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THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE J.-F. DAT Résumé Pour deux nombres premiers distincts ` et p, nous étudions la Z ` -cohomologie des tours de Lubin–Tate d’un corps p-adique. Nous prouvons tout d’abord qu’elle réalise des correspondances de type Langlands et Jacquet–Langlands pour des fa- milles plates de representations irréductibles supercuspidales paramétrées par une Z ` -algèbre R. Lorsque R D F ` , on obtient une réalisation cohomologique de la cor- respondance de Langlands–Vignéras, et une nouvelle preuve de son existence. Pour R une algèbre locale, on obtient des correspondances entre déformations de F ` - représentations. Par ailleurs nous obtenons, pour toutes les F ` -représentations ad- missibles irréductibles, une réalisation virtuelle de la correspondance de Langlands– Vignéras semi-simple et du transfert de Langlands–Jacquet, en utilisant le complexe de cohomologie et en travaillant dans une catégorie dérivée convenable. Abstract For two primes ` ¤ p, we investigate the Z ` -cohomology of the Lubin–Tate towers of a p-adic field. We prove that it realizes some version of Langlands and Jacquet– Langlands correspondences for flat families of irreducible supercuspidal represen- tations parameterized by a Z ` -algebra R in a way compatible with the extension of scalars. Applied to R D F ` , this gives a cohomological realization of the Langlands– Vigneras correspondence for supercuspidals and a new proof of its existence. Applied to complete local algebras, this provides bijections between deformations of matching F ` -representations. Besides, we also get a virtual realization of both the semi-simple Langlands–Vigneras correspondence and the `-modular Langlands–Jacquet transfer for all representations, by using the cohomology complex and working in a suitable Grothendieck group. DUKE MATHEMATICAL JOURNAL Vol. 161, No. 6, © 2012 DOI 10.1215/00127094-1548425 Received 16 December 2010. Revision received 1 September 2011. 2010 Mathematics Subject Classification. Primary 11S37; Secondary 14G35, 11F70. Author’s work partially supported by National Science Foundation grant DMS-0635607 and by Agence Natio- nale de la Recherche project ArShiFo grant ANR-10-BLANC-0114. 951

Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

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Page 1: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE`-ENTIÈRE

J.-F. DAT

RésuméPour deux nombres premiers distincts ` et p, nous étudions la Z`-cohomologie destours de Lubin–Tate d’un corps p-adique. Nous prouvons tout d’abord qu’elleréalise des correspondances de type Langlands et Jacquet–Langlands pour des fa-milles plates de representations irréductibles supercuspidales paramétrées par uneZ`-algèbre R. Lorsque RD F`, on obtient une réalisation cohomologique de la cor-respondance de Langlands–Vignéras, et une nouvelle preuve de son existence. PourR une algèbre locale, on obtient des correspondances entre déformations de F`-représentations. Par ailleurs nous obtenons, pour toutes les F`-représentations ad-missibles irréductibles, une réalisation virtuelle de la correspondance de Langlands–Vignéras semi-simple et du transfert de Langlands–Jacquet, en utilisant le complexede cohomologie et en travaillant dans une catégorie dérivée convenable.

AbstractFor two primes ` ¤ p, we investigate the Z`-cohomology of the Lubin–Tate towersof a p-adic field. We prove that it realizes some version of Langlands and Jacquet–Langlands correspondences for flat families of irreducible supercuspidal represen-tations parameterized by a Z`-algebra R in a way compatible with the extension ofscalars. Applied to RD F`, this gives a cohomological realization of the Langlands–Vigneras correspondence for supercuspidals and a new proof of its existence. Appliedto complete local algebras, this provides bijections between deformations of matchingF`-representations. Besides, we also get a virtual realization of both the semi-simpleLanglands–Vigneras correspondence and the `-modular Langlands–Jacquet transferfor all representations, by using the cohomology complex and working in a suitableGrothendieck group.

DUKE MATHEMATICAL JOURNALVol. 161, No. 6, © 2012 DOI 10.1215/00127094-1548425Received 16 December 2010. Revision received 1 September 2011.2010 Mathematics Subject Classification. Primary 11S37; Secondary 14G35, 11F70.Author’s work partially supported by National Science Foundation grant DMS-0635607 and by Agence Natio-

nale de la Recherche project ArShiFo grant ANR-10-BLANC-0114.

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952 J.-F. DAT

Table des matières1. Principaux résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9522. Réalisation virtuelle de Langlands et Jacquet–Langlands modulo ` . . . . 9593. La partie supercuspidale de la cohomologie `-entière . . . . . . . . . . . 967Appendice A. Propriétés de perfection du complexe de cohomologie . . . . . 982Appendice B. Scindages de catégories, enveloppes projectives, et déformations 989Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1008

1. Principaux résultatsSoitK un corps local non-archimédien d’anneau d’entiers O et de corps résiduel k 'Fq , où q est une puissance d’un nombre premier p. Soit kca une clôture algébriquede k et dKnr l’extension non ramifiée maximale complétée de K , d’anneau des entiersdOnr et de corps résiduel kca.

Fixons un entier d 2N. Nous notons bMLT;n le n-ème étage de la tour de Lubin–Tate de hauteur d du corps K . C’est donc le dOnr-schéma formel qui classifie lesdéformations par quasi-isogénies et munies de structures de niveau n à la Drinfeldde l’unique O-module formel Hd de dimension 1 et hauteur d sur kca. Par définition,le groupe de quasi-isogénies de Hd agit sur bMLT;n, et on sait qu’il s’identifie augroupe D� des unités de l’algèbre à division de centre K et d’invariant 1=d . Par unjeu subtil sur les structures de niveau, le groupe linéaireG WDGLd .K/ agit sur la tourdes . bMLT;n/n2N, et cette action commute à celle de D�. De plus, l’action du produitG �D� se factorise par le quotient GD WD .G �D�/=K�diag. Nous noterons MLT;n la

fibre générique de bMLT;n. C’est un dKnr -espace analytique lisse de dimension d � 1.Il est muni d’une donnée de descente à K qui permet de prolonger à WK l’action del’inertie IK sur H�c .M

caLT;ƒ/ WD lim

�!nH�c .M

caLT;n;ƒ/.

Soit maintenant `¤ p un nombre premier. Par commodité, nous choisissons uneracine carrée de q dans Z`, ce qui nous permet de définir les torsions à la Tate demi-entières, et de normaliser la correspondance de Langlands `-adique. Notre but est deprouver des versions mod ` et `-entières des théorèmes locaux principaux de Harris etTaylor dans [19] sur la cohomologie `-adique de MLT. Nous apportons donc plusieursréponses au Problem 6 posé par Harris dans [18].

1.1. Modulo `On rappelle que, suivant Vignéras, une F`-représentation irréductible est dite super-cuspidale si elle n’est sous-quotient d’aucune induite parabolique propre admissible.En général, cette propriété est plus forte que celle d’être cuspidale, i.e. annulée partous les foncteurs de Jacquet propres.

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THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 953

THÉORÈME 1Pour � une F`-représentation irréductible supercuspidale deG, la F`-représentationHomZ`G.H

d�1c .Mca

LT;Z`/;�/ de D� � WK est irréductible. Si on l’écrit sous laforme

HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;��'

D��WK�.�/˝ �.�/

�d � 12

�;

alors on a les propriétés suivantes :

(i) � 7! �.�/ est une bijection entre classes de F`-représentations supercus-pidales de G et classes de F`-représentations irréductibles de dimension dde WK ;

(ii) � 7! �.�/ est une injection de l’ensemble des classes de F`-représentationssupercuspidales de G dans celui des classes de F`-représentations irréduc-tibles de D�.

(iii) Pour tout Q`-relèvemente� de � , on a �.�/D r`.�.e� // et �.�/D r`.�.e� //.Dans le dernier point, la notation �.e� / désigne la correspondante de Jacquet–

Langlands de e� , et �.e� / désigne sa correspondante de Langlands. La notation r`désigne l’application de “décomposition” qui consiste à prendre un réseau stable, leréduire “modulo `” et semi-simplifier.

Quelques remarques s’imposent :� L’existence d’une bijection satisfaisant les points (i) et (iii) (et donc nécessai-

rement unique) n’est pas nouvelle et est dûe à Vignéras dans [29]. Les diffé-rences entre sa preuve et la notre sont dans le point (iii), qu’elle obtient par unargument global de congruences entre formes automorphes sur des groupesanisotropes, et dans la preuve de la surjectivité. Les preuves de l’irréduc-tibilité et de l’injectivité reposent toujours sur son “critère numérique” [28,2.3].� De même, l’existence d’une injection satisfaisant les points (ii) et (iii) est déjà

établie dans [12], et la différence réside dans le point (iii) qui y est obtenu àl’aide de “caractères de Brauer”.� L’énoncé obtenu lorsque l’on remplace F` par Q` (moins le point (iii) évi-

demment) découle de [19, Theorem B], une fois que l’on sait que la partiesupercuspidale de la cohomologie est concentrée en degré d � 1, ce qui estprouvé par Mieda dans [23], cf aussi Strauch [25] et Boyer [4] dans le casoù K est de caractéristique positive. Nous utilisons bien évidemment tous cesrésultats.

Bien qu’il n’apparaisse pas dans cet énoncé, un rôle crucial est joué par le com-plexe

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954 J.-F. DAT

R�c.McaLT;Z`/ 2Db

�Rep1;cZ`

.GD �WK/�

défini dans la section 3 de [9]. Ici, la catégorie dérivée est celle de la catégorie abé-lienne des Z`-représentations de GD �WK qui sont lisses (signe 1) pour l’actionde GD, et qui sont continues (signe c) pour celle de WK au sens où l’action de IKprovient d’une structure de module sur l’algèbre complétée Z`ŒŒIK �� et est lisse sur leplus grand sous-groupe fermé I `

0

K d’ordre premier à `. La propriété essentielle sur la-quelle repose cet article est prouvée dans l’appendice A.1 où l’on trouvera un énoncéplus précis :

PROPOSITION

Le complexeR�c est isomorphe, dans Db.Rep1Z`.G//, à un complexe borné de Z`G-représentations lisses projectives et “localement de type fini”.

La stratégie générale pour prouver des énoncés de ce type remonte au moins àSGA4, Exp XVII (5.2.10), mais la preuve n’est pas formelle pour autant : on utilisepar exemple le morphisme de périodes de Gross–Hopkins et le fait que la catégorieRep1Z`.G/ des Z`-représentations lisses de G est localement noethérienne.

Cette propriété de finitude montre que pour une F`-représentation lisse irréduc-tible � de G, le complexe

R� WDRHomZ`G

�R�c.M

caLT;Z`/;�

��1� d2

�Œ1� d� 2DC

�Rep1;c

F`.D� �WK/

�est à cohomologie bornée et de dimension finie. Ceci permet de considérer son image

ŒR� � 2R.D� �WK ;F`/

dans le groupe de Grothendieck des représentations de longueur finie de D� �WK .Nous obtiendrons alors l’amplification suivante du théorème 1.

THÉORÈME 2Pour � 2 IrrF`

.G/, la F`-représentation virtuelle ŒR� � est de la forme

ŒR� �D LJ.�/˝ �.�/ss; où

(i) �.�/ss est une F`-représentation semi-simple de dimension d deWK vérifiantles propriétés suivantes :

(a) �.�/ss D �.�1/ss C �.�2/

ss si � est sous-quotient de l’induite para-bolique �1 � �2 ;

(b) �.�/ss D r`.�.e� // pour toute Q`-représentation irréductible entièree� dont la réduction modulo ` contient � .

Page 5: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 955

(ii) LJ.�/ est une F`-représentation virtuelle de D� et l’homomorphisme

LJF`WR.G;F`/�!R.D�;F`/

obtenu par linéarité vérifie LJF`ı r` D r` ı LJQ`

, où LJQ`est le transfert

de Langlands–Jacquet `-adique R.G;Q`/ �!R.D�;Q`/ de [9, corollaire2.1.5].

Dans le texte, nous prouverons d’abord le théorème 2 et montrerons que l’ap-plication � 7! �.�/ss vérifie la propriété (i) du théorème 1. Puis nous déduirons lethéorème 1 en remarquant que ŒR� �D

�HomZ`G.H

d�1c ; �/

�d�12

��lorsque � est su-

percuspidale. Il est possible de prouver tout le théorème 1 moins la surjectivité dupoint (i), sans étudier ŒR� �, cf remarque 3.1.4.

On peut faire les mêmes remarques que précédemment :� Le (i) fournit une réalisation cohomologique de la correspondance de Lan-

glands semi-simple établie par Vignéras dans [29] et donne une nouvelle�

preuve de son existence.� Le (ii) fournit une réalisation cohomologique du transfert de Langlands–

Jacquet `-modulaire de [12] et donne une nouvelle preuve de son existence.� Lorsque l’on remplace F` par Q`, la formule ŒR� �D LJ.�/˝ �.�/ découle

des faits suivants :(a) On a l’égalité ŒR� �D

Pi;j .�1/

iCj ŒExtjG.Hic .M

caLT;Q`/;�/�.

(b) On connait déjàPi .�1/

i ŒH ic .M

caLT;Q`/� grâce à [19, Theorem VII.1.5].

(c) On conclut grâce au calcul d’extensions de [9, 2.1.16].On notera que pour � sur F`, l’égalité (a) n’a parfois aucun sens car la sommede droite est infinie. C’est par exemple le cas pour � la représentation trivialeet q � 1Œ`�.

Par ailleurs, lorsque � est sur Q`, nous avons décrit beaucoup plus précisément lecomplexe R� dans [9, théorème A], en utilisant les résultats de Boyer [5]. Selon cettedescription, R� n’a de la cohomologie qu’en degrés de même parité, et il n’y a doncaucune annulation lorsqu’on prend la somme alternée. L’exemple suivant, détailléen 2.2.7, montre que ceci n’est plus toujours vrai sur F`.

ExempleSupposons d D 3 et q � 1Œ`�. Soit � le quotient de C1.P2.K/;F`/ par les fonctionsconstantes. Alors H�1.R�/ et H1.R�/ sont de dimension au moins 2.

�Noter que l’on utilise tout de même les résultats fins de classification des F`-représentations de G dûs àVignéras.

Page 6: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

956 J.-F. DAT

1.2. En familles, et en déformationsDans le théorème 3.2.4 du texte, nous donnons une description explicite de la “partiesupercuspidale” de la cohomologie entière de MLT. Nous ne répétons pas cet énoncéici, qui demande beaucoup de notations, mais donnons plutôt quelques corollairesfrappants.

Soit Znr`

l’extension non ramifiée maximale de Z` dans Z`. Pour R une Znr`

-algèbre noethérienne, on appellera R-famille de représentations irréductibles de Gtoute R-représentation lisse .…;V / vérifiant� V H est localement libre de rang fini pour tout pro-p-sous-groupe ouvert deG,� … ˝R C est irréductible pour tout corps algébriquement clos C au-dessus

de R.

THÉORÈME 3Il existe deux foncteurs exacts

Rep1Znr`.G/! Rep1Znr

`.D�/

… 7! �.…/et

Rep1Znr`.G/! Rep1Znr

`.WK/

… 7! � 0.…/

tels que pour toute Znr`

-algèbre noethérienne R, on a :

(i) … 7! � 0.…/ induit une bijection entre classes de R-familles de représenta-tions irréductibles supercuspidales de G et classes de R-familles de représen-tations irréductibles de dimension d de WK ;

(ii) … 7! �.…/ induit une injection de l’ensemble des classes de R-familles dereprésentations irréductibles supercuspidales de G dans celui des classes deR-familles de représentations irréductibles de D� ;

(iii) si … est une R-famille de représentations irréductibles supercuspidales de G,alors il existe un R-module inversible R.…/ et un isomorphisme

HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;…�˝R R.…/' �.…/˝R �

0.…/:

En fait, les foncteurs de l’énoncé induisent des équivalences de catégories entrecertaines sous-catégories “naturelles” de représentations des trois groupes ; on renvoieau paragraphe 3.2.5 pour l’énoncé précis. Les points (i) et (ii) fournissent des corres-pondances de Langlands et Jacquet–Langlands pour les R-familles de représentationsirréductibles. En vertu de l’exactitude des foncteurs annoncés, ces correspondancessont compatibles à tout changement d’anneau R. De même, le module inversible etl’isomorphisme du point (iii) peuvent être choisis fonctoriels en la paire .R;…/. Enparticulier, ce théorème implique le théorème 1. Néanmoins, nous ne le prouveronsqu’après avoir établi le théorème 1.

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THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 957

Remarquons qu’on ne peut pas “descendre” ce théorème à Z`, mais on peut “des-cendre” une version où l’on impose une condition de type caractère central/déter-minant fixé, cf 3.3.4.

Comme corollaire, on obtient des correspondances entre déformations de repré-sentations de G, D� et WK , ou si l’on préfère, une déformation des correspondancesde Langlands et Jacquet–Langlands du théorème 1. Notons AF`

la catégorie des Znr`

-

algèbres locales complètes noethériennes de corps résiduel F`. Un relèvement d’uneF`-représentation � de G à ƒ 2 AF`

est une ƒ-représentation admissible et plate,dont la réduction modulo mƒ est isomorphe à � . Les relèvements de � s’organisenten une catégorie cofibrée en groupoïdes au-dessus de AF`

, que nous noterons Rel.�/.De même, on a les catégories (cofibrées sur AF`

) Rel.�/ et Rel.�/ pour des repré-sentations de D� et WK .

COROLLAIRE

Soit � une F`-représentation supercuspidale de G. Les foncteurs e� 7! �.e� / et e� 7!�.e� / WD � 0.e� /�1�d

2

�induisent des équivalences de catégories cofibrées sur AF`

Rel.�/�

�!Rel��.�/

�et Rel.�/

�!Rel��.�/

�;

et il existe des isomorphismes fonctoriels en .ƒ;e� / 2Rel.�/

HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;e� � �

�! �.e� /˝ƒ �.e� /�d � 12

�:

De plus, e� et �.e� / ont un caractère central relié au déterminant de �.e� / par laformule

car:cent:.e� /D car:cent:��.e� /�D det

��.e� /� ıArt�1K WK

� �!ƒ�:

Nous allons donner une version plus concrète de ce corollaire en montrant com-ment les déformations universelles permettent de décrire la partie supercuspidale dela cohomologie de MLT. Précisons d’abord ce que signifie “partie supercuspidale”.Comme une F`-représentation irréductible supercuspidale n’a d’extensions de Yo-neda qu’avec elle-même, on peut scinder canoniquement toute Znr

`-représentation

lisse V de G en une somme directe V D Vsc ˚ V0, dans laquelle tous les sous-

quotients irréductibles de Vsc sont supercuspidaux, et aucun sous-quotient irréductiblede V 0 n’est supercuspidal, cf 3.0.2.

Fixons un élément $ de O de valuation strictement positive, et notons $Z lesous-groupe discret de K� qu’il engendre. On peut voir $Z comme un sous-groupecentral discret de G, de D�, ou de GD. On s’intéresse alors aux $Z-coinvariantsHd�1c .Mca

LT;Z`/$Z de la cohomologie, qui s’identifient à la cohomologie

Page 8: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

958 J.-F. DAT

Hd�1c .Mca

LT=$Z;Z`/ de la tour quotientée par l’action libre de $Z. Soit � une F`-

représentation irréductible supercuspidale de G=$Z. On sait que �.�/ est une re-présentation de D�=$Z, et que le déterminant de �.�/ vaut 1 sur l’élément ' WDArtK.$/ de W ab

K correspondant à $ par le corps de classes local. Un $ -relèvementde � , resp. �.�/, est un relèvement qui se factorise par G=$Z, resp. D�=$Z. Un'-relèvement de �.�/ est un relèvement de déterminant 1 sur '.

Soit MZ` le complété `-adique de Znr`

. Posons maintenant

ƒ$� WDMZ`ŒSyl`.F

�qf�� f�Z=dvZ/�;

où f� est la longueur de �jG0 et v D valO.$/. On remarquera que c’est une MZ`-algèbre locale complète noethérienne de corps résiduel F`.

THÉORÈME 4Tordons� l’action de G par g 7! tg�1. Il existe alors une décomposition

Hd�1c .Mca

LT=$Z; MZ`/sc '

M�2ScuspF`

.G=$Z/

e� ˝ƒ$� g�.�/˝ƒ$� �̃ .�/�1� d2 �

où e� et g�.�/ sont des $ -relèvements de � et �.�/ sur ƒ$� , et �̃ .�/ est un '-relèvement de �.�/ sur ƒ$� . De plus, on a les propriétés suivantes :

(i) ces relèvements sont universels en tant que déformations ; ƒ$� est donc l’an-neau de $ - ou '-déformations de � , �.�/ et �.�/ ;

(ii) e� est une enveloppe projective de � dans Rep1MZ`.G=$Z/ et g�.�/ est une en-

veloppe projective de �.�/ dans Rep1MZ`.D�=$Z/.

Remarquons que la cohomologie fournit donc l’anneau de $ - ou '- déforma-tion de � , �.�/ et �.�/ par la formuleƒ$� D End MZ`GDW .H

d�1c .Mca

LT=$Z; MZ`/C$� /,

où l’indice C$� signifie “localisé en �” ou “partie �-isotypique généralisée”, cf ap-pendice B.1. Par ailleurs, quitte à se débarasser de l’action de D� en appliquant lefoncteur Hom MZ`D�.

g�.�/;�/, on constate queHd�1c .Mca

LT=$Z/C� fournit un cas par-

ticulier (facile) d’existence de “correspondance de Langlands locale en familles” ausens de [15].

Organisation de l’article. Dans la section 2, nous prouvons le théorème 2, enreportant la preuve de la propriété de perfection de R�c à l’appendice A, pour bienséparer les arguments. Dans la section 3, nous étudions la partie supercuspidale de lacohomologie et nous prouvons les autre théorèmes annoncés ci-dessus. Nous avonsisolé les ingrédients de pure théorie des représentations dans l’appendice B, en espé-rant que cela puisse clarifier les arguments.

�ceci pour éviter l’apparition de contragrédientes.

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THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 959

2. Réalisation virtuelle de Langlands et Jacquet–Langlands modulo `Dans cette section, nous prouvons le théorème 2, en renvoyant à l’appendice pour lespropriétés cohomologiques utilisées. Au passage, nous redémontrons donc l’existenceet les propriétés de la correspondance de Langlands `-modulaire de [29] et du transfertde Langlands–Jacquet `-modulaire de [12].

2.1. Une propriété de finitude et ses conséquencesDans ce paragraphe,ƒ désigne une Z`-algèbre finie. Une représentation lisse V de Gà coefficients dans ƒ est dite localement de type fini si pour tout entier n, le moduleV Hn est de type fini sur l’algèbre de Hecke Hƒ.G;Hn/. Ici, Hn désigne le sous-groupe de congruences IdC$nMd .O/. La propriété de noethériannité suivante noussera utile :

Fait 2.1.1 ([10, théorèmes 1.3 et 1.5])L’anneau Hƒ.G;Hn/ est noethérien. En particulier, toute sous-représentation d’unereprésentation localement de type fini est localement de type fini.

Définition 2.1.2Un complexe C de Db.Rep1ƒ .G// sera dit localement parfait s’il est quasi-isomorpheà un complexe borné de la forme Pa �! PaC1 �! � � � �! Pb dont chaque terme Piest projectif et localement de type fini.

On appelle amplitude parfaite le plus petit intervalle Œa; b� pour lequel on peuttrouver un complexe comme ci-dessus. On se gardera de confondre l’amplitude par-faite et l’amplitude cohomologique.

PROPOSITION 2.1.3Le complexeR�c.Mca

LT;ƒ/ 2Db.Rep1ƒ .G// est localement parfait, d’amplitude par-faite Œ0; 2d � 2�.

Nous renvoyons à l’appendice A pour la preuve de cette proposition. On y trou-vera aussi une propriété de perfection pour R�c.Mca

LT;ƒ/ en tant que complexe deD�-modules, mais l’amplitude parfaite est dans ce cas Œd � 1; 2d � 2�, donc égale àl’amplitude cohomologique, cf proposition A.2.1. Par contre, le complexe n’est passimultanément parfait (i.e. en tant que complexe deGD-modules), cf remarque A.2.2.

Définition 2.1.4Une ƒ-représentation lisse V de G est dite Z-finie si toute K�-orbite dans V estcontenue dans un sous-ƒ-module de type fini.

Page 10: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

960 J.-F. DAT

PROPOSITION 2.1.5Soit C D F` ou Q`. Pour toute C -représentation Z-finie et de type fini V de G, lecomplexe

RHomZ`G

�R�c.M

caLT;Z`/; V

_�2DC

�Rep1;cC .D� �WK/

�est cohomologiquement borné, d’amplitude contenue dans Œ2� 2d; 0�, et sa cohomo-logie est de dimension finie.

DémonstrationL’assertion sur l’amplitude cohomologique du complexe en question découle immé-diatement de celle sur l’amplitude parfaite de la proposition 2.1.3. Il reste à prouverque la cohomologie est de dimension finie. Pour cela, il suffit de prouver que pourtous i et j on a

dimC ExtjCG�H ic .M

caLT;C /;V

_�<1:

Soit G0 WD ker.valK ı det/. D’après l’isomorphisme (3.5.2) de [9], on a H ic .M

caLT;

C / D indGG0.H i

c .M.0/;caLT ;C // où M

.0/LT désigne la tour des déformations de Lubin–

Tate (le lieu où la quasi-isogénie résiduelle est de degré 0). On a donc ExtjG.Hic .M

caLT;

C /;V _/D ExtjG0.H i

c .M.0/;caLT ;C /;V _

jG0/.

CommeK�G0 est d’indice fini dans G, nos hypothèses sur V impliquent qu’elleest de type fini sur G0. Comme on l’a déjà rappelé, (fait 2.1.1), la catégorie des re-présentations de type fini de G est stable par sous-objet, et on en déduit facilementque celle des représentations de type fini de G0 l’est aussi. Il s’ensuit que VjG0 pos-sède une résolution projective (en général infinie) par des représentations de la formeindG

0

Hn.1C /

k (induites à supports compacts). Par passage à la contragrédiente, V _jG0

admet une résolution injective par des représentations de la forme IndG0

Hn.1C /

k (in-

duites sans condition de supports). Or, on a HomG0.Hic .M

.0/;caLT ;C /; IndG

0

Hn.1C //'

HomHn.Hic .M

.0/;caLT ;C /;C /'H i

c .M.0/;caLT;n ;C /

_, et on sait que ce dernier C -espacevectoriel est de dimension finie.

Soit maintenant � une C -représentation de longueur finie de G. Appliquant laproposition ci-dessus à �_, on voit que le complexe R� de l’introduction appartient àla sous-catégorie triangulée Db

tf .Rep1;cC .D��WK// des objets de DC.Rep1;cC .D��

WK// cohomologiquement bornés et à cohomologie de dimension finie. Ceci permetde définir la classe

ŒR� � WDXi2Z

.�1/i ŒH i .R�/� 2R.D� �WK ;C /

Page 11: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 961

de R� dans le groupe de Grothendieck des C -représentations de longueur finie. Toute

suite exacte �1 ,! �2 � �3 induit un triangle distingué R�3 �!R�2 �!R�1C1

�!,donc on a ŒR�2 �D ŒR�1 �C ŒR�3 �. On obtient de la sorte un homomorphisme

R.G;C /�!R.D� �WK ;C /

entre groupes de Grothendieck.La proposition précédente nous donne une information supplémentaire sur l’ho-

momorphisme composé � 7! ŒR�_ �. Celui-ci doit en effet se factoriser à travers lemorphisme canonique R.G;C / �!KZ.G;C / où KZ.G;C / désigne le groupe deGrothendieck de la catégorie (abélienne) des C -représentations Z-finies et de typefini. En particulier, ŒR� �D 0 dès que la classe de �_ est nulle dans KZ.G;C /. Nousallons voir un exemple intéressant.

Définition 2.1.6Notons RI .G;C / le sous-groupe de R.G;C / engendré par les induites paraboliquespropres. Une C -représentation � est dite elliptique si Œ�� …RI .G;C /.

COROLLAIRE 2.1.7Si � n’est pas elliptique, alors ŒR� �D 0.

DémonstrationIl suffit de le prouver lorsque � est une induite parabolique propre. Dans ce cas, �_

est aussi une induite parabolique, disons �_ D iGP .�/, et on sait par un argument quiremonte à Kazhdan que son image dans KZ.G;C / est nulle. Rappelons brièvementcet argument. Soit P 1 � P un sous-groupe ouvert contenant le centre Z de G etde quotient P=P 1 libre abélien de rang 1. Un tel groupe contient aussi la préimagedu sous-groupe M 0

P du quotient de Levi MP engendré par les éléments compacts.Ainsi �jP 1 est encore de longueur finie, donc de type fini sur P 1, donc son induiteindP

P 1.�/' � ˝CŒP=P 1� est de type fini sur P . Soit � un générateur de P=P 1. On

a une suite exacte

0�! � ˝CŒP=P 1�Id˝.1��/�! � ˝CŒP=P 1��! � �! 0:

En appliquant le foncteur d’induction parabolique, on obtient une suite exacte dereprésentations Z-finies et de type fini de G

0�! iGP .� ˝CŒP=P1�/

Id˝.1��/�! iGP .� ˝CŒP=P

1�/�! �_ �! 0

qui montre que la classe de �_ est nulle dans KZ.G;C /.

Page 12: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

962 J.-F. DAT

PROPOSITION 2.1.8Le diagramme suivant est commutatif :

R.G;Q`/� 7!ŒR� �

r`

R.D� �WK ;Q`/

r`

R.G;F`/� 7!ŒR� �

R.D� �WK ;F`/

On y a noté r` les morphismes de décomposition obtenus par semi-simplification deréductions de modèles entiers.

DémonstrationSoit � une Q`-représentation irréductible. On sait qu’elle admet un modèle �� surune extension finie E� de Qnr

`, dont on note ƒ l’anneau des entiers. Choisissons un

sous-ƒG-module de type fini ! non nul dans ��.Supposons d’abord que �� est `-entière au sens de [26, II.4.11]. Alors ! est

ƒ-admissible, et la proposition 2.1.3 montre que le complexeR! WDRHomƒG.R�c�

.McaLT;ƒ/;!/ appartient à la sous-catégorie triangulée Db

tf .Rep1;cƒ .D� �WK// de lacatégorie dérivée des ƒ-représentations de D� �WK formée des objets à cohomolo-gie bornée et de type fini sur ƒ. Par construction on a

R� DR! ˝Lƒ Q` et R N! DR! ˝

Lƒ F`

où l’on a noté N! WD ! ˝ƒ F`. Nous devons montrer que ŒR N! �D r`.ŒR� �/.Pour cela, notons K.D��WK ;ƒ/ le groupe de Grothendieck de la catégorie des

ƒ-représentations deD��WK qui sont de type fini surƒ. Il coïncide canoniquementavec le groupe de Grothendieck K

�Db

tf .Rep1;cƒ .D��WK//�

de la catégorie triangu-lée Db

tf .Rep1;cƒ .D��WK//. Les foncteurs triangulés �˝LƒE� et �˝LƒF` induisentles deux homomorphismes diagonaux du triangle

K.D� �WK ;ƒ/

R.D� �WK ;E�/r`

R.D� �WK ;F`/:

Il nous suffit donc de voir que ce triangle est commutatif. Or le groupe K.D� �

WK ;ƒ/ est engendré par les ƒ.D� � WK/-modules sans `-torsion, et pour un telmodule � , on a par construction r`.Œ� ˝ƒ E��/D Œ� ˝ƒ F`�.

Page 13: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 963

Reste à considérer le cas où � n’est pas `-entière. Dans ce cas, ! D �� doncr`.�/D 0, et il nous faut prouver que r`.ŒR� �/D 0. Or, on sait d’une part que R� estnul si � n’est pas elliptique (corollaire 2.1.7), et d’autre part qu’une représentationelliptique est `-entière si et seulement si son caractère central l’est. Ainsi le caractèrecentral de � n’est pas entier. Mais par construction, le centre K� de D� agit par l’in-verse de ce caractère sur chaque H i .R�/. Il s’ensuit que H i .R�/ n’est pas `-entièreet par conséquent que r`.ŒH i .R�/�/D 0.

2.2. Les correspondances modulo `

2.2.1. Rappel du cas `-adiqueLa description explicite de la cohomologie du complexe R� dans [9, théorème A]montre que pour toute Q`-représentation irréductible � , on a la formule

ŒR� �D LJQ`.�/˝ �Q`

.�/ss dans R.D� �WK ;Q`/. (2.2.1.1)

En fait, comme on l’a expliqué dans l’introduction, contrairement à [9, théorème A],on n’a pas besoin des résultats de Boyer sur la cohomologie `-adique, mais simple-ment de la somme alternée comme dans [19, Theorem VII.1.5].

2.2.2. Définition de LJF`

D’après (2.2.1.1), on a ŒR� � D d � LJQ`.�/ dans R.D�;Q`/. Pour tirer parti de la

proposition 2.1.8, on doit utiliser un fait non-trivial de théorie des représentations, quidécoule des travaux de classification de M.-F. Vignéras.

Fait ([12, corollaire (2.2.7)])L’application de décomposition r` WR.G;Q`/�!R.G;F`/ est surjective.

Ceci, joint à la proposition 2.1.8, implique que pour tout � 2 IrrF`.G/, la repré-

sentation virtuelle ŒR� � est divisible par d dans R.D�;F`/. Posons alors

LJF`.�/ WD

1

dŒR� � 2R.D�;F`/:

L’homomorphisme LJF`vérifie la propriété de commutation à r` annoncée dans le

point (ii) du théorème 2. La surjectivité de r` montre d’ailleurs que cette propriétéle caractérise. On retrouve ainsi le transfert de Langlands–Jacquet défini dans [12] àl’aide des caractères de Brauer de groupes p-adiques.

RemarqueComme la correspondance de Jacquet–Langlands commute aux contragrédientes, on

Page 14: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

964 J.-F. DAT

a d �LJC .�/D ŒR� �D ŒR�_ �_. Il résulte alors du paragraphe précédent que l’homo-morphisme d � LJC se factorise par un morphisme KZ.G;C / �!R.D�;C /. Maisce dernier morphisme n’est pas divisible par d . Par exemple pour C DQ`, il envoieV D indGGLd .O/

.1Q`/ sur .�1/d�1Œ1Q`

�.

2.2.3. Définition de �F`.�/ss

Soit � 2 IrrF`.G/. Si � est supercuspidale, on sait par [26, III.5.10 (ii)] qu’elle se

relève en une Q`-représentation. La proposition 2.1.8 montre alors que ŒR� � est biende la forme LJF`

.�/˝ �F`.�/ss, avec �F`

.�/ss D r`.�Q`.e� //ss pour n’importe quel

Q`-relèvement e� .Si � n’est pas supercuspidale, elle apparait comme sous-quotient d’une induite

parabolique �1 � � � � � �r avec les �i supercuspidales. La propriété “d’unicité dusupport supercuspidal” [27, V.4] dit que les �i sont uniquement déterminés à l’ordreprès. On pose alors

�F`.�/ss WD �F`

.�1/ss˚ � � � ˚ �F`

.�r/ss: (2.2.3.1)

Notons que par transitivité du support supercuspidal, l’égalité ci-dessus est encorevraie si les �i ne sont pas supercuspidales.

PROPOSITION 2.2.4Soit � 2 IrrF`

.G/. On a

ŒR� �D LJF`.�/˝ �F`

.�/ss; dans R.D� �WK ;F`/:

DémonstrationSupposons d’abord que LJF`

.�/D 0. Dans ce cas, la seule chose à démontrer est que

ŒR� �D 0 dans R.D� �WK ;F`/. Or, d’après le théorème (3.1.4) de [12], � appar-tient au sous-groupe RI .G;F`/ de R.G;F`/ engendré par les induites paraboliquespropres. Le corollaire 2.1.7 nous assure bien que ŒR� �D 0.

Supposons maintenant que � est une représentation “superSpeh”, au sens de[12, définition 2.2.3]. Par définition, elle est de la forme r`.e� / avec e� l’uniquesous-représentation d’une induite parabolique normalisée e�0 � e�0 � � � � � e�0r�1où r`.e�0/DW �0 est une F`-représentation supercuspidale de GLd=r.K/ et est lecaractère g 7! q�valK .det.g//. D’après la proposition 2.1.8, on a ŒR� � D LJF`

.�/ ˝

r`.�Q`.e� /ss/. Or, on calcule r`.�Q`

.e� /ss/D r`�Pr�1

iD0 �Q`.e�0i /ss

�DPr�1iD0 �F`

.�0i /ss D �F`

.�/ss, puisque les �0i sont supercuspidales.Supposons enfin que LJF`

.�/¤ 0, ce qui équivaut, toujours d’après le théoréme(3.1.4) de [12], à ce que � soit elliptique. En vertu de la proposition (2.2.6) de [12]précisée par le lemme (3.2.1) de loc. cit., on peut écrire

Page 15: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 965

Œ���

r�1XiD0

ai Œıi � modulo RI .G;F`/

où les ıi sont les représentations superSpeh de même support supercuspidal que � , etles ai sont des entiers. Le corollaire 2.1.7 nous donne alors

ŒR� �D

r�1XiD0

ai ŒRıi �:

Nous venons de montrer que ŒRıi �D LJF`.ıi /˝ �F`

.ıi /ss pour tout i . Mais par défi-

nition, �F`.ıi /

ss ne dépend que du support cuspidal de ıi , et on a �F`.ıi /

ss D �F`.�/ss

pour tout i . On en déduit

ŒR� �D

r�1XiD0

ai LJF`.ıi /˝ �F`

.�/ss D LJF`.�/˝ �F`

.�/ss:

PROPOSITION 2.2.5Soit e� 2 IrrQ`

.G/. Pour tout sous-quotient irréductible � de r`.e� /, on a �F`.�/ss D

r`.�Q`.e� /ss/:

DémonstrationSupposons que e� est sous-quotient de e�1 � � � � � e�r avec les e�i supercuspidales.Posons �i D r`.e�i / ; c’est une représentation cuspidale, pas nécessairement super-cuspidale. On sait que

r`��Q`

.e� /ss�D

rXiD1

r`��Q`

.e�i /ss�

et on a par construction

�F`.�/ss D

rXiD1

�F`.�i /

ss

puisque � est sous-quotient de l’induite �1 � � � � � �r . Il nous suffit donc de prouverque r`.�Q`

.e�i /ss/D �F`.�i /

ss pour tout i . Si �i est supercuspidale, cette égalité estvraie par définition. Si �i n’est pas supercuspidale, on a les égalités

LJF`.�i /˝ r`

��Q`

.e�i /ss�D ŒR�i �D LJF`

.�i /˝ �F`.�i /

ss;

la première découlant de la proposition 2.1.8, et la seconde de la proposition 2.2.4. Oron sait que � est elliptique, i.e. LJF`

.�/¤ 0, donc on en déduit l’égalité voulue.

Page 16: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

966 J.-F. DAT

Les deux propositions précédentes achèvent la preuve du théorème 2. Mais nousn’avons rien dit encore sur les propriétés de l’application � 7! �F`

.�/ss lorsque � estsupercuspidale. C’est l’objet de la proposition suivante, qui redonne le théorème deVignéras sur la correspondance entre supercuspidales et irréductibles. Une fois cetteproposition prouvée, nous aurons retrouvé l’intégralité du théorème 1.6 de [29].

PROPOSITION 2.2.6L’application � 7! �F`

.�/ss induit une bijection de l’ensemble des F`-représentations

supercuspidales de G sur celui des F`-représentations irréductibles de dimension dde WK .

DémonstrationLa proposition 2.1.8 montre que la correspondance de Langlands `-adique est compa-tible aux congruences : si e�1 et e�2 sont deux Q`-représentations supercuspidales en-tières et de même réduction r`.e�1/ D r`.e�2/ D � , alors r`.�Q`

.e�1// D r` �

.�Q`.e�2//D �F`

.�/ss.Si � est supercuspidale, le critère numérique [28, 2.3] montre que �F`

.�/ss estirréductible. Ce même critère montre aussi que l’application � 7! �F`

.�/ss restreinteà l’ensemble des supercuspidales est injective.

Pour prouver la surjectivité, soit � une F`-représentation irréductible. Choisis-sons un relèvemente� de � à Q` (théorème de Fong–Swan) et posons e� WD ��1

Q`.e� /.

C’est une Q`-représentation supercuspidale entière de G. Sa réduction � WD r`.e� /est une F`-représentation irréductible cuspidale qui vérifie �F`

.�/ss D r`.�Q`.e� //D

� par la proposition précédente. Comme � est irréductible, � est nécessairement su-percuspidale (vu la définition de �F`

.�/ss), et on a prouvé la surjectivité.

Pour une représentation supercuspidale, il n’y a donc plus lieu de garder la nota-tion ss, et on notera simplement �F`

.�/.

2.2.7. Un exemple instructifReprenons les notations de l’exemple de l’introduction. Supposons donc d D 3 etnotons eV le quotient de C1.P2.K/;Q`/ par les fonctions constantes. Il est muni dedeux représentations e�1 et e�2 selon que l’on considère P2.K/ comme l’espace desdroites ou l’espace des plans. On sait que ces représentations sont irréductibles et nonisomorphes. Sous l’hypothèse q � 1Œ`�, les réductions r`.e�1/ et r`.e�2/ sont encoreirréductibles, mais sont isomorphes. En effet, leurs invariants sous un sous-grouped’Iwahori I sont l’unique représentation irréductible de dimension 2 de l’algèbre deHecke HF`

.G; I /' F`ŒS3� Z3� triviale sur Z3. Notons � la classe d’isomorphie der`.e�1/ et r`.e�2/.

Page 17: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 967

Nous avons calculé les complexes Re�1 et Re�2 dans [9, 4.4.2], voir aussi [8, théo-rème 4.1.5]. Leur cohomologie est concentrée en degrés �1 et 1. Plus précisément,on a

dim�H�1.Re�1/�D 2 et dim

�H1.Re�1/�D 1

tandis que

dim�H�1.Re�2/�D 1 et dim

�H1.Re�2/�D 2:

On en déduit immédiatement que dim.H�1.R�// � 2 et dim.H1.R�// � 2. Celaimplique en particulier que la cohomologie des complexes R!1 et R!2 associés auxréseaux stables de e�1 et e�2 a de la torsion.

3. La partie supercuspidale de la cohomologie `-entièreJusqu’ici, la notion de supercuspidalité n’a été définie que pour une représentationirréductible sur F`. Pour une Z`-représentation générale, il nous faudra faire un détourpar le groupe G0 D ker.valK ı det/.

Définition 3.0.1Un objet V de Rep1Z`.G

0/ ou de Rep1Z`.G/ est dit supercuspidal si aucun de sesZ`G

0-sous-quotients n’est un sous-quotient d’une induite parabolique propre.

RemarquePour V irréductible, il n’est pas complètement évident que cette définition coïncideavec la définition de Vignéras, où l’on demande simplement que V ne soit pas sous-quotient d’une induite parabolique propre admissible. Nous vérifions que les deuxdéfinitions sont compatibles dans le corollaire B.1.3.

Une représentation supercuspidale V est en particulier cuspidale (i.e. annulée partous les foncteurs de Jacquet propres), et donc les fonctions g 7! eHgv, pour v 2 Vet H pro-p-sous-groupe ouvert de G, sont à support compact modulo le centre.

Par conséquent, les Z`G0-sous-quotients irréductibles de V sont des F`-repré-

sentations, et celles-ci apparaissent comme sous-quotient, et même sous-objet, d’uneF`-représentation irréductible supercuspidale (au sens habituel) deG. Vu la remarqueci-dessus, cette propriété des Z`G

0-sous-quotients irréductibles caractérise les repré-sentations supercuspidales au sens de 3.0.1.

ExempleSi V est une Q`-représentation irréductible, alors elle est supercuspidale au sens 3.0.1si et seulement si c’est un twist non ramifié d’une représentation `-entière de réductionsupercuspidale au sens habituel de Vignéras.

Page 18: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

968 J.-F. DAT

La définition 3.0.1 peut paraitre alambiquée puisqu’elle fait un détour par G0,mais permet d’avoir la propriété suivante, prouvée dans l’appendice B.1.4.

PROPOSITION 3.0.2La sous-catégorie Repsc

Z`.G/� Rep1Z`.G/ (resp. Repsc

Z`.G0/� Rep1Z`.G

0/) dont lesobjets sont les représentations supercuspidales est facteur direct.

Ainsi, toute représentation V 2 Rep1Z`.G/ se décompose canoniquement en V DVsc ˚ V

0 avec Vsc 2 RepscZ`.G/ et V 0 une représentation dont aucun Z`G

0-sous-quotient n’est supercuspidal au sens de 3.0.1.

Dans cette section, nous étudions la partie supercuspidale Hn�1c .Mca

LT;Z`/sc dela cohomologie et nous prouvons en particulier les théorèmes 1, 3 et 4 de l’introduc-tion.

3.1. Projectivité et conséquencesLa propriété suivante est la base de notre étude. C’est une conséquence de la propriétéde perfection du complexe R�c.Mca

LT;Z`/ dans Db.Rep1Z`.G//.

PROPOSITION 3.1.1La partie supercuspidale Hd�1

c .McaLT;Z`/sc est un objet projectif et localement de

type fini de Rep1Z`.G/.

DémonstrationAvant toute chose, remarquons que Hd�1

c .McaLT;Z`/ est sans `-torsion, puisque

Hd�2c .Mca

LT;F`/ est nul.Première étape :H i

c .McaLT;Z`/sc D 0 pour i ¤ d �1. Pour cela, rappelons d’abord

que

H ic .M

caLT;Z`/sc D indG

G0

�H ic .M

.0/;caLT ;Z`/sc

�où M

.0/LT est le lieu où la quasi-isogénie du problème de déformations est un iso-

morphisme. Maintenant, l’argument de [23, Proof of Theorem 3.7], de nature géo-métrique, montre que pour i ¤ d � 1, H i

c .M.0/;caLT ;Z`/ admet une filtration finie

dont les sous-quotients successifs sont des sous-quotients de représentations de laforme IndG

0

P\G0.W 0/ avec W 0 une représentation Z`-admissible de P \G0. Mon-

trons qu’une telle représentation est nécessairement triviale sur le radical unipotent.En effet, d’après [4, 13.2.3], l’action du radical unipotent sur la Q`-représentation ad-missibleW 0˝Z` Q` est triviale. L’argument de loc. cit. appliqué àW 0

`�tors en utilisantla longueur au lieu de la dimension montre que le radical unipotent y agit aussi trivia-lement. Comme il est localement pro-p, il agit donc trivialement sur W 0. Mais alors,

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THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 969

l’induite IndG0

P\G0.W 0/ est une induite parabolique, et H i

c .M.0/;caLT ;Z`/ n’a donc pas

de sous-quotient supercuspidal.Deuxième étape : Hd�1

c .McaLT;Z`/sc est de dimension cohomologique finie. En

effet, considérons la partie supercuspidale R�c;sc du complexe R�c.McaLT;Z`/. C’est

un facteur direct de ce dernier, donc il est localement parfait d’après la proposition2.1.3. D’après l’étape précédente, il est concentré en degré d � 1, i.e. on a

R�c.McaLT;Z`/sc 'H

d�1c .Mca

LT;Z`/scŒ1� d�; (3.1.1.1)

d’où la propriété annoncée.Troisième étape : Hd�1

c .McaLT;Z`/sc est projectif. Fixons un sous-groupe de con-

gruences H de GLd .O/. Pour tout V 2 Rep1Z`.G/, notons hV H i la sous Z`G-repré-sentation de V engendrée par les invariants V H de V . On sait que c’est un fac-teur direct de V , cf [9, 3.5.8]. Il nous suffira donc de prouver que le facteur directhHd�1

c .McaLT;Z`/

Hsc i est projectif. Ce dernier peut s’écrire sous la forme

hHd�1c .Mca

LT;Z`/Hsc i D indG

G0

�hHd�1

c .M.0/;caLT ;Z`/

Hsc i�;

et il suffit donc de prouver que H WD hHd�1c .M

.0/;caLT ;Z`/

Hsc i est projectif dans

Rep1Z`.G0/. On sait déjà qu’il est admissible, supercuspidal, et de dimension coho-

mologique finie. On peut donc trouver une résolution

0�! Pd�1 �! � � � �! P0 �!H �! 0

où chaque Pi est supercuspidal, projectif et de type fini (et donc admissible). Commetous les membres de cette suite longue sont sans `-torsion, on obtient en passant auxcontragrédientes une suite exacte longue

0�!H_ �! P_0 �! � � � �! P_d�1 �! 0:

Or, d’après le lemme 3.1.2 ci-dessous, chaque P_i est encore projectif. On peut doncsimplifier le complexe de manière inductive à partir de la droite, et on obtient ainsique H_ est facteur direct de P_0 et par conséquent est projectif. D’après le lemme ànouveau, H est donc projectif.

LEMME 3.1.2Soit P 2 Rep1Z`.G

0/ une représentation cuspidale, projective et de type fini. Alors sacontragrédiente P_ est aussi cuspidale, projective et de type fini.

DémonstrationComme le centre de G0 est compact, P est admissible sur Z`. Sa contragrédiente estdonc aussi admissible et on en déduit aisément qu’elle est cuspidale. Choisissons des

Page 20: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

970 J.-F. DAT

générateurs v1; : : : ; vn de P et un sous-groupe de congruences H tel que vi 2 PH

pour tout i . Ils définissent un épimorphisme

p W Cc.G0=H;Z`/

n � P

puis par passage à la contragrédiente une injection

j W P_ ,! C.G0=H;Z`/n

qui envoie v_ sur les fonction g 7! hv_; gvi i pour i D 1; : : : ; n. Comme P est cus-pidale, ces fonctions sont à support compact, donc l’image j.P_/ est contenue dansCc.G

0=H;Z`/n. Maintenant, P est projectif donc p admet une section i qui induit

par dualité une rétraction q de j . La restriction de q à Cc.G0=H;Z`/

n est encore unerétraction, si bien que P_ est facteur direct de Cc.G

0=H;Z`/n, et par conséquent

projectif et de type fini.

3.1.3. Preuve du théorème 1Compte tenu du théorème 2 et de la proposition 2.2.6, il suffit de montrer queŒHomZ`G.H

d�1c .Mca

LT;Z`/;�/�D ŒR� ��d�12

�dans R.D� �WK ;F`/. Or on a

R�

�d � 12

�D RHomZ`G

�R�c.M

caLT;Z`/;�

�Œ1� d�

D RHomZ`G

�R�c.M

caLT;Z`/sc; �

�Œ1� d�

D RHomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/scŒ1� d�;��Œ1� d�

D RHomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/sc; ��

D HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/sc; ��

D HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;��:

La deuxième égalité vient du fait que � est supposée supercuspidale, la troisièmeprovient de (3.1.1.1) et la cinquième de la projectivité de Hd�1

c .McaLT;Z`/sc.

Remarque 3.1.4Soit � une F`-représentation supercuspidale. La proposition 3.1.1 implique que pourtout Q`-relèvement e� de � , on a�

HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;���D r`

�HomZ`G.H

d�1c .Mca

LT;Z`/;e� /�;et donc que la correspondance de Langlands `-adique est compatible aux congruences.Cela prouve le point (iii) du théorème 1. A partir de là, le critère numérique de [28,2.3] montre l’irréductibilité de �.�/ et �.�/ et l’injectivité des correspondances.

Page 21: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 971

Reste à prouver la surjectivité de � 7! �.�/. Il faut pour cela prouver que si e� 0 estsupercuspidale de réduction non supercuspidale, alors �.e� 0/ est de réduction réduc-tible. Peut-être qu’un argument de comptage, inconnu de l’auteur, pourrait suffire.Sinon, il faut utiliser le théorème 2 et sa propriété (i)(a).

Remarque 3.1.5Dans l’énoncé du théorème 1, on peut remplacer la cohomologie entière Hd�1

c .McaLT;

Z`/ par la cohomologie modulaire Hd�1c .Mca

LT;F`/. En effet, l’application cano-nique Hd�1

c .McaLT;Z`/sc ˝ F` �! Hd�1

c .McaLT;F`/sc est un isomorphisme puisque

Hdc .M

caLT;Z`/sc D 0.

3.2. Description explicite de Hd�1c .Mca

LT;Znr`/sc

Dans ce paragraphe, on étend les scalaires à l’extension non-ramifiée maximale deZnr`

dans Z`, et on s’intéresse au facteur direct

Hd�1c .Mca

LT;Znr` /sc 'H

d�1c .Mca

LT;Z`/sc˝Z` Znr` :

C’est la plus grande sous-Znr`G-représentation de Hd�1

c .McaLT;Z

nr`/ dont tous les

Znr`G0-sous-quotients irréductibles sont supercuspidaux.Soit � une F`-représentation supercuspidale. D’après la proposition B.1.2, la

sous-catégorie pleine C� de Rep1Znr`.G/ formée des objets dont tous les Znr

`G0-sous-

quotients irréductibles sont des sous-quotients de �jG0 est un facteur direct deRep1Znr

`.G/. On note VC� le facteur direct d’une Znr

`-représentation V appartenant

à C� . On a alors

Vsc DM

�2ScuspF`.G/=�

VC�

où � parcours un ensemble de représentants des orbites du tore des caractères nonramifiés dans l’ensemble des classes de F`-représentations supercuspidales.

PROPOSITION 3.2.1Pour � 2 IrrF`

.G/ supercuspidale, Hd�1c .Mca

LT;Znr`/C� est un progénérateur de C� .

DémonstrationIl est projectif, puisque facteur direct de l’objet projectif Hd�1

c .McaLT;Z

nr`/sc. Il est

de type fini, puisque localement de type fini et engendré par ses H -invariants pourn’importe quel sous-groupe de congruence H tel que �H ¤ 0. Reste à voir que cetobjet est générateur. Or pour tout caractère non ramifié WG �! F

` , on a

HomZnr`G

�Hd�1c .Mca

LT;Znr` /C� ; �

�DHomZnr

`G

�Hd�1c .Mca

LT;Znr` /;�

�¤ 0:

Page 22: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

972 J.-F. DAT

Les � épuisant les objets simples de C� , on en déduit que Hd�1c .Mca

LT;Znr`/C� est

générateur de C� .

3.2.2.Notons maintenant � WD �.�/ la correspondante de Jacquet–Langlands de � et � WD� 0.�/D �.�/

�d�12

�sa correspondante de Langlands tordue. Dans l’appendice, nous

définissons les sous-catégories facteurs directs C�_ de Rep1Znr`.D�/, cf B.2.1 et C�_

de RepcZnr`.WK/, cf B.3.2.

PROPOSITION

Hd�1c .Mca

LT;Znr`/C� est un objet de C�_ et de C�_ .

DémonstrationMontrons d’abord que c’est bien un objet de C�_ . Pour cela considérons le facteurdirect .Hd�1

c .McaLT;Z

nr`/C� /

C�_ hors de C�_ . S’il est non nul, il admet un quotientG-irréductible non nul, de la forme �. ı det/ pour un caractère non ramifié deK�. Or on sait par le théorème 1 que HomG.H

d�1c .Mca

LT;Znr`/C� ; �. ı det// est

�. ı nrd/-isotypique, et donc que �_. �1 ı nrd/ intervient comme quotient de.Hd�1

c .McaLT;Z

nr`/C� /

C�_ , ce qui est par définition impossible.De la même manière, on montre queHd�1

c .McaLT;Z

nr`/C� est un objet de C�_ .

RemarqueLes seuls résultats sur la cohomologie de Lubin–Tate que nous utilisons dans cetarticle sont ceux de Harris–Taylor, et ceux de Mieda–Strauch. En utilisant plus, onpeut obtenir plus. Voici quelques exemples :

(i) En utilisant les résultats de Boyer [5] sur la Q`-cohomologie de Lubin–Tate,on montre facilement que :

Hd�1c .Mca

LT;Znr` /C� DH

d�1c .Mca

LT;Znr` /C�_ DH

d�1c .Mca

LT;Znr` /C�_ :

(ii) En admettant une annonce de Boyer sur l’absence de torsion dans lesH ic .M

caLT;Z

nr`/, on montre même que

R�c.McaLT;Z

nr` /C� DR�c.M

caLT;Z

nr` /C�_ DR�c.M

caLT;Z

nr` /C�_

en tant que facteurs directs de R�c.McaLT;Z

nr`/ dans Db.Rep1;cZnr

`.GD �WK//.

Noter que l’absence de torsion est prouvée en niveau modéré dans [11, Corol-lary 1.3]

(iii) Enfin, en utilisant les résultats de Faltings et Fargues [16] de comparaison avecla cohomologie de la tour de Drinfeld, on peut montrer que R�c.Mca

LT;Znr`/ est

Page 23: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 973

parfait dans Db.Rep1Z`.D�//, cf. proposition A.2.1, et on en déduit a priori

que

Hd�1c .Mca

LT;Znr` /C� est un objet projectif de C�_ :

En fait nous trouverons cette propriété a posteriori, comme conséquence denotre description explicite.

3.2.3. Résumé de l’appendice BDans l’appendice, nous exhibons des progénérateurs P� , P�_ et P�_ respectivementde C� , C�_ et C�_ , et calculons leurs commutants “opposés”

Z� D EndZnr`G.P�/

opp; Z�_ D EndZnr`D�.P�_/

opp et

Z�_ D EndZnr`WK .P�_/

opp:

On dispose alors d’équivalences de catégories associées à ces progénérateurs, cfB.0.2 :� HomZnr

`G.P� ;�/ W C�

�!Mod.Z�/ d’inverse P� ˝Z� � WMod.Z�/�

�! C�

� HomZnr`D�.P�_ ;�/ W C�_

�! Mod.Z�_/ d’inverse P�_ ˝Z�_� W

Mod.Z�_/�

�! C�_

� HomZnr`WK .P�_ ;�/ W C�_

�! Mod.Z�_/ d’inverse P�_ ˝Z�_� W

Mod.Z�_/�

�! C�_ .D’après le (ii)(b) de la proposition B.1.2, Z� est isomorphe à l’algèbre

Znr`ŒSyl`.F

�qf�

/ � Z� où f� désigne la longueur de �jG0 , et d’après la propositionB.2.1, Z�_ est isomorphe à l’algèbre Znr

`ŒSyl`.F

qf�_

/ � Z� où f�_ désigne la lon-

gueur de �jO�D

. Ces anneaux sont donc commutatifs. Par ailleurs, d’après la proposi-tion B.3.2, Z�_ est isomorphe au produit croisé de Znr

`ŒŒZ`�� par Z, le générateur de

Z agissant par multiplication par qf�_ sur Z`, où f�_ désigne la longueur de �jIK .Ainsi, Z�_ n’est pas commutatif, mais son plus grand quotient commutatif Zab

�_ estisomorphe à l’algèbre Znr

`ŒSyl`.F

qf�_/�Z�.

LEMME

On a les égalités f� D f�_ D f�_ .

DémonstrationSoite� un Q`-relèvement de � . Une formule donnant f� en termes d’un type contenudans � est donnée à la fin de la preuve du (i)(b) de la proposition B.1.2. Cette for-mule montre que f� D fe� WD long.e�jG0/. Par la théorie de Clifford, ceci permet deréinterpréter f� comme le nombre de Q`-caractères non ramifiés de G tels quee� 'e� . De même f�_ D f�.e� /_ est le nombre de Q`-caractères non ramifiés de

Page 24: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

974 J.-F. DAT

G tels que �.e� / ' �.e� /, et idem pour f�_ . Or, les correspondancese� 7! �.e� / ete� 7! �.e� / sont compatibles à la torsion par les Q`-caractères.

Le lemme montre que Z� , Z�_ et Zab�_ sont abstraitement isomorphes, en tant

que Znr`

-algèbres. Comme on va le voir, la cohomologie fournit des isomorphismesparticuliers entre ses anneaux.

3.2.4.Posons maintenant H WDHd�1

c .McaLT;Z

nr`/C� et Z WD EndZnr

`GDW .H /, et considérons

H 0 WD HomZnr`ŒG�D��WK �.P� ˝Znr

`P�_ ˝Znr

`P�_ ;H /

2 Mod.Z� ˝Znr`

Z�_ ˝Znr`

Z�_/:

Via les équivalences mentionnées ci-dessus, on a Z�

�! EndZ�˝Z�_˝Z�_.H 0/.

En particulier, les actions des anneaux commutatifs Z� et Z�_ fournissent des mor-phismes de Znr

`-algèbres Z� �! Z, et Z�_ �! Z.

THÉORÈME(i) Les morphismes d’action Z� �! Z et Z�_ �! Z sont bijectifs.

(ii) L’action de Z�_ sur H 0 se factorise par Zab�_ et induit un isomorphisme

Zab�_

�! Z.

(iii) H 0 est libre de rang 1 sur Z. Tout générateur ' de H 0 sur Z se factorise àtravers un ZŒGDW �-isomorphisme

N' W P� ˝Z P�_ ˝Z˝Pab�_

�!Hd�1c .Mca

LT;Znr` /C�

où P ab�_ WD P�_ ˝Z�_

Zab�_ (cf B.3.3) et le produit tensoriel est relatif aux

actions de Z déduites des isomorphismes précédents.

Démonstration(i) D’après la proposition 3.2.1, on sait déjà que H 0 est projectif et de type fini

sur Z� . Comme Spec.Z�/ est connexe, le rang de H 0 est constant, et non nul puisqueH 0 est non nul. Le morphisme Z�

a

�! Z� EndZnr`.H 0/ est donc injectif. Pour mon-

trer qu’il est bijectif, il suffit de prouver que le rang de H 0 sur Z� est égal à 1, puis-qu’alors on aura Z� EndZ� .H

0/D a.Z�/. Toujours par connexité de Spec.Z�/, onpeut calculer ce rang en (co)spécialisant en le F`-caractère “trivial” de Z� , i.e. celuiqui correspond à � via l’équivalence de catégories C�

�!Mod.Z�/. On trouve alors

HomZ� .H0;F`/' HomZnr

`G

�HomZnr

`DW .P�_ ˝P�_ ;H /;�

�' HomZnr

`DW

�P� ˝P� ;HomZnr

`G.H ; �/

�' HomZnr

`D�.P�; �/˝Znr

`HomZnr

`WK .P� ; �/' F`;

Page 25: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 975

où le deuxième isomorphisme provient des lemmes B.2.2 et B.3.4, et le troisièmeprovient du théorème 1. Ainsi, H 0 est bien de rang 1 sur Z� .

Considérons maintenant le morphisme composé Z�_ �! Z�

�! Z� . Ce mor-phisme induit une bijection entre Q`-caractères de Z� et Q`-caractères de Z�_ (lacorrespondance de Jacquet–Langlands !). A partir de là, on raisonne comme dans lepoint (ii) ci-dessous pour en conclure que c’est un isomorphisme.

(ii) Comme l’action de Z�_ commute à Z� , elle est donnée par un morphisme

Z�_ˇ

�! EndZ� .H0/D Z� qui se factorise donc par Zab

�_ �! Z� D Z. Ce morphismeinduit une bijection entre Q`-caractères de Z� et Q`-caractères de Z�_ (la correspon-dance de Langlands !). Il est donc injectif, puisque Zab

�_ est réduit et sans `-torsion.Identifions ce morphisme ˇ à un endomorphisme de la Znr

`-algèbre Znr

`ŒC`a � Z�,

où C`a D Syl`.F�qf/ est un groupe cyclique d’ordre `a. Observons que le groupe

`a.Znr`ŒC`a � Z�/ est égal à `a.Znr

`ŒC`a �/. Ainsi ˇ stabilise Znr

`ŒC`a � et induit un

endomorphisme injectif de cet anneau. Or par définition, cet anneau Znr`ŒC`a � est en-

gendré par son groupe de `a-racines de l’unité `a.Znr`ŒC`a �/ qui est fini. Comme ˇ

est injectif, il induit une permutation de `a.Znr`ŒC`a �/, donc finalement un automor-

phisme de Znr`ŒC`a �. Quittes à composer par un prolongement de cet automorphisme à

Znr`ŒC`a �Z�, on peut considérer maintenant ˇ comme un endomorphisme injectif de

Znr`ŒC`a �-algèbres. Cet endomorphisme induit aussi une bijection entre F`-caractères

(issue de la correspondance de Langlands mod `), donc ses fibres sont encore in-jectives, donc sont plates puisque morphismes finis entre anneaux principaux (iso-morphes à F`ŒX;X

�1�). Le critère de platitude fibre à fibre nous dit alors que ˇ estplat, et donc localement libre puisque fini. Mais son rang est nécessairement 1, doncˇ est un isomorphisme.

(iii) Puisque P� , P�_ et P�_ sont des progénérateurs, le morphisme d’évaluationest un isomorphisme :

.P� ˝Znr`P�_ ˝Znr

`P�_/˝Z�˝Znr

`Z�_˝Znr

`Z�_

H 0�

�!H :

Par les points (i) et (ii), on peut le réécrire sous la forme

.P� ˝Z P�_ ˝Z Pab�_/˝Z H 0

�!H :

Il ne reste donc plus qu’à prouver que H 0 est libre.Pour cela, notons H0 la plus grande sous-G0-représentation de Hd�1

c .M.0/;caLT ;

Znr`/ dont tous les sous-quotients irréductibles sont isomorphes à un sous-quotient

irréductible de �jG0 . C’est un facteur direct stable par .G � D� � WK/0, et on aH D indGDW

GDW 0.H0/, cf preuve du (ii)(a) de la proposition B.1.2. On vérifie alors que

HomZnr`DW .P�_ ˝Znr

`P�_ ;H /' HomZnr

`D0W 0.P�_

0˝Znr

`P�_

0;H /

' indGG0

�HomZnr

`D0W 0.P�_

0˝Znr

`P�_

0;H0/

Page 26: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

976 J.-F. DAT

où on a écrit P�_ D indDD0.P�_

0/ et P�_ D indW

W 0.P�_0/. D’après le lemme B.1.5, on

en déduit que H 0 est, en tant que Z� -module, de la forme H 0 D Z� ˝Z�0

H 00 pour uncertain Z�0 -module H 00. Comme l’extension Z�0 � Z� est fidèlement plate, H 00 estplat et de type fini sur Z�0 . Or, ce dernier anneau est local, donc H 00 est libre sur Z�0 ,et par conséquent H 0 est libre sur Z� .

3.2.5. Les foncteurs … 7! � 0.…/ et … 7! �.…/

Soit .…;V / une Znr`

-représentation de G. Supposons dans un premier temps que …est engendrée par ses invariants sous un sous-groupe ouvert compact. Cette propriétéde finitude assure que VC� est nul sauf pour un nombre fini de classes inertiellesde F`-représentations supercuspidales. Le théorème 3.2.4 et les propositions B.2.2et B.3.4 nous donnent un isomorphisme :

HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;…�

'M

�2ScuspF`.G/=�

P�.�/˝Z� Pab� 0.�/˝Z� HomZnr

`G.P� ;…/

que l’on peut réécrire sous la forme plus condensée

HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;…�' PDsc ˝Zsc P

W;absc ˝Zsc HomZnr

`G.P

Gsc ;…/ (3.2.5.1)

où l’on a posé PGsc WDLP� ; P

Dsc WD

LP�.�/; P

W;absc WD

LP ab� 0.�/

; et Zsc WDQ

Z� .Notons que le terme de droite fait sens pour tout … (sans l’hypothèse de finitude), etcela nous permet de poser

� 0.…/ WD PW;absc ˝Zsc HomZnr

`G.P

Gsc ;…/ 2 RepcZnr

`.WK/

et

�.…/ WD PDsc ˝Zsc HomZnr`G.P

Gsc ;…/ 2 Rep1Znr

`.D�/ :

Considérons maintenant les trois catégories suivantes :

(i) RepscZnr`.G/ la sous-catégorie pleine de Rep1Znr

`.G/ formée des représentations

supercuspidales au sens de 3.0.1. Elle est facteur direct, pro-engendrée parPGsc , et son centre s’identifie canoniquement à Zsc D EndZnr

`.PGsc /.

(ii) RepscZnr`.D�/ la sous-catégorie pleine de Rep1Znr

`.D�/ formée des représenta-

tions dont tous les Znr`D0-sous-quotients irréductibles sont des sous-quotients

de F`D-représentations qui correspondent à des supercuspidales. Elle est fac-teur direct, pro-engendrée par PDsc , et le théorème 3.2.4 nous donne un iso-morphisme Zsc

�! EndZnr`D�.P

Dsc /.

Page 27: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 977

(iii) Repd;abZnr`.WK/ la plus petite sous-catégorie pleine de RepcZnr

`.WK/ contenant

PW;absc , stable par sous-quotients et sommes directes. Elle est pro-engendrée

par PW;absc , et le théorème 3.2.4 nous donne un isomorphisme Zsc

�!

EndZnr`WK .P

W;absc /.

Notons qu’elle n’est pas stable par extensions. Sa “clôture par extensions” estla sous-catégorie facteur direct RepdZnr

`.WK/ formée des représentations dont

tous les Znr`IK -sous-quotients irréductibles sont sous-quotients d’une

F`-représentation irréductible de dimension d de WK .

THÉORÈME

Avec les notations ci-dessus,

(i) le foncteur … 7! � 0.…/ est une équivalence de catégories RepscZnr`.G/

�!

Repd;abZnr`.WK/,

(ii) le foncteur … 7! �.…/ est une équivalence de catégories RepscZnr`.G/

�!

RepscZnr`.D�/,

(iii) Pour…;…0 2 Rep1Znr`.G/ engendrées par leurs invariants sous un sous-groupe

ouvert compact, on a des isomorphismes bifonctoriels en …, …0

HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;…�˝Zsc HomZnr

`G.P

Gsc ;…

0/�

�! �.…/˝Zsc �0.…0/:

Dans le point (iii), l’action de Zsc sur chaque terme est l’action qui provient fonc-toriellement de l’action canonique du centre de la catégorie Repsc

Znr`.G/ sur … et …0.

Démonstration(i) En revenant à la somme indexée par � 2 ScuspF`

.G/ et en utilisant les équiva-lence de catégories du type B.0.2, on vérifie aisément que le foncteur P 7! PGsc ˝Zsc

HomZnr`D�.P

Dsc ;P / est une équivalence inverse de … 7! �.…/.

(ii) De même, le foncteur † 7! PGsc ˝Zsc HomZnr`WK .P

W;absc ;†/ est une équiva-

lence inverse de … 7! � 0.…/.(iii) découle de (3.2.5.1) et des définitions de � 0.…/ et �.…/.

3.2.6. Preuve du théorème 3Le point (ii) du théorème 3 découle clairement de celui du théorème 3.2.5. Le point (i)du théorème 3 découlera de celui du théorème 3.2.5, une fois qu’on aura vérifié quetoute R-famille † de représentations irréductibles de dimension d de WK est bien unobjet de Repd;ab

Znr`.WK/. Pour cela, on peut supposer Spec.R/ connexe, auquel cas †

est un objet de C� pour une certaine F`-représentation irréductible de dimension dde WK . Mais alors, avec les notations de la proposition B.3.2, la RWL-représentation

Page 28: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

978 J.-F. DAT

Re� .†/ est une R-famille de caractères de WL, donc se factorise par W abL , et † appar-

tient à C ab� qui est contenue dans Repd;ab

Znr`.WK/.

Il reste à prouver le point (iii) du théorème 3. Supposons que … est une R-famille de représentations irréductibles supercuspidales de G. Comme R est sup-posée noethérienne, Spec.R/ a un nombre fini de composantes connexes et … estdonc engendrée par ses invariants sous un sous-groupe ouvert compact. De plus,HomZnr

`G.P

Gsc ;…/ est une R-famille plate de caractères de Z. Son R-module sous-

jacent R.…/ est donc localement libre de rang 1 et l’action de Zsc est donnée par unmorphisme Zsc �!R. Le point (iii) du théorème 3.2.5 nous donne alors unR˝Zsc R-isomorphisme

HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;…�˝Zsc R.…/

�! �.…/˝Zsc �0.…/

et on en déduit le point (iii) du théorème 3 par extension des scalaires selon le mor-phisme produit R˝Zsc R �!R.

3.2.7. Preuve du théorème 4On fixe $ 2K� de valuation v > 0 et on s’intéresse à Hd�1

c .McaLT=$

Z;Znr`/sc. On a

une décomposition

Hd�1c .Mca

LT=$Z;Znr

` /sc DM

�2ScuspF`.G=$Z/

Hd�1c .Mca

LT=$Z;Znr

` /C$�

où la notation C$� est expliquée dans l’appendice B.1. Fixons donc � , notons � WD�.�/ et � WD � 0.�/D �.�/

�d�12

�, et posons

H$ WDHd�1c .Mca

LT=$Z;Znr

` /C$� :

Par les mêmes arguments que les propositions 3.2.1 et 3.2.2, on obtient que H$

est un objet projectif de C$� , et qu’en tant que D�-représentation, c’est un objet deC$�_ . C’est aussi un objet de C�_ . Nous allons le décrire en suivant la preuve duthéorème 3.2.4 ci-dessus.

Soit P$� le progénérateur de C$� , de commutant noté Z$� , et décrit dans la pro-position B.1.6, et de même soient P$�_ et Z$�_ comme dans la proposition B.2.3. Nousutiliserons aussi les foncteurs Re� et Ie� de la proposition B.3.2 (appliquée à �_). Po-sons

P$�_ WDHomZnr`G�D�.P

$� ˝Znr

`P$�_ ;H$ / et H 0$ WDRe� .P$�_/:

Ce sont des Z$� ˝Znr`

Z$�_ -modules, munis respectivement d’une action de WK et deWL (notation de la proposition B.3.2). De plus, on a les isomorphismes suivants :

P$�_ ' Ie� .H 0$ / et .P$� ˝Znr`P$�_/˝Z$� ˝Znr

`Z$�_P$�_

�!H$ :

Page 29: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 979

Maintenant, on sait que H 0$ est un module projectif sur Z$� , donc libre, puisqueZ$� est local. De plus, par le même argument que dans la preuve du (i) du théo-rème 3.2.4, on obtient qu’il est de rang 1. Par conséquent, le morphisme d’actionZ$� �! EndZnr

`.H 0$ / est injectif et le morphisme d’action Z$�_ �! EndZnr

`.H 0$ / se

factorise par Z$�_ˇ

�! Z$� . Comme dans le point (ii) du théorème 3.2.4, ce derniermorphisme est injectif car il induit des bijections entre caractères et les anneaux sontréduits, et il est surjectif car ces deux anneaux sont engendrés par leur groupe (fini)de racines `‹-èmes de l’unité.

Ceci nous permet de réécrire le second isomorphisme ci-dessus comme

P$� ˝Z$�P$�_ ˝Z$�

P$�_�

�!H$ :

Le Z$� ŒWK �-module P$�_ D Ie� .H 0$ / est projectif sur Z$� , et de réduction isomorpheà �_ ; c’est donc un relèvement de �_ sur Z$� . On sait que

P$�_ ˝Q` DM

��2IrrQ`.G=$Z/;r`.�

�/D�

�d .��/_:

Par les propriétés de la correspondance de Langlands, chaque �d .��/_ est de détermi-nant 1, et il s’ensuit que P$�_ est aussi de déterminant 1. C’est donc un '-relèvement.

Pour prouver le théorème 4, il ne reste plus qu’à étendre les scalaires de Znr`

à son

complété MZ`. En effet :� e� WD P$� ˝Znr

`

MZ` est la $ -déformation universelle de � d’après B.1.6 (iii).

� f�_ WD P$�_ ˝Znr`

MZ` est la $ -déformation universelle de � d’après B.2.3 (iii).

� e� WD P$� ˝Znr`

MZ` est la '-déformation universelle d’après le (ii) du corol-laire B.3.6.

3.3. Descente à Z`Si l’on veut descendre le théorème 3 aux familles indexées par une Z`-algèbre, il fautpouvoir étendre les foncteurs … 7! � 0.…/ et … 7! �.…/, et pour cela il faut trouverdes modèles Z`-rationnels de PGsc , PDsc , et PWsc . Or cela est possible pour PGsc , maispas pour PDsc , et PWsc ! (exercice laissé au lecteur, cf remarque 3.3.5).

Dans cette section, nous fixons un élément $ 2 K de valuation v > 0, et nousallons donner une version Z`-rationnelle du théorème 4 de l’introduction. Cela permetde descendre les foncteurs du théorème 3 à la catégorie Rep1Z`.G=$

Z/.

3.3.1. Compatibilité des correspondances à l’action de GaloisComme dans le cas `-adique, les correspondances de Langlands et Jacquet–Langlands `-modulaires sont compatibles à l’action de Galois :

Page 30: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

980 J.-F. DAT

LEMME

Les applications � 7! �.�/ et � 7! � 0.�/ WD �.�/�d�12

�du théorème 1 sont com-

patibles à l’action de Gal.F`=F`/ sur les ensembles de classes de F`-représentationsirréductibles concernés.

DémonstrationLa compatibilité de � 7! �.�/ à l’action de Galois découle de la caractérisation parles caractères de Brauer de [12]. Le point (i) du théorème 1 nous assure que l’appli-cation � 7! �.�/˝ � 0.�/ est aussi compatible à l’action de Galois. Il s’ensuit que� 7! � 0.�/ l’est aussi.

3.3.2. Correspondance entre F`-représentationsDans le cas `-adique, on sait grâce à la théorie du nouveau vecteur de [21, théo-rème 5.1] que les Q`-représentations supercuspidales deG sont définies sur leur corpsde rationalité. Mais ce n’est pas toujours le cas pour les représentations deD� etWK .Cette obstruction n’existe pas sur F` puisque tout corps fini est commutatif. On déduitdonc du lemme précédent :

COROLLAIRE

Pour tout corps fini F de caractéristique `, les correspondances � 7! � 0.�/ et � 7!�.�/ descendent en des correspondances entre classes de F-représentations absolu-ment irréductibles, la première étant une bijection entre “supercuspidales” et “dedimension d”, la seconde étant injective. De plus, on a encore

HomZ`G

�Hd�1c .Mca

LT;Z`/;��' �.�/˝F �

0.�/:

Changeant de point de vue, on passe aux représentations irréductibles sur F`.Le commutant d’une telle représentation � est une extension finie F� de F` dedegré d� . Si l’on voit � comme une F� -représentation irréductible, le corollaireci-dessus nous fournit des F� -représentations absolument irréductibles � 0F� .�/ et�F� .�/. Comme les Gal.F�=F`/-orbites de ces représentations ont le même cardi-nal d� que celui de la Gal.F�=F`/-orbite de � , elles sont aussi irréductibles, en tantque F`-représentations.

COROLLAIRE

Par le procédé ci-dessus, on obtient :

(i) Une bijection � 7! � 0.�/ entre classes de F`-représentations irréductiblessupercuspidales de G et classes de F`-représentations irréductibles de WKde dimension d sur leur commutant,

Page 31: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 981

(ii) Une injection � 7! �.�/ des classes de F`-représentations irréductibles su-percuspidales de G dans les classes de F`-représentations irréductibles deD�,

uniquement caractérisées par la propriété suivante :

(iii) la F`-représentation (irréductible) HomZ`G.Hd�1c .Mca

LT;Z`/;�/ de D� �WK est �.�/-isotypique et � 0.�/-isotypique.

3.3.3. Scindage de catégoriesSoit � une F`-représentation irréductible supercuspidale de G. Choisissons un plon-gement F� ,! F`. La F`-représentation � WD � ˝F� F` contient un type .J;�

0/

comme dans le paragraphe B.1.6. L’unicité de la paire .J;�0/ à G-conjugaison près

nous assure que le corps de rationalité de �0

est le même que celui de � , à savoir F� .Donc �

0est de la forme �0 ˝F� F`. Choisissons une enveloppe projective P�0 de

�0 dans Rep1W.F� /.J=$Z/ (ici W.F�/ désigne l’anneau des vecteurs de Witt à co-

efficients dans F� ), et posons P$� WD indGJ .P�0/. C’est une F� -représentation, maisnous oublions maintenant la F� -structure.

PROPOSITION

La sous-catégorie pleine C$� de Rep1Z`.G=$Z/ formée des objets dont tous les sous-

quotients irréductibles sont isomorphes à � , est facteur direct et pro-engendrée parP$� . De plus, on a

Z$� WD EndG.P$� /'W.F�/ŒSyl`.F

�qf� f Z=dvZ�

où f est la longueur de �jG0 sur F� .

DémonstrationLes F�J -sous-quotients irrédutibles de P�0 sont tous isomorphes à �0. Comme �0 estF`J -irréductible, la même propriété est vraie pour les F`J -sous-quotients, et on endéduit les deux premières assertions comme dans B.1.6. Le calcul de commutant aété effectué dans la proposition B.1.6 (ii).

De la même manière, on construit un pro-générateur P$�.�/

de la sous-catégorieC$�.�/

de Rep1Z`.D�/ définie de manière maintenant usuelle, et dont le commutant

Z$�.�/

est isomorphe (abstraitement) à Z$� .

3.3.4. Les résultatsDécomposons

Hd�1c .Mca

LT=$Z;Z`/sc D

M�2ScuspF`

.G=$Z/

Hd�1c .Mca

LT=$Z;Z`/C$� :

Page 32: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

982 J.-F. DAT

Par les mêmes arguments que le théorème 3.2.4 et le théorème 4, on prouve :

THÉORÈME

Il existe un isomorphisme Z$��

�! Z$�.�/

et une décomposition

P$� ˝Z$�P$�.�/_ ˝Z$�

P$� 0.�/_�

�!Hd�1c .Mca

LT=$Z;Z`/C$� ;

où P$� 0.�/_

est un '-relèvement de � 0.�/_ sur Z$� , qui est universel pour lesW.F�/-'-déformations.

À partir de là, on définit deux foncteurs

… 7! �.…/ WDM

�2ScuspF`.G=$Z/

P$�.�/˝Z$�HomZ`G.P

$� ;…/

et

… 7! � 0.…/ WDM

�2ScuspF`.G=$Z/

P$� 0.�/˝Z$�HomZ`G.P

$� ;…/:

On obtient alors le même énoncé (et avec la même preuve) que le théorème 3 maispourR une Z`-algèbre, et en se restreignant auxR-familles deG=$Z-représentations,resp. deD�=$Z-représentations, resp. deWK -représentations de déterminant 1 sur '.

Remarque 3.3.5Lorsque l’on enlève la condition “$”, on ne peut parfois pas trouver de P�.�/ dont lecommutant soit un anneau commutatif (ou, de manière équivalente, tel queHomZ`G.P�.�/; �.�// soit de dimension 1). Ceci est lié au fait que �.�/ et �.�/0

n’ont pas nécessairement le même corps de rationalité. Lorsque cela se produit, on nepeut plus décomposer Hd�1

c .McaLT;Z`/C� en un triple produit tensoriel. Plus précisé-

ment, on ne peut pas séparer l’action de D� de celle de WK .

Appendice A. Propriétés de perfection du complexe de cohomologie

A.1. Perfection dans D.G/

Rappelons l’énoncé que nous voulons prouver, pour une Z`-algèbre finie ƒ :

PROPOSITION

Le complexe R�c.McaLT;ƒ/ 2 Db.Rep1ƒ .G// est localement parfait, d’amplitude

parfaite Œ0; 2d � 2�.

Page 33: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 983

Notre preuve est une adaptation de l’argument de Deligne et Lusztig de [14, Pro-position 3.7], avec quelques complications techniques.

A.1.1. Preuve dans le cas de torsionNous fixons un niveau H DHn et notons H WDHƒ.G;Hn/ l’algèbre de Hecke cor-respondante. Nous noterons simplement R�Hc le complexe R�c.Mca

LT;ƒ/H qui est

un objet de la catégorie dérivée Db.Mod.H // des H -modules à gauche. On veutmontrer qu’il est parfait d’amplitude contenue dans Œ0; 2d � 2�.

Première étape. D’après [9, lemme 3.5.9], ce complexe s’identifie àR�c.MLT;n;ƒ/. En particulier, ses groupes de cohomologie sont de type fini sur H ,et nuls en dégré > 2d � 2. Par 2.1.1, on peut donc représenter R�Hc par un com-plexe .Pn; dn/n�2d�2 de H -modules projectifs de type fini, à composantes nulles endegré > 2d � 2. Tronquons ce complexe en degré 0 en remplaçant P0 par Q0 WD

P0=im.d�1/ et en posant Qi D Pi pour i > 0. On obtient un complexe borné deH -modules, nul en dehors de Œ0; 2d � 2�, dont tous les termes sont projectifs, sauféventuellement Q0, et isomorphe à R�Hc dans Db.Mod.H //.

Deuxième étape. Il nous faut maintenant prouver que Q0 est projectif. Comme ilest de présentation finie, il suffira de prouver qu’il est plat, i.e. que pour tout i > 0 etpour tout H -module à droite M , le ƒ-module TorHi .M;Q0/DH�i .M ˝L

HQ0/ est

nul. Il est alors utile de remarquer que le morphisme canonique R�Hc �!Q0 dansDb.Mod.H // induit justement des isomorphismes

H�i .M ˝LH R�Hc /�

�!H�i .M ˝LH Q0/

pour i > 0 ; ceci se voit facilement sur la suite spectrale Epq1 D TorHp .M;Qq/)

Hq�p.M ˝LHR�Hc / qui dégénère en E2 puisque Epq1 D 0 dès que pq ¤ 0.

Troisième étape. Afin de mieux comprendre l’objetM˝LHR�Hc , nous exprimons

le complexeR�Hc d’une autre manière. Soit PLT l’espace des périodes de Lubin–Tate,et soit

�n WMLT;n �!P nrLT ' Pd�1dKnr

le morphisme de périodes de Gross–Hopkins et Rapoport–Zink. Comme �n est unmorphisme étale, on a R�n;Š.ƒ/D �n;Š.ƒ/, et donc un isomorphisme canonique dansDb.Mod.ƒ//

R�c.McaLT;n;ƒ/

�!R�c�P ca

LT; �n;Š.ƒ/�: (A.1.1.1)

LEMME

Le faisceau étale �n;Š.ƒ/ sur P nrLT est naturellement muni d’une structure de faisceau

de H -modules, telle que

Page 34: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

984 J.-F. DAT

(i) ses fibres sont isomorphes au H -module Cc.HnG;ƒ/ (fonctions à supportcompact).

(ii) l’isomorphisme (A.1.1.1) provient d’un isomorphisme dans Db.Mod.H //.

DémonstrationCommençons plus généralement avec un faisceau étale de ƒ-modules F sur P nr

LT,et montrons comment le faisceau �n;Š��n .F / est naturellement un faisceau de H -

modules. Soit Uf

�! P nrLT un morphisme étale. Pour expliciter la structure de H -

module sur �.U; �n;Š��n .F //, posons Un WD MLT;n �P nrLTU . On peut alors identi-

fier �.U; �n;Š��n .F // au sous-module �Š.Un; ��n .F // � �.Un; ��n .F // des sections

à support propre au-dessus de U . Comme dans [9, 3.3.2], la colimite lim�!m

�Š.Um;

��m.F // est munie d’une action lisse de G. Comme dans [9, 3.5.10], le morphismecanonique

��U; �n;Š�

�n .F /

�D �Š

�Un; �

�n .F /

��!

�lim�!m

�Š.Um; ��m.F //

�Hnest un isomorphisme et permet donc de munir le terme de gauche d’une action de H .De même on a un isomorphisme

�c�U; �n;Š�

�n .F /

�D �c

�Un; �

�n .F /

��!

�lim�!m

�c.Um; ��m.F //

�Hnqui montre que �c.U; �n;Š��n .F // est un sous-H -module de �.U; �n;Š��n .F //. Si leƒ-module F est injectif, il en est de même de ��n .F / (puisque ��n est adjoint à droite dufoncteur exact �n;Š), et le faisceau �n;Š��n .F / est donc �c.P ca

LT;�/-acyclique (par [1,Theorem 5.2.2]). Appliquant ceci à une résolution injective de ƒ sur P nr

LT, on obtientl’isomorphisme annoncé au (ii) dans Db.Mod.H // :

R�c�P ca

LT; �n;Š.ƒ/� �

�!R�c.McaLT;ƒ/

Hn :

Finalement, le point (i) découle du fait que �n fait de MLT;n un revêtement étale ausens de [13], dont les fibres géométriques sont isomorphes à G=H .

Quatrième étape. Rappelons maintenant que le foncteur R�c.P caLT;�/, dont la

source naturelle est DC.Modƒ.gPLTet// (catégorie dérivée des faisceaux étales deƒ-modules sur PLT, cf [9, 3x.3] pour les notations), est de dimension cohomolo-gique finie, égale à 2d � 2. Il se prolonge donc à la catégorie dérivée non bor-née D.Modƒ.gPLTet//, ce qui nous permet de définir le complexe R�c.P ca

LT;M ˝LH

�n;Š.ƒ// pour un H -module à droite M . Lorsque M est libre de type fini sur H , lemorphisme canonique

M ˝LH R�c�P ca

LT; �n;Š.ƒ/��!R�c

�P ca

LT;M ˝LH �n;Š.ƒ/

�(A.1.1.2)

Page 35: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 985

est clairement un isomorphisme. Lorsque M est simplement de type fini, la noe-thériannité de H permet d’en trouver une résolution (infinie) par des H -moduleslibres de type fini. Un argument de double complexe montre alors que le morphisme(A.1.1.2) est encore un isomorphisme.

Maintenant, les fibres de �n;Š.ƒ/, étant isomorphes à Cc.HnG;ƒ/, sont platessur H . En effet, on a

FaitLa sous-catégorie de Rep1ƒ .G/ formée des objets engendrés par leurs H -invariantsest une sous-catégorie facteur direct.

Voir [9, fait 3.5.8], ou appliquer [22, Theorem 3.1] au système d’idempotents.ex/x2BT ı associé aux sous-groupes de congruences de niveau n, comme dans [22,Lemma 2.6]. Dans cette situation, le foncteur V 7! V H D HomG.Cc.HnG;ƒ/;V /

induit une équivalence de cette sous-catégorie sur la catégorie des H -modules àdroite, et son adjoint à gauche

M 7!M ˝H Cc.HnG;ƒ/ (A.1.1.3)

en est une équivalence inverse, donc est exact.On a donc simplement M ˝L

H�n;Š.ƒ/DM ˝H �n;Š.ƒ/ et on obtient finalement

un isomorphisme

M ˝LH R�Hc�

�!R�c�P ca

LT;M ˝H �n;Š.ƒ/�:

Mais le complexe de droite est le complexe de cohomologie d’un faisceau, donc n’apas de cohomologie en degrés négatifs. On a donc bien H�i .M ˝L

HR�Hc /D 0 pour

i > 0.Cinquième étape. A ce point, nous avons prouvé queR�Hc est parfait d’amplitude

contenue dans Œ0; 2d � 2�. Le fait que l’amplitude est exactement Œ0; 2d � 2� découledu lemme ci-dessous. On y note 1ƒ le caractère “trivial” de H à valeurs dans ƒ, quienvoie la fonction caractéristique deHgH sur #.HnHgH/ 2 qZ. C’est l’image de laƒ-représentation triviale de G par le foncteur V 7! V H .

LEMME

On a un isomorphisme canonique

1ƒ˝LH R�c.McaLT;ƒ/

H �

�!R�c.PcaLT;ƒ/D

2d�2MkD0

ƒ.�k/Œ�2k�:

DémonstrationD’après la quatrième étape, le terme de gauche s’identifie àR�c.P ca

LT;1ƒ˝H �n;Š.ƒ//.

Page 36: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

986 J.-F. DAT

Comme le foncteur (A.1.1.3) est une équivalence inverse de V 7! V H , on a 1ƒ ˝H

Cc.HnG;ƒ/ ' ƒ, et le faisceau 1ƒ ˝H �n;Š.ƒ/ est donc un système local en ƒ-modules libres de rang 1 sur P nr

LT. D’après [13, Lemma 7.3], un tel système local esttrivial sur P ca

LT.

A.1.2. Preuve dans le cas `-adiqueIl n’y a rien à modifier aux deux premières étapes, mais l’isomorphisme (A.1.1.1)n’est plus correct. Pour le corriger, nous devons rappeler la construction du complexeR�c . On utilise librement les notations de [9, 3.3]. On note en particulier ƒ� le pro-anneau .ƒ=`nƒ/n2N, Modƒ�.fXet/ la catégorie abélienne des faisceaux étales de ƒ�-modules sur un espace analytique X , et DC.Modƒ�.fXet// sa catégorie dérivée. Ondispose alors du foncteur limite projective

lim �

gXet WModƒ�.fXet/�!Modƒ.fXet/:

Par [9, (3.5.10)], R�c.McaLT;ƒ/

H est l’évaluation en le pro-faisceau constant ƒ� surP nr

LT du foncteur dérivé du foncteur

F� 7! �c�Mca

LT;n; lim �M̃LT;n;et.��n .F�//

�D �c

�P ca

LT; �n;Š��n .lim �

P̃ nrLT;et.F�//

�:

L’égalité utilise l’isomorphisme lim �

M̃LT;n;et ı ��n�

�! ��n ı lim �

P̃ nrLT;et , qui lui-même vient

du fait que �n est étale. Maintenant, la formule de projection nous donne un isomor-phisme de faisceaux sur P nr

LT

�n;Š��n

�lim �

P̃ nrLT;et.F�/

� �

�! �n;Š.ƒ/˝ƒ�lim �

P̃ nrLT;et.F�/

�dans lequel �n;Š.ƒ/ désigne l’image directe à supports propres du faisceau constantde fibres ƒ sur MLT;n. Appliquant ceci à une résolution injective de ƒ�, on obtientl’isomorphisme suivant dans Db.Mod.ƒ//, analogue de (A.1.1.1) :

R�Hc DR�c.McaLT;n;ƒ/'R�c

�P ca

LT; �n;Š.ƒ/˝Lƒ .R lim

P̃ nrLT;et.ƒ�//

�: (A.1.2.1)

Comme dans le cas de torsion (lemme ci-dessus), cet isomorphisme vit par construc-tion dans Db.Mod.H //. Pour tout H -module à droite de type finiM , l’isomorphisme(A.1.1.2) devient

M ˝LH R�Hc�

�!R�c�P ca

LT; .M ˝LH �n;Š.ƒ//˝

Lƒ .R lim

P̃ nrLT;et.ƒ�//

�: (A.1.2.2)

Les fibres de �n;Š.ƒ/ étant des H -modules plats, on peut supprimer le premier L dans

le terme de droite. Le complexe R lim �

P̃ nrLT;et.ƒ�// de DC.Modƒ.P̃ nr

LT;et// est concen-

tré en degrés � 0, et son H0 est le faisceau constant ƒ, qui est donc sans `-torsion.

Page 37: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 987

Il s’ensuit que le complexe .M ˝H �n;Š.ƒ// ˝Lƒ .R lim

P̃ nrLT;et.ƒ�// 2 DC �

.Modƒ.P̃ nrLT;et// est concentré en degrés � 0, et il en est donc de même du complexe

M ˝LHR�Hc .

A.2. Perfection dans D.D�/

PROPOSITION A.2.1Soitƒ une Z`-algèbre finie etH un sous-groupe de congruences de GLd .O/. Le com-plexe R�c.Mca

LT;ƒ/H est parfait d’amplitude Œd � 1; 2d � 2� dans Db.Rep1ƒ .D

�//.

DémonstrationLa preuve de cette proposition repose sur le théorème de Faltings–Fargues [16, IV.13.2]qui affirme l’existence d’un isomorphisme naturel

R�c.McaLT;ƒ/'R�c.M

caDr;ƒ/ dans Db

�Rep1;cƒ .GD �WK/

�où le terme de droite désigne le complexe de cohomologie équivariant de la “tour deDrinfeld”. Nous allons donc travailler du côté “Drinfeld” en renvoyant à [9, 3.3] pourles notations employées.

On sait que la cohomologie de R�c.McaLT;ƒ/

H est de type fini sur le centre deG.Puisque le centre deD� agit comme celui de G, on en conclut que la cohomologie deR�c.M

caLT;ƒ/ est de type fini sur D�. Fixons alors un sous-groupe de congruences

Jn WD 1C$nOD de D� agissant trivialement sur ces espaces de cohomologie. On

sait d’après [9, 3.5.6] que R�c.McaDr;ƒ/

Jn ' R�c.McaDr;n;ƒ/. Soit �n WMDr;n �!

PDr D d�1dKnr le morphisme de périodes de Drinfeld et Rapoport–Zink. Comme dans

la preuve de la proposition 2.1.3, le faisceau �n;Š.ƒ/ est naturellement un faisceauG-équivariant de ƒŒD�=Jn�-modules et on a un isomorphisme

R�c.McaDr;ƒ/

Jn 'R�c�P ca

Dr; �n;Š.ƒ/�

dans Db.Repƒ.D�=Jn//, et même dans Db.Rep1ƒ .G �D

�=Jn//. Les fibres de�n;Š.ƒ/ sont ici encore des ƒŒD�=Jn�-modules plats, et même libres de rang 1. On adonc pour tout ƒŒD�=Jn�-module M un isomorphisme

M ˝LƒŒD�=Jn� R�c.McaDr;ƒ/

Jn 'R�c�P ca

Dr;M ˝ƒŒD�=Jn� �n;Š.ƒ/�

dans Db.Rep1ƒ .G//, d’où l’on déduit un isomorphisme

M ˝LƒŒD�=Jn� R�c.McaDr;ƒ/

H 'R�c�P ca

Dr;M ˝ƒŒD�=Jn� �n;Š.ƒ/�H

dans Db.Mod.ƒ//. On peut donc suivre le même raisonnement que dans la preuvede la proposition 2.1.3 pour en conclure que le complexe R�c.Mca

LT;Z`/H est parfait

d’amplitude contenue dans Œ0; 2d � 2� dans Db.RepZ`.D�=Jn//.

Page 38: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

988 J.-F. DAT

Il reste maintenant à montrer que l’amplitude parfaite est en fait la meilleurepossible, égale à l’amplitude cohomologique Œd �1; 2d �2�. Pour cela, notonsD0 WD

O�D le groupe des entiers inversibles de D. On se souvient [9, 3.5.2] que

R�c.McaDr;ƒ/D indD

D0

�R�c.M

.0/;caDr ;ƒ/

�;

où R�c.M.0/;caDr ;ƒ/ 2 Db.Rep1ƒ .D

0// est le complexe de cohomologie de la tour

.M.0/Dr;n/n2N formée de revêtements étales finis de PDr. De même

R�c.McaDr;ƒ/

H DƒŒD�=Jn�˝ƒŒD0=Jn��R�c.M

.0/;caDr ;ƒ/H

�:

Notons que la même preuve que ci-dessus montre que R�c.M.0/;caDr ;ƒ/H est un com-

plexe parfait de ƒŒD0=Jn�-modules. Il nous suffira donc de montrer que son ampli-tude parfaite est bien Œd � 1; 2d � 2�. On peut aussi se restreindre au cas ƒ D Z`puisque les autres s’en déduisent par changement de coefficients.

Faisons ici une petite digression. Soit A un groupe et C un complexe parfait deZ`ŒA�-modules d’amplitude cohomologique Œa; b� et d’amplitude parfaite Œ˛;ˇ�. Pardéfinition, on a Œa; b� � Œ˛;ˇ�. On voit aussi facilement que b D ˇ, car si ˇ > b,la différentielle dˇ�1 W Pˇ�1 �! Pˇ est surjective et donc scindable. Supposons deplus que A est fini. Dans ce cas le Z`-dual d’un Z`ŒA�-module projectif est encore unZ`ŒA�-module projectif. Ainsi le complexe dual C_ est parfait d’amplitude parfaiteŒ�ˇ;�˛�. De plus, les suites exactes

Ext1Z`�H�iC1.C/;Z`

��!H i .C_/�!HomZ`

�H�i .C/;Z`

�montrent que H�i .C_/ est nul pour i >�aC1, et même pour i D�aC1 si Ha.C/

n’a pas de `-torsion. Dans ce dernier cas, on a alors ˛ D a, i.e. l’amplitude parfaitecoïncide avec l’amplitude cohomologique.

Ceci s’applique au complexe C D R�c.M.0/;caDr ;Z`/

H et A D D0=Jn, puisquel’on sait que Hd�1

c .M.0/;caDr ;Z`/ est sans torsion (vu que Hd�2

c .M.0/;caDr ;F`/ est nul,

par [2, Corollary 6.2]).

Remarque A.2.2Contrairement à ce que pourraient laisser penser les propositions 2.1.3 et A.2.1, lecomplexe R�c.Mca

LT;ƒ/ n’est pas parfait en tant que complexe de Dbƒ.G �D

�/ ouDb Rep1ƒ .GD/. Pour le voir, faisons ƒD F` et considérons le complexe

C WDR�c.McaLT;F`/˝

LGLd .O/K�

F` 2Db Rep1F`.D�=K�/:

Si ce complexe n’est pas parfait dans Db Rep1F`.D�/, resp. Db Rep1F`.D

�=K�/,

alors le complexe R�c.McaLT;F`/ ne l’est pas dans Db Rep1F`.G � D

�/, resp.

Db Rep1F`.GD/. Comme dans [9, 3.5.9] et [9, 3.5.5], on a

Page 39: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 989

C 'R�c.McaLT;0;F`/˝

L$Z F` D indD

O�D$Z

�R�c.M

.0/;caLT;0 ;F`/

�:

Or, M.0/LT;0 est une boule unité ouverte de dimension d � 1 donc

C ' indD�=K�

O�D=O�

.F`/Œ2� 2d�:

Supposons maintenant que l’ordre de q dans F` soit exactement d . Dans ce cas, laF`-représentation triviale du groupe F�

qdest de dimension cohomologique infinie, et

il en est donc de même de la F`-représentation lisse triviale de O�D=K�, ainsi que

de la F`-représentation indD�=K�

O�D=O�

.F`/, qu’elle soit vue comme représentation de D�

ou de D�=K�. Le complexe C n’est donc pas parfait dans Db Rep1F`.D�/, ni dans

Db Rep1F`.D�=K�/.

On en déduit, sous la même hypothèse de congruence, que le complexe de coho-mologie du demi-espace de Drinfeld R�c.M

.0/;caDr;0 ;F`/ n’est pas parfait dans

Db Rep1F`.G/ ni dans Db Rep1F`.G=K�/. Comme ce complexe est scindé (par les

poids), cela signifie qu’au moins un des espaces de cohomologie est de dimensioncohomologique infinie.

Appendice B. Scindages de catégories, enveloppes projectives, et déformationsDans cet appendice, nous rassemblons les résultats de pure théorie des représentationsutilisés dans le corps du texte. Nous utiliserons le lemme suivant sur une manièregénérale de scinder une catégorie abélienne.

LEMME B.0.1Soit C une catégorie abélienne avec produits et coproduits, et S un ensemble d’objetssimples de C . Notons CS , resp. CS la sous-catégorie pleine de C formée des objetsdont tous les sous-quotients simples sont dans S , resp. aucun sous-quotient simplen’est dans S .

(i) Si CS contient un objet projectif PS de C tel que HomC .PS ; s/¤ 0 pour touts 2 S , alors tout objet V de C possède une unique filtration VS ,! V � V S

avec VS 2 CS et V S 2 CS .

(ii) Si de plus CS contient un objet injectif IS de C tel que HomC .s; IS /¤ 0 pourtout s 2 S , alors la filtration est (canoniquement) scindée. Le foncteur sommedirecte CS �CS �! C est donc une équivalence de catégories.

Démonstration(i) Comme la somme de deux sous-objets de V apartenant à CS appartient encore

à CS , on peut définir le plus grand sous-objet de V appartenant à CS . Notons-le VS .Supposons que V=VS n’est pas dans CS . Alors V possède un sous-objetW contenant

Page 40: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

990 J.-F. DAT

VS tel queW=VS se surjecte sur un objet s 2 S . Mais alors on en déduit un morphismePS �!W dont l’image n’est pas dans VS : contradiction.

(ii) Dualement, comme le quotient de V par l’intersection de deux sous-objetsde quotients dans CS est encore dans CS , on peut définir le plus grand quotient de Vappartenant à CS . Notons-le V qS . Toujours dualement, l’existence de IS assure que lenoyau de V � V

qS est dans CS . Ceci entraine alors que la composée VS �! V

qS est

un isomorphisme.Le foncteur du (ii) est clairement fidèle. Il est aussi plein car Hom.A;B/ D

Hom.B;A/D 0 si A 2 CS et B 2 CS . On vient de montrer qu’il est essentiellementsurjectif.

Nous aurons aussi besoin du fait suivant, très classique. Rappelons qu’un “géné-rateur projectif” (ou encore un “progénérateur”) d’une catégorie abélienne C est unobjet projectif P de C tel que pour tout objet V de C , on a HomC .P;V /¤ 0.

Fait B.0.2Soit P un générateur projectif compact (Dde type fini) d’une catégorie abélienne C

essentiellement petite avec limites inductives exactes, et soit Z WD EndC .P /opp l’an-neau opposé de son commutant. Alors les foncteurs V 7! HomC .P;V / et M 7!P ˝Z M sont des équivalences de catégories entre C et Mod.Z/ “inverses” l’unede l’autre.

B.1. Représentations supercuspidales et scindages de Rep.G/

B.1.1.Soit � une F`-représentation irréductible supercuspidale de G (au sens habituel deVignéras rappelé au-dessus du théorème 1), et soit �0 un sous-quotient irréductible de�jG0 . On rappelle que Znr

`désigne l’extension non ramifiée maximale de Z` dans Z`.

On désigne par$ un élément deK de valuation v > 0, et par$Z le sous-groupe dis-cret qu’il engendre, que l’on considère parfois comme un sous-groupe central de G.Sans perte de généralité pour ce qui suit, nous supposerons que le caractère central de� est trivial sur $ . On s’intéresse aux sous-catégories pleines suivantes :� C� � Rep1Znr

`.G/ formée des objets dont tous les Znr

`G0-sous-quotients irré-

ductibles sont isomorphes à un sous-quotient de �jG0 .� C$� � Rep1Znr

`.G=$Z/ formée des Znr

`-représentations de G=$Z et dont tous

les Znr`G-sous-quotients irréductibles sont isomorphes à � .

� C0�0� Rep1Znr

`.G0/ formée des Znr

`-représentations de G0 dont tous les Znr

`G0-

sous-quotients sont isomorphes à �0.Nous voulons montrer qu’elles sont facteurs directs, en exhiber des progénérateursconvenables, et calculer les commutants de ces générateurs. Pour cela, choisissons un

Page 41: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 991

type simple .J ı; �/ contenu dans �0, cf. [26, III.5.10.i)] où le type est dit “minimal-maximal”. Ainsi, J ı est un sous-groupe ouvert compact de G et � une F`-représen-tation irréductible de J ı, et l’on a d’après [26, III.5.3]

�0 ' indG0

J ı .�/:

Soit P� une enveloppe projective de � dans Rep1Znr`.J ı/. Dans les énoncés qui suivent,

l’entier f désigne la longueur de �jG0 .

PROPOSITION B.1.2Posons P�0 WD indG

0

J ı .P�/ et P� WD indGJ ı.P�/.

(i) (a) La sous-catégorie C0�0

est facteur direct de Rep1Znr`.G0/, pro-engendrée

par P�0 .

(b) Le commutant Zopp�0WD EndZnr

`G0.P�0/ est isomorphe à l’algèbre

Znr`ŒSyl`.F

�qf/� du `-Sylow du groupe F�

qf.

(ii) (a) La sous-catégorie C� est facteur direct dans Rep1Znr`.G/, pro-engendrée

par P� .

(b) Le commutant Zopp� WD EndZnr

`G.P�/ est isomorphe à l’algèbre

Znr`ŒSyl`.F

�qf/�Z�.

Démonstration(i)(a) Le point clef est [26, III.4.28] qui nous dit que, puisque � est super-

cuspidale, tous les sous-quotients irréductibles de P� ˝Znr`

F`, et donc aussi ceuxde P�, sont isomorphes à � (en fait, nous donnerons une preuve alternative de ce fait(moins élémentaire) lorsque nous démontrerons le point (ii)). Il s’ensuit que P�0˝F`est une représentation de longueur finie de G0, et que tous ses sous-quotients irréduc-tibles, ainsi que ceux de P�0 , sont isomorphes à �0. En particulier, P�0 est bien unobjet de C0

�0. C’est même un objet projectif, puisqu’induit à supports compacts d’un

objet projectif.Il reste à voir que C0

�0est bien facteur direct de Rep1Znr

`.G0/. Nous avons le né-

cessaire pour appliquer le (i) du lemme B.0.1 avec C D Rep1Znr`.G0/, S D ¹�0º et

PS D P�0 . Pour appliquer le (ii) de ce lemme, remarquons que la Znr`

-contragédienteP_�0

de P�0 est encore un objet projectif de Rep1Znr`.G0/ (cf lemme 3.1.2) et que

tous ses sous-quotients irréductibles sont isomorphes à .�0/_. Posons alors I�0 WDHomZnr

`.P_�0;Qnr

`=Znr

`/. C’est un objet injectif (pas de type fini) de Rep1Znr

`.G0/ qui ap-

partient C0�0

et qui contient �0. On peut donc appliquer le lemme B.0.1 et conclure.(i)(b) Pour calculer l’anneau EndG0.P�0/, on rappelle deux propriétés du type

.J ı; �/.

Page 42: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

992 J.-F. DAT

(a) L’ensemble d’entrelacement de � dans G0 est égal à J ı. En conséquence, lemorphisme canonique EndJ ı.P�/�! EndG0.P�0/ est un isomorphisme.

(b) Le quotient de J ı par son pro-p-radical J 1 est isomorphe à un groupe dutype GLd 0.Fqf 0 / et � est de la forme � ˝ � avec � une représentation dontla restriction à J 1 est irréductible et admettant un unique relèvemente�, et �une représentation supercuspidale du quotient GLd 0.Fqf 0 /. En conséquence,

P� est de la forme e� ˝ P� et on a un isomorphisme EndGLd 0 .Fqf 0 /.P� /

�!

EndJ ı.P�/.

Reste alors à calculer EndGLd 0 .Fqf 0 /.P� /. Après son étude des relèvements possibles

de � , Vignéras a observé dans [26, III.2.9] que d’après les propriétés du triangle deCartan–Brauer, P� ˝Q` est isomorphe à la somme directe

Le�e� des Q`-relèvements

de � , chacun apparaissant avec multiplicité 1. Elle a compté `v`.qf 0d 0�1/ D

jSyl`.F�

qf0d 0/j tels relèvements, et l’anneau qui nous intéresse est donc un ordre

local dans l’algèbre Q`v`.q

f 0d 0�1/

` . L’auteur n’ayant pas su identifier cet ordre pardes moyens élémentaires, nous utiliserons la cohomologie de la variété de Deligne–Lusztig Yd 0;f 0 associée à l’élément de Coxeter de GLd 0.Fqf 0 /, et qui est munied’une action de GLd 0.Fqf 0 / � F�

qf0d 0

. Notons C� la sous-catégorie facteur direct

de Rep1Znr`.GLd 0.Fqf 0 // formée des représentations dont tous les sous-quotients ir-

réductibles sont isomorphes à � , qui est donc pro-engendrée par P� . On sait que lecomplexe R�c.Y ca

d 0;f 0;Znr`/ est parfait dans Db

�RepZnr

`.GLd 0.Fqf 0 //

�, donc son fac-

teur direct R�c.Y cad 0;f 0

;Znr`/C� est aussi parfait. Comme dans la preuve de la proposi-

tion 3.2.1, ce facteur direct est concentré en degré d 0�1 : cela découle par exemple duthéorème 3.10 de [3] car P� est facteur direct du module de Gelfand–Graev. Il s’en-suit que Hd 0�1

c .Y cad 0;f 0

;Znr`/C� est projectif, et donc est un progénérateur de C� . Cet

espace se décompose encore selon l’action de F�qf0d 0

en

Hd 0�1c .Y ca

d 0;f 0 ;Znr` /C� D

M

Hd 0�1c .Y ca

d 0;f 0 ;Znr` /C� ;C�

où � décrit l’ensemble des F`-caractères de F�qf0d 0

et C désigne la sous-catégorie

des Znr`

-représentations de F�qf0d 0

dont tous les sous-quotients sont isomorphes à � .La théorie de Deligne–Lusztig nous dit qu’il y a au moins un facteur comme ci-dessusnon nul et que de plus on a

Hd 0�1c .Y ca

d 0;f 0 ;Znr` /C� ;C� ˝Q` D

Me� e� ˝e�

oùe� décrit l’ensemble des relèvements de � ete� est l’unique caractère relevant � et as-socié àe� par la “correspondance de Deligne–Lusztig”. En particulier, Hd 0�1

c .Y cad 0;f 0

;

Znr`/C� ;C� est une enveloppe projective de � . Maintenant, le complexe R�c.Y ca

d 0;f 0;

Page 43: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 993

Znr`/ est aussi parfait dans Db.RepZnr

`.F�qd0f 0//, donc le facteur direct Hd 0�1

c .Y cad 0;f 0

;

Znr`/C� ;C� est aussi projectif dans C . Considérons alors le morphisme canonique

Znr` ŒF�

qf0d 0 �C� ' Znr

` ŒSyl`.F�

qf0d 0 /��! EndZnr

`GLd 0 .Fqf 0 /

�Hd 0�1c .Y ca

d 0;f 0 ;Znr` /C� ;C�

�:

Ce morphisme entre deux Znr`

-algèbres libres de rang fini devient bijectif après inver-sion de ` d’après la décomposition précédente. Pour voir qu’il est lui-même bijectif,il suffit de prouver que sa réduction

F`ŒF�

qf0d 0 �C� ' F`ŒSyl`.F

qf0d 0 /��! EndF`GLd 0 .Fqf 0 /

�Hd 0�1c .Y ca

d 0;f 0 ;F`/C� ;C��

l’est, ou encore, par égalité des rangs, que cette réduction est injective. Or, cela dé-coule de la projectivité de Hd 0�1

c .Y cad 0;f 0

;F`/C� ;C� sur l’anneau local F`ŒF�

qf0d 0�C� .

Pour achever la preuve du point (i)(b), il reste à montrer l’identité f D f 0d 0.On sait que le normalisateur J de la paire .J ı; �/ est de la forme J ıE� pour uneextension E K de degré d=d 0 et degré résiduel f 0, cf [26, III.5], et que � s’étenden une représentation �0 telle que indGJ .�

0/' � . On a alors

�jG0 DM

x2JnG=G0

indG0

.J 0/x.�x/D

Mx2JnG=G0

.�0/x :

La longueur f de �jG0 est donc donnée par

f D ŒG WG0J �D ŒG WG0$Z�ŒG0J WG0$Z��1 D dŒJ W J 0$Z��1

D dŒE� WO�EK���1 D de.E=K/�1 D d 0f 0

(ii)(a) Les sous-quotients irréductibles de �jG0 sont en nombre fini, et permutéspar conjugaison sous G. En appliquant la proposition précédente à chacun d’eux, onconstate que la sous-catégorie C0� � Rep1Znr

`.G0/ formée des Znr

`-représentations de

G0 dont tous les sous-quotients irréductibles sont isomorphes à un sous-quotient de�jG0 est facteur direct de Rep1Znr

`.G0/, et pro-engendrée par

Lx2G=G0$Z P�0

x ' P 0� .Par définition, une Znr

`-représentation lisse de G est dans C� si et seulement si sa

restriction à G0 est dans C0� . Soit alors V 2 Rep1Znr`.G/. Par unicité, la décomposition

VjG0 D VC0� ˚ VC0� est nécessairement G-invariante, avec VC0� 2 C� et V C0� 2 C� .

Inversement, l’induite d’un objet de C0� à G appartient à C� , et envoie tout progéné-

rateur de C0� sur un progénérateur de C� . Or, indGG0.P 0� /' P�

ŒGWG0$Z�, donc P� estbien un progénérateur de C� .

(ii)(b) Soit J le normalisateur de la paire .J ı; �/ (noté J ıE� dans [26, III.5]).On sait que l’ensemble d’entrelacement de � dans G est contenu dans (et donc égalà) J . Celui de P� est alors aussi contenu dans J , et on en déduit l’isomorphisme

EndJ�indJJ ı.P�/

� �

�! EndG.P�/:

Page 44: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

994 J.-F. DAT

Par unicité de l’enveloppe projective, J normalise aussi P�. Comme le quotient J=J ı

est isomorphe à Z, on peut prolonger la représentation P� de J ı en une représentationP�

� de J . On a alors un isomorphisme naturel de Znr`

-représentations de J

indJJ ı.P�/' P��˝Znr

` ŒJ=Jı�

où J agit diagonalement sur le produit tensoriel (et par translations sur Znr`ŒJ=J ı�).

On en déduit un morphisme d’algèbres

EndJ .P��/˝Znr

` ŒJ=Jı��! EndJ

�indJJ ı.P�/

�: (B.1.2.1)

De plus, la réciprocité de Frobenius nous donne une décomposition de Znr`ŒJ=J ı�-

modules

EndJ�indJJ ı.P�/

�'HomJ ı.P�;P�

�˝Znr` ŒJ=J

ı�/' EndJ ı.P�/˝Znr` ŒJ=J

ı�;

et le morphisme (B.1.2.1) est induit par l’inclusion EndJ .P��/ � EndJ ı.P�/ et

l’identité de Znr`ŒJ=J ı�. Reste donc à voir que l’inclusion EndJ .P�

�/� EndJ ı.P�/est une égalité. Comme il s’agit d’une inclusion de Znr

`-modules libres de rang fini qui

est manifestement scindée, il suffit de voir que ces modules ont même rang sur Znr`

,et pour cela on peut étendre les scalaires à Q`. Or on sait d’une part que P� ˝ Q`

est la somme directe sans multiplicité des relèvements de � à Q`, et d’autre part quechacun de ces relèvements est normalisé par J . On en déduit que les deux algèbresont même rang égal au nombre de relèvements de �.

RemarquePar définition, l’anneau des endomorphismes de tout objet irréductible des catégoriesC$� et C0

�0est F`. Au contraire, la catégorie C� contient des objets irréductibles

dont l’anneau des endomorphismes est Qnr`

: prendre un relèvement de � à Qnr`

etle tordre par un Qnr

`-caractère non ramifié qui ne se factorise pas par Znr

`. Ainsi, C�

n’est pas la sous-catégorie de Rep1Znr`.G/ associée à l’ensemble S des � où décrit

les F`-caractères non ramifiés. Cette dernière n’est d’ailleurs pas un facteur direct deRep1Znr

`.G/, et c’est pour cela que notre définition de C� passe par G0.

COROLLAIRE B.1.3La représentation � n’est pas sous-quotient d’une induite parabolique propre.

DémonstrationEn effet, si on a W � iGP .U / avec W � � , alors par projectivité on a un morphismenon nul P� �! W � iGP .U /, et par adjonction le module de Jacquet .P�/NP DLx2G=G0.P

x�0/NP est non nul, donc il existe x 2 G tel que .P x

�0/NP est non nul,

Page 45: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 995

auquel cas ..�0/x/NP est aussi non nul, et finalement �NP est non nul, ce qui estabsurde.

B.1.4. Preuve de la proposition 3.0.2Soit V 2 Rep1Z`.G/. Posons VZnr

`WD V ˝Z` Znr

`et � WDGal.Znr

`=Z`/. D’après la pro-

position B.1.2, on a une décomposition

VZnr`D .VZnr

`/sc˚ .VZnr

`/0; avec .VZnr

`/sc WD

M�2ScuspF`

.G/=�

.VZnr`/C�

et .VZnr`/0 n’a aucun Znr

`G0-sous-quotient isomorphe à un Znr

`G0-sous-quotient d’une

F`-représentation supercuspidale. Comme une F`-représentation irréductible est su-percuspidale si et seulement si ses conjuguées sous Galois le sont, on constate quela décomposition ci-dessus est stables par � , donc provient d’une décompositionV D Vsc ˚ V

0, évidemment fonctorielle en V . Par construction, V 0 n’a aucun sous-quotient supercuspidal au sens de 3.0.1, et par le corollaire précédent, Vsc est bien unobjet supercuspidal au sens de 3.0.1.

B.1.5.Le lemme suivant est utilisé dans la preuve du théorème 3.2.4.

LEMME

Soit V une Znr`

-représentation lisse de G0. Fixons un ensemble ŒG=G0J � de repré-sentants des G0J classes dans G. Alors il existe un isomorphisme de Z� -modules

HomZnr`G

�P� ; indG

G0.V /

�' Z� ˝Z

�0

� Mx2ŒG=G0J �

HomZnr`G.P�0 ; V

x/�:

DémonstrationLa réciprocité de Frobenius et la formule de Mackey fournissent

HomZnr`G

�P� ; indG

G0.V /

�' HomZnr

`J ı

�P�;

Mx2ŒG=JG0�

Mj2J

V xj�

' HomZnr`J ı

�P�;

Mx2ŒG=JG0�

Mj2J

V x�

' HomZnr`J ı

�P�;

Mx2G=JG0

V x�˝Znr

`Znr` ŒJ=J

ı�

' HomZnr`J ı

�P�;

Mx2G=JG0

V x�˝Z

�0Z� :

Page 46: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

996 J.-F. DAT

Pour passer à la deuxième ligne, on identifie HomZnr`J ı.P�; V

xj /�

�!HomZnr`J ı.P�;

V x/ en envoyant ˛ sur ˛ ı P ��.j /, où P �

�est le prolongement choisi dans (B.1.2.1).

On constate alors que la décomposition de la troisième ligne est compatible avec(B.1.2.1).

B.1.6.Pour traiter le cas de C$� , nous introduisons quelques notations supplémentaires.Comme dans les preuves précédentes, soit J le normalisateur de � dans G et soit�0 l’unique prolongement de � à J contenu dans �jJ . Ce prolongement est nécessai-rement trivial sur$ , et puisque le groupe J=$Z est compact, il admet une enveloppeprojective P�0 dans Rep1Znr

`.J=$Z/. On renvoie à l’introduction pour la notion de $ -

relèvement et de $ -déformation, et on rappelle que v désigne la valuation de $ , etMZ` le complété de Znr

`.

PROPOSITION

Soit P$� WD indGJ .P�0/.

(i) La catégorie C$� est facteur direct dans Rep1Znr`.G=$Z/, pro-engendrée par

P$� , qui est une enveloppe projective de � dans Rep1Znr`.G=$Z/.

(ii) Le commutant Z$� WD EndZnr`G.P

$� / est isomorphe à l’algèbre Znr

`ŒSyl`.F

�qf�

f Z=dvZ/� du `-Sylow du groupe F�qf� f Z=dvZ.

(iii) Soit ƒ$� WD Z$� ˝Znr`

MZ`. La ƒ$� -représentation MP$� WD P$� ˝Znr

`

MZ` est une$ -déformation universelle de � . En particulier, l’anneau de $ -déformationsde � est isomorphe à MZ`ŒSyl`.F

�qf� f Z=dvZ/�.

Démonstration(i) Puisque l’on sait que tous les sous-quotients de P$� sont isomorphes à � ,

[26, III.5.16], l’argument utilisé pour prouver le (i)(a) de la proposition B.1.2 montreque C$� est facteur direct et pro-engendrée par P$� . Le fait que P$� soit une en-veloppe projective découlera du point (ii) qui, à travers l’équivalence de catégoriesV 7! HomZnr

`G.P

$� ; V / de C$� vers Mod.Z$� /, montre que P$� est l’unique objet

projectif indécomposable de C$� .(ii) On sait que l’ensemble d’entrelacement de �0, donc aussi celui de P�0 , est

contenu dans J . Le morphisme canonique

EndJ .P�0/�! EndG.P$� /

est donc un isomorphisme. Considérons l’induite indJ=$Z

J ı .P�/. D’une part, elle estisomorphe aux coinvariants indJJ ı.P�/$Z , donc par le (ii)(b) du lemme précédent (etsa preuve), on a

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THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 997

EndJ�indJ=$

Z

J ı .P�/�' Znr

` ŒSyl`.F�qf/� J=J ı$Z�:

D’autre part elle se décompose en une somme

indJ=$Z

J ı .P�/'M��

P��

où �� décrit tous les prolongements de � à J=$Z (parmi lesquels figure �0).Or, ces prolongements sont en bijection avec les F`-caractères de J=J ı$Z '

f Z=dvZ [26, III.4.27.2], et l’algèbre décrite ci-dessus se décompose aussi en unproduit

Znr` ŒSyl`.F

�qf/� J=J ı$Z�D

Y

Znr` ŒSyl`.F

�;`

qf/� Syl`.J=J

ı$Z/�

indexé par les F`-caractères de J=J ı$Z. En identifiant les deux décompositions, onen déduit la propriété annoncée.

(iii) Puisque le foncteur M 7! P$� ˝Z$�M est une équivalence de catégories

entre Mod.Z$� / et C$� , on voit que P$� est plat sur Z$� , de réduction P$� ˝Z$�F`

isomorphe à l’unique objet simple de C$� , à savoir � . Ainsi, MP$� est bien un $ -relèvement de � sur ƒ$� .

Soit maintenant e� un $ -relèvement de � sur une Znr`

-algèbre locale complètenoethérienne ƒ de corps résiduel F`. Montrons d’abord que EndƒG.e�/Dƒ. En ef-fet, si H est un pro-p-sous-groupe ouvert tel que �H ¤ 0, alors la sous-ƒ-algèbrede Endƒ.e�H / engendrée par les opérateurs de Hecke se surjecte sur la F`-algèbreEndF`

.�H / (par le théorème de densité de Jacobson appliqué à �), donc est égale àEndƒ.e�H / par le lemme de Nakayama.

Considérons alors l’action canonique du centre Z.C$� / de la catégorie C$� sure� .Cette action “commute au commutant” donc est ƒ-linéaire, et fournit un morphismed’anneaux Z.C$� / �! EndƒG.e�/Dƒ. Dans le cas e� D P$� , le morphisme obtenuZ.C$� / �! Z$� est un isomorphisme. Par composition, on en déduit un morphismeZ$� �!ƒ, qui se prolonge au complété ƒ$� �!ƒ.

PuisqueP$� est projectif, on peut choisir un relèvementP$� �!e� deP$� �! � .Ce relèvement est Z.C$� /-linéaire, donc se factorise à travers un morphismeƒ-linéaire P$� ˝Z$�

ƒ �! e� qui se prolonge uniquement en MP$� ˝ƒ$� ƒ �! e� .Par Nakayama, ce dernier morphisme est surjectif. Par égalité des rangs (des H -invariants pour H pro-p-sous-groupe ouvert tel que �H ¤ 0), il est même bijectif.Cela montre que la $ -déformation MP$� est verselle.

Supposons maintenant donnés deux morphismes ˛1; ˛2 Wƒ$� �!ƒ tels que lesdéformations MP$� ˝ƒ$� ;˛1 ƒ et MP$� ˝ƒ$� ;˛2 ƒ soient ƒG-isomorphes. L’action ducentre Z.C$� / sur ces deux objets est alors donnée par un morphisme Z.C$� / �!ƒ

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998 J.-F. DAT

égal à la restriction de ˛1 et ˛2 à Z$� �ƒ$� . Par densité de Z$� dans ƒ$� , on a donc

˛1 D ˛2 et la $ -déformation P$� est universelle.

Remarquons que les déformations d’une représentation cuspidale de GL2.Qp/

ont été étudiées dans [20] par une approche différente (mais reposant sur les types).Comme M. Emerton nous l’a signalé, notre argument reposant sur les propriétés trèsparticulières de l’enveloppe projective de � (notamment la commutativité du commu-tant) est un cas particulier d’une théorie plus générale développée par Paskunas dans[24, Chapter 3].

B.2. Représentations supercuspidales et scindages de Rep.D�/Soit � une F`-représentation irréductible de D� dont le caractère central est trivialsur $ 2 K� � D�, et soit �0 un sous-quotient irréductible de �jD0 , où l’on poseD0 WD O�D pour homogénéiser les notations. Comme dans le paragraphe précédent,on définit des sous-catégories pleines C� � Rep1Znr

`.D�/, C$� � Rep1Znr

`.D�=$Z/ et

C�0 � Rep1Znr`.D0/.

PROPOSITION B.2.1Soit P�0 une enveloppe projective de �0 dans Rep1Znr

`.D0/.

(i) La sous-catégorie C0�0

est facteur direct dans Rep1Znr`.D0/, pro-engendrée par

P�0 .

(ii) La sous-catégorie C� est facteur direct dans Rep1Znr`.D�/, pro-engendrée par

l’induite P� WD indD�

D0.P�0/.

Supposons de plus que JLF`.�/ est supercuspidale, et notons f la longueur de �jD0 .

Alors

(iii) Le commutant Zopp�0WD EndZnr

`D0.P�0/ est isomorphe à Znr

`ŒSyl`.F

�qf/�.

(iv) Le commutant Zopp� WD EndZnr

`D�.P�/ est isomorphe à Znr

`ŒSyl`.F

�qf/�Z�.

Démonstration(i) Soit mD l’idéal maximal de OD . Le quotient O�D=.1CmD/ étant cyclique,

la théorie de Clifford nous dit que �0 ' indD0

N�.��/, où �� est un prolongement d’un

sous-quotient irréductible � de �0j1CmD

à son normalisateur N� dans D0. Toujours

par cyclicité de N�=.1CmD/, N� possède un plus grand `0-sous-groupe N `� , dont le

quotient est un `-groupe cyclique. On en déduit que

P�0 ' indD0

N `�.��/;

donc en particulier que tous les sous-quotients irréductibles de P�0 sont isomorphes

Page 49: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 999

à �0. Il en va de même de ceux de P�0 . À partir de là, on raisonne comme dans lapreuve du point (i)(a) de la proposition B.1.2.

(ii) Même preuve que le point (ii)(a) de la proposition B.1.2.La preuve de (iii) et (iv) nécessite plus de notations. Elle est donnée à la fin de la

preuve de la proposition B.2.3 ci-dessous.

B.2.2. Equivalences de catégories et dualitéLa proposition précédente nous donne, grâce à B.0.2, une paire d’équivalences “in-verses” C� Mod.Z�/ Nous allons donner une autre forme à ces foncteursà partir de la contragrédiente �_ de �.

Auparavant, il nous faut identifier Z�_ et Zopp� . Pour cela, remarquons d’abord que

la contragrédiente P_�0

de P�0 est un objet projectif indécomposable de Rep1Znr`.D0/

dont tous les sous-quotients sont isomorphes à �0;_. C’est donc une enveloppe pro-jective de �0;_ et nous identifierons P_

�0et P�0;_ . Maintenant, comme P�0 est mono-

gène, on peut trouver un idempotent "� de l’algèbre des mesures localement constantesH0 WDH .D0;Znr

`/ sur D0 tel que P�0 'H0"�. On fixe un tel idempotent et un tel

isomorphisme. Alors P_�0

s’identifie à H0 L"� où Lf désigne l’image de f par l’auto-

morphisme d 7! d�1. En notant H WDH .D�;Znr`/ l’algèbre des mesures localement

constantes à support compact sur D�, on a maintenant P� DH"� et P�_ DH L"�. Enparticulier on a Z� D "�H"� et Z�_ D L"�H L"� Ainsi, l’application d 7! d�1 induitun isomorphisme

Z�_ 7! Zopp� : (B.2.2.1)

PROPOSITION

Identifions Z� et Zopp�_ au moyen de l’isomorphisme (B.2.2.1).

(i) Il y a un Z�-isomorphisme fonctoriel en V 2 Rep1Znr`.D�/

P�_ ˝Znr`D� V

�!HomZnr`D�.P�; V /:

(ii) Il y a un D�-isomorphisme fonctoriel en M 2Mod.Z�/

P� ˝Z� M�

�!HomZ�.P�_ ;M/:

Dans le produit tensoriel du premier isomorphisme, on fait implicitement de P�_un Znr

`D�-module à droite en composant l’action à gauche par d 7! d�1.

DémonstrationC’est essentiellement de l’“abstract nonsense”. Pour V 2 Rep1Znr

`.D�/, on a d’une part

Page 50: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

1000 J.-F. DAT

HomZnr`D�.P�; V /DHomZnr

`D�.H"�; V /

�! "�V

et d’autre part

P�_ ˝Znr`D� V D .H L"� ˝ V /D� D "�H ˝H V

�! "�V:

Cela règle le premier isomorphisme. Pour le second, observons que le foncteur M 7!HomZ�.P�_ ;M/ est adjoint à droite du foncteur V 7! P�_ ˝Znr

`D� V . Or, ce der-

nier est une équivalence C��

�!Mod.Z�/ par le premier isomorphisme, donc M 7!HomZ�.P�_ ;M/ en est un équivalence “inverse”, nécessairement isomorphe à l’équi-valence “inverse” M 7!M ˝Z� P�.

Passons maintenant à la catégorie C$� . L’entier f désigne la longueur de �jD0 etv est toujours la valuation de $ .

PROPOSITION B.2.3Supposons que JLd;F`.�/ est une représentation supercuspidale, et soit P$� une en-veloppe projective de � dans Rep1Znr

`.D�=$Z/.

(i) La sous-catégorie C$� est facteur direct dans Rep1Znr`.D�=$Z/, pro-engendrée

par P$� .

(ii) Le commutant Z$� WD EndZnr`D�.P

$� / est isomorphe à Znr

`ŒSyl`.F

�qf� f Z=

dvZ/�.

(iii) Soit ƒ$� WD Z$� ˝Znr`

MZ`. La ƒ$� -représentation P$� est une $ -déformationuniverselle de �. L’anneau de $ -déformations de � est isomorphe àMZ`ŒSyl`.F

�qf� f Z=dvZ/�.

DémonstrationNous allons utiliser la théorie des types de Broussous pour D� pour décrire l’en-veloppe projective P$� de manière suffisamment explicite. L’article [6] n’est écrit

que pour les Q`-représentations, mais s’étend sans problème aux F`-représentationscomme dans le chapitre III de [26]. Ainsi, la représentation � est de la forme � 'indD

J .�/ pour un “type simple étendu” .J;�/ formé d’un sous-groupe ouvert J deD� contenant le centre K� et d’une F`-représentation irréductible � de J . Nousavons besoin de quelques précisions sur la forme de ces objets. Notons J 0 WDD0\J

le sous-groupe compact maximal de J , et J 1 son pro-p-radical. Il existe une ex-tension E de K contenue dans D, dont nous noterons B le commutant (qui estune algèbre à division de centre E) telle que J D J 1B� (B� normalise J 1) etJ 1 \ B� D B1 WD 1 CMB . De plus � est de la forme � ' � ˝ � où �jJ 1 est ir-réductible, et � est une représentation de J=J 1$Z, i.e. une représentation modéré-ment ramifiée de B�. Une telle représentation est facile à décrire, puisque B�=.1C

Page 51: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 1001

mB/, resp. B�=.1CmB/$Z, est isomorphe au groupe F�

qf0d 0

� Z, resp. au groupe

F�qf0d 0

� Z=e0d 0vZ où

� f 0 est le degré résiduel de E sur K et e0 est son indice de ramification,� .d 0/2 est la dimension de B sur E ,� le générateur positif de Z agit sur Fqf 0d 0 par le Frobenius relatif à Fqf 0 .

Par conséquent, il existe un unique diviseur m de d 0, et un caractère Frob-régulier �de F�

qf0m�mZ=e0d 0vZ tel que

� D indF�qf0d 0

�Z=e0d 0vZ

F�qf0d 0

�mZ=e0d 0vZ.� ıNF

qf0d 0 jFqf 0m

/:

L’entier m est le même que celui de [6, définition 10.1.4]. Un point crucial mainte-nant est que, vu notre hypothèse de supercuspidalité de JLd;F`.�/, on a mD d 0. En

effet, soit e� un relèvement de � à Q` ; la représentation JLd;Q`.e� / est alors égale-ment supercuspidale, et l’égalité m D d 0 est une reformulation du point (2) de [7,Corollary 1]. On a donc finalement

� D indF�qf0d 0

�Z=e0d 0vZ

F�qf0d 0�d 0Z=e0d 0vZ

.�/

pour un caractère Frob-régulier � de F�qf0d 0� d 0Z=e0d 0vZ.

Nous allons maintenant produire une enveloppe projective P$� à partir de cesobjets. De la discussion précédente on déduit que si P$ est une enveloppe projectivede � dans Rep1Znr

`.F�qf0d 0� d 0Z=e0d 0vZ/, alors, son induite

P$� D indF�qf0d 0

�Z=e0d 0vZ

F�qf0d 0�d 0Z=e0d 0vZ

.P$ /

est une enveloppe projective de � dans Rep1Znr`.J=J 1$Z/, dont tous les sous-quotients

irréductibles sont isomorphes à � . Par ailleurs, comme dans le cas des types deBushnell–Kutzko, [26, III.4.20], on peut relever � en une Znr

`-représentation e�. La

Znr`

-représentation

P$� WDe� ˝P$�de J=$Z est projective et se surjecte sur �. Elle est aussi indécomposable (car sie� ˝P$� DW1˚W2, on obtient en appliquant le foncteur HomJ 1.e�;�/ une décom-position de P$� , or ce foncteur n’annule aucun sous-objet non nul dee�˝P$� puisquela restriction de ce dernier à J 1 este�-isotypique). Ainsi, P$

�est une enveloppe pro-

jective de � dans Rep1Znr`.J=$Z/. Considèrons maintenant l’induite

P$� WD indD�

J .P$� /:

Page 52: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

1002 J.-F. DAT

Elle est projective dans Rep1Znr`.D�=$Z/, et tous ses sous-quotients irréductibles sont

isomorphes à �. Par réciprocité de Frobenius, la dimension de HomD�.P$� ; �/ sur

F` est 1, donc P$� est également indécomposable, et finalement est une enveloppeprojective de � dans Rep1Znr

`.D�=$Z/.

Passons maintenant à la preuve de la proposition. Puisque P$� 2 C$� , le point (i)se prouve comme le (i)(a) de la proposition B.1.2.

(ii) Par construction on a une suite de morphismes de Znr`

-algèbres

EndF�qf0d 0�d 0Z=e0d 0vZ.P

$ /�! EndJ .P

$� /�! EndJ .P

$� /�! EndD�.P

$� /:

Le premier est un isomorphisme car le caractère � est Frob-régulier. Le troisième estun isomorphisme car l’ensemble d’entrelacement de .J;�/ est égal à J [6, (10.1.3)].Enfin, le second est un isomorphisme car EndJ 1.e�/D Znr

`. Maintenant, la première

algèbre est facile à calculer :

EndF�qf0d 0�d 0Z=e0d 0vZ.P

$ /' Znr

` ŒSyl`.F�

qf0d 0 � d

0Z=e0d 0vZ/�:

Notons que f 0d 0e0 D d , de sorte que d 0Z=e0d 0vZ ' f 0d 0Z=dvZ. Il ne nous restedonc plus qu’à vérifier que f 0d 0 D f . Avec les notations ci-dessus, on a � DindD

J 0E�.�˝ �/. Par la formule de Mackey on a donc

�jD0 'M

x2J 0E�nD�=D0

�indD

0

J 0.�˝ �/

�x:

Chaque induite est irréductible puisque l’entrelacement de � ˝ � dans D0 est J 0.Donc

f D ŒD� WD0E��D dŒD0E� WD0K���1 D dŒE� WK���1 D de0�1D d 0f 0:

(iii) La preuve est la même que celle du (iii) de la proposition B.1.6.Nous pouvons maintenant prouver les points (iii) et (iv) de la proposition B.2.1.

Comme ci-dessus, on utilise le type pour produire une enveloppe projective P�0 sousla forme :

P�0 WD indD0

J 0.e� ˝P 0 /

où P 0 est une enveloppe projective de � dans Rep1Znr`.F�qf0d 0/. L’homomorphisme

canonique

EndZnr`

F�qf0d 0.P 0 /�! EndZnr

`D0.P�0/

est un isomorphisme, et on identifie facilement le terme de gauche à Znr`ŒSyl`.F

qf0d 0/�.

Par ailleurs, posons P WD indF�qf0d 0�d 0Z

F�qf0d 0

.P 0 / et P� WD indF�qf0d 0

�Z

F�qf0d 0�d 0Z

.P/, de sorte

Page 53: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 1003

que P� D indD�

J .e�˝P� /. Les deux homomorphismes canoniques

EndZnr`.F�qf0d 0�d 0Z/.P/�! EndZnr

`.F�qf0d 0

�Z/.P� /�! EndZnr`D�.P�/

sont des isomorphismes, et on identifie facilement le terme de gauche àZnr`ŒSyl`.F

qf0d 0/ � Z� de la même manière que dans la preuve du (ii)(b) de la pro-

position B.1.2.

B.3. '-déformations de représentations irréductibles de WKFixons une F`-représentation irréductible � de WK de dimension d . D’après [28,2.6], on peut écrire � sous la forme

� D indWKWL .�/; où

� L est une extension modérément ramifiée de K , de degré résiduel noté d 0e0 etd’indice de ramification noté f 0.� La restriction WD �jPK de � au sous-groupe d’inertie sauvage de WK est

irréductible, et son normalisateur NormWK ./ est le groupe de WeilWE d’unesous-extension E �L sur laquelle L est non ramifiée de degré d 0.

La forme de � montre que � y apparait avec multiplicité 1. En fait on a mieux ;soit I `

0

L le plus grand sous-groupe fermé d’ordre premier à ` du sous-groupe d’inertieIL de WL. C’est un sous-groupe distingué de WE . et WL=I `

0

L ' Z` � Z.

LEMME B.3.1Pour toute F`-représentation irréductible � 0 de WK , on a

dimF`

�HomF`I

`0

L

.�; � 0/�D

´1 si � 0 �

0 si � 0 � �

où � � 0 signifie que � 0 est un twist non ramifié de � .

DémonstrationSi � 0 � , on a dimF`

.HomF`I`0

L

.�; � 0//D dimF`.HomF`I

`0

L

.�; �//� 1: Pour montrerl’égalité, on écrit � sous la forme �jWL ˝ � où � est un prolongement de à WE et� est un caractère de WL, dont le normalisateur dans WE est nécessairement WL. Ilfaut alors voir que le normalisateur de �

jI`0

L

dans WE est encore WL. Via le corps declasses, on a une décomposition de l’abélianisé

W abL 'L

� DO�;`0

L �O�;`L �$

ZE

où I `0;abL 'O

�;`0

L , où O�;`L est le `-Sylow (cyclique) de O�L, et $E est une uniformi-

sante de E qui en est une aussi de L puisque L est non ramifiée sur E . L’action de

Page 54: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

1004 J.-F. DAT

WE est triviale sur$ZE et le caractère � est trivial sur O

�;`L . Le normalisateur de �

jI`0

L

est donc le même que celui de �, à savoir WL.Soit maintenant � 0 irréductible telle que HomF`I

`0

L

.�; � 0/¤ 0. Il existe alors un

caractère de WL=I `0

L tel que HomF`WL.� ;� 0/ ¤ 0. Comme est aussi trivial

sur le `-Sylow de W abL , il est non ramifié. Il est donc restriction d’un caractère non

ramifié encore noté de WK . Ainsi, HomF`WL.�; � 0 �1/ ¤ 0, ce qui montre que

� 0 �1 ' � .

B.3.2.On note C� D C� .K/ la sous-catégorie pleine de RepcZnr

`.WK/ formée des objets

dont tous les Znr`IK -sous-quotients irréductibles sont isomorphes à un sous-quotient

de �jIK . De même on dispose de la sous-catégorie C1.L/ (pour la représentationtriviale de WL) de RepcZnr

`.WL/. On choisit maintenant un relèvement e� de � dans

Rep1Znr`.WL/. Comme le pro-ordre de I `

0

L est premier à `, la restrictione�jI`0

L

est uni-quement déterminée.

PROPOSITION

Soit P� WD indWKIL .e�jI`0L ˝Znr`ŒŒI`0

L��

Znr`ŒŒIL��/.

(i) La sous-catégorie C� .K/ de RepcZnr`.WK/ est facteur direct, pro-engendrée

par P� . Le commutant Zopp� WD EndZnr

`WK .P� / est isomorphe au produit croisé

Znr`ŒŒIL=I

`0

L ��� 'ZL.

(ii) Le foncteur

Ie� W C1.L/! C� .K/

M 7! indWKWL .e� ˝Znr`M/

est une équivalence de catégorie, dont une équivalence inverse est donnée parle foncteur

Re� W C� .K/! C1.L/

.V; �V / 7! HomZnr`I`0

L

.e�;V /où WL agit sur le terme de gauche par composition w � ˛ WD �V .w/ ı ˛ ıe�.w/�1.

Démonstration(i) Posons �0 WD indIKIL .�/. C’est un sous-quotient irréductible de �jIK et tous les

autres lui sont conjugués. Le lemme précédent nous dit que �0 est la seuleF`-représentation irréductible de IK dont la restriction à I `

0

L contient �jI`0

L

. Il s’ensuit

immédiatement que la sous-catégorie C0�0

de RepcZnr`.IK/ formée des objets dont les

Page 55: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 1005

sous-quotients irréductibles sont isomorphes à �0 est stable par sous-objet(et quotients et sommes directes), et pro-engendrée par l’induite P�0 WD

indIKIL .e�jI`0L ˝Znr`ŒŒI`0

L��

Znr`ŒŒIL��/. Ceci s’appliquant à toute représentation irréductible

de IK , on en déduit aussi qu’elle est facteur direct. La première assertion du point (i)en découle, comme dans la preuve de B.1.2 (ii)(a). La deuxième assertion peut se voirpar un calcul direct, ou comme conséquence du (ii), cf plus bas.

(ii) Les deux foncteurs sont visiblement exacts. On a une transformation naturelle

˛V W indWKWL�e� ˝Hom

I`0

L

.e�;V /��! V

donnée par évaluation des morphismes et réciprocité de Frobenius. En utilisant lefait que Hom

I`0

L

.�; �w/ est nul si w n’est pas dans WL, on constate que Re� .˛V / estinversible. Comme ce foncteur est pleinement fidèle par (i), ˛V est aussi inversible.Dans l’autre sens, on a la transformation naturelle

ˇM WM �!HomI`0

L

�e�; indWKWL .e� ˝M/�

qui envoiem sur Ide� ˝m. Toujours grâce au fait que HomI`0

L

.�; �w/ est nul si w n’est

pas dans WL, on constate que ˇM est un isomorphisme. On notera que P� D Ie� .P1/,donc le commutant de P� est isomorphe à celui de P1 qui est bien comme annoncéau (i).

B.3.3. La catégorie C ab�

Soit Zab� le plus grand quotient commutatif de Z� . La catégorie Mod.Zab

� / est naturel-lement une sous-catégorie pleine de Mod.Z� /, stable par sous-quotients et sommesdirectes.

DÉFINITION

On note C ab� l’image essentielle du foncteur M 2Mod.Zab

� / 7! P� ˝Z� M 2 C� , etP ab� WD P� ˝Z� Zab

� .

Ainsi C ab� est une sous-catégorie pleine de C� , stable par sous-quotients et

sommes directes. En tant que catégorie abélienne, elle est pro-engendrée par P ab� ,

mais on prendra garde au fait que celui-ci n’est pas un objet projectif dans C� . Parconstruction, on a un isomorphisme canonique Zab

�! EndZnr`WK .P

ab� /.

Concrètement, le foncteur Re� induit une équivalence C ab� .K/

�! C ab1 .L/, ce qui

via le corps de classes montre que

Zab� ' Znr

` ŒSyl`.k�L/�Z�:

D’autre part,

Page 56: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

1006 J.-F. DAT

P ab� ' indWK

I`�abL

.e�jI`�abL

/

où I `�abL désigne le noyau de la composée IL

ArtL�!O�L � Syl`.k

�L/.

B.3.4. Dualité et équivalencesCe paragraphe est l’analogue du paragraphe B.2.2. Soit H DH .WK ;Z

nr`/ l’algèbre

des mesures continues à support compact sur WK et localement constantes pour l’ac-tion de I `

0

K . La représentation e�jI`0

L

fournit un idempotent abusivement noté "� qui

permet d’identifier P� à H"� et fournit un progénérateur P�_ WDH L"� de C�_ . L’in-version w 7!w�1 permet alors d’identifier Z� D e�He� à Z�_ .

PROPOSITION

Avec cette identification,

(i) Il y a un Z� -isomorphisme fonctoriel en V 2 RepcZnr`.WK/

P� ˝Znr`WK V

�!HomZnr`WK .P�_ ; V /:

(ii) Il y a un WK -isomorphisme fonctoriel en M 2Mod.Z� /

P� ˝Z� M�

�!HomZ� .P�_ ;M/:

DémonstrationCela se prouve comme la proposition B.2.2.

B.3.5.Notons Rel.�/ la catégorie cofibrée en groupoïdes au-dessus de la catégorie des Znr

`-

algèbres locales complètes noethériennes, dont les objets sont les paires .ƒ;e� / avece� un relèvement de � sur ƒ. De même on a la catégorie Rel.1WL/ des relèvementsde la représentation triviale deWL. La proposition B.3.2 nous assure que les foncteursIe� et Re� induisent des équivalences (fibrées) inverses entre Rel.�/ et Rel.1WL/.

Fixons maintenant un élément $ de valuation v > 0 dans K et un élément' 2 WK d’image $ via l’homomorphisme WK �! K� du corps de classes, puissupposons que le déterminant de � sur ' soit égal à 1. Si " désigne la signature del’action de ' sur WK=WL, et si t W W ab

K �!W abL désigne le transfert, on a la formule

[17]

det��.'/

�D ".'/det

��.t.'//

�D 1:

Quittes à ajuster notre choix de relèvement e� par un caractère non ramifié de WL,nous supposerons que

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THÉORIE DE LUBIN–TATE NON ABÉLIENNE `-ENTIÈRE 1007

".'/det�e�.t.'//�D 1:

On s’intéresse à la catégorie '-Rel.�/ des '-relèvements de � . De l’autre côté,on note t .'/ı -Rel.1WL/ la catégorie des relèvements du caractère trivial de WL quivalent 1 sur l’élément t .'/ı 2W ab

L . On rappelle que ı est la dimension de � .

COROLLAIRE B.3.6les foncteurs Ie� et Re� induisent des équivalences (fibrées) inverses entre '-Rel.�/ ett .'/ı -Rel.1WL/. En particulier,

(i) L’anneau ƒ� de '-déformation de � est isomorphe à Znr`ŒSyl`.F

�qf� f Z=

dvZ/�, où f désigne la longueur de �jIK .

(ii) Soite� un '-relèvement de � sur ƒ� tel que

e� ˝Q` 'M

r`��D�;det��.'/D1

��:

Alorse� est la '-déformation universelle de � .

DémonstrationOn sait que ces foncteurs induisent des équivalences entre catégories de déforma-tions sans conditions de déterminant. Il suffit donc de vérifier que ces conditions secorrespondent. Ecrivons

e� D Ie� .g1WL/D indWKWL .e� ˝g1WL/:La formule

det�e�.'/�D ".'/det

�e�.t.'//�g1WL�t .'/�ı Dg1WL�t .'/�ı(vu notre choix de relèvemente� ) montre que les conditions se correspondent bien.

(i) Il suffit de calculer la t .'/-déformation universelle de 1WL , c’est-à-dire ladéformation universelle du caractère trivial du groupe W ab

L =t.'/ıZ. Via le corps de

classe, ce groupe est isomorphe à L�=$ıZ, puisque le transfert s’identifie à l’inclu-sion de K� dans L�. Ce dernier groupe se décompose en

L�=$ıZ ' .1CmL/� k�L �Z=e0ıvZ:

La catégorie des t .'/ı -relèvements de 1WL est donc équivalente à la catégorie desrelèvements du caractère trivial du `-Sylow Syl`.k

�L �Z=e0ıvZ/. En particulier l’an-

neau de $ -déformation de � est isomorphe à la Znr`

-algèbre de ce `-Sylow. Mainte-nant, vu nos notations, on a kL ' Fqf 0d 0 , et Z=e0ıvZ' f 0d 0Z=dvZ. Il suffit doncde vérifier que f D f 0d 0. La formule de Mackey donne

Page 58: Théorie de Lubin–Tate non abélienne $\ell$ -entière

1008 J.-F. DAT

�jIK 'M

w2WK=IKWL

indIKIL .�jIL/w :

On sait que �jIK est semi-simple, donc l’induite indIKIL .�/ l’est aussi, mais puisquel’entrelacement de �jIL est égal à IL, cette induite est indécomposable, donc finale-ment irréductible. La longueur f est donc égale à ŒWK WWLIK �D f 0d 0.

(ii) En vertu du (i) et de sa preuve ci-dessus, il suffit de montrer que si e1 estune déformation du caractère trivial du groupe S` WD Syl`.F

�qf� f Z=dvZ/ sur son

algèbre de fonctions ƒ WD Znr`ŒS`� telle quee1˝ Q` '

LWS`�!Q`

�, alors elle estuniverselle.

Partons de la déformation universelle, à savoir la représentation régulièree1un deS` vue comme déformation du caractère trivial sur l’algèbre ƒun D Znr

`ŒS`�. Par uni-

versalité, la déformatione1 est obtenue en poussante1un par un morphisme ƒun˛

�!ƒ.Par hypothèse, ˛ induit une bijection entre Q`-caractères de ƒ et de ƒun. En parti-culier ˛ est injectif, car ƒun est réduit et sans `-torsion. Il induit donc une injection`1.ƒun/ �! `1.ƒ/, laquelle est une bijection puisque ces deux groupes sontfinis de même cardinal. Or, ƒ est engendré par `1.ƒ/ sur Znr

`, donc ˛ est aussi

surjectif.

Remerciements. L’auteur remercie l’Institute for Advanced Study pour son hospitalitéet l’Institut Universitaire de France qui a permis ce séjour à l’IAS.

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