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THEME 1 Dire l’amour Si le thème de l’aventure est largement abordé en cycle 3 et en 5 e au début du cycle 4, il est une forme d’aventure et de rencontre que l’année de 4 e propose d’explorer, celle que l’on pourrait appeler l’aventure amoureuse. Il ne s’agit pas, comme les élèves pourront le faire au lycée, d’approfondir la complexité des sentiments, les tourments de la passion, mais plutôt de comprendre comment trouver les mots pour exprimer ce que l’on ressent, comment aussi l’amour s’exprime à travers des thèmes perpétués par la littérature et des formes d’art multiples. C’est bien de la mise en mots qu’il s’agit ici, et le début de l’adolescence est, une fois de plus, le moment approprié pour apprendre à exprimer ses sentiments à travers le langage, pour s’adresser à l’autre. Notre choix, dans la manière de traiter le thème, a été de montrer que le discours amoureux est à la fois très codifié, universel, et en même temps, peut parler à chacun dans son individualité. Trois axes principaux ont été choisis pour montrer aux élèves ce rap- port étroit qu’entretient le sentiment amoureux avec le langage. Dire que l’on aime n’est pas facile : le thème de l’aveu est omniprésent dans la littérature et en abordant Cyrano de Bergerac sous cet angle, il est possible de donner à la pièce une profondeur que seules les tirades les plus célèbres ne permettent pas d’aborder. En réalité, tous les aveux qui sont faits dans la pièce sont en quelque sorte décalés par rapport à leur destinataire : soit c’est quelqu’un d’autre qui parle au nom de celui qui ne sait pas exprimer ses sentiments, soit celui qui sait le faire ne peut pour d’autres raisons – Cyrano parle pour Christian, ne pouvant dire lui-même ce que sa disgrâce lui interdit. Ou bien encore, celui à qui l’on s’ouvre de ses sentiments est seulement un confident – Le Bret – ou il est trop tard – lorsque Cyrano révèle son amour à Roxane. Les poètes nous donnent les mots et les images pour célébrer l’amour : la forme musicale, le jeu sur les sonorités, la richesse des métaphores et des comparaisons propres à la poésie, constituent le mode d’expression privilégié de l’amour. C’est toute une lignée poétique que les élèves sont invités à remonter, des sources antiques aux poèmes romantiques et contemporains. Ils ont ainsi l’occasion de comprendre que les motifs, les formes mêmes – le blason, par exemple – s’inscrivent dans une forme codifiée qui, sous l’effet de la contrainte, oblige le poète à jouer avec ses règles formelles tout en affirmant son originalité. Le motif du regard proposé dans le manuel permet de découvrir ces différents aspects. L’amour est indissociable de la liberté, tel est aussi le fil conducteur de nos choix pour ce thème. La poésie n’est pas la seule forme d’art à exprimer l’amour : de manière universelle, et dans toutes les langues, l’amour se chante, et faire figurer la chanson dans un manuel de français donne sa part légitime à des textes qui accompagnent parfois le quotidien. Peinture et sculpture, ou même art de la rue sont aussi les vecteurs d’un sentiment qui n’a pas de frontières. Codifié – à la manière de la Carte de Tendre – célébré et chanté dans toutes les langues – comme sur le mur parisien des « Je t’aime », l’amour est l’expression partagée d’une expérience unique pour laquelle mettre des mots sur ce que l’on ressent permet d’exprimer à la fois la force des sentiments mais aussi leur délicatesse et leur subtilité. Nous avons fait le choix d’un thème « heureux », comme l’atelier d’ouverture à dominante cinématographique le montre : « Chantons sous la pluie » n’est-elle pas cette forme insouciante et joyeuse de l’amour ? Il va de soi, cependant, que le thème de l’amour en croise d’autres à travers le programme particulièrement riche de 4e. Et c’est là l’occasion de construire des séquences où comprendre que devoir et sentiments, famille et amour ne se marient pas toujours bien : ainsi est-il possible de montrer le dilemme cornélien sous un jour renouvelé. Les contraintes sociales sont aussi des freins à l’amour et les nouvelles réalistes, telle La Rempailleuse de Maupassant, en sont des exemples cruels. Mais ouvrir l’année de 4 e sur ce thème est sans doute, plus que jamais, faire partager un sentiment que l’on souhaite à tous de vivre et de savoir exprimer. 19 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4 e – Livre Ressources

THEME 1 Dire l’amour

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Page 1: THEME 1 Dire l’amour

THEME 1 Dire l’amour

Si le thème de l’aventure est largement abordé en cycle 3 et en 5e au début du cycle 4, il est une forme d’aventure et de rencontre que l’année de 4e propose d’explorer, celle que l’on pourrait appeler l’aventure amoureuse. Il ne s’agit pas, comme les élèves pourront le faire au lycée, d’approfondir la complexité des sentiments, les tourments de la passion, mais plutôt de comprendre comment trouver les mots pour exprimer ce que l’on ressent, comment aussi l’amour s’exprime à travers des thèmes perpétués par la littérature et des formes d’art multiples. C’est bien de la mise en mots qu’il s’agit ici, et le début de l’adolescence est, une fois de plus, le moment approprié pour apprendre à exprimer ses sentiments à travers le langage, pour s’adresser à l’autre. Notre choix, dans la manière de traiter le thème, a été de montrer que le discours amoureux est à la fois très codifié, universel, et en même temps, peut parler à chacun dans son individualité. Trois axes principaux ont été choisis pour montrer aux élèves ce rap-port étroit qu’entretient le sentiment amoureux avec le langage.

▶▶ Dire que l’on aime n’est pas facile : le thème de l’aveu est omniprésent dans la littérature et en abordant Cyrano de Bergerac sous cet angle, il est possible de donner à la pièce une profondeur que seules les tirades les plus célèbres ne permettent pas d’aborder. En réalité, tous les aveux qui sont faits dans la pièce sont en quelque sorte décalés par rapport à leur destinataire : soit c’est quelqu’un d’autre qui parle au nom de celui qui ne sait pas exprimer ses sentiments, soit celui qui sait le faire ne peut pour d’autres raisons – Cyrano parle pour Christian, ne pouvant dire lui-même ce que sa disgrâce lui interdit. Ou bien encore, celui à qui l’on s’ouvre de ses sentiments est seulement un confident – Le Bret – ou il est trop tard – lorsque Cyrano révèle son amour à Roxane.

▶▶ Les poètes nous donnent les mots et les images pour célébrer l’amour : la forme musicale, le jeu sur les sonorités, la richesse des métaphores et des comparaisons propres à la poésie, constituent le mode d’expression privilégié de l’amour. C’est toute une lignée poétique que les élèves sont invités à remonter, des sources antiques aux poèmes romantiques et contemporains. Ils ont ainsi l’occasion de comprendre que les motifs, les formes mêmes – le blason, par exemple – s’inscrivent dans une forme codifiée qui, sous l’effet de la contrainte, oblige le poète à jouer avec ses règles formelles tout en affirmant son originalité. Le motif du regard proposé dans le manuel permet de découvrir ces différents aspects.

L’amour est indissociable de la liberté, tel est aussi le fil conducteur de nos choix pour ce thème. La poésie n’est pas la seule forme d’art à exprimer l’amour : de manière universelle, et dans toutes les langues, l’amour se chante, et faire figurer la chanson dans un manuel de français donne sa part légitime à des textes qui accompagnent parfois le quotidien. Peinture et sculpture, ou même art de la rue sont aussi les vecteurs d’un sentiment qui n’a pas de frontières.

Codifié – à la manière de la Carte de Tendre – célébré et chanté dans toutes les langues – comme sur le mur parisien des « Je t’aime », l’amour est l’expression partagée d’une expérience unique pour laquelle mettre des mots sur ce que l’on ressent permet d’exprimer à la fois la force des sentiments mais aussi leur délicatesse et leur subtilité.

▶▶ Nous avons fait le choix d’un thème « heureux », comme l’atelier d’ouverture à dominante cinématographique le montre : « Chantons sous la pluie » n’est-elle pas cette forme insouciante et joyeuse de l’amour ? Il va de soi, cependant, que le thème de l’amour en croise d’autres à travers le programme particulièrement riche de 4e. Et c’est là l’occasion de construire des séquences où comprendre que devoir et sentiments, famille et amour ne se marient pas toujours bien : ainsi est-il possible de montrer le dilemme cornélien sous un jour renouvelé. Les contraintes sociales sont aussi des freins à l’amour et les nouvelles réalistes, telle La Rempailleuse de Maupassant, en sont des exemples cruels.

Mais ouvrir l’année de 4e sur ce thème est sans doute, plus que jamais, faire partager un sentiment que l’on souhaite à tous de vivre et de savoir exprimer.

19© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources

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PARCOURS UNE ŒUVRE INTÉGRALE Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand p. 24-35

Objectifs et démarches du parcOurs

Problématique : Comment le théâtre met-il en scène l’amour impossible et la difficulté de l’aveu ?

▶▶ L’une des questions principales que pose la pièce Cyrano de Bergerac est celle de l’aveu : le personnage principal désire de toutes ses forces avouer son amour et n’ose pas le faire. Cette situation est à l’origine d’un grand nombre d’effets dramatiques tout au long de la pièce, qui feront à chaque fois l’objet d’une étude précise fondée sur les questionnaires.

▶▶ L’enjeu des scènes choisies est très souvent une parole, soit une parole dite, soit une parole désirée, soit une parole retenue, soit une parole mal comprise. Ce sont ces jeux sur la parole que nous avons voulu mettre en évidence.

▶▶ Ce parcours vise à permettre aux élèves de :– comprendre les intentions d’une mise en scène pour révéler les enjeux de la pièce ;– identifier une situation de quiproquo ;– comprendre la complexité des relations entre les personnages ;– apprécier la dimension dramatique d’un dénouement théâtral.

OrganisatiOn du parcOurs et chOix des axes de lecture

Extrait 1 L’impossible aveu p. 24-25

●● Pistes pédagogiquesPour aider les élèves à entrer dans la lecture, l’enseignant pourra présenter l’auteur, Edmond Rostand, le personnage réel qui a servi de modèle au personnage principal, Savinien de Cyrano de Bergerac, et l’un des interprètes contemporains, Michel Vuillermoz, notamment à l’aide de l’interview propo-sée en ressource numérique.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment le regard négatif de Cyrano sur lui-même l’em-pêche-t-il de déclarer son amour ?

Extrait 2 Un aveu cruel Photogrammes du film de Jean-Paul Rappeneau p. 26-27

●● Pistes pédagogiquesDans la scène, Cyrano parle très peu, mais son jeu est très important : son visage et son intonation doivent exprimer toutes les émotions que créent en lui les paroles de Roxane. L’enseignant pourra expliquer l’importance de la voix, du visage, du corps en général dans une pièce de théâtre et invi-ter les élèves à jouer la scène.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre comment se développe le malentendu tout au long de la scène.

Extrait 3 L’aveu masqué Photographies de quatre mises en scène de cet extrait p. 28-30

●● Pistes pédagogiquesLa scène a donné lieu à la création de nombreux dispositifs de mise en scène, dont le manuel propose plusieurs exemples en photographies ou en extrait vidéo : l’enseignant pourra inviter les élèves à comparer les différentes photographies de mises en scène, à comparer également les maquettes et les dessins de costume avec le résultat final sur la scène, pour faire réfléchir les élèves sur la création d’une mise en scène et l’interprétation d’un texte.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre comment l’amour de Cyrano, même s’il est dit, n’est pas avoué puisque Roxane, sa destinataire, ignore qui l’exprime.

Extrait 4 Un aveu difficile à entendre p. 31

●● Pistes pédagogiquesCette scène donne un rôle important à Christian : l’enseignant pourra la mettre en regard avec la scène précédente, pour montrer que désormais c’est Christian qui, sans s’y attendre, est dans l’ombre de Cyrano.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment l’intention d’un personnage, Roxane, a-t-il l’effet contraire sur Christian, son destinataire ?

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Extrait 5 Quiproquo et coup du destin p. 32

●● Pistes pédagogiquesL’enseignant pourra s’interroger avec les élèves sur la difficulté de mettre en scène une guerre au théâtre et sur la différence qu’il y a de ce point de vue entre le théâtre et le cinéma. Il pourra ainsi aborder la question de l’unité de lieu.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment un brusque coup du sort vient-il interrompre l’aveu qui allait enfin être possible ?

Extrait 6 L’inutile vérité p. 33-34

●● Pistes pédagogiquesL’enseignant pourra insister sur toutes les indications pré-sentes dans le texte, qui permettent de le mettre en scène, notamment tout ce qui concerne les déplacements, les into-nations et la lumière.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment l’ultime stratagème de Cyrano permet-il à Roxane de surprendre la vérité alors qu’il n’a pu lui faire directement l’aveu de son amour ?

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

Extrait 1 L’impossible aveu p. 24-25

Comprendre le regard que le héros porte sur lui-même

Entrer dans la lecture. Cyrano révèle à Le Bret qu’il aime Roxane.1. Cyrano dit que son nez « d’un quart d’heure en tous lieux [le] précède » (v. 3), il en parle comme d’une « protubérance » (v. 17), il l’appelle « mon grand diable de nez » (v. 21). Cyrano a honte de son nez et en même temps il en parle avec humour.2. Pour parler de Roxane, Cyrano emploie des hyperboles, comme « la plus belle qui soit » (v. 5), ou encore « la plus bril-lante, la plus fine » (v. 7), ainsi que des métaphores, comme par exemple « un piège de nature, une rose muscade » (v. 10). Ces expressions montrent la force de l’amour de Cyrano pour Roxane. 3. Cyrano est sûr que Roxane ne répondra pas à son amour : il pense qu’il est trop laid à cause de son nez.4. Le Bret propose tout simplement à Cyrano de dire son amour à Roxane. Cyrano refuse cette proposition, en affir-mant qu’il n’a aucun espoir. Bilan 5. C’est une scène d’aveu parce que Cyrano dit à son ami qu’il aime Roxane. Cyrano n’a aucun mal à dire son amour pour Roxane à Le Bret : il sait que son ami ne se moquera pas de lui, et le jugement de Le Bret compte beaucoup moins pour lui, sur cette question, que celui de Roxane.

Ressource numériqueInterview de Michel Vuillermoz, sociétaire de la Comédie-FrançaiseÀ propos des interprètes de CyranoEn évoquant les différentes interprétations, le comédien insiste sur le fait qu’un aspect du personnage de Cyrano n’est que peu abordé dans les interprétations précédentes  : sa mélancolie, sa souffrance intérieure. Il précise que cette dimension est présente dans le jeu d’acteur de Gérard Depardieu, dans la version filmique de Jean-Paul Rappeneau. Il a cherché lui-même à rendre perceptible ce visage sensible et douloureux du personnage dans son travail de comédien.

VIDÉO

Extrait 2 Un aveu cruel Photogrammes du film de Jean-Paul Rappeneau p. 26-27

▶▶ À l’oral : Mettre en voix des émotionsToute la force du dialogue va résider dans la manière dont vont être prononcés les « Ah !... » de Cyrano. Il faut donc que les élèves s’entraînent à ce que l’on appelle en musique le crescendo, tandis que le ton de Roxane se fait de plus en plus lyrique et enthousiaste. Le contraste doit être violent, manifeste, et se traduire aussi par les expressions du visage, entre les deux derniers « Ah !... » ceux de la déconvenue et de la douleur, et ceux qui précèdent, pleins d’un espoir qui monte.

Comprendre le malentendu et la désillusion du hérosEntrer dans la lecture. C’est Roxane qui fait un aveu dans cette scène. Cyrano joue le rôle de confident. 1. Roxane désigne celui qu’elle aime par le pronom indéfini « quelqu’un » (v. 4), puis par le pronom relatif « qui » (v. 5 et 6), enfin par le pronom personnel « il » (v. 12, 13 et 14). Cyrano, pendant toute la scène, pense que Roxane parle de lui et interprète ses paroles comme une façon coquette d’avouer son amour, en parlant de lui à la troisième personne. 2. Dans les vers 5 à 14 les paroles de Cyrano se réduisent à une interjection, « Ah !... ». À ce moment-là, Cyrano ressent un espoir de plus en plus fort et une émotion intense : il pense que Roxane va lui dire qu’elle l’aime.3. Quand Roxane dit que l’homme qu’elle aime est « beau », Cyrano comprend que ce n’est pas lui : il cesse brusquement d’espérer. Le charme est rompu ; le retour à la réalité est brutal.Bilan 4. Cette discussion est particulièrement douloureuse pour Cyrano d’abord parce qu’il passe d’un espoir très fort à la certitude de ne pas être aimé, ensuite parce qu’il est obligé d’entendre la femme qu’il aime lui avouer son amour pour un autre.

Analyse des photogrammesIl importe de faire retrouver ici visuellement aux élèves ce qu’ils auront entendu précédemment : l’interrogation, l’attente, dans le photogramme 1 où Cyrano est de face et Roxane de dos ; l’espoir, proche de la joie imminente dans le deuxième ; la douleur et peut-être même une forme de colère dans le troisième que l’on imagine après la scène de dialogue.

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Extrait 3 L’aveu masqué Photographies de quatre mises en scène de cet extrait p. 28-30

▶▶ À l’oral : Interpréter une situation à partir d’une imageCe que l’on peut faire constater, c’est que, dans tous les cas, Roxane est seule, en hauteur, regarde vers le ciel, charmée par une voix qu’elle entend et dont elle ne peut connaitre la source. Dans les mises en scène 1 et 2, on peut clairement constater que l’un des deux personnages, Christian, est visible, tandis que le second, Cyrano, est caché. Pour la 3 et la 4, il semble que l’on joue davantage sur la confusion des voix des personnages, car les deux hommes sont presque autant cachés l’un que l’autre.La notion de stratagème est la plus forte dans la mise en scène 2, un peu à la manière d’une farce, les 3 et 4 montrent que les deux personnages masculins sont l’un et l’autre comme pris au piège de leur dissimulation, ce qui les confond.La 1 est sans doute celle qui montre le mieux le « double aveu », celui de Christian que l’on voit s’exprimer, tandis que Cyrano a l’attitude de celui qui dit tout autant son amour mais sans pouvoir révéler son identité.

Comprendre comment le personnage principal parvient à dire son amour1. C’est Cyrano qui parle à Roxane, se tenant sous son balcon, et Roxane pense que c’est Christian qui lui parle : comme il fait nuit, elle ne voit pas son interlocuteur, elle ne voit que « la noirceur d’un long manteau qui traîne » (v. 12). Et comme Cyrano parle « à mi-voix » (didascalie), elle ne peut pas non plus reconnaitre sa voix.2. Cyrano ne veut surtout pas que Roxane le voie : elle décou-vrirait alors le stratagème élaboré par Christian et Cyrano.3. Cyrano est très fortement ému, « bouleversé », par la pos-sibilité inespérée qui lui est donnée de dire son amour à Roxane. En disant son amour, il vit cet amour, même si son aveu est fondé sur un mensonge, et qu’en réalité Roxane pense à Christian en entendant la voix de Cyrano. Il est très heureux de pouvoir enfin parler à Roxane et il est pris par un grand désir, un désir irrésistible de tout lui dire, au point qu’il manque à plusieurs reprises de lui révéler la vérité sur le stra-tagème (v. 19, 24 et 26).4. Pour Cyrano, cette phrase veut dire qu’il va, pour la pre-mière fois, lui parler de son amour. Roxane comprend cette phrase en un sens figuré : elle pense que son amant est par-ticulièrement ému et qu’il va lui dire son amour avec plus de force et d’intensité qu’il ne le fait d’ordinaire.Bilan 5. Cyrano n’a pas vraiment réussi à avouer son amour à Roxane, car elle ignore à la fin de la scène comme au début que Cyrano l’aime. Mais malgré tout il a pu lui dire son amour, d’une façon que Christian, même en répétant les phrases que Cyrano lui a apprises, ne pourra jamais imiter. Ainsi Cyrano a créé dans le cœur de Roxane une émotion que lui seul était capable de créer. Il a réussi à instaurer une communication entre son âme et celle de Roxane, et à rendre l’âme de Roxane pour toujours amoureuse de la sienne, sans que Roxane sache vraiment de qui elle est amoureuse. Ainsi Cyrano a réussi à créer un lien très fort entre Roxane et lui, bien que ce lien soit fondé sur un mensonge, et qu’il soit inconnu de Roxane elle-même.

Ressource numériqueInterview de Michel Vuillermoz, sociétaire de la Comédie-FrançaiseÀ propos du travail du scénographe, Éric Ruf et des créations de Christian Lacroix pour les costumesIl est intéressant ici de faire comprendre que « la scène du balcon » est un des moments-phare dans une mise en scène de Cyrano. Le comédien insiste sur la volonté du metteur en scène d’éviter tout «  réalisme  » mais bien au contraire, en «  dématérialisant  » le balcon, en faisant de Roxane un personnage en lévitation, il fait basculer ce moment dans le rêve et l’imaginaire. Il peut être intéressant, après cette analyse, de demander aux élèves quelle mise en scène ils auraient imaginée, éventuellement à l’aide de maquettes, ou, au moins de dessins. Pour les costumes, on fera observer la fluidité, la légèreté de la tenue à la fois «  romantique  » et intemporelle de Roxane ; pour Cyrano, sans forcer le trait, Christian Lacroix garde des éléments qui rappellent l’aspect du mousquetaire, en particulier les bottes souples, le pourpoint, mais sans excès de réalisme historique ; la précision que donne le comédien – à savoir la référence aux tenues des samouraïs dans les films de Kurosawa – montre bien que le costumier réunit plusieurs aspects du personnage fougueux et héroïque, loin de toute préoccupation de fidélité à une époque ou un pays. Christian, délibérément en uniforme militaire, porte des bottes dont les formes et aspects différents (plus ou moins rigides, hautes…) montrent aussi une sorte d’intemporalité, en tout cas de mise en cohérence avec différentes périodes possibles. L’uniforme qu’il porte peut faire penser plutôt aux soldats de la guerre de 14 qu’aux mousquetaires du xviie. Cette référence aux soldats de la Première guerre rappelle que beaucoup y ont laissé leur vie, tout comme Christian.

VIDÉO

▶▶ À l’oral : Commenter un choix de mise en scèneCet extrait est particulièrement intéressant parce qu’il permet de comprendre ce que l’on entend par « double énonciation » au théâtre. Ici, elle n’est pas dans les paroles mais dans la mise en scène, on peut donc parler d’une sorte de « double visua-lisation », celle que voit le personnage, celle qui est donnée à voir aux spectateurs.

Ressource numériqueExtrait de la pièce Cyrano de Bergerac mise en scène par Denis Podalydès à la Comédie-FrançaiseEn reprenant les éléments ci-dessus, on essaiera également de faire formuler aux élèves ce qu’ils observent, qui nourrit cette double énonciation, tant sonore que visuelle.

VIDÉO

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Extrait 4 Un aveu difficile à entendre p. 31

▶▶ À l’oral : Réfléchir collectivementLe sens du propos est le suivant : Roxane aime Christian pour son âme, c’est-à-dire pour ses paroles, pour la façon dont il lui parle. Or ce n’est pas lui qui parle à Roxane, mais Cyrano.On peut proposer aux élèves de se mettre en deux groupes : ceux qui pensent que Roxane aime Christian pour sa beauté avant tout ; ceux qui pensent qu’elle l’aime pour ses quali-tés d’âme. Un temps d’échanges d’arguments est donné à chaque groupe. Un ou deux élèves choisis par leurs cama-rades doivent trancher. Le professeur peut alors poser la ques-tion : « Si Roxane aime Christian pour ses qualités morales, l’aimerait-elle s’il était laid ? » ce qui revient à poser la ques-tion : « Aimerait-elle Cyrano si elle savait que c’est lui qui s’ex-prime ? »

▶▶ À l’écrit : Exprimer son point de vueOn insistera bien sur le fait qu’il ne s’agit pas de paraphraser le texte, mais bien de montrer que Christian est lui-même piégé. On peut aider des élèves qui auraient des difficultés dans cet exercice en proposant, en pédagogie différenciée, des débuts de phrase pour ceux qui le souhaitent :– Christian est heureux de l’amour que lui porte Roxane parce que…– Il se rend compte que tout ce qu’elle aime en lui ne vient pas de lui : en effet…– Christian est pris, comme Cyrano, au piège qu’ils ont eux-mêmes conçu parce que désormais… Cyrano réagit « avec épouvante » parce qu’il se rend compte des effets terribles du pacte qu’il a accepté de sceller avec Cyrano : Roxane croit qu’elle l’aime, mais en réalité elle ne l’aime pas et ne peut plus l’aimer, car elle est tombée sans le savoir follement amoureuse de Cyrano.

Extrait 5 Quiproquo et coup du destin p. 32

Comprendre ce qui rend l’aveu impossibleEntrer dans la lecture. La scène se divise nettement en deux moments : jusqu’au début du vers 6, Cyrano s’apprête à dire à Roxane qu’il l’aime. Au vers 6, il apprend la mort de Chris-tian et comprend qu’il ne pourra plus jamais dire son amour à Roxane.1. Les paroles de Roxane deviennent pour Cyrano un véri-table aveu d’amour : Cyrano comprend qu’en réalité c’est lui qu’aime Roxane, c’est son cœur, et non la belle apparence de Christian. 2. Cyrano s’apprête à dire enfin son amour à Roxane. 3. Cet évènement, c’est la mort de Christian. Cyrano, en l’ap-prenant, décide qu’il ne peut plus dire son amour à Roxane, car il ne veut pas trahir son ami mort. Bilan 4. Cyrano allait enfin être heureux, il venait de com-prendre que Roxane était amoureuse de lui, et à ce moment précis, un évènement tragique, imprévu, la mort de Christian, crée une barrière définitive entre lui et le bonheur : c’est ce qui donne l’impression que le sort s’acharne sur Cyrano.

Ressource numériqueInterview de Michel Vuillermoz, sociétaire de la Comédie-FrançaiseÀ propos du choix de mise en scène du siège d’ArrasComme pour la scène du balcon, Michel Vuillermoz explique combien la mise en scène évite le réalisme pesant, qui serait encore plus déplacé ici, puisqu’il s’agit du sang versé. Les pétales de coquelicot sont une évocation subtile et poétique de ces vies qui se sont répandues sur les champs de bataille (on peut d’ailleurs évoquer les « poppies » anglais que l’on porte au revers de la veste en mémoire des soldats morts au champ d’honneur).

VIDÉO

Extrait 6 L’inutile vérité p. 33-34

Étudier un aveu devenu inutileEntrer dans la lecture. Plusieurs didascalies dans le texte concernent la lumière, « la nuit vient insensiblement » (v. 4), « l’ombre augmente » (v. 7), « dans l’ombre complètement venue » (v. 11). La scène se passe à la tombée du jour. 1. Cyrano choisit de lire la lettre à haute voix car son contenu convient parfaitement à la situation : c’est une lettre d’amour écrite par quelqu’un qui s’apprête à mourir.2. D’une part Roxane ressent l’émotion de Cyrano : « Comme vous la lisez, – cette lettre ! » (v. 4). Ensuite elle reconnait la voix qu’elle a entendue le soir où Cyrano lui parlait la nuit, sous son balcon, se faisant passer pour Christian : « d’une voix […] que je n’entends pas pour la première fois » (v. 33). Enfin Roxane comprend que Cyrano connait la lettre par cœur, et donc qu’il en est l’auteur, quand il continue à la lire, ou plutôt à la réciter, alors qu’il fait nuit. 3. Cyrano fait un « geste d’effroi » car il s’aperçoit que Roxane a tout compris, à la fois le stratagème qu’il a élaboré avec Christian et son propre amour pour elle. Il est effrayé de voir son secret découvert. Peut-être cette peur panique s’accom-pagne-t-elle d’un sentiment de soulagement : il a réussi, avant de mourir, à faire comprendre la vérité à Roxane. 4. Cette réplique est plutôt une marque d’admiration devant le sacrifice de Cyrano, qui n’a pas voulu trahir son ami mort, ni abandonner la femme qui l’aime, et qui a continué à venir la voir, sans jamais lui avouer qu’il l’aimait. En même temps, peut-être que Roxane regrette le temps perdu : elle aurait pu être heureuse avec l’homme qu’elle aimait vraiment, sans cette « généreuse imposture ».Bilan 5. Jusqu’à la fin Cyrano n’ose pas dire son amour à Roxane, tant il se sent indigne d’être aimé. Le secret est resté si longtemps gardé, il a fait tellement de dégâts, dans sa vie comme dans celle de Roxane, que sa mise au jour est difficile est douloureuse. En même temps, Cyrano se sent coupable d’avoir volé Roxane à Christian, alors qu’il lui avait promis de l’aider à la séduire.

▶▶ À l’oral : Jouer la pièce sous forme de pantomimePour rendre cette pantomime pertinente, il importe de demander aux élèves de choisir, pour chaque personnage, une ou deux scènes particulièrement révélatrices de son caractère et de sa situation. On peut ainsi construire, à la

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manière du cinéma muet, une sorte de synopsis divisé en quelques grandes étapes tournant, à chaque fois, autour d’un « aveu » : celui que fait Cyrano à Le Bret de son amour pour Roxane, la scène du balcon, le début de l’aveu interrompu par la mort de Christian, l’inutile vérité du dénouement.

Activités d’expression p. 35

▶▶ Imaginer une scène de théâtreLa méthode, dans le manuel, donne des consignes précises à respecter. Il convient d’insister sur le fait que la ou les scènes imaginées ne doivent pas strictement « imiter » la scène du balcon mais bien trouver des situations équivalentes quant à l’impossibilité de l’aveu et aux moyens détournés de le faire.

▶▶ Comprendre une interview

Ressource numérique5 min avec Michel Vuillermoz, sociétaire de la Comédie-FrançaiseLes questions et leurs réponses ci-dessous donnent l’essentiel du contenu de l’interview. On peut évoquer la belle image de la «  chimère  » que constitue le rapprochement des deux personnages Christian et Cyrano : à l’un la beauté, à l’autre la sensibilité et les codes du langage. La contrainte de la mémorisation est une belle leçon d’effort dont on ne saurait priver les élèves…

VIDÉO

La difficulté de l’aveua. Pour Michel Vuillermoz, la difficulté de dire l’amour, outre la difficulté que comporte le fait de vaincre sa timidité, est liée à la maitrise d’un « code », celui du langage amoureux.b. À l’époque de Cyrano le langage joue un rôle extrêmement important dans la relation amoureuse : aucune relation ne peut avoir lieu en dehors du langage, c’est d’abord en disant l’amour qu’on le vit.

Le travail du comédiena. Le faux nez aide le comédien à entrer dans le personnage de Cyrano, parce que le comédien ne peut pas oublier ce nez : il est tellement grand qu’il le voit tout le temps. Ainsi, le comé-dien comprend mieux le complexe que peut ressentir Cyrano par rapport à son nez. b. Michel Vuillermoz n’apprend pas son texte en une seule fois, il fait des séances de travail de trois heures et il passe plu-sieurs « couches » : il apprend plusieurs fois son texte, pour ensuite le réciter comme s’il parlait naturellement.

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DOSSIER Le chant d’amour dans l’Antiquité p. 36-39

Objectifs et démarches du dOssier

▶▶ Le premier but de ce dossier est de faire découvrir aux élèves les origines de la poésie lyrique française et, plus généralement, européenne. En effet un grand nombre de thèmes ont été repris de la poésie antique par les poètes européens.

▶▶ Le second objectif est de montrer aux élèves que la poésie grecque et romaine n’est pas toute, loin s’en faut, consacrée aux récits de guerre, mais que l’amour y tient une place importante.

▶▶ Enfin les élèves sont invités à être sensibles à la tonalité particulière de la poésie amoureuse grecque et romaine, qui associe la plainte et l’humour.

cOrrigé des questiOnnaires

Lawrence Alma-Tadema, Sappho et Alcée p. 37

Mettez-vous à la place d’un poète grec• Cette question s’adresse à l’imagination des élèves. Pour répondre de manière complète, les élèves doivent à chaque fois trouver un objet de la vie quotidienne en quoi ils aime-raient être changés, et dire pourquoi cela les rapprocherait de leur amour.• Les élèves pourront s’inspirer des poèmes qu’ils viennent de découvrir. Ils peuvent développer le thème amoureux, décrire la beauté de la femme aimée, ou encore mettre en lien l’amour et la beauté du paysage.

3. L’amour dans la poésie latine

Devinez le sens d’un proverbe latinc. L’amour triomphe de tout.

Pierre-Narcisse Guérin, Énée racontant à Didon la chute de Troie Virgile, Énéide p. 38

L’image de l’amour dans la poésie grecque et latine• Didon pense que l’enfant est Ascagne, le fils d’Énée : c’est pourquoi elle ne s’en méfie pas. En réalité c’est le dieu Amour, qui a pris les traits d’Ascagne. • Dans l’ode XL, c’est le dieu Amour qui est piqué par une abeille, parce qu’il n’a pas fait suffisamment attention : ici c’est Didon qui est piquée par les flèches de l’amour, parce qu’elle ne s’est pas méfiée d’un jeune garçon, qu’elle a cru inoffensif. • Cette image montre que l’amour entre dans le cœur des hommes au moment où ils s’y attendent le moins.

Horace, Odes Tibulle, Œuvres Catulle, « Au moineau de Lesbie », Œuvres p. 39

L’amour, douce peine des poètes• C’est peut-être le poème de Catulle qui correspond le mieux à cette définition : les deux autres montrent la violence de la peine amoureuse, ils semblent pour cela moins « tendres »

1. Le mythe d’Orphée, le poète amoureux

Orphée charmant les animaux, mosaïque romaine du iie siècle p. 36

Le saviez-vous ?Une lyre.

Interprétez des images• Les animaux représentés sur le tableau sont pour la plupart des animaux sauvages, certains sont mêmes des animaux dangereux, comme le tigre et le serpent. Pourtant Orphée n’a pas l’air d’en être effrayé et les animaux n’ont pas l’air de vou-loir l’attaquer : cela montre la capacité du chant d’Orphée à charmer tous les êtres, même les animaux. • Le tableau de Michel-Martin Drölling représente le moment où Orphée, après avoir retrouvé Eurydice et alors qu’il la mène hors des Enfers, la perd une seconde fois parce qu’il est trop pressé de se retourner pour la voir.

2. L’amour dans la poésie grecque

• C’est Sappho.

Devinette• Le terme « anthologia » désigne un recueil de poèmes parce que les anciens comparaient les poèmes à des fleurs. Cette métaphore se retrouve dans le titre du recueil de Charles Bau-delaire, Les Fleurs du Mal. On parle également des « fleurs de rhétorique » pour désigner les figures de style.

Anacréon, Odes Sappho, Odes p. 37

Découvrez l’anthologie grecque• Les thèmes évoqués sont les thèmes héroïques, dont le poète ne veut pas parler, et l’amour. • La poésie grecque n’est pas seulement une poésie épique mais aussi une poésie lyrique, qui accorde une place impor-tante à l’amour. • C’est le stylet que tient la jeune femme qui a permis aux savants d’établir qu’elle était bien la poétesse Sappho.

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PARCOURS UN GENRE Les yeux de l’amour en poésie p. 40-51

Objectifs et démarches du parcOurs

Problématique : Comment les poètes s’emparent-ils du motif des yeux pour dire l’amour ?

▶▶ Le but de ce parcours n’est pas de proposer un florilège des grands poèmes d’amour célèbres mais d’organiser une réflexion autour du discours amoureux. Un fil conducteur thématique a donc été choisi : le motif des yeux dans la poésie d’amour. Il s’agit non seulement des yeux de l’être aimé maintes fois célébrés mais aussi du regard que porte le poète sur l’être aimé et sur l’amour.

▶▶ L’intention du parcours répond aux exigences suivantes :– comprendre comment ce motif est décliné au fil des siècles pour percevoir les variations du discours amoureux ;– voir comment les poètes s’emparent du motif des yeux pour dire l’amour ;– conserver la chronologie pour saisir cette évolution tout en dégageant les nuances du sentiment amoureux (amour idéalisé, amour mélancolique, amour fatal, amour sensuel, amour fou et fusionnel, amour possessif et jaloux, douleur de l’absence) ;– aborder les trois principaux courants poétiques qui traitent souvent de l’amour : la Pléiade, le romantisme et le surréalisme (voir les différents repères littéraires qui jalonnent le parcours) ;– étudier l’expression du lyrisme et son renouvèlement (voir le rôle et l’utilisation des références et des images) ;– découvrir différentes formes poétiques (sonnet, blason, vers réguliers en alexandrins, vers mêlés, poème en prose, vers libres) ;– s’ouvrir à la poésie d’amour des Antilles et du monde entier ;– connaitre des poètes célèbres, sans pour autant se contenter des poèmes les plus attendus.

OrganisatiOn du parcOurs et chOix des axes de lecture

que le poème de Catulle, qui évoque les jeux d’une jeune femme et d’un oiseau. • Dans les poèmes, le poète parle de la souffrance que cause l’amour, il montre un contraste entre la beauté de la femme aimée et les souffrances qu’elle cause, il évoque son désir d’échapper aux cruelles souffrances causées par l’amour. Les trois poèmes contiennent la deuxième personne du singulier : Horace s’adresse à une femme, qu’il appelle « charmante », Tibulle à une « beauté cruelle » et Catulle au moineau de la femme qu’il aime.• Les élèves sont invités à justifier leur choix en évoquant la tonalité du poème, les images employées, éventuellement la sensibilité particulière qui s’exprime dans chaque poème.

Les codes du genre élégiaque peuvent être étudiés en rapport avec les codes de la représentation picturale du poète, depuis l’Antiquité jusqu’au xixe siècle, dans un EPI regroupant les arts plastiques, les lettres et les LCA.

1. Célébrer les yeux de l’être aimé

Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène p. 40

●● Pistes didactiquesCe poème sur lequel s’ouvre le parcours introduit très explici-tement le motif des yeux dans la poésie amoureuse. De plus, il permet aux élèves de découvrir le genre du blason et le trai-tement de l’amour dans la poésie lyrique de la Pléiade. Les références mythologiques notamment, caractéristiques de ce lyrisme, sont importantes dans ce texte.

●● Proposition d’hypothèse de lectureLe genre du blason comme expression de l’amour.

2. Se regarder aimer

Alphonse de Lamartine, « À El*** », Nouvelles Méditations poétiques p. 41

●● Pistes didactiquesCe poème permet d’opérer un glissement du regard qui se déplace de l’autre vers soi-même. Ce texte emblématique de la poésie romantique permet ainsi aux élèves de dégager une caractéristique essentielle de ce courant littéraire : l’expres-sion du moi, les épanchements lyriques. Outre le thème de l’amour, ce poème développe celui du tempus fugit, indisso-ciable du romantisme.

●● Proposition d’hypothèse de lectureLa poésie d’amour : lieu d’expression privilégié pour parler de soi.

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3. Lire dans un regard

Théophile Gautier, « À deux beaux yeux », La Comédie de la mort p. 42

●● Pistes didactiques Ce poème aux vers ciselés permet d’aborder la notion de cristallisation et d’idéalisation dans l’amour. Il permet aussi de comprendre en quoi les yeux – miroir de l’âme – peuvent cristalliser l’amour. Enfin, sa grande richesse lexicale et son réseau de métaphores et de comparaisons peuvent inspirer de nombreuses images mentales aux élèves.

●● Proposition d’hypothèse de lectureL’expression de l’amour comme support à l’idéalisation de l’être aimé.

4. Rêver à travers l’être aimé

Charles Baudelaire, « Un hémisphère dans une chevelure », Le Spleen de Paris p. 43

●● Pistes didactiquesLe choix d’un poème en prose permet de lutter contre une idée trop souvent répandue : la poésie serait un texte écrit en vers avec des rimes ! Ce poème musical et imagé offre un réseau de sensations qui permettent d’enrichir la notion de lyrisme.L’étude de l’œuvre de ce poète inclassable et moderne permet de montrer l’évolution du discours amoureux, plus ancré dans la chair.

●● Proposition d’hypothèse de lectureLe poème en prose : une invitation à l’amour sensuel et au voyage imaginaire.

5. Donner à voir l’amour autrement

Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou et Calligrammes p. 44

●● Pistes didactiques Les deux poèmes présents sur cette page permettent d’abor-der le renouvèlement du lyrisme avec une écriture sans ponc-tuation et une poésie graphique. La brièveté du premier poème et ses nombreuses images en font un support idéal pour des activités orales et pour sensibiliser les élèves à la musicalité de la poésie amoureuse. Le calligramme, quant à lui, montre comment les références lyriques traditionnelles de la poésie ont été revisitées. C’est aussi l’occasion de s’intéresser au lien entre poésie et peinture. « Et moi aussi je suis peintre ! » affirmait d’ailleurs en plaisantant Apollinaire à son ami Picasso.

●● Proposition d’hypothèse de lectureDe nouvelles formes poétiques pour exprimer la singularité de l’amour.

6. Montrer le pouvoir des yeux

Paul Eluard, « La courbe de tes yeux », Capitale de la douleur Ernest Pépin, « Né de tes yeux », Lettera amorosa p. 45

●● Pistes didactiquesCes deux poèmes étudiés en lecture croisée s’éclairent l’un et l’autre. Ils mettent en lumière l’amour fou surréaliste et la célé-bration de la femme perçue comme détentrice du monde et de la vie. Ils permettent tout un travail autour de la richesse et de la singularité des images poétiques. En proposant en écho à « La courbe de tes yeux » le poème d’Ernest Pépin, la voix des Caraïbes résonne fortement et donne à ce grand poète antillais une place bien méritée.C’est ainsi l’occasion de faire découvrir la poésie antillaise contemporaine, parfois malheureusement méconnue.

●● Proposition d’hypothèse de lectureLes yeux fertiles de la femme comme source de poésie.

7. Contempler l’être aimé avec fébrilité

Louis Aragon, « Tandis que je parlais le langage des vers », Elsa Man Ray, Noire et Blanche p. 46

●● Pistes didactiquesIl est difficile de parler de poésie d’amour sans penser à Louis Aragon et à sa célèbre muse Elsa. Le choix de ce poème méconnu permet d’étudier la jalousie qui est l’un des coro-laires de l’amour et qui fait partie du discours amoureux. De plus, la singularité de cette jalousie suggère que l’amour fou du poète peut le conduire très loin. Paradoxe : le rêve qui est habituellement prisé et exploré par les surréalistes est ici craint par le poète car il le connait trop pour savoir qu’il peut mener loin.La célèbre photo de Man Ray entre en résonance avec le poème de Louis Aragon : mots et images peuvent dialoguer pour enrichir l’étude du texte. Il est par ailleurs intéressant de faire découvrir aux élèves un photographe surréaliste qui a fréquenté les poètes et collaboré avec eux.

●● Proposition d’hypothèse de lectureL’amour fou comme mise à l’épreuve de soi.

8. Fermer les yeux face à l’absence

Paul Eluard, « J’ai fermé les yeux », L’amour la poésie p. 47

●● Pistes didactiquesCe court poème de Paul Eluard touchant par sa simplicité pro-pose une autre nuance du discours amoureux : l’absence. La brièveté même du poème reflète ce sentiment.

●● Proposition d’hypothèse de lectureDire l’absence pour combler le vide.

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9. Les yeux de l’amour dans toutes les langues

Pétrarque, sonnet CXXXIII Rabindranath Tagore, « Mon cœur, oiseau du désert » Pablo Neruda, « Penché sur les soirs… » Calligraphie arabe, Nirân al-houbb (feu de l’amour) p. 48

●● Pistes didactiquesCes poèmes étrangers et d’époques différentes proposent aux élèves de faire des liens entre les discours amoureux du

monde entier, ce qui leur permet de comprendre que l’amour est un langage universel. Certains textes soulignent aussi le phénomène d’héritage et d’innutrition propre à la Renais-sance, comme le sonnet de Pétrarque qui a inspiré les poètes de la Pléiade. La calligraphie arabe, quant à elle, donne une dimension visuelle à l’amour et entre en résonance avec le calligramme. Par son raffinement, elle peut exprimer visuel-lement l’amour. « La calligraphie est le lien entre l’être et la lettre » (citation du calligraphe irakien Ghani Alani).

●● Proposition d’hypothèse de lectureDes poèmes pour dire que toutes les langues se rejoignent dans celle du cœur.

1. Célébrer les yeux de l’être aimé

Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène p. 40

Comprendre l’éloge des yeux comme reflet de l’amourEntrer dans la lecture. Le poète s’adresse aux yeux de l’être aimé comme si les yeux étaient une personne à part entière, ce qui peut surprendre. Il s’agit d’une apostrophe dans la mode du blason : le poète célèbre donc les yeux de l’être aimé.1. Résumé strophe par strophe du poème :– Les yeux de l’être aimé fascinent et intriguent le poète.– Le poète est foudroyé par ce regard tout-puissant.– Les yeux de l’être aimé sont la source de l’amour.– Les yeux ont pouvoir de vie et de mort sur le poète.2. Le mystère des yeux est exprimé par l’antithèse : « Je sais de quoi sont faits tous les membres du corps, / Mais je ne puis savoir quelle chose vous êtes » (v. 3-4). Le mystère des yeux est d’autant plus grand que le savoir du poète semble important, comme le souligne le déterminant « tous ». Le poète définit en effet les yeux par ce qu’ils ne sont pas car il ne peut pas expliquer ce qu’ils sont : « Vous n’êtes sang ni chair » (v. 5). Leur nature immatérielle et indéfinissable semble bien mystérieuse.3. Comme souvent dans la poésie lyrique de la Pléiade, l’auteur fait des références plus ou moins explicites à la mythologie : les « sagettes » (v. 8) et les « traits » (v. 9) renvoient à Cupidon. Les « éclairs » (v. 10) et le participe présent « foudroyant » (v. 7) font sans doute allusion à Jupiter, réputé pour sa puissance et ses conquêtes féminines. La métaphore « forge d’Amour » (v. 9) est peut-être un clin d’œil discret à Héphaïstos (Vulcain) qui forgeait entre autres les flèches. Le Soleil écrit avec une majuscule (v. 14) fait penser à Hélios, assimilé souvent à Apol-lon. On peut aussi y voir une allusion discrète à la Méduse dont le regard pétrifiait tout, comme le regard de la femme aimée peut tuer.4. On voit la toute-puissance des yeux qui fascinent le poète au fait qu’ils semblent détenir sa vie et son bonheur. Aussi trouvons-nous le champ lexical du merveilleux : « miracles », « ravi », « merveille », « esprit », « ressusciter ». L’hyperbole « cent mille sagettes » (v. 8) et le groupe adjectival « si forts » (v. 6) suggèrent qu’on ne peut pas lutter contre le pouvoir de ces yeux. En outre, la comparaison avec l’effet du Soleil suggère que les yeux sont vitaux. Ils sont aussi pénétrants comme le soulignent les groupes prépositionnels « en l’âme » (v. 1) « des miracles en moi » (v. 6), « dedans » (v. 8), « toute

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

l’âme me sonde » (v. 11), « en mon corps » (v. 13), « en moi » (v. 14). D’ailleurs, l’antithèse hyperbolique « Amour n’a point de traits / Que les poignants éclairs qui sortent de vos rais, / Dont le moindre à l’instant toute l’âme me sonde » (v. 11) sug-gère que le regard chosifie l’âme. Enfin, l’apostrophe aux yeux et l’anaphore qui structurent le poème expriment toute leur puissance.Bilan 5. Ce poème traduit un amour absolu. C’est pourquoi le poète personnifie l’Amour. Pour suggérer sa force, il emploie la métaphore « la forge d’Amour » (v. 9). Il le présente aussi comme un amour presque mythologique et donc surnaturel avec toutes les références antiques. De plus, le poète semble soumis à celle qu’il aime, attiré irrésistiblement par une force mystérieuse émanant de ses yeux divins.

▶▶ À l’écrit : Réécrire un poème en proseCet exercice de réécriture va permettre aux élèves de percevoir les caractéristiques et la richesse de la poésie de la Pléiade : le langage soutenu, les inversions poétiques et les références antiques. Cette activité permettra à l’enseignant de vérifier que le poème a été bien compris. Les élèves doivent conser-ver les idées et la structure du poème afin de le rendre plus explicite sans le trahir pour autant. Pour garder la dimension poétique, ils devront utiliser également des figures de style.

2. Se regarder aimer

Alphonse de Lamartine, « À El*** », Nouvelles Méditations poétiques p. 41

Montrer que célébrer l’amour permet de parler de soi1. Voici le champ lexical du regard : « doux regards » (v. 3), « tu me vois » (v. 7), « et je vois » (v. 12), « de tes yeux » (v. 12), « mes yeux enivrés » (v. 20).Les regards se croisent et se multiplient dans ces vers : le poète regarde avec amour et douceur l’être aimé. Celle-ci le regarde à son tour, avec inquiétude, car elle le sent soudain troublé et angoissé. Enfin, le poète se regarde aimer et analyse ce qu’il ressent au lieu de profiter de leur instant d’intimité.2. Cet amour semble fusionnel puisque les larmes du poète entrainent celles de l’être aimé : « Et je vois de tes yeux s’échap-per quelques larmes / Qui viennent se mêler aux pleurs que je répands » (v. 12-13). Le verbe « se mêler » suggère bien cette harmonie. De plus, la périphrase « moitié de moi-même » (v. 18) corrobore cette idée : tous deux ne constituent qu’un seul être.

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Page 11: THEME 1 Dire l’amour

Les yeux de l’être aimé se caractérisent par leur pureté et leur lumière éclatante.3. L’âme de l’être aimé est comparée à « une fleur céleste au calice idéal » (v. 13).4. Le poète montre que le regard reflète l’âme : « Ils sont si transparents qu’ils laissent voir votre âme » (v. 12).Bilan 5. Le poète idéalise l’être aimé car il lui prête toutes les perfections comme le soulignent les termes méliora-tifs « idéal » (v. 13), « parfaite » (v. 6) et « céleste » (v. 13). Il utilise aussi le champ lexical de la transparence et de l’éclat pour suggérer son rayonnement et sa pureté. Nous trouvons aussi des hyperboles : « Ils semblent avoir pris ses feux au diamant » (v. 5). La diérèse « di-a-mant » met d’ailleurs le mot en valeur.

▶▶ À l’oral : Expliquer le pouvoir du regardCette activité conduit les élèves à s’interroger sur la fré-quence du motif du regard dans la poésie amoureuse. Voici quelques explications qu’ils peuvent aisément donner : – les yeux constituent l’une des parties de l’être que l’on voit le plus, qui retient l’attention ;– les yeux sont le reflet de l’âme : ils semblent exprimer ce que l’on ressent ;– ils contiennent un monde intérieur ;– ils exercent un pouvoir de fascination et de séduction.Voir certains mythes : le pouvoir des yeux de la Méduse qui pétrifient. Le coup de foudre passe par un regard.

4. Rêver à travers l’être aimé

Charles Baudelaire, « Un hémisphère dans une chevelure », Le Spleen de Paris p. 43

Percevoir les visions intérieures de l’amour1. Ce sont les cheveux parfumés de l’être aimé qui invitent au voyage comme le suggère la comparaison : « Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l’eau d’une source » (l. 1-3) et les variations métaphoriques « Dans l’océan de ta chevelure » (l. 13), « dans le foyer ardent de ta chevelure » (l. 21), « sur les rivages duvetés de ta chevelure » (l. 23-24). Enfin, la métaphore sur laquelle s’achève le poème établit un lien direct entre les cheveux et le voyage au cœur des souvenirs : « Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs » (l. 27-28).2. La phrase est exclamative. Elle exprime l’émerveillement et l’exaltation du poète ivre de sensations, de souvenirs et d’amour.3. Les paysages décrits se caractérisent par une impression d’infini : « grandes », « immense », « éternelle », « profond ». C’est aussi la vie qui domine dans toute sa diversité, sa richesse : « plein de voilures », « port fourmillant », « hommes de toutes nations ».4. Sensations olfactives : « odeur » (l. 1), « odeurs combinées du goudron, du musc et de l’huile de coco » (l. 24-25) ; gusta-tives : « mordille » (l. 27) ; visuelles : « j’entrevois » (l. 13), « je vois resplendir... » (l. 22-23) ; auditives : « tout ce que j’entends » (l. 5-6) ; tactiles : « caresses de ta chevelure »5. L’écriture en prose convient bien à ce voyage rêvé et inté-rieur car le poète est libre de ses mouvements comme de son écriture. Le rythme lyrique, les phrases longues expriment le

3. a. Le poète éprouve deux sentiments mêlés :– le bonheur : « heureux » (x 2, v. 1 et v. 21), « bonheur » (v. 8), « enivrés » (v. 20), « fortunées » (v. 22) ;– la souffrance : « vague terreur » (v. 6), « tressaillir », « pâlis », « frissonne » (v. 7), « troublé », (v. 8), « douleur » (v. 15), « peine » (v. 16).Sa peur peut surprendre car on ne s’attend pas à trouver une telle ombre dans ce tableau paisible.b. Leur double présence s’explique par le fait que le poète, centré sur ses états d’âme, redoute la fin de cet amour si fort. Il se laisse alors envahir par la crainte. Nous retrouvons l’obses-sion romantique du tempus fugit.4. Les allitérations en [t] et en [r] suggèrent la dureté de l’émo-tion. La terreur semble ainsi se diffuser et résonner comme le bruit sourd de l’orage.5. Pour exprimer ce qu’il ressent, le poète utilise des phrases exclamatives. Cette expressivité de la ponctuation est ren-forcée par l’interjection lyrique « ô » qui accompagne l’apos-trophe « ô moitié de moi-même ! » (v. 18). Ces procédés caractéristiques de la poésie lyrique illustrent la citation de Paul Valéry : « Le lyrisme est le développement d’une excla-mation ». A. de Lamartine emploie aussi un superlatif pour évoquer son bonheur sans pareil : « Nul mortel sous les cieux n’est plus heureux que moi ! » (v. 21). Il s’agit d’ailleurs d’une hyperbole. De plus, les comparaisons rendent les sentiments plus imagés : son amour est suggéré par l’image de l’abeille et sa terreur est comparée à un trait pour souligner sa fulgu-rance et sa violence. 6. Dans ce poème, l’auteur ne célèbre pas les qualités de l’être aimé, et s’il célèbre dans quelques vers son amour et celui qu’il reçoit, c’est avant tout pour évoquer ses états d’âme. En effet, le poète se regarde aimer puisqu’il analyse ce qu’il ressent tout au long des vers : « Je sens couler des pleurs dont mon âme s’étonne » (v. 9). Le discours romantique de l’amour per-met avant tout l’expression de soi, l’épanchement lyrique des sentiments.

▶▶ À l’oral : Lire un poème à deux voixL’étude de la versification s’impose avant la lecture en binôme. De plus, les deux voix peuvent rendre compte de la double présence du poète et de l’être aimé ou de la double présence des deux émotions opposées. Les choix effectués en binôme doivent servir le sens du poème. Il est aussi pos-sible de lire certains vers en chœur afin de suggérer l’harmo-nie du couple.

3. Lire dans un regard

Théophile Gautier, « À deux beaux yeux », La Comédie de la mort p. 42

Comprendre comment le regard du poète idéalise l’être aimé1. La couleur jaune ressort nettement du poème car le regard de l’être aimé brille de mille feux.2. De nombreux termes et images permettent de décrire les yeux et l’effet qu’ils produisent : « un regard singulier et char-mant » (v. 1), « Comme la lune au fond du lac qui la reflète, / Votre prunelle, où brille une humide paillette » (v. 2-3), « leur vif rayonnement » (v. 8), « miroir de flamme » (v. 9), « Ils sont de plus belle eau qu’une perle parfaite » (v. 6), « si transpa-rents » (v. 12).

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Page 12: THEME 1 Dire l’amour

déroulement du voyage qui semble se dérouler sous nos yeux comme un rêve qui s’étend.Dans sa préface du Spleen de Paris, Baudelaire écrit :« Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? »Ce poème réalise ainsi le souhait du poète.Bilan 6. Ce titre métaphorique illustre bien le sujet du poème. Les élèves peuvent comprendre le sens du mot « hémisphère » à partir de sa formation : « hémi- » (moitié) et « sphère ». Le poète amoureux parcourt une partie du monde à travers l’être aimé dont il se nourrit presque littéralement. Certaines expressions évoquent de manière imagée que les cheveux abritent tout un monde : « tes cheveux contiennent tout un rêve... », « ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats ».

▶▶ À l’écrit : Écrire à la manière de...Il semble nécessaire de vérifier auparavant que les élèves ont bien compris les caractéristiques formelles du poème : poésie en prose, métaphore autour de la chevelure suivie d’un verbe de perception.

▶▶ Graine de savoirUn travail de comparaison peut être mené pour voir en quoi « Un hémisphère dans une chevelure » est bien une réécriture du poème en vers « La chevelure ». Il peut être intéressant d’amener les élèves à réfléchir à la spécificité de la prose et des vers.

Ressource numérique« La chevelure », de Charles Baudelaire à écouter (audio) et à télécharger (texte)•  Le lienmini propose, en résonance avec «  Un hémisphère dans une chevelure  », de découvrir le poème «  La chevelure  » de Charles Baudelaire. Les élèves peuvent en écouter une lecture effectuée par un comédien et en télécharger le texte.On peut demander aux élèves : « Comment voit-on que ce poème est une variante d’“Un hémisphère dans une chevelure”  ? Relevez les points communs entre ces deux textes (thèmes abordées, champ lexicaux, types de phrase, figures de style). »• La préférence des élèves pour l’une ou l’autre version pourra s’appuyer sur la musique, les images, les sensations éprouvées en lisant chacun des deux poèmes.Les élèves peuvent être sensibles à la musicalité de la prose ou, au contraire, au rythme plus régulier des vers. Certains pourront mettre en avant la fluidité et la limpidité de la prose qui peut sembler plus naturelle et sincère que les vers. D’autres évoqueront la richesse des images. Le poème en prose leur semblera peut-être plus accessible, par conséquent plus touchant, car le vocabulaire utilisé est moins soutenu. Le professeur veillera à ce que les arguments soient construits afin d’éviter des remarques superficielles et générales comme «  J’ai préféré “La chevelure” car c’est écrit en vers avec des rimes ».

ACTIVITÉ

5. Donner à voir l’amour autrement

Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou et Calligrammes p. 44

Percevoir les images et la musique de l’amourPoème 51. Les yeux sont le lieu métaphorique dans lequel se perd le poète. Tout son être semble se déliter dans « le lac profond » des yeux de Lou.2. Il s’agit d’un amour malheureux : « pauvre cœur », « se noie et fond », « défont », « mélancolie ». Le cœur est personnifié, puis il est l’objet d’une métaphore : « il fond ». Ces images sug-gèrent que le cœur est réduit à néant.3. b. Ce court poème est musical grâce aux procédés suivants :– deux mètres de vers brefs : alternance d’octosyllabes et d’un tétrasyllabe ;– allitération en [l], consonne liquide, qui illustre bien le motif de l’eau et suggère la mélancolie ;– trois rimes suivies en [fon] et deux rimes suivies riches en [oli] ;– absence de ponctuation qui permet au lecteur d’imposer sa propre musique.Ce poème a un rythme lancinant, ce qui suggère bien l’image d’une blessure.Poème 64. Le poète a repris le motif traditionnel de Cupidon à tra-vers le cœur transpercé d’une flèche. Ce procédé est ici très visuel puisqu’il s’agit d’un calligramme. Les mots du poème reprennent clairement le dessin.5. La disposition des mots et le jeu sur la typographie dans le calligramme mettent l’être aimé en valeur. En effet, le dimi-nutif « Lou » est inscrit au centre du cœur, ce qui est très sym-bolique. De plus, il est écrit à cet endroit en majuscules. En outre, ce prénom est répété trois fois dans le texte. Lorsqu’il est inscrit en lettres attachées, le poème prend un accent encore plus personnel. C’est aussi sur ce surnom que j’achève le poème.Bilan 6. Il présente son amour comme destructeur, d’où l’emploi du champ lexical de la violence : « flèche saignante », « blessure ardente », « percé ». De plus, l’être aimé est source de douleur profonde : « et elle me vient de toi ma Lou ». Le déterminant possessif « ma » montre que, malgré tout, il aime cette femme qui le fait tant souffrir.

▶▶ Graine de savoirLe recueil Calligrammes, poèmes de la paix et de la guerre (1918) offre de nombreux exemples. Parmi les plus connus, on peut citer : « La colombe poignardée et le jet d’eau », « La tour Eiffel », « Reconnais-toi », « Il pleut »...

6. Montrer le pouvoir des yeux

Paul Eluard, « La courbe de tes yeux », Capitale de la douleur Ernest Pépin, « Né de tes yeux », Lettera amorosa p. 45

Étudier le motif des yeux comme source d’imagesPoème 71. « La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur » (v. 1)« Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu

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C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu. » (v. 4-5)« Le monde entier dépend de tes yeux pursEt tout mon sang coule dans leurs regards » (v. 14-15)Ces vers permettent de comprendre que le poète est fasciné par les yeux de l’être aimé et que la femme est le centre de sa vie. 2. Voici les champs lexicaux des éléments et de la nature dans les vers 6 à 15 : « ciel », « mer », « astres », « aurore », « lumière », « vent », « roseaux », « feuilles ». Si les yeux inspirent ces mots au poète, c’est parce que la femme semble enfanter le monde pour lui. Il voit à travers ses yeux fertiles comme s’il prenait conscience de la présence et de la poésie du monde grâce à la femme aimée.

Poème 83. Nous retrouvons l’idée de lumière dans les vers « Je suis né de tes yeux / Où viennent boire les lucioles » (v. 4-5), « Tes yeux de lune montante » (v. 6), « Et d’un trop-plein d’étoiles » (v. 13).Les yeux comparables à la lumière d’un astre s’inscrivent dans une tradition lyrique.4. L’expression « Je suis né de tes yeux » qui peut surprendre montre que la femme a le pouvoir d’enfanter le poète. Elle lui offre d’une certaine manière la vie, le monde.

Poèmes 7 et 85. Les poètes ont choisi des vers libres, sans ponctuation.6. Ces poètes emploient des images surréalistes. La réponse à cette question est assez subjective. L’intérêt est d’amener les élèves à comprendre que les images peuvent offrir une plu-ralité d’interprétations, l’essentiel étant de respecter le sens global du poème.Exemples d’images surréalistes : dans le poème de Paul Eluard, les images qui évoquent des sensations peuvent sur-prendre, notamment le vers « Parfums éclos d’une couvée d’aurores ». Ce vers suggère que les yeux de la femme ouvrent le regard du poète au monde et réveillent la nature et la vie. Il y a une douceur maternelle empreinte de lumière, d’espoir et de joie, dans cette « couvée d’aurores ». Dans le poème d’Ernest Pépin, « Je suis né de tes yeux où viennent boire les lucioles » surprend également. Les yeux de la femme sont une source de lumière et de vie. Ils abreuvent la nature qui peut ensuite rayonner grâce à la femme. D’autres images peuvent déconcerter comme « Je suis né d’une boîte à bijoux / D’une Atlantide rose » : l’association des yeux de la femme et de la boite à bijoux évoque peut-être le caractère précieux de la femme et de la vie. De même, l’allusion à l’Atlantide, cette cité légendaire qui aurait été engloutie, pourrait suggérer que la vie nait du mystère.Bilan 7. Les yeux de l’être aimé inspirent ces deux poètes puisque leurs poèmes leur sont consacrés.C’est sur la courbe des yeux que s’ouvre le poème de Paul Eluard et c’est sur « leurs regards » qu’il se clôt. Les vers 6 à 15 constituent une seule phrase composée d’une énumération d’images de douceur et de plénitude (« rond », « douceur », « berceau », « mousse »...) inspirées par les yeux purs de la femme aimée.De même, Ernest Pépin puise toutes ses images dans les yeux de l’être aimé (« Je recueille la lumière au midi de tes yeux », v. 2), véritable point de départ de l’inspiration poétique. De plus, le groupe nominal « Tes yeux » constitue une anaphore qui déclenche une série d’images insolites. Ce groupe nomi-nal est également repris trois fois en fin de vers, ce qui le met en valeur et souligne son importance.

7. Contempler l’être aimé avec fébrilité

Louis Aragon, « Tandis que je parlais le langage des vers », Elsa Man Ray, Noire et Blanche p. 46

Percevoir le regard fou d’amour du poèteEntrer dans la lecture. Le poète s’adresse à Elsa Triolet alors qu’il se trouve à ses côtés et qu’il la regarde endormie.1. a. Il éprouve de la jalousie : « suppliciante et folle jalousie » (v. 6). Le néologisme « suppliciante » suggère à quel point cette jalousie est extrême et le plonge dans un état insupportable. Nous trouvons aussi les expressions « J’ai peur » (v. 9) et « Je me ronge le cœur » (v. 10) qui soulignent son état de fébrilité.b. Cette jalousie peut surprendre car elle n’est pas de la même nature que celle que l’on retrouve fréquemment en amour. En effet, le poète est jaloux car la femme aimée lui échappe pendant qu’elle dort et qu’elle rêve. Les vers « J’ai peur éper-dument du sommeil de tes yeux / Je me ronge le cœur de ce cœur que j’écoute » (v. 9-10) nous font comprendre qu’il est aux aguets, il l’observe attentivement pendant qu’elle dort et s’inquiète de la savoir seule sur la pente du rêve qui l’éloigne de lui.2. Il s’agit d’une comparaison qui suggère la vulnérabilité du poète en proie à la jalousie. Cette fragilité est également liée à son amour extrême qui le rend dépendant de la femme aimée. Il ne s’appartient plus car Elsa, même endormie, semble toute-puissante.3. Les verbes à l’impératif « Ne t’en va pas » (v. 7), « arrête-toi » (v. 11), « rends-moi » (v. 12) expriment ici une supplication. Le verbe « supplier » est d’ailleurs employé ainsi que l’adjectif « suppliciante ».4. Le rêve est évoqué à travers les métaphores de la « pente » et de la « route ». Ces images font comprendre que le rêve emporte ailleurs, dans un autre territoire, une terra incognita.Bilan 5. Le poète qui voue un amour fou et possessif à celle qu’il aime souhaite la posséder totalement, y compris dans son sommeil. Il va jusqu’à la supplier de se réveiller pour lui réappartenir. « Rends-moi ta conscience et mon mal mer-veilleux » (v. 12) : l’oxymore « mal merveilleux » exprime bien toute l’ambivalence de cet amour fou.

Lecture d’image• Cette photographie inspire à la fois de la douceur et du mys-tère, de l’étrangeté.• Le visage de la femme endormie et le masque sont construits en miroir et en opposition : même forme ovale du visage, les traits lisses, les yeux fermés, mais le masque est représenté à la verticale tandis que le visage de la femme endormie est posé à l’horizontale. De plus, le photographe joue sur l’oppo-sition du noir et du blanc, d’où le titre.• Cette photographie met en lumière une femme endormie comme Elsa dans le poème : « Elle s’est doucement tendre-ment endormie » (v. 2). De plus, le masque africain assez mystérieux qu’elle tient pourrait suggérer la pente du rêve, le domaine de l’inconscient – cette « inquiétante étrangeté » surréaliste. Aussi retrouvons-nous comme dans le poème un mélange de douceur, de mystère et d’inquiétude.

▶▶ À l’oral : Exprimer son point de vueCe sujet de réflexion est l’occasion d’amener les élèves à s’inter-roger sur la spécificité du langage poétique et ses enjeux. Dans l’imagerie populaire, la poésie est liée à l’amour et sans céder à ces clichés, il est évident que si l’amour a autant inspiré les

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poètes, c’est parce que le langage imagé est propre à expri-mer les sentiments les plus insaisissables. Il semblerait que la beauté et la singularité de l’amour trouvent leur écho et leur mode d’expression dans ce langage inhabituel qu’est la poé-sie. En effet, les métaphores, les comparaisons et les antithèses peuvent suggérer les troubles amoureux, les élans du cœur et les effets de l’amour. La musicalité des mots et le rythme du poème sont propices au chant du cœur. Ainsi, le poète peut user de tous les moyens propres à son art pour célébrer l’être aimé et les sentiments que cette personne lui inspire. La poésie, par sa brièveté et son caractère personnel, possède une dimen-sion intimiste qui sied aux murmures, aux confidences et aux déclarations secrètes. Le poème d’amour est d’ailleurs souvent directement adressé à l’être aimé. Les pronoms personnels « je », « tu », « vous », fréquents dans la poésie lyrique, suggèrent que la poésie est une bouche qui cherche l’oreille de l’être aimé.

8. Fermer les yeux face à l’absence

Paul Eluard, « J’ai fermé les yeux », L’amour la poésie p. 47

Percevoir la douleur de la perte1. Pour donner un titre à ce poème, il peut être pertinent d’utiliser un mot en rapport avec la vue : « Aveugle sans tes yeux », « La nuit sans tes yeux »...2. Le verbe « voir » est employé trois fois à la forme affirmative et négative. Le groupe nominal « les yeux » ou « tes yeux » le sont tout autant. Ces mots d’une grande simplicité reflètent le sens même du poème : le poète ne peut plus voir celle qu’il aime et il doit voir, malgré lui, son absence. Les yeux sont ceux du poète qu’il veut symboliquement fermer comme s’il pou-vait faire disparaitre cette réalité du manque, mais ce sont aussi les yeux obsédants de l’être aimé.3. L’hyperbole « tes yeux les quatre volontés du jour » suggère que la femme aimée fait la pluie et le beau temps, idée que l’on retrouve souvent sous la plume de Paul Eluard comme dans le poème « L’Amoureuse ». Bilan 4. Il exprime la douleur face à l’absence en utilisant des phrases interrogatives : « Où sont tes mains et les mains des caresses / Où sont tes yeux les quatre volontés du jour » qui traduisent son désarroi et son sentiment d’abandon.Les mains et les yeux de l’être aimé sont des motifs fréquem-ment évoqués dans les poèmes d’amour de Paul Eluard. Ils sont associés à la sensualité et à la féminité. De plus, le poète répète le groupe infinitif « Tout à perdre ». En outre, les nom-breuses phrases négatives suggèrent aussi l’absence, la perte : « ne plus rien voir », « ne plus te voir », « tu n’es plus là / pour éblouir la mémoire des nuits ». Enfin, la disposition elle-même des vers peut suggérer la douleur face à l’absence. Le dernier vers est isolé après un blanc, un silence qui exprime bien des soupirs : « Tout à perdre je me vois vivre ». Ce dernier constat révèle une souffrance et une solitude profondes.

▶▶ À l’oral : Dire et écrire l’absence• Pour s’approprier un thème et l’explorer plus en profondeur, il faut se confronter à sa mise en voix et à son écriture. Ce court poème de Paul Eluard se prête parfaitement à une activité orale. Les élèves devront faire ressortir la tristesse et la sensa-tion de vide que la mise en page du poème suggère. Ainsi, ils devront tenir compte des césures, des blancs et changements de strophes. Il leur faudra réfléchir à une manière pertinente et expressive de dire le dernier vers qui est isolé.

• L’activité suivante consiste à écrire le manque. La musique du silence à laquelle ils auront été sensibilisés auparavant devrait faciliter l’écriture. Pour éviter la page blanche, le professeur pourra demander aux élèves de réaliser un réservoir de mots constitué du champ lexical de l’absence et des images qu’ils associent spontanément à ce mot abstrait.

Max Ernst, Gala Eluard p. 47

Pistes pédagogiques complémentaires• Possibilité de commenter la citation qui accompagne le tableau de Max Ernst. • Petite recherche sur Max Ernst et sa relation avec Gala. •  Observations orales autour du tableau  : que vous inspire cette œuvre  ? Qu’est-ce qui vous surprend  ? Comment les yeux de Gala sont-ils mis en lumière ?

▶▶ À l’écrit : Interpréter un titre de recueil L’amour la poésie : tout d’abord, il est intéressant de noter que ces deux groupes nominaux ne sont pas séparés par une vir-gule comme s’il s’agissait d’un seul groupe nominal. L’amour et la poésie sont donc mis sur un même plan comme des synonymes. L’amour serait considéré alors comme un senti-ment poétique ; aimer, ce serait déjà faire de la poésie. On peut aussi penser que l’amour est source de création poé-tique, ainsi ces deux groupes nominaux seraient liés par un rapport de cause à effet implicite. L’amour est en effet un sujet lyrique intemporel qui inspire souvent les poètes : pensons à toutes les muses, telles Gala, Nusch, Lou ou Elsa Triolet. Enfin, on peut penser que l’amour et la poésie sont complé-mentaires au sens propre du terme. La poésie viendrait com-pléter le sentiment amoureux pour le parachever.

9. Les yeux de l’amour dans toutes les langues

Pétrarque, sonnet CXXXIII Rabindranath Tagore, « Mon cœur, oiseau du désert » Pablo Neruda, « Penché sur les soirs… » Calligraphie arabe, Nirân al-houbb (feu de l’amour) p. 48

Comprendre que l’amour est un langage universelPoésie italienne (poème 11)1. Le poème qui s’inspire des vers de Pétrarque est celui de Ronsard (p. 40). Il s’agit aussi d’un sonnet. La Laure de Pétrarque est comparable à Hélène : on retrouve l’idée de « l’œillade assassine » ainsi que les nombreuses références lyriques à Cupidon avec les flèches et le coup mortel. De plus, Pétrarque montre bien que celle qu’il aime exerce un tel pouvoir sur lui qu’elle peut le faire vivre ou mourir, cette idée est également présente dans le sonnet de Ronsard. Enfin, il y a la personnifi-cation d’Amour qui est tout-puissant dans les deux textes.Poésie indienne (poème 12)2. Le titre « Tes yeux célestes » pourrait le mieux convenir à ce poème : le poète tutoie celle qu’il aime et célèbre ses yeux. De plus, il rêve de voyager à travers ses yeux comme dans le ciel.Les deux autres titres ont bien un lien avec le poème : il peut donc être intéressant de justifier également ces choix.

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3. Ce poème peut faire penser à « Un hémisphère dans une chevelure » (p. 43) puisqu’il est question d’un voyage à travers l’être aimé. D’ailleurs l’impératif « Laisse-moi fendre ses nuages et déployer mes ailes dans son soleil » (v. 5) rappelle « Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux » (l. 1). De même, le vers « Ils sont le berceau du matin, ils sont le royaume des étoiles » (v. 2) fait penser à certaines images surréalistes de Paul Eluard et d’Ernest Pépin (p. 45).Poésie chilienne (poème 13)4. Malheureux et seul, le poète essaie de s’accrocher à celle qu’il aime et qui se dérobe à lui, aussi farouche et indomp-table que l’océan. 5. Nous trouvons le champ lexical maritime : « océaniques », « filets », « naufragé », « mer », « phare », « émerge », « côte ».6. Voici des exemples de titres reprenant le champ lexical maritime : « Naufragé de l’amour », « Pêcheur désespéré d’amour »...Calligraphie arabe7. Nous trouvons des allusions au feu de l’amour dans le son-net de Ronsard (p. 40) ainsi que dans le poème de Théophile Gautier « À deux beaux yeux » (p. 42).

Frédéric Baron et Claire Kito, Mur des « Je t’aime », Paris, square Jehan Rictus (18e arrondissement) p. 49

▶▶ À l’oral : Réagir à une image• Ce mur nous fait comprendre que l’amour est un langage universel et que chacun peut avoir envie de l’exprimer dans sa langue. Il suggère que l’on peut avoir besoin de dire et d’écrire que l’on aime. Il semble important d’écrire « Je t’aime » dans de nombreuses langues pour faire des ponts entre les hommes et délivrer un message d’amour et de paix.• La question personnelle « Aimeriez-vous y inscrire vous-même “je t’aime” ? » suppose une réponse construite et argu-mentée. Certains élèves n’aimeraient peut-être pas s’exprimer sur ce mur par pudeur ou parce qu’ils trouvent que cette démarche est ridicule et déplacée : l’expression « Je t’aime » s’adresserait, selon eux, uniquement à l’être aimé et n’aurait pas besoin d’être écrite à la vue de tous. D’autres pourront mettre en avant le fait que cette expression est employée à tort et à travers et qu’elle perd tout son sens, plus encore si elle est exposée (voir le très beau roman La Grammaire est une chanson douce d’Erik Orsenna, dans lequel l’expression « Je t’aime » est malade et se trouve à l’hôpital, trop affaiblie après avoir servi pour rien).À l’inverse, certains souhaiteraient peut-être écrire sur ce mur afin de clamer en plein jour leur amour, de l’adresser publi-quement pour qu’il résonne. On retrouverait ici cette volonté de graver, d’inscrire des mots comme sur le tronc d’un arbre pour immortaliser le sentiment, comme si cette inscription garantissait la sincérité et la durée de cet amour. Dans ce cas, le choix de la langue semble capital et symbolique. Certains s’en remettraient peut-être au français, d’autres à leur langue maternelle s’ils ne sont pas en France ou à la langue de leurs parents, ou encore à une langue qu’ils apprécient parce qu’ils l’associent à l’amour et à la poésie. De même, certains peuvent être sensibles à la musique de l’expression « je t’aime » dans une autre langue que le français. On pourrait aussi imaginer une autre langue afin de rendre plus singulière et personnelle la déclaration d’amour. Là encore, la réponse ne peut être intéressante que si elle est argumentée et si elle peut devenir le point de départ d’une réflexion.

Cette petite recherche lexicale sur les surnoms affectueux étrangers peut s’appuyer sur un travail interdisciplinaire avec des professeurs de langue. Il peut en effet être enrichissant d’aborder le lexique de l’amour en cours d’anglais, d’allemand, d’espagnol ou d’italien tout en découvrant quelques petits poèmes dans leur langue originale. Les professeurs de langue amèneront les élèves à chercher des expressions amoureuses de différents pays pour qu’ils puissent ensuite faire preuve de créativité en inventant leurs mots d’amour dans la langue de leur choix.

Activités d’expression p. 50-51

▶▶ Effectuer la lecture expressive d’un poème (Méthode)Savoir lire un poème de manière expressive semble indis-pensable pour apprécier la musique des mots et le rythme de la poésie. La fiche de méthodologie devrait permettre aux élèves de mieux s’approprier la versification à partir d’une étude du sens du poème, de son rythme et de sa musicalité. Cette méthode s’appuie sur l’exemple d’un poème de Charles le Goffic intitulé « Vos yeux ». Cette activité d’expression orale est une façon de leur faire comprendre que la poésie devient effective et prend tout son sens lorsqu’elle est lue à haute voix.

Ressource numériqueTexte à téléchargerCharles Le Goffic, « Vos yeux », Amour bretonLa ressource numérique permettra aux élèves de mieux préparer leur mise en voix du poème. En effet, sur le texte téléchargé, ils pourront surligner, souligner et utiliser des barres obliques afin d’indiquer les « e » muets, les liaisons et les pauses qu’ils souhaitent effectuer. Ils pourront aussi utiliser différentes typographies qui leur serviront pour la lecture.

ACTIVITÉ

▶▶ Réaliser une anthologie sonore collectiveLes huit poèmes d’amour proposés permettent aux élèves de découvrir de très beaux textes qui avaient été écartés du cor-pus d’étude car ils ne s’inscrivaient pas dans le motif des yeux. Ce choix de poèmes repose sur une alternance de poètes et de poétesses d’époques différentes ; il prolonge aussi la découverte de la poésie antillaise et étrangère.Cette activité plonge les élèves au cœur d’un processus de création collective et artistique. Ils devront ainsi définir l’ordre de lecture des textes pour réaliser l’anthologie sonore. Ce choix ne pourra pas s’effectuer au hasard. Le professeur amè-nera les élèves à réfléchir à un ordre pertinent afin de mêler les voix et de faire dialoguer les poèmes.

▶▶ Composer un poème-objetCette activité d’écriture repose sur les acquis du parcours. Les élèves sont amenés à rêver à partir des yeux de l’être aimé tant de fois célébrés par les poètes. L’embrayeur d’écriture

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« Dans tes yeux, je vois… » et le tableau de René Magritte, Le Faux Miroir, placé en regard de l’activité devraient permettre aux élèves de trouver plus aisément l’inspiration. Le profes-seur insistera sur la nécessité d’insérer des images poétiques (métaphores et comparaisons notamment).Mais le travail de création n’en restera pas là. Les élèves devront ensuite travailler sur la dimension visuelle de la poé-sie pour faire de leur poème un petit objet esthétique.Si la poésie lue à haute voix est un hommage que l’on rend au poète, un poème bien écrit, joliment présenté est un hom-mage rendu aux mots. Les élèves comprendront alors que la poésie peut dialoguer avec les arts plastiques, théorie bien développée depuis l’ut pictura poesis.

Le professeur pourra montrer aux élèves quelques illustrations de poèmes célèbres comme celles de Fernand Léger pour le poème « Liberté » de Paul Eluard, présenté sous la forme d’un petit livre plié en accordéon (un détail de cette illustration est reproduit p. 104 du manuel). De même, le travail de collabo-ration de Man Ray et Paul Eluard ou encore celui de Robert Delaunay et Guillaume Apollinaire serviront d’exemples inté-ressants pour nourrir l’imagination créative de la classe. Les élèves pourront aussi s’inspirer de la calligraphie, du cal-ligramme, des tableaux qui jalonnent le parcours pour pro-poser une présentation originale et soignée à leur poème. À l’issue de cette activité artistique, une exposition des poèmes de la classe pourrait alors être envisagée.

DOSSIER Le baiser dans les arts p. 52 à 55

Objectifs et démarches du dOssier▶▶ À travers ce dossier, l’objectif est de présenter aux élèves différentes représentations du baiser en art (peinture, sculpture,

photographie). Les œuvres présentées appartiennent aux xixe et xxe siècles. Des rapprochements entre les œuvres sont proposés afin d’en faire émerger les ressemblances et surtout les particularités. En effet, comment innover dans la représentation du baiser et ainsi, transmettre une émotion toujours renouvelée ?

▶▶ Ainsi, pour le baiser en peinture, le dossier propose deux tableaux intitulés Le Baiser, celui de Francesco Hayez et celui de Gustav Klimt. Ces tableaux sont à la fois très différents et très proches. On amènera les élèves progressivement, après une observation et une analyse poussées, à formuler ce qui diffère entre les deux tableaux et ainsi à comprendre quelles sont les intentions des artistes.

▶▶ Pour le baiser en sculpture, l’œuvre d’Auguste Rodin côtoie celles de Camille Claudel et de Constantin Brancusi. On pourra analyser avec les élèves les choix artistiques des trois sculpteurs et les enjeux de ces choix. La sculpture de C. Brancusi, Le Baiser, est remarquable à cet égard : la force de l’union émane d’un bloc de pierre très peu taillé.

▶▶ Le travail sur la photographie de Robert Doisneau Le Baiser de l’Hôtel de Ville permet un travail de lecture de l’image et d’analyse de sa composition. Cette photographie, très connue, permet d’offrir aux élèves une référence culturelle incontournable.

Objectifs pédagogiques

▶▶ Ce dossier vise à permettre aux élèves : – d’acquérir des références culturelles ;– d’analyser un tableau, une sculpture, une photographie ;– d’acquérir du vocabulaire technique artistique ;– de faire des liens entre des œuvres ;– de réfléchir à la représentation d’une activité humaine symbolisant l’amour dans de nombreuses cultures ;– de comprendre les enjeux de ces différentes représentations.

cOrrigé des questiOnnaires

1. Le baiser en peinture

Francesco Hayez, Le Baiser p. 52

Menez l’enquête• En observant le décor (larges marches et mur en un matériau qui semble être de la pierre, du marbre...) et le costume des personnages (robe de satin, cape, chapeau à plume), cette scène semble se dérouler dans un coin dérobé d’un château, d’un domaine.

• Le peintre parvient à rendre l’intimité entre les personnages malgré la froideur du décor en créant un espace intime : les deux personnages sont corps à corps et leurs mains créent comme une alcôve au niveau de leur visage et de leur bouche. Le chapeau de l’homme couvre en partie le haut du visage de la femme, les dissimulant au regard extérieur. De plus, la cape en partie ouverte de l’homme offre, côté droit, côté cœur, un espace pour accueillir la jeune femme.

Racontez cette scène d’amourCette activité de rédaction doit permettre de mettre des mots sur le tableau. Les élèves pourront utiliser des couples

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d’amoureux célèbres qu’ils connaissent de leur année de 5e (Tristan et Iseut) ou qu’ils auront découverts cette année (Roméo et Juliette, par exemple). Le professeur pourra exploi-ter le vocabulaire des sentiments après avoir travaillé la des-cription des lieux et des personnages.

Énigmes• Dans ce tableau, la lumière vient de la gauche (elle semble même venir du premier plan). L’ombre est projetée sur les marches vers le fond à droite.• La technique à trouver est le clair-obscur.

Gustav Klimt, Le Baiser p. 53

Exercez vos talents d’observateur• Nous ne pouvons déterminer la source de lumière de ce tableau car il n’y a pas d’ombre projetée et il ne semble pas y avoir de succession de plans.• Cette scène semble se dérouler sur un tapis de fleurs (motif dans le tiers inférieur du tableau) mais sans que le specta-teur puisse en déterminer précisément la source. Les deux tiers supérieurs du tableau représentent un fond mordoré qui ne permet pas de savoir où se situent les personnages. Ils semblent hors du monde, dans un espace à eux, dédié à leur amour, un paradis personnel.• Le peintre a fait ces choix pour symboliser un amour intem-porel et qui ne s’inscrit pas dans un hic et nunc. Tout est mis en œuvre pour représenter le baiser comme un symbole uni-versel de l’amour.• Les figures géométriques permettent de distinguer l’homme de la femme. Pour l’homme, le peintre a choisi des rectangles de différentes tailles qui ornent sa tenue. Pour la femme, le choix s’est porté sur des motifs circulaires. À l’homme sont associés la verticalité, les côtés anguleux. Pour la femme, c’est la rondeur qui est mise en valeur, rondeur de la féminité et, pourquoi pas, de la maternité.• Le peintre parvient à rendre l’union des personnages en ayant choisi une palette harmonieuse de couleurs. En effet, le doré se retrouve dans le fond du tableau mais également sur la tenue de l’homme et de la femme. Les deux personnages se fondent en un seul élément central du tableau. Les mains des deux personnages se mêlent et semblent n’en former qu’une. La nuque de l’homme s’arrondit en se penchant vers la femme et ainsi se forme un cercle intime qui lie les deux personnages.

Exprimez votre préférence• On retrouve de nombreux points communs entre les deux tableaux : la composition, la position des personnages, le mouvement des mains, l’inclination des visages (notamment celui de l’homme qui se penche vers la femme).• Pour les deux questions suivantes, on laissera les élèves exprimer leur point de vue en n’oubliant pas de leur deman-der d’argumenter, de prendre appui sur des éléments des tableaux. On cherchera à développer les premières réactions-réponses « J’aime » ou « Je n’aime pas ».

2. Le baiser en sculpture

Auguste Rodin, Le Baiser p. 54

Découvrez l’art de la sculpture• Par rapport à une peinture, une sculpture permet de mettre en valeur les volumes. En effet, une œuvre en trois dimensions

permet d’offrir une multitude de points de vue, selon la place du spectateur. Les ombres projetées permettent de faire vivre la matière choisie pour la sculpture (ceci est vrai notamment pour les sculptures en marbre qui permettent d’en voir les vei-nures) et de voir les détails du travail du sculpteur (marque des ciseaux, par exemple).• Dans ce bloc de marbre, Auguste Rodin a su créer une illusion de mouvement et de légèreté par le mouvement des bras des amants. En effet, le bras droit de l’homme crée une ouverture laissant passer la lumière. De plus, l’arrondi des corps amorcé par le bras de femme qui enlace l’homme semble entrainer les deux personnages dans une spirale ascendante. • Le Baiser d’A. Rodin illustre parfaitement la citation de l’artiste car cette sculpture donne l’illusion de la vie et cette illusion nait du modelé de la sculpture. Les deux phrases sur lesquelles peut s’appuyer l’élève pour répondre sont : « il sait faire vivre les êtres qu’il évoque » et « L’illusion de la vie s’ob-tient dans notre art par le bon modelé et par le mouvement ». L’élève pourra également prendre appui sur ses réponses aux précédentes questions pour répondre.• Le premier titre de cette sculpture est : Francesca da Rimini. Il s’agit d’un personnage issu de La Divine Comédie, le poème de l’écrivain italien Dante Alighieri (1265-1321). Francesca est amoureuse de Paolo. Tués par le mari de Francesca qui les avait surpris en train de s’embrasser, les deux amoureux furent condamnés à errer dans les Enfers.

Camille Claudel, Vertumne et Pomone p. 54

De la légende à l’œuvre d’art• Vertumne est une divinité romaine, protectrice des jardins. Pour séduire Pomone, une nymphe des fruits et des fleurs, il prend l’apparence des différentes saisons. Séduite par Ver-tumne sous les traits d’un jeune homme, Pomone devient son épouse. Heureux, ce couple immortel ne cesse de vieillir puis de rajeunir de manière cyclique. Vertumne et Pomone symbolisent la succession des saisons. Ils appartiennent à la mythologie romaine.

Enquêtez sur l’artisteCamille Claudel (1864-1943) a d’abord été l’élève de Rodin avant de devenir son amante. Ils ont eu une relation d’amour passionnel qui a fortement marqué l’artiste.

Constantin Brancusi, Le Baiser p. 55

Découvrez le travail de Constantin Brancusi• Les éléments qui permettent de distinguer l’homme de la femme sont les cheveux longs et ondulés qui semblent appartenir davantage à un personnage féminin.• C. Brancusi a su rendre cet effet d’union en traçant sur le bloc de calcaire des indices peu saillants (les yeux, la bouche, les cheveux, les bras). L’artiste n’a pas cherché à effacer l’image du bloc de pierre.• On proposera aux élèves de trouver, via Internet, d’autres représentations du Baiser de Constantin Brancusi. Il en existe plusieurs versions, toutes différentes et en même temps, très proches les unes des autres. On pourra interroger les élèves sur le fait qu’un artiste travaille et retravaille la même œuvre.

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Devinettes• Une sculpture qui représente le haut du corps d’un person-nage est un buste. • Une sculpture autour de laquelle on peut tourner s’appelle une ronde-bosse.

▶▶ À l’oral : Donnez votre avis sur les œuvresCe travail doit permettre aux élèves de justifier leur choix. Le professeur cherchera à ce que les justifications proposées par les élèves s’appuient sur des éléments précis des œuvres et de leur analyse.

3. Le baiser en photographie

Robert Doisneau, Le Baiser de l’Hôtel de Ville p. 55

• Les deux voitures se trouvent à l’arrière-plan à droite (on voit l’avant d’un des deux voitures et l’arrière de l’autre). L’Hôtel de Ville (de Paris) se trouve à l’arrière-plan à gauche. Les tables et les chaises d’un café se trouvent au premier plan. • Dans cette photographie très chargée en plans et en per-sonnages, Robert Doisneau parvient à isoler les deux amants en semblant les figer dans leur baiser tandis que tout s’agite autour d’eux. La foule passe comme indifférente autour d’eux. Seul le photographe (et le spectateur avec lui) s’attarde sur cet instant furtif : un baiser fougueux au milieu de la foule en mouvement.

▶▶ Selon vous, que cherche à exprimer un artiste quand il représente un baiser ?On pourra s’appuyer, pour répondre à cette question, sur les différents éléments observés : harmonie des couleurs, lignes fluides des corps, composition des œuvres afin de mettre en évidence le lien qui unit toutes ces œuvres, la plénitude de l’amour traduite par le baiser.

Les plans d’un tableau ou d’une photographiea. 3. le premier plan = tout ce qui semble le plus proche du spectateur.b. 1. le second plan = derrière le premier plan.c. 2. l’arrière-plan = le fond de l’image.

▶▶ Préparez une expositionCe travail a pour objectif de prolonger le dossier « Le baiser dans les arts ». En proposant aux élèves de travailler autour d’un des artistes de ce dossier, il sera possible de constituer pour la classe une banque d’images. Le travail de recherche pour établir la source des documents (artiste, dates de l’ar-tiste, titre de l’œuvre, date de l’œuvre, dimensions, technique utilisée, lieu de conservation) amorce le travail autour de l’his-toire des arts.En demandant aux élèves de justifier leur choix, le professeur les amènera à réfléchir à des arguments. Ce travail de réflexion permet de développer la pensée critique des élèves.

Piste pédagogiqueDans le cadre du parcours d’éducation artistique et culturelle, il est tout à fait possible de reprendre la démarche de ce dossier et de travailler sur un autre thème que le baiser.Ainsi, en proposant aux élèves une recherche iconographique sur un thème déterminé en classe, on aiguise leur sensibilité artistique et on travaille sur l’argumentation quand il s’agirait d’expliquer son choix.

• Ce dossier « Le baiser dans les arts » offre de nombreux documents pour travailler sur l’art. De plus, les notions techniques abordées peuvent être reprises dans le cadre d’un EPI qui exploiterait des œuvres d’art.• On pourrait concevoir cet EPI en relation avec le professeur d’arts plastiques et le professeur d’éducation musicale.On pourra travailler autour des amours légendaires (pensons à Tristan et Iseut par exemple) et les différentes œuvres issues de cette légende, que cela soit en peinture, en musique (Tristan und Isolde de Wagner) ou encore en film (L’Éternel retour de Jean Delannoy).

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PARCOURS UN GENRE Contraintes et liberté de l’amour dans la chanson p. 56-61

Objectifs et démarches du parcOurs

Problématique : Comment la chanson permet-elle d’exprimer les contraintes et la liberté de l’amour ?

▶▶ Afin d’apporter une réflexion différente et complémentaire de celle menée autour du corpus sur la poésie amoureuse (« Les yeux de l’amour en poésie », p. 40 à 51), ce parcours se propose d’étudier l’expression de l’amour dans la chanson à travers une problématique bien définie : comment concilier amour et liberté ? Pour assurer encore plus de cohérence à l’ensemble, le motif de l’oiseau, inattendu quand on parle d’amour, traverse tout le corpus.

▶▶ Ce parcours répond aux exigences suivantes :– comprendre les liens entre la poésie et la chanson ;– saisir la spécificité de la chanson en l’étudiant comme genre à part entière ;– aborder des chanteurs français qui appartiennent à notre patrimoine culturel ;– amener les élèves à s’interroger sur l’interprétation d’une chanson et sur le choix de la musique ;– étudier les enjeux d’un clip vidéo.

OrganisatiOn du parcOurs et chOix des axes de lecture

▶▶ Le parcours est divisé en deux sous-parties : la dualité entre la liberté d’aimer et l’amour de la liberté, puis les prisons d’amour.

1. Liberté d’aimer ou amour de la liberté ?

« L’oiseau rebelle », Carmen, opéra de Georges Bizet p. 56

●● Pistes didactiquesLa célèbre aria de Carmen introduit explicitement le premier thème « liberté d’aimer ou amour de la liberté » en proposant une réflexion sur l’amour fatal et libre. De plus, ce support per-met d’aborder la notion de réécriture puisque l’opéra est une adaptation d’une nouvelle de Prosper Mérimée.

●● Proposition d’hypothèse de lectureL’amour comme expression de la liberté.

« Carmen », de Stromae p. 57

●● Pistes didactiquesCe support, séduisant pour les élèves puisqu’il s’agit d’un texte interprété par un chanteur à la mode, leur permettra d’étu-dier une réécriture moderne et inattendue de Carmen tout en s’interrogeant sur la place de l’amour dans notre société. Le professeur pourra ainsi amener les élèves à travailler sur les réseaux sociaux et à réfléchir à leur propre utilisation d’Inter-net. Cette chanson et l’excellent clip vidéo qui l’accompagne sont des outils intéressants et originaux pour mener en classe des débats animés.

●● Proposition d’hypothèse de lectureDe la réécriture à la satire de l’amour moderne.

« La non-demande en mariage », de Georges Brassens p. 58

●● Pistes didactiquesIl est intéressant d’étudier cette incontournable chanson après avoir travaillé sur la poésie amoureuse car le chanteur reprend à contre-pied les images traditionnelles de l’amour (flèches de Cupidon, encre des billets doux...).

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment chanter l’amour en dehors des normes sociales ?

2. Les prisons d’amour

Cette deuxième sous-partie intitulée « Les prisons d’amour » se propose d’aborder différentes formes d’enfermement liées à l’amour.

« Ma liberté », de Georges Moustaki p. 59

●● Pistes didactiquesCe célèbre texte, qui assure une transition entre les thèmes « Liberté d’aimer ou amour de la liberté ? » et « Les prisons d’amour », interroge la dualité irréductible de la liberté et de l’amour.

●● Proposition d’hypothèse de lectureDe l’amour de la liberté à la prison d’amour.

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« Attendez que ma joie revienne », de Barbara p. 60

●● Pistes didactiquesLes voix féminines sont souvent négligées lorsqu’on étudie la poésie et la chanson. Un hommage est ainsi rendu à l’une de ces grandes voix françaises : Barbara. Cette chanson permet aussi d’aborder le registre lyrique et la tonalité mélancolique, propres à cette chanteuse. Il s’agit de faire comprendre aux élèves que l’enfermement de l’amour peut être lié au passé. Le souvenir d’un amour peut en effet rendre prisonnier. Cette chanson imagée aux accents poé-tiques reprend des thèmes lyriques traditionnels : l’absence, la nostalgie, la souffrance... La situation d’énonciation rend ce texte encore plus touchant.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment chanter l’amour tout en y renonçant : le conflit du passé et du présent ?

« L’amour en cage », de Boris Vian p. 61

●● Pistes didactiquesIl semble intéressant d’aborder ce grand artiste aux mul-tiples talents, sous l’angle de ses compositions musicales. Comme l’indique explicitement le titre de la chanson, ce texte dénonce la privation de liberté liée à un amour possessif. Mais ce texte imagé propose une réflexion qui va plus loin : non seulement certaines formes d’amour peuvent être délétères et liberticides, mais le choix de la liberté à tout prix et de la solitude constituent une autre forme d’enfermement.Pour plonger davantage dans l’univers de cet artiste incon-tournable, un parcours numérique prolonge cette étude.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment la chanson exprime-t-elle une réflexion sur l’amour ?

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

1. Liberté d’aimer ou amour de la liberté ?

▶▶ À l’oral : S’exprimer librementDans l’imaginaire collectif, l’oiseau symbolise la liberté et par-fois la paix lorsqu’il s’agit de la colombe. Il ne semble donc pas naturel de l’associer à l’amour.

« L’oiseau rebelle », Carmen, opéra de Georges Bizet p. 56

Étudier une certaine conception de l’amour1. Carmen définit l’amour comme sauvage, indomptable, d’où la métaphore de « l’oiseau rebelle ». La personnification de l’amour en « enfant de bohème » (v. 5) renforce cette idée : il semble indépendant, ignorant des règles. « Il n’a jamais jamais connu de loi » (v. 6). La répétition de l’adverbe « jamais » insiste sur cette vie totalement libre.2. On peut être surpris à la lecture du vers « Si je t’aime prends garde à toi » (v. 8) car cette phrase exprime une menace. L’amour de Carmen semble être dangereux.3. Si les élèves ont bien compris la menace qui plane dans cette aria, ils devront mettre en garde le brigadier Don José. Être choisi par une femme comme Carmen peut être fatal.

Ressource numériqueCarmen, « Habanera »Les élèves sont invités à découvrir une interprétation de la célèbre aria à travers une vidéo INA visionnable directement en saisissant le lienmini proposé. Écouter ce morceau est une manière idéale de percevoir comment la mélodie même de ce morceau participe au sens de ce que Carmen dit à Don José.

VIDÉO

« Carmen », de Stromae p. 57

Étudier la réécriture moderne d’un air célèbre1. Stromae a repris certaines constructions de vers en trans-formant quelques expressions dont on retrouve aisément le modèle original. Ainsi, « L’amour est un oiseau rebelle »

devient « L’amour est comme l’oiseau de twitter » (l. 1) ; « L’amour est enfant de bohème » est revisité avec « L’amour est enfant de la consommation » (l. 13) ; « Si je t’aime prends garde à toi » devient « Prends garde à toi, si tu t’aimes » dans le refrain. Ces transformations inscrivent au cœur de la chan-son des thématiques modernes développées tout au long du texte : emploi du champ lexical de la technologie et du numé-rique (« twitter », « follow ») et de la société de consommation (« consomme », « consommation », « plus de choix », « tombés du camion », « l’offre et la demande »).Enfin, il suffit d’écouter la musique pour reconnaitre celle de Georges Bizet mais réarrangée dans une version électronique qui la modernise considérablement.2. a. Le chanteur jour sur les mots et leurs sonorités comme le montre tout d’abord le jeu de mots : « être bleu de ». Hormis le sens figuré de « tomber amoureux », le bleu renvoie à la cou-leur de l’oiseau de twitter. Nous trouvons aussi une allitération en [f ] : « affilie », « follow », « fêlé ».b. Le choix des rimes « follow » et « solo » met en valeur une antithèse qui traduit une partie du message de la chanson. L’amour sur la toile est éphémère car il est virtuel... Malgré la collection de followers, c’est la solitude réelle qui menace celui qui est dépendant de ces réseaux sociaux.3. L’amour ne dure pas : « seulement pour 48 h » (v. 2). De plus, dans notre société de consommation, l’amour est devenu un objet de consommation (voir tout le champ lexical qui s’y rapporte, relevé dans la question 1). De même, le jeu sur la paronymie « Et c’est comme ça qu’on s’aime / comme ça consomme » dans le refrain suggère une sorte d’équivalence entre ces deux verbes, ce qui est lourd de sens. En outre, l’amour ressemble à la société individualiste dans laquelle il évolue : « Et puis chacun pour soi » (v. 10). On est donc très loin de l’idée de partage mise en avant dans les réseaux sociaux. Enfin, l’amour devient amour de soi-même, comme le sug-gèrent les expressions « si tu t’aimes », « si je m’aime »… Dans le vers « et c’est comme ça qu’on s’aime », le verbe « aimer » est utilisé avec un pronom réfléchi : il s’agit de s’aimer soi-même (le pronom « s’ » prend un sens réfléchi et non réciproque) car les réseaux sociaux avec la mode des selfies notamment déve-loppent le narcissisme et l’égocentrisme.4. Le clip très sombre réalisé par Sylvain Chomet est aussi une charge contre twitter. En effet, le personnage principal est soit

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filmé en train de surfer sur les réseaux sociaux et de consulter le nombre de followers, soit en train de se prendre en selfie dans toutes les situations du quotidien. Le réalisateur illustre le mécanisme de dépendance des réseaux sociaux. Il souligne aussi que la vie devient complètement scénarisée, mise en scène, offerte à des internautes au lieu d’être vécue réellement. Les réseaux sociaux deviennent une obsession qui éloigne de la vraie vie et des véritables relations humaines comme le sug-gère l’évolution du couple éphémère dans le clip.5. Tout au long du clip, l’oiseau bleu de twitter grossit. Au tout début, il s’agit d’un petit oiseau qui semble inoffensif et qui siffle gaiement sur le rebord d’une fenêtre. Mais dès l’instant où il entre dans l’espace intime du personnage, il va progres-sivement se transformer de manière inquiétante. Il grossit peu à peu, accompagne partout le personnage, se nourrit de sa pensée (il est alors placé symboliquement sur sa tête courbée en prolongement de son corps), il se nourrit à sa place... Fina-lement, il devient une créature énorme qui s’empare brusque-ment du personnage et le met sur son dos. Le monstre bleu de twitter est devenu incontrôlable et manipule le personnage. Ces changements traduisent bien la place dévorante que prend twitter dans la vie et dans la tête de celui-ci.6. À la fin du clip, apparaissent de nombreuses créatures bleues de twitter qui emmènent chacune son internaute sur son dos. Celui-ci n’a plus aucun contrôle, et il est offert en pâture à une plus grosse créature (le monstre Twitter !). Celle-ci les avale littéralement à tour de rôle et les rejette sous forme d’excréments... Twitter, insatiable, a gagné ! Mais au fond du tas d’excréments, une main sort un téléphone portable et le bran-dit comme un trophée. Alors le petit oiseau bleu de twitter que l’on voyait au début du clip réapparait et s’envole dans le ciel pour se poser de nouveau sur le rebord d’une fenêtre. L’his-toire est un éternel recommencement : l’oiseau bleu à l’allure inoffensive va séduire une jeune fille, future victime... Ainsi, la construction du clip montre que l’addiction aux réseaux sociaux risque de nous mener à notre perte : perte de notre identité, de notre pensée personnelle et peut-être de notre capacité à aimer l’autre de façon durable et sincère. Twitter est présenté comme une machine qui broie les internautes après les avoir dépossédés d’eux-mêmes.

▶▶ À l’oral : Exprimer son point de vueSi les élèves sont plus habitués aux sms et aux courriers élec-troniques qu’à la lettre qui leur semble appartenir à un autre temps, il peut toutefois être intéressant de les amener à réflé-chir au contenu d’un message d’amour et au rapport entre le message et la forme choisie. Certaines problématiques s’im-posent alors : l’amour peut-il se dire en quelques mots et de manière phonétique ? Quelle image de soi et de son amour envoie-t-on à l’autre, selon le mode d’expression choisi ?Si certains élèves n’arrivent pas à saisir les enjeux de cette dis-cussion, il est peut-être plus aisé de retourner la situation en leur demandant : préféreriez-vous recevoir une déclaration d’amour sous forme de sms, de courriel ou de lettre ? pour quelles raisons ?

▶▶ À l’écrit : Dire l’amour sous plusieurs formesCette activité d’écriture complètera la discussion précédente et permettra aux élèves de se rendre compte par eux-mêmes de la différence entre les formes de messages. Cet exercice de style les conduira nécessairement à exprimer différemment leurs sentiments et à les développer le cas échéant. Cer-tains reviendront peut-être sur le point de vue qu’ils avaient exposé précédemment à l’oral.

« La non-demande en mariage », de Georges Brassens p. 58

Étudier une déclaration d’amour inattendue1. Le titre de cette chanson est surprenant car il prend à contre-pied l’expression usuelle de la demande en mariage. Il développe dans le refrain ce pied-de-nez à l’institution en disant : « J’ai l’honneur de ne pas te demander ta main... » On peut y lire une pointe d’ironie qui ne remet nullement en question l’amour, mais la façon conventionnelle et institu-tionnelle de le vivre dans le mariage.2. Georges Brassens célèbre l’amour libre, dégagé du carcan des normes et des conventions. Il refuse l’amour scellé par le mariage qui deviendrait, selon lui, routinier et délétère.3. Nous voyons qu’il remet en question les images tradition-nelles de l’amour avec les allusions à Cupidon, à l’encre des billets doux : « Ne mettons pas sous la gorge à Cupidon sa propre flèche » (v. 1 et 2). La flèche de Cupidon ne sert pas ici à inspirer l’amour à la personne qui est touchée, mais elle se retourne contre l’amour lui-même lorsqu’il est enfermé dans un cadre établi par la société.De même, les billets doux perdent de leur saveur, de leur cou-leur lorsqu’ils sont pris dans le quotidien prosaïque. Ainsi, le poids de l’habitude et le rôle domestique attribué tradition-nellement à la femme font perdre tout attrait à cette mai-tresse et tout pouvoir et toute beauté à l’amour.Bilan 4. Cette chanson est une très belle déclaration d’amour puisque cette non-demande en mariage signifie que le chan-teur souhaite prolonger le plus longtemps possible son amour et le conserver intact. Il veut garder celle qu’il aime « en éter-nelle fiancée » (v. 25), l’adverbe « toujours » qui accompagne « je pense » (v. 27) suggère la force de cet amour. Ainsi, laisser « le champ libre à l’oiseau » (v. 13) exprime la volonté d’aimer l’autre librement, sans restriction et non la volonté de se sous-traire à toute forme d’engagement. Il ne veut pas exploiter les talents domestiques de la femme qu’il aime, mais il veut l’ai-mer avec sincérité comme la « dame de [ses] pensées » (v. 26).

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Ressource numériqueGeorges Brassens interprétant « La non-demande en mariage »Il est toujours intéressant de laisser les élèves s’exprimer librement à partir d’une écoute musicale, surtout lorsque celle-ci est accompagnée d’une vidéo. Le professeur pourra toutefois guider les élèves en leur demandant par exemple : – Que pensez-vous de cette interprétation à la guitare ?– Après avoir lu le texte, imaginiez-vous une façon très différente de la chanter et de la mettre en musique ?Cette écoute peut, bien évidemment, amorcer le travail d’analyse de la chanson. Dans ce cas, les réponses aux questions de compréhension pourront s’appuyer sur l’ensemble de la chanson.

VIDÉO

Graine de savoirCette activité lexicale permettra aux élèves d’enrichir leur vocabulaire. Le professeur pourra, en prolongement, leur demander de commenter ces expressions et de donner leur point de vue.a. 5. Loin des yeux, loin du cœur.b. 1. L’amour ne prend pas de rides.

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c. 3. Amour, Amour, quand tu nous tiens, on peut dire « Adieu prudence » !d. 2. L’amour rend aveugle.e. 4. Heureux au jeu, malheureux en amour.Il peut être intéressant de faire lire aux élèves la fable « Le Lion amoureux » de La Fontaine dont la troisième citation est tirée. Après une explication orale du texte, une discussion autour de la morale pourra être engagée.

2. Les prisons d’amour

« Ma liberté », de Georges Moustaki p. 59

Comprendre le conflit entre l’amour et la liberté1. Le texte met en valeur la liberté grâce aux choix suivants :– le titre ;– l’anaphore « Ma liberté » au début de chaque couplet et par-fois à l’intérieur ;– l’emploi du déterminant possessif dans le groupe nominal « Ma liberté » qui suggère que le chanteur tient justement à cette liberté ;– la personnification de la liberté qu’il tutoie ;– la comparaison avec la perle rare qui souligne le caractère précieux de sa liberté « Longtemps je t’ai gardée comme une perle rare » (v. 2-3).2. L’expression « Ma liberté devant tes volontés mon âme était soumise » semble paradoxale puisque la soumission est le contraire même de la liberté. Ainsi, la phrase repose sur une antithèse. Cette expression signifie que ce désir extrême de liberté conditionnait sa vie et ses choix.3. Toutefois, l’amour l’emporte finalement sur son gout de liberté. Le dernier couplet introduit l’idée d’une concession avec le connecteur logique « Pourtant ». Les participes passés « quittée », « déserté », « liés », « trahie » expriment le change-ment de vie et le renoncement à la liberté. Ce choix se fait au profit de celle qu’il aime comme l’indique la métaphore : « la belle geôlière ». Cette image suggère que la femme aimée ôte la liberté puisqu’elle est comme une gardienne de prison.

▶▶ À l’oral : Lire à plusieurs voix• Cette chanson alterne deux mètres : le tétrasyllabe et l’hexa-syllabe. Ces vers assez courts produisent un rythme rapide qui suggère le passage d’un état à l’autre.• La lecture chorale permet aux élèves de réinvestir leur com-préhension du texte et de s’approprier la musique des vers. Ils doivent être en mesure de justifier leurs choix dans la réparti-tion des vers, dans la lecture en chœur ou en canon...

▶▶

Suggestion de prolongementsL’écoute de l’interprétation de Georges Moustaki permet aux élèves de comprendre comment le chanteur fait durer certains vers en prononçant des « e » muets notamment. Il peut être intéressant de les amener à réfléchir à ce choix. Le professeur pourra aussi leur faire écouter l’interprétation tout aussi célèbre de Serge Reggiani en leur demandant quelle version ils préfèrent.

À l’oral : Exprimer son point de vueComme ce texte laisse penser que l’amour et la liberté sont deux valeurs opposées et incompatibles, il est intéressant de mener un débat autour de ce conflit apparent.

On peut essayer de faire réfléchir les élèves à partir de la défi-nition des deux termes. Ainsi, l’amour suppose une forme d’abandon alors que la liberté repose sur une volonté d’auto-nomie et de maitrise de soi. Dans Le Paradoxe de l’amoureux, Pascal Bruckner a bien résumé cette contradiction : « Si la volupté de l’amour est de ne plus s’appartenir, la volupté du moi est de ne jamais s’abandonner ».Pour illustrer concrètement la réflexion, on peut dire qu’aimer, c’est vouloir faire plaisir à l’autre, ce qui implique de faire des concessions et donc de renoncer à une part de sa liberté. Cha-cun devient captif consentant. Ces deux mots semblent donc inconciliables. Et pourtant, on utilise des expressions comme « aimer librement », « l’amour libre »... Ce sujet amènera donc les élèves à se poser d’autres questions comme :– Jusqu’où peut-on/doit-on aller par amour ou pour se faire aimer ? – À quoi est-on prêt à renoncer par amour ?– Aimer signifie-t-il abdiquer de soi-même ?– Peut-on aimer et rester soi-même ?

▶▶ Graine de savoira. 3. « L’hymne à l’amour » : Edith Piafb. 1. Ne me quitte pas : Jacques Brelc. 4. La chanson du mal-aimé : Léo Ferréd. 6. L’encre de tes yeux : Francis Cabrel e. 2. Que reste-t-il de nos amours ? Charles Trénet f. 5. Les feuilles mortes : Yves Montand« La chanson du mal-aimé » est à l’origine un poème de Guillaume Apollinaire. Le texte « Les feuilles mortes » est un poème écrit par Jacques Prévert.

Ressource numériqueInterprétation de « Ne me quitte pas » par Jacques Brel, de « L’encre de tes yeux » par Francis Cabrel et de « Les feuilles mortes » par Yves MontandLe professeur pourra demander aux élèves : quel est le texte qui vous touche le plus ? Pourquoi ? Quelle est l’interprétation qui vous touche le plus ? Pourquoi ?Il est en effet important de les amener à réfléchir à l’importance de l’interprétation. Les chansons qui nous touchent le plus ne sont pas nécessairement celles dont le texte est le plus touchant. L’expressivité du chanteur, son regard, ses gestes, sa voix… permettent à la chanson de se réaliser pleinement et de produire un maximum d’effets sur l’auditoire.

VIDÉO

« Attendez que ma joie revienne » de Barbara p. 60

Comprendre l’enfermement de l’amour1. Barbara s’adresse à un homme qui l’aime afin de lui expli-quer qu’elle n’est pas prête à l’aimer : « Laissez-moi, ouvrez cette porte / Laissez-moi, je vais revenir » (v. 3-4). Elle est emprisonnée par son passé : elle aime encore un homme qui l’a fait souffrir. 2. « Il faut de mes amours anciennes / Que périsse le souvenir / Pour que, libérée de ma chaîne, / Vers toi, je puisse revenir » (v. 21-24).La métaphore de la chaine suggère qu’elle est liée au souvenir de cet amour douloureux. Le passé la rend esclave et prison-nière car il ne veut pas mourir.

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3. La métaphore filée du voyage exprime le besoin de partir pour se délivrer et guérir de cette histoire ancienne. La sup-plication « Je t’en prie, laisse-moi partir » (v. 20) montre à quel point ce voyage vers une convalescence sentimentale lui sera salutaire. Ainsi, elle doit se libérer de la prison de cet ancien amour, mais pour cela elle doit être seule.4. Titres possibles : « Le rivage du mal d’aimer », « Prisonnière du passé »...Bilan 5. Le choix de la musique suppose une bonne compré-hension du texte. Imaginer une musique joyeuse et entrai-nante serait un contresens. Le professeur pourra accepter les réponses qui évoquent une musique lente et mélancolique. La répétition d’un leitmotiv pourrait aussi souligner le carac-tère obsessionnel de ce souvenir qui ne veut pas mourir. Des instruments comme le violon, le violoncelle ou le piano pourraient accompagner le texte afin d’illustrer le caractère sombre et intimiste de la chanson.

▶▶ À l’oral : Passer du texte à la chanson1. La voix de Barbara et la musique inspirent la mélancolie, la tristesse proche parfois dans ses accélérations d’une forme de délire qui correspond totalement au texte : « Laissez-moi le chagrin m’emporte / Et je vogue sur mon délire » (v. 3-4).2. Elle interprète les derniers vers après avoir laissé les instru-ments à cordes s’exprimer seuls comme si elle était rattrapée par l’émotion et ne parvenait pas à parler, en ralentissant consi-dérablement son débit. Elle articule les syllabes des derniers mots du dernier vers : « Le passé ne veut pas mourir » et met en valeur le verbe « mourir » par sa prononciation (« mou-rir »).3. Le piano et le violon dialoguent pour conclure cette chan-son.

« L’amour en cage » de Boris Vian p. 61

Comprendre une réflexion imagée sur l’amour1. Le cœur fait penser à un frêle oiseau : « l’amour en cage », « Mon cœur s’est pris », « Mon cœur tremblait dans tes mains » Ces images évoquent un oiseau pris au piège, vulnérable.2. Cet amour semble délétère comme le suggère symbolique-ment la dégradation de la nature : « Le soleil s’est éteint » (v. 3), « les oiseaux se sont tus » (v. 9), « les fleurs ont pâli » (v. 10). La nature a perdu ses couleurs et sa joie. Le monde semble tout-à-coup froid et inerte, ce qui reflète le paysage intérieur de l’être aimé qui est étouffé. De plus, le vers « J’ai si froid sans mon cœur » (v. 5) corrobore cette idée. En effet, cet amour qui met « en cage » ôte à l’être aimé sa liberté et sa joie de vivre. Le froid qui est évoqué ici préfigure la mort intérieure (v. 5 et 11). D’ail-leurs, de manière plus explicite, Boris Vian annonce la mort de l’amour et du cœur (« Il va mourir comme l’amour », v. 13).3. Dans la strophe 3 sont évoqués différents renoncements : le renoncement à l’amour et à la tendresse (« baisers »), à l’en-gagement (« serments », « anneaux ») et au bonheur (« bon-heur ») que l’amour est censé engendrer. Ces renoncements se font au nom de la liberté.4. a. L’expression « Je serai libre dans ma cage » est paradoxale car l’adjectif « libre» s’oppose à l’image de la « cage ».b. En renonçant à cet amour, il va se réapproprier son cœur, mais ce choix, conditionné par le désir absolu d’être libre et d’être à soi, l’enferme dans une autre cage : celle de la solitude et des aléas de l’existence (« Demain, demain je serai seul / Dans le silence de ma vie / Me prendra le hasard / M’aimera qui voudra »). Cette chanson pessimiste sur l’amour en couple, vécu comme une oppression et un enfermement, remet en question l’idée même de liberté.

Ressource numérique« Boris Vian et son œuvre »Le professeur pourra demander aux élèves de résumer ce qu’ils ont retenu de leur lecture des trois premières parties du parcours numérique. Il pourra les guider en leur posant la question : pourquoi peut-on dire que Boris Vian était un artiste aux multiples talents ?

I. Boris Vian, sa vie et son époqueResituer l’artiste dans son milieu et son époque permet de le découvrir en tant qu’homme et de comprendre en quoi il a incarné l’esprit de Saint-Germain dans les années 1950.

II. Amour et musique dans L’Écume des joursL’Écume des jours étant un roman plein de fantaisie susceptible de plaire aux élèves (certains le connais sent d’ailleurs peut-être à travers l’adaptation cinématogra-phique récente de Michel Gondry), il semble intéres-sant de s’y attarder un peu. L’entrée retenue « Amour et musique » permet de faire un lien entre le parcours poétique sur les yeux de l’amour en poésie (p. 40-51) et celui sur la chanson. C’est aussi une façon de faire comprendre aux élèves que les différents talents de Boris Vian – romancier et musicien notamment – se rejoignent et s’enrichissent dans sa création.Le professeur pourra notamment demander aux élèves : « Selon vous, que peuvent apporter toutes ces références musicales au roman ? »• Le « pianocktail » est un mot-valise qui reflète toute l’in-ventivité de Boris Vian. Il est composé grâce à la contrac-tion des mots « piano » et « cocktail ». Cette étonnante invention fait allusion à un piano qui verse un alcool dif-férent dans un verre selon la note jouée.

Suggestion d’activité complémentaireLes mot-valises et néologismes suivants ont été inventés par Boris Vian. Imaginez pour chacun une définition.un « trumeau » (L’Arrache-cœur)un « atomixeur » (« La Complainte du progrès »)un « chasse-filou » (« La Complainte du progrès »)un « tabouret à glace » (« La Complainte du progrès »)le « biglemoi » (L’Écume des jours)l’« andouillon » (L’Écume des jours »)

III. Jazz et chansonsCette rubrique présente le rapport que Boris Vian a entretenu avec la musique. Le professeur peut demander aux élèves : « Quels sont les talents et les métiers de Boris Vian évoqués dans cette page ? »

▶▶ Graine de savoirTitres corrigés : Le Blues du dentiste, Bourré de complexes, Ah ! Si j’avais un franc cinquante, La Java des bombes atomiques, La Complainte du progrès.

IV. Atelier de créationPistes EPIL’activité « Écrire une chanson » suppose des compétences littéraires mais aussi musicales. Il faudrait donc envisager un travail interdisciplinaire entre le français et la musique. De même, l’activité « Réaliser un clip vidéo » est l’occasion d’utiliser ses compétences plastiques et informatiques.

VIDÉO

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ATELIER D’EXPRESSION Apprendre à dire et à écrire l’amour p. 62-67

Objectifs et démarches de l’atelier

▶▶ L’atelier « Apprendre à dire et à écrire l’amour » s’appuie sur des supports de natures et d’époques différentes : extraits de romans (Honoré d’Urfé et Gustave Flaubert), tableaux (Jean-François de Troy et Jean-Honoré Fragonard), film (Max Ophüls) et la carte de Tendre, document iconographique central de l’atelier.

▶▶ Cette carte, imaginée par Mademoiselle de Scudéry et son cercle, n’est pas seulement présentée pour son originalité dans le paysage littéraire, ni seulement pour l’angle ludique des activités qu’elle permet, mais bien pour le formidable réservoir lexical qu’elle offre et permet d’exploiter en cheminant sur ses reliefs avec la classe.

▶▶ L’atelier fait alterner des activités de vocabulaire (synonymie, tri, repérage, etc.) avec des travaux d’écriture courte (billet doux) ou plus ambitieuse (portrait amoureux, dialogues de film).

▶▶ L’oral est travaillé à plusieurs reprises dans l’atelier et de manière progressive : d’abord en groupes dans le match des synonymes, ensuite par l’interprétation des dialogues pour le doublage d’un film, enfin en faisant lire aux élèves leurs billets doux devant la classe. Ces deux dernières activités permettent aux élèves de prendre conscience des ressources expressives et créatrices de la parole et demandent, pour être abouties, un travail d’engagement physique de calibrage, d’entrainement : il s’agit de captiver les spectateurs des images et l’auditoire.

▶▶ Ainsi, à l’écrit comme à l’oral, avons-nous souhaité que le travail du vocabulaire de l’amour soit incarné : l’objectif principal de cet atelier est bel et bien que le vocabulaire passif (ou tout simplement inconnu des élèves) devienne actif et puisse être convoqué à loisir par les élèves.

▶▶ L’activité finale consiste en l’élaboration d’une carte de Tendre contemporaine dans laquelle les élèves mobiliseront un vocabulaire précis et nuancé. Le tracé de la carte n’est pas une simple illustration, mais devra témoigner de choix motivés et pertinents : telle nuance du sentiment amoureux sera délibérément associée à tel élément naturel (falaise, grotte, rivière, etc). Le professeur invitera les élèves à expliciter ces choix et à définir différents parcours sur la carte qu’ils auront réalisée.

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

1. Trouver le mot juste pour exprimer ses sentiments

Honoré d’Urfé, L’Astrée p. 63

ComprendreSont surlignées en bleu les qualités associées à l’amour et en jaune les défauts contraires.

Première Table• Résumé : « Pour aimer de manière parfaite, il faut aimer sans limite ».• Équivalents de « infiniment » : immensément, excessivement, passionnément ; équivalents d’« extrême amour » : fol amour, indicible amour.• Qualités associées ici à l’amour : intensité du sentiment ; défauts contraires : « médiocrité » et tiédeur.

Deuxième Table• Résumé : « Il ne faut jamais aimer qu’une seule personne ».• La personne aimée est « adorée », c’est-à-dire aimée comme une idole, comme un dieu.• Synonymes d’« adorer » : vénérer, aduler, idolâtrer, révérer…• Qualités associées ici à l’amour : fidélité et admiration ; défauts contraires : infidélité.

Septième Table• Résumé : « On doit trouver que la personne aimée est par-faite ».• « juger », « estimer » appartiennent au champ lexical de l’ap-préciation. Ils indiquent la manière dont l’être aimé est consi-déré.• Qualités associées ici à l’amour : perfection de l’être aimé ; défauts contraires : mésestime.Douzième Table• Résumé : « On considère que l’amour est éternel. »• Synonymes de « passer » au vers 20 : mourir, s’éteindre.• Qualités associées ici à l’amour : sentiment immortel ; défauts contraires : caractère périssable, mortel.

▶▶ À l’oral : Jouer au match des synonymesCette activité ludique rend la recherche de vocabulaire stimu-lante. L’opération de tri, après négociation entre les élèves, est féconde pour la manipulation et l’acquisition du vocabulaire.

▶▶ À l’écrit : Réaliser une carte mentaleLes cartes heuristiques (ou cartes mentales) sont particuliè-rement efficaces pour aider les élèves dyslexiques dans l’ap-prentissage des leçons, ici du vocabulaire. Framindmap® est un logiciel libre, très simple d’utilisation et qui permet de télé-charger les cartes sous différents formats (image ou texte).

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Cette activité vient prolonger l’activité orale précédente, en réinvestissant les synonymes trouvés et triés par les élèves lors du match de synonymes.

François Chauveau, carte de Tendre publiée dans Clélie, histoire romaine de Madeleine de Scudéry p. 64-65

Comprendre1. Tendre est le pays dont Mademoiselle de Scudéry a inventé la carte et le relief : elle y a consigné le paysage et les états amoureux. Avant de demander aux élèves de faire la liste des étapes pour chacun des trois itinéraires, l’enseignant s’assu-rera qu’ils déchiffrent correctement tous les noms de lieu, la forme ancienne du « s ». On attirera ensuite leur attention sur l’organisation générale de la carte et sur les éléments naturels (fleuve, mers, lac) qui la structurent. On pourra aussi leur faire remarquer les personnages, en bas à droite, prêts à entre-prendre un voyage au pays de Tendre ainsi que l’échelle en lieues d’amitié qu’on leur fera commenter.Quelques-uns des mots utilisés comme noms de village, tombés en désuétude ou appartenant à un lexique soutenu, méritent d’être explicités : « médisance », « perfidie », « pro-bité », « complaisance », etc.D’autres feront aussi l’objet d’un commentaire : bien qu’ils puissent sembler connus des élèves, leur sens contextuel est à préciser (« tiédeur », « empressement », « assiduité », etc.).2. L’inimitié est un sentiment d’hostilité mêlé de mépris, par-fois de colère. Les flots agités de la mer, le flux et le reflux, en sont une représentation imagée.3. Reconnaissance, inclination et estime sont considérés par les Précieuses comme des sentiments nécessaires pour bâtir un amour durable et solide dont ils sont en quelque sorte les piliers. C’est pourquoi François Chauveau, le graveur, les a des-sinés comme des chefs-lieux, tandis que d’autres sentiments, considérés come mineurs, sont matérialisés sur la carte sous forme de bourgs ou de villages.4. L’orgueil désigne l’opinion avantageuse et le plus souvent exagérée que l’on a de sa propre valeur. Un pic rocheux, sur-plombant tout le reste du paysage, rend bien compte de ce sentiment de supériorité.5. Le trajet de Nouvelle Amitié à Tendre sur Inclination se fait sans étape, par voie fluviale.6. L’inclination est immédiate, intense et imprévisible : on l’ap-pelle communément le coup de foudre.

▶▶ Graine de savoirIl salua son ami d’une inclinaison du buste.Je remarquai son inclination pour mon cousin.

Ressource numériqueDocument iconographique • Carte de TendreLa carte de Tendre est ici visible entièrement, en grand format, les élèves peuvent l’agrandir à loisir pour observer ses moindres détails. On laissera les élèves libres de s’y promener librement sans autre consigne qu’une déambulation ludique mais attentive.

ACTIVITÉ

2. Traduire les sentiments d’un personnage

Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale p. 66

▶▶ À l’écrit : Rédiger un portrait amoureuxUne fois que les élèves ont pris connaissance de la consigne et de l’encadré « Méthode », le professeur fait réfléchir la classe à la notion de point de vue et au statut du personnage : on expliquera aux élèves que l’on peut livrer les pensées d’un personnage, accéder à ses sentiments et à ses émotions, en menant la narration à la 3e personne du singulier.

Max Ophüls, Lettre d’une inconnue p. 66

▶▶ À l’oral : Réaliser le doublage d’un filmCette activité, stimulante pour les élèves qui deviennent véri-tablement acteurs, demande à être balisée dans le temps. Le professeur indique aux élèves le temps imparti à chacune des étapes détaillées dans la consigne. Deux séances au moins seront nécessaires : la première sera consacrée à la décou-verte de l’extrait et à l’écriture du brouillon des dialogues, la seconde à la reprise des brouillons et au travail de mise en voix.Rédaction des dialogues : il est préférable de mener cette activité en salle pupitre afin que les binômes puissent travail-ler à leur rythme, visionner plusieurs fois la scène pendant la rédaction des dialogues et les faire coïncider avec les images.L’interprétation et l’enregistrement de la bande-son : les binômes présentent leur doublage à leurs camarades. Cette répétition permet de faire les derniers ajustements.

Ressource numériqueExtrait de Lettre d’une inconnue, de Max OphülsL’extrait, disponible à partir du lienmini, dure environ une minute ; il est donc possible et aisé de le visionner à de nombreuses reprises. Le professeur précisera que les acteurs peuvent parler même lorsqu’ils ne sont pas à l’écran : il s’agit du son hors champ, notion qui sera abordée dans l’atelier « La Bête humaine, de l’écrit à l’écran », p. 158.

VIDÉO

3. Écrire pour faire réagir le ou la destinataire

Jean-Honoré Fragonard, La Lettre d’amour p. 67

Découvrir1. La jeune fille semble être surprise pendant un moment d’intimité. Son buste, penché comme si elle protégeait le bouquet et le billet doux des regards indiscrets, son regard tourné vers celui ou celle qui la regarde montrent son trouble.2. Le billet a été glissé dans le bouquet de fleurs que la jeune fille tient dans les mains. Il se trouve juste au-dessus de l’in-tersection des diagonales du tableau : c’est l’élément central. On pourrait penser que le billet doux est destiné à la jeune fille qui s’apprêtait à le lire or il semble que c’est elle qui en soit l’expéditeur.

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On pourra lire à ce sujet le commentaire de Philippe Sollers à propos de ce tableau, dont voici un extrait :

« Regarder quoi ? Que l’enveloppe, contre toute logique, porte le nom d’un Monsieur ? C’est déjà troublant, nous pensions qu’il s’agissait d’un billet reçu et non en cours d’expédition. À moins qu’il ne s’agisse d’une interception ? D’une espionne ? Qui sait ? »

Philippe Sollers, Liberté du xviiie siècle, Gallimard, 2002.3. Le spectateur du tableau et de la scène est celui qui sur-prend la jeune fille, qui commet une indiscrétion après avoir sans doute ouvert la porte du cabinet où elle se tient.

▶▶ À l’écrit : Écrire un billet douxLe professeur pourra présenter et lire en classe des billets doux de Vincent Voiture (1597-1648).

▶▶ À l’oral : Lire un billet douxOn peut imaginer une véritable mise en scène et la création d’un petit spectacle nourri par le tableau de Jean-François de Troy (p. 62) et des recherches iconographique faites préala-blement par les élèves (pour le décor, les indications de jeu, etc). L’enseignant ou un groupe d’élèves peut réaliser une captation du spectacle.

▶▶ Grammaire pour dire et pour écrire

J’applique1. « S’enflammer », « déclarer sa flamme », « ardeur »/« ardent », « brulant »/« bruler », « coup de foudre », « étincelle »…2. Exemple : la joue, le coussin à baisers ; les cheveux, les ondes dorées ; le sourire, le soleil du visage.

Activité finale p. 67

▶▶ Réaliser collectivement une carte de Tendre contemporaineLe professeur insistera bien sur les consignes de l’activité : il s’agit de mobiliser un vocabulaire contemporain (on s’éloigne alors de celui des Précieuses) mais qui ne soit pas relâché. C’est ici l’occasion de montrer aux élèves qu’il n’y a pas coïncidence entre familiarité et contemporanéité. On rappellera les étapes de la découverte de la carte de Tendre de Mademoiselle de Scudéry (p. 64) et notamment le lien fort qui unit certains élé-ments naturels avec les états amoureux qu’ils matérialisent.Si la carte est un travail mené collectivement, on laissera à chaque élève le choix de son parcours et le soin de rédiger lui-même la lettre destinée à l’être aimé.

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