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UE 8.4 MEMOIRE D’ANALYSE : Réforme des Retraites 2010 – Gestion Employeur – DLP, 22mai 2012 235 CONCLUSION Sur le plan interne du système des retraites, cette réforme paramétrique de novembre 2010 a été saluée comme la meilleure voie de résolution pour l’Etat français pour conserver les mécanismes de la répartition, au regard des hypothèses macroéconomiques du moment (étude des réformes système retraite en Europe - mars 2010 : OCDE). Cette étape 2010 doit être perçue comme une étape intermédiaire en vue d’étudier la phase suivante, d’instruire le passage ou non vers un système en compte notionnel vers un horizon 2016-18 (réforme systémique). D’un point de vue microéconomique, les salariés d’aujourd’hui, qui sont les futurs retraités de demain et dont la période de retraite va mécaniquement s’allonger avec l’augmentation de l’espérance de vie, doivent dès leur première partie de carrière préparer et organiser une ingénierie financière pour optimiser la valeur future de leur rémunération totale (pensions + épargne retraite + autres revenus salariés). Sur le plan de la relation employeur - salarié, deux phases biens distinctes doivent être distinguées. A court terme (2010 – 2012), les entreprises vont reproduire les schémas observés lors des précédentes réformes des retraites. Afin d’être dans l’épure des indicateurs de compétitivité économique, l’employeur français va organiser la réduction du stock de Seniors en outillant la mise en œuvre des formats de préretraite (i.e. accord de l’employeur Renault France). A moyen terme, dans un scénario prospectif brassant de nombreuses hypothèses à tester telle que la situation macroéconomique, le chiffre d’affaire réalisé « Overseas », le régime net du marché de l’emploi (plein emploi ?), l’image de marque RSE de l’employeur, le rééquilibrage du dialogue du paritarisme (concept de légitimité IRP), l’évolution du divorce salarié – entreprise (indignez-vous !)… : tous ces éléments laissent à penser que l’employeur devra adapter sa pratique interne de la G.R.H. pour conserver les mécanismes de la répartition. Il n’y aura pas de « one best way » ou de stratégie G.R.H. générique pure applicable à l’entreprise selon le vecteur métier, taille, secteur. On peut parier sur « une real G.R.H. » adaptée à la contingence des paramètres internes de l’entreprise, dans laquelle le D.R.H. devra proposer un modèle permettant de satisfaire aux exigences de salariés informés sur les enjeux de la retraite, tout en permettant sa soutenabilité financière employeur lors de son exécution (i.e. alourdissement du passif social de l’entreprise, augmentation du coût du travail…). Dans cette équation rh-social-organisation-financière sur le fil du rasoir, l’outillage Rémunération Globale aura un poids de plus en plus grand dans le plan de déploiement opérationnel délicat de cette stratégie G.R.H. Sur le plan des résultats empiriques de l’enquête terrain, les enseignements ci-dessous ont été mis en évidence: - Le Darwinisme employeur en matière de gestion des fins de carrière des Seniors : Tout change sur la forme des outils mobilisés, rien ne change sur le fond, les mécanismes de décisions arbitrés par l’employeur restent les mêmes et conduisent à une sortie des salariés seniors de l’entreprise, et donc à une éviction du marché du travail (i.e. tests statistiques, analyse des données et configuration type ingénierie sociale issue du benchmark des accords). - L’intensité du travail, décrite dans la dernière enquête SUMER 88 corrobore la demande sociale des Instances Représentatives du personnel relevée lors des interviews, de prendre en compte et de réparer les Risques Psychosociaux des salariés exposés à des organisations de travail « pour certaines qualifiées de maltraitantes », R.P.S. qui déclencheront à long terme de nombreuses pathologies mentales (i.e. matérialisation du risque dépendance). - Pouvoir d’achat et hiérarchie des rémunérations: la Loi de réforme des retraites 2010 du point de vue de l’assuré, salarié puis retraité, ne corrigera pas la hiérarchie des revenus du travail et donc la distribution des patrimoines observée ? « les arbres ne montant pas jusqu’au ciel », les revenus de la retraite issus des trois piliers conserveront la hiérarchie des normes du taux de remplacement. Les pensions obligatoires seront revalorisées du taux d’inflation mais leur rendement sera décroissant avec le temps. L’épargne retraite collective, aujourd’hui marginale dans le total de pension « net net », pourtant promise à un bel avenir présentera à moyen terme un profil de progression financière en demi-teinte par l’effet conjugué de trois facteurs : la crise financière depuis 2009, l’instabilité législative couplée à l’alourdissement fiscalo-social et à une communication inefficiente des gestionnaires de comptes - employeurs envers les titulaires salariés. 88 DARES - mars 2012 - N°023, Cf. voir références bibliographiques en annexe du présent document.

Thèse pro GRH - CONCLUSION - réforme retraite 2010 - E&P / La Sorbonne

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UE 8.4 MEMOIRE D’ANALYSE : Réforme des Retraites 2010 – Gestion Employeur – DLP, 22mai 2012 235

CONCLUSION Sur le plan interne du système des retraites, cette réforme paramétrique de novembre 2010 a été saluée comme la meilleure voie de résolution pour l’Etat français pour conserver les mécanismes de la répartition, au regard des hypothèses macroéconomiques du moment (étude des réformes système retraite en Europe - mars 2010 : OCDE). Cette étape 2010 doit être perçue comme une étape intermédiaire en vue d’étudier la phase suivante, d’instruire le passage ou non vers un système en compte notionnel vers un horizon 2016-18 (réforme systémique). D’un point de vue microéconomique, les salariés d’aujourd’hui, qui sont les futurs retraités de demain et dont la période de retraite va mécaniquement s’allonger avec l’augmentation de l’espérance de vie, doivent dès leur première partie de carrière préparer et organiser une ingénierie financière pour optimiser la valeur future de leur rémunération totale (pensions + épargne retraite + autres revenus salariés). Sur le plan de la relation employeur - salarié, deux phases biens distinctes doivent être distinguées. A court terme (2010 – 2012), les entreprises vont reproduire les schémas observés lors des précédentes réformes des retraites. Afin d’être dans l’épure des indicateurs de compétitivité économique, l’employeur français va organiser la réduction du stock de Seniors en outillant la mise en œuvre des formats de préretraite (i.e. accord de l’employeur Renault France). A moyen terme, dans un scénario prospectif brassant de nombreuses hypothèses à tester telle que la situation macroéconomique, le chiffre d’affaire réalisé « Overseas », le régime net du marché de l’emploi (plein emploi ?), l’image de marque RSE de l’employeur, le rééquilibrage du dialogue du paritarisme (concept de légitimité IRP), l’évolution du divorce salarié – entreprise (indignez-vous !)… : tous ces éléments laissent à penser que l’employeur devra adapter sa pratique interne de la G.R.H. pour conserver les mécanismes de la répartition. Il n’y aura pas de « one best way » ou de stratégie G.R.H. générique pure applicable à l’entreprise selon le vecteur métier, taille, secteur. On peut parier sur « une real G.R.H. » adaptée à la contingence des paramètres internes de l’entreprise, dans laquelle le D.R.H. devra proposer un modèle permettant de satisfaire aux exigences de salariés informés sur les enjeux de la retraite, tout en permettant sa soutenabilité financière employeur lors de son exécution (i.e. alourdissement du passif social de l’entreprise, augmentation du coût du travail…). Dans cette équation rh-social-organisation-financière sur le fil du rasoir, l’outillage Rémunération Globale aura un poids de plus en plus grand dans le plan de déploiement opérationnel délicat de cette stratégie G.R.H. Sur le plan des résultats empiriques de l’enquête terrain, les enseignements ci-dessous ont été mis en évidence:

- Le Darwinisme employeur en matière de gestion des fins de carrière des Seniors : Tout change sur la forme des outils mobilisés, rien ne change sur le fond, les mécanismes de décisions arbitrés par l’employeur restent les mêmes et conduisent à une sortie des salariés seniors de l’entreprise, et donc à une éviction du marché du travail (i.e. tests statistiques, analyse des données et configuration type ingénierie sociale issue du benchmark des accords).

- L’intensité du travail, décrite dans la dernière enquête SUMER88 corrobore la demande sociale des Instances Représentatives du personnel relevée lors des interviews, de prendre en compte et de réparer les Risques Psychosociaux des salariés exposés à des organisations de travail « pour certaines qualifiées de maltraitantes », R.P.S. qui déclencheront à long terme de nombreuses pathologies mentales (i.e. matérialisation du risque dépendance).

- Pouvoir d’achat et hiérarchie des rémunérations: la Loi de réforme des retraites 2010 du point de vue de l’assuré, salarié puis retraité, ne corrigera pas la hiérarchie des revenus du travail et donc la distribution des patrimoines observée ? « les arbres ne montant pas jusqu’au ciel », les revenus de la retraite issus des trois piliers conserveront la hiérarchie des normes du taux de remplacement. Les pensions obligatoires seront revalorisées du taux d’inflation mais leur rendement sera décroissant avec le temps. L’épargne retraite collective, aujourd’hui marginale dans le total de pension « net net », pourtant promise à un bel avenir présentera à moyen terme un profil de progression financière en demi-teinte par l’effet conjugué de trois facteurs : la crise financière depuis 2009, l’instabilité législative couplée à l’alourdissement fiscalo-social et à une communication inefficiente des gestionnaires de comptes - employeurs envers les titulaires salariés.

88 DARES - mars 2012 - N°023, Cf. voir références bibliographiques en annexe du présent document.

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- Du point de vue du D.R.H.: le relèvement progressif de l’ouverture des droits à la retraite à 62 ans, c'est-à-dire concrètement deux années travaillées supplémentaires, va coaguler la fluidité des progressions verticales et horizontales des salariés au sein de la pyramide des âges de l’entreprise. Cette tension nouvelle dans le corps social de l’entreprise sera régulée par la pratique employeur de non remplacement des salariés ayant quittés l’entreprise pour motif de départ à la retraite. A moyen terme, il y a le risque de conflit intergénérationnel et de « dé-solidarité intergénérationnelle » entre les différents âges présents dans l’entreprise. Cela peut également induire le risque de perte de savoirs et savoir-faire liés à la pratique professionnelle et aux compétences mises en œuvre par les salariés partis. - Du point de vue du « Comp & Ben »: l’accumulation de mauvaises nouvelles fiscales et sociales, l’insécurité juridique liée à la définition de catégorie objective et le risque de contentieux salarié pour motif de non égalité de traitement, va renchérir le coût financier de l’ingénierie épargne retraite collective et va nécessiter la restructuration de l’architecture des solutions habituellement mobilisées (Art. 39, Art. 83, PERCO). Au final, cette complexité accrue à gérer pour le responsable rémunération global, résultat de l’intrication des lois réforme de retraite 2010, LFSS 2009-2011 et autre « paquet fiscal et social à venir », risque de freiner la pratique employeur d’une individualisation totale et évolutive de la structure de rémunération accompagnant la carrière du salarié. Cette corrélation multifactorielle de contraintes juridiques, fiscales et sociales fixera une limite réelle et matérielle à la possibilité d’intervention de l’employeur désireux d’accompagner la transition activité - retraite de ses salariés.

De véritables enjeux pour les parties prenantes : Le véritable enjeu est la capacité des acteurs du monde du travail, de l’engagement des familles et du rôle de la formation initiale à informer le salarié primo-accédant à l’emploi sur l’importance d’un effort d’épargne forcée, régulier et de long terme pour constituer un capital financier garanti. Ce dernier, lors du départ de l’intéressé à la retraite, viendra compléter selon la modalité de sortie retenue « rente ou capital » les pensions obligatoires. La véritable question est la capacité du salarié français dont le salaire médian net estimé à 1644.00 Euros / mois (2009) à arriver à la retraite « en bon état de santé » et en ayant fini de rembourser le prêt immobilier de l’achat de son habitation principale. Parmi toutes les solutions individuelles et collectives mobilisables par le salarié - retraité, la solution du cumul emploi - retraite va devenir la solution la plus vraisemblable.

Ce scénario prospectif renvoie toutes les parties prenantes, Etat, Employeur et salarié à cette série d’interrogations à résoudre en termes d’équité et de justice sociale89 : répartition des hauts revenus et bas revenus parmi la population des 15 millions de retraités, retraités financièrement confortables et actifs financièrement sur le fil du rasoir90, taxer le capital sur le même taux que le travail, rôle RSE de l’employeur à financer la dépendance ou financement via une 5ème branche de la Sécurité Sociale, rôle des parties prenantes à imaginer des nouvelles solutions d’ingénierie sociale.

Epilogue: La Loi n°2010-1130B publiée au J.O. le 10 novembre 2010 dite « Réforme de retraite Fillon II » n’a pas permis : - de garder la notation financière AAA pour l’Etat français notamment au regard de la gestion des déficits publics, - de modifier sur le fond le comportement entreprise-salarié dans la relation d’emploi sur le comment gère-t-on en co-construction et intelligemment la fin de carrière des salariés, - de faire progresser les résultats attendus de diffusion et de performance des solutions d’épargne retraite collective et individuelle. En revanche, elle aura révélé de façon lisible :

- Quelles que soient les modifications intervenues suite à la promulgation de la Loi de Réforme des retraites du 10 novembre 2010, les problèmes liés à la gestion des fins de carrières des salariés seniors, seront toujours traités par l’employeur qui utilisera toutes les dispositions nouvelles de la Loi même si leurs utilisations sur « le terrain de l’entreprise » vont à l’encontre de l’esprit originel de la Loi. « La pression de l’économique et l’opérationnalité des situations terrain à traiter » positionneront toujours l’employeur et son DRH dans un mode de résolution de problème. - Au final, personne ne compte réellement sur son épargne pour financer sa retraite91, mais chacun veut prendre sa retraite en n’étant pas trop « abimé par une vie de travail ». Face à ce nouveau défi, une politique GRH performante passera par une politique de protection sociale performante et financée par l’employeur.

89 Question de recherche développée par André Masson, Ouvrage « des liens et des transferts entre génération », 09 novembre 2009, Ed. EHESS. 90 Rajeunissement et vieillissement de la France, JH Lorenzi, Descartes & Cie : « les prélèvements sociaux sur plus lourds chez les jeunes que sur les vieux… ». 91 Cf. les enseignements de l’Etude Euro RSCG C&O, 5 janvier 2012, « Le CAC 40 en 2012 : quel partage de la valeur ? Le grand hiatus ».