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1 Thème : Intégration, conflit, changement social Chapitre 1: Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ? Plan du chapitre : I. Comment évoluent les formes de solidarité ? IC : Après avoir présenté l'évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n'ont pas fait pour autant disparaître ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes. A. De la solidarité mécanique à la solidarité organique. B. La solidarité organique a-t-elle totalement remplacé la solidarité mécanique ? II. L’évolution des instances d’intégration remet-elle en cause le lien social ? IC :On traitera plus particulièrement de l'évolution du rôle des instances d'intégration (famille, école, travail) dans les sociétés contemporaines et on se demandera si cette évolution ne remet pas en cause l'intégration sociale. A. Le rôle de la famille dans l’intégration. B. L’intégration par l’école : un défi. C. Le travail : entre intégration et exclusion. Notions :Solidarité mécanique / organique, cohésion sociale. Acquis de première: Socialisation, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux. Introduction : La société est composée de différents groupes sociaux hiérarchisés, comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents. Elle est stratifiée et les groupes sociaux entretiennent parfois des relations de domination voire parfois conflictuelles. Comment ces rapports ne dégénèrent-ils pas en une guerre de tous contre tous ? Un ciment permet à la société de constituer un tout cohérent. Quelle est la nature de ce ciment? Quels sont les liens sociaux qui permettent la cohésion sociale? Les transformations contemporaines de la société mettent-elles en danger le lien social? Après avoir présenté les différentes formes de la solidarité, nous nous demanderons si les transformations contemporaines des principales instances d’intégration provoquent une crise du lien social. I. Comment évoluent les formes de solidarité ? A. De la solidarité mécanique à la solidarité organique. Document 1 : Les solidarités selon Durkheim. Nous reconnaîtrons deux sortes seulement de solidarités 1 [...]. La première [la solidarité mécanique] ne peut être forte que dans la mesure les idées et les tendances communes à tous les membres de la société dépassent en nombre et en intensité celles qui appartiennent personnellement à chacun d'eux. [...] La solidarité qui dérive des ressemblances est à son maximum quand la conscience collective recouvre exactement notre conscience totale et coïncide de tous points avec elle : mais, à ce moment, notre individualité est nulle. [...] Il en est tout autrement de la solidarité que produit la division du travail . Tandis que la précédente implique que les individus se ressemblent , celle-ci suppose qu'ils diffèrent les uns des autres . La première n'est possible que dans la mesure où la personnalité individuelle est absorbée dans la personnalité collective ; la seconde n'est

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Thème : Intégration, conflit, changement social

Chapitre 1: Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?

Plan du chapitre : I. Comment évoluent les formes de solidarité ?

IC : Après avoir présenté l'évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n'ont pas fait pour autant disparaître ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes.

A. De la solidarité mécanique à la solidarité organique. B. La solidarité organique a-t-elle totalement remplacé la solidarité mécanique ?

II. L’évolution des instances d’intégration remet-elle en cause le lien social ?

IC :On traitera plus particulièrement de l'évolution du rôle des instances d'intégration (famille, école, travail) dans les sociétés contemporaines et on se demandera si cette évolution ne remet pas en cause l'intégration sociale.

A. Le rôle de la famille dans l’intégration. B. L’intégration par l’école : un défi. C. Le travail : entre intégration et exclusion.

Notions :Solidarité mécanique / organique, cohésion sociale. Acquis de première: Socialisation, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux.

Introduction :

La société est composée de différents groupes sociaux hiérarchisés, comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents. Elle est stratifiée et les groupes sociaux entretiennent parfois des relations de domination voire parfois conflictuelles. Comment ces rapports ne dégénèrent-ils pas en une guerre de tous contre tous ? Un ciment permet à la société de constituer un tout cohérent. Quelle est la nature de ce ciment? Quels sont les liens sociaux qui permettent la cohésion sociale? Les transformations contemporaines de la société mettent-elles en danger le lien social? Après avoir présenté les différentes formes de la solidarité, nous nous demanderons si les transformations contemporaines des principales instances d’intégration provoquent une crise du lien social.

I. Comment évoluent les formes de solidarité ?

A. De la solidarité mécanique à la solidarité organique.

Document 1 : Les solidarités selon Durkheim. Nous reconnaîtrons deux sortes seulement de solidarités1 [...]. La première [la solidarité mécanique] ne peut être forte que dans la mesure où les idées et les tendances communes à tous les membres de la société dépassent en nombre et en intensité celles qui appartiennent personnellement à chacun d'eux. [...] La solidarité qui dérive des ressemblances est à son maximum quand la conscience collective recouvre exactement notre conscience totale et coïncide de tous points avec elle : mais, à ce moment, notre individualité est nulle. [...] Il en est tout autrement de la solidarité que produit la division du travail. Tandis que la précédente implique que les individus se ressemblent, celle-ci suppose qu'ils diffèrent les uns des autres. La première n'est possible que dans la mesure où la personnalité individuelle est absorbée dans la personnalité collective; la seconde n'est

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possible que si chacun a une sphère d'action qui lui est propre, par conséquent une personnalité. [...] Cette solidarité ressemble à celle que l'on observe chez les animaux supérieurs. Chaque organe, en effet, y a sa physionomie spéciale, son autonomie, et pourtant l'unité de l'organisme est d'autant plus grande que cette individuation2 des parties est plus marquée. En raison de cette analogie, nous proposons d'appeler organique la solidarité. 1 : Expression utilisée par Durkheim pour désigner le lien social. 2 : Différenciation.

Emile Durkheim, De la division du travail social, PUF, 1930 (1ère

édition 1893).

Questions:

1. Retrouvez le passage du texte où Durkheim définit la conscience collective.

2. Comment Emile Durkheim articule-t-il conscience collective et conscience

individuelle ?

3. Quelles sont pour Durkheim les deux origines possibles du lien social ?

4. Pourquoi utilise-t-il l'adjectif organique pour désigner la solidarité dans les sociétés

modernes ?

5. Faites un schéma montrant les liens entre division du travail, montée de l’individualisme et lien social.

E. Durkheim (1858/1917) distingue deux types de solidarité correspondant à deux formes

de sociétés.

1/ La solidarité mécanique :

La solidarité mécanique caractérise les sociétés traditionnelles (segmentaires ou

« primitives »). Elle provient des ressemblances ou « similitudes » unissant les individus

selon le proverbe « qui se ressemble s’assemble ». Dans ces sociétés, la conscience

collective, cad les normes, croyances et pratiques communes aux membres du groupe,

écrase les consciences individuelles à savoir la personnalité de chacun : « Nous ne

sommes plus nous-même mais l’être collectif ». Durkheim qualifie cette solidarité de

mécanique ou réflexe (non réfléchie) par référence à la cohésion unissant les particules

des corps bruts.

2/ La solidarité organique.

La thèse centrale de Durkheim est que la division du travail social explique le passage de la

solidarité mécanique à la solidarité organique. Les individus vont se différencier les uns des

autres et en cela ils deviennent complémentaires : chaque individu a besoin des autres car

il est spécialisé et par conséquent incomplet. Paradoxalement, plus les individus sont

spécialisés et plus ils sont solidaires. L’unité du tout s’accroît avec l’individualisation des

parties. La division du travail social a ainsi modifié la cohésion sociale.

Dans ces sociétés, les consciences individuelles s’émancipent de la conscience collective

et la solidarité qui en découle est réfléchie. Durkheim la qualifie d’organique par analogie à

la cohésion unissant les organes des corps vivants.

Remarque : si nos sociétés sont caractérisées par la solidarité organique, la solidarité

mécanique n’a pas pour autant disparu (elle existe encore au sein de la famille par

exemple).

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La division sociale du travail a ainsi une action paradoxale car : - Elle permet une différenciation, c’est-à-dire une individualisation des

membres de la société par le développement des consciences individuelles.

Montée de l’individualisme

- Elle renforce la cohésion sociale, plus un individu est spécialisé dans une

activité, plus il a besoin des autres pour vivre.

Interdépendance croissante : hausse de la solidarité organique.

Solidarité mécanique : type de relation sociale caractéristique des sociétés traditionnelles. La relation repose sur les similitudes entre les membres. La conscience collective est forte et les croyances sont semblables dans le groupe. Solidarité organique : type de relation sociale caractéristique des sociétés contemporaines. La relation repose sur la division du travail social, qui attribue à chacun une place spécifique. Les individus sont interdépendants et se différencient. La conscience collective y est plus faible.

Exercice : affaiblie, faiblement différenciées, étendue, fortement différenciées, similitude des individus, forte, complémentarité des individus, restreinte.

Solidarité mécanique Solidarité organique

Division du travail. restreinte. Forte

Personnalités. Faible faiblement différenciées

Forte fortement différenciées

Conscience collective. Forte étendue

Faible affaiblie

Fondement de la solidarité.

Similitude des individus complémentarité des individus

Rappel de première : D’autres analyses du lien social :

Les individus sont reliés entre eux par différents liens sociaux: les liens de filiation, de

participation élective, participation organique et de citoyenneté. Ces liens permettent à la

fois aux individus de «compter sur» leurs pairs, leur famille mais également de «compter

pour» ces derniers, c’est-à-dire d’avoir une certaine reconnaissance sociale. En résumé,

les liens sociaux permettent aux individus de s’intégrer à la société mais également

d’intégrer la société elle-même.

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B. La cohésion sociale à l’épreuve de l’individualisme. Rappel de la définition de cohésion sociale : situation dans laquelle les individus, sont unis par des valeurs communes et une solidarité qui cimente la société.

Document 2 : Le sentiment de solitude.

Champ : Population française de 18 ans ou plus.

La Fondation de France, Les solitudes en France, Rapport 2014

Questions : 1. Faites une phrase avec les chiffres entourés. 2. Montrez l’effet des variables « âge » et « accès à l’emploi » sur le sentiment de

solitude. 3. Citez d’autres facteurs pouvant aggraver le sentiment de solitude.

De toutes les générations, celle des 75 ans et plus est celle qui a été la plus impactée par la montée des solitudes en France : 1 personne âgée sur 4 est seule (27 % en 2014 contre 16 % en 2010). En 2014, près de 30% des demandeurs d’emploi de moins de 50 ans sont en situation d’isolement, ils n’étaient que 18% en 2010. On remarque également que la solitude s’aggrave chez les plus jeunes bien qu’ils sont relativement préservés par rapport à leurs ainés. A travers ce document, on peut observer que l’âge et l’accès à l’emploi influent sur le sentiment de solitude. En effet, les personnes âgées sont plus fortement touchées que les individus entre 18 et 29 ans par ce sentiment. On remarque également que le manque d’accès à l’emploi, combiné à l’âge, est un facteur aggravant de l’isolement. Remarque :

- Les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans sont plus touchés que les moins de 50 ans par l’isolement social.

- Ce sentiment est plus élevé parmi les demandeurs d’emploi depuis plus d’un an qu’en moyenne parmi les demandeurs d’emploi. (env 20% contre 38%).

Il existe différents facteurs pouvant aggraver le sentiment de solitude : être au chômage, la durée du chômage, le type d’emploi, la situation géographique, le handicap…

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Etudier le lien social (et donc l’intégration) permet ainsi d’analyser l’exclusion sociale.

Exclusion sociale : Processus qui conduit à l’isolement, en raison d’une rupture du lien

social, du lien économique et du lien politique.

Il existe différents éléments théoriques concernant l’intégration/l’exclusion sociale : - Serge Paugam a théorisé la disqualification sociale. - Robert Castel : le processus de désaffiliation.

Le modèle de disqualification sociale : Disqualification sociale : processus d’affaiblissement ou de rupture des liens sociaux caractérisé par la perte des protections et de la reconnaissance sociales. Ce processus se déroule en trois phases.

Phase de fragilité Phase de dépendance Phase de rupture

Perte d’un lien ou plusieurs liens sociaux

Individus sont pris en charge par les institutions

Cumul des handicaps sociaux et perte d’efficacité de la protection sociale

Ex : chômage, divorce, décès, maladie, retraite…

Ex : Alloc chômage, assurance maladie, minimum vieillesse,…

Ex : SDF, pauvreté, solitude,…

Le modèle de désaffiliation de Robert Castel : Pour Robert Castel, les deux piliers de l’intégration sont le travail et les réseaux de

sociabilité. Avec l’affaiblissement de l’un de ces deux piliers, ou des deux en même temps,

les individus glissent progressivement d’une zone d’intégration (travail stable + relations

solides) à une zone de vulnérabilité (travail précaire ; fragilité des liens) puis une zone de

désaffiliation (perte d’emploi et isolement social) où l’individu devient exclu.

Désaffiliation : Processus de fragilisation du lien social conduisant à la pauvreté qui

s’explique par un affaiblissement des relations sociales et la précarité de l’emploi

Travail

Chômage

Réseaux de

sociabilité

Isolement

social

Zone

d’intégration

Zone de

désaffiliation

Zone de

vulnérabilité

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Document 3: Le risque d’atomisation des sociétés contemporaines.

Questions :

1. Quelles sont les caractéristiques d’une « société de semblables » pour R.Castel ? 2. Pourquoi les sociétés à « solidarité organique » peuvent ne pas être égalitaires ? 3. Pourquoi certains groupes sociaux sont-ils plus vulnérables que d’autres au

processus de désaffiliation ? Une société de semblable correspond à une société où les individus seraient intégrés : il formerait un tout, il y aurait ainsi une forte cohésion sociale. Les solidarités modernes, caractérisée par une solidarité organique, ne correspondent pas à des sociétés égalitaires puisque les individus se différencient par la division du travail. Ils n’ont ainsi pas de condition de vie similaire (revenus, conditions de travail, type d’emploi, …). Ces différences peuvent provoquer/engendrer une vulnérabilité de certains groupes sociaux face à l’intégration. A relier avec le modèle de désaffiliation de R.Castel : le travail et les réseaux de

sociabilité sont au cœur de l’intégration.

Document 4: L’individualisme : une société d’égoïste ? Le contexte dans lequel se définissent les valeurs collectives a été bouleversé. L'analyse sur plusieurs années des multiples enquêtes sur les opinions et les valeurs des français montre qu'elles deviennent de plus en plus individuelles, au fur et à mesure que les repères sont devenus plus flous, les « modèles » plus rares et les « normes sociales » moins acceptées. Chacun cherche aujourd'hui à se « bricoler » un système de valeurs personnelles, dans lequel le pragmatisme joue un rôle croissant. (…) Le système de valeurs est donc centré sur la personne, dans une posture de repli et parfois de cynisme à l'égard de la collectivité et des différentes formes de pouvoir et d'autorité. (…) Cette évolution en cours vers l'autonomie, que l'on peut baptiser « égologie », n'entraîne pas obligatoirement l'égoïsme ou l'égocentrisme. Le souci de soi n'exclut pas le sens de la responsabilité envers les autres.

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Source : Gérard Mermet, Francoscopie, Larousse, 2011

Questions : 1. Quelles différences faites-vous entre individualisme, égoïsme et égocentrisme ? 2. L'auteur voit-il la montée de l'individualisme comme un élément négatif ?

Egocentrisme : Tendance à tout rapporter à soi, à ne s'intéresser vraiment qu'à soi. Egoïsme : Attachement excessif à soi-même qui fait que l'on recherche exclusivement son plaisir et son intérêt personnels. Individualisme : Représentation privilégiant l’initiative individuelle et l’autonomie au détriment des appartenances collectives. L’individu est une valeur fondamentale, supérieure aux valeurs collectives du groupe, de la société. Cette définition prête à penser que l’individualisme est quelque chose de négatif, or cette notion n’est pas forcément quelque chose de négatif puisqu’elle n’est pas synonyme d’égoïsme ou d’égocentrisme. R.Castel distingue deux visions de l’individualisme :

- Individualisme négatif : Egoïsme et manque de liens sociaux. Il peut être le résultat de processus de précarisation et/ou déficit de ressources personnelles ;

- individualisme positif : Basé sur l’autonomie et la capacité à contracter des liens sociaux librement.

L’individualisme, sur le plan politique, se traduit par une revendication des droits de l’individu contre l’emprise des pouvoirs de l’Etat. Associée au libéralisme, qu’il soit économique (ex : laissez-faire), politique ou culturelle (ex : émancipation des mœurs).

Document 5: Le look : identifications et distinctions. Le look, la tenue vestimentaire, sont pour les jeunes des moyens de se reconnaître, de manifester leur appartenance à un groupe, mais aussi de se distinguer d’autres groupes. Des travaux récents ont montré l’importance de ces stratégies de reconnaissance et de distinction chez les lycéens. Ces travaux qualitatifs (2005) qui montrent l’importance nouvelle prise, chez les adolescents, par un « système de codification des apparences » extrêmement contraignant. La construction d’un « style » où l’apparence physique et vestimentaire tient une grande place est devenue une composante essentielle de l’identité de beaucoup d’adolescents. La nouveauté, par rapport aux années 1960, est la massification de ces comportements due à leur diffusion par les industries culturelles. D’autres travaux monographiques ont montré également l’importance que pouvait prendre, parmi les jeunes vivant en cité, l’affirmation d’une identité collective fondée sur une appartenance résidentielle commune, le « quartier », et manifestée par des « codes vestimentaires, gestuels, linguistiques spécifiques ». La concurrence des cercles amicaux crée [...] probablement des conflits d'identités et des tensions entre jeunes qui peuvent conduire ceux qui sont moqués pour leur style à s'éloigner de certains et à se rapprocher d'autres groupes de pairs.

Olivier Galland, «Jeunes: la stigmatisation de l'apparence», Economie et statistique, n°393-394, novembre 2006.

Questions : 1. Comment le look des jeunes peut-il être facteur d’intégration ou d’exclusion ? 2. De quelle forme de solidarité est-il question dans ce document? 3. Donnez d’autres exemples de groupes relevant de ce type de solidarité. (justifiez)

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La tenue vestimentaire et l’apparence physique sont, pour les jeunes, des moyens d’affirmer leur appartenance à un groupe mais également de se distinguer d’autres groupes. Ressembler aux autres membres du groupe facilite l’intégration dans ce groupe. A l’inverse, la distinction peut entrainer un contrôle social informel allant des remarques à l’exclusion du groupe. La pression du groupe montre ainsi que le lien social repose sur les ressemblances. Cet exemple illustre le maintien des formes de solidarités mécaniques qui reposent sur une forte conscience collective. L’autonomie des individus est donc relative. Durkheim a théorisé le passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique mais il indique également que les sociétés modernes voient cohabiter des formes de solidarité mécanique et organique : la solidarité organique devient la forme dominante de solidarité mais ne remplace pas totalement la solidarité mécanique.

De nombreux liens sociaux contemporains entretenus par des groupes conservent des dimensions relevant de la solidarité mécanique, parce qu'ils continuent de rassembler les individus autour de croyances et de valeurs partagées. Les liens qu’ils tissent sont fondés sur la similitude et la proximité :

- d’origine (ex : communauté chinoise à Paris), - de lieu (régionalisme et coutumes, ex : groupes de supporters de foot), - de croyances (groupes religieux ou spirituels, ex : mouvements sectaires ou

minorités religieuses vivant en communauté, etc) - ou de valeurs (même causes à défendre et styles de vie, ex : relations à l'intérieur

d'un syndicat ou d'une association).

Transition : il est intéressant de se demander en quoi les transformations de la société, notamment la montée de l'individualisme, remettent en cause la fonction intégratrice des instances censées y participer (famille, école, travail, Etat...).

II. L’évolution des instances d’intégration remet-elle en cause le lien social ?

A. Le rôle de la famille dans l’intégration.

1/ La famille joue un rôle fondamental dans la socialisation et par conséquent permet l’intégration de l’individu dans la société : (voir cours de première)

- Elle prend en charge l’enfant dès sa naissance, période où il est le plus malléable (socialisation primaire) ;

- Les contacts sont permanents et la famille fournit les modèles auxquels l’enfant va s’identifier (socialisation par imprégnation).

- La socialisation se fait dans un climat affectif. Selon Martine Segalen, Sociologue spécialisée dans la famille, « la famille est le lieu par excellence où l’enfant peut vivre et s’initier à la vie ; il apprend à vivre ». La famille transmet les normes et les valeurs qui permettent à l’individu de

s’adapter et de s’intégrer à la société et contribue ainsi à la cohésion sociale.

Rappel : La socialisation primaire peut être modifiée par la socialisation secondaire… Mais l’individu gardera des traces/marques tout au long de sa vie. ( les plus du social, Bernard Lahire)

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2/ La famille est une instance en crise, qui connait des turbulences.

Document 6.A: Mariages et taux de nuptialité en France de 1970 à 2010.

Taux de nuptialité : Rapport du nombre de mariages de l’année sur la population totale moyenne de l’année.

Champ : France métropolitaine. Source : INSEE, statistiques de l’état civil Document 6.B : La divortialité en France de 1960 à 2010

Question :

1. Comparez la situation entre 1970 et 2010. A travers ces deux documents, il est possible d’observer une partie des mutations de la famille : l’évolution du mariage et des divorces. Par exemple, en 2010, il y a eu 243 000 mariages, soit 1,6 fois moins qu’en 1970. On remarque également que le nombre de divorce entre 1970 et 2009 a été multiplié par 3 passant de 39.000 divorces en 1970 contre 127 000 divorces pour l’année 2009. De plus, on constate que les individus se marient plus tardivement (24/32 pour les H et 22/30 pour les F). Ces données permettent également d’illustrer l’évolution du remariage : 20% en 2010 contre 8% en 1970 et par conséquent l’émergence de famille recomposée. Remarque :

- D’autres évolutions : Hausse famille monoparentale ; concubinage ; …

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Document 7: Une famille de plus en plus élective. La parentèle est constituée de tous les parents que se reconnait Ego, avec qui il est en rapport, fait des choses ou se réunit, etc. Elle est une espèce de réseau personnel de parenté dont la configuration change selon les individus et les circonstances. La parentèle n’existe réellement que lorsqu’elle se mobilise à l’initiative de ses membres pour se réunir, s’entraider, etc. […] Puisque la parentèle dépend largement des choix et des affinités individuels, sa structure – modulable –, n’est pas fondée sur des « règles de filiation » précises et impératives définissant et justifiant les places de chacun dans l’organigramme familial. Son degré d’existence collective, très variable, dépend de facteurs exogènes à la stricte parenté : la localisation des uns et des autres, le degré d’homophilie sociale, la démographie et l’histoire familiales, la qualité affective de relations, etc. Il est clair que la parenté dans les sociétés occidentales modernes, relève de la catégorie des systèmes à parentèle. […] Electif, le lien affinitaire est aussi réversible, au contraire du lien statuaire qui, par définition, ne peut se rompre puisqu’il est extérieur à Ego.

J.-H. Déchaux, « La parenté dans les sociétés occidentales modernes : un éclairage structural », Recherches et Prévisions, n°72, juin 2003

Questions : 1. Quelle différence peut-on faire entre parenté et parentèle ? Quelle est la nature du

lien familial dans le cas de la parentèle ? 2. Quelle forme de lien familial est aujourd’hui privilégiée dans les sociétés modernes ?

Reliez cette évolution à la montée de l’individualisme. 3. Expliquez la phrase soulignée.

La famille, qui est une instance de socialisation, devient de plus en plus élective. De nos jours, au sein d’une famille, il est possible de distinguer deux notions : la parenté et la parentèle. La parenté correspondant aux individus appartenant à une même famille (au

monoparentales recomposées

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sens large), c’est-à-dire les individus ayant, entre eux, un lien de parenté (sanguin ou conjugal). Dans les sociétés modernes, la famille s’illustre par une vision plus élective : la parentèle. L’individu choisi les relations familiales qu’il souhaite valoriser et entretenir. Cette évolution s’explique par la montée de l’individualisme : l’individu est au cœur de la société et devient de plus en plus autonome. Les relations sont basées sur l’interdépendance et non plus seulement par les appartenances communes (ici la famille). Il devient donc libre de s’affranchir des relations familiales non désiré.

Document 8: La solidarité familiale Il y a la dame très âgée visitée tous les jours par son fils retraité. Il s’occupe du jardin, change un joint qui fuit, remplit les déclarations Urssaf de l’aide à domicile chargée de la toilette et des repas. Et puis il y a cette employée de 55 ans : depuis qu’elle est grand-mère, elle s’est mise à 80% pour garder le petit le mercredi. Il y a encore ces parents qui hébergent leur fils encore étudiant ou versent à leur fille de quoi louer une chambre ou un studio... Clichés ? Pas vraiment. A côté de la solidarité entre générations financée par l’impôt et les prélèvements sociaux, l’entraide familiale reste une réalité de poids dans les sociétés occidentales. Qu’elle consiste en argent ou en temps, qu’elle soit descendantes (des parents vers les enfants) ou ascendante, qu’elle se vive comme volontaire ou subie, elle tempère la vision pessimiste d’une société rongée par l’individualisme sur le fond de recul de l’Etat providence. Les aides sous forme de temps sont les plus répandues. Selon une enquête, 32.6% des plus de 50 ans ont fourni une aide en 2004 sous forme de soins, d’aide administrative et matérielle, à leurs parents principalement. Et 48.6% de cette même classe d’âge participent à la garde de leurs petits-enfants. Inversement, 19.7% des plus de 50 ans ont reçus une aide en temps.

Antoine de Ravignan, Alternatives économiques, Hors-séries n°85, 2009

Questions : 1. Donnez des exemples d’aides monétaires et d’aides sous forme de temps. 2. Expliquez le passage souligné. 3. « Qu’elle se vive comme volontaire ou subie » : à quels types de solidarité selon

Durkheim cette alternative renvoie-t-elle ? Cependant, la famille reste un lieu d’entraide et de solidarité intergénérationnelle. En effet, avec l’allongement de l’espérance de vie, les échanges entre enfants, parents, grands-parents et arrière-grands-parents, dictés par « l’esprit de famille » s’intensifient. Ces échanges peuvent avoir lieu sous forme d’aides monétaires (soutien matériel (prêt, dons)) mais également sous forme de temps (solidarité affective, mais aussi échanges de services, hébergement…). Ces aides peuvent s’associer aux aides de l’Etat providence ou même les substituer dans le cas où l’individu se retrouve en phase de rupture (typologie de Paugam / disqualification sociale) où l’individu serait en fin de droit (ex : fin d’allocation chômage, …). La famille est donc un rempart contre l’exclusion. Remarque :

- Dans la loi, il existe une « obligation alimentaire » qui oblige les individus à prendre en charge, d’une manière ou d’une autre, des membres de leur famille en cas d’impossibilité pour ces derniers de se nourrir.

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B. Le défi de l’intégration par l’école.

Document 9: L’intégration par l’école selon Durkheim. Si on attache quelque prix à l’existence de la société, il faut que l’éducation assure entre les citoyens une suffisante communauté d’idées et de sentiments sans laquelle toute société est impossible ; et pour qu’elle puisse produire ce résultat, encore faut-il qu’elle ne soit pas abandonnée totalement à l’arbitraire des particuliers. Du moment que l’éducation est une fonction essentiellement sociale, l’Etat ne peut s’en désintéresser. Il ne saurait être question de reconnaitre à la majorité le droit d’imposer ses idées aux enfants de la minorité. L’école ne saurait être la chose d’un parti, et le maitre manque à ses devoirs quand il use de l’autorité dont il dispose pour entraîner ses élèves dans l’ornière de ses partis pris personnels, si justifiés qu’ils puissent lui paraitre. Mais, il y a dès à présent, à la base de notre civilisation, un certain nombre de principes qui , implicitement ou explicitement, sont communs à tous, que bien peu, en tout cas, osent nier ouvertement et en face : respect de la raison, de la science, des idées et des sentiments qui sont à la base de la morale démocratique. Le rôle de l’Etat est de dégager ces principes essentiels, de les faire enseigner dans ses écoles, de veiller à ce que nulle part on ne les laisse ignorés des enfants, à ce que partout il en soit parlé avec le respect qui leur est dû.

Emile Durkheim, Education et sociologie (1922), PUF, 2013.

Questions : 1. Quelle est, pour Durkheim, la principale tâche de l’éducation ? 2. Pour Durkheim, l’éducation des enfants peut-elle être confiée aux seules familles ?

Pourquoi ? 3. Donnez des exemples de connaissances et de valeurs transmises par l’école.

Pour Durkheim, l’éducation est « l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné. » L’éducation ne peut être confiée aux seules familles puisque, contrairement à l’institution qu’est l’école, la famille n’est pas nécessairement neutre face à certains débats/ certaines thématiques. L’école, dans sa neutralité, permet aux individus de s’ouvrir à un monde plus large. L’école est une instance de socialisation (ex doc 10) jouant un rôle primordial dans la construction de l’identité sociale des individus et dans l’intégration de ces derniers à la société : elle transmet des valeurs (morales et civiques) et des normes de conduites (sociales et politiques). Elle permet l’accès à la formation et à la qualification professionnelle à tous, en somme, elle permet de réduire les inégalités sociales. L’intégration par l’école peut se mesurer à l’aide d’indicateurs : la durée de scolarisation, la proportion d’individus scolarisés…

Document 10: Ecole et sociabilité. Les filles du primaire créent une culture de groupe originale, constituée d’activités fédératrices, avec ses références, son langage, ses codes, ses pratiques […]. En effet, soucieuses de montrer leur intégration à un groupe de pairs du même sexe et du même âge, les filles se doivent d’adhérer à sa culture spécifique. Il leur faut pour cela abandonner en premier lieu les pratiques culturelles des parents, mais aussi celles des plus petits et

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celles des garçons. […] Les préadolescentes définissent en effet leur identité sur la scène sociale par opposition aux activités qu’elles perçoivent comme « enfantines ». La rupture semble consommée au milieu du primaire, à partir du CE2. Passé cet âge, les filles ne se perçoivent plus comme « petites » et adoptent, tout au moins en public, de nouveaux goûts et de nouvelles pratiques qui leur permettent d’affirmer individuellement et collectivement leur identité en mutation. Cela leur assure aussi une riche vie sociale au sein de l’école. Elles vont donc échanger entre elles un ensemble d’éléments culturels pour montrer et se voir confirmée leur identité, mais aussi pour resserrer les liens à l’intérieur du groupe. C.Monnot, Petites filles : l’apprentissage

de la féminité, Autrement, 2013.

Questions : 1. A partir de l’école primaire, de qui les jeunes filles cherchent-elles, souvent, à se

différencier ? Comment procèdent-elles ? 2. Pourquoi peut-on dire que les élèves ont une « riche vie sociale au sein de

l’école » ? En quoi l’école constitue-t-elle un lieu de sociabilité ?

A ne pas traiter.

Document 11: L’école républicaine : un modèle en crise. En France, l’école a construit le modèle national, ce qui est tout à fait original. L’école républicaine a installé la culture nationale, universelle et libératrice. Elle a contribué à l’idée que le travail et le mérite constituaient le mode le plus légitime de mobilité sociale, de progression. Et l’école a été perçue comme le facteur d’homogénéité face à la diversité des classes sociales, des religions, des singularités. Cela a bien fonctionné jusque dans les années 1960, quand le développement de l’école était en harmonie avec celui de l’économie. Quand la production de diplômes et de qualifications était à peu près adaptée au développement des emplois. […] Maintenant, ce modèle est en grande crise. Il y a un décrochage des qualifications d’avec les emplois. Aujourd’hui, la massification et l’allongement des études ont fait monter le niveau des exigences des familles et des élèves, et généré des espérances déçues. […] La massification n’a pas réduit les inégalités devant l’école. Il y avait un formidable espoir d’égalité qui a été déçu. Les élites ont un recrutement social de plus en plus fermé et homogène, et les élèves en échec viennent du même environnement social. Depuis une dizaine d’années, on a atteint un seuil et l’on se retrouve aujourd’hui dans un processus qui cristallise les inégalités. Toute une partie de la population scolaire n’y croit plus d’où le décrochage, sans compter une forme de ressentiment et de violence. Les gamins disent : « Vous nous avez intégrés pour mieux nous reléguer ». Le deuxième élément, c’est le développement du marché scolaire, tant dans le privé que dans le public. Les familles se comportent en usagers éclairés.

François Dubet, « On est dans la cristallisation des inégalités », Le Monde, 3 juin 2005.

Questions :

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1. Présentez les caractéristiques de l’école républicaine. 2. Quels facteurs ont fragilisé le rôle intégrateur de l’école en dépit d’une massification

de l’accès à l’éducation ? 3. Quelles sont les conséquences de l’affaiblissement du rôle intégrateur de l’école ?

Rappel du cours de mobilité sociale :

- L’école est basée sur l’égalité des chances et la méritocratie. - La démocratisation scolaire (ou massification) a conduit à la création d’un

déclassement scolaire. - Pouvant nuire à l’intégration des individus.

Citation : Pour François Dubet, « ce sont presque toujours les mêmes qui réussissent et presque toujours les mêmes qui échouent ». Ce constat s’expliquerait par une triple crise de l’école :

o Crise de la justice scolaire (creusement des inégalités alors même que la massification est à l’œuvre),

o Crise d’efficacité pédagogique (l’école ne permet pas vraiment de faire réussir les plus démunis au départ en capital culturel)

o Et crise d’utilité (inadéquation entre formation et emploi dans un contexte de concurrence accrue avec le chômage de masse, déclassement, paradoxe d’Anderson).

=>Les français manifestent donc un désenchantement à l’égard de l’école qui se traduit par un manque de motivation et de sens pour les élèves. L’affaiblissement du rôle intégrateur de l’école s’explique par une moindre efficacité du système scolaire et surtout par un brouillage de la mission et du rôle assignés à l’école. Il s’agit pour les élèves de trouver à l’école un but, une motivation. Remarque : L’école demeure un lieu de socialisation primaire incontournable et a favorisé la promotion sociale :

- Participe à la formation des citoyens (savoirs élémentaires, valeurs communes, normes…)

- Distribue des diplômes (insertion professionnelle).

L’école est une instance qui connaît aujourd’hui une remise en cause profonde et qui doit être réformée pour promouvoir davantage la confiance notamment. Elle demeure toutefois un lieu de transmission de normes, de valeurs et de connaissances permettant ainsi de faciliter l’intégration du citoyen.

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C. Le travail : entre intégration et exclusion.

Document 12: La place du travail dans l’identité sociale des individus. Le temps de travail demeure symboliquement et matériellement constitutif de la vie des individus. Le cycle de vie s’ordonne en grande partie autour de la période de la vie active : une part importante de la jeunesse est un temps de formation, l’âge adulte est celui de la pleine activité, la retraite désigne tout à la fois un niveau et un mode de vie qui ont à voir avec la période de la vie active. […] Le travail apporte la reconnaissance sociale, le revenu qui permet à chacun de s’inscrire dans les normes de consommation et par là même de s’insérer dans la vie sociale. […] Le travail a certes toujours deux visages : d’un côté, la pénibilité, les contraintes routinières, des dimensions aliénantes ; de l’autre, le moyen de se construire une dignité de citoyen et une identité sociale. […] Le travail demeure la voie d’accès à l’identité et à la vie sociale, il est une machine à produire de l’identité sociale.

Bruno Flacher, Travail et intégration sociale, Bréal, 2008

Questions : 1. Expliquez la notion de cycle de vie et la façon dont le travail contribue à le structurer. 2. Identifiez les différentes manières dont le travail participe à la construction de

l’identité sociale. 3. Pourquoi la « centralité » du travail peut-elle poser problème ?

Identité sociale : Désigne les différentes façons dont les individus ou les groupes se définissent eux-mêmes, et sont définis par autrui. Le cycle de vie est une théorie de Franco Modigliani expliquant comment l’individu consomme et épargne en fonction de son âge. Il existe 3 périodes :

- La jeunesse : l’individu consomme plus qu’il ne gagne. Il s’endette - La période d’activité : l’individu a un revenu supérieur à sa consommation. Il se

désendette puis épargne. - La retraite : l’individu consomme à nouveau plus qu’il ne gagne. Il puise dans son

patrimoine.

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Le travail est un élément central de la vie d’un individu puisqu’il se forme au préalable durant la jeunesse afin d’atteindre la période d’activité. Cette dernière lui permettra de d’accumuler un patrimoine mais également de consommer et de maintenir un certain niveau de consommation durant la retraite. Les revenus de l’individu permettent la consommation de biens nécessaires mais également d’assouvir des besoins secondaires permettant à l’individu de se construire une identité : des hobbies et/ou des vêtements en fonction du milieu social … Le travail est un élément essentiel de la sociabilité formelle des individus mais il alimente également la sociabilité informelle des individus par les consommations qu’ils réalisent grâce à leurs revenus. Cette centralité peut poser problème pour les individus n’ayant pas d’emploi (env. 9.3% chômeur fin 2018), ces derniers se retrouvant privés d’un des principaux facteurs d’intégration dans la société.

Document 13: Emploi et intégration Considéré comme une des causes majeures de la dégradation du lien social, le chômage a souvent été étudié comme un processus de cumul progressif de handicaps et de ruptures. Les recherches ont mis l’accent sur la dégradation du niveau de vie, mais aussi sur l’affaiblissement de la vie sociale et la marginalisation vis-à-vis des autres travailleurs. En réalité, si le chômage se caractérise par l’ennui, la désocialisation, l’humiliation et, par conséquent, le risque élevé de ruptures d’autres liens, c’est plus particulièrement dans le cadre de l’expérience vécue du chômage total que se vérifie le processus. Le chômage total constitue l’expérience de la grande majorité des travailleurs manuels, de certains employés et, dans une moindre mesure, de cadres d’origine modeste, c’est-à-dire de tous ceux pour lesquels le travail représente le mode privilégié de l’expression de soi au sens où il apporte non seulement une activité et une rémunération, mais encore une raison d’être ; un sentiment d’utilité et une reconnaissance sociale. […] Des expressions comme : « Je ne sors presque plus maintenant », « je ne vois presque plus personne », « On s’est complètement perdu, on est perdu » etc., sont très courante dans la bouche de ces hommes et de ces femmes en proie au désespoir.

S.Paugam, Le lien social, PUF, 2003

Questions : 1. Pourquoi les personnes qui vivent l’expérience du chômage total ne cherchent-elles

plus « à voir les autres » ? 2. Quels sont les éléments qu’apporte l’emploi, en plus d’une rémunération ?

La pauvreté n’est pas seulement un phénomène économique, elle impacte également les relations sociales de l’individu. Les sources de la pauvreté ne permettent pas nécessairement de maintenir les relations sociales. Il y a une baisse de la sociabilité formelle puisque l’individu n’a plus accès à un réseau professionnel mais également de la sociabilité informelle puisqu’il peut avoir des difficultés à maintenir les obligations sociales (recevoir, …). Cette pauvreté peut également se traduire dans les difficultés d’accès au logement, à la santé etc. (cf remarque) Malgré tout, le travail constitue le « grand intégrateur social ». C’est grâce à ce dernier que l’individu est affilié à la société par divers liens. L’emploi apporte une reconnaissance sociale (compter pour) mais également une protection (compter sur). Dans l’ensemble, le travail permet d’acquérir un revenu, des droits sociaux, un réseau de sociabilité et une identité sociale « je suis … » et d’avoir des normes collectives (même rythme de vie)

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Remarque :

- Robert Castel a étudié la constitution de la société salariale durant le 20ème puis de son effritement salariale à partir des 1970. Il désigne cette évolution par le terme de « précariat » et parle ainsi d’une « mise en place du précariat ».

Conclusion : Ainsi les principales instances de l’intégration des individus ont connu des mutations profondes au cours des dernières décennies. Ces changements peuvent faire craindre un affaiblissement de leur rôle intégrateur, et par là, un affaiblissement du lien social. Pourtant, chacune de ces instances conserve une fonction intégratrice majeure et les liens sociaux semblent se renouveler plus qu’ils ne s’effacent. Finalement, la solidarité semble se transformer plus qu’elle ne s’affaiblit : la solidarité mécanique recule au profit de la solidarité organique sans pour autant que la première ne disparaisse totalement. Et les différentes instances intégrations voient également leur place dans l’intégration des individus se modifier : chacune est remise en cause dans ses fonctions traditionnelles d’intégration tout en restant un maillon essentiel du lien social. Ce dernier se renouvelle donc plus qu’il ne s’affaiblit réellement.