Textes Reprise Romantisme

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  • 8/8/2019 Textes Reprise Romantisme

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    Alphonse de Lamartine Les Mditations potiques

    , 1820.C'est un mince recueil de 24 pomes dont le succs s'explique parleur adquation leur poque, l'mergence d'une sensibilitnouvelle, lie aux bouleversements de l'histoire, aux incertitudes del'avenir et une nouvelle vision de l'individu, peru comme tresensible, complexe et comme centre de la reprsentation. LesMditations se prsentent comme une sorte de rverie mlancoliquesur le thme de la foi et celui de l'amour. Le pote, qui parle lapremire personne, voque le souvenir de son amante perdue, qu'il

    appelle Elvire, et dans laquelle on s'accorde le plus souvent reconnatre Julie Charles. Dans L'automne Deux ans se sont coulsdepuis la mort de Julie. Trs marqu encore par la mort de sonamante, le pote voque cependant lide que peut tre une autrefemme existe et pourrait lui rendre espoir.

    L'automne

    Salut, bois couronns d'un reste de verdure,Feuillages jaunissants sur les gazons pars !Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la natureConvient la douleur et plat mes regards.

    Je suis d'un pas rveur le sentier solitaire ;

    J'aime revoir encor, pour la dernire fois,Ce soleil plissant, dont la faible lumirePerce peine mes pieds l'obscurit des bois.

    Oui, dans ces jours d'automne o la nature expire,A ses regards voils je trouve plus d'attraits ;C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourireDes lvres que la mort va fermer pour jamais.

    Ainsi, prt quitter l'horizon de la vie,Pleurant de mes longs jours l'espoir vanoui,Je me retourne encore, et d'un rega rd d'envieJe contemple ses biens dont je n'ai pas joui.

    Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;L'air est si parfum ! la lumire est si pure !Aux regards d'un mourant le soleil est si beau !

    Je voudrais maintenant vider jusqu' la lieCe calice ml de nectar et de fiel :Au fond de cette coupe o je buvais la vie,Peut-tre restait-il une goutte de miel !

    Peut-tre l'avenir me gardait-il encoreUn retour de bonheur dont l'espoir est perduPeut-tre, dans la foule, une me que j'ignoreAurait compris mon me, et m'aurait rpondu

    La fleur tombe en livrant ses parfums au zphire ;A la vie, au soleil, ce sont l ses adieux :Moi, je meurs ; et mon me, au moment qu'elle expire,S'exhale comme un son triste et mlodieux.

    Dans Le Lac, le pote revient sur les rives du Lac du Bourget o iltait venu un an avant la mort de Julie.

    Le Lac

    Ainsi, toujours pousss vers de nouveaux rivages,Dans la nuit ternelle emports sans retour,Ne pourrons-nous jamais sur locan des ges Jeter lancre un seul jour?

    lac ! lanne peine a fini sa carrire, Et prs des flots chris quelle devait revoir,

    Regarde ! je viens seul masseoir sur cette p ierreO tu la vis sasseoir!

    Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,Ainsi tu te brisais sur leurs flancs dchirs,

    Ainsi le vent jetait lcume de tes ondes Sur ses pieds adors.

    Un soir, ten souvient-il ? nous voguions en silence ;On nentendait au loin, sur londe et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadenceTes flots harmonieux.

    Tout coup des accents inconnus la terreDu rivage charm frapprent les chos ;Le flot fut attentif, et la voix qui mest chre Laissa tomber ces mots :

    temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !Suspendez votre cours :Laissez-nous savourer les rapides dlicesDes plus beaux de nos jours !

    Assez de malheureux ici-bas vous implorent,Coulez, coulez pour eux ;

    Prenez avec leurs jours les soins qui les dvorent ;Oubliez les heureux.

    Mais je demande en vain quelques moments encore,Le temps mchappe et fuit ;

    Je dis cette nuit : Sois plus lente ; et lauroreVa dissiper la nuit.

    Aimons donc, aimons donc ! de l heure fugitive,

    Htons-nous, jouissons !Lhomme na point de port, le temps na point de rive ;Il coule, et nous passons !

    Temps jaloux, se peut-il que ces moments divresse,O lamour longs flots nous verse le bonheur,Senvolent loin de nous de la mme vitesseQue les jours de malheur ?

    Eh quoi ! nen pourrons-nous fixer au moins la trace ?Quoi ! passs pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,Ne nous les rendra plus !

    ternit, nant, pass, sombres abmes,Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimesQue vous nous ravissez ?

    lac ! rochers muets ! grottes ! fort obscure !Vous, que le temps pargne ou quil peut rajeunir, Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,Au moins le souvenir !

    Quil soit dans ton repos, quil soit dans tes orages, Beau lac, et dans laspect de tes riants coteaux, Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvagesQui pendent sur tes eaux.

    Quil soit dans le zphyr qui frmit et qui passe,Dans les bruits de tes bords par tes bords rpts,Dans lastre au front dargent qui blanchit ta surface De ses molles clarts.

    Que le vent qui gmit, le roseau qui soupire,Que les parfums lgers de ton air embaum,Que tout ce quon entend, lon voit ou lon respire, Tout dise : Ils ont aim !

  • 8/8/2019 Textes Reprise Romantisme

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    Alfred de Musset La nuit de dcembre.

    LE POTEDu temps que jtais colier,Je restais un soir veillerDans notre salle solitaire.Devant ma table vint sasseoir

    Un pauvre enfant vtu de noir,Qui me ressemblait comme un frre.Son visage tait triste et beauA la lueur de mon f lambeau,Dans mon livre ouvert il vint lire.II pencha son front sur ma main,Et resta jusquau lendemain,Pensif, avec un doux sourire.

    Comme jallais avoir quinze ans,Je marchais un jour, pas lents,Dans un bois, sur une bruyre.Au pied dun arbre vint sasseoir,

    Un jeune homme vtu de noir,Qui me ressemblait comme un frre.Je lui demandai mon chemin;Il tenait un luth dune main,De lautre un bouquet dglantine.Il me fit un salut dami,Et, se dtournant demi,Me montra du doigt la colline.

    A lge o lon croit lamour,Jtais seul dans ma chambre un jour,Pleurant ma premire misre.Au coin de mon feu vint sasseoirUn tranger vtu de noir,Qui me ressemblait comme un frre.Il tait morne et soucieux;Dune main il montrait les cieux,Et de lautre il tenait un g laive.De ma peine il semblait souffrir,Mais il ne poussa quun soupir,Et svanouit comme un rve.

    A lge o lon es t libertin,Pour boire un toast en un festin,Un jour je soulevai mon verre.En face de moi vint sasseoirUn convive vtu de noir,Qui me ressemblait comme un frre.Il secouait sous son manteauUn haillon de pourpre en lambeau,

    Sur sa tte un myrte strile.Son bras maigre cherchait le mien,Et mon verre, en touchant le sien,Se brisa dans ma main dbile.

    Un an aprs, il tait nuit;Jtais genoux prs du litO venait de mourir mon pre.Au chevet du lit vint sasseoirUn orphelin vtu de noir,Qui me ressemblait comme un frre.Ses yeux taient noys de pleurs;Comme les anges de douleurs,

    Il tait couronn dpine;Son luth terre tait gisant,Sa pourpre de couleur de sang,Et son glaive dans sa poitrine.

    Je men suis si bien souvenu,Que je lai toujours reconnuA tous les instants de ma vie.Cest une trange vision,Et cependant, ange ou dmon,Jai vu partout cette ombre amie..Partout o jai voulu dormir,Partout o jai voulu mourir,Partout o jai touch la terre,Sur ma route est venu sasseoirUn malheureux vtu de noir,Qui me ressemblait comme un frre.Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse,Plerin que rien na lass ?Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesseAssis dans lombre o jai pass.

    Qui donc es-tu, visiteur solitaire,Hte assidu de mes douleurs ?Quas-tu donc fait pour me suivre sur terre ?Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frre,Qui napparais quau jour des pleurs?

    LA VISION- Ami, notre pre est le tien.

    Je ne suis ni lange gardien,Ni le mauvais destin des hommes.Ceux que jaime, je ne sais pas De quel ct sen vont leurs pas Sur ce peu de fange o nous sommes.Je ne suis ni dieu ni dmon,Et tu mas nomm par mon nom Quand tu mas appel ton frre;O tu vas, jy serai toujours,Jusques au dernier de tes jours,O jirai masseoir sur ta pierre.Le ciel ma confi ton cur.Quand tu seras dans la douleur,

    Viens moi sans inquitude.Je te suivrai sur le chemin;Mais je ne puis toucher ta main,Ami, je suis la Solitude.

    Melancholia(extrait)

    O vont tous ces enfants dont [pas un seul] ne rit ?Ces doux tres pensifs que la fivre maigrit ?Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;Ils vont, [de l'aube au soir, faire ternellement]Dans la mme prison le mme mouvement.Accroupis sous les dents d'une machine sombre,Monstre hideux qui mche on ne sait quoi dans l'ombre,[Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,]Ils travaillent. [Tout est d'airain, tout est de fer.][Jamais on ne s'arrte et jamais on ne joue.]Aussi quelle pleur ! la cendre est sur leur joue.Il fait peine jour, ils sont dj bien las.Ils ne comprennent rien leur destin, hlas !Ils semblent dire Dieu : Petits comme nous sommes,Notre pre, voyez ce que nous font les hommes ! O servitude infme impose l'enfant !Rachitisme ! travail dont le souffle touffant

    Dfait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, uvre insense, La beaut sur les fronts, dans les curs la pense, Et qui ferait - c'est l son fruit le plus certain ! -D'Apollon un bossu, de Voltaire un crtin !Travail mauvais qui prend l'ge tendre en sa serre,Qui produit la richesse en crant la misre,Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !Progrs dont on demande : O va-t-il ? que veut-il ? Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,Une me la machine et la retire l'homme !Que ce travail, ha des mres, soit maudit !Maudit comme le vice o l'on s'abtardit,

    Maudit comme l'opprobre et comme le blasphme !O Dieu ! qu'il soit maudit au nom du t ravail mme,Au nom du vrai travail, sain, fcond, gnreux,Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

    Victor Hugo, Les Contemplations, Livre III

  • 8/8/2019 Textes Reprise Romantisme

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    Le registre lyrique est particulirement prsent dans Le lacde Lamartine.Le pote exprime tout dabord avec force ses motions et montre toute la

    douleur quil prouve face la mort dElvire, la femme aime. De nombreuses

    phrases exclamatives sont, en effet, prsentes tout au long du pomenotamment dans lhmistiche qui clt chaque quatrain : o tu la vissasseoir! (v.8), au moins le souvenir ! (v. 52). De la mme manire, on

    peut relever plusieurs phrases interrogatives ( passs pour jamais ? (v.42) ne nous les rendra plus ? (v.44) ). Ces exclamations et ces interrogationstmoignent de lintensit de son dsarroi. Les interjections H quoi ! (v.42)et quoi (v.43) renforcent encore cette impression. Les figures de stylemontrent galement la vivacit des motions ressenties. Les hyperboles comme des plus beaux de nos jours (v.24) ou les paralllismes tels ce temps quiles donna, ce temps qui les efface (v.43) insistent sur laction du temps qui estpass et lui a enlev le plaisir dtre avec la femme aime.

    Le lyrisme sinscrit ensuite dans la volont du pote dtablir un dialogue

    intime avec le lac qui il fait partager son dsespoir. Ds les premiresstrophes, il sadresse lui par une apostrophe lac ! (v.5) quil renouvelleensuite au vers 52 allant dailleurs jusqu interpeler galement les rochersmuets ! grottes ! fort obscure ! . Le lac devient son confident, son ami, unrefuge contre la mlancolie. On retrouve ici un thme romantique parexcellence. Le lac est dautant plus important pour le pote que le temps quil a

    suppli na pas rpondu son attendu. Tout comme le lac, le temps est lui aussi

    personnifi, il est jaloux (v.37) notamment. Le pote et Elvire lont suppli desarrter pour les laisser profiter de leur bonheur mais cela leur a t refus .

    Le registre lyrique est particulirement prsent dans Le lacde Lamartine.Le pote exprime tout dabord avec force ses motions et montre toute la

    douleur quil prouve face la mort dElvire, la femme aime. De nombreuses

    phrases exclamatives sont, en effet, prsentes tout au long du pomenotamment dans lhmistiche qui clt chaque quatrain : o tu la vis

    sasseoir! (v.8), au moins le souvenir ! (v. 52). De la mme manire, onpeut relever plusieurs phrases interrogatives ( passs pour jamais ? (v.42) ne nous les rendra plus ? (v.44) ). Ces exclamations et ces interrogationstmoignent de lintensit de son dsarroi. Les interjections H quoi ! (v.42)et quoi (v.43) renforcent encore cette impression. Les figures de stylemontrent galement la vivacit des motions ressenties. Les hyperboles comme

    des plus beaux de nos jours (v.24) ou les paralllismes tels ce temps quiles donna, ce temps qui les efface (v.43) insistent sur laction du temps qui estpass et lui a enlev le plaisir dtre avec la femme aime.

    Le lyrisme sinscrit ensuite dans la volont du pote dtablir un dialogue

    intime avec le lac qui il fait partager son dsespoir. Ds les premiresstrophes, il sadresse lui par une apostrophe lac ! (v.5) quil renouvelleensuite au vers 52 allant dailleurs jusqu interpeler galement les rochersmuets ! grottes ! fort obscure ! . Le lac devient son confident, son ami, unrefuge contre la mlancolie. On retrouve ici un thme romantique par

    excellence. Le lac est dautant plus important pour le pote que le temps quil asuppli na pas rpondu son attendu. Tout comme le lac, le temps est lui aussipersonnifi, il est jaloux (v.37) notamment. Le pote et Elvire lont suppli desarrter pourles laisser profiter de leur bonheur mais cela leur a t refus.