Textes spirituels d’Ibn Taymiyya. Nouvelle série: IX. « Lumière sur lumière… » La valeur de l’inspiration

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  • 8/4/2019 Textes spirituels dIbn Taymiyya. Nouvelle srie: IX. Lumire sur lumire La valeur de linspiration

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    Textes spirituels dIbn Taymiyya. Nouvelle srieIX. Lumire sur lumire La valeur de linspiration

    Lumire sur lumire 1

    Certains pressentiments sont du pch , lit-on dans le Coran2.Quen est-il par contre des pressentiments que Dieu Lui-mme pro- jette dans les curs de Ses Amis, les croyants qui Le craignent ?Contrairement ce que daucuns pourraient penser, Ibn Taymiyyareconnat une certaine valeur de telles inspirations (ilhm). Il abordenotamment ce thme au cours de son commentaire du Fut al-ghaybdu grand matre soufi de Baghdd, Abd al-Qdir al-Jln (m. 561/1166). Ces pages dun intrt particulier pour lexploration de la spi-ritualit du Shaykh de lIslam damascain ont dj fait lobjet dediverses tudes3 mais, notre connaissance, ntaient jusqu prsentaccessibles quen arabe. La traduction qui en est ici propose (texte A)est accompagne de celle dun autre texte taymiyyen relatif au mmesujet (texte B).

    Il convient de sarrter un instant sur les questions de critiquetextuelle souleves par la prsence de plusieurs passages communsdans ces deux textes (rendus en bleu dans les traductions). On savait lecaractre non scientifique de ldition soudienne du Recueil de fetwas (MF) dIbn Taymiyya. Ce que la comparaison des deux textesici traduits met particulirement en lumire est encore plus grave :lignorance totale dans laquelle cette dition nous laisse souventconcernant la nature mme et lauthenticit des crits supposment

    1. Calligraphie de Muthann al-Ubayd (1422/2001) ; voir http://www.rnon.com/vb/showthread.php?t=5269 .2. Coran, al-ujurt- XLIX, 12.

    3. Voir notamment Th. F. MICHEL, Ibn Taymiyyas Shar on theFut al-Ghayb of Abd al-Qdir al-Jln, in Hamdard Islamicus,Karachi, t. IV/2, 1981, p. 3-12 ; p. 8-9. Voir aussi Sh. G. F. H ADDAD, Ibn Taymiyya on Futooh al-Ghayb and Sufism, site web Living Islam - Islamic tradition, 1996, http://www.livingislam.org/n/itaysf_e.html(Sh. Haddad plagie sans vergogne une partie de larticle de Th.Michel) ; H. M. KABBANI, Ibn Taymiyya the Sufi Shaikh, sur internet,http://www.naqshbandi.org/naqshbandi.net/www/haqqani/Islam/Haqqiqa/tasawwuf_taymiyya.html. Voir aussi A. H. I. AL-MATROUDI, Theanbal School of Law and Ibn Taymiyyah: Conflict or conciliation,Londres - New York, Routledge, Culture and Civilization in theMiddle East , 2006, p. 46.

    taymiyyens qui y sont runis. En loccurrence, nous trouvons-nousdevant un brouillon et un propre, ou une bauche et un texte fini, oudevant deux crits conus en des contextes diffrents ? Deux critsgalement issus de la main dIbn Taymiyya ou dicts par lui un deses disciples ? De plus, dans un de ces deux textes ou dans les deux, yeut-il mise au propre, dition ou quelque autre forme dintervention

    rdactionnelle par quelquun dautre quIbn Taymiyya, un auteur plustardif ou un disciple direct, Ibn Rushayyiq (m. 749/1348) par exemple,dont le rle dans la conservation et la mise en circulation des uvresdu Shaykh de lIslam est aujourdhui mieux peru4 ? Autre hypo-thse : un de ces textes, ou tous les deux, seraient-ils des notes decours de disciples ? De telles interrogations se justifient pour la cen-taine de pages du commentaire taymiyyen du Fut al-ghayb5 dont letexte A est extrait comme pour les six pages de propos dIbnTaymiyya constituant le texte B. Dans ltat prsent de ltude ducorpus du Shaykh de lIslam, il est impossible dy apporter desrponses. vrai dire, seule une chose semble claire: du thme delinspiration le texte B offre un traitement plus rapide, ou moinsscolastiquement dtaill que le texte A ; il inclut cependant plusieurslments sans quivalents dans le texte A notamment des adths etdes vers et constitue ainsi, lui aussi, une uvre sui generis. Autre

    conclusion qui simpose, plus gnrale et sans surprise: lditioncritique des fatwas dIbn Taymiyya reste une uvre accomplir.Il y a controverse entre les experts modernes sur la nature et le

    nombre exacts des sources de la Loi, ou des principes de la jurispru-dence, reconnus par Ibn Taymiyya en sus du Coran, de la Traditionprophtique (sunna) et du consensus (ijm)6. Quidde linspiration ?Comme il en a lhabitude tout propos, la rponse du Shaykh delIslam se veut via media entre deux extrmes ; en loccurrence, unengation et une affirmation absolues que linspiration soit une voie dela connaissance religieuse. Il est des situations dincapacit de dter-miner ce que, de deux choses ou actions, la religion prescrit exacte-ment. Si un cur habit par la crainte de Dieu choisit alors unevoie plutt quune autre, ce jugement de prpondrance est valide auregard de la Shara. Ce ne serait pas le cas sil naissait simplementdun choix ou dune volont de lego. Mais justement, il sagit duncur lintention pure et en qute de la vrit, largement indemne dupch, dont la prime nature (fira) non seulement ne sest pas dissoute mais est affermie par la ralit de la foi et clairede la lumire du Coran . Bref, le serviteur croyant nest pas laissseul mais, inspir par Dieu, a un pressentiment (ann), une intuition(wrid), ou une certitude (yaqn) conformes la ralit les faitsontologiques ou les valeurs thiques , sans que dautres aient alors cesavoir en partage. Et Ibn Taymiyya de fonder sa rflexion sur unesrie de textes coraniques ou prophtiques, quil sagisse de cesindividus muaddathn, qui il tait parl dEn-Haut avant lIslam,du savoir dal-Khair incompris de Mose, ou du merveilleux adthquds des actions surrogatoires dans lequel Dieu dclare Se faireloue et la vue de Son bien-aim, quand Il est en son cur , etc.

    Alors mme que de telles vues devraient immanquablement avoir unimpact sur les ul al-fiqh, il est clair que le propos dIbn Taymiyyanest pas confin cette discipline mais vise plus largement

    comprendre et baliser le cheminement des itinrants sur la Voie delIslam. Tout en constituant aussi un fiqh al-shara, ceci invite bienentendu comparer ses ides avec celles de matres soufis. cet

    4. Voir C. BORI, The Collection and Edition of Ibn TaymyasWorks: Concerns of a Disciple, in Mamlk Studies Review, Chicago,XIII/2, 2009, p. 47-67; Ibn Taymiyya wa-Jamatu-hu: Authority,Conflict and Consensus in Ibn Taymiyyas Circle, in Y. RAPOPORT &Sh. AHMED (ds.), Ibn Taymiyya and his Times, Karachi, OxfordUniversity Press, Studies in Islamic Philosophy, IV , 2010, p. 23-52; p. 29-30.

    5. IBN TAYMIYYA,MF, d. IBN QSIM, t. X, p. 455-548.6. Voir A. H. AL-MATROUDI, School, p. 39-40.

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    gard, le contraste entre son interprtation du Verset de la Lumire(al-Nr - XXIV, 35) et celle dal-Ghazldans leMishkt al-anwr servle des plus instructifs. Pour al-Ghazl, la squence niche, verre,olivier, lampe, lumire voque par le Coran est une allgorie de lahirarchie des facults de lme : lesprit sensible, limagination, lacogitative et lintellect, facult potentiellement sainte, prophtique , dont la lumire brille presque delle-mme, au point que [les saints]pourraient presque se dispenser de lassistance des Prophtes [] Etpuisque toutes ces lumires se situent les unes au-dessus des autres,lexpression lumire sur lumire leur est exactement approprie1. Cette interprtation est emprunte Avicenne2. Ibn Taymiyya, quant lui, ne soumet lexpression Lumire sur lumire aucun concor-disme philosophique mais y voit une vocation de la correspondanceentre la lumire de la foi et la lumire du Coran ou, en dautres termes,entre les commandements et prohibitions se prsentant au cur ducroyant et ceux du Coran, les uns se renforant par les autres

    TRADUCTIONS3A. La guidance dune lumire

    Il se peut que, lorsque les preuves [justifiant de faire ceci oucela] squivalent pour lui, un [individu] donne la prpond-rance [ une des deux choses] sur la base de ses simples volont(irda) et choix (ikhtiyr). Donner la prpondrance (tarj) [quelque chose] sur la base dun simple choix, cela nest

    propos par aucun des imms de lIslam mais seulement par ungroupe de thologiens du Kalm. Un groupe de juristes lananmoins aussi propos en ce qui concerne lhomme ducommun (mm) demandant un fetwa : il [lui appartient de]choisir entre deux muftis diffrents ; et cela, tout comme ungroupe des itinrants (slik) [de la voie spirituelle], quand deuxaffaires sont selon eux gales dans la Loi, donnent la prpon-drance [ lune] sur la base de leurs simples gustation (dhawq)et volont ! Donner la prpondrance [ quelque chose] sur labase dune simple volont qui ne sappuie sur aucune affaire desavoir, ni intrieur (bin) ni apparent (hir)4, cela nest [pour-tant] propos par aucun des imms du savoir et de lascse. Lesimms des juristes et des soufis ne proposent pas cela non plus.

    En fait, quiconque permet celui qui fait un effort dinitiativecanonique (mujtahid), ou celui qui suit une autorit (muqal-lid), de donner la prpondrance [ une chose] sur la base deses simples choix et volont est pareil quelquun quiprescrirait litinrant [spirituel] de donner la prpondrance [une chose] sur la base de ses simples volont et gustation.

    Il se peut cependant quon dise [ceci]: quand le cur habitpar la crainte [de Dieu] donne la prpondrance [ quelquechose] sur la base de sa volont, il sagit dun jugement deprpondrance (tarj) de valeur Lgale (shar). Avec cettesupposition5, [la chose] ne relve en effet pas de ce [sujet].Quand quelquun dans le cur de qui prdomine la volont dece que Dieu aime et la dtestation de ce que Dieu hait ne sait

    pas, propos dune chose concrte, [473] si elle est aime deDieu ou hae de Lui et quil voit son cur laimer ou la har, il

    1. AL-GHAZL, Le Tabernacle des Lumires (Michkt Al-Anwr).traduction de larabe et introduction par R. DELADRIRE, Paris, LeSeuil, Sagesses, 81 , 1981, p. 81.

    2. Voir par exemple IBN SN, Al-Ishrt wa l-tanbht, d.S. DUNY, 4 t., Le Caire, Dr al-Marif, Dhakhir al-Arab, 22 ,s. d., t. II, p. 389-391 ; trad. A.-M. G OICHON,Directives, p. 324-326.

    3. IBN TAYMIYYA,MF, d. IBN QSIM, t. X, p. 472, l. 5 - 479, l. 12(A; sigle Fa) ; t. XX, p. 42-47 (B; sigle Fb).

    4. Cest--dire aussi extrieur, visible, accessible tous.5. Cest--dire un cur habit par la crainte de Dieu.

    sagit l, chez lui, dun jugement de prpondrance. Semblable-ment, si quelquun dont la vridicit prdomine sur le caractrementeur linforme de la chose, le jugement de prpondrancefond sur une telle information, en cas de blocage des aspectsselon lesquels il pourrait y avoir jugement de prpondrance,est un jugement de prpondrance de valeur Lgale. En somme,lorsquequelque chose advient grce quoi on pressent quunedes deux affaires [en balance] est plus aime de Dieu et de SonMessager, il sagit l dun jugement de prpondrance sur labase dune preuve (dall) Lgale. Ceux qui ont ni que linspi-ration (ilhm)soit une voie, de manire absolue, ont fait erreur ;de mme quont fait erreur ceux qui en ont fait une voie Lgalede manire absolue.

    Nanmoins, quand litinrant[spirituel] fait un effort dinitia-tive (ijtahada) propos des preuves Lgales apparentes, quilny voit pas de raison de prpondrance et que lui est inspire ce moment-l, son objectif tant bon et lui-mme tant habitpar la crainte [de Dieu], la prpondrance dune des deuxactions [en balance], pour lui linspiration de quelque chose depareil cela est une preuve qui peut tre plus forte quebeaucoup des analogies (qiys) faibles, des adths faibles, des

    apparences faibles et des prsomptions de continuit (istib)6

    faibles avances comme arguments par beaucoup de ceux quisenfoncent dans les [questions de] doctrine (madhhab), lesdivergences [dopinion] et les principes de la jurisprudence.

    Du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! [il estrapport] dans al-Tirmidh, daprs Ab Sad, quil a dit : Craignez la physiognomonie du croyant. Il regarde en effet[les choses] avec la lumire de Dieu7. Ensuite, il lut ces diresdu Trs-Haut : Il y a assurment, en cela, des signes pourceux qui savent observer8. Rapprochez-vous, a dit Umarb. al-Khab, des bouches des obdients, et entendez deux cequils disent. Des affaires [474] vridiques se manifestent(tajall) en effet eux. Ces dires du Dieu Trs-Haut sont

    tablis dans le a : Mon serviteur ne cesse de sapprocherde Moi par les uvres surrogatoires que Je laime. Or, lorsqueJe laime, Je suis son oue par laquelle il entend, sa vue parlaquelle il voit, sa main par laquelle il attrape, son pied parlequel il marche. Par Moi donc il entend et par Moi il voit, parMoi il attrape et par Moi il marche9.

    En outre, Dieu Lou et Trs-Haut est-Il ! a prdispos(faara) Ses serviteurs selon la religion primordiale (anfiyya), savoir lamour de ce qui est convenable et la dtestation de cequi est rprhensible. Quand la prime nature (fira)10 nest pasdissoute, les curs sont prdisposs selon la ralit. Quand laprime nature est affermie par la ralit de la foi, claire de lalumire du Coran, que la force probatoire des preuves de nature

    6. Listib, cest--dire lattitude juridique qui consiste entri-ner le statu quo tant quon na pas de preuve tangible dun change-ment (A. W. KHALLF, Les fondements du droit musulman - Ilmouol al-fiqh. Traduit de larabe par Cl. DABBAK, A. GODIN etM. LABIDI MAIZA, Paris, al-Qalam, 1997, p. 131-134).

    7. Voir AL-TIRMIDH, Sunan, Tafsr (d. UTHMN, t. IV, p. 360-361,n 5133).

    8. Coran, al-ijr - XV, 75.9. Sur ce adth quds des actes surrogatoires, voir Y. MICHOT,

    Textes spirituels, N.S. III, p. 11, n. 8.10. Sur la fira et sa possible occultation, voir les pages taymiy-

    yennes traduites in Y. MICHOT, Textes XVI, p. 22-23.

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    traditionnelle (sam), apparentes, lui est cache et que soncur est davis de donner la prpondrance une des deuxaffaires [en balance], ceci est, en pareil cas, dentre lesindications (amra) les plus fortes. Cest que Dieu a enseignle Coran et la foi. Le Dieu Trs-Haut a dit : Il nappartient pas un humain que Dieu lui parle, sinon par rvlation ou dederrire un voile, ou Il envoie un messager, lequel rvle, avecSon autorisation, ce quIl veut. Il est Haut, Sage1. Il ditensuite : Ainsi tavons-Nous rvl un esprit, participant deNotre commandement, alors que tu ne savais ce quest le Livre,non plus que la foi. Mais Nous en avons fait une lumire parlaquelle Nous guidons qui Nous voulons dentre Nosserviteurs2. Jundub b. Abd Allh3 et Abd Allh b. Umaront dit : Nous avons appris la foi. Ensuite, nous avons apprisle Coran et nous avons cr en foi.

    Dans les deux as, [il est rapport] du Prophte Dieuprie sur lui et lui donne la paix ! , daprs udhayfa [b. al-Yamn], quil a dit : Dieu a fait descendre la loyaut (amna)jusquen la racine des curs des hommes. Ils ont ensuite appris partir du Coran, puis ils ont appris partir de la Sunna4 ! [On trouve] dans al-Tirmidhet dautres [recueils de traditions]

    ce adth dal-Nawws5

    selon lequel le Prophte Dieu priesur lui [475] et lui donne la paix ! a dit : Dieu proposelimage suivante : une voie droite des deux cts de cettevoie deux murs dans ces deux murs des portes ouvertes surces portes des tentures abaisses Un hraut interpelle [lesgens] au dbut de la voie et un hraut [les] interpelle den hautde la voie La voie droite est lIslam. Les tentures sont leslimites (add) [mises par] Dieu. Les portes ouvertes sont lesprohibitions de Dieu. Quand le serviteur veut ouvrir une de cesportes, le hraut linterpelle peu prs comme ceci : serviteur de Dieu, ne louvre pas ! Si tu louvres, tu y pn-treras en effet. Le hraut au dbut de la voie est le Livre deDieu et le hraut en haut de la voie est le prdicateur (wi) de

    Dieu dans le cur de tout croyant6. [Le Prophte] a renduclair quil y a un exhortateur dans le cur de tout croyant, [cet]exhortateur tant lescommandements et les prohibitions, de parle fait de susciter le dsir et deffrayer.

    Ces commandements et prohibitions qui tombent dans lecur du croyant correspondent aux commandements du Coranet ses prohibitions et, de ce fait, les uns se renforcent par lesautres, ainsi que le Trs-Haut la dit : Lumire sur lumire7 .De ce verset, un des Anciens (salaf) a dit: Il sagit ducroyant : il nonce la sagesse alors mme que, son sujet, il napas entendu de source canonique (athar). Et si, son sujet, il aentendu une source canonique, cest lumire sur lumire. Il ya correspondance entre la lumire de la foi qui est dans son

    1. Coran, al-Zukhruf- XLII, 51. Ibn Taymiyya ne cite pas la fin dece verset mais crit seulement etc. (al-ya).

    2. Coran, al-Zukhruf- XLII, 52.3.Jundub b. Abd Allh al-Bajal, Compagnon ; voir IBN AL-ATHR,

    Usd, t. I, p. 304-305.4. Voir AL-BUKHR, a, Riqq (Boulaq, t. VIII, p. 104) ;

    MUSLIM, a,mn (Constantinople, t. I, p. 88).5. Al-Nawws b. Simn al-Kilb l-Anr, Compagnon ; voir IBN

    AL-ATHR, Usd, t. V, p. 45.6. Voir AL-TIRMIDH, Sunan, Amthl (d. UTHMN, t. IV, p. 222,

    n 3019) ; IBN ANBAL,Musnad(Boulaq, t. IV, p. 182-183).7. Coran, al-Nr - XXIV, 35.

    curet la lumire du Coran, tout comme il y a correspondanceentre la balance intellectuelle et le Livre que [Dieu] a faitdescendre. Dieu a en effet fait descendre le Livre et la Balancepour que les hommes se dressent avec lquit (qis)8.

    Il se peut que, au serviteur, un des deux soit donn et paslautre. Ainsi, dans les deux as, [il est rapport] duProphte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! , daprsAb Ms al-Ashar, quil a dit : Le croyant qui lit le Coranest limage du citron (utrujja) : son got est bon et son odeurest bonne.[476] Le croyant qui ne lit pas le Coran est limagede la datte (tamra) : son got est bon et elle na pas dodeur.Lhypocrite qui lit le Coran est limage du myrte (rayna) :son odeur est bonne et son got est amer. Lhypocrite qui ne litpas le Coran est limage de la coloquinte (anala) : elle napas dodeur et son got est amer9.

    Linspiration, dans le cur, relve tantt du genre du dire etdu savoir, du pressentiment (ann) et de la croyance, tantt dugenre de laction et de lamour, de la volont et de la qute.Dans le cur du [serviteur] peut tomber [le pressentiment] quetel dire a plus de prpondrance, est plus vraisemblable et estplus correct. Son cur penche donc vers une des deux affaires

    et non vers lautre. Du Prophte Dieu prie sur lui et lui donnela paix ! [il est rapport] dans les deux as quil a dit : Dans les communauts [venues] avant vous, il y eut des gens qui il fut parl (muaddath). Sil y en avait un dans macommunaut, ce serait Umar10. Quelquun qui il estparl , cest quelquun qui est inspir (mulham), qui une[parole] est adresse (mukhab). Se rapportant quelque chosede pareil ceci il y a aussi ces dires du Prophte Dieu prie surlui et lui donne la paix ! dans le adth de Wbia11 : Lapit est ce en quoi lme trouve la srnit et le cur le repos.Le pch est quelque chose de tiss en ton me, quand bienmme les gens te donnent leur avis et tcartent [de lui] ceadth est dans les Sunan12. Dans le a de Muslim, [il est

    rapport] du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! selon al-Nawws, quil a dit : La pit, cest tre de bonnesmurs (usn al-khuluq), et le pch quelque chose de tiss enton me et dont tu harais que les gens soient instruits13. Le pch, a dit Ibn Masd14, est la blessure des curs. En outre, si les affaires ontologiques15 peuvent se dcouvrir

    au serviteur croyant quil sagisse dune certitude ou dunpressentiment , ainsi en va-t-il aussi des affaires religieuses, afortiori. Il a en effet un plus grand besoin de les dcouvrir.

    8. Voir Coran, al-Nis - IV, 135.9. Voir AL-BUKHR, a, Fail al-Qurn (Boulaq, t. VI,

    p. 198) ; MUSLIM, a,Musfirn(Constantinople, t. II, p.194) ; AL-TIRMIDH, Sunan,Amthl(d. UTHMN, t. IV, p. 227, n 3025).

    10. Voir AL-BUKHR, a, Manqib (Boulaq, t. V, p. 12) ;MUSLIM, a, Fail al-aba(Constantinople, t. VII, p. 115).

    11. Wbia b. Mabad al-Asad (m. al-Raqqa), Compagnon ; voirIBN AL-ATHR, Usd, t. V, p. 45.

    12. Voir AL-DRIM, Sunan, Buy (t. II, p. 246) ; IBN ANBAL,Musnad(Boulaq, t. IV, p. 227, 228).

    13. Voir MUSLIM, a,Birr (Constantinople, t. VIII, p. 7).14. Abd Allh b. Masd, clbre Compagnon du Prophte et

    lecteur du Coran (m. 32/652); voir J.-C. VADET,EI2, art.Ibn Masd.15. Cest--dire les affaires relevant du pouvoir crateur de Dieu,

    non pas de Sa volont thique, rvle aux Prophtes; voir IBNTAYMIYYA,MF, trad. MICHOT, Textes II.

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    Certes, la plupart [du temps], il faut immanquablement quunetelle dcouverte se fasse grce une preuve [mais] il se peutque ce soit [477] grce une preuve jaillie (inqadaa) dans lecur du croyant et quil ne lui est pas possible dexprimer. Ceciest une des interprtations qui ont t donnes du concept(man) de choix prfrentiel (istisn)1.

    Ceux qui ont attaqu cela, tels Ab mid [al-Ghazl] etAb Muammad2, ont dit que ce qui ne sexprime pas est de lafantaisie (hawas). Il nen est pas ainsi. En effet, il nest paspossible tout un chacun dexposer clairement les ides qui setrouvent en son cur et beaucoup de gens les exposent avec unmanque de clart. Dans le cur de beaucoup de gens de ladcouverte [spirituelle] (kashf) est jet [le pressentiment] quetel aliment est prohib (arm) ou que tel homme est unmcrant, ou un pervers, sans preuve apparente. linverse,dans leur cur peut aussi tre jet lamour dune personneainsique [le pressentiment] quelle est un Ami de Dieu ou que telargent est licite.

    Ce qui est vis ici, ce nest pas dexposer que ceci seul estune preuve des jugements Lgaux mais que quelque chose depareil cela sera un jugement de prpondrance pour qui

    recherche la vrit (aqq) quand, pour lui, les preuves de naturetraditionnelle (sam), apparentes, squivalent. Fonder sur celaun jugement de prpondrance vaut mieux que considrergales lune lautre deux affaires contradictoires, premp-toirement. Les considrer gales lune lautre est vain,premptoirement. Ainsi avons-nous dit quagir sur la base dunpressentiment naissant de quelque chose dapparent ou duneanalogie vaut mieux quagir sur la base de son contraire quandil est besoin dagir sur la base de lun des deux. La positioncorrecte adopte par les Anciens et la majorit (jumhr) [dessavants] est quil faut immanquablement quil y ait une preuveLgale en tout ce qui advient. Il nest donc pas permis quil yait quivalence des preuves en laffaire mme. Elles peuvent

    nanmoins squivaloir pour lexaminateur du fait que le jugement de prpondrance [ porter leur propos] ne luiapparat pas.

    En laffaire mme, disent certains, il ny a pas de vritconcrte. Bien plutt, chaque personne faisant un effortdinitiative canonique (mujtahid) connat la vrit intrieure la question alors quaucun des deux [lments en balance] na

    1. Listisn est un procd juridique qui consiste, sur la basedune analyse rationnelle, soit abandonner un rsultat vident duraisonnement analogique (qiys) en faveur dun rsultat moins vident,mais plus appropri au contexte, soit faire une exception uneprescription gnrale (A. W. KHALLF, Fondements, p. 113) ; voir

    aussi R. PARET, EI2, art. istisn ET istil ; G. MAKDISI, IbnTaimyas Autograph Manuscript on Istisn: Materials for the Studyof Islamic Legal Thought, in G. MAKDISI (d.), Arabic and IslamicStudies in Honor of Hamilton A. R. Gibb, Leyde, E. J. Brill, 1965,p. 446-479 ; p. 446. Dans cet crit dIbn Taymiyya, nulle rfrencenest faite ni linspiration (ilhm), ni al-Ghazl et Ibn azm. Leprsent texte se situant au croisement des ul al-fiqh et de la mystiqueconstitue un important lment verser au dossier de la conceptiontaymiyyenne de listisn.

    2. Vraisemblablement Ab Muammad Al b. Amad Ibn azm(Cordoue, 384/994 - Manta Lsham, 456/1064), le fameux pote,historien, philosophe, thologien et juriste hirite andalou ; voirR. ARNALDEZ,EI2, art.Ibn azm.

    de supriorit par rapport lautre, sagissant de savoir etdaction. Ceux qui parlent ainsi, [478] ou certains dentre eux,peuvent donc permettre lquivalence des preuves et rendreobligatoire de choisir la meilleure des deux choses qui pour-raient tre dites. Il ny a pas de preuve du pressentiment enlaffaire mme , disent aussi ces gens : La prpondrancedune des deux choses qui pourraient tre dites relve seule-ment de la prpondrance sur la base de linclination et de lavolont, linstar de lme en colre donnant la prpondrance la vengeance et de lme indulgente la donnant labso-lution.

    Croyants en prire autour de la Kaba3Dire cela est erron. En laffaire mme il faut en effet quil y

    ait immanquablement une vrit concrte que lindividu enqute dune preuve atteint parfois tandis que, une autre fois, ilfait erreur son propos. [Il en va] comme de la Kaba parrapport quelquun pour qui la direction de la Mecque (qibla)

    est incertaine. Quand celui qui fait un effort dinitiativecanonique (mujtahid) [ ce sujet] est amen, par son effortdinitiative canonique (ijtihd), prier dans une direction[particulire], lobligation de prier tombe pour lui de par le faitdavoir pri dans cette [direction. Il en va] semblablement pourcelui qui fait un effort dinitiative canonique (mujtahid) quandil est amen, par son effort dinitiative canonique (ijtihd), dire [quelque chose] et quil met en uvre ce que [dire] celaimplique ncessairement. Chacun des deux [individus priantselon des qiblas diffrentes sur la base de leur effort dinitiativecanonique] est en train dobir Dieu et fait mouche (mub) ence sens quil est en train dobir Dieu et aura pour cela unercompense ; [chacun des deux] nest pas en train de faire

    mouche en ce sens quil connatrait la vrit concrte [au sujetde la qibla]. Cette [vrit concrte] nest en effet quune seuleet mme [vrit] et celui qui fait mouche son propos auradeux rcompenses. Voil pour la dcouverte des espces [dechoses] pour lesquelles une preuve Lgale existe mais peut trecache au serviteur.

    Le Lgislateur a rendu clairs les jugements universels [de lareligion]. Quant aux jugements concernant les choses concrtes ce quon appelle le passage en revue des raisons possibles

    3. Fresque anonyme de maison de plerin de La Mecque, Le Caire(Photo : Y. Michot, 1979).

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    dun statut (tanq al-man)1 , [cest] par exemple [exa-miner] si un individu concret est un juste ou un pervers, uncroyant ou un hypocrite, un Ami de Dieu ou un ennemi de Lui,si tel [individu] concret est un ennemi des Musulmans mritantdtre tu, si ce terrain appartient un orphelin ou un indigentmritant la bienveillance, si linjustice dun injuste est craindre pour cet argent, le propritaire de celui-ci trouvant unavantage ce que cet injuste y renonce De telles [479] affairesne doivent pas ncessairement sapprendre sur la base depreuves Lgales gnrales, universelles. Elles sapprennentbien plutt sur la base de preuves spcifiques (kh) qui lesprouvent.

    Parmi les voies [menant ] cela, il y a linspiration. Dieu peuten effet inspirer lun de Ses serviteurs la situation (l)[canonique) de cet argent concret et la situation [canonique] decet individu concret, mme sil ny a pas l de preuve apparenteque dautres auraient en partage avec lui [de connatre].Lhistoire de Mose avec al-Khair2relve de ce sujet. Il ny arien qui y aille lencontre de la Loi du Dieu Trs-Haut. Ilnest en effet jamais permis personne, ni un Prophte, ni un Ami (wal), daller lencontre de la Loi de Dieu. En cette

    [histoire] est cependant [voque la possibilit] de connatre lasituation de telle [chose] concrte pour une raison intrieure eugard laquelle la Loi rend obligatoire ce qual-Khair fit. [Ilsagit] par exemple de quelquun qui rentre dans une maison ety prend ce qui sy trouve comme argent en sachant que sonpropritaire lui en a donn lautorisation, alors que dautres nele savent pas. [Autre] exemple : quelquun qui voit une btegare et lemmne, alors quil ne la connat pas, parce quilsait quil a t amen vers elle comme vers un cadeau lui[destin], etc. Il est de nombreux exemples de telles choseschez les gens de linspiration authentique (ilhm a)3.

    1. Terme technique des principes de la jurisprudence (ul al-fiqh)rfrant ltape de leffort dinitiative canonique (ijtihd) prcdanten quelque sorte lidentification, lextraction , de la raison (takhrjal-man) du statut canonique licite, prohib, etc. dune chose.

    2. Nom traditionnel du guide rencontr, suivant le Coran (al-Kahf -XVIII, 60-82), par Mose et qui, aprs avoir commis plusieurs actesapparemment rprhensibles, en expliqua les raisons au Prophteimpatient ; voir A. J. WENSINCK, EI2, art. al-Khair ; IBN TAYMIYYA,MF, trad. MICHOT,Musique, p. 137-139.

    3. Les adeptes de la vrit (ahl al-aqq) parmi les gens de lagustation (dhawq) et de lextase (wajd), du dcouvrement (mukshafa)et de la conversation (mukhaba) [spirituels] ont des inspirationsauthentiques (ilhm a), conformes [ la vrit]. Du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! [il est rapport] dans les deuxas quil a dit : Dans les communauts [venues] avant vous, il yeut des gens qui il fut parl (muaddath). Sil y en avait un dans ma

    communaut, ce serait Umar. Et Umar de dire : Rapprochez-vousdes bouches des obdients, et entendez deux ce quils disent. Desaffaires vridiques se manifestent (tajall) en effet eux [69 Lesgens] disaient que la Sakna parlait par la langue de Umar Dieu soitsatisfait de lui. [Le Prophte] Dieu prie sur lui et lui donne lapaix ! a dit : Quelquun qui demande tre cadi et se fait aider cepropos, cette charge lui est confie. Quelquun qui ne demande pas ltre et ne se fait pas aider ce propos, Dieu fait descendre sur lui unange qui le guide dans la bonne direction.* Le Dieu Trs-Haut a dit : Lumire sur lumire la lumire de la foi avec la lumire duCoran. Le Trs-Haut a aussi dit : Est-ce que celui qui se fonde surune vidence [provenant] de son Seigneur, et que suit (yatl-hu) untmoin [venant] de Lui ?** Lui, le croyant, se fonde sur unevidence [provenant] de son Seigneur, et un tmoin [venant] de Lui le

    B. Une lampe brillant dans le curQuand, a aussi dit le Shaykh de lIslam, le cur habit par la

    crainte [de Dieu] donne la prpondrance [ quelque chose] surla base de sa simple opinion (ray), il sagit dun jugement deprpondrance (tarj) de valeur Lgale (shar). Lorsque, a-t-ildit, [une ide] arrive quelquun et quen son cur quelquechose advient grce quoi il pressent4 que cette affaire ou cespropos sont plus agrables Dieuet Son Messager, il sagit ldun jugement de prpondrance sur la base dune preuve(dall) Lgale. Ceux qui ont ni que linspiration (ilhm) nest

    suit (tabia), savoir le Coran. Dieu tmoigne, dans le Coran, dequelque chose de pareil ce sur quoi le croyant se fonde, sagissant delvidence de la foi.

    Ceci est dentre les choses que les plus perspicaces des spculatifs(nir) affirment quand ils parlent de lobligation de spculer, dobte-nir par l le savoir, et quil leur est dit quaux adeptes de la purification(tafiya) et de lexercice (riya) [spirituels], de ladoration (ibda) etde la dvotion Dieu (taalluh), des connaissances et des savoirscertains arrivent sans spculation. Ainsi le shaykh surnomm al-Kabr rpondit-il Oui ! quand al-Rz et son compagnon luidirent : shaykh, il nous a t communiqu que tu sais [la vrit],du savoir de la certitude (ilm al-yaqn) ! Tous deux lui dirent alors :

    Comment as-tu ce savoir alors que nous, nous spculons lun aveclautre, [70] longtemps, et chaque fois quil mentionne quelque chose, jen montre le caractre corrompu, chaque fois que je mentionnequelque chose, il en montre le caractre corrompu ? Il sagit, dit[le shaykh], dintuitions (wrid) qui surviennent aux mes et que lesmes sont incapables de repousser. Tous deux commencrent smerveiller de cela et rpter ce qui avait t dit. Lun deuxchercha ce que ces intuitions lui arrivent et le shaykh lui donna unenseignement et lduqua jusquau moment o elles lui arrivrent. Iltait dentre les Mutazilites niant [les attributs divins]. Il devint clairpour lui que la vrit est avec les adeptes de laffirmation [des attributsdivins] et que Dieu Lou est-Il ! est au-dessus de Ses cieux. Il sutcela par ncessit (bi-l-arra).

    Jai vu ce rcit dans un autographe du cadi Najm al-Dn Amad b.Muammad b. Khalaf al-Maqdismentionnant que le shaykh al-Kabr

    le lui avait racont. Plus dune personne me lavaient par ailleursrapport de lui avant que je le voie dans un autographe de lui. Il est denombreux propos des shaykhs sur un pareil sujet. Cette qualification [ par ncessit ] mentionne par le shaykh fut une rponse [quiladressa] ces [spculatifs] en fonction de ce quils connaissaient. [Lesspculatifs] divisent en effet le savoir en ncessaire (arr) et enspculatif (naar), le [savoir] spculatif se fondant sur le ncessaire.Le [savoir] ncessaire est le savoir qui colle (lazima) lme de lacrature dune manire telle quil ne lui est pas possible, dans ce cas,den tre disjointe. Ceci est la dfinition du cadi Ab Bakr b. al-ayyib et dautres. La spcificit du [savoir ncessaire] est quil colle lme dune manire telle quil nest pas possible, dans ce cas, de lerepousser. [Le shaykh al-Kabr] dit en fait aux [deux spculatifs] : Le savoir de la certitude, chez nous, est de ce genre. Cest un savoirqui colle lme dune manire telle quil ne lui est pas possible, en ce

    cas, den tre disjointe. Il parla aussi d intuitions (wrid) parceque, avec [ce] savoir, une srnit et une Sakna arrivent qui obligentde le mettre en pratique. Les intuitions arrivent de cette manire-ci etde cette manire-l, et ceci a t affirm par beaucoup des plusperspicaces des spculatifs, quils soient antrieurs comme [Al b.Muammad] al-Kiy al-Harrs [m. 504/1110], [Ab mid] al-Ghazl [71] et dautres, ou postrieurs comme [Fakhr al-Dn] al-Rzet [Alb. AlSayf al-Dn] al-mid[m. 631/1233]. Nous, dirent-ilsen effet, nous ne nions pas qu certaines gens arrive un savoirncessaire de ce qui nous arrive par la spculation. Cela, nous ne lerepoussons pas (IBN TAYMIYYA, MF, t. XIII, p. 68-71). * Voir ABDAD, Sunan, Aqiya (d. ABD AL-AMD, t. III, p. 300, n 3578) ;IBN ANBAL,Musnad(Boulaq, t. III, p. 220). ** Coran, Hd- XI, 17.

    4. yuannu Fa : baana Fb

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    pas une voie menant aux ralits (aqiq)1, absolument, ontfait erreur. Quand le serviteur fait un effort dinitiative(ijtahada) dans son obissance et sa crainte de Dieu, lejugement de prpondrance quil porte sur ce quoi il donne laprpondrance est plus fort que beaucoup de preuves faibles.Pour lui, linspiration de quelque chose de pareil cela est unepreuve et elle est plus forte que beaucoup des analogies (qiys)faibles et illusoires, des apparences et des multiples prsomp-tions de continuit (istib) avances comme arguments parbeaucoup de ceux qui senfoncent dans les [questions de] doc-trines (madhhab), les divergences [dopinion] et les principesde la jurisprudence.

    Approchez-vous, a dit Umar b. al-Khab, des bouches desobdients, et entendez deux ce quils disent. Des affairesvridiques se manifestent (tajall) en effet eux. [Il y a aussi]le adth de Makl2 remontant au Prophte (marf) : Unserviteur ne consacre pas son adoration au Dieu Trs-hautdurant quarante jours sans que Dieu fasse scouler la sagessesur son cur et fasse que sa langue en parle 3. Dans une autreversion, [on lit aussi] sans que les sources de la sagessenapparaissent de son cur sur sa langue4. Quand les

    curs, a dit Ab Sulaymn al-Drn5

    , se joignent les uns auxautres [43] dans la crainte [de Dieu], ils voluent dans leRoyaume [divin] (malakt) et reviennent vers leurs propri-taires avec une part des choses utiles, vers lesquelles un savantnest pas men par son savoir.

    Le Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! a dit : La prire est lumire ; laumne, marque (burhn) [de la foi] ;la patience, lueur clatante6. Celui qui a avec lui une lumire,une marque et une lueur clatante, comment ne connatrait-ilpas les ralits des choses partir de la senteur (faw) desparoles de leurs auteurs, surtout les propos (adth) proph-tiques ? Il en aura assurment une connaissance complte, tantdonn quil a pour objectif de les mettre en pratique. Chez lui,

    ces choses samplifient en effet avec son obissance (imtithl)et son amour (maabba) de Dieu et de Son Messager. Cest tel point que lamoureux sait, partir de la senteur des parolesde son bien-aim, ce que celui-ci veut de lui, par allusion(talw), pas par dclaration explicite (tar).La sentinelle sait, daprs les yeux de celui qui sadresse

    elle,

    Sil sagit de quelquun de son parti ou dentre ses ennemis.

    Lillumination de lintelligence se dcouvre quand le

    caprice obit.

    1. Cette phrase est mal conue et le texte en est peut-tre corrompuLe sens en est videmment : Ceux qui ont ni que linspiration(ilhm) soit une voie menant aux ralits, absolument, ont fait erreur

    2. Client (mawl) du Prophte ; voir IBN AL-ATHR, Usd, t. IV,p. 412.

    3. Tradition inauthentique selon IBN AL-JAWZ, al-Mawt, d.N. D. BYJLR, 4 t., Riy, Maktabat Aw al-Salaf, 1418/1997 ;t. III, p. 387, n 1629.

    4. Tradition inauthentique selon IBN AL-JAWZ, Mawt, t. III,p. 387, n 1628 ; p. 388, n 1630.

    5. Ab Sulaymn Abd al-Ramn b. Aiyah al-Drn (m. 215/830), soufi de Syrie rattach lcole de Bara ; voir L. MASSIGNON,Essai, p. 219-222.

    6. Voir MUSLIM, a, ahra (Constantinople, t. I, p. 140) ; IBNANBAL (Boulaq,Musnad, t. V, p. 343).

    Lintelligence de qui dsobit au caprice augmente en

    luminosit7.

    [On lit] aussi, dans ce adth authentique : Mon serviteur necesse de sapprocher de Moi par les uvres surrogatoires queJe laime. Or, lorsque Je laime, Je suis son oue par laquelle ilentend, sa vue par laquelle il voit, sa main par laquelle ilattrape, son pied par lequel il marche. Celui pour qui lesoutien de Dieu est tel, comment ne possderait-il pas unevision pntrante et une me agente ? Si, [44] dans les poitrinesdes cratures, il y a hsitation et atermoiement entre le pch etla pit, comment sera ltat de quelquun dont Dieu est loueet la vue, alors quIl est en son cur ? Le pch, a dit IbnMasd, blesse les curs. Nous lavons aussi dit prcdem-ment, le mensonge est suspicion et la vridicit srnit. Dansdes paroles vridiques lme trouve la srnit et le cur trouvela srnit.

    En outre, Dieu a prdispos (faara) Ses serviteurs selon laralit (aqq). Quand la prime nature (fira) nest pas dissoute,elle contemple les choses telles quelles sont, elle rprouve cequi pour elle est rprhensible (munkar) et reconnat ce quipour elle est convenable (marf). La ralit, a dit Umar, est

    resplendissante. Elle ne se cache pas un homme perspicace(fain). Quand la prime nature [demeure] droite, [prdispose]selon la ralit, et quelle est claire de la lumire du Coran,les choses se manifestent elle telles quelles sont, avec cesqualits insignes, et les tnbres des ignorances endisparaissent. Elle voit donc les affaires clairement, tout entant absente aux autres [choses].

    Du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! [il estrapport] dans le Sunan, le Musnad et dautres [recueils detraditions], daprs al-Nawws b. Simn, quil a dit : Dieupropose limage suivante : une voie droite des deux cts decette voie deux murs dans ces deux murs des portesouvertes sur ces portes des tentures abaisses Un hraut

    interpelle [les gens] au dbut de la voie et un hraut [les]interpelle den haut de la voie La voie droite est lIslam. Lestentures abaisses sont les limites (add) [mises par] Dieu. Lesportes ouvertes sont les prohibitions de Dieu. Quand leserviteur veut ouvrir une de ces portes, le hraut linterpelle : serviteur de Dieu, ne louvre pas ! Si tu louvres, tu ypntreras en effet. Le hraut au [45] dbut de la voie est leLivre de Dieu et le hraut en haut de la voie est le prdicateur(wi) de Dieu dans le cur de tout croyant. Dans ce adthsublime, qui est tel que celui qui le connat en tire un profondprofit si le soutien [divin] lassiste, et se passe grce lui demaintes sciences, [le Prophte] a rendu clair quil y a unexhortateur dans le cur de tout croyant, [son] exhortationtant les commandements et les prohibitions, et [consistant] susciter le dsir et effrayer.

    Quand le cur est habit par la crainte [de Dieu], les affaireslui sont manifestes et elles se dcouvrent, loppos du curen ruine, entnbr. Dans le cur du croyant, a dit udhayfab. al-Yamn, il y a une lampe qui brille. [On lit par ailleurs],dans ce adth authentique : Entre les deux yeux de lImpos-

    7. Vers bas. Il ne ma pas t possible didentifier lauteur de cesvers. en juger par leur frquente citation sur linternet, les deuxpremiers semblent encore appartenir la culture gnrale dans lemonde arabe.

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    teur (al-dajjl)1 il est crit Mcrant (kfir) dune faon lisiblepour tout croyant [sachant] lire et ne [sachant] pas lire2. Il adonc indiqu que pour le croyant des choses deviennent clairesqui ne le deviennent pas pour dautres que lui, surtout dans les[cas de] sduction (fitna)3, et qu lui se dcouvre ltat delArchimenteur, de lArchifabulateur (wa) sen prenant Dieu et Son Messager. LImposteur est en effet la plusmenteuse des cratures de Dieu, alors mme que Dieu laisserase produire, par ses deux mains, des affaires terrifiantes et deschoses exceptionnelles, renversantes, avec la consquence quequiconque le verra sera sduit par lui. Au croyant, Dieudivulguera alors la [vritable nature de ces choses], si bien quilralisera4 quelles sont mensongres et vaines.

    LImposteur (al-dajjl)5Chaque fois que la foi est forte dans le cur, le dcouvrement

    (inkishf) des choses se renforce pour lui et il sait distinguer lesralits des [choses] vaines. Chaque fois que la foi est faible, ladcouverte est faible. Il en va linstar dune lampe puissanteet dune lampe faible dans une maison obscure. Voil pourquoi,au sujet des dires [du Trs-Haut] Lumire sur lumire , undes Anciens (salaf) a dit : Il sagit du croyant : il nonce lasagesse qui correspond au rel alors mme que, son sujet, ilna pas entendu de source canonique (athar). Et si, son sujet,il a entendu une source canonique, cest lumire [46] surlumire. Il y a donc correspondance entre la foi qui est dans le

    1. Absent du Coran, al-Dajjl est un personnage central des rcitsapocalyptiques musulmans, en loccurrence fortement marqus par leslgendaires judo-chrtiens ; voir A. ABEL, EI2, art. al-Dadjdjl. Voiraussi Y. Y. HADDAD & J. I. SMITH, The Anti-Christ and the End ofTime in Christian and Muslim Eschatological Literature, in The Muslim World, 100/4, Hartford, Oct. 2010, p. 505-529 ; particulire-ment les portraits modernes de lImposteur, figs. 6, 9, 10.

    2. Voir AL-BUKHR, a, Fitan (Boulaq, t. IX, p. 60) ; MUSLIM,a, Fitan (Constantinople, t. VIII, p. 193); IBN ANBAL, Musnad(Boulaq, t. I, p. 176).

    3. Fitna signifie aussi troubles , dissensions . La plus gravedes impostures, ce sera la sduction (fitna) [exerce par] le grand

    Imposteur que Jsus, le fils de Marie, tuera. DAdam jusquau lever delHeure, Dieu naura rien cr de plus grave que la sduction quil[exercera]. Il a ordonn aux Musulmans de chercher dans leurs priresun refuge contre sa sduction. Il est tabli quil dira au ciel Pleus ! et quil pleuvra, la terre Germe ! et quelle germera. Il tuera unhomme croyant puis lui dira Lve-toi ! et il se relvera. Je suiston Seigneur ! dira-t-il. Tu mens ! lui dira [le croyant], tu es leBorgne, lArchimenteur, au sujet de qui le Messager de Dieu Dieuprie sur lui et lui donne la paix ! nous a informs. Par Dieu ! Je nenai que plus de clairvoyance ton propos ! (IBN TAYMIYYA, MF,t. XXXV, p. 118).

    4. Littr. croira .5. Gravure inIbn Tj al-Dn ASTARBD, Tufat al-Majlis, Tabrz,

    1278[/1861], p. 279.

    cur du croyant et la lumire du Coran.Linspiration du cur relve tantt du genre du dire et du

    savoir, du pressentiment (ann) et de la croyance, tantt dugenre de laction et de lamour, de la volont et de la qute.Dans le [cur] peut tomber [le pressentiment]6 que tel dire estmensonge et que telle action est vaine, que ceci a plus deprpondrance que cela ou que ceci est plus correct. DuProphte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! [il estrapport] dans le a quil a dit : Dans les communauts[venues] avant vous, il y eut des gens qui il fut parl(muaddath). Sil y en avait un dans ma communaut, ce seraitUmar. Quelquun qui il est parl , cest quelquun quiest inspir (mulham), qui une [parole] est adresse(mukhab) en son tre secret (sirr). Umar ne dit pas dunechose Jai le pressentiment quelle [est] ainsi et ainsi sansquelle soit ainsi quil lavait pressenti. [Les gens]considraient que la Sakna7 parlait par son cur et sa langue.

    En outre, si les affaires ontologiques peuvent se dcouvrir auserviteur croyant du fait de la force de sa foi quil sagissedune certitude ou dun pressentiment , la dcouverte desaffaires religieuses sera pour lui, a fortiori, encore plus aise. Il

    a en effet un plus grand besoin de les dcouvrir. Dans le curdu croyant tombent, concernant les choses, des preuves (dall)que, pour la plupart, il ne lui est pas possible dexprimer. Ilnest en effet pas possible tout un chacun dexposer claire-ment les ides qui se trouvent en son cur. Quand un menteurparle devant un vridique, celui-ci sait quil ment [du simplefait] de la senteur de ses propos. La dignit accompagnant lapudeur de la foi sempare de lui et lempche dtre clair. Enlui-mme il se mfie cependant de ce [menteur]. Peut-tre aussifait-il une allusion la chose, ou une dclaration explicite, parpeur de Dieu et piti pour les cratures de Dieu, afin quelles semfient de ce quil relate ou de le mettre en pratique. [47]

    Beaucoup de gens de la foi et de la dcouverte [spirituelle]

    (kashf), Dieu jette dans leur cur [le pressentiment] que telaliment est prohib (arm) et que tel homme est un mcrant,ou un pervers, ou un entremetteur (dayyth), ou un homosexuel(l), ou un cabaretier (khammr), ou un chanteur (mughann),ou un menteur. [Ceci se fait] sans preuve apparente ou, bienplutt, grce ce que Dieu jette en leur cur.

    Idem pour linverse: [Dieu] jette dans leur cur de lamourpour une personne, ainsi que [le pressentiment] quelle estdentre les Amis de Dieu, que tel homme est vertueux, que telaliment est licite (all) et que tel propos est vridique Ceciet de pareilles choses, il nest pas permis de les trouver invrai-semblables en ce qui concerne les Amis de Dieu les croyants,qui Le craignent. Lhistoire dal-Khair avec Mose relve dece sujet. Al-Khair avait connaissance de ces situations con-crtes du fait de ce propos de quoi Dieu lavait instruit.

    Ceci est un vaste sujet sur lequel il serait long de stendre.Nous y avons attir lattention sur de nobles points, qui tins-truiront concernant ce qui [se dissimule] derrire eux.

    Yahya M. MICHOT (Hartford, Muarram 1432 - dcembre 2010)

    6. wa l-itiqd wa tratan yaknu min jins al-amal wa l-ubb wa l-irda wa l-alab fa-qad yaqau f[-hi] + Fa : wa l-ann Fb

    7. Sur la Sakna, Prsence , Quitude accordes par Dieu auxcroyants, notamment lors de combats, voir Coran, al-Tawba - IX, 26et 40 ; voir aussi T. FAHD,EI2, art. Sakna.