, Paris, n° 29-30,2003, p. 148.2. Loi 6001/73, citée dans Secretaria de communicação de governo da Presidência da Repu-blica, 1996, op. cit.

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été banni de la nouvelle Constitution. Dès lors, les dispositifs duStatut restent en vigueur, à condition de ne pas entrer en conflitavec la Constitution. Mais comme la Constitution n’évoque quedes principes généraux et que le Statut de l’Indien est une loid’application plus précise, la marge d’appréciation est assez large.Par exemple, le Plan Calha Norte, parfaitement inconstitutionnel,est tout à fait légal du point de vue du Statut de l’Indien. Il dépen-dra donc de la plus ou moins grande complaisance du juged’accepter ou non de tels projets. Le flou juridique laisse reposerbeaucoup de pouvoirs sur un seul homme. Très vite, la nécessités’est fait sentir de reconsidérer le Statut de l’Indien.

La même critique peut être faite vis-à-vis du Code civil en vi-gueur, qui met l’accent sur la relative incapacité des Indiens. Dansces conditions, ils n’ont pas d’accès aux droits conférés par la ci-toyenneté brésilienne. Ceci entraîne une interrogation quant àl’effectivité réelle d’une telle Constitution. Certains auteurs la con-sidèrent comme un « programme papier », qui se concrétise parune politique intégrationniste sur le terrain1.

La Chambre des députés a nommé une commission spécialechargée d’étudier le sujet, en 19922. Trois projets de loi ont étéprésentés à la chambre des députés : le premier provenait del’exécutif3, et les deux autres d’ONG4. Aujourd’hui [2007], le pro-jet du nouveau Statut de l’Indien, appelé Statut des sociétés indi-gènes5 est en suspens. Malgré le consensus obtenu en mai 2001 parla chambre des députés sur un texte6, le nouveau Statut reste enattente, oublié ou bloqué dans les couloirs du Sénat fédéral7.

1. Carlos Frederico Marés de Souza Jr, « On Brazil and its Indians », in Donna Lee Van Cott(coord.), Indigenous peoples and democracy in Latin America, New York, St Martin’s Press,1994, p. 219.2. Secretaria de communicação de governo da Presidencia da Republica, 1996, op. cit..3. Projet de loi n° 2.160/91.4. Projets de loi n° 2.619/92 émanant du CIMI, et n° 2.057/91 émanant du Núcleo de Dere-chos Indígenas. Pour plus de détails sur ces projets de loi se reporter à Enio Cordeiro, « Poli-tica indigenista del Brasil y autodeterminacion », América Indígena,México, vol. LIV, n° 3,juil.-sept. 1994, p. 63.5. Dominique Buchillet, « Droits constitutionnels, ressources génétiques, protection dupatrimoine génétique et des savoirs traditionnels des populations indigènes (Brésil) », Jour-nal de la Société des Américanistes, Paris, tome 88, 2002, p. 248.6. Projet de Loi n° 2057/91 de Luciano Pizzatto.7. Dominique Buchillet, 2002, op. cit., p. 248.

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DEUXIEME PARTIE

La politique indigénisteet ses acteurs depuis 30 ans

« L’appartenance identitaire esttoujours multiple »

Amin Maalouf, 2001.

« Pour qu’une culture vive et sedéveloppe, il faut qu’elle soit à lafois ouverte et fermée : trop ou-verte elle disparait dans sa spéci-ficité et est absorbée par plus fortqu’elle ; trop fermée, elle dépéritinexorablement »

Christian Gros, 2001.

« Ethnic cultures, born on resis-tance and adaptation to domina-tion, must be seen as transforma-tive and relational rather thantimeless, capsulized essences »

Garfield Seth, 2001.

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Chapitre 1

La politique indigénistede Fernando Collor de Mello à Lula

La politique indigéniste, au Brésil, à l’instar des sujets jugés« secondaires »1 par les dirigeants, a connu un traitement très va-riable selon les gouvernements en place. A la sensibilité humanistedes dirigeants viennent se greffer des paramètres extérieurs àprendre en considération. La démocratie est jeune au Brésil, et lesgroupes de pression de l’ère militaire sont encore actifs dans lepays. De plus, le système électoral impose aux partis progressistes,encore trop fragiles face aux intérêts économiques et militaires, laformation de coalitions. Cette situation explique d’une part defortes pressions sur le Président (provenant des membres de sacoalition) et d’autre part l’émergence de sujets plus ou moins prio-ritaires dans la politique nationale. Dans ce contexte, la politiqueindigéniste peut être analysée comme le résultat d’un rapport deforce entre plusieurs groupes en présence. D’un côté, le lobby indi-géniste pousse à aller de l’avant dans la démarcation des terresindigènes et dans la préservation de la forêt amazonienne. Ce mou-vement est soutenu par des anthropologues brésiliens et étrangers,par le mouvement écologiste mondial et, de manière générale, parles pays occidentaux dits « développés » (qui voient leur intérêtdans la préservation du « poumon de la planète »2). La faiblesse dumouvement indien à l’intérieur du pays est donc en partie compen-sée par la pression internationale (l’histoire récente a montré que leBrésil est sensible à son image sur la scène internationale). D’unautre côté, les groupes de pression favorables au développementéconomique du pays et à l’exploitation des richesses amazoniennessont nombreux et très puissants au Brésil. Ces groupes possèdentl’argent, le pouvoir et, bien souvent maintiennent des situations defait (irrégulières, comme par exemple l’occupation illégale des

1. Par exemple l’écologie. Ces sujets sont jugés « secondaires » dans un pays en développe-ment comme le Brésil. Les sujets politiques « prioritaires » sont l’économie et les financesdu pays.2. Union européenne ; France (Jacques Chirac en 2001) ; ONU…

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terres indigènes). Ces acteurs « développementalistes » sont vi-sibles tout particulièrement sur trois fronts au Brésil: ce sont lescompagnies minières brésiliennes et multinationales, les exploi-tants de bois et les grands propriétaires terriens (cultivateurs1 etéleveurs de bétail).

Il résulte de ces paramètres un traitement variable de la poli-tique indigéniste au gré des cycles politiques. Ceci a été particuliè-rement évident lors des mandats des deux derniers Présidents enfonction, Fernando Henrique Cardoso et Lula, car ils ont courupour un double mandat. Dans les deux cas, il est possibled’observer un début de premier mandat présidentiel sensible à laquestion indigène et plutôt favorable aux Indiens dans son traite-ment. La fin du premier mandat est quant à elle marquée par unregain de conservatisme et une limitation (réduction ?) des droitsdes Indiens sur leurs terres. Il est possible d’y voir les signes d’unaccroissement du poids des forces « développementalistes », dansune stratégie de réélection.

Dès lors, de façon assez surprenante, ce sont sous les mandatsdes deux derniers Présidents, pourtant considérés comme deshommes de gauche, que les initiatives les plus défavorables auxIndiens ont été prises, parmi d’autres décisions plus favorables. Al’inverse, le Président précédent, Fernando Collor de Mello, malgréson programme économique néolibéral2, a pratiqué une politiquebénéfique aux Indiens et hautement médiatisée à l’international.Néanmoins, la courte durée de son mandat vient nuancer cetteconstatation.

1. Notons l’expansion récente des cultivateurs de soja et l’autorisation (temporaire) par Lulade la culture de plants transgéniques dans le Mato Grosso (suite à la pression des agricul-teurs qui ont illégalement importé ces semis) alors que la vente et la consommation deproduits transgéniques sont interdites au Brésil.2. Fernando Collor, jusque là inconnu, a été élu sur un mot : faire rentrer le Brésil dans lamodernité. Il est « l’homme neuf » de la campagne présidentielle de 1989. Il sera déchu deses fonctions en 1992, suite à un scandale de corruption.

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1. Une politique progressiste : 1989-1994En 1989, Fernando Collor de Mello est le premier Président du

Brésil à avoir été élu au suffrage universel direct. Ceci est impor-tant à souligner, car la campagne électorale qui a suivi la rédactionde la Constitution a intégré de nouveaux thèmes. Les questionsnoires et indiennes, qui ont suscité tant de débats lors de la consti-tuante, ont été incorporées dans les programmes des principauxpartis politiques1. Depuis cette époque, les candidatures de certainspartis (PT, PMDB, PDT2) ont été attribuées à des dirigeants noirsou indiens.

A partir de 1991, le gouvernement Collor a commencé à per-cevoir positivement les opportunités de financements étrangerspour les actions de protection de l’environnement. Ces subsides quiconcernent en priorité l’Amazonie ont permis de démarquer etd’homologuer de nombreuses terres indigènes3.

La communauté internationale a commencé à se mobiliser pourdéfendre les Yanomami à partir de 1988. Ainsi, l’ONU a décernéle Prix mondial de son programme environnemental à Davi Kope-nawa Yanomami, chamane et leader charismatique des Yanomami.De cette manière, la lutte pour la terre de son peuple a pu être am-plement médiatisée à l’étranger. Des ONG européennes telles queSurvival International ont porté l’affaire des « îlots Yanomami »devant les représentants politiques européens et devant l’Unioneuropéenne4. L’action internationale a été soutenue à l’intérieur duBrésil par certains représentants de la société civile et notammentpar le sénateur Fernando Henrique Cardoso. Si bien que, lorsqueFernando Collor de Mello nouvellement élu s’est rendu en Europe,il a dû faire face à de nombreuses critiques et à une opinion pu-blique échaudée. A son retour au Brésil, le Président fit expulserles chercheurs d’or du territoire Yanomami.

La politique indigéniste, pour le gouvernement Collor de Mel-lo, va désormais être un moyen de se faire bien voir sur la scène

1. Michel Agier et Maria Rosario G. de Carvalho, 1994, op. cit., p. 119; Carlos FredericoMarés de Souza, 1994, op. cit., p. 227.2. PT-Parti des Travailleurs (gauche) ; PMDB-Parti du Mouvement Démocratique Brésilien(centre gauche), PDT-Parti Démocratique Travailliste.3. João Pacheco de Oliveira, (coord.), Indigenismo e territorialização: Poderes, rotinas esaberes coloniais no Brasil contemporâneo, Rio de Janeiro, Fundação Ford, 1998, p. 13.4. María Guadalupe Moog Rodrigues, 2002, op. cit., p. 500.

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internationale et par la même occasion de capter des financementsexternes1.

La création du Parc Yanomami

Dès le 24 mars 1990, le nouveau Président du Brésil entre-prend de rendre visite aux Yanomami. Suite à cette rencontre, ilannonce qu’une nouvelle étude de délimitation des terres yanoma-mi sera exécutée. Il souhaite également une reformulation du projetCalha Norte2. A cet égard, le Président neutralise certains aspectsde l’hégémonie militaire en Amazonie. Ceci provoque des tensionsentre les militaires et la présidence de la République. FernandoCollor de Mello est le premier Président à assumer les pleins pou-voirs que lui confère son mandat. Bien sûr, les militaires ont tou-jours un certain poids dans la politique indigéniste, mais ils n’enont plus le monopole. Le gouvernement Collor cherche à concilierl’ouverture du champ politique aux acteurs civils et l’ouverture duchamp économique au modèle de développement tel qu’il avait étémis en place par les militaires. Dans cette situation où la démocra-tie fut imposée, la politique indigéniste allait enfin pouvoir se dé-velopper réellement de manière positive. La politique indigénisteéchappe clairement à la tutelle de l’armée avec la promulgationd’un nouveau décret régissant la procédure de démarcation desterres indigènes : le décret 22 du 4 février 1991. L’armée est excluede la nouvelle procédure. Le décret 22 proposait en outre de fixerl’échéance des démarcations foncières au 5 octobre 1993. Ce texteest accompagné des décrets 23, 24, 25 et 26, qui transfèrent cer-tains domaines d’action de la FUNAI aux ministères concernés(éducation, santé, environnement, agriculture). Dans cette décen-tralisation, la FUNAI est principalement reléguée dans le rôle deproposer les délimitations des terres indigènes. Mais la décisionfinale appartient au ministre de la Justice.

1. Sara Gavney Moore, Maria Carmen Lemos, « Indigenous Policy in Brazil : The Devel-opment of Decree 1775 and the Proposed Raposa/Serra do Sol Reserve, Roraima, Brazil »,Human Rights Quarterly, Maryland, The Johns Hopkins University Press, vol. 21, n° 2, mai1999, p. 449.2. Pour perdurer, le PCN devra s’accompagner d’une politique environnementale sérieuse.Cf. Bruce Albert, 1992, op. cit., p. 57.

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Le décret du SADEN (1987) qui avait permis la création deterres indigènes discontinues le long de la frontière (les « aires » et« colonies » indigènes) est annulé par l’Avocat général pour soninconstitutionnalité. Lors de la journée de l’Indien, le 19 avril1991, le Président Fernando Collor de Mello révoque les limites duterritoire Yanomami telles qu’elles avaient été définies en 1988. Leterritoire est placé sous interdit en attendant les nouvelles délimita-tions1. Le même mois, un projet médical fut mis en place pour lesYanomami qui souffraient de sérieuses épidémies.

Le Président Fernando Collor de Mello a finalement signé ledécret de démarcation d’une terre indigène yanomami continue, laveille du Sommet de Rio. Cet acte sans aucun doute politique n’enest pas moins une grande avancée dans l’application du droit indi-gène brésilien.

Une volonté affichée d’adapter le Statut de l’Indien à la nouvelleConstitution

Comme nous l’avons vu précédemment, la loi 6.001/73 régis-sant en pratique les rapports entre les Indiens et l’Etat est inconsti-tutionnelle sous certains aspects. En effet, alors que la nouvelleConstitution met l’accent sur un développement différencié et laprotection des valeurs culturelles des Indiens, le Statut de l’Indienest dominé par une philosophie évolutionniste et intégrationniste.

Au début des années 1990, la FUNAI, le CIMI et le NDI ontsoumis des propositions au Congrès fédéral pour une nouvelle loidu Statut de l’Indien. En 1993, un groupe de travail interministérielformé de sénateurs, de députés, de représentants indigènes etd’organisations pro-indigènes ont travaillé sur le sujet2.

En juillet 1994, après plusieurs mois de discussions, le groupede travail, coordonné par le député Luciano Pizzatto, est arrivé à unaccord : le projet de loi n° 2 057/91. Ce projet avait à l’époque étéapprouvé par la Chambre des représentants. Cependant, avantmême d’arriver au Sénat, le texte a dû être réexaminé par laChambre des représentants, en décembre 1994, suite à un recours

1. Bruce Albert, 1992, op. cit., p. 61.2. Georgia O. Carvalho, 2000, op. cit., p. 474.

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introduit par cinquante-six députés1. Le Président Fernando Hen-rique Cardoso lui-même (1er janvier 1995-31 décembre 2002)s’était montré très critique vis-à-vis de ce texte. Dès lors, le projetde loi est resté paralysé à la Chambre des représentants. La nomi-nation de Nelson Jobim au ministère de la Justice ouvrait une èrede regain de conservatisme et un rapport de force favorable auxlobbies « développementalistes ».

L’activisme du lobby « développementaliste »

De puissants lobbies anti-indiens ont fait pression depuis 1988pour modérer la politique indigéniste pratiquée par le gouverne-ment. Ces pressions ont parfois consisté en des campagnes de dif-famation comme celle mentionnée précédemment. Une premièrecampagne avait été menée en 1987. Elle fut réactivée en 1990. Laposition prise par les « développementalistes » en 1987 avait étélargement relayée par la presse conservatiste : les lobbies interna-tionaux et l’Eglise catholique auraient dit aux Indiens d’exigerqu’on leur donnât de très vastes terres, riches en minerais, de façonà saper les intérêts nationaux2. Ces fausses accusations avaient étédémenties par les enquêtes parlementaires qui s’ensuivirent.

En 1990, la démarcation de la terre indigène yanomami fut dé-finie par des politiciens locaux et nationaux comme étant le résultatd’un complot international ayant pour but d’empêcher les brési-liens d’exploiter leurs minerais3. Ces accusations pernicieusesn’eurent pas d’incidence réelle sur la démarcation du territoireyanomami. Cependant, depuis cette époque le lobby « développe-mentaliste » fait campagne pour l’annulation de la terre yanomami4et pour la révision des critères utilisés pour démarquer les terres

1. Le chef de file de cette coalition était le député Arthur da Távola (PSDB-Rio de Janeiro).La demande provenait du ministre de la Justice en personne, Nelson Jobim (1/01/1995 -7/04/1997). Cf. Georgia O. Carvalho, 2000, op. cit., p. 474.2. Id., p. 467.3. Id., p. 469.4. Suite la campagne de diffamation, Jair Bolsonaro a introduit un projet de loi qui proposel’annulation de la démarcation de la Terre Indigène yanomami (Projecto de Decreto Legi-slativo 365/1993). Mis au placard pendant plusieurs années, le projet a été réactivé le 3 mars1999. Plus récemment, en 2004, le projet de loi PLS 188/2004 modifiait les démarcationsdes Terres Indigènes situées dans des zones frontalières, pour des raisons de Défense Natio-nale. Pour voir les projets de loi concernant les Indiens, se référer au site du CIMI,(http://www.cimi.org.br/?system=news&eid=236).

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indigènes. Par exemple, en 1993, lors de la réforme de la Constitu-tion fédérale (réforme prévue initialement dans le texte original),près de soixante-dix textes réformant le droit originaire des Indiensà la terre ont été proposés. A cette occasion, plusieurs organisationsindiennes sous la direction d'Ailton Krenak1, des organisations pro-indiennes2 et des ONG internationales3 se sont mobilisées. Unevéritable compétition entre les indigénistes et les « développemen-talistes » s’ensuivit si bien que le coordinateur de la réforme cons-titutionnelle, Nelson Jobim, opta pour un compromis, nommantFábio Feldman4 sous-coordinateur de la réforme.

Comme nous l’avons vu, les lobbies « développementalistes »ont fait de gros efforts pour tenter de réduire les droits des Indiens,et surtout leurs droits fonciers. Pendant la période 1989-1994, lestentatives ont souvent échoué à cause des importantes mobilisa-tions du lobby indigéniste. Cependant, ces mobilisations, souventappuyées par des organisations internationales, sont restées spora-diques. De plus, la volonté de donner une bonne image du Brésil àl’international par le gouvernement Collor a joué en leur faveur.

Le premier janvier 1995, Nelson Jobim (partisan de la coalition« développementaliste ») a été nommé ministre de la Justice par lenouveau Président Fernando Henrique Cardoso. Cette opportunitépour les « développementalistes » va ouvrir une ère de regain deconservatisme dans le traitement de la politique indigéniste auBrésil.

1. Dont la COIAB et la CAPOIB.2. Dont le Núcleo de Direitos Indígenas (NDI), le Centro Ecumênico de Documentação eInformação (CEDI), la Comissão Pró-Indio (CPI), le Centro de Trabalho Indigenista (CTI),le Instituto de Estudos Sócio-Econômicos (INESC), le Grupo de Trabalho Amazônico(GTA), l’Associação Brasileira de Antropología (ABA), l’Ordem dos Adrogados do Brasil(OAB).3. Dont Survival International, The Environmental Defence Fund, The Amazon Coalition etAmanak’a Network.4. Militant du PSDB et pro-Indien. Grâce à son action, les droits territoriaux des Indiens nefurent pas révisés.

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2. Un virage conservateur à peine masqué : 1994-2000Fernando Henrique Cardoso est à l’origine un politicien à ten-

dance progressiste qui avait promis lors de son mandat électoral deréaliser la démarcation de toutes les terres indigènes et de systéma-tiser le dialogue avec les représentants indigènes. Son électionaurait pu constituer une occasion pour les peuples indigènes de voirappliqués leurs droits fonciers. Or, la coalition de partis l’ayantmené au pouvoir va quelque peu lui lier les mains et lui imposerdes concessions lourdes de conséquences sur les Indiens. Cepen-dant, nous allons voir que le bilan de la politique indigéniste menéepar Fernando Henrique Cardoso, en 2002, est plutôt positif dans lesfaits. Le seul problème est qu’il a mis en place des mécanismesstructurels qui auront des répercussions sur les Indiens au-delà deses mandats, ce qui pouvait s’avérer dangereux, surtout si les Pré-sidents suivants n’avaient pas cette fibre sociale.

La première atteinte directe aux droits des Indiens fut sansdoute d’avoir nommé Nelson Jobim ministre de la Justice dès jan-vier 1995. Après avoir nommé Márcio José Brando Santilli Prési-dent de la FUNAI, geste apparemment d’ouverture, il ne fallut paslongtemps pour que Nelson Jobim mît en œuvre le programme –qu’il soutenait personnellement – de réduction des droits fonciersdes Indiens.

Le « décret génocide »

Peu après sa nomination au ministère de la Justice, Nelson Jo-bim initia une discussion sur le principe contradictoire1. Il s’agit dudroit légal permettant de contredire ou de mettre en doute les dé-marcations des terres indigènes. Ce droit représentait clairementune opportunité pour les intérêts économiques qui convoitaient lesterres indigènes (que ce soit pour l’exploitation de leur sous-sol, deleur bois, ou d’autres richesses naturelles) mais également pour lespropriétaires terriens qui avaient été expulsés de ces terres suite àun processus de démarcation. L’argument avancé fut celui d’une

1. Contraditório. Cf. IWGIA « New decree threatens the integrity of Indigenous territo-ries », Indigenous Affairs, Amsterdam, n° 1, jan.-fév.-mars 1996, p. 8 ; Dominique Buchil-let, « Le décret 1775/96 : une nouvelle forme de spoliation des territoires indigènes ? »,Journal de la Société des Américanistes, Paris, tome 82, 1996, pp. 341.

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inconstitutionnalité du décret 22 régissant le processus de démarca-tion des terres indigènes, car il ne prévoyait pas la possibilité pourles intéressés de faire un recours en contestation.

La Constitution stipule pourtant que les contrats concernantdes terres indigènes sont nuls et non avenus, et n’ouvrent pas droità indemnisation. Dans ces conditions, il ne semble pas que la fer-meture au principe contradictoire soit inconstitutionnelle. C’étaitd’ailleurs l’opinion soutenue par le Ministère public fédéral brési-lien1. En revanche, considérer comme des motifs de contestationles titres de propriété existant sur les terres indigènes est anticonsti-tutionnel.

Pourtant, le 8 janvier 1996, le décret 1775/96 fut signé. Il mo-difiait la procédure de démarcation des terres indigènes2 et y incor-porait le principe contradictoire. Ainsi, tout intéressé pouvait, dansles quatre-vingt-dix jours suivant la promulgation, contester ladélimitation de la terre indigène telle que proposée par la FUNAI.Le plus surprenant est que ce droit fut appliqué rétrospectivement.C’est-à-dire qu’il touchait non seulement toutes les terres indigènesà démarquer, mais également toutes celles qui avaient déjà étédémarquées avant la promulgation du décret3 ! La décision finalede l’acceptation ou du rejet des requêtes contradictoires appartien-drait au seul ministre de la Justice.

Éminemment politique, cette décision donne un pouvoir dis-crétionnaire à un seul homme, dont les aspirations indianophilesvarient selon les gouvernements en place. Ce peut être très préjudi-ciable.

Ce décret eut comme premier effet un déferlement d’actions encontradiction : mille soixante-six requêtes pour réviser près desoixante-dix terres indigènes. Alors que la FUNAI avait rejetétoutes les requêtes, le ministre de la Justice considéra que parmicelles-ci, quatre cent dix-neuf concernant trente-quatre terres indi-gènes étaient pertinentes4. Il décida en fin de compte que parmi cestrente-quatre terres indigènes, huit devraient être révisées : les TI

1. Dominique Buchillet « Les vieux démons de la politique indigéniste au Brésil » Journalde la Société des Américanistes, Paris, tome 81, 1995, p. 270.2. A ce sujet, voir la Partie 2-Chapitre 2.3. Seules étaient exemptes, les terres indigènes enregistrées au SPU (une minorité).4. Georgia O. Carvalho, 2000, op. cit., p. 473.

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Raposa/Serra do Sol des Makuxi1 (Roraima), Sete Cerros des Gua-rani/Kaiowa (Mato Grosso), Krikati (Maranhão), Kampa do RioEnvira (Acre), Apyterewa et Bau des Paracana et Kayapó (Pará) etles deux terres Evare I et Seruini Mariene des Tikuna (Amazonas)2.

Parmi les requêtes, certaines provenaient directement d’Etatsbrésiliens : les Etats du Pará et de Rondônia, par exemple, ont con-testé toutes les terres indigènes présentes dans leur Etat3.

Les protestations furent vives de la part des activistes pro-indiens. Une campagne nationale fut menée par le CIMI et l’ISA.A l’étranger, Survival International et Oxfam se mobilisèrent etenvoyèrent des lettres aux gouvernements européens, demandantqu’ils suspendent leurs aides financières concernant les Indiens duBrésil (projet Rainforest Trust Fund)4. Avec Amnesty Internationalet Amanak’a Network, ces ONG allèrent protester auprès del’ambassadeur brésilien à Londres. Le parlement européen finit parvoter une résolution condamnant les actions du gouvernement bré-silien, et recommandant la suspension des projets de développe-ment financés au Brésil, jusqu’à la révocation du décret.

Devant une telle opposition, Nelson Jobim en personne se ren-dit en Europe pour éviter le gel des financements européens et duprogramme pilote du G75. Il argumenta alors en faveur de son dé-cret sans lequel la procédure de démarcation des terres indigènesaurait été en péril. L’ouverture de cette procédure au principe con-tradictoire représentait, selon lui, le seul moyen pour la légitimer6.L’ouverture au principe contradictoire était donc un moyen desécuriser le processus de démarcation des terres indigènes ! Aprèscette visite les gouvernements des pays européens se démobilisè-rent.

1. Makuxi, Wapishana, Taurepany, Patamona, Ingarikó.2. Julio Feferman et Beto Borge, « Brazil’s Indians on Alert as Government Hears FinalLand Rights Appeals », Summer Fall, vol. XIII, n° 2, 1996 ; Dominique Buchillet, « Lesconséquences du décret présidentiel n° 1775/96 pour les droits territoriaux des indiens »,Journal de la Société des Américanistes, Paris, tome 83, 1997, p. 295.Cf. Figure 3 : Conséquences du décret génocide sur les TI.3. Julio Feferman et Beto Borge, 1996, op. cit.(http://forests.org/archived_site/today/recent/1996/lasthrbr.htm).4. Georgia O. Carvalho, 2000, op. cit., p. 473.5. PPG7: programme pilote financé par le G7 pour la conservation de la forêt amazonienne.6. Georgia O. Carvalho, 2000, op. cit., p. 474.

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Figure 3Conséquences du Décret 1.775/96 sur les T.I.

Application rétroactive du principe contradictoire

Source: ISA, « Terras Indígenas no Brasil: um balanço da era Jobim », Documentos do ISA,Brasília, n° 3, 1997, p. 12.

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Le cas de la terre indigène Raposa/Serra do Sol

La terre indigène Raposa/Serra do Sol fait partie des huit TIqui devaient être réexaminée par la FUNAI. Or, les études com-plémentaires demandées furent boycottées par l’organe indigéniste,en signe de protestation. La médiatisation de la visite de NelsonJobim aux Indiens laissait présager un dénouement qui leur seraitfavorable. Cependant, le 20 décembre 1996, la décision ministé-rielle n°801 rendit les requêtes des orpailleurs inconstitutionnelles,tout en reconnaissant que des ajustements étaient nécessaires auxlimites de la terre indigène. En fait, il s’agissait d’en exclure leszones de population non indienne déjà consolidées2. Cette décision,éminemment politique, prenait donc en compte les situations defait pour la démarcation des terres, au mépris des principes consti-tutionnels. Cette légitimation des invasions illégales provoquaitune perte de 300 000 hectares et le morcellement de la terre indi-gène3. En effet, si la terre indigène avait été démarquée de façoncontinue, l’Etat de Roraima, dans lequel elle se situe, aurait étélargement recouvert par des terres indigènes puisque le parc yano-mami représentait déjà quelques 9 664 980 hectares4, soit 43 % dela superficie totale5. Cette problématique pose toujours problèmeaujourd’hui.

Un bilan mitigé pour Fernando Henrique Cardoso

Des ambitions économiques conservatrices et dommageablesEn 1997, Fernando Henrique Cardoso annonça un programme

de colonisation sur sept millions d’hectares dans le Roraima. C’estdonc sans surprise que les garimpeiros et les colons retournèrentenvahir en masse les terres yanomami6.

1. Despacho 80 du 20 décembre 1996.2. Les cinq villes d’orpailleur créées par le gouverneur de l’Etat de Roraima, Neudo Camposainsi que les routes utilisées par les fronts d’invasion. Cf. IWGIA « Cut up in Raposa »,Indigenous Affairs, Amsterdam, n° 1, jan.-fév.-mars 1997, pp. 8-12.3. Dominique Buchillet, 1997, op. cit.4. ISA, « Caracterização Socioambiental das TI no Brasil », visité le 6 mai 2008,www.socioambiental.org.5. Selon le portail du gouvernement, le Roraima a une superficie de 22 429 800 hectares :www.rr.gov.br, visité le 6 mai 2008.6. GregoryM. Maney, 2001, op. cit., p. 125.

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En 1999, sous la pression des groupes de pression « dévelop-pementalistes », Fernando Henrique Cardoso alla même jusqu’àréduire la Réserve des Makuxi, le long du territoire yanomami.

Ces pressions clairement obtenues dans un but politique permi-rent la réélection de Fernando Henrique Cardoso en 1999.

Un bilan pourtant positif en fin de mandatLors de son premier mandat, Fernando Henrique Cardoso avait

alloué des fonds plutôt modestes à la politique indigéniste avec unenette baisse en 1998, l’année de sa réélection. Cependant, à partirde 1999, les fonds alloués grimpèrent en flèche jusqu’à atteindre205 835 000 R$. La majeure partie de ces fonds étaient attribués àla Santé (65 %). A la fin de son mandat, le deuxième plus grosposte était celui des terres (15 %)1. Le Président, libéré de ses con-traintes politiques, pouvait enfin porter l’attention qu’il souhaitait àla question indigène et ainsi démarquer une grande quantité deterres indigènes.

Dans le bilan de la présidence de Fernando Henrique Cardoso,la démarcation des terres indigènes a une place privilégiée puis-qu’il permit l’autorisation de cent quarante-cinq terres et la décla-ration de cent dix-huit autres, représentant un total de41 043 hectares.

3. Une politique indigéniste récente marquée par les aléasdes cycles politiques : 2000-2007

La fin du mandat de Fernando Henrique Cardoso a été plus fa-vorable aux questions indigènes (2000-2002). La rédaction dunouveau Code civil et la ratification de la Convention n° 169 del’O.I.T. constituent même de grandes avancées au regard du droitautochtone. Il est probable qu’en l’absence de perspective de réé-lection, les pressions des groupes conservateurs ont eu moinsd’effet sur le Président.

L’élection de Lula en 2002 allait porter un souffle nouveau etsusciter de grands espoirs. Son programme clairement tourné en

1. INESC, A era FHC e o Governo Lula : transição ?, Brasília, avril 2004, p. 303.Cf. Annexe 6 : Fonds alloués à la politique indigéniste sous F.H.C.

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faveur des plus démunis (dont font partie les Indiens) comportaitcertains points précis d’importance pour eux, comme par exemplela démarcation effective et continue de la terre indigène Rapo-sa/Serra do Sol qui avait été réduite par l’ancien ministre de laJustice, Nelson Jobim, en 1996. Cependant, la trajectoire de lapolitique mise en œuvre par Lula a été assez similaire à celle deFernando Henrique Cardoso.

D’importants progrès au regard du droit

Le nouveau Code civil (2002-2003)Le nouveau Code civil, publié le 10 janvier 2002, sous Fernan-

do Henrique Cardoso, constitue une avancée majeure : il libère lesIndiens de l’incapacité relative à laquelle ils étaient toujours assu-jettis dans l’ancien code1. En effet, celui-ci déclarait dans ses ar-ticles 5 et 6 que :

« Sont absolument incapables d’exercer personnellementles actes de la vie civile : 1) les mineurs de moins de 16ans ; 2) les fous de tout genre ; 3) les sourds-muets qui nepourraient exprimer leur volonté » 2.« Sont incapables, relativement à certains actes ou à la ma-nière de les exercer : 1) les personnes âgées de 16 à 21 ans ;2) les pródigos [ceux qui ont des comportements irrespon-sables] ; 3) les femmes mariées tant que dure l’union con-jugale3, et ; 4) les sylvicoles. Paragraphe unique : les sylvi-coles seront soumis au régime tutélaire, établi par des loiset des règlements spécifiques, qui cessera au fur et à me-sure de leur adaptation à la civilisation du pays » 4.

Aujourd’hui, la condition d’Indien n’est plus une entrave àl’exercice de leurs droits sociopolitiques. De plus, le nouveauCode civil se conforme à la Constitution qui rejette toute idéed’intégration graduelle des Indiens dans la Nation brésilienne.

Sur le plan moral, cela peut être interprété comme la recon-naissance officielle par l’Etat brésilien de l’égalité en droit entre lesBrésiliens et les Indiens. L’Etat leur reconnaît la capacité à réflé-

1. L’ancien Code Civil était la Loi n° 3.071 du 1 janvier 1916, révisée par la Loi 3.725 du 15janvier 1919.2. Article 5 du Code Civil de 1916, cité dans Dominique Buchillet, 2002, op. cit., p. 250.3. Les femmes mariées ont été retirées des incapables relatifs en 1962.4. Article 6 du Code Civil de 1916, cité dans Dominique Buchillet, 2002, op. cit., p. 250.

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chir comme des hommes libres et avisés. Dans ce sens, le nouveauCode civil reconnaît enfin aux Indiens la citoyenneté.

Sur le plan pratique, cela ouvre le droit de vote aux Indiens,qu’ils vivent de façon sédentaire (urbanisés ou non) ou semi-nomadique (dans un isolement volontaire). A cet égard, l’électoratindigène va gagner en importance stratégique, devenant lors del’élection de 2002 une des cibles de la campagne de Lula1.

La nouvelle situation des Indiens est néanmoins soumise à unelégislation spécifique, selon l’article 4 du nouveau code. Il est ànoter que la notion de capacité relative à laquelle les Indiensétaient auparavant soumis est encore présente dans le Statut del’Indien, d’où une réelle nécessité de le réviser.

Entré en vigueur le 10 janvier 2003, et bien accueilli par lesIndiens, le nouveau Code civil a profité à Lula, élu en novembre dela même année, créant un climat propice au dialogue avec les diri-geants indigènes.

La ratification de la Convention 169 de l’O.I.T.Le Brésil a ratifié la Convention n° 169 de l’OIT le 19 juin

20022. Cette Convention est venue se substituer à la Conventionn°107 de l’OIT que le Brésil avait ratifié. Cette dernière était vi-vement critiquée depuis les années 80 pour sa vision clairementintégrationniste, en contradiction avec l’évolution de la penséeethnologique.

La deuxième partie de la Convention 169 porte sur les droitsterritoriaux et les ressources naturelles des terres indigènes et tri-bales. Elle impose notamment que les Indiens soient les proprié-taires collectifs de leurs terres, ce qui n’était pas pour plaire à tousles membres du Congrès. Le projet de loi 34/93 qui a permis laratification du texte de l’O.I.T. était bloqué au Congrès depuis plusde 10 ans3.

1. Le recensement démographique de 2000 pratiqué par l’IBGE estime qu’environ 730 000individus se considèrent Indiens au Brésil (Indiens urbain compris : cf. Annexe 1).L’Institut SocioAmbiental considère que parmi ceux-ci, environ 480 000 vivent dans lesterres indigènes (http://www.socioambiental.org/pib/portugues/quonqua/qoqindex.shtm).2. La Convention 169 avait été adoptée lors de 76è conférence Internationale du Travail, en1989. Elle est rentrée en vigueur en 1991.3. Dominique Buchillet, 2002, op. cit., p. 251.

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Lula : de l’inquiétude à la suspicion

Les promesses électorales : « the commitments »Lula a bâti un programme électoral en faveur des couches mo-

destes de la population. Les Indiens n’en ont pas été exclus. Sespromesses et ses déclarations ont provoqué, à son bénéfice, uneparticipation massive des Indiens détenteurs du droit de vote. Lecandidat avait même pris des engagements fermes répertoriés dansson Commitment to the Indigenous Peoples of Brazil lancé en sep-tembre 2002. Or, jusqu’en avril 2007, le gouvernement Lulan’avait toujours pas donné signe de l’application d’une stratégiecohérente concernant la politique indigéniste. Certes certains terri-toires avaient été démarqués et ratifiés, mais la politique n’avaitpas d’orientation claire, ce qui exacerbait les erreurs et les omis-sions des gouvernements précédents. Le problème majeur était quele gouvernement s’était montré incapable de répondre aux attentesqu’il avait fait naître, rendant plus grande la sensation de duperieressentie par les Indiens.

Lula a été vivement critiqué par les organisations indigènes quis’étaient initialement mobilisées1 lors de la campagne présiden-tielle de 2002.

Une pratique du pouvoir décevanteLa situation des Indiens du Brésil a semblé se dégrader lors du

premier mandat de Lula. Cette dégradation a principalement touchédeux secteurs : la santé indigène et les droits de l’Homme. Durantcette période, les meurtres de dirigeants indiens se sont multipliésau Brésil. La hausse des tensions concernant les terres n’y était pasétrangère.

La Justice brésilienne a eu également tendance à criminaliserles Indiens et favoriser les requêtes des « développementalistes »sur le sujet des terres. Ainsi, plusieurs terres indigènes ont été ré-duites légalement ou illégalement, sans que le ministre de la Justiceou le Président de la FUNAI ne s’en inquiètent. La terre indigèneBaú des Kayapó, dans le Sud de l’Etat du Pará, a ainsi vu sa super-ficie réduite de près de 17 %2. Ceci a été qualifié de « bonne négo-

1. IWGIA, The Indigenous World 2002-2003, Copenhagen, 2003, p. 157.2. COIAB et APOINME, Manifesto de repúdio contra a política indigenista do GovernoLula, Manaus e Alagoas, 3 août 2004. Cf. Annexe 7 : Manifesto de repúdio.

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ciation » par le Président de la FUNAI de l’époque, Mércio PereiraGomes.

Le Président de la FUNAI de septembre 2003 à mars 2007,Mércio Pereira Gomes, représentait une menace pour les intérêtsdes Indiens. Son action, très controversée, ne semblait pas protégerleurs intérêts. Il a d’ailleurs déclaré en 2005 que le processus dedémarcation des terres avait atteint une ampleur trop importante etqu’il convenait de le freiner. A cela s’ajoutait un budget de la FU-NAI réduit.

Certains Indiens se sont plaints d’une complicité entre la Jus-tice et les intérêts économiques du pays. Ainsi, le Statut de l’Indientoujours en vigueur a été parfois utilisé de façon à priver les In-diens de leurs droits (se faire représenter par un avocat, parexemple)1.

Les postes de la FUNASA ont été attribués politiquement. Lasanté indigène a connu une crise depuis l’accession de Lula aupouvoir. Les pouvoirs fédéraux sont régulièrement interpellés parles organisations de défense des Indiens, suite aux épidémies. Acela s’ajoute un accroissement de la malnutrition. Alors que Lulase faisait un point d’honneur de son programme « Faim zéro », desIndiens meurent régulièrement de sous-nutrition, notamment chezles Guarani, l’une des ethnies les plus sinistrées par la répartitiondes terres. La réaction du ministre de la Santé, Humberto Costa(PT) a été de déclarer en 2005 qu’ « il n’y a pas plus de morts qu’iln’y en a normalement »2. En 2004, la FUNASA a pourtant dépenséplus d’argent en déplacements de ses fonctionnaires qu’en médi-caments pour les Indiens3.

Pour ce qui est des violations des droits de l’homme, la vio-lence vis-à-vis des Indiens s’est accrue ces dernières années. Lesdirigeants indigènes qui mènent campagne pour la démarcation deleurs terres sont victimes de menaces de mort qui sont régulière-

1. Marta Carvantes et Daniel Garibotti, « Lula est prisonnier des groupes qui ont des intérêtsdans les territoires indigènes – Interview de Marcos Luidson de Araujo, dirigeant du peupleindigène Xucurú, Brésil », Réseau d’Information et de Solidarité avec l’Amérique Latine(RISAL), 28 janvier 2004.2. Ministério das Relações Exteriores, « La faim tue encore des Indiens », Noticário, Se-leção Diária de Notícias Internacionais, 11 avril 2005.3. Ibid.

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ment exécutées. L’année 2005 remporte le triste record des assas-sinats de dirigeants indiens1.

Les Indiens ont la sensation que, depuis la venue au pouvoir deLula, les changements espérés n’ont pas eu lieu et que, au con-traire, leur situation a empiré. La justice est plus corrompue, laFUNAI n’agit que sous pression (des Indiens comme des « déve-loppementalistes ») et de manière générale le climat de tension etde violence a augmenté2.

La question qui se pose est de savoir s’il s’agit d’une incom-préhension de la question indigène ou d’une réelle incapacité poli-tique à mettre en œuvre le programme présidentiel en la matière.Une incompétence larvée serait due au fait que les membres duparti des travailleurs ont voulu occuper un maximum de grandsministères. Il en résulte que les députés et les ministres ne sont pasnommés aux bons postes. Ceci entraîne la nomination de personnesqui n’ont aucune connaissance dans le domaine qui leur est impar-ti3 et donne l’impression d’un manque de compréhension de la partdu gouvernement.

Selon Marcos Luidson de Araujo, dirigeant du peuple Xucurú,« Lula est prisonnier des groupes qui ont des intérêts dans les terri-toires indigènes »4. Ainsi le gouvernement serait ligoté par les al-liances grâce auxquelles il a été élu. Cette explication n’est pour-tant pas la seule…

Il apparaît que le gouvernement Lula ne fait pas exception etqu’il a eu tendance à céder aux pressions des groupes d’intérêtséconomiques, au mépris de ses engagements envers les Indiens5.C’est ainsi qu’en 2006, le déboisement de l’Amazonie a été autantsi ce n’est plus intensif qu’en 1982, une année pourtant record6.C’était la conséquence d’une privatisation de l’Amazonie avec cinq

1. Silvio Cavuscens « Avant Lula, il y avait davantage de dialogue avec les Indigènes », LeCourrier, Genève, 13 janvier 2007 ; Survival, News, 9 janvier 2006.2. Marta Carvantes et Daniel Garibotti, 2004, op. cit..3. Silvio Cavuscens, 2007, op. cit.4. Marta Carvantes et Daniel Garibotti, 2004, op. cit.5. Avec des mesures prises qui autorisent la culture de soja transgénique, privatisent la forêtamazonienne, lancent un grand projet de colonisation de l’Amazonie et la construction debarrages hydroélectriques…6. Silvio Cavuscens, 2007, op. cit.

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millions de kilomètres carrés vendus après avoir fait l’objetd’appels d’offre de la part du gouvernement1.

Le mouvement indigène a accusé Lula de délimiter les terresau compte-goutte de façon à éviter l’expulsion des intérêts écono-miques nécessaires à sa réélection en 2006. La terre indigène Ra-posa/Serra do Sol a été ratifiée le 15 avril 2005 après plus de deuxans d’attente2. Jusqu’en avril 2008, le gouvernement fédéral n’avaitpas pris les mesures nécessaires pour expulser les occupants non-indiens de la terre indigène. Les émeutes organisées par les arro-zeiros3 et certains membres du gouvernement de l’Etat de Roraimase sont soldées par un recul des forces armées – recul encouragépar le Tribunal suprême fédéral4. Ces remous ont été l’occasionpour les groupes de pression anti-indiens de faire ressurgir lesvieux démons liés à l’histoire de la politique indigéniste brési-lienne : la peur de voir se créer une Nation indigène indépendan-tiste, le refus de voir l’Etat du Roraima recouvert par les terresindigènes, la convoitise des riches terres brésiliennes par desgroupes de pression étrangers … Même s’il apparaît que la ques-tion indienne est davantage considérée depuis la réélection de Lula,la politique indigéniste demeure un vrai défi pour le gouvernement.

Revirement réel ou réformes cosmétiques ?L’organisation de la manifestation « Avril indigène »5 et de son

campement « Terre libre » en 2007 ont eu pour résultat un revire-ment dans la politique indigéniste du gouvernement Lula. Suite àcette manifestation qui a réuni les principaux peuples indigènes àBrasília, Lula a annoncé la démarcation de plusieurs terres indi-gènes6 ainsi que la mise en place d’une Commission nationale despeuples indigènes du Brésil (CNPI). Notons ici que cette commis-

1. La motivation officielle de cette privatisation était de protéger l’Amazonie des appropria-tions illégales… Voir l’article de Eleonora Gosman, « Lula approuve une loi polémique quiprivatise la forêt amazonienne », RISAL, 15 mai 2006.2. Lula avait promis de la ratifier en 2003, puis il a octroyé un délai. Cf. Amnesty :www.amnesty.be.3. Cultivateurs de riz (grands propriétaires terriens)4. Voir les Manchetes de l’Instituto Socioambiental d’avril et mai 2008.5. « Abríl Indígena » est une manifestation qui a été organisée pour la première fois en 2006suite à une lettre ouverte contre la politique indigéniste du gouvernement Lula. Cf. Amnes-ty : www.amnesty.be.6. Lula a notamment signé trois homologations de T.I. Cf. CIMI – Informe n°762 du Boletimdu 20 mai 2007.

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sion avait été promise par le gouvernement en 2003 et devait per-mettre la participation des représentants indigènes aux débats gou-vernementaux sur la politique indigéniste.

Suite à ces actes, le Président Lula a pris des engagements vis-à-vis des Indiens, avouant ne pas avoir encore réalisé son pro-gramme politique les concernant. Mais d’ici à 2010, tout devraitêtre réalisé.

Les Indiens ont de quoi être sceptiques et méfiants puisque lespromesses similaires n’ont pas été tenues précédemment. S’agit-iluniquement de réformes cosmétiques de façon à valoriser l’imagedu Brésil et à acheter la paix sociale ? Les trois années à venir nousapporteront les réponses.

Pourtant, un certain volontarisme politique semble présent. Entémoigne la récente opération de police contre l’abattage illégal debois en Amazonie, dans le Parc national du Xingu, où vivent qua-torze ethnies1. Parmi les personnes arrêtées se trouvaient des pro-priétaires terriens, des exploitants forestiers, des dirigeants indienset des agents de la FUNAI. L’expulsion des occupants illégaux desterres indigènes est une prérogative de l’Etat qui est rarement ap-pliquée. Démarquer les terres indigènes et en expulser les envahis-seurs revient à appliquer la Constitution fédérale. Reste à savoir sicette application de la Constitution restera isolée ou sera utiliséecomme un précédent à prendre en exemple. La prise de position dugouvernement fédéral (en opposition par rapport à l’avis du Tribu-nal Fédéral Suprême qui avait annoncé l’arrêt de l’expulsion) lorsde l’évacuation des arrozeiros de la TI Raposa/Serra do Sol enavril 2008 est un bel exemple de ce volontarisme.

A l’origine, les conditions politiques ont favorisé les groupesde pression « développementalistes ». Depuis les années 60, degrandes campagnes en faveur de l’exploitation des ressources natu-relles amazoniennes ont été lancées, au mépris des droits des In-diens.

Au milieu des années 80, les choses ont changé en faveur dulobby indigéniste. Les mouvements pro-démocratiques se sont

1. Le Monde, « Brésil : Opération de police contre l’abattage illégal de bois en Amazonie »,16 mai 2007.

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développés, avec la création d’organisations indiennes et pro-indiennes. L’aboutissement de ce mouvement est la rédactiond’une Constitution démocratique en 1988. Grâce au lobby indigèneet indigéniste, la Constitution contient des clauses garantissant auxIndiens la possession et le contrôle exclusifs de leurs terres ances-trales.

Les premières élections présidentielles directes au suffrageuniversel, en 1990, ont stimulé une compétition entre les candidats,de façon à ce qu’ils intègrent dans leurs programmes électoraux lesquestions indigène et environnementale. L’élection de FernandoCollor de Mello, qui avait courtisé les votes des écologistes, a don-né au lobby indigène des alliés au sein du gouvernement. Et legouvernement Collor a pris ses responsabilités en expulsant lesgarimpeiros des terres Yanomami puis en démarquant un ParcYanomami continu.

En 1995, l’élection de Fernando Henrique Cardoso a modifiéle rapport de force, renforçant le pouvoir du lobby « développe-mentaliste » : la crise économique et la mobilisation politique desacteurs économiques ont poussé le Président et son gouvernementà prendre des mesures clairement en faveur des groupes écono-miques, notamment dans les domaines de l’exploitation minière,forestière, et de l’agrobusiness. Ce n’est qu’à la fin de son secondmandat que Fernando Henrique Cardoso a mis en place une poli-tique indigéniste cohérente et permis de grandes avancées juri-diques en la matière.

Il semblerait que Lula suive la même voie. Reste à savoir sil’inclinaison indianophile du gouvernement Lula se précisera àtravers des actions concrètes pendant son second mandat. A cetégard, l’adoption du Statut des sociétés indigènes, qui est toujoursbloqué au Congrès, représente un chantier de la plus haute impor-tance.

La lutte sans fin au sujet des terres indigènes a mené à un pro-cessus politique changeant au gré des rapports de force entre lesindigénistes et les « développementalistes », laissant le Brésil sansdirection claire quant à sa politique indigéniste, surtout à propos dela question foncière. Alors que la Constitution prévoyait la démar-

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cation totale des terres indigènes en 1993, aujourd’hui 16,5 % desterres indigènes ne sont même pas encore identifiées1.

1. Chiffres de l’ISA (Cf. Figure 4).

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Chapitre 2

L’enjeu central, la terre

1. « L’Indien, c’est la terre »1

La revendication de leurs terres ancestrales par les Indiens estprimordiale au Brésil. C’est une problématique commune à tous lespeuples autochtones du continent, comme l’a montré la conférencede Quito, en 1990 :

« Le droit au territoire est une demande fondamentale despeuples indigènes du continent »2.

Cette question du territoire se confond avec la question de lasurvie des Indiens, en tant que peuples distincts, et de la conserva-tion de leurs références culturelles. Lorsque qu’un peuple perd saculture, il cesse d’être un peuple, puisque le lien social qui le consti-tuait a disparu. Or, la culture des peuples indigènes est inextricable-ment liée au milieu dans lequel ils évoluent. En effet, les Indiens desbasses terres, vivant dans le milieu forestier amazonien, n’ont pasles mêmes activités de subsistance que les Indiens vivant dans lessavanes, ou encore dans le sud du Brésil. Dans chaque cas, les acti-vités quotidiennes diffèrent, de même que les activités rituelles, quien découlent3. Le support de la vie sociale est directement lié ausystème de croyances et de connaissances. La relation spécifique quilie les peuples indigènes à leur terre revêt donc deux aspects :l’environnement propre de chaque groupe indien est à la base de laproduction alimentaire nécessaire à sa survie physique ; il est éga-lement ce qui soutient leur identité ethnique.

1. Expression formulée par l’Etat brésilien en 1991, IWGIA, Ikewan n° 59, 2006, p.6.2. Citation d’une déclaration faite à la conférence de Quito (1990), citée dans Carlos Frede-rico Marés de Souza Filho, O renascer dos povos indígenas para o direito, Curitiba, JuruáEditoria, 2000, p. 120.3. Dans la plupart des cultures indigènes, les rituels religieux sont calés sur les cycles clima-tiques ou agricoles, comme par exemple la « cérémonie du maïs nouveau », Baridjumoko,chez les Kayapó, reconduit l’interdépendance cosmologique harmonieuse entre la produc-tion de la socialité humaine et l’appropriation du milieu naturel (Bruce Albert, 1996, op. cit.,p. 194).

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Le concept de territoire est nécessairement lié à l’histoire cultu-relle du groupe, à son univers mythologique, aux relations matrimo-niales, aux interactions sociales et aux systèmes d’alliances poli-tiques et économiques entre les villages d’un même groupe. Réduirele territoire des Indiens revient à désarticuler toute l’épine dorsale deleur vie socioculturelle.

La relation que chaque groupe ethnique entretient avec son terri-toire est unique. Par exemple, chez les Yanomami, c’est la mobilitéde leur occupation territoriale qui permet d’assurer la subsistance detous, sans compromettre la régénération des écosystèmes exploités,de même que la paix entre les communautés1. Le but est de restituerà la terre son potentiel le plus vite possible, afin de pouvoir en béné-ficier à nouveau et au moindre coût.

L’espace a également un rôle structurant dans la culture indi-gène. Par exemple, chez les Sanimá, c’est le village – et non le li-gnage – qui est l’unité politique de base. En cas de conflit, c’estl’unité territoriale et non le réseau de parentèle qui est déterminant2.

Bruce Albert a montré le rôle structurant de l’espace dans lamémoire et les relations intercommunautaires chez les Yanomamë(un sous-groupe des Yanomami) : dans ces sociétés, il est interdit deprononcer le nom des morts et des vivants. Il en résulte une mé-moire généalogique très courte. La mémoire du groupe n’est doncpas conservée par des lignages, mais par le nom des lieux : les nomsdes lieux successifs de résidence sont rappelés par les anciens. Apartir de ces noms de lieux, les Yanomamë se remémorent les prin-cipaux événements historiques (conflits, moments heureux…). C’estce que Bruce Albert appelle les « catégories résidentielles histo-riques ». A partir de ces catégories, le réseau social de chaquemembre du groupe est déterminé en fonction de la distance qui sé-pare les individus : des co-résidents, on passe aux alliés (prochesvoisins), puis aux ennemis anciens ou virtuels et enfin aux ennemisinconnus3.

1. Pierrette Birraux-Ziegler, « La territorialité des indiens Yanomami du Nord du Brésil :Aspects ethnogéographiques et géopolitiques », in Paul Claval Singaravelou (coord.), Eth-nogéographies, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 175.2. Id., p. 181.3. Bruce Albert, Temps du sang, temps des cendres. Représentation de la maladie, systèmerituel et espace politique chez les Yanomami du sud-est, Paris, Université de Paris X (Thèsede doctorat : Paris X), 1985, cité dans Pierrette Birraux-Ziegler, 1995, op. cit., p. 181.

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Le territoire est donc dépositaire de la nourriture du groupe, desa mémoire et de ses mythes (la forêt abrite différentes catégoriesd’êtres appartenant au cosmos yanomami). C’est un élément structu-rel du système social et politique des Indiens. Enfin, c’est un facteurde cohésion de la communauté qui structure ses rapports avec lecosmos.

La Constitution de 1988 se fait le relai de cette relation spéci-fique qui lie les peuples indigènes à leur terre, en leur octroyant desterres indigènes. Au Brésil, le nombre officiel de terres revendi-quées par les Indiens est de six cent huit1. Dans ce chiffre ne figu-rent pas les terres indigènes « à identifier » qui n’ont pas été offi-ciellement reconnues par la FUNAI.Les terres indigènes recouvrent 109 641 763 hectares (soit 12,9 %de la superficie du Brésil)2. Le CIMI avance des chiffres plus impor-tants et estime que deux cent vingt-quatre terres n’ont reçu aucunereconnaissance officielle. Le nombre total de terres revendiquées parles Indiens atteindrait selon l’organisation les huit cent cinquante3.Cette divergence entre les chiffres du CIMI et de l’ISA reflète uneopposition plus profonde quant à l’action à mener auprès des popu-lations indigènes. Le CIMI a eu parfois tendance à gonfler leschiffres pour des raisons politiques. Nous nous référerons donc àceux de l’ISA.

1. Cf. Figure 4.2. Cf. Figure 4 ; L’ambassade du Brésil en France considère que la superficie du Brésilreprésente 851 196 500 hectares.3. Cf. Annexe 8 : Etat des TI – CIMI.

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Figure 4SITUATION DES TERRES INDIGENES (T.I.) AUBRESIL

Données de l’Instituto SocioAmbiental (ISA)Pour une meilleure lecture, l’ISA a regroupé en 4 groupes principaux les 7 étapesdu processus de démarcation des TI. Ainsi, les terres « à identifier », « en coursd’identification » et « à usage restreint » sont regroupées dans le sous-total A. Demême, les terres « réservées, « homologuées » et « enregistrées » sont comptabili-sées dans le sous-total B.

(Données actualisées le: 24/04/2008)

Situation des terres Nbrede TI

% Surface(hectares)

%

En coursd’identification 98 109 684Restriction d’usagepour les non-indiens 3 461 757Sous-total A : 101 16,61 571 441 0,52 *

Identifiées 25 4,11 2 200 903 2,01

Déclarées 52 8,55 10 067 133 9,18

Réservées 19 137 755

Homologuées 24 1 545 385Enregistrées au CRIet/ou au SPU 387 95 119 146Sous-total B : 430 70,72 96 802 286 88,29Total Général: 608 100,00 109 641 763 100,00

Remarque : Sont exclues de ce tableau les TI « à identifier », et ne sont prises encompte que les terres ayant été officiellement reconnue par un acte – quel qu’ilsoit – provenant d’un organe fédéral pertinent dans le processus de reconnaissancedes terres indigènes.

* Le pourcentage de terres “En cours d’identification” contient une distorsiondue au fait que la superficie de ces terres n’est encore pas officiellement définie.

Source : Instituto SocioAmbientalhttp://www.socioambiental.org/pib/portugues/quonqua/ondeestao/sit_jurid.html

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2. Principes constitutionnels, loi et fonctionnement des TI

Le droit originaire au territoire, la notion de terre indigène

La conception du droit des Indiens sur les terres qu’ils occupentaccompagne les législations brésiliennes depuis le XVIIe siècle1.Mais c’est dans la Constitution de 1988 qu’elle trouve son explica-tion puisque les Indiens y sont considérés comme les habitants« originaires » du Brésil. C’est ce statut qui leur confère un droitoriginaire sur leurs terres ancestrales, les terres indigènes (TI).

La catégorie juridique « terres indigènes », telle qu’elle existe auBrésil, ne correspond à aucune forme de propriété existante dans ledroit. Il s’agit d’une notion sui generis. En effet, la terre indigènegarantit aux Indiens la pleine possession et non la pleine propriété.Tout acte de transaction ou de propriété sur une terre indigène estnul et non avenu, puisque l’Union en est le seul propriétaire depuisla Constitution de 19672.

Selon la Constitution de 1988 et la loi spécifique qui régit ledroit des Indiens (loi 6.001), la notion juridique de terre indigènerenvoie à « l’habitat de groupes qui se reconnaissent un lien de con-tinuité avec les occupants originels du pays et sont reconnus commetels par la société nationale »3.

Les terres indigènes et le Statut de l’Indien

Il est question des terres indigènes dans le chapitre « Les Terresdes Indiens » du Statut de l’Indien, soit vingt et un articles en tout.La loi énumère trois catégories de TI4 : les terres occupées ou habi-tées par les sylvicoles ; les terres « réservées » par l’Etat aux Indienset les terres de « dominion »5 des communautés sylvicoles. La der-nière catégorie est constituée des terres acquises de façon légale parles Indiens et dont la propriété au sens du Code civil leur est garan-

1. Voir à ce sujet Carlos Frederico Marés de Souza Filho, 2000, op. cit., p. 124-126.2. En 1967, les Militaires ont inclu dans les biens de l’Union les « terres occupées par lessylvicoles ». Cité dans Carlos Frederico Marés de Souza Filho, 2000, op. cit., p. 129.3. João Pacheco de Oliveira Filho, « Terres indiennes et frontière économique », Ethnies,Paris, vol. 5, n° 11-12, 1990, p. 17.4. Article 17 de la Loi 6.001/73.5. Articles 32 et 33 du Statut de l’Indien.

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tie de façon pleine et entière (terres reçues suite à des actes de droitcivil tels que l’achat, l’échange ou la donation).

La première catégorie - les terres occupées ou habitées par lessylvicoles - comprend les terres considérées comme possessionpermanente des Indiens. Elle recoupe la notion de TI présente dansla Constitution de 1988 : les « terres traditionnellement occupées parles Indiens ». Selon la loi 6.001, il s’agit des terres occupées en rela-tion avec les « usages, les coutumes et les traditions tribales »1 desIndiens, mais aussi nécessaires aux activités indispensables à leursubsistance ou économiquement utiles. Il s’agit donc d’un minimumvital selon le Statut de l’Indien, tandis que la Constitution va plusloin puisqu’elle englobe parmi les terres traditionnellement occu-pées celles nécessaires à la préservation de l’environnement natureldes Indiens indispensable à leur bien-être.

La deuxième catégorie de terres figurant dans le Statut del’Indien, les terres « réservées », concerne des zones de terres non-occupées, utilisées pour indemniser, récompenser, ou installer desIndiens2. Un tuteur, le SPI puis la FUNAI, établit des parcs et desréserves indigènes. Ce concept reflète le dilemme qui se posait auXIXe siècle : éduquer ou éradiquer les Indiens. En effet, d’un côté, ils’agit de protéger et intégrer les Indiens en tant que citoyens et del’autre, il s’agit de sédentariser les Indiens à des fins punitives. Danstous les cas, les terres « réservées » ne sont pas traditionnellementoccupées par les Indiens. Selon le Statut de l’Indien, les terres « ré-servées » peuvent se décliner en « réserves »3, « parcs »4, « coloniesagricoles5 » et « territoires fédéraux indigènes »6.

1. Le Statut de l’Indien, article 23 : « Considera-se posse do índio ou silvícola a occupaçãoefectiva da terra, que, de acordo com os usos, costumes e tradições tribais, detém e ondehabita e exerce atividade indispensável à sua subsistência ou economicamente útil. »2. Carlos Frederica Marés de Souza Filho, 2000, op. cit., p. 130.3. Article 27 du Statut de l’Indien : aire destinée à servir d’habitat à un groupe indien.4. Article 27 du Statut de l’Indien : aire continue dont les Indiens ont la possession. CesIndiens ont un degré d’intégration permettant à l’Union de leur donner une assistance éco-nomique, sanitaire et éducative. L’environnement (faune et flore) du parc doit être préservé.Par exemple, le Parc Indigène du Xingu (1961).5. Article 29 du Statut de l’Indien : aire destinée aux Indiens acculturés qui est ouverte à laprésence des Brésiliens. C’est cette catégorie qui avait été manipulée dans le cas des Tukano(Cf. Partie 2 - Chapitre 2).6. Statut de l’Indien, article 26.

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La procédure de démarcation des TI

Démarquer les terres indigènes est nécessaire pour leur protec-tion physique ainsi que pour leur reconnaissance juridique. C’estl’Etat brésilien et plus particulièrement la FUNAI1 qui a la charge decette mission. A plusieurs reprises, l’Etat s’est vu imposer des li-mites temporelles pour achever ce travail de démarcation, mais à cejour il n’est pas encore abouti. Ainsi, déjà en 1973, le Statut del’Indien prévoyait une démarcation totale des terres indigènes dansles cinq ans suivant la promulgation de la loi2. Plus tard, la Constitu-tion de 1988, dans son article 673, prévoyait à nouveau un délai decinq ans. Ce délai a expiré le 5 octobre 1993, sans que le travail aitété achevé.

Le processus de démarcation d’une terre est long et complexe.Le Statut de l’Indien indique dans son article 19 que les TI serontdémarquées administrativement selon la procédure prévue dans ledécret du pouvoir exécutif la régissant.

La procédure a été modifiée cinq fois depuis 1973. Le dernierdes cinq décrets4, le plus polémique est le décret présidentiel 1.775de 19965. Il est toujours en vigueur aujourd’hui. Les décrets succes-sifs ont rendu à chaque fois le processus de démarcation plus diffi-cile : le premier décret, en 1976, requérait deux spécialistes, nom-més par la FUNAI (un anthropologue et un arpenteur6 ou un ingé-nieur), qui étaient chargés d’établir un rapport détaillé pour servir debase à la démarcation physique du territoire du groupe visé.

En 1983, le deuxième décret a compliqué le processus en rem-plaçant les deux agents de la FUNAI par une équipe technique pouridentifier la zone. La FUNAI devait ensuite transmettre son rapportà un groupe de travail composé de plusieurs organes fédéraux. Leurdécision était acheminée jusqu’aux organes décideurs à savoir leministre de l’Intérieur et le ministre des Affaires foncières.

1. Statut de l’Indien, article 25.2. Statut de l’Indien : l’article 65 donne comme date d’échéance le 19 décembre 1978.3. Article 67 de l’Ato das Disposições Constitucionais Transitórias.4. Décret 76.888 du 8 janvier 1976 ; décret 88.118 du 23 février 1983 ; décret 94.945 du 23septembre 1987 ; décret 22 du 4 février 1991 ; décret 1.775 de 1996. Carlos Frederica Marésde Souza Filho, 2000, op. cit., p. 151.5. Décret publié par le Président F.H. Cardoso.6. Agrimensor.

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Quatre ans plus tard, le décret de 1987 posait des conditionssupplémentaires et discriminantes pour certains groupes indigènes, àsavoir que les territoires situés dans les zones frontalières ne pou-vaient être délimitées au même titre que les autres1. Ce décret, deve-nu anticonstitutionnel en décembre 1988, a été remplacé en 1991.

Le quatrième décret a tenté d’adapter la procédure de démarca-tion des terres indigènes à la nouvelle Constitution. Il avait de sé-rieux défauts, mais aussi des points positifs. Ainsi, le décret 22 neprévoyait toujours pas de consultation systématique des peuplesindigènes dans la délimitation de leur territoire ni de possibilité poureux de participer à la démarcation. Pourtant les Indiens sont lesmieux à même de dire quels sont les lieux nécessaires à leur repro-duction culturelle. L’un des avantages de ce décret reposait dans ladétermination du ministre de la Justice à publier un plan de démar-cations de façon à respecter le délai de cinq ans imparti par la Cons-titution.

En 1996, le cinquième et dernier décret a été signé par FernandoHenrique Cardoso, modifiant le processus de démarcation et impo-sant le principe contradictoire2.

Le système actuel découle donc du décret 1.775/96. Il prévoitsept étapes distinctes3 :

La première étape du processus de démarcation concerne lesétudes d’identification de la terre concernée. Une étude de terrain estréalisée par un anthropologue nommé par la FUNAI. Le rapport quien résulte va ensuite servir de base de travail à un groupe technique.Composé de préférence de cadres techniques de la FUNAI, legroupe est coordonné par un anthropologue et effectue des étudescomplémentaires dans divers domaines : ethnohistoire, sociologie,droit, cartographie et environnement. En outre, un relevé agraire estréalisé. Le rapport résultant de ces recherches doit nécessairementcomporter un certain nombre d’informations indiquées dans l’arrêtén°14 du 9 janvier 1996.

1. Rappelons ici le contexte du Plan Calha Norte (Cf. Partie 1 Chapitre 2).2. Cf. Partie 2 Chapitre 1.3. La procédure de démarcation définie ici est tirée de la présentation faite par l’InstitutoSocioAmbiental, « Processo de demarcação » :http://www.socioambiental.org/pib/portugues/quonqua/ondeestao/demarc.shtm.

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Une fois le rapport achevé, il est transmis à la FUNAI. C’est ladeuxième étape. Le Président de la FUNAI doit approuver l’étuded’identification dans un délai de quinze jours et publier ses re-marques au Diário Oficial da União [Journal officiel de l’Union –DOU] ainsi que dans le Journal officiel de l’Etat où se trouve leterritoire concerné. La publication doit encore être déposée au siègede la Préfecture concernée.

La troisième étape est ce qu’il y a de plus contestable dansl’actuelle procédure de démarcation des TI, à savoir la phase contra-dictoire. Depuis 1996, tous les tiers intéressés ont désormais quatre-vingt-dix jours à compter de la publication au DOU pour contrer ladécision de la FUNAI. Ces tiers peuvent être des personnes moralesde droit public comme les Etats ou les municipes. Ils doivent appor-ter des preuves pertinentes à la raison de leur requête, que ce soitpour obtenir une indemnisation ou pour démontrer un vice de procé-dure. Ceci ouvre un vaste espace où les intérêts privés locaux peu-vent interférer avec ceux des Indiens. La FUNAI doit se prononcersur ces recours dans les soixante jours et faire parvenir ses avis auministre de la Justice.

Une fois acheminées au ministre de la Justice, les plaintes vontêtre réexaminées. Le ministre a alors trente jours au terme desquelsil devra soit publier un arrêté acceptant la délimitation proposée parla FUNAI et déterminant sa démarcation physique ; soit prescriredes diligences de façon à modifier la proposition initiale de la FU-NAI ; soit désapprouver l’identification de la FUNAI, avec une dé-cision réputée fondée sur l’article 231 §1 de la Constitution. Cetteétape cruciale du processus, la quatrième, est la déclaration des li-mites de la terre indigène.

L’étape suivante consiste à démarquer physiquement la terre in-digène, d’après l’arrêté du ministre de la Justice. La FUNAI estresponsable du bon déroulement de la démarcation mais doit veillerà ce que l’Instituto Nacional de Colonização e Reforma Agrária[Institut national de colonisation et de réforme agraire – INCRA] aitrelocalisé les éventuels occupants non-indiens de la surface concer-née.

La Démarcation est ensuite soumise au Président de la Répu-blique qui doit l’homologuer par décret.

Enfin, la septième et dernière étape consiste à enregistrer dansles trente jours suivant l’homologation la terre indigène au Cartório

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de Imóveis da Comarca [l’Etude immobilière] du district correspon-dant et au Serviço de Patrimônio da União [Service du patrimoinede l’Union –SPU].

3. Principaux enjeux et acteurs de la question foncière

Terres indigènes et exploitation

Les terres indigènes amazoniennes sont riches en minerais pré-cieux, et notamment en or. C’est une des raisons pour lesquelles leslobbies miniers poussent à l’ouverture des TI à l’exploitation desrichesses du sous-sol. Dans les faits, ceci se traduit par une invasionmassive et illégale de garimpeiros1. En plus de transmettre des ma-ladies aux Indiens, ces envahisseurs polluent les cours d’eau de larégion où s’abreuvent les populations, en raison de l’utilisationmassive de mercure pour séparer l’or de la boue.

Cependant, la législation brésilienne dans sa forme actuelle nesemble pas pouvoir changer cette nouvelle forme de colonisation.

Le Statut de l’Indien établit que seules les richesses du sol peu-vent être exploitées par les Indiens2. L’exploration des richesses dusous-sol des terres indigènes est déterminée par les lois en vigueur3,c’est-à-dire par le Código de Mineração [Code sur l’Exploitation].L’option d’une exploitation du sous-sol des terres indigènes par destiers est donc ouverte par le Statut de l’Indien.

Dans la Constitution de 1988, les ressources du sous-sol appar-tiennent à l’Union (au même titre que les TI). L’exploitation de cesressources n’est autorisée que si deux conditions sont remplies :obtenir l’autorisation du Congrès national et l’accord des commu-nautés concernées4. Celles-ci devront toucher une partie substan-tielle des bénéfices de l’exploitation sur leur territoire. Une loi ap-plicative devait venir préciser le processus pour l’obtention d’uneautorisation et fixer le pourcentage du bénéfice touché par les In-

1. Chercheurs d’or.2. Loi 6.001, article 44.3. Loi 6.001, article 45.4. Article 231 §3 de la Constitution de 1988.

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diens. Aujourd’hui, aucune loi n’a été promulguée1 et la pratiqueveut que l’on applique le Code sur l’exploitation.

Ce vide juridique permet aux parties concernées d’interpréterlargement la Constitution, à l’instar du Departamento Nacional deProdução Mineral [Département national de production minérale -DNPM], qui reconnaît comme acquis le droit à des tiers de prospec-ter sur les terres indigènes2. Dès lors, la pression est constante et lesdemandes d’autorisation de prospection minière sur les terres indi-gènes augmentent sans cesse3.

Pourtant, selon l’article 231 §7 de la Constitution, aux terres in-digènes ne s’applique pas l’article 174 §3-4 favorisant l’octroid’autorisations ou de concessions de recherches des gisements deminéraux exploitables pour les entreprises artisanales. L’explorationminière dans les terres indigènes est donc clairement proscrite auxnon-indiens par la Constitution.

Dans les faits, l’ISA totalisait, en 2005, 4 821 processusd’exploitation minérale (ces processus n’ouvrent pas droit à uneexploitation effective, ils consistent à l’ouverture des démarchespour une demande d’autorisation) de trois cent soixante-sept requé-rants – entreprises ou individuels – ayant une incidence sur cent-vingt-trois terres indigènes. Les terres indigènes les plus touchéespar ces processus d’exploitation, et non sans problèmes, sont lesterres indigènes yanomami, avec six cent-quarante processus (cinqcent-trente-et-un avant la Constitution de 1988 et cent-neuf après),menkragnoti, avec quatre-cent-treize processus (soixante-quatorzeavant et trois cent trente-neuf après) et Alto Rio Negro, avec troiscent soixante-quatre processus (trois cent vingt-huit avant et trente-six après)4.

Par contre, des autorisations et concessions (titres ouvrant droità une exploitation des ressources) situées dans les terres indigènesreprésentaient en février 2005 quelque soixante-cinq entreprises,

1. Un projet de loi n°1.610-A/96 a été émis par le Sénateur Romero Jucá.2. Carlos Frederico Marés de Souza Filho, 2000, op. cit., p. 140.3. Cf. Annexe 9 : Progression des concessions minières entre 1987 et 1998.Cf. Annexe 10 : Progression des concessions minières entre 1998 et 2005.

4. ISA, Mineração em Terras Indígenas na Amazônia brasileira, São Paulo, mai 2005, p.13.

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avec deux cent quarante-quatre titres, affectant quarante et une terresindigènes1.

Les terres indigènes sont touchées inégalement parl’exploitation minérale. Par exemple, la TI Cajueiro n’est touchéeque par une unique demande de prospection, alors que les TI Kwazádo Rio São Pedro, Xikrin do Cateté, Roosevelt, Pequizal, Baú eArara ont plus de 90 % de leur territoire qui fait l’objet d’intérêts etconvoitises miniers2.

Ceci crée des conflits entre les Indiens et les envahisseurs. Sibien qu’en avril 2004, la pression était telle dans la terre indigèneRoosevelt que les Indiens se sont insurgés et le conflit armé qui s’ensuivit provoqua la mort de ving-neuf garimpeiros3.

Le gouvernement Lula a adopté en urgence, le 17 septembre2004, un décret créant un « groupe opérationnel pour surveiller etgarantir l’adoption des mesures nécessaires pour contrôler toutes lesentreprises et quiconque se livrant à de l’exploration minérale dansles terres indigènes, en particulier les aires Roosevelt, Parc indigèneAripuanã, Serra Morena et Aripuanã (terres des Cinta Larga), locali-sées dans les Etats de Rondônia et Mato Grosso ». Le compte-rendudes travaux de ce groupe serait rédigé sous forme de loi, selon lestermes de l’article 231§3 de la Constitution fédérale4.

En mars 2005 fut créée à la Chambre des représentants unecommission spéciale chargée de discuter d’un avant-projet de loirégulant l’exploitation sur les terres indigènes : elle prenait commeréférence le projet de loi que le sénateur Romero Jucá avait présentéen 19965. La version de l’avant-projet de loi a été finalisée le1er août 2006. Ce projet qui se voulait « démocratique et d’inclusionsociale » a été très controversé. En effet, une vision ethnocentrée du

1. Id., p.44.2. Id., p.49. Cf. Annexes 11 - 12 - 13.3. INESC, « Mineração nas Terras Indígenas: inclusão social ou expropriação organizada? »,Nota Técnica, Brasília, n° 112, octobre 2006, p.2.4. “Grupo Operacional para fiscalizar e garantir a adoção das medidas necessárias ecabíveis para coibir toda e qualquer exploração mineral em terras indígenas, em especialnas áreas Roosevelt, Parque Indígena Aripuanã, Serra Morena e Aripuanã (terras dosCinta Larga), localizadas nos Estados de Rondônia e Mato Grosso, até que a matéria sejaregulamentada por lei, nos termos do art. 231, § 3º, da Constituição”.5. PL 1.610-A/96, adopté par le Sénat fédéral. Ce projet de loi sur l’exploitation minièredans les TI a été critiqué par Dominique Buchillet car il présentait cinq défauts majeursassez préoccupants. Cf. Dominique Buchillet, 2002, op. cit., pp. 245-260.

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développement prévaut, à savoir, un « projet culturel du capitalismeglobal »1. De plus, les Indiens des terres indigènes concernées nesont pas prioritaires pour l’éventuelle exploitation des ressources deleur sous-sol. Ils sont, au contraire, soumis aux mêmes exigences etobligations que les non-indiens qui convoitent des titresd’exploitation. Le risque est donc de voir apparaître une privatisa-tion du sous-sol des terres indigènes, dont l’exploitation serait sou-mise à une autorisation délivrée par un organe (étatique) gestion-naire des ressources minérales. Or, il est clair que le minerai amazo-nien représenterait une grosse rentrée d’argent dans les caisses del’Etat.

La problématique de l’exploitation des ressources minérales nes’applique pas qu’envers les tiers. Qu’en est-il du droitd’exploitation par les communautés indiennes elles-mêmes ? Eneffet, l’exploitation minière n’a rien à voir avec les activités produc-tives traditionnelles nécessaires pour leur reproduction culturelle. Deplus, il est difficile d’argumenter dans le sens de la préservation desressources naturelles nécessaires à leur bien-être. L’exploitationminérale est loin d’être considérée comme une activité écologique.L’extraction de minerais, même de façon écologique2, est clairementdestinée à une production marchande. L’économie de marché n’estpas un trait spécifique de la culture traditionnelle des Indiens.

Certains groupes indiens connaissaient l’existence d’or dans lesous sol de leur territoire, mais leur mythologie leur prescrivait del’extraire, car l’or est source de maux. C’est une façon imagée demontrer deux conséquences distinctes de l’extraction de l’or – maisavec un résultat similaire, la désintégration du lien social des socié-tés amérindiennes – d’une part les conflits au sein de la communautédus à l’apparition de l’argent et des inégalités entre les membres dela communauté, d’autre part les maladies des Blancs véhiculées parles chercheurs d’or. Davi Kopenawa Yanomami, chamane et porte-parole yanomami, a fait le récit cosmologique de l’invasion massivedes chercheurs d’or dans les terres yanomami. Le récit de la XawaraWakëixi à l’anthropologue Bruce Albert :

1. INESC, octobre 2006, op. cit., p.3.2. Exemple d’orpaillage écologique mis en place chez les Waiãpi.

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« Lorsque l’or reste enfoui sous la terre, tout va bien. Iln’est pas dangereux. Mais quand les Blancs le tirent de là,ils le brûlent et le réchauffent en l’étalant au-dessus du feu,comme s’ils préparaient de la farine de manioc. Il s’enéchappe alors de la fumée. C’est ainsi que se crée la xawara.Cette épidémie-fumée de l’or se propage partout dans la fo-rêt, là où vivent les Yanomami, mais aussi sur les terres desBlancs, partout […]. Elle est très agressive et lorsque qu’ellese répand ainsi, tous les Yanomami finissent par mourir.[…] Une fumée qui ne se voit pas mais qui se propage par-tout et commence à tuer des Yanomami. […] C’est ce quedisent nos anciens, qui sont de grands chamanes » 1.

Certains groupes indiens ont pris le parti d’exploiter eux-mêmesl’or se situant sur leur réserve. Un des exemples les plus connus estcelui des Waiãpi qui vivent dans la région du bassin des Rio Aroa etInipuku (Amapa). Les Waiãpi ont commencé à exploiter artisanale-ment l’or de leur terre en 1982, sur l’initiative du chef du village deMariry, Waiwai. L’orpaillage waiãpi s’inscrit dans le cycle normaldes activités de subsistance. L’orpaillage n’est pas intensif, il n’estpas considéré comme une activité productive à but lucratif2. Lesfamilles waiãpi se rende sur le lieu d’exploitation périodiquementpour extraire la quantité d’or dont elles ont besoin :

« Nous ne travaillons pas tout le temps. Nous nous arrêtonsquand nous avons ce dont nous avons besoin. Nous ne tra-vaillons pas en hiver, seulement l’été. Certains travaillent augarimpo, d’autres aux plantations. Nous ne travaillons pastout le temps car nous ne voulons pas que l’or s’épuise, nousvoulons garder l’or, nous ne voulons pas travailler tout letemps pour ne pas tomber malade. Nous travaillons lente-ment, calmement, personne ne veut travailler rapidement.C’est notre terre, personne n’a besoin de courir, qui va nouseffrayer ? » 3

Cette utilisation modeste et sporadique de l’or résulte en partiede l’expérience traumatisante que les Waiãpi ont vécue avantd’expulser les chercheurs d’or. Les Waiãpi ont réélaboré leur dis-

1. Davi Kopenawa, “Fièvres de l’or”, Ethnies, Paris, vol. 7, n° 14, hiver 1992-1993, p.40 ;Cf. illustration de la xawara réalisée par Davi Kopenawa Yanomami, mise en ligne sur lesite Internet de la CCPY, (http://www.proyanomami.org.br/v0904/depoimentos/ourocanibal.htm).2. Dominique Tilkin Gallois, « L’or et la boue ; Cosmologie et orpaillage waiãpi », Ethnies,Paris, vol. 5, n° 11-12, 1990, p. 53.3. Waiwai, 1986, cité par Dominique Tilkin Gallois, 1990, op. cit., p. 53.

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cours mythique pour y incorporer l’homme blanc. Ce dernier appa-raît tout comme chez les Yanomami comme un prédateur de la terreet des Indiens. Les Indiens doivent donc assurer la conservation dela terre et la pérennité de l’or1. L’or, selon un des mythes waiãpiaurait été disposé partout dans la terre après un cataclysme par Iane-jar, le créateur, afin de la solidifier puisqu’elle porte le genre hu-main :

« Ianejar s’est lassé des cataclysmes. C’est alors qu’il acréé l’or, distribuant ce métal dans la terre, partout, danstoutes les rivières. L’or a rendu plus solide la terre qui sup-porte l’humanité, une terre qui ne devra plus brûler. Laterre, tant qu’elle garde son or, ne pourrit pas. […] LesBlancs sont en train d’épuiser tout l’or laissé par Ianejar surleurs terres, c’est pour cela qu’ils viennent le chercher surnotre territoire. Mais ils devront l’acheter, car cet or nousappartient. Nous ne voulons pas que cet or s’épuise » 2.

Ainsi, la revendication de Waiãpi d’exploiter seuls l’or de leurréserve est légitimée par ce discours cosmologique : il est de la sur-vie de l’humanité (de la terre qui porte l’humanité) de ne pas exploi-ter notre or3.

Il est certain que les activités qui ont un coût environnementalélevé dans les terres indigènes amazoniennes devraient être évitées.Cependant, l’Amazonie recèle un important patrimoine minéralnécessaire au développement économique du pays, de sorte qu’il estlégitime de vouloir stimuler son exploration. Dès lors, l’activitéminière doit être strictement encadrée et limitée de façon à contrôlerson impact sur l’environnement.

1. Ibid.2. Ibid.3. Cf. Annexe 14 : L’orpaillage waiãpi.

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Terres indigènes et unités de conservation

Le concept d’unité de conservation est intégré dans le droit en-vironnemental et désigne un espace territorial qui a une protectionspéciale par la loi de façon à garantir sa biodiversité1. La Constitu-tion de 1988, dans son article 225 reconnaît la nécessité de délimiterdes zones de protection de l’environnement. Par ailleurs, la loi n°9.985 de juin 2000 a institué le Système national des unités de con-servation (SNUC)2.

Les terres indigènes peuvent être considérées comme une formeparticulière d’unités de conservation, selon Carlos Frederico Marésde Souza Filho, puisqu’il existe ainsi des restrictions dans diffé-rentes lois concernant l’exploitation des ressources naturelles (végé-tales et animales) dans ces terres : l’article 3 du code forestier3 défi-nit les forêts des terres indigènes comme des aires de préservationpermanente4. Le Statut de l’Indien, dans son article 46, interdit lacoupe de bois dans les forêts indigènes considérées de préservationpermanente sauf si un programme de récupération est mis en place.

Dans le droit, les terres indigènes et les unités de conservationsont pourtant deux formes juridiques distinctes. Le problème se posedonc quand elles se superposent. Les unités de conservation impli-quent la protection de la faune et la flore de l’aire délimitée alorsque les terres indigènes sont l’habitat des Indiens, dont la subsis-tance dépend des produits naturels de l’aire où ils vivent (chasse,cueillette…).

Les terres indigènes sont reconnues, dans la Constitution de1988, comme le lieu de reproduction physique et culturelle des In-diens. Ceux-ci ont le droit à un processus de développement diffé-rencié, en accord avec leurs cultures et traditions. A cet égard, lesIndiens jouissent de l’usufruit exclusif des richesses du sol, desfleuves et des lacs sur leurs terres. Ils peuvent donc utiliser ces ri-chesses dans le cadre de leurs coutumes et traditions, et pour surve-nir à leurs besoins. En revanche l’excédent produit à des fins com-

1. Carlos Frederico Marés de Souza Filho, 2000, op. cit., p. 142.2. Instituto SocioAmbiental, « Sobreposições com Unidades de Conservação »,http://www.socioambiental.org/pib/portugues/quonqua/ondeestao/ucs.shtm (consulté le 16avril 2007).3. Loi 4.771/65.4. Carlos Frederico Marés de Souza Filho, 2000, op. cit., p. 144; Enio Cordeiro, 1994, op.cit., p. 72.

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merciales (pour se procurer des biens et des services occidentaux),n’entre pas dans ce cadre. Dès lors, il paraîtrait logique que les In-diens respectent les lois de protection de l’environnement telles quedéfinies dans le Statut de l’Indien, le code forestier, etc. C’est lasolution proposée par Carlos Frederico Marés de Souza Filho.

Le débat reste ouvert. En novembre 2000, les ministres de laJustice et de l’Environnement ont mis en place un groupe de travail1chargé de la question de la superposition des terres indigènes et desunités de conservation. Aucun résultat satisfaisant n’a encore étépublié, malgré diverses propositions d’organisations non gouverne-mentales. Par exemple, l’ISA avait proposé la création de réservesindigènes de ressources naturelles2 alliant les avantages de la pré-servation des ressources naturelles aux avantages des terres indi-gènes, mais toutes les ONG n’étaient pas d’accord avec ce système3.

1. Arrêté Interministériel n°261, du 8 novembre 2000. Cf. Figure 5 : TI et UC2. Instituto SocioAmbiental, « Sobreposições com Unidades de Conservação »,http://www.socioambiental.org.3 Cf. Carte de l’ISA montrant la superposition des TI et des UC :www.socioambiental.org

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4. Les résultats observables

L’état des démarcations aujourd’hui

Des années 1980 aux années 1990, il était observable une pré-dominance notable des phases initiales du processus de démarcation,avec, en 1983, 68 % des terres indigènes au stade de terres « à peineidentifiées » ou « délimitées »1 et une part relativement faible deterres « démarquées » ou « homologuées » (32 %).

Un inversement de tendance est observable depuis 1992 ;l’Instituto SocioAmbiental recense régulièrement l’état des terresindigènes du Brésil. De cette façon, nous disposons de données pré-cises qui nous permettent de voir que 97 % des terres indigènes ontpassé le stade de l’identification. Parmi celles-ci, trois cent quatre-vingt-sept terres sont enregistrées au CRI et au SPU, soit un total de63 % de l’ensemble des six cent huit terres indigènes du Brésil (Cf.Figure 4).

En prenant chaque catégorie, nous pouvons voir dans quellesproportions se situe la majorité des terres indigènes. Les terres « enphase d’identification » représentent 16 % de l’ensemble, cellesavec « restriction d’utilisation aux non-indiens » représentent 0,5 %,celles « identifiées » 4 %, celles « déclarées » 8 %, celles « réser-vées » 3 %, celles « homologuées » 4 % et celles « enregistrées »64 %. Plus de la moitié des terres indigènes sont arrivées au stadefinal du processus de démarcation, à savoir l’inscription au servicedu patrimoine de l’Union. La conclusion que nous pouvons tirer estque plus des 4/5e des terres indigènes ont entamé le processus qui vales mener à l’homologation. Mais il serait trop hâtif de dire quetoutes ces terres indigènes sont sécurisées puisque la procédure dedémarcation, depuis 1996, prévoit une possibilité de recours pour lestiers située entre l’étape de l’identification et celle de déclaration parle ministre de la Justice. En excluant les terres seulement identifiées(et en conservant les terres réservées car elles sont jugées garantiesaux Indiens2), le résultat obtenu montre que 79 % des terres indi-gènes sont sécurisées juridiquement, même si, dans la pratique, les

1. João Pacheco de Oliveira, (coord.), Indigenismo e territorialização: Poderes, rotinas esaberes coloniais no Brasil contemporâneo, Rio de Janeiro, Fundação Ford, 1998, p. 13.2. Instituto SocioAmbiental, « TI reservadas »,http://www.socioambiental.org/pib/portugues/quonqua/ondeestao/reserv.html.

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invasions sont fréquentes. Ces quatre cent quatre-vingt-deux terresindigènes couvrent une superficie de 106 869 419 hectares (le Brésilfait 851 196 500 hectares1, les terres indigènes sécurisées représen-tent donc 12,5 % du territoire national)2. Le processus de démarca-tion des terres inscrit dans la Constitution touche donc à sa finpuisque seulement ¼ des terres indigènes officiellement reconnuesreste à sécuriser. D’autant plus que les terres « en coursd’identification », « à usage restrictif » et « identifiées » ne repré-sentent en surface que 2,5 % des terres indigènes.

De façon générale, c’est une victoire pour les Indiens puisque aubout de vingt ans, l’objet principal de leurs revendications semblearriver à son terme. Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire, et sicertains groupes ont obtenu la démarcation de leur terre, les groupesplus vulnérables et moins organisés n’ont pas eu cette chance.

Réflexions sur le droit de possession des Indiens sur leurs terres

La Convention n° 169 de l’Organisation internationale du travailqui a été ratifiée en 2002 par le Brésil stipule que les Indiens doiventbénéficier de la propriété collective de leur terre. Or, au Brésil, lesIndiens n’en ont que la possession permanente et l’usufruit. Cecirend leur droit à la terre fragile puisque comme nous l’avons vu ilest possible par une simple loi de remettre en question la démarca-tion des terres indigènes.

C’est la raison pour laquelle certaines organisations3 militentpour l’application de la Convention de l’OIT afin que les Indiensdeviennent les propriétaires de leur habitat. Il nous semble que cetteposition est dangereuse. En effet, en sus des pressions économiqueset financières auxquelles sont soumis les Indiens, ceux-ci risque-raient de céder leur terre à des groupes d’exploitants et de finir tota-lement démunis, comme ce fut le cas pour les Indiens d’Amériquedu Nord. A ce sujet, le Daws Act constitue un précédent : la mise enpropriété privée des terres amérindiennes en 1884. Dans les années1930, les Indiens d’Amérique avaient perdu les 9/10è de leurs terres.

1. Instituto SocioAmbiental, « Localização e extensão das TI »,http://www.socioambiental.org/pib/portugues/quonqua/ondeestao/locext.asp.2. Cf. Annexes 15 et 16 : L’état des TI en Amazonie et au Brésil.3. C’est la thèse soutenue par une publication de Survival International : « Dépossédés, lesIndiens du Brésil », Ethnie, vol. 16, n° 28, 2000.

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D’ailleurs, cette position semble validée par le fait que les en-treprises d’extraction minière ou forestière soudoient un nombrecroissant d’Indiens afin de leur accorder des concessions dans leurréserve.Certains Indiens sont même directement impliqués dansl’abattage illégal de bois. C’est le cas de certains Indiens du Xingu.Ce fut le cas du dirigeant indigène Payakan qui vendit une partie desa réserve à son propre profit.

De plus, les Indiens n’ont pas tous la notion de « propriété » ausens où nous l’entendons. Pour eux, vendre une partie de la forêtsignifie qu’ils autorisent des étrangers à venir l’exploiter, mais ils nese rendent pas compte qu’ils ont définitivement perdu le droitd’accès en ces lieux1. De même, ils n’ont pas toujours une vision dulong terme.

Trop de terres pour si peu d’Indiens ?

Depuis les années 1970, un argument contre la démarcationdes terres indigènes s’est développé : comment justifier que 12,9 %du territoire national soit alloué à une minorité ethnique représen-tant à peine 0,25 % de la population brésilienne ? Aujourd’huiencore, il n’est pas rare que des politiciens s’en servent, en té-moigne une déclaration2 de l’ancien Président de la FUNAI lui-même, Mércio Pereira Gomes (sept. 2003-mars 2007) du 12 jan-vier 2006 dans laquelle il disait : « Jusqu’à présent, il n’y a pas eude limites à leurs revendications territoriales, mais nous arrivons àune étape où la Cour suprême aura à en instaurer une ».

A cet argument statistique s’en ajoute un autre, économique,selon lequel les vastes étendues de terres réservées pour les Indienssont immobilisées et donc restreignent l’avancée de la frontièreéconomique. Dans ce cas, les terres indigènes deviennent un obs-tacle au développement du Brésil. C’est sans doute l’une des rai-sons de la multiplication des décrets régissant la procédure de dé-marcation des terres indigènes, rendant celle-ci de plus en pluscomplexe, comme nous l’avons vu précédemment.

1. Entretien avec Patrick Menget, le 2 mars 2007.2. Déclaration à l’agence de presse Reuters le 12 janvier 2006. Source : Survival, Newsletter« Brésil : Les Indiens attaquent la FUNAI », 17 janvier 2006,http://www.survivalfrance.org/related_material.php?id=373.

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Ces affirmations anti-indiennes ne sont pas exactes et il con-vient de les analyser1. Tout d’abord, s’il est vrai que les Indiens nereprésentent qu’une petite partie de la population globale du Brésil,il n’en est pas de même au niveau régional. Les Indiens au Brésilsont dans 60 % des cas situés en Amazonie légale et plus précisé-ment, presque 50% dans le Nord amazonien. Si bien que, danscette région, les Indiens représentent une part importante de lapopulation. En 1990, les Indiens représentaient 72 % de la popula-tion rurale de l’Etat de Roraima, et presque 10% dans l’Etatd’Amazonas2. Des chiffres plus récents montrent qu’ils représen-tent 20 % de l’extension du Pará et 47 % de celle du Roraima3. Auniveau des communes amazoniennes, les Indiens peuvent représen-ter la majorité de la population4. Si l’on regarde du côté des terres,98 % des terres indigènes se trouvent en Amazonie légale5. Lafaiblesse démographique des Indiens perd de son sens si on regardeprécisément leur dispersion géographique.

João Pacheco de Oliveira démontre que si l’on prend la popu-lation rurale non-indienne de chaque Etat et la surface de terresproductives utilisée par cette population (nombre d’hectares parhabitant rural) et que l’on compare ce ratio avec le nombred’hectares par Indien, le résultat obtenu montre que dans de nom-breux Etats, les terres indigènes seraient moins étendues que lespropriétés rurales (Etat de Bahia, Etats de Santa Catarina, RioGrande do Sul et d’autres encore). Dans les Etats où le rapporthectares/habitant semble favorable aux Indiens, il ne l’est plus dansla pratique, puisque la plupart des terres indigènes sont affectéespar des activités économiques de non-indiens.

Enfin, il reste au Brésil dans de nombreux Etats, des terres ef-fectivement disponibles pour le développement rural6. A cet égardles Indiens ne constituent pas un obstacle au développement del’agriculture au Brésil.

1. João Pacheco de Oliveira Filho, 1990, op. cit., p. 20-21.2. Id., p.20.3. Bruce Albert, 1996, op. cit., p.178.4. Par exemple, les communes de Santo Antonio de Iça, São Paulo de Olivença, Amaturá,Tabatinga…5. Instituto SocioAmbiental, « Localizaçãoe extensão das TI »,http://www.socioambiental.org/pib/portugues/quonqua/ondeestao/locext.asp.6. Cf. Annexe 17 : terres disponibles en 1990.

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Si cette question est sans cesse réactualisée, c’est sans douteparce que les terres indigènes sont souvent situées dans des régionssensibles sur le plan économique (présence d’importants gisementsd’or et de minerais précieux) et sur le plan géopolitique (dans deszones frontalières), si bien que malgré la faiblesse démographiquedes Indiens au Brésil, la question indienne a acquis une place consi-dérable dans le débat national à travers ses enjeux territoriaux.

Il y a eu une forte avancée dans le processus de démarcation desterres indigènes depuis les années 80 : en 1981, la FUNAI recon-naissait l’existence de trois cent huit terres indigènes couvrant400 000 kilomètres carrés ; en 1996, le gouvernement de Cardoso encomptait cinq cent cinquante-quatre, représentant 947 000 kilo-mètres carrés1; aujourd’hui [2007], les chiffres officiels recensés parl’Instituto SocioAmbiental portent le nombre de terres indigènesofficiellement reconnu à cinq cent quatre-vingt-treize, soit1 092 363 720 kilomètres carrés2. C’est un grand progrès, même siforce est de constater que la FUNAI n’est pas très efficace pourmener à bien la démarcation : Vingt ans n’ont pas suffit à réaliser cequi devait être fait en cinq ans d’après la Constitution. Il ne faut pasoublier que tout de même 36 % des terres indigènes doivent encorearriver à l’étape de l’enregistrement.

La majorité des terres indigènes, légalisées ou non, (84 % selonla FUNAI3) font l’objet de diverses formes d’invasion etd’exploitation économique non indigène4. Les terres qui ont atteintl’homologation et l’enregistrement sont les mieux protégées contreles invasions illégales5. Il serait donc bénéfique pour les Indiens dehâter les processus entamés.

Cette politique de démarcation menée systématiquement depuisla dernière constitution a sans aucun doute un effet positif sur lesIndiens. La reconnaissance d’une terre pour des groupes qui se trou-vaient dans une position vulnérable freine considérablement le pro-cessus de dépouillement dont ils étaient jusque là victimes6. Et les

1. Bruce Albert, 1996, op. cit., p. 181.2. 109 236 372 hectares. Source : ISA, , « Situação jurídica das TI hoje »,http://www.socioambiental.org/pib/portugues/quonqua/ondeestao/sit_jurid.html,Total général des Terres Indigènes (Cf. Figure 4).3. Chiffre cité dans Bruce Albert, 1996, op. cit., p. 181.4. Exploitations forestière, minière, agricole, hydroélectrique…5. João Pacheco de Oliveira Filho, 1990, op. cit., p. 19.6. Christian Gros, 2004, op. cit., p. 40.

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colons qui envahissent leurs territoires savent qu’ils ne sont pas àl’abri d’une expulsion. La précarité change de bord.

Il est de l’intérêt général de protéger effectivement les terres in-digènes au Brésil. Elles sont le dernier bastion contre la déforesta-tion massive qui sévit en Amazonie.

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Chapitre 3

Quelles perspectives d’avenirpour les Indiens du Brésil ?

Aujourd’hui, au Brésil, les Indiens constituent une populationd’environ 700 000 individus dont 380 000 ont encore un mode devie traditionnel1. Ces derniers représentent 0,25 % de la populationbrésilienne et ont un taux de natalité nettement plus élevé que lamoyenne nationale2. De manière générale3, les Indiens se sont sta-bilisés et voient depuis leur nombre augmenter continuellement. Laquestion de la préservation de l’intégrité physique semble résoluepour la majeure partie des ethnies brésiliennes. Cependant, qu’enest-il de l’intégrité culturelle et spirituelle de ces groupes ? Sont-ilsinexorablement voués à se faire « avaler par la grande machine etdevenir une fraction du prolétariat rural »4 brésilien ?

Tout en espérant que ce ne sera pas le cas, nous ne pouvonsapporter de réponse à cette question. Cependant, il est intéressantde constater des comportements indigènes qui vont dans le sens durenforcement culturel, en réaction à l’acculturation croissante dueau contact avec la culture brésilienne. Et de manière surprenante,ces initiatives sont souvent basées sur des outils de travail occiden-taux, parfois même sur une technologie avancée. C’est par exemplel’utilisation de la vidéo par certains groupes, ou encore d’imagessatellites par d’autres.

Mais ces nouvelles initiatives ne doivent pas occulter les prin-cipaux enjeux des revendications indigènes, à savoir le respect deleurs droits constitutionnels. Comme nous l’avons vu, la démarca-tion des terres indigènes arrive à son terme et malgré la résistancede la part de certains groupes « développementalistes », ce droitsemble acquis. Il n’en est pas de même pour l’éducation différen-

1. Chiffres du dernier recensement de la population brésilienne par l’IBGE ; Cf. Annexe 1 :Recensement de l’IBGE en 2000 (population indigène).2. IBGE: http://www.ibge.gov.br/home/default.php.3. Un certain nombre d’ethnies est toujours en voie d’extinction.4. Marc Lenaerts, Anthropologie des Indiens Ashéninka d’Amazonie : Nos sœurs Manioc etl’étranger Jaguar, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 269.

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ciée, les programmes de santé et les programmes économiquesalternatifs permettant l’autosubsistance des Indiens et leur autono-mie. Depuis les années 1990, la FUNAI est reléguée à un rôle se-condaire, celui de délimiter les terres indigènes. Les autres aspectsde la politique indigéniste sont du ressort des différents ministèresconcernés, qui dans la plupart des cas n’en font pas une priorité.Ainsi, la santé indigène a été négligée lors du premier mandat deLula, les postes de la FUNASA ayant été alloués selon des déci-sions politiques1.

Il semble bien que l’avertissement de Christian Gros se concré-tise au Brésil : sous l’autonomie territoriale relative accordée auxIndiens par la démarcation des terres, un abandon et une certainemarginalisation se font sentir, laissant la voie ouverte à une privati-sation de la politique indigéniste. Cette thèse est validée par BruceAlbert lorsqu’il parle d’un « indigénisme officiel aujourd’hui réduità sa plus simple expression » 2. Dès lors, la plupart des projets so-cio-éducatifs et économiques concernant les Indiens sont d’origineprivée, impulsés par des ONG militantes brésiliennes ou étran-gères, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de rivalité entreles divers acteurs.

Comment concilier une indianité stéréotypée par le monde oc-cidental (qui attend d’ailleurs que les Indiens la reflètent) avec lemonde moderne, dans lequel ils évoluent au même titre que la so-ciété brésilienne ? Où trouver les fondements d’une légitimité àl’indianité nécessaire pour prétendre aux avantages, notammentfonciers, auxquels elle ouvre droit ? Il est important de se penchersur ces questions alors que tant d’autres secteurs de la population,tout aussi marginalisés et paupérisés, n’ont pas droit à ces avan-tages fonciers et sociaux (nous pensons ici aux Sans terres).

1. Eliane Brun, 2006, op. cit., p. 30.2. Bruce Albert, 1996, op. cit., p.189.

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1. Les alternatives socio-économiques

Le domaine de la santé

L’état de santé des populations indigènes est très hétérogèneselon leurs conditions de vie, qu’ils vivent dans un territoire dé-marqué ou non, qu’ils doivent faire face ou non à d’éventuellesinvasions, etc. De manière générale, ce sont les conditions de con-tact avec la société brésilienne qui déterminent l’état de santé desdifférents groupes indigènes. A cet égard, la démarcation d’uneterre indigène revêt une importance toute particulière (même si lesinvasions illégales sont monnaie courante). D’après la FUNASA,le profil épidémiologique des Indiens est caractérisé par des casd’infections respiratoires, diarrhées, malaria, tuberculose, et toutesles maladies pour lesquelles ils n’ont pas développé d’immunités1.

La dispersion des groupes indigènes et leur localisation dansdes régions reculées, voire difficiles d’accès, rendent probléma-tique l’accès aux prestations de santé. Au Brésil, c’est le ministèrede la Santé, la FUNASA, qui est en charge de la santé indigène. LaFUNASA a opté pour la mise en place de trente-quatre districtssanitaires spéciaux indigènes (DSEI), qui représentent un sous-groupe du système unifié de Santé (pour tous les Brésiliens)2. LesDSEI ont une base territoriale et entendent respecter la culture etles relations de pouvoir entre les groupes dont ils ont la charge. Achaque DSEI correspondent plusieurs postes de Santé indigènes.Ce sont les agents indigènes de santé qui interviennent dans lesvillages. Le système organisationnel de la FUNASA et des DSEIest pyramidal3 et a montré ses limites sous le premier mandat deLula. Il est trop dépendant des personnes nommées aux plus hautspostes.

Le problème ne semble pas être la quantité des fonds allouéspar le gouvernement, mais plutôt leur utilisation. En effet, la ma-jeure partie de cet argent n’arrive pas jusqu’aux populations visées.Ceci résulte en partie de la décentralisation de la FUNASA. Ainsi,certains Etats bloquent ou détournent volontairement les fonds

1. Source : FUNASA www.funasa.gov.br.2. Enio Cordeiro, 1994, op. cit.; Site de la FUNASA, www.funasa.gov.br.3. Cf. Annexe 18 : L’organisation des DSEI.

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destinés aux Indiens (ou choisissent de façon discriminatoire à quelgroupe ils les allouent).

Par exemple, en février 2007, le gouvernement de l’Etat duMato Grosso a annoncé qu’il cesserait de fournir une aide alimen-taire aux populations Guarani1. Ce programme alimentaire avait étémis en œuvre en 2004 suite au décès de vingt et un enfants.

Aujourd’hui, certaines communautés indigènes sont gravementtouchées par des épidémies. C’est le cas des Indiens de la vallée duJavari qui traversent une crise sanitaire depuis fin 2006 (épidémiesde malaria et d’hépatite).

L’Education indigène : les défis à venir

L’école indigène, une question primordialeLa plupart des groupes indigènes sont très désireux

d’apprendre et l’école leur paraît un outil indispensable pour pou-voir prétendre jouer un rôle politique et citoyen afin de défendreleur autonomie socio-économique et culturelle. Pour cela, il estimpératif de pouvoir déchiffrer les modes d’action occidentaux. Eneffet, la plupart des dirigeants indigènes actuels sont passés par lesbancs d’une école, que ce soit à la mission jésuite, dans un poste dela FUNAI ou encore en ville2. Cette éducation occidentale leur apermis de transcrire des demandes indigènes en des termes com-préhensibles et recevables par la société nationale et internationale.

Les communautés indigènes demandent des écoles3 et celles-cise sont multipliées. Selon la Constitution de 1988, l’enseignementscolaire indigène doit être différencié et refléter leurs langues (en-seignement bilingue), coutumes et traditions. Le but n’est doncplus de « civiliser » les jeunes Indiens, mais, au contraire, de valo-riser leur culture, tout en leur donnant les moyens de déchiffrer lescodes de la société dans laquelle ils évoluent.

La plupart des programmes mis en place par les organisationsindigènes visent ainsi à créer des écoles pour leurs enfants. Le pro-blème principal reste l’acquisition de fonds pour pouvoir les mettreen œuvre. Ce sont donc les groupes les plus médiatisés et qui arri-vent à capter le plus de fonds qui s’en sortent le mieux. Ainsi, les

1. Survival International, News, 9 février 2007.2. Davi Kopenawa Yanomami en est l’exemple-type.3. Les Ashéninka (Marc Lenaerts, 2004, op. cit., p. 184).

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Kayapó construisent des écoles grâce au pourcentage obtenu del’orpaillage de l’or blanc sur leurs terres1. Les Yanomami ont éga-lement élaboré un programme éducatif différencié avec l’appui dela CCPY, du CIR, de l’APIR et de l’OPIR qui est couplé avecl’édition de huit journaux en langue yanomami2.

Savoirs indigènes, savoirs occidentauxL’éducation scolaire à l’ « occidentale » représente un chan-

gement de point de vue pour les Indiens. En effet, dans les com-munautés, le savoir était jusque là transmis par la pratique. Or,d’après les études des anthropologues, il semblerait que certainesethnies amazoniennes aient une façon tout à fait particulièred’appréhender les choses : en termes de relations3.

L’apprentissage traditionnel des jeunes enfants, très peu struc-turé, est basé principalement sur l’observation directe, une pratiquepar mimétisme, au cas par cas. Parfois, ces observations lors dessorties en forêt sont dans une seconde phase commentées au vil-lage, de façon à compléter les informations acquises en forêt4. Laperception indigène des choses est sans doute à la base de cet ap-prentissage pragmatique, désordonné et un peu déroutant pourl’Occidental. Ceci réside peut-être dans la relation que les Indiensentretiennent avec le gibier, avec les plantes et les différents êtresqui peuplent leurs lieux de vie.

Il en résulte une confrontation entre l’apprentissage scolaire etl’apprentissage traditionnel. Alors que le second procède davantagepar mimétisme participatif, le premier et sa démarche analytiquesemble assez hermétique aux Indiens, surtout pour les adultes :

« On voit qu’ils [les Ashéninka] reproduisaient là leurspropres démarches d’apprentissage. Les nôtres, sélectiondes seuls signes productifs [à propos de l’alphabet et laformation de mots], décomposition analytique et recom-position séquentielle, leur restaient profondément étran-gères »5.

1. Cf. Figure 6 : Une école kayapó.2. Jornais Yanomami : de Alto Catrimani, Watoriki (Demini), Homoxi, Kayana u, Paapiú,Parawa u, Toototobi, Jornal do profesores yanomami (Cf; www.proyanomami.org.br).3. Nous autres, Occidentaux, appréhendons plutôt les choses en termes d’esprit (au sensd’essence immatérielle et stable).4. Marc Lenaerts, 2004, op. cit., p. 179.5. Id., p. 184.

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Toujours selon Marc Lennart, les jeunes s’en sortent beaucoupmieux que les adultes. Mais au bout de quelque temps, le jeuneIndien se trouve en butte à des difficultés scolaires qui ne serontsurmontées que quand « quelque chose » dans son approche auraété « cassé ».

Figure 5 - Ecole Kayapó

Coup d’œil par la fenêtre de l’école. Paradoxe : c’est avec le pourcentage obtenude l’orpaillage blanc sur leurs terres que les Kayapó enseignent à leurs enfants àécrire dans leur langue.

Kayapó (Djetutire, 1991).

Source : Photographies de Milton Guran et texte de Milton Guran et Bruce Albert, « Re-gards en miroir – Indiens du Brésil », Ethnies, Paris, Survival, vol. 7, n° 14, 1992-3, p. 75.

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Les « communautés pratiquantes » : la transmission de la cultureComme le disait Pierre Bourdieu, « par son fonctionnement

même, l’école modifie le contenu et l’esprit de la culture qu’elletransmet »1. Si l’enseignement bilingue présente l’avantage depérenniser la langue indigène par sa transcription et par son ap-prentissage systématique aux jeunes Indiens, il n’en reste pasmoins inapproprié pour transmettre certains aspects de la cultureindigène. En effet, la culture est d’abord une pratique avant d’êtreun simple apprentissage discursif. Elle s’apprend au contact de« communautés pratiquantes »2, comme l’a montré Marc Lenaertsqui a étudié les Ashéninka :

« A un enfant qui n’accompagne pas ses parents en forêt,il manquera sans doute toujours quelque chose de fon-damental »3.

Or, la présence quotidienne des enfants à l’école les retire for-cément du milieu forestier et les déqualifie par rapport aux savoirsliés à la vie en forêt. A cet égard, l’école entre en concurrence avecl’apprentissage parental traditionnel. L’écueil à éviter est la trans-formation du patrimoine culturel indigène en folklore sous prétextede l’enseigner à l’école de façon statique, décontextualisée et fina-lement dépourvue de sens.

La mise en place d’écoles où l’apprentissage se fait sur unebase différenciée en accord avec la culture est donc impérativepour la sauvegarde de la culture indigène en plus de la seule languevernaculaire. Cet apprentissage est étroitement lié à la probléma-tique de la formation de professeurs indigènes capables de trans-mettre la culture indigène comme une chose vivante et non commeun savoir lié à un passé qui n’est plus. Ceci est un défi pour lesgénérations indiennes à venir.

L’économie de marché et les Indiens

Suite au contact avec les Occidentaux, les Indiens ont, depuisdes décennies, acquis des besoins matériels (savon, riz, sel, etc.)auxquels ils ne peuvent répondre qu’en pratiquant une activité de

1. Pierre Bourdieu cité par Laura Rival, « Modernité et politiques identitaires dans unesociété amazonienne », Cahiers des Amériques Latines, paris, n° 23, 1996(3), p. 123.2. Ibid.3. Marc Lenaerts, 2004, op. cit., p. 181.

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subsistance. A ces menus biens de la vie courante s’ajoutent dé-sormais d’autres besoins rendus nécessaires par le désir de préser-ver leur culture. Ainsi, les Indiens veulent des écoles bilinguesadaptées, organisent des rencontres intercommunautaires, utilisentdes techniques modernes comme la vidéo ou les ordinateurs. Acela s’ajoutent leurs activités politiques de lobbying auprès desautorités gouvernementales pour veiller à l’application de leursdroits. Ces choses ont un coût et des fonds sont nécessaires poursoutenir leur stratégie de réaffirmation culturelle. La pratiqued’activités économiques par les Indiens s’est imposée comme lerevenu le plus viable sur le moyen et long terme (puisque les fondspublics sont incertains, fluctuants et ont diminué dans les années1990).

Dans les années 1970, des dirigeants Kayapó ont cru pouvoirtrouver dans la vente d’une partie du bois de leur réserve la solu-tion à ce besoin de fonds1. Aujourd’hui ces pratiques ont heureu-sement cessé, du moins officiellement, et la nécessité de monterdes projets alternatifs « écologiquement corrects » voire « socio-écologiquement durables » s’est imposée au sein des communau-tés. Ces projets prennent souvent appui sur les organisations indi-gènes locales.

L’ouverture croissante de l’économie a semblé (semble en-core ?) pouvoir être une solution aux besoins pécuniaires despeuples autochtones parallèlement à l’importance croissante ducommerce éthique. Ainsi, certains groupes internationaux désireuxde profiter de l’image « écolo » ont passé des contrats avec desgroupes indiens concernant la récolte de produits de la forêt : gua-rana, noix du Brésil etc. Ces projets ont eu des résultats plus oumoins heureux.

Un exemple célèbre est l’accord de commerce entre la compa-gnie anglaise de cosmétiques The Body Shop et les IndiensKayapó. L’enseigne avait fourni à deux villages Kayapó, A’ukre etPukanu, les outils nécessaires pour presser de l’huile de noix duBrésil utilisée dans des shampoings2.

1. Cf. la corruption de Payakan.2. Terence Turner, « Neoliberal Ecopolitics ans Indigenous Peoples: The Kayapó, The‘Rainforest Harvest’, and the Body Shop », Yales F&ES Bulletin, New Haven, n° 98, 1995,p. 96-97.

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Le problème de cet accord était que le prix et les quantités pro-duites étaient fixés unilatéralement par The Body Shop, mettant lesIndiens dans une situation d’infériorité et de dépendance. De plus,les Kayapó dont l’image de marque profite à l’enseigne, n’étaientpas rémunérés pour la campagne publicitaire gratuite qu’ils susci-taient, d’autant plus que dans le cas présent, The Body Shop avaitplus à gagner de l’image « équitable » que de l’huile de noix duBrésil proprement dite 1.

Au final, les revenus tirés de cette exploitation ne suffirent pasà suspendre les concessions accordées par les Kayapó des deuxvillages aux exploitants miniers et bûcherons sur leurs terres. Ce-pendant, le projet « Trade Not Aid » de The Body Shop a été trèsbien perçu par les Kayapó – alors même qu’il était vivement criti-qué par les anthropologues et autres sympathisants occidentaux.

L’idée d’une exploitation des richesses naturelles dans un butlucratif est critiquable car ce but peut ne pas atteindre les objectifssouhaités auprès des communautés indigènes, tout en provoquantune détérioration de leur milieu de vie. Cependant, il nous sembleindispensable de mettre en place des projets alternatifs de ce typede façon à éviter une exploitation prédatrice des terres indigènes(directement ou indirectement par le biais de concessions) pluslucrative à court terme.

Certains projets menés par des communautés locales tendent àgénérer des gains profitant aux producteurs, sans qu’il y ait en avalune « machine à profit », une entreprise multinationale comme TheBody Shop. Ce sont par exemple les projets de marché équitablepromus par une organisation comme Oxfam2.

Sur cet exemple, l’ISA a lancé plusieurs projets pilotes dontune entreprise d’apiculture depuis 2003, chez les Indiens Suyá,Trumai, Ikpeng et Kayabi du Xingú. Le miel est vendu dans depetits magasins de la région3.

1. Id., p. 98.2. Id., p. 121.3. ISA, 10 años, São Paulo, 2004, p. 26.

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2. Les écueils de la mondialisation : de nouveaux défis

Des rivalités entre Indiens

Les représentations cosmologiques de certaines ethnies consis-tent en un réseau de relations entre différents êtres, situés à un cer-tain maillon de la chaîne trophique et entretenant des rapports réci-proques de proies à prédateurs. A cela s’ajoute une conceptionnourricière selon laquelle l’identité propre ne peut être construitequ’à travers des emprunts symboliques à l’Autre1.

Traditionnellement, cette conception provoquait un état deguerre permanent entre les différents groupes indigènes ennemis.Même après la pacification des Indiens par le SPI, puis la FUNAI,cette belligérance latente a persisté. La restriction et la fermeturedu territoire n’ont fait qu’aviver les tensions entre les groupes. Ilfaut savoir en qu’il n’existe pas d’unité au sein des ethnies vivantsur un même territoire. Ceci était particulièrement visible dans desgroupes comme les Kayapó qui semaient la terreur avant d’êtrepacifiés. La rivalité entre chefferies est aujourd’hui toujours pré-sente.

Ceci n’est pas sans conséquence, puisque l’union fait la force.Devant une politique indigéniste hésitante, c’est un défi de tailleque l’union des Indiens pour faire valoir leurs droits face auxgrands projets d’initiative gouvernementale.

Dans la pratique, l’idée a commencé à se répandre et les orga-nisations indigènes multiplient les occasions de se rassembler.Ainsi, des Jeux indigènes ont même été créés. En 2006, TerenceTurner, un anthropologue spécialiste des Kayapó, relevait la déci-sion historique de plusieurs communautés rivales de s’assemblersous une direction commune. Du 28 mars au 1er avril 2006, deuxcents Kayapó se sont réunis à Piaraçu sous la direction de MegaronTuxukarramãe2 pour discuter de la meilleure manière de faire obs-tacle à la construction d’une série de barrages sur les fleuves Xinguet Iriri. Cet événement faisait suite à une précédente réunion quiavait été boycottée par les trois plus larges communautés Kayapó

1. Anne Losonczy, cours DEVL011, « Anthropologie des sociétés amazoniennes », ULBBruxelles, notes de cours, année 2005- 2006.2. Indien Kayapó directeur de l’office régional de la FUNAI dans le Mato Grosso.

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de l’Est, rivales traditionnelles des Kayapó de l’Ouest1. Une foisles Kayapó unis sous une direction commune, l’émergence d’unecommunauté politique kayapó a été possible, plus forte et plusinfluente.

Les divisions internes entre les groupes interdisent la créationd’un ample mouvement indigène au Brésil. La puissance du mou-vement indigène dépendra de leur capacité à s’unir et à dépasserles rivalités structurelles encore en œuvre aujourd’hui.

Depuis les années 1990 et la privatisation croissante de la poli-tique indigénistene, les rivalités entre groupes indiens se sont ac-crues concernant la captation des ressources. Ce sont les groupesles plus visibles et qui savent le mieux manipuler leur image mé-diatique qui accèdent le plus aux fonds, qu’ils soient d’origineprivée ou publique.

Certains groupes indigènes ont toujours conservé une relationclientéliste avec la FUNAI. C’est le cas des Xavante ou desKayapó par exemple. Par des actions spectaculaires, ils accaparentl’attention au détriment d’autres groupes moins nombreux et sou-vent dans une situation plus fragile2. Souvent, les groupes les plushabiles à se faire subventionner sont ceux qui ont gardé une allure« authentique ». Il s’opère donc un clivage entre Indiens acculturéset non-acculturés, au profit des seconds3. Ce clivage entre « vrais »et « faux » Indiens a son importance au sein même de la commu-nauté indigène. Par exemple, parmi les Indiens urbains d’Altamira,les indios legitimos (purs) ont une précieuse spécificité au regardde leurs semblables. Le terme même de indios misturados4 (métis-sés) porte en son sein l’idée d’une perte culturelle engendrée par lemétissage5.

1. Terence Turner et Vanessa Fajans-Turner, « Political innovation and inter-ethnic alliance,Kayapó resistance to the developmentalist state », Anthropology Today, Journal of the RoyalAnthropological Institute, London, vol. 22, n° 5, 2006.2. Michel Agier et Maria Rosario G. de Carvalho, 1994, op. cit., p.113.3. Bruce Albert, 1996, op. cit., pp. 198-199.4. Terme développé par João Pacheco de Oliveira.5. Judith Vaes, Les Indiens urbains d’Altamira, Para, Brésil ; un rapport à l’indianité, issudu passé, reconstruit dans le présent, Mémoire soutenu à l’Université Libre de Bruxelles,dir. Patrick Menget, 2005, p. 48.

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Des rivalités entre ONG

La rivalité entre le CIMI et l’ISAIl existe une rivalité entre les deux plus grandes ONG pro-

indiennes du Brésil, le CIMI et l’ISA. En effet, le CIMI d’originecatholique et l’ISA, organisation plus scientifique et environne-mentaliste, ont des points de vue divergents quant à la façon detraiter la politique indigéniste au Brésil. Ceci a des conséquencesfâcheuses et dessert les intérêts des Indiens. Lorsque le gouverne-ment fait passer un acte contestable, les deux ONG montent aucréneau, mais lorsqu’il s’agit de faire des propositions, les diver-gences empêchent de trouver un accord. Ceci est d’autant plus vraique chaque organisation a la main mise sur certaines ethnies, des-quelles elles tirent leur légitimité.

L’ISA critique l’interventionnisme de l’Etat brésilien dans lesaffaires indigènes et défend l’idée selon laquelle les ONG seraientmieux à même de s’occuper des domaines de la santé, del’éducation et des alternatives de développement économique pourles Indiens. Au contraire, le CIMI défend un engagement plusgrand de l’Etat vis-à-vis des Indiens. De plus, l’organisation catho-lique pense que toute stratégie orientée vers le marché est incom-patible avec les traditions indigènes. Elle privilégie donc une visionplus paternaliste1.

Ces divisions ont porté et portent encore préjudice à la ques-tion indigène. Ne serait-ce que pour la question des terres, les deuxorganisations n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le nombre deterres indigènes à identifier, affaiblissant l’objet de la dissension.

Néocolonialisme et indigénismeCe que nous appelons des comportements néocoloniaux sont

les façons de mettre la main sur des groupes indiens utilisées parcertaines ONG. Sous prétexte de porter assistance à la cause in-dienne et de détenir la bonne solution, des organisations n’hésitentpas à imposer leur point de vue aux populations qu’elles soutien-nent.

Ainsi, les secteurs progressistes de l’Eglise catholique, commele CIMI, sont malgré tout toujours attachés à leurs racines reli-

1. Maria Guadalupe Moog Rodrigues, 2002, op. cit., p. 505.

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gieuses. Ils proposent de conserver les cultures indigènes à traversune « incarnation » interculturelle, mais dans le but de convertir lesIndiens au christianisme1.

Une ONG telle que CCPY aurait eû une dynamique paterna-liste qui aurait empêché la formation d’un mouvement Yanomamide plus grande envergure avant les années 1990. C’est la thèseavancée par Gregory M. Maney2 lorsqu’il dit que l’ONG a agitcomme un gardien car les Yanomami « avaient besoin de temps »pour « comprendre leurs droits constitutionnels et apprendre à né-gocier avec le monde extérieur »3. Fort heureusement, il sembleque cette dynamique paternaliste se soit estompée.

Enfin, certains anthropologues s’alarment de voir se dévelop-per la figure de l’Indien « domestiqué »4. Cet Indien est une sourcede revenu et de légitimation pour l’organisation qui l’exploite, unenouvelle forme de commerce en quelque sorte. Parler de la profes-sionnalisation croissante du tiers secteur connaît une certainevogue. La question de l’Indien domestiqué suit la même logique. Ils’agirait de choisir de défendre ou non certains Indiens plus « ren-tables » que d’autres. Ceci s’accompagne bien entendu de cam-pagnes de publicité et d’une sorte de prise de parts de marché dansle monde de l’indigénisme. Ce genre de pratique est dangereux. Dequel droit choisit-on d’aider un groupe ethnique plutôt qu’unautre ? Ce choix précipite un clivage entre « vrais » et « faux »Indiens tel que nous l’avons mentionné précédemment. Les consé-quences de cela sont une sorte de mise en scène systématique del’indianité de façon à répondre au stéréotype de l’Indien imaginépar les Occidentaux.

Ces stéréotypes sont pourtant aux antipodes d’une réalité vécueau jour le jour. Lorsque sa survie en dépend, il est difficile de blâ-mer l’Indien qui vend le bois de sa réserve ou, à l’époque du projetCalha Norte, l’Indien Tukano qui passe un accord avec les mili-taires. A partir du moment où une organisation exige un certaincomportement en contrepartie de son soutien, l’Indien n’a plus delibre choix. C’est une forme de colonialisme que de refuser à unpeuple de faire les arrangements qu’il désire à sa culture.

1. Alcida Rita Ramos, 1998, op. cit., p. 291.2. GregoryM. Maney, 2001, op. cit., p. 122.3. Citations de Claudia Andujar, citées par GregoryM. Maney, Id., p. 122.4. Alcida Rita Ramos, 1998, op. cit., p. 276.

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3. Indianité et modernitéA ceux qui pensent que l’Indien qui a la télévision, qui

s’habille à l’occidentale et qui se déplace en voiture n’est pas unIndien, il convient de leur rappeler que la technologie n’est pasl’apanage des « civilisés ». Il serait vraiment trop ethnocentrique etirrespectueux de penser qu’une civilisation –occidentale– soit laseule à pouvoir bénéficier de la technologie pour conserver sonidentité. Être Indien, c’est avant tout une affaire d’identité. Or,l’identité n’est pas un bien matériel qui se modifie au gré des coli-fichets, fussent-ils de la technologie de pointe. Cette sous-sectionest dédiée à tous ceux qui ne voient en l’Indien qu’une figure exo-tique, un bipède à plume, un bon sauvage ou encore le protecteurde la forêt.

Des identités multiples

L’Indien brésilien du XXIè siècle est loin de l’image stéréoty-pée du sauvage vêtu de plumes vivant des plantes de la forêt et dela chasse. Même s’il est vrai qu’il existe encore un certain nombrede groupes d’Indiens non contactés au Brésil, les autres ont pour laplupart adopté certains aspects de la société brésilienne par laquelleils sont entourés. La diversité ethnique et géographique des Indiensne permet pas de faire état d’une homogénéité entre les groupes.Les Indiens du sud, qui ont été les premiers par les nouveaux arri-vants, semblent plus acculturés que ceux du nord. Beaucoupd’entre eux ne se différencient plus vraiment de la populationpauvre rurale brésilienne. En Amazonie, le contraste est plus fort.Certains groupes ont fait le choix de rester relativement à l’écart dela société brésilienne et de conserver leur culture la plus intactepossible. D’autres groupes ont des contacts fréquents avec lesBlancs dont ils ont adopté un certain nombre de pratiques.

Dans tous les cas, cela ne signifie pas forcément la perte del’identité indienne. Certes, les cultures indigènes se sont modifiées,mais il est de l’essence même de la culture de ne pas être figée.Aussi, l’intégration du monde des Blancs dans la culture de cessociétés ne constitue pas toujours une détérioration de celle-ci. S’ilen est ainsi, c’est peut être parce que la cosmologie de certainsIndiens amazoniens des basses terres conçoit la construction du

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« moi » par des emprunts symboliques à l’ « autre » (l’ennemi).Ces emprunts, considérés comme des trophées de guerre, peuventêtre des objets mais également des choses immatérielles telles quedes noms de personnes, des esprits etc. La culture indigène intègredonc en son sein des fragments d’autres cultures. A la différence dela civilisation occidentale qui procède par la négation d’autrui, laculture de certains groupes indiens inclut l’Autre dans sa propreperception du monde.

L’identité est multiple1 et les Indiens brésiliens ont à juste titrele droit de prétendre à leur moitié brésilienne s’ils le désirent. Cesujet est particulièrement complexe lorsqu’il s’agit d’Indiens qui sesont sédentarisés et qui vivent en ville. Les Indiens urbains, commel’a montré Judith Vaes dans une étude menée à Altamira2, attachentbeaucoup d’importance à cette double identité. Et elle n’est pasfacile à valoriser :

« La figure de l’Indien au Brésil emprunte des représenta-tions du sens commun qui souvent imposent à l’individuqui s’en réclame de correspondre à un être aujourd’hui de-venu presque imaginaire tant ce qui le caractérise est enta-ché d’un anachronisme contradictoire avec le dynamismede la réalité et du monde dans lequel ce reliant doits’efforcer d’être encore authentique pour être.[…] Malheu-reusement pour les Indiens des villes, leur nouveau milieude vie civilisé les arrache à une quelconque indianité fon-damentalement ancrée dans la forêt et la culture qui s’y dé-ploie »3.

Ainsi, même à la ville, l’identité indienne persiste, même si laculture a subi de lourdes pertes. D’ailleurs, les réseaux de relationsentre les Indiens de la ville et ceux de la forêt persistent et partici-pent à revitaliser l’indianité des premiers4. Bruce Albert a montréque l’idée d’un passage à sens unique de l’Indien rural/traditionnelà l’Indien citadin/déculturé n’était pas pertinent. Au contraire, il estobservable dans de nombreuses régions un « réaménagement desréseaux sociaux amérindiens sous la forme d’espaces transversaux– véritables communautés multilocales qui articulent, à l’échelle

1. Amin Maalouf, Les Identités Meurtrières, Paris, LGF-Livre de Poche, 2001.2. Altamira était à l’origine une aldeia indigène qui a petit a petit vu sa population croîtrepar la venue des colons et qui est devenue la plus grande ville au cœur de l’Amazonie.3. Judith Vaes, 2005, op. cit., p. 1.4. Judith Vaes, 2005, op. cit., p. 24 et suiv.

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régionale, relations de parenté, flux de biens et circulation de per-sonnes entre pôles situés en divers points de la forêt et des villes »1.

Les pratiques de renouveau culturel

La ReculturationÊtre Indien au Brésil donne des droits constitutionnels spéci-

fiques : fonciers, culturels et sociaux. Aussi, comme la souligneChristian Gros :

« Si pour obtenir le bénéfice d’un territoire et accéder àses ressources, il convient de montrer et démontrer sonautochtonie, son ancestralité, d’évoquer ses racines, sonascendance, d’affirmer la force d’un lien qui vous unit àun ensemble de familles, une communauté, il y a peu dedoutes que l’on favorise fortement un processusd’ethnogenèse, de communalisation ethnique – l’ethnicitépouvant se définir comme la croyance subjective à desancêtres communs ou putatifs »2.

Dès lors, de nombreux groupes d’origine indigène mais accul-turés ou des groupes de petits exploitants ruraux aux caractéris-tiques proches (par exemple certains caboclos parlent le Guarani)se cherchent des racines indigènes pour prétendre à une terre et unesituation meilleure.

Video nas Aldeias : un instrument de réaffirmation ethniqueLe projet « Video nas Aldeias », lancé en 1987 avec l’aide du

CTI (Centro de Trabalho Indigenista) et d’anthropologues est unexemple de la façon de renforcer et réactiver les cultures indigènes.Le but était d’initier les Indiens à l’utilisation de la vidéo caméraafin qu’ils puissent exprimer à travers les images leur identité, lavision qu’ils avaient d’eux-mêmes et du monde qui les entoure. LeCTI a formé les producteurs de vidéo et leur a appris à mettre leurprise de vue sous forme de cassettes vidéo. Il a également proposéde stocker un double des productions et d’en assurer la diffusion etla commercialisation auprès des Indiens comme des non-indiens3.

1. Bruce Albert, 2001, op. cit., p. 55.2. Christian Gros, 2005, op. cit., pp. 43-44.3. Terence Turner, « The Kayapó video project : a progress report », Revue de la Commis-sion d’Anthropologie Visuelle, Université de Montréal, 1990, p. 3.

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Ce projet a été expérimenté notamment chez les Kayapó etchez les Waiãpi en 1990.

Chez les Kayapó, l’implantation du projet a résulté d’une de-mande de leur part, face aux problèmes qu’ils rencontraient dans leprincipal village, Gorotire, par suite du manque d’implication de lapart de certains jeunes dans les croyances traditionnelles et la cul-ture kayapó. A cet égard, l’introduction de la vidéo a constitué unoutil de jonction dans la construction d’une culture hybride née dela tradition indigène et du contact avec le monde blanc1. Faire desvidéos de sa culture est un moyen de s’affirmer de façon moderne.Cela permet de résoudre en partie la question de l’identité chez lesjeunes de façon satisfaisante (intégrée). Chez les Waiãpi, la de-mande émanait également de leur communauté mais avait pourorigine une insatisfaction de la part des Indiens concernant les ex-périences de films et vidéos déjà réalisés à leur sujet, mais quin’avaient jamais été diffusés. Les Waiãpi désiraient donc filmerdifférents aspects de leur culture afin de les montrer et de faireainsi partie du concert des nations indigènes du Brésil2.

La vidéo a permis aux Kayapó et aux Waiãpi de présenter leurculture et leur mode de vie sous une forme audible de tous, et sus-citant respect et encouragement 3.

Ce type de projet permet également de renforcer la communi-cation entre différentes ethnies indiennes. Les Waiãpi utilisèrent lavidéo pour affirmer leur identité culturelle, en comparant les pra-tiques de leur communauté à celles des autres groupes indigènes.Dès lors, ils s’inspirèrent des manières de faire de certains groupes,comme les Kayapó intégrant une nouvelle rhétorique, plus guer-rière, dans leur discours politique, ce qui eut un franc succès dansles négociations auprès des autorités gouvernementales4. Par ail-leurs la projection chez les Waiãpi de vidéos réalisées dansd’autres ethnies (Guarani, Waurá, Kayapó, Krahô, Xavante, Pa-rakãna, etc.) leur a permis d’acquérir une vision élargie des autres

1. Terence Turner, 1990, op. cit., p. 1.2. Dominique Tilkin Gallois, Vincent Carelli, « Video in the villages : The Waiãpi experi-ence », ref. inconnue(http://www.anthro.umontreal.ca/varia/beaudetf/Media_Autochtones/8-aldeias/pdf/Waiapi_DGallois.pdf).3. Terence Turner, 1990, op. cit., p. 1.4. Dominique Tilkin Gallois, Vincent Carelli, ref. inconnues, op. cit., p. 3.

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groupes, renforçant les associations présentes dans les mythes fon-dateurs où les Waiãpi sont représentés comme les « vrais hu-mains ».

Les Indiens ont réalisé qu’ils n’étaient pas les seuls engagésdans ce combat de survie culturelle et que leurs ennemis tradition-nels (les autres groupes indiens) présentaient parfois beaucoup desimilarités, ne seraient-ce que linguistiques.

La vidéo est un outil qui a permis aux Indiens de renforcer,voire de reconstituer leur culture face à la société dominante. Vi-sionner des rites accomplis par les autres groupes indiens peutpermettre une prise de conscience de son propre rapport à la cul-ture et provoquer une réappropriation de certains aspects de la cul-ture qui avaient été laissés de côté.

Les Indiens sont souvent confrontés à l’image de primitifsqu’ils renvoient, technologiquement inférieurs et relativement dé-munis face à la société dominante. L’utilisation de la vidéo ac-quiert un sens politique et permet de faire entendre sa voix dans lemonde des Blancs.

Au-delà de son rôle purement culturel, la vidéo a été utiliséepar les deux ethnies à des fins politiques, pour sensibiliser les opi-nions publiques et récolter des fonds pour leurs projets (ce qui n’apas été sans créer des rivalités entre les différents villages).

L’autre utilisation purement politique de la vidéo fut de filmerles invasions illégales dans les terres indigènes. Cette utilisation,commune aux Kayapó et aux Waiãpi a permis de donner force àleurs propos sur la revendication de démarcation foncière et a ainsimodifié leurs relations avec les Blancs tout en renforçant leurpropre culture.

La technologie de pointe au service des intérêts indiens

Au premier abord, modernité et indianité sont deux notions quiparaissent contradictoires. Dans les faits, il s’avère que l’un peutservir l’autre. C’est ce que nous allons étudier à partir d’un casconcret qui est l’utilisation d’une technologie de pointe, la carto-graphie par satellite, chez les Indiens Kayapó et Yanomami.

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Le projet de cartographie par image satelliteDeux projets de cartographie par image satellite ont été lancés

dans deux communautés indigènes amazoniennes : les Yanomamiet les Kayapó. Dans les deux cas, le but initial était de réaliser unsystème d’information géographique (SIG) de façon à répertorierles ressources naturelles disponibles dans les terres indigènes con-cernées. Sont à l’origine de ces programmes l’Institut de Rechercheet de Développement1 ainsi que des organisations brésiliennes(CCPY pour les Yanomami ; MPEG et UAS pour les Kayapó).

L’objectif initial de recueil de données purement environne-mentales a été détourné dans chaque cas à des fins politiques. Il estintéressant de voir que l’utilisation d’une technique occidentale depointe a servi à légitimer la particularité culturelle des Indiens.

Le projet yanomami a été mis sur pied en 2003 et impliquaitl’IRD, le CNRS et la Commission Pro-Yanomami (CCPY)2. Grâceà un système de télédétection, il s’agissait d’évaluer les effets del’activité des orpailleurs sur l’environnement et l’ampleur de larégénération de la nature dans la région de Homoxi entre 1988 et1998, en terre indigène yanomami, mais également de fournir desindications sur le peuplement yanomami de la région et les activi-tés agricoles qui y sont associées3.

Le projet kayapó impliquait quant à lui l’IRD, le MPEG etl’UAS de Belém. Il s’agissait de réaliser une spatialisation dessavoirs locaux dans la région de São Felix do Xingú (Pará) au ni-veau du village kayapó. Mais à la demande des Indiens, ce projet aété mis de côté au profit d’une cartographie politique de leur terre àtous (au niveau de la terre indigène dans sa totalité)4.

1. IRD : organisme français public de recherche.2. Bruce Albert et François-Michel Le Tourneau, « Regards croisés sur un territoire »,Sciences au Sud – Le Journal de l’IRD, Paris, n° 25, mai/juin 2004, p. 10.3. Bruce Albert et François-Michel Le Tourneau, « Usage d’images TM et ETM+ de Land-sat dans un contexte pluridisciplinaire : orpaillage, agriculture amérindienne et régénérationnaturelle en territoire yanomami (Amazonie brésilienne) », Télédétection, Paris, Editionsscientifiques GB, vol. 4, n° 4, 2005. Cf. Annexe 19 : TI yanomami et projet landsat.4. Pascale De Robert et Anne-Elisabeth Laques, « La Carte de Notre Terre. Enjeux cartogra-phiques vus par les Indiens Kayapó (Amazonie brésilienne) », Mappe Monde, Montpellier,vol. 69, n° 1, 2003.

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Confrontation de deux réalitésCartographier le territoire indigène avec la participation des

populations concernées n’est pas sans difficulté. En effet, la repré-sentation cartésienne du monde est étrangère à la plupart des socié-tés amazoniennes. C’est le cas des Yanomami et des Kayapó quiont un savoir géographique basé sur des repères temporels ou ma-tériels vécus. Deux réalités sont en confrontation : une réalité occi-dentale, imposée aux Indiens, et une réalité indigène radicalementdifférente.

La plupart des sociétés amazoniennes traditionnelles ont uneconception particulière de leur rapport au territoire. Commel’explique Oiara Bonilla1, « les lieux ne font sens que par rapport àun vécu : ce sont des lieux que l’on fréquente, que l’on exploite, oùont eu lieu certains événements, où sont plantés des arbres fruitiersou des palmiers, où des morts sont enterrés, où l’on réalise les ri-tuels, où certains résident ou ont résidé jadis. ». De manière plusgénérale, il s’agit d’un réseau de lieux vécus dans un territoire illi-mité. Ainsi, quand un ancien Kayapó dessine le territoire kayapó àl’anthropologue, il commence par tracer un cercle, « Pukatoti d’oùnous venons tous » et trace à partir de ce lieu originel un réseaud’autres cercles représentant les villages successifs reliés par destraits plus ou moins longs (en fonction de la rivalité entre lesgroupes)2. Aujourd’hui, cette représentation du territoire se voitbouleversée par l’imposition d’une limite : la frontière de la terreindigène. Aussi, les jeunes générations ont une approche un peumodifiée du territoire. Le jeune Kayapó va commencer par tracerun grand cercle représentant les limites de la réserve pour ensuite yinscrire les différents villages3.

1. Oiara Bonilla, « Topographies cosmiques et démarcations de terres indiennes : le cas desPaumari (Rio Purus, Amazonas) », in Idelette Muzart-Fonseca dos Santos et Denis Rolland(coord.), La Terre au Brésil : de l’abolition de l’esclavage à la mondialisation, Paris,L’Harmattan, 2006, p. 143.2. Pascale De Robert, « Terre coupée : Recomposition des territorialités indigènes dans uneréserve d’Amazonie », Ethnologie française, Paris, vol. XXXIV, n° 1, 2004, p. 80.3. Cf. Figure 7 : Représentation du territoire (Kayapó).

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Figure 6 - La représentation du territoire (Kayapó)La représentation « traditionnelle » du territoire :

Un réseau de lieux qui s’étend à l’infini - Dessin de Kupatô Kaiapó (Ancien)

La représentation du territoire par un jeune Kayapó :Délimitation des frontières de la réserve - Dessin de Axuapé Kaiapó

Source : Pascale De Robert, « Terre coupée : recomposition des territorialités indigènes dansune réserve d’Amazonie », Ethnologie française, Paris, XXXIV, 1, 2004, p. 81.

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Le rapport même à la nature est différent chez les Indiens.Notre conception occidentale d’une nature-objet leur est étrangère.La plupart des ethnies amazoniennes ne considèrent pas la forêtcomme une entité inerte. Elles n’ont d’ailleurs pas de vision trans-cendante telle que nous pouvons en avoir. Chez les Yanomami, lecosmos est une totalité sociale régie par un système assez com-plexe d’échanges symboliques. Ces échanges s’organisent entresujets humains et non-humains (les animaux, les végétaux et lesesprits). Le chamanisme est la pierre angulaire de ces échanges1.Dans ce réseau de relations, urihi, la « terre-forêt », est une entitévivante qui est mise à mort par la déforestation2. Comme chacundes acteurs du réseau, parmi lesquels figurent les Yanomami, urihipossède un « souffle vital » d’origine mythique. Elle est donc enmême temps une source de nourriture pour les Indiens et un habitatpour les esprits chamaniques, formant ainsi le système cosmolo-gique yanomami.

C’est donc le rapport aux êtres qui est le creuset de l’altéritéindienne. Cette altérité a su être habilement maniée par certainsdirigeants indigènes, comme Davi Kopenawa Yanomami.L’adaptation des mythes à l’arrivée des Blancs et à leur rapportprédateur à la nature a été intégrée dans un discours écologique.L’écologie est devenue « le creuset discursif privilégié »3 des diri-geants indiens.

Nous voyons ici l’ampleur d’une confrontation entre indianité(une vision du monde comme un réseau relationnel) et modernité(carte). Pourtant l’une n’exclut pas l’autre et les Yanomami commeles Kayapó ont su faire cohabiter ces deux visions du monde radi-calement différentes, mais légitimant un même discours écolo-gique.

1. Bruce Albert, 1993, op. cit.2. Cf. Figure 8 : Urihi.3. Bruce Albert, 1993, op. cit .

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L’utilisation de la cartographie satellite par les IndiensIl est intéressant de constater que les deux ethnies ont eu une

utilisation similaire de la carte satellite de leur terre. Yanomami etKayapó ont réalisé des cartes personnalisées détaillant leurs con-naissances géographiques. Il s’agissait de s’approprier l’outil desBlancs en le remplissant de sens. En effet, sur les cartes régionales,les terres indigènes sont souvent représentées comme des espacesvides (sans nom de lieux, sans indication de peuplement) ce qui estun déni même de leur existence. Les frontières y sont même parfoiserronées.

La première appropriation de l’espace a été d’y inscrire une to-ponymie amérindienne1. En peuplant la carte de noms de lieux(voire de personnes chez les Kayapó), les Indiens souhaitent mon-trer que la terre n’est pas vide, mais qu’elle est occupée. Pascale deRobert insiste sur la volonté des Kayapó d’inscrire sur leur carte unnombre de noms satisfaisant pour rivaliser avec les espaces occu-pés par les Blancs, peuplés de noms de lieux. Ainsi, tous les lieuxde vie présents et passés sont inscrits, de façon à légitimer leurexistence dans la région et prouver qu’ils parcourent encore tousles chemins de la forêt.

Il est intéressant de voir que, dans les deux cas, les Indiens ontvoulu créer une carte des mouvements migratoires de leurspeuples, fournissant les données d’une « ethno-cartographie » surleur occupation de l’espace2. Ceci est une façon de lier la visionindienne du territoire comme un réseau de lieux et d’événementsprésents et passés à l’outil occidental, la carte, et de légitimer leuroccupation du territoire depuis des temps anciens3.

Politiquement, Yanomami et Kayapó peuvent utiliser cette car-tographie pour légitimer l’image de « gardiens de la forêt » qui leurest souvent prêtée. Les Yanomami peuvent s’appuyer sur une des-cription précise des dégradations environnementales qu’ils dénon-cent dans leurs discours politiques. La carte Kayapó montre clai-rement une distinction entre la réserve indigène et les alentours quisont défrichés. Le mythe de l’Indien protecteur de la forêt peut

1. Cf. Annexe 21 : La carte de notre terre (Kayapó).2. Bruce Albert et François-Michel Le Tourneau, 2005, op. cit.Chez les Kayapó, cette carte a été nommée « cheminement des Anciens ».3. Annexe 20 : Migrations et occupation yanomami. de Homoxi

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donc être renforcé par des images fortes (vert pour la forêt, rosepour les zones déboisées).

En outre, les Kayapó – traditionnellement divisés par des luttesintestines – ont voulu utiliser la carte pour démontrer leur unitésociale et territoriale. Et ils ont finalement refusé le projet de départqui consistait à répertorier les catégories vernaculaires de végéta-tion à l’échelle du village. La carte devait être celle d’un peupleunique et uni habitant certes plusieurs villages, mais sur une seuleterre, leur terre à tous, pyka yrý, la « terre coupée »1. Les Kayapósouhaitaient donc ne pas montrer leurs divisions internes. Au con-traire, ils ont insisté sur la division entre eux et les autres Brésiliens(défricheurs de forêt)2.

Figure 7

Les limites du Parc Indigène du XingúL’image des Indiens défenseurs de la nature : « Nous et les Autres »

Source: ISA, 10 anos, São Paulo, 2004.

1. Pascale De Robert et Anne-Elisabeth Laques, 2003, op. cit. ; « Terre coupée » est unterme inventé pour appeler leur territoire depuis qu’il connait des limites territoriales.2. Cf. Figure 9 : Limites du PIX.

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Chez les Yanomami, le SIG doit permettre d’orienter une ac-tion de récupération de l’environnement dans la zone de Homoxi,touchée par l’impact de la ruée vers l’or entre 1988 et 19981.

Par ailleurs, les Indiens souhaitent, dans leur projet de carto-graphie, former des professeurs yanomami aux techniques utili-sées. La télédétection pourrait ainsi être utilisée par les Yanomami– fortement touchés par l’invasion d’orpailleurs – comme un outilde contrôle de leur territoire2.

A terme, les Yanomami devraient être suffisamment bien for-més pour continuer ce programme de surveillance par satellite defaçon autonome. L’utilisation de technologies modernes doit doncpermettre une certaine autonomisation des Yanomami pour unmeilleur contrôle de leur territoire3.

La cartographie par satellite offre un nouvel outil aux Indiens.Cet outil est matériel (c’est une technologie avancée du mondeoccidental) mais également politique. Il participe à légitimerl’occupation de la terre indigène par les Indiens. Cette légitimationest nécessaire car les Indiens au Brésil bénéficient de droits parti-culiers et ils doivent donc « mériter » ces droits. Nous avons vuque la plupart des groupes ne vit plus que partiellement de manièretraditionnelle. Pourtant, les différentes cartes qu’ils ont établiesréhabilitent leurs particularités culturelles, en insistant sur la di-mension temporelle par exemple. Leur territoire est revaloriségrâce à la toponymie en langue amérindienne et à l’occupation del’espace. Il est important de montrer que l’espace qui leur est ré-servé n’est pas « vide » et qu’il correspond à une histoire passée,présente et future qui légitime leur droit à la terre, en tant que pre-miers occupants du Brésil.

Les Kayapó et les Yanomami ont su s’approprier une tech-nique occidentale et l’utiliser de façon stratégique. La carte est uninstrument de pouvoir traditionnellement réservé aux Blancs. Soncontrôle permet un contrôle du territoire et davantage d’autonomiepour les Indiens.

1. Bruce Albert et François-Michel Le Tourneau, 2005, op. cit.2. Bruce Albert et François-Michel Le Tourneau, 2004, op. cit., p. 10. Cf. Annexe 29 : Lesrésultats satellites chez les yanomami.3. Bruce Albert et François-Michel Le Tourneau, 2004, op. cit., p. 10.

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CONCLUSION

La politique indigéniste au Brésil n’est pas uniquement le faitde l’Etat. Elle est le fruit de négociations continues entre diversacteurs étatiques, économiques et sociaux. Ce flux d’échanges apropulsé la problématique indigène au rang des principaux débatsnationaux. La législation brésilienne est très progressiste en la ma-tière, surtout la Constitution fédérale. Le pays dispose égalementd’une organisation en charge de la protection des Indiens. A ladifférence des pays limitrophes, la FUNAI dispose de fonds et a unpouvoir d’action réel. Pourtant, dans les faits, les Indiens sont tou-jours victimes de spoliations et d’un délaissement dans les do-maines sanitaires et sociaux. La présence effective de minoritésn’est pas relayée par une multi-culturalité officielle au Brésil, cequi n’est pas sans poser de problèmes. De plus, des idées racistesou évolutionnistes persistent au sein de la population brésilienne.En témoigne le meurtre d’un Indien venu demander des subven-tions à Brasília, brûlé vif alors qu’il dormait sur un banc, par dejeunes adolescents qui croyaient voir en lui un « simple clo-chard »1. Ceci démontre un malaise plus profond de la société bré-silienne qui se répercute sur la question indigène. Les couches lesplus pauvres de la population sont marginalisées et celles qui nepeuvent pas se réclamer d’une des catégories ethniques protégéespar la Constitution (les Indiens, les Quilombos) ne bénéficientd’aucune assistance. Ceci est à même de provoquer des tensionsentre des groupes qui n’ont rien à s’envier (Sans terre, etc.).

La participation politique que l’Etat semble accorder aux In-diens a été jusqu’à présent un leurre et si leurs organisations ont unpeu d’influence dans le Brésil d’aujourd’hui, c’est en raison de lapression internationale maintenue constante grâce à l’implicationd’ONG transnationales qui font pression sur les gouvernementsoccidentaux.

L’élection de présidents progressistes à l’image de FernandoHenrique Cardoso et Lula a représenté une aubaine pour les In-diens, mais à chaque fois ils ont été déçus. Il est possible de lire enfiligrane une incompréhension du monde indigène qui est malgré

1. Argument utilisé par les jeunes gens pour se justifier d’un tel acte.

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tout toujours perçu comme anachronique, arriéré et en voied’extinction. Cette perception a pour conséquence l’implantationde politiques protectionnistes ou d’abandon. Pourtant, il est impor-tant de voir en l’Indien autre chose qu’une curiosité, un attardé ouun protecteur de la nature. L’Indien est un être humain qui est fierde son identité. Cette identité ne se caractérise pas par un refus dela modernité, mais plutôt par un rapport différent aux choses et aumonde dans lequel nous vivons. Cette identité puise dans la forêtson essence et est ainsi fortement associée à des lieux de vie faisantsens pour la communauté. La politique indigéniste échouera tantqu’elle n’aura pas modifié son approche du monde indigène.

Reste à savoir si le second mandat de Lula va oser s’attaquer àl’épineux problème de la question indigène en profondeur, c’est-à-dire en favorisant l’adoption d’un nouveau Statut des Sociétés In-digènes et en expulsant les occupants illégaux des terres indigènes.

Le paradoxe du Brésil demeure et sa politique indigéniste s’enressent. D’un côté il se veut humaniste et soucieux du bien-être deses populations traditionnelles (qui font partie de sa vitrine interna-tionale) ; de l’autre, il veut se moderniser à tout prix et voit dansl’Amazonie la clé de son développement économique.

Ce paradoxe est parfaitement résumé dans ces lignes que nousempruntons à Alcida Rita Ramos :

« Brésil, à la rencontre de trois origines, la terre du métis-sage exalté mais aussi dénigré. Brésil, pour toujours le paysdu futur, le Géant qui repose à jamais dans son splendidemausolée, chanté ainsi dans son hymne national. La terred’une démocratie raciale illusoire, du fantasme tropical, desplages paradisiaques, et de l’enfer vert amazonien. Brésil,le champion de l’inégalité sociale, le paradis de l’impunité,le lieu où les lois autocratiques et le libéralisme se rencon-trent. Maison de l’homme cordial, à l’hospitalité généreuse,à l’informalité amicale, à l’humour, à la diversité, àl’inventivité. Brésil pluriel qui renie sa pluralité, le géantmultiethnique qui prétend être ethniquement uniforme.Brésil, tueur et défenseur d’Indiens, d’une grand-mère in-dienne attrapée au lasso au fin fond de la jungle et occiden-talisée par l’oubli progressif de son indianité. Ceci est leBrésil, complexe, qui continue à nourrir une relation non-résolue avec ses minorités, entre amour et haine, une ambi-valence vis-à-vis de l’Indien considéré comme un enfer né-cessaire, un « os en travers la gorge » bien pratique, un alibi

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idéologique parfait qui sert à justifier son étouffement et uncomplexe d’infériorité inflexible »1.

Au Brésil, l’écueil de la politique indigéniste reste aussi en par-tie dû aux poches de résistance autocratiques héritées de l’ère desmilitaires. Le tandem argent-pouvoir est encore trop souvent ob-servable ainsi que les pratiques politiques clientélistes. Dès lors, lesgouverneurs de certains Etats brésiliens sont de riches exploitantset ils ont tendance à entraver le droit indigéniste pour favoriserleurs propres intérêts. C’est le cas dans l’Etat du Mato Grosso dontle gouverneur Blairo Borges Maggi est le plus gros producteur desoja du Brésil. Il est certain qu’au Mato Grosso, la déforestationprime sur les droits des Indiens. C’est ainsi que le gouverneur s’estvu décerner en juin 2005 le prix de la « tronçonneuse d’or » parGreenpeace. Depuis le premier mandat de Fernando Henrique Car-doso, les gouvernements brésiliens ont trop souvent tendu la mainaux barons de l’agrobusiness : ils contribuent à renflouer lescaisses d’un Etat dont la priorité nationale est le remboursement dela dette du pays. Les revendications foncières des minorités passentbien sûr au second plan. A cela s’ajoutent des impératifs de réélec-tion rendant la mise en œuvre de politiques indigénistes presqueimpossible avant la fin du second mandat. Tant que le Brésil n’aurapas complètement réglé sa question démocratique, les intérêts desIndiens seront traités inégalement selon la gouvernance des Etats.

Cependant, il serait illusoire de penser l’indigénisme officieluniquement sous l’angle de l’Indien victime passive du système.Au Brésil, il a été clairement observable une prise en main de leurdestin par les peuples indigènes dès les années 80. De victimespassives, ils sont passés au rôle d’acteurs de leur propre destinée.La création des organisations indigènes, la formation d’alliances,l’utilisation de techniques de communication modernes leur ontpermis d’avoir une place de choix dans l’arène des négociationslors de l’inscription de leurs droits fondamentaux. La politiqueindigéniste est en grande partie le résultat de cette mobilisation àdivers niveaux, et aujourd’hui le débat porte sur les façons con-crètes de faire accéder les Indiens au rang d’interlocuteurs privilé-giés pour les sujets les concernant. C’est une grande avancée.

1. Alcida Rita Ramos, 1998, op. cit., p. 292.

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Perçus comme « en voie d’extinction » jusqu’au milieu dusiècle, les peuples indigènes du Brésil sont aujourd’hui les instiga-teurs de modèles de développement différenciés et surtout du-rables. Ces modèles passent par la mise sur pied d’écoles indigèneset la formation de professeurs aptes à transmettre un patrimoinesocioculturel et un projet d’avenir propre à chaque communauté.Ces microprojets sont en premier lieu une réponse économique auxbesoins des communautés. Puis, ils doivent concilier cette écono-mie marchande avec la préservation de leur environnement naturel.En somme, il s’agit de bénéficier des avantages (matériels) quepeut apporter la civilisation occidentale, tout en préservant les va-leurs et la culture ancestrales. Et finalement, n’est-ce pas justementpar ce choix de conserver de façon consciente et volontaire lesvaleurs tribales ancestrales clairement différenciées du monde oc-cidentalisé brésilien, que les Indiens du Brésil sont entrés dans lamodernité ?

Alors que nous achevons de rédiger ces quelques lignes sur laquestion indigène au Brésil, les organisations indigénistes donnentl’alerte. La fin de l’année 2007 a été à nouveau entachée d’un rap-port accablant du CIMI montrant une recrudescence des meurtresd’Indiens. D’après les données de l’organisation, il y a eu soixante-seize assassinats d’Indiens au Brésil en 20071, dont quarante-huitcommis dans l’Etat du Mato Grosso do Sul. Ces meurtres restésimpunis ont été commis sur des hommes et des femmes, des ado-lescents et des vieillards allant de douze ans à cent sept ans ! Lescauses de cette violence sont malheureusement toujours lesmêmes : conflits fonciers, déconsidération, racisme et négligencegouvernementale. Ces actes isolés viennent s’inscrire dans un gé-nocide qui dure depuis cinq cents ans, sous le couvert d’une poli-tique indigéniste dérisoire, incapable de faire appliquer les droitsconstitutionnels et fondamentaux des Indiens.

Un espoir tout de même réside dans l’action volontaire del’actuel président de la FUNAI, Márcio Augusto Freitas de Meira.Ce dernier semble compétent et plus au fait dans la compréhensiondes sociétés indigènes. Avec un président Lula en fin de mandat etdisposé à faire évoluer la cause de ceux qui avaient porté tant

1. Rapport du CIMI du 5 janvier 2008 :http://www.cimi.org.br/?system=news&action=read&id=2963&eid=259.

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d’espoir en lui et qu’il a tant déçus, le moment est propice pour degrandes avancées. La bonne volonté du président de la FUNAIs’est concrétisée en 2007 par une accélération de la démarcation deterres indigènes et par une réactivité appréciable. Suite au rapportaccablant du CIMI sur la violence dont sont victimes les Indiens,Márcio Augusto Freitas de Meira a annoncé le 11 janvier 2008 uneintensification des actions de la FUNAI au profit des Indiens Gua-rani-Kaiowa et Ñandéva du Mato Grosso do Sul. Son action seveut ouverte au dialogue et en accord avec les volontés indigènes.Dans une interview donnée en avril 2007, il s’exprimait ainsi :

« Les peuples indigènes, comme tous les secteurs de la so-ciété civile, ont le droit de recourir à tous les moyens pourgarantir leurs droits. […] Dans une société démocratique, lemouvement social est autonome pour chercher l’appui et lesoutien de partenaires, y compris à l’international. La FU-NAI, en tant qu’organe étatique, se doit de dialoguer avecces peuples tout en respectant leur autonomie »1.

Une fois de plus encore, nous nous laisserons porter à croire enune possible réforme de la politique indigéniste, une éternelleillusion encore possible et absolument nécessaire pour ceux qui,yanomami, kayapó, Guarani-Kaiowá, wayãpi, Ikpeng, Makuxi,Krenak, Maxakali, Satere-Mawé, Tikuna, etc., attendent tant denous.

1. Dialogo necessario com os Indios, 19 avril 2007 :http://www.gabeira.com.br/noticias/noticia.asp?id=3613.

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Sur le « décret génocide »

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Sur l’éduction scolaire des Indiens au Brésil

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Sur les projets économiques des Indiens

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Sur l’action des gouvernements

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Sur les notions d’ethnocide, de génocide, de déculturation, d’identité

Clastres, Pierre, « De l’Ethnocide », L’Homme, Paris, vol. 14, n° 3, 1974, pp. 101-110.

Gros, Christian, Pour une sociologie des populations indiennes et paysannes del’Amérique Latine, Paris, L’Harmattan, 1998, pp.36-43, pp.167-170,pp.199-208.

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Sur l’anthropologie des sociétés amazoniennes

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169

ANNEXES – TABLEAnnexe 1 : IBGE - Recensement des populations indigènes en 2000Annexe 2 : Les Présidents de la FUNAIAnnexe 3 : Les effets du PCN sur les TIAnnexe 4 : Extraits de la Constitution de 1988Annexe 5 : Extraits de la Convention 169 de l’OITAnnexe 6 : Les fonds alloués à la politique indigéniste sous FHCAnnexe 7: Manifestó de repudio contra a política indigenista do GovernoLula (en portugais)Annexe 8 : L’état des TI (CIMI)Annexe 9 : L’évolution de l’exploitation minière dans les TI : 1987-1998Annexe 10 : Les processus d’exploitation dans les TI : 1998 - 2005Annexe 11 : La TI Xikrin do Catete et exploitation minièreAnnexe 12 : La TI Kwaza et exploitation minièreAnnexe 13 : La TI Bau et exploitation minièreAnnexe 14 : L’orpaillage waiãpiAnnexe 15 : Les TI en AmazonieAnnexe 16 : Les TI au BrésilAnnexe 17 : Les terres libres au Brésil en 1990Annexe 18 : L’organisation des DSEIAnnexe 19 : TI yanomami et projet landsat – Image satellite de la terreindigène yanomamiAnnexe 20 : L’occupation yanomami de la région de HomoxiAnnexe 21 : Le projet landsat kayapó

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Annexe 1La population indigène brésilienne en 2000 selon l’IBGE

Source : IBGE (http://www.ibge.gov.br/home/estatistica/populacao/tendencia_demografica/indigenas/tab1_26.pdf)

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Annexe 2Les Présidents de la FUNAI : 1967-2007

1 - José de Queiróz Campos - journaliste (déc. 1967 - juin 1970)2- Oscar Jeronymo Bandeira de Mello - militaire (juin 1970 - mars1974)3 - Ismarth Araújo de Oliveira - militaire (mars 1974 - mars 1979)4- Ademar Ribeiro da Silva - ingénieur (mars - nov. 1979)5- João Carlos Nobre da Veiga - militaire (nov. 1979 - oct. 1981)6- Paulo Moreira Leal - militaire (oct. 1981 - juil. 1983)7- Otávio Ferreira Lima - économiste (juil. 1983 - avr. 1984)8- JurandyMarcos da Fonseca - avocat (mai - sept. 1984)9- Nelson Marabuto - policier (sept. 1984 - avr. 1985)10- Ayrton Carneiro de Almeida (nomination papier )11- Gérson da Silva Alves - militaire (avr. - sept. 1985)12- Álvaro Villas Bôas - indigéniste (sept. - nov. 1985)13- Apoena Meirelles - sertanista (nov. 1985 - mai 1986)14- Romero Jucá Filho - économiste (mai 1986 - sept. 1988)15- Íris Pedro de Oliveira - avocat (sept. 1988 - mars 1990)16- Airton Alcântara - militaire (mars 1990 - août 1990)17- Cantídio Guerreiro Guimarães - militaire (août 1990 - juil. 1991)18- Sidney Possuelo - sertanista (juin 1991 - mai 1993)19- Cláudio dos Santos Romero (mai. - sept. 1993)20- Dinarte Nobre de Madeiro (sept. 1993 - sept. 1995)21- Márcio José Brando Santilli - philosophe (sept. 1995 - mars1996)22- Júlio Marcos Germany Gaiger - avocat (mars 1996 - juil. 1997)23- Sulivan Silvestre - avocat (août 1997 - fév. 1999)24- Márcio Lacerda - politicien (fév. - nov. 1999)25- Carlos Frederico Marés Filho - avocat (nov. 1999 - avr. 2000) –co-fondateur de ISA26- Roque Barros Laraia - anthropologue (avr. - mai 2000)27- Glênio da C. Alvarez - géologue (mai 2000 - juin 2002)28 - Otacílio Antunes Reis Filho (juin - juil. 2002) => intérim29 - Artur Nobre Mendes - anthropologue (août 2002 - jan. 2003)30 - Eduardo Aguiar de Almeida - journaliste (fév. - août 2003)31 –Mércio Pereira Gomes (sept. 2003 - mars 2007)32 –Márcio Augusto Freitas de Meira – historien anthropologue(Depuis mars 2007)

Source : ISA(http://www.socioambiental.org/pib/portugues/indenos/presfunai.shtm)

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Annexe 3Effet du PCN sur les T.I.

Source : Marcio Santilli, « Projet Calha Norte », Ethnie, Paris,Survival, vol.5, n° 11-12, 1990, p. 115.

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Annexe 4Les Indiens et la Constitution de 1988 : le texte

Titre III – De l’organisation de l’EtatChapitre II – De l’Union

Art. 20 – Sont considérés comme biens de l’Union :xi : - les terres traditionnellement occupées par les In-

diens.Art. 22 – L’Union a compétence exclusive à légiférer sur :

xiv : - les populations indigènes.

Titre IV – De l’organisation des pouvoirsChapitre II – Du pouvoir législatif

Section II – Des attributions du Congrès nationalArt. 49 – Le Congrès National a compétence exclusivepour :

xvi – autoriser l’exploitation des ressources hydriques, laprospection et l’exploitation des richesses minières dans lesterres indigènes.

Chapitre III – Du pouvoir judiciaireSection IV – Des tribunaux régionaux fédéraux

et des juges fédérauxArt. 109 – Les juges fédéraux ont compétence dans lesprocès et les jugements relatifs :

xi – aux disputes sur les droits indigènes.Chapitre IV – Des fonctions essentielles de la justice

Section I – Du Ministère PublicArt. 129 – Le Ministère Public a pour fonctions institution-nelles :

v – de défendre judiciairement les droits et intérêts despopulations indigènes.

Titre VII – De l’ordre économique et financierChapitre I – Des principes généraux

de l’activité économiqueArt. 176 – Les gisements miniers, exploités ou non, et lesautres ressources minérales ainsi que les sources d’énergiehydraulique, relèvent, pour ce qui est de leur exploitation,d’une propriété distincte de celle du sol et appartiennent àl’Union, le concessionnaire se voyant garantir la propriété duproduit de l’exploitation.

§ 1° - La prospection et l’exploitation des ressour cesminières et ressources d’énergie auxquelles se rapportent lecapot de cet article ne pourront être effectuées que surautorisation ou concession de l’Union, dans l’intérêt de lanation, par des Brésiliens ou par des entreprises brési-liennes à capital national, selon la loi qui établira desconditions spécifiques lorsque ces activités seront menéesdans les zones de frontière ou dans les terres indigènes.

Titre VIII – De l’ordre socialChapitre III – De l’éducation, de la culture et des sports

Section I – De l’éducationArt. 210, § 2° - L’enseignement fondamental régulie r seraeffectué en langue portugaise, étant garantis aux commu-nautés indigènes l’usage de leurs langues maternelles et deleurs propres processus d’apprentissage.

Section II – De la cultureArt. 215, § 1° - L’Etat protégera les manifestation s descultures populaires, indigènes et afro-brésiliennes ainsi quecelles des autres groupes qui participent du processusculturel national.

Chapitre VIII – Des IndiensArt. 231 – L’organisation sociale, les coutumes, les langues,les croyances, les traditions et les droits originaires desIndiens sur les terres qu’ils occupent traditionnellement sontreconnus, l’Union étant tenue de procéder à la démarcationde ces terres ainsi que de protéger et de faire respecter tousleurs biens.§ 1°- Les terres traditionnellement occupées par l es Indienssont celles qu’ils habitent de manière permanente, cellesqu’ils utilisent pour leurs activités productives, celles quisont indispensables à la préservation des ressources dumilieu naturel nécessaires à leur bien-être et celles qui sontnécessaires à leur reproduction physique et culturelle selonleurs usages, coutumes et traditions.

§ 2° - Les terres traditionnellement occupées par l esIndiens sont destinées à leur possession permanente,l’usufruit des richesses du sol, des cours d’eau et des lacsleur revenant en exclusivité.

§ 3° - L’utilisation des ressources hydriques, y co mprisdes potentiels énergétiques, la prospection et l’exploitationdes richesses minières dans les terres indigènes ne peuventêtre réalisées qu’avec l’autorisation du Congrès national, lescommunautés affectées étant consultées et leur participa-tion aux résultats de cette exploitation étant assurée selonles termes établis par la loi.

§ 4° - Les terres mentionnées dans cet article sont ina-liénables et indisponibles et les droits sur elles sontimprescriptibles.

§ 5° - Le déplacement de groupes indigènes de leursterres est prohibé, excepté, ad referendum du Congrèsnational, en cas de catastrophes ou d’épidémies qui mettenten danger leur population, ou dans l’intérêt de la souverai-neté du pays, après délibération du Congrès national, leurretour immédiat étant garanti, en toute hypothèse, une foisle risque écarté.

§ 6° - Les actes qui auraient pour objet l’occupati on, lapropriété et la possession des terres auxquelles a trait cetarticle ou l’exploitation des richesses naturelles du sol, descours d’eau et des lacs qui s’y trouvent, sont nuls et nonavenus, ne produisant aucun effet légal, exception faite dece qui concerne l’intérêt public de l’Union, selon ce quedisposera une loi complémentaire, l’annulation et l’extinctionde ces actes n’engendrant aucun droit à l’indemnisation ouà un recours contre l’Union, excepté, selon les termes de laloi, les investissements découlant d’une occupation debonne foi.

§ 7° - Les dispositions de l’article 174 § 3° et 4° nes’appliquent pas aux terres indigènes *.

Acte des dispositions constitutionnelles transitoiresArt. 67 – L’Union conclura les actes de démarcation desterres indigènes dans un délai de cinq ans à partir de lapromulgation de la Constitution.

* Il est fait allusion ici à la préséance donnée aux coopéra-tives d’orpailleurs pour l’obtention de concessions minièresdans les zones qu’ils exploitaient avant la promulgation dela Constitution.

Source : Ethnies, vol.5, n°11-12, 1990, p.15.

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Annexe 5Convention 169 de l’O.I.T. (1989)

[Extraits]

Partie VI. Education et moyens de communication

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Source : Christian GROS, « Le multiculturalisme à l’école », RecherchesAmérindiennes au Québec, Montréal, vol. XXXI, n° 3, 2001, p.62.

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Annexe 6Fonds alloués à la politique indigéniste sous les mandats de F.H.C.

Source: INESC, A era FHC e o Governo Lula: transição?, Brasilia, 2004, p. 303.

Page 176: Terres indiennes et politique indigeniste au Bresil : Des territoires a la carte

176

Source: INESC, A era FHC e o Governo Lula: transição?, Brasilia, 2004, p. 303.

Page 177: Terres indiennes et politique indigeniste au Bresil : Des territoires a la carte

177

Source: INESC, A era FHC e o Governo Lula: transição?, Brasilia, 2004,n° 4-5, p. 303.

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Annexe 7Manifestó de repúdio contra a política indigenista do Governo Lula

04/08/2004R Twwzlmvi=<w li{ `zoivq#i=Em{ ZvlAomvi{ li Rui#Dvqi Szi{qtmqzi %T`ZRS& m Rz|qk}ti=<w lw{ aw~w{ m `zoivq#i=Em{ ZvlAomvi{lw _wzlm{|m' ^qvi{ Xmziq{ m V{xAzq|w civ|w %Ra`Z_^V& xzmwk}xili{ xmti kzm{kmv|m ~qwti=<w lw{ lqzmq|w{ lw{ xw~w{ qvlAomvi{vw Szi{qt xwz ki}{i lw lm{ki{w' li uwzw{qlilm' wuq{{<w m kwvq~@vkqi m!xtAkq|i lw Xw~mzvw lw azm{qlmv|m ]}q{ Zv9kqw ]}tili cqt~i uivqnm{|iu5

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Annexe 8Etat des terres indigènes

Source : CIMI

BRASIL - QUADRO-RESUMO DAS TERRAS INDÍGENAS

(Atualizado em 18/12/2007)

Situação Nº de Terras %Registradas 343 38,24Homologadas 49 6,71Declaradas 53 3,88Identificadas 19 5,53A Identificar 126 15,06Sem Providências 224 26,58Reservadas/Dominiais 35 4Total 850 100

Source CIMI : http://www.cimi.org.br/?system=news&eid=242(consulté le 11 mai 2008)

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Annexe 9Evolution des autorisations de prospection minière délivrées

sur les terres indigènes de 1987 à 1998

Fontes:(*) Empresas de Mineração e Terras Indígenas na Amazônia, São Paulo:CEDI/ CONAGE, 1988, 82 pp.(**) Levantamento do CEDI.(***) Monitoramento do ISA.

DÉTAIL ENTRE 1993 ET 1998

Source : ISA, « Interesses minérários »(http://www.socioambiental.org/pib/portugues/quonqua/ondeestao/intminer.shtm)

Consulté le 16 avril 2007.

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Annexe 10Processus d’exploitation en T.I.

Source : ISA, Mineração em Terras Indígenas na Amazônia brasileira,São Paulo, mai 2005.

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Annexe 11TI Xikrin do Catete et exploitation minière

Source: ISA, Mineração em Terras Indígenas na Amazônia brasileira,São Paulo, mai 2005, p. 118.

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Annexe 12TI Kwazá et exploitation minière

Source: ISA, Mineração em Terras Indígenas na Amazônia brasileira,São Paulo, mai 2005, p. 90.

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Annexe 13TI Baú et exploitation minière

Source: ISA, Mineração em Terras Indígenas na Amazônia brasileira, SãoPaulo, mai 2005, p. 85.

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Annexe 14Orpaillage Waiãpi

Source : Dominique Tilkin Gallois, Ethnies, Paris, Survival, vol. 5,n° 11-12, 1990, p. 52.

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Annexe 15Terres indigènes en Amazonie

Source: ISA, Mineração em Terras Indígenas na Amazôniabrasileira, São Paulo, mai 2005, p. 181

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Annexe 16Terres indigènes au Brésil

(24/02/2008)

Source : ISA,http://200.170.199.243/website/TerraIndigenaNovo/viewer.htm

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Annexe 17Terres libres au Brésil

(en 1990)

Source : João Pacheco de Oliveira, « TI et frontière économique »,Ethnies, Paris, Survival, vol. 5, n° 11-12, 1990, p.21.

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Annexe 18Modèle de l’organisation des DSEIet du système d’assistance sanitaire

Source : FUNASA – www.funasa.gov.br

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Annexe 19T.I. yanomami et projet Landsat (IRD-CNRS-CCPY)

Source : Bruce Albert et François-Michel Le Tourneau, Télédétection,vol. 4, n° 4, 2005, p. 356.

Image satellite de la terre indigène yanomami

Source : CCPY (www.proyanomami.org.br)

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Annexe 20Migrations et occupation yanomami de la région de Homoxi

Source : Bruce Albert et François-Michel Le Tourneau, Télédétection,vol. 4, n° 4, 2005, p. 369.

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Annexe 21Projet Landsat kayapó« La carte de notre terre »

Source : Pascale De Robert et Anne-Elisabet Laques, « La Carte de NotreTerre. Enjeux cartographiques vus par les Indiens Kayapó (Amazoniebrésilienne) », Mappe Monde, Montpellier, vol. 69, n° 1, 2003, p. 3.

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TABLE DES MATIERESListe des abréviations 7Tableaux et illustrations 9Carte des principales ethnies 10Préface 11Introduction 15

PREMIERE PARTIE:,6 )17-*-+,176 +, 0) 320/7/48, /1+/.-1/67, ,7 0,72851)17 +, 0) 1289,00, #2167/787/21 %(

Chapitre 1De 1910 aux années 1970 : La « civilisation » commeunique option 21(S O7H EG9A>57H 67 @2 ED@>I>FJ7 >B6><9B>HI7 )(

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Chapitre 2La Nouvelle République : Sarney et l’espoir déçu 41(S %7 <G2B67H 7HE9G2B57H +(

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Chapitre 31988, un tournant pour les communautés indigènes 55(S O2 $DBHI>IJI>DB R JB 2EEDGI @9<>H@2I>; 695>H>; ,,

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Chapitre 1La politique indigéniste de Fernando Collor de Mello à Lula79(S 1B7 ED@>I>FJ7 EGD<G7HH>HI7 R (0/0X(00+ /(

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197

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Chapitre 2L’enjeu central, la Terre 101(S V OTNB6>7BQ 5T7HI @2 I7GG7 W ('(

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Chapitre 3Quelles perspectives d’avenir pour les Indiens du Brésil ? 125(S O7H 2@I7GB2I>K7H HD5>DX95DBDA>FJ7H ().

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CONCLUSION 151Sources et Bibliographie 157Annexes – table 169Table des matières 196A propos de Survival 201

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A PROPOS DE SURVIVAL

Survival International (France), association reconnue d’utilitépublique, est la section nationale d’une organisation mondiale desoutien aux peuples indigènes fondée à Londres en 1969. Elle lesaide à défendre leur vie, protéger leurs terres et déterminer leurpropre avenir.

Survival est présente dans plus de 75 pays et réunit plus de25 000 membres dans le monde entier. En dehors du siège londo-nien, des bureaux nationaux fonctionnent en Italie, en Espagne, auxPays-Bas, en Allemagne et en France. L’organisation assure lareprésentation des intérêts et la défense des droits des peuples indi-gènes auprès des gouvernements ou des compagnies multinatio-nales qui peuvent les affecter. Elle soutient les organisations indi-gènes et promeut toute activité visant à éliminer les formesd’oppression et de discrimination dont ces peuples sont victimes.

Survival agit principalement en lançant des campagnes interna-tionales de mobilisation et d'information de l'opinion publique et ensoutenant les organisations indigènes. Convaincue que l’opinionpublique est la force la plus efficace pour un changement durable,elle démontre par les informations qu’elle diffuse que les peuplesindigènes ne sont pas 'primitifs' ou 'arriérés' mais différents, qu’ilsont le droit de vivre cette différence et de choisir les voies de leurpropre évolution dans le monde actuel.

Entièrement financée par ses membres et donateurs, Survivalest indépendante de tout gouvernement, parti politique, idéologie,intérêt économique ou croyance religieuse. Elle est dotée du statutde consultant auprès des Nations-Unies.

Survival International (France)45 rue du Faubourg du Temple75010 Paris33 (0)1 42 41 47 62www.survivalfrance.org

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Pour leurs encouragements, leur patience et leur soutien,je souhaite remercier tout particulièrement :

Patrick MENGET et Denis ROLLAND,Jean-Marie TOURNIER,Jean-Patrick RAZON.

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Achevé d’imprimer par Corlet Numérique - 14110 Condé-sur-NoireauN° d’Imprimeur : 57904 - Dépôt légal : mars 2009 - Imprimé en France