Textes spirituels d’Ibn Taymiyya. Nouvelle série: IV. L’obéissance aux autorités

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  • 8/4/2019 Textes spirituels dIbn Taymiyya. Nouvelle srie: IV. Lobissance aux autorits

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    Textes spirituels dIbn Taymiyya. Nouvelle srie

    IV. Lobissance aux autoritsIbn Taymiyya fut-il un rvolutionnaire poussant au tyrannicide1 ?

    Daucuns le pensent et cest dautant plus regrettable quil suffirait dese rappeler sa matrise et son respect de la tradition prophtique pourexclure quil ait jamais pu se dpartir de la modration de celle-ci, enmatire dobissance aux autorits comme en dautres. Mais quesavent exactement de lui ses dtracteurs et les extrmistes se rcla-

    mant de son nom ? Quels crits lisent-ils en dehors des fetwas danslesquels il appela rsister lenvahisseur mongol ? Aux amoureuxde la vrit incombe donc le devoir de rendre plus de textes tay-miyyens directement accessibles, pour que le Shaykh de lIslam assurelui-mme sa dfense ou, par ailleurs, dsavoue clairement les ultras lerevendiquant comme leur saint patron.

    Le Minh j al-sunnat al-nabawiyya La voie de la traditionprophtique dIbn Taymiyya a pour premier objectif de rfuter leMinhj al-karma fmarifat al-imma La voie du charisme, sagis-sant de la connaissance de limmatcompos par le thologien shiteal-ill pour llkhn mongol ljayt (m. 716/1316). Dconstructionsystmatique de labsolutisme immite en matire de gouvernancecomme de dogme, il soppose toute forme dobissance incondition-nelle des autorits humaines, quelles quelles soient, et appelle autabayyun vis--vis de chaque ordre venant delles, cest--dire

    faire la clart sur sa lgitimit ou son illgitimit au regard de lareligion, ainsi que recommand dans le Coran, al-ujurt- XLIX, 6.De lobjection de conscience et de la dsobissance civile clairespar la foi , dautre part, une anathmisation du pouvoir pervers,ignorant, injuste, et un soulvement contre lui, il y a cependant unpas quIbn Taymiyya se refuse franchir. Il nignore pas quuneversion du fameux adth de lallgeance au Prophte pourrait per-mettre de disputer le commandement ceux qui lexercent en cas de mcrance flagrante (kufr baw) de leur part, divinement prou-ve. Il connat cependant trop bien les hommes pour imaginer quuneinsurrection provoque moins de fasd, ait des effets moins domma-geables pour la socit que linjustice du pouvoir ainsi contest.

    Les quatre extraits du Minhj traduits ci-dessous sont empreints dumme ralisme et fidles aux sources scripturaires de lIslam. Asso-ciant lune lautre la soumission aux autorits et lobissance Dieu

    et au Messager, Ibn Taymiyya y prne la fois lesprit critique et lapatience, le discernement et la pondration, le rejet du despotisme etde linjustice et le refus du radicalisme et de la rvolte arme.

    TRADUCTIONS2A. Obir lautorit perverse et ignorante ?

    Les gens ont controvers au sujet du dtenteur du comman-dement (wal l-amr) pervers (fsiq) et ignorant (jhil) : est-il obir en ce quil commande comme obissance Dieu ? Sonjugement (ukm) et son dcret (qasm) sont-ils excuter lors-quils correspondent la justice (adl) ? Ou bien ne sera-t-ilobi en rien et nexcutera-t-on aucun jugement, aucun dcretde lui ? Ou, encore, fera-t-on une distinction ce sujet entre

    1. Sur cette rputation et son caractre ind, voir Y. MICHOT, IBNTAYMIYYA. Mardin: Hgire, fuite du pch et demeure de lIslam ,Paris, Albouraq, 1425/2004, p. 51-58, 131-137 ;IBNTAYMIYYA. Mcr-ance et pardon, Paris, Albouraq, 1426/2005, p. VII-X; IBN TAYMIYYA.Les saints du mont Liban. Absence,jihd et spiritualit, entre la mon-tagne et la cit, Paris, Albouraq, 1428/2007, p. 2*-4* ; Ibn Taymiyyaet le mythe du grand mchant barbu, entre islamisme mongolisant

    et mauvais orientalisme, sur saphirnews.com/:Les-jardins-fanes-de-l-Academie_a1434.html; Dar-al-harb-et-appels-au-jihad_a1435.html;Mort-au-despote_a1436.html; Quand-dire-La-ilaha-illa-Llah-sauve-de-l-enfer_a1437.html;Des-fetwas-au-mythe_a1438. html,Sept.2005.

    2. IBN TAYMIYYA,Minhj, d. SLIM, t. III, p. 390-395 (A) ; t. III,p. 387-388 (B) ; t. III, p. 395-396 (C) ; t. I, p. 547-548 (D).

    limm majeur (al-imm al-aam) et le cadi, et autres subdivi-sions semblables ? Trois choses ont ds lors t dites dont laplus faible, pour les gens de la Sunna, [propose] le rejet de len-semble de ses commandement, jugement et dcret tandis que laplus correcte, pour les gens du adth et les imms des juristes

    (faqh), en est la premire, savoir quil sera obi dans lobis-sance Dieu, de manire absolue, et que son jugement et sondcret seront excuts lorsque le faire est justice, de manireabsolue selon ce qui est ainsi dit, mme le cadi ignorant etinjuste, son jugement conforme la justice et son dcretconforme la justice sont excuter ainsi que la plupart desjuristes le disent.

    Bahrm recevant la tte dun opposant3

    La troisime chose dite consiste faire une distinction entrelimm majeur et les autres tant donn que celui-l, il nestpossible de le destituer (azl), lorsquil est pervers, que par uncombat (qitl) et des dissensions (fitna) ; la diffrence dunjuge (kim) et de ses pareils, [391] quil est possible de destituersans cela. Cest cependant un distinguo faible. En effet, lors-quun juge est investi de [son] autorit par le dtenteur de laforce arme (dh l-shawka), il nest possible de le destituerquavec des dissensions. Or, quand sactiver pour le destituerest quelque chose de plus corrupteur [pour la communaut] quene lest son maintien [dans sa charge], il nest pas permis deprovoquer la plus grave de deux situations de corruption afinden repousser la moindre. Et ainsi en va-t-il aussi de limm

    majeur.Voil pourquoi ce qui est bien connu de la doctrine des gens

    de la Sunna, ainsi que lindiquent les adths authentiquesprovenant en abondance du Prophte Dieu prie sur lui et luidonne la paix ! , cest quils ne sont pas davis de se soulevercontre les imms, non plus que de les combattre de lpe,quand bien mme il y a en eux de linjustice. La corruption [desaffaires des Musulmans] en cas de combat et de dissension esten effet plus grave que celle provenant de leur injustice sans

    3. Dtail dun plat maill (mina), Iran, vers 596/1200 (Qatar,Muse dArt islamique).

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    combat ni dissension. On ne repoussera donc la plus grave dedeux situations corrompues quen 1 sen tenant la moinsgrave. Sans doute ne peut-on pas avoir connaissance dungroupe qui se soit soulev (kharaja al) contre un dtenteur depuissance (suln) sans quil y ait eu en son soulvement desfacteurs de corruption plus graves que la situation corrompuequil fit cesser.

    Massacre2

    Le Dieu Trs-Haut na pas command de combattre denimporte quelle manire tout [individu] injuste et tout [indi-

    vidu] excessif(bghin

    ). Il na pas non plus command de com-battre les [gens] excessifs ds le dpart. Il a bien plutt dit : Sideux factions de croyants se combattent, rconciliez-les. Silune des deux se fait excessive au dtriment de lautre, com -battez lexcessive jusqu ce quelle revienne lordre de Dieu.Si elle revient, rconciliez-les dans la justice 3. Il na doncpoint command de combattre les excessifs ds le dpart ; com-ment ds lors commanderait-Il de combattre les dtenteurs ducommandement ds le dpart ? [392]

    Dans le a de Muslim [il est rapport] daprs UmmSalama4 Dieu soit satisfait delle ! que le Messager de Dieua dit Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! : Il y aura desmirs. Vous trouverez [inacceptables certaines de leurs actions]

    et vous en rprouverez [dautres]. Celui qui en trouvera [cer-taines inacceptables] sera innocent [de tout blme]. Celui qui enrprouvera sen sortira indemne. Quant celui qui s[en] satis-fera et [les] suivra ?! Ne les combattrons-nous pas ?

    1. ill + : al-fasdayn E2. Dtail dun plat maill (mina), Iran, dbut du VIIe/XIIIe s.

    (Washington, Freer Gallery of Art. Photo: Y. Michot, 2009).3. Coran, al-ujurt- XLIX, 9.4. Umm Salama Hind, fille dAb Umayya (m. 61/681), une des

    pouses mecquoises du Prophte; voir M. HAMIDULLAH, Le Prophtede lIslam, t. II, p. 619.

    dirent daucuns. Non, rpondit-il, aussi longtemps quilsprient5. Le Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donnela paix ! prohiba de les combattre alors mme quil [nous]informait quils commettraient des affaires rprhensibles(munkar). Il montra donc quil nest pas permis de lesrprouver de lpe ainsi que le pensent ceux qui combattent lesdtenteurs du commandement les Khrijites, les Zaydites6,les Mutazilites, un groupe des juristes et dautres.

    Dans les deux as, [il est rapport] dIbn Masd Dieusoit satisfait de lui ! quil a dit : Le Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! nous a dit : Aprsmoi, vous verrez du favoritisme (athara) et des affaires quevous rprouverez. Daucuns dirent : Que nous commandes-tu donc, Messager de Dieu ? Il rpondit : Vous honorerezle droit [que vos dirigeants ont] sur vous et vous demanderez Dieu [dhonorer] celui que vous avez7. Le Prophte Dieuprie sur lui et lui donne la paix ! [nous] a informs que lesmirs seraient injustes et feraient des affaires rprhensibles.Malgr cela, il nous a command de leur reconnatre le droitquils ont [sur nous] et de demander Dieu [dhonorer] celuique nous avons. Il ne nous a pas autoriss arracher le droit

    [qui est ntre] en combattant et il ne [nous] a pas permis dengliger le droit quils ont [sur nous].Dans les deux as, [il est rapport] propos du Prophte

    Dieu prie [393] sur lui et lui donne la paix ! , daprs IbnAbbs Dieu soit satisfait de lui ! , quil a dit : Celui quivoit chez son mir une chose quil dteste, quil soit patient son gard ! Qui se spare dun empan de la communion [descroyants] (jama) et meurt meurt dune mort de lge delIgnorance8. Et dans une [autre] formulation : Qui se sous-trait dun empan au pouvoir (suln) et meurt meurt dune mortde lge de lIgnorance cette formulation est dal-Bukhr9.

    On a cit antrieurement ce quil a dit Dieu prie sur lui etlui donne la paix ! quand il a voqu le fait que [des im ms]

    5. Voir MUSLIM, a, Imra (Constantinople, t. VI, p. 23 ; trad.SIDDIQI,a, t. III, p. 1032-1033, n 4569).

    6. Communaut shite se revendiquant de Zayd, un petit-fils dal-usayn mort en 122/740 Kfa, au cours dune rvolte contre le califeumayyade Hishm; voir W. MADELUNG,EI2, art.Zaydiyya.

    Zayd, fils de Al, fils dal-usayn, a dit Abtim al-Bust, futtu Kfa en lan 122 et expos sur une croix de bois. Il tait dentreles plus minents des Gens de la Maison [du Prophte] et de leurssavants. Les Shites se rclament de lui.

    Cest, dirai-je, lpoque de la rvolte de Zayd que les Shites sesparrent en Rfiites et en Zaydites. Quand [Zayd] fut interrog propos dAb Bakr et de Umar et quil appela sur eux deux lamisricorde [de Dieu], des gens le rejetrent (rafaa) et il leur dit :

    Vous mavez rejet ! Ils furent donc appels Rfiites ( reje-teurs ) du fait quils lavaient rejet (raf), tandis que ceux dentre lesShites qui ne lavaient pas rejet furent appelsZaydites du fait quilslui taient rests attachs. Quand [son cadavre] fut crucifi, les ser-vants [de Dieu] (ibd) vinrent de nuit vers sa croix, se livrer l leursservice dadoration (IBN TAYMIYYA,Minhj, t. I, p. 35).

    7. Voir AL-BUKHR, a, Fitan (Boulaq, t. IX, p. 47; trad.HOUDAS, Traditions, t. IX, p. 475) ; MUSLIM, a, Imra (Constan-tinople, t. VI, p. 17-18 ; trad. S IDDIQI,a, t. III, p. 1025, n 4545).

    8. Voir AL-BUKHR, a, Fitan (Boulaq, t. IX, p. 62-63; trad.HOUDAS, Traditions, t. IV, p. 475) ; MUSLIM, a, Imra (Constan-tinople, t. VI, p. 21-22 ; trad. S IDDIQI,a, t. III, p. 1030, n 4559).

    9. Voir AL-BUKHR, a, Fitan (Boulaq, t. IX, p. 47; trad.HOUDAS, Traditions, t. IV, p. 475).

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    ne se conduiraient pas selon sa guidance et ne suivraient pas saSunna. udhayfa1 de dire alors : Comment ferais-je, Mes -sager de Dieu, si je vis cela ? Il rpondit : Tu couteraslmir et tu lui obiras. Mme si on te bat le dos et prend tonbien, coute et obis 2 ! Ainsi est-il command dobir alorsmme que lmir est injuste. [394]

    On a aussi cit, antrieurement, ces dires [du Prophte] Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! : Celui sur qui autoritest donne quelquun et qui voit celui-ci commettre quelquechose relevant de la dsobissance Dieu, quil dteste ce quilcommet comme dsobissance Dieu et ne renonce pas luiobir3. Ainsi est-il prohib de se soustraire au pouvoir(suln) mme sil dsobit [ Dieu].

    On a aussi cit, antrieurement, le adth de Ubda4 : Nous avons prt allgeance au Messager de Dieu que Dieule bnisse et lui donne la paix ! en prenant les engagementssuivants : couter et obir quand cela nous plat et quand nousle dtestons, quand cela nous est difficile et quand cela nous estfacile, ainsi quen cas de favoritisme notre dtriment5 ; ne pasdisputer le commandement ceux qui lexercent (ahl) [Etle Prophte] dajouter : moins que vous voyiez de la

    mcrance flagrante (kufr baw), concernant laquelle6

    voustenez de Dieu une preuve (burhn)7. Et, dans une autre ver-sion : dire ou assumer la Vrit o que nous soyons ;navoir peur, sagissant de Dieu, du blme de personne 8. Ainsi [395] est-il command dobir alors mme que celui quiassume le commandement favorise (istithr) [certains au dtri-ment dautres] ce qui est, de sa part, de linjustice (ulm). Il aaussi prohib de disputer le commandement ceux qui lexer-cent ; ainsi est-il prohib de se soulever contre eux, parce queceux qui lexercent sont les dtenteurs du commandement quiil a command dobir savoir ceux qui ont un pouvoir(suln) grce auquel ils commandent. Celui dont on veut parlerici, ce nest pas quelquun qui mriterait dtre investi [du com-

    mandement] mais naurait pas de pouvoir (suln), non plus quequelquun investi [du commandement qui serait] juste. [Le

    1. udhayfa b. al-Yamn al-Abs (m. 36/656), Compagnon quicombattit Uud et participa la conqute de lIran et deldharbayjn ; voir IBN AL-ATHR, Usd, t. I, p. 390-392.

    2. Voir MUSLIM, a, Imra (Constantinople, t. VI, p. 20 ; trad.SIDDIQI,a, t. III, p. 1029, n 4554).

    3. Littralement, et ne retire pas la main de lobissance [quillui doit]. Voir notamment MUSLIM, a, Imra (Constantinople,t. VI, p. 24 ; trad. S IDDIQI,a, t. III, p. 1033, n 4574) ; IBN AN-BAL,Musnad(Boulaq, t. VI, p. 24).

    4. Ubda b. al-mit al-Anr, clbre Compagnon qui fut lepremier juge musulman de Jrusalem (m. 34/654 ou 45/665, Pales-tine) ; voir IBN AL-ATHR, Usd, t. III, p. 106-107.

    5.atharatin alay-n. Je dois une fois de plus prsenter mes excuses mes lecteurs et solliciter leur indulgence : dans mes travaux antrieurs, jai traduit erronment ce passage du adth de lallgeance par , en la prfrant nous-mmes ; .

    6.f-hi. Peut-tre faut-il traduire en laquelle .7. Voir AL-BUKHR, a, Fitan (Boulaq, t. IX, p. 47; trad.

    HOUDAS, Traditions, t. IV, p. 476) ; MUSLIM, a, Imra (Constan-tinople, t. VI, p. 17 ; trad. SIDDIQI,a, t. III, p. 1023, n 4541) ; IBNANBAL,Musnad(Boulaq, t. V, p. 314).

    8. Voir notamment AL-BUKHR, a, Akm (Boulaq, t. IX,p. 77; trad. HOUDAS, Traditions, t. IV, p. 520-521) ; MUSLIM, a,Imra (Constantinople, t . VI, p. 16 ; trad. SIDDIQI, a, t. III,p. 1023, n 4538).

    Prophte] a en effet mentionn quils favorisent [certains audtriment dautres]. Il a donc indiqu quil est prohib dedisputer [lautorit du] dtenteur du commandement mme silfavorise [certains au dtriment dautres]. Et ceci est un vastesujet.

    B. Obir dans lobissance DieuLes [Sunnites] ne rendent pas obligatoire dobir limm

    en tout ce quil commande. Bien plutt mme, ils ne rendentobligatoire de lui obir quen ce en quoi il est permis de luiobir dans la Loi (shara). Ils ne permettent donc pas de luiobir dans la dsobissance Dieu, mme sil sagit dun immjuste (dil). Quand il leur commande dobir Dieu, ils luiobissent il leur commande par exemple de clbrer la prireet de donner laumne, dtre vridiques et dtre justes,[daccomplir] le plerinage et de mener le jihdsur le cheminde Dieu. En ralit, [alors], ils obissent seulement Dieu.Quand le mcrant et le pervers commandent quelque choseconstituant un acte dobissance Dieu, obir Dieu na past prohib et lobligation de [Lui obir] ne tombe pas du [seul]fait que cest ce pervers qui la command. Ainsi aussi, quand ilparle de quelque chose de Vrai, il nest pas permis de le traiter

    de menteur et lobligation de suivre le Vrai ne tombe pas du[seul] fait que cest un pervers qui la dit. Les gens de la Sunnanobissent pas de manire absolue aux autorits en charge deleurs affaires (wult al-umr) : ils leur obissent seulementdans le cadre de lobissance au Messager Dieu prie sur lui etlui donne la paix !

    Savant baisant la main dun mir9

    Le Trs-Haut de dire ainsi : Obissez Dieu, obissez auMessager et ceux dentre vous qui dtiennent le comman-dement10. Il a command dobir Dieu de manire absolueet Il a command dobir au Messager parce quil ne com -mande que dobir Dieu Quiconque obit au Messagerobit Dieu11. Il a [par ailleurs] inclus en cela lobissance

    9. Daprs un dtail de laiguire Blacas, Mossoul (Iraq), 629/1232 ;voir S. CANBY, Islamic Art in Detail, Cambridge, Harvard UniversityPress, 2005, p. 130-131.

    10. Coran, al-Nis - IV, 59.11. Coran, al-Nis - IV, 80.

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    aux dtenteurs du commandement : Il a dit et ceuxdentre vous qui dtiennent le commandement sans mention,vis--vis deux, dune troisime [sorte d]obissance. Le dten-teur du commandement nest en effet pas obi dune obissanceabsolue : il est seulement obi en ce qui est convenable(marf) [388] ainsi que le Prophte Dieu prie sur lui et luidonne la paix ! la dit : Il ny a dobissance quen ce quiest convenable1. Il a aussi dit : Pas dobissance dans ladsobissance Dieu2 et Pas dobissance une craturedans la dsobissance au Crateur 3. Et encore : Celui quivous commande de dsobir Dieu, ne lui obissez pas4 !

    C. Faire la clart sur toute choseOn pourrait supposer que, pour toute [personne] investie

    dune autorit (mutawall), une condition remplir est dtrejuste (adl), nul ntant obi sinon quelquun qui a de la justice,non pas quelquun qui est injuste. On le sait pourtant, la condi-tion de justice remplir par les autorits nest pas plus grandeque celle remplir par les tmoins. Un tmoin peut informer dequelque chosequon ne sait pas.Si donc il na pas de justice,onne saura pas sil est vridique en ce propos de quoi il informe.Quant au dtenteur du commandement, il donne un commande-

    ment dont on connat le statut (ukm) partir dautre chose5

    ;on saura donc si ce [commandement] est obissance ou dso-bissance Dieu. [396] Voil pourquoi le Trs-Haut a dit : Siun pervers vient vers vous avec quelque nouvelle, tirez-la auclair (fa-tabayyan)6. Il a donc command de faire la clart(tabayyun) quand le pervers vient avec quelque nouvelle.

    On le sait, tre injuste nempche ni daccomplir une actiondobissance, ni den commander une. Ceci est une des chosessur lesquelles les Immites sont daccord. Ils ne parlent en effetpas dternisation des auteurs de grands pchs dans le Feu.Selon eux, tre un pervers ne rduit pas rien toutes les bonnesactions, la diffrence de ceux qui ont un avis oppos cepropos les Zaydites, les Mutazilites et les Khrijites, lesquels

    disent qutre un pervers rduit rien toutes les bonnes actions.Si cependant toutes les bonnes actions dun [pervers] taientrduites rien, sa foi serait rduite rien ; et si sa foi taitrduite rien, ce serait un mcrant, un apostat, et il faudraitdonc le tuer.

    Les textes du Livre, la Sunna et le consensus lindiquent, lefornicateur, le voleur et le calomniateur ne sont pas tus maissubissent la peine [canonique] (add). Ceci indique que ce nesont pas des apostats. Ainsi en va-t-il aussi de ces dires duTrs-Haut : Si deux factions de croyants se combattent,rconciliez-les7 et le [reste du] verset : ils indiquent lexis-tence de la foi et de la fraternit alors mme quil y a combat etexcs.

    1. Voir notamment AL-BUKHR, a, Maghz (Boulaq, t. V,p. 161; trad. HOUDAS, Traditions, t. III, p. 200-201) ; MUSLIM, a,Imra (Constantinople, t. VI, p. 15 ; trad. SIDDIQI, a, t. III,p. 1022, n 4535) ; IBN ANBAL,Musnad(Boulaq, t. I, p. 82).

    2. Voir notamment IBN ANBAL,Musnad(Boulaq, t. IV, p. 426).3. Voir IBN ANBAL,Musnad(Boulaq, t. V, p. 66).4. Voir IBN MJA, Sunan, Jihd (d. M. F. ABD AL-BQ, t. II,

    p. 956, n 2863); IBN ANBAL,Musnad(Boulaq, t. III, p. 67).5. savoir partir du Coran et de la Sunna.6. Coran, al-ujurt- XLIX, 6.7. Coran, al-ujurt- XLIX, 9.

    D. Soixante ans avec un imm tyrannique Les gens de la Sunna informent de ce qui a eu lieu (wqi)

    et commandent ce qui est obligatoire (wjib). Ils tmoignent dece qui a eu lieu (waqaa) et ils commandent ce que Dieu et SonMessager commandent. Ce furent ces [dirigeants umayyades etabbsides], disent-ils, qui assumrent lautorit8 (tawall) eteurent une puissance (suln) et un pouvoir (qudra) grce aux-quels ils furent capables de [mettre en uvre] les objectifs delexercice de lautorit (maqid al-wilya) : mettre excutionles peines (add), partager les richesses (qasm al-amwl), attri-buer les positions dautorit (tawliyat al-wilyt), mener lejihd contre lennemi, clbrer le plerinage, les ftes et laprire du vendredi, et autres objectifs de lexercice de lautorit.

    Despotisme orientaliste9

    Les [Sunnites] disent par ailleurs quil nest pas permisdobir un de ces [dirigeants], de leurs dputs et alii dans ladsobissance Dieu. Bien plutt, on sassociera lui en cequil accomplit comme acte dobissance Dieu : on mneraavec lui des raids contre les mcrants, on priera avec lui levendredi et les deux ftes, on accomplira le plerinage avec lui,on laidera mettre les peines excutions, commander leconvenable (marf) et interdire le rprhensible (munkar),etc. On aidera donc les [autorits] dans la pit et la crainte [deDieu] ; on ne les aidera pas dans le pch et lhostilit.

    Les [Sunnites] disent aussi que dautres que [les Umay-yades et les Abbsides] assumrent lautorit. louest, ellefut assume par un groupe dUmayyades et par un groupe deAldes10. On le sait, les gens ne sont bons (alaa) que grce

    des autorits (wl). Si lautorit tait assume par des [diri-geants] infrieurs ces rois injustes, cela vaudrait encore mieux[547] que ne pas en avoir. Ainsi dit-on : Soixante ans avec unimm tyrannique (jir) valent mieux quune nuit sans imm.

    Yahya M. MICHOT (Hartford, Muarram 1431 - Dc. 2009)

    8. Allusion aux deux premires dynasties de lIslam, qui rgnrenteffectivement sur le Moyen-Orient alors que les descendants de Alny accdrent pas au pouvoir.

    9. Dtail dune illustration de GALLAND,Les Mille et Une Nuits, 3 t.,Paris, E. Bourdin & Cie, s. d. [XIXe s.], t. III, page de titre.

    10. Allusion aux Umayyades dAndalousie (138/756-422/1031) et la dynastie shite des Idrsides du Maroc (172/789-314/926).