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CATHERINEMANN

Toi,monrefuge

Traduitdel’anglais(États-Unis)parElisabethLuc

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CatherineMANN

Toi,monrefugeCollection:PromessesMaisond’édition:J’ailu

Traduitdel’anglais(États-Unis)parElisabethLuc

©CatherineMann,2014Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2016Dépôtlégal:août2016

ISBNnumérique:9782290117835ISBNdupdfweb:9782290117859

Lelivreaétéimprimésouslesréférences:ISBN:9782290117620

CompositionnumériqueréaliséeparFacompo

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Présentationdel’éditeur:Issued’unefamilledemilitaires,SierraMcDanieln’apaslaviefacile.Dansleranchfamilial,devenuLeRefugedelaSecondeChance,elleaidesamèreàrecueilliretsoignerdesanimauxlaisséspourcompte,toutenveillantsursonfrèreadolescentetsursongrand-pèremalade.QuandelleapprendquesonpèrevientdemourirenIrak.Or,là-bas,celui-ciavaitrecueillietapprivoiséunchienerrant,Trooper,queramèneauxÉtatsUnis…lesergentMikeKowalski.Aprèsleurbrèveliaisonunanplustôt,ilyaentreeuxdessouvenirsbrûlantsimpossiblesàoublier.Maislesergent,mutédanslesForcesSpéciales,varepartirbientôt.PourSierraetMike,iln’yaurapasdesecondechance…

Biographiedel’auteur:Aprèsdesétudesdethéâtre,elleseconsacreàl’écriture.Elleestl’auteurdeplusde60romancescontemporainesrécompenséespardenombreuxprix,dontleRITAAward.Elleemploieunegrandepartiedesavieàsauverdesanimaux.EllevitenFlorideavecsonmari,sesquatreenfantsetunemultituded’animaux.

Couverture:©Prochkailo/Shutterstock

©CatherineMann,2014

Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2016

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PourRob,monhéros,monami,monamour.

Àjamais.

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Remerciements

Onmedemande souvent simes romans sont autobiographiques.Effectivement, je suismariée àunmilitairedecarrièreayantserviplusdevingtansdansl’Arméedel’air.Pourtant,ceromannes’inspireenriendemaviepersonnelle,mêmes’ilestnédansmoncœuretsijel’aialimentédemespeurs.Touteépousedemilitairea,àunmomentouunautre,imaginélepire.Monmariafiniparprendresaretraiteet,Dieumerci, je n’ai pas eu à affronter l’épreuvede l’ultime sacrifice, contrairement à tant d’autres.Àtraversceroman,jetiensàrendrehommageàtousceuxquisonttombésaucombat,ainsiqu’àceuxquiontperduunêtrecher.

Denombreusespersonnesm’ontaidéeàracontercettehistoireetjeleurensuisreconnaissante.Jeneremercierai jamais assezWendyMcCurdy pour sa confiance inébranlable en ce projet, même quandj’avaismoi-mêmedesdoutes.Quandjeluiaiapprisquejevoulaisintégrerlepointdevueduchiendansleroman,ellen’amêmepassourcillé.MerciégalementàKatherinePelzetl’équipedeBerkleypourletravailaccompliautourdemesromans.J’ai lachancedebénéficierdusoutienprécieuxdemonagent,BarbaraCollinsRosenberg,lavoixdelasagesseetdubonsens,quellesquesoientlescirconstances.

Comment remercier lameilleure critique et lameilleure amie qui soit ? Joanne Rock, tu es sanségale ! J’adresse ma gratitude à mes premières lectrices.Ma fille, Haley Frank, épouse de militaireégalement,unejeunefemmepleinedetalentquiaveilléauxnuancesentrelejargonspécifiqueàl’Arméede l’air et celui des autres corps d’armée. Les erreurs éventuelles sont uniquement de mon fait. JeremercieZoeCarlson,uneamietrèschèrequivientenaideauxanimaux;ellearelumonmanuscritetacompriscequel’amoureusedeschiensquejesuisavouluexprimer.

Àproposdusauvetagedesanimauxenpéril, je tiensàremercierDeeThompson,sonpersonnelettouslesbénévolesdelaPanhandleAnimalWelfareSociety(PAWS).Leurcompassionsanslimitespourlesanimauxabandonnésetmaltraitésest impressionnante.Ilsm’ontbeaucoupappristoutaulongdeceprojet.

GrâceàInternet,j’aidécouvertdenombreuxpassionnésdelecture.J’adressemaprofondegratitudeauDrLindaHankins,vétérinaire,quiaréponduàtoutesmesquestionsd’ordremédical,mêmeàminuit,surFacebook.Unefoisencore,leserreurséventuellesseraientdemonfait.MerciàmaprécieuseéquipesurFacebook :Stephanie,Anne,Ann,Vickie,Linda,Debra, Judy,Sue,Paula,Kay,Elaine, Jan,Peggy,Pamela,Eileen,Sylvia,Dakota,Debby,Barb,Gail,Marcia. J’aibeaucoupdechancedebénéficierdeleur soutien et de leurs critiques de mes romans. J’apprécie ces contacts via Internet, mais je suisimpatientedelesrevoirenpersonne.

Commetoujours,j’aiunepenséeaffectueusepourmafamille,quinecessedes’agrandir:monmari,nos quatre enfants et leurs conjoints que j’aime tout autant. Naturellement, je dédie ce roman à mamerveilleuse petite-fille. Enfin, merci à ma petite famille à quatre pattes qui constitue un exemple

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d’amour inconditionnel au quotidien : Sadie, Sam, Faith, Toby, Cooper et celui grâce à qui tout acommencé,Trooper.

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Prologue

JesuisnéenterredeBabylone.Ilyaplusieursmilliersd’années,toutlemondeyparlaitlamêmelangue,avantqueleGrandMaître

nedisperseleshommes.C’estpeut-êtrelaraisonpourlaquellejesaisiscequelesêtreshumainsveulentdiremêmequandilsnes’entendentpasentreeux.S’ilsnemecomprennentpas,c’estsansdouteparcequejesuisunchien.

Jeneplaisantepas,voussavez.Jesuisvraimentunchien.Lemeilleuramidel’homme,paraît-il.Unchien,C,H, I,E,N.Ehoui, je connais l’orthographe, aussi,mais je nepeuxpas le direparceque…Enfin,voussavezpourquoi?Parcequejesuis…

Unchien.SijesuisnéàBabylone,autrementditenIrak,monexistenceachangédutoutautoutlejouroùje

suispartidechezmoiaveclesergentMikeKowalski.Mondépartfutuneopérationdélicate.Iladûmefaire quitter la zone d’opérations à bord de l’un de ces gros avions-cargos qu’ils appellentC-17.Cematin-là,jepartaispourlegrandvoyagedemavie.

Àl’époque,iln’existaitpasbeaucoupdecesmerveilleusesassociationsdedéfensedesanimauxquisauventdeschiensdanslespaysenguerre.Demontemps,c’étaitlaloiduministèredelaDéfensequiprévalaitinterdisantlesanimauxdanslesinstallationsmilitaires.Quantàlesrameneraupays,autantdirequec’étaitunemissionimpossible.

Pourmesauver,biendes règlesontdûêtredétournées. Il le fallaitpourque jepuisse remplirmamission. Pour bien la comprendre, je dois raconter comment je me suis retrouvé avec le sergentKowalski.

Dès mon plus jeune âge, je faisais partie d’unemeute de chiens errants avec mes cousins. Nousmangionsenfaisantlespoubelles.Lemeilleursite?Lesinstallationsmilitairesaméricaines.Ceshommesenuniformesquivenaientdel’autrecôtédel’océannousnourrissaientbien.Ilsnousdonnaientdebonneschoses. Alors nous allions hurler devant les bâtiments des nouveaux arrivants pour que les autresmembresdelameutesoientaucourant.

Cestypes-làconstituaientunbonfilon.—Pasquestiondetefaireavalerdesrationstoutesprêtes,Trooper.Tuaurasdusteak,m’aditunjour

uncolonel.Ilavaitlescheveuxgris,unetenuedecamouflagepoussiéreuseetdesdouleursdanslesgenoux.Lapremièrefoisquej’aimangédusteak,j’étaiscommefou.Celaseproduisaitsouventencetemps-

làcarjen’étaisqu’unchiotdesixmois.J’aiquittél’Irakàl’âged’unan.Aujourd’hui,j’enaionze.Quandj’étaisjeune,mameutenevoulaitpasresterprèsdecettebaseparcequ’elleétaittrèsvasteet

animée.Lesautreschiensétaientvieuxetméfiants.Moi,j’étaisleseuldemaportéeàavoirsurvécuetje

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mourais de faimà force deme contenter de restes. J’étais loin d’être le chef, lemâle dominant de lameute.J’étaisplutôtledernierdelabande.

Bref,aprèsunesemainedefestin,ilafalluquejechoisisseentreresterseulousuivremameute.Lafaiml’aemporté.Sixmoisplustard,quandilafalluprendrecetavion,jen’aipashésitéuneseconde.Certes,cetendroitallaitmemanquer.Lessoldatsmelançaientuneballedetennis,puisilss’extasiaientquejelaleurrapporte.Riendeplusfacilepourmoiquiavaispourchassédesratsdansledésert.

UnjourjesusquelemomentétaitvenudepartirdeBabylone,d’Irak,dechezmoi.J’avaisunemissionàaccomplir.C’estcequelesergentm’avaitexpliqué.Onavaitbesoindemoi.

Pourunchien,cesontdesmotsmagiques,carnousvivonspourtravailler,pourservir.C’estcepourquoileGrandMaîtrenousacréés.

Mon rôle allait consister à aider une famille à guérir. Une famille qui avait perdu quelqu’un. Jedevais constituer leur lien avec le disparu parce que c’était lui quim’avait recueilli. Le colonel auxcheveuxgrisquim’avaitdonnédusteak.

J’aihontedel’avouermais,lapremièrefoisquejel’aivu,j’aifaillilemordre.J’aimontrélesdentsetmespoilssesonthérissés.C’estainsiqu’unchiendit:«Reculeoujevaist’arracherlevisage!»

Aulieudereculer, lecolonelMcDanielajetéunmorceaudeviandedanslesable.Sonodeurm’aenivrécommeunedrogue.J’aisalivéet,sansréfléchir, jemesuis jetédessuspour ledévoreren troisbouchées.J’aimêmeavalédescaillouxetdusabletantj’étaisaffamé.L’hommeauxcheveuxgrisahochélatêteets’estéloigné.

Lelendemain,ilarecommencé.Etlejoursuivant.Jusqu’àcequejenehérissepluslespoilsetquejevienneprendrelaviandedanssamain.Unjour,lecolonelaposéunemainsurmatêteendisant:—C’estbien,Trooper.Bonchien.Cefutmonpremiercontactavecunêtrehumain.Sursesdoigts,jesentisuneodeurdeviandeetlesel

desasueur.Malgrémonenviedeleslécher,j’avaispeurdedéraperetdelemordre.Alorsj’aigardélesteakdanslagueuleetjesuisrestépendantqu’ilmegrattaitentrelesoreilles,justeunefois.

J’avaistrèspeurmaisj’avaisenviedececontactautantqued’unautremorceaudeviande.Etplusencore.Ainsi,jesuisrestésurplaceaprèsledépartdemameute.J’ailaissélecolonelmegratterentreles

oreillesdurantbiendesjoursetbiendesrepas.Mêmelafoisoùilestvenuavecunmédecinmilitairequim’apiquéavecdesaiguilles.Etonsedemandepourquoijenel’aimepas,cedocteur!

Auboutd’unmoment,lecolonelMcDaniels’estassisparterreets’estadresséàmoienmetendantdesmorceauxdeviandedanslecreuxdesamain.Ilm’aparlédesafamille,duchiendesonenfancequis’appelaitTrooper,commemoi,etd’autreschosesaussi.Ilm’aconfiédessecretsquim’ontparfoisémuauxlarmes.Jemecontentaisdel’écoutercarc’étaittoutcequejepouvaisluidonnerenéchangedelanourritureetdescaresses.

Etpuis,unjour,iln’estpasvenu.J’aivuarriverlesergentavecd’autreshommes.Ilsm’ontexpliquéque,avantdemourir,lecolonelleuravaitfaitpromettrequ’ilss’occuperaientdemoi.

À l’époque, j’ignorais le sens dumot «mourir », et j’ai attendu que le colonel aux cheveux grisrevienne.J’aiapprisàrapporterlaballeauxautressoldats.Commeilscontinuaientàmenourrir,jenesuispaspartiàlarechercheducolonelMcDaniel.Jepassaismesjournéesàcouriraprèsuneballeetàaboyerdèsquequelqu’unarrivaitaucampement.

Celanes’estpas toujoursbienpassé,maisnousreviendrons là-dessusplus tard.Sur l’histoirequiexpliquepourquoi l’hommeau steakn’est jamais rentréchez lui,par exemple.Certains souvenirs sontdouloureux,mêmepourun chien. Il faut les assimiler par petites bouchées au lieude tout avaler d’un

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coup.Sionessaiedelesraconterd’unetraite,onrisquedefinirpardéchiqueterunoreillerouleverlapattesurquelqu’un.

Nousvenonsjustedefaireconnaissance,jevousépargneraimesangoissespourplutôtévoquerdesmomentsheureux,commecejourparticulieroùjesuispartidechezmoi,àl’âged’unan.C’estl’histoired’unavion,d’unefamille,demamission.

LejouroùjemesuisenvolépourlesÉtats-Unis.

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1repartie

L’inventeurdelacagepourchiensméritedepasseràsontourdix-huitheuresdansunesoute.

Jesuisnépourcourir,moi!

Trooper,au-dessusdel’Atlantique

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Il n’était pas encore midi et Sierra McDaniel avait déjà confié au laboratoire une recherchetoxicologique pour un loulou de Poméranie apathique, puis elle avait trait une chèvre pour nourrir aubiberonuneportéedepitbullsorphelins.

En plein été, le soleil implacable du Tennessee lui blondissait les cheveux bien plus vite qu’unbalayagechez lecoiffeur,un luxequ’ellenepouvaitd’ailleurspas s’offrir.Ellevérifia les loquetsdechaque box du chenil. La grange convertie en refuge pour animaux était équipée d’un système d’airconditionné. La semaine précédente, quelqu’un avait laissé sortir tous les chiens, ce qui n’avait faitqu’exaspérerdesvoisinsdéjàhostiles.

Maisquiauraitenviedevivreàcôtéd’unranchtransforméenrefugepouranimaux,fût-ilinstalléaumilieud’unterraindeplusieurshectares?

Sierrajetauncoupd’œilsurlelouloudePoméranieenpiteuxétat,allongésuruncoussin.Lorsquelapetitebouledepoilsavaitmordusonmaître,lapoliceavaitvitedécouvertquelapauvrebêteavaitenréalitétrouvéunecachettedecannabis.Ilavaitmordillélesachet,empêchantl’adolescentderécupérerson bien. Les servicesmunicipaux avaient confié à Lacey, lamère de Sierra, ce chiot nomméLucky,rebaptiséDoobieparlajeunefemme.

Sierra aurait aimé être une étudiante normale, qui suivrait un cursus littérature à l’universitéVanderbilt et logerait dans un appartementmodeste plein demeubles de récup. Au lieu de cela, ellefréquentait lamodeste université locale et vivait au ranch, dans sa chambred’enfant ornéede rideauxrosesetdevieuxpostersdécolorés.Elleauraittoutdonnépourquesonpèrerentreàlamaisonavecsonunité.

Hélas,ilnerentreraitplusetnuln’ypouvaitrienchanger.Enrevanche,ellepouvaithonorersamémoireenagissantcommeill’auraitsouhaité.Ainsi,chaque

foisqu’elleavaitunpeudetempslibre,entresescoursd’étéetsonposted’assistante,ellevenaitprêtermain-forteàsamèrequidirigeaitLeRefugedelaSecondeChance.Lacey,enseignantedecoursenligne,ne lui aurait jamais demandé de l’aider à s’occuper des animaux,mais Sierra voyait la douleur et lafatiguedanssonregard.Auxyeuxde tous,Laceyétaituneépousedemilitairequiavaitsacrifiésaviepoursonmari.Durantses longuesabsences,elleavaitdirigésonfoyerseuleetélevéSierraetNathandanslapuretraditionmilitaire.

Elle s’occupait aussi de Joshua McDaniel, son beau-père, que la maladie d’Alzheimer faisaitsombrer peu à peu dans la démence.Comme si cela ne suffisait pas, elle avait décidé de sauver desanimauxabandonnésetmaltraitésencréantuneassociationàbutnonlucratif.

À l’autre extrémité de la cour, la chèvre bêla de satisfaction et fit tinter la cloche qu’elle portaitautourducouavantdeseremettreàpaître.

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Repoussantsescheveuxdesonfrontmoite,Sierraentradanslecellierducorpsdefermeetrefermavitelaportepourétoufferlesaboiements.Parlafenêtre,leschampsduTennesseesedéployaientàpertedevue.Malheureusement, lesMcDanielnepossédaientquequelqueshectaresclôturéset lamoitiédesvoisinsseplaignaient.

Lesplusvirulentsmenaçaientdedemanderlafermeturedurefugelorsduprochainconseilducomté,prévulemoissuivant.Chaquechoseensontemps,sedisaitlajeunefemme.

Sierratentadenettoyersesbasketsboueusesmais,deguerrelasse,finitparlesjeterparterre,àcôtédesbottesqueLaceyportaitpournettoyerlechenil.Apeuré,levieuxchattricoloredelafamillefilasansdemandersonreste.Pourquoin’avait-ellepaspenséàenfilersesbottesencaoutchouccematin?

Elle se rendit dans la cuisine pour se laver lesmains et boire un café avant de partir pour FortCampbell. Même une perfusion de caféine n’aurait pu l’aider à affronter l’épreuve qui attendait lesMcDanielà labasemilitaire, lorsque l’avionatterrirait,chargédesoldatsderetouraupays.EtquandMikeKowalskiluiremettraitunsouvenirvivantdecepèrequinerentreraitplus…

Soncœurseserra.Elleneputs’empêcherdepenseràcepoèmedeYeats:«Jeveuxmelever,partirmaintenant,partirpourInnisfree,unepetitehutteyconstruire,faited’argileetd’osier.»

Elleoubliavitelapoésieenentendantdubruitdansl’escalier.C’étaientlespasdesongrand-père.Ilentraentrombedanslacuisine.

—On racontequ’au régiment, le café est toujoursbon…scanda legénéral commes’il défilait encadence.

Avecsesépaischeveuxgrisetsonuniforme,levieilhommenemanquaitpasd’allure.Ilsedirigeaverslacafetièred’unairdécidé,sansunregardpourlajeunefemme.Sierraavaitl’habitude.EllepouvaitoublierYeats, car son grand-père avait ses propres « poèmes », vestiges de son passé. Aumoins, ils’abstintd’yajouterunehistoiregrivoise.

Enbonpetitsoldat, la jeunefemmerépétaencadence:—Onracontequ’aurégiment, lecaféesttoujoursbon.

Cela faisait des annéesqu’ils se livraient à ce jeu.Depuis sa plus tendre enfance,Sierra baignaitdansuneatmosphèremilitaire.

—Maisc’estunvraijusdechaussetteavecunsalegoûtd’oignon…continualegénéral.Ilpritunetasseébréchéesurlevaisseliersanscesserdechantonner.—Maisc’estunvraijusdechaussetteavecunsalegoûtd’oignon.—Onracontequ’aurégiment,lesfayotssonttoujoursbons…—Onracontequ’aurégiment,lesfayotssonttoujoursbons.Naturellement, les souvenirs d’enfance ressurgirent dans l’esprit de Sierra, aussi puissants que

l’arômeducafé.Songrand-pèrebranditsatassecommepourporteruntoast.—Unpouletsautedanslaboueetsemetaugarde-à-vous…—Unpouletsautedanslaboueetsemetaugarde-à-vous.—Ouh-ah!grommelasongrand-père.—Ouh-ah!Cesderniers temps, les bonsmoments duvieil hommeétaient de plus enplus rares.Même si ces

instantsfugacesluifaisaientmalcarilsluirappelaientsonpère,Sierradevaittenirbonetsavourercesrituelscommeunsignedenormalitédansunemaisondefous.

—Onpartdansunquartd’heure,grand-père.Ilfautquejemedépêchedeprendremadoucheetdemechanger.

Mieuxvalaitqu’ellenesentepas lachèvreet lechienmouillépour lacérémonie.Ellese lava lesmainsavecsoin.

Legénéralouvrituneboîteencartonetfitlamoue.C’enétaitterminédesabonnehumeur.

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—Qu’est-cequec’estqueça?Descroissants?Onestdansunsalondethéoudansunecuisine,nomdenom?Jeveuxunvraipetit-déjeunerdesoldat!

Lemoment de lucidité était passé. Joshua avait pris son petit-déjeuner trois heures plus tôt – desœufs, du bacon et des pancakes – en compagnie du labrador de la famille qui ronflait à ses pieds.Cependant,leluirappelern’auraitserviàrien.JoshuaMcDaniel,généraldeuxétoilesetvétérandetroisconflits,perdaitpeuàpeulamémoire.

—Sionemportaitunmuffinpourlemangerenchemin,grand-père?suggéraSierraendésignantlespetitsgâteauxauxpommesencoretièdes.IlfautquenouspartionspourFortCampbell.

Ilbaissa lesyeuxverssavested’uniforme.LamèredeSierra l’avaitsortiede l’armoirepour lui.Sansdouteàquatreheuresdumatincar,ensuperhéroïne,Laceyaffirmaitquedormirétaitunepertedetemps. Depuis quelque temps, Sierra voyait de petites faiblesses apparaître chez cette quadragénairedébordéetellesquedesdossiersperdus,descoursesoubliées…

C’étaitunepenséetristemaislajournées’annonçaitlugubre.Sierraallaitrécupérerunchienquesonpèreavaitrecueillilorsd’unemissionàl’étranger.Commes’iln’yavaitpasassezd’animauxaurefuge.Niassezdesouvenirsdesonpèredisparu.Ellecontintseslarmes.Était-cesimaldedéplorerquesonexistencesoitàcepointliéeàl’arméeetjalonnéed’adieux?

Chassant ses rêvesdepoésieetd’insouciance,elleposaunemainsur l’épaulede songrand-père,prèsdesesdeuxétoilesétincelantes.

—Mongénéral,tuasvraimentfièreallure,aujourd’hui.—Unbonsoldatn’oubliejamaisdecirerseschaussuresetd’astiquersesboutons.Ilgrimaça,apparemmentconscientdecequ’ilavaitperduàcausedelamaladie,cequin’arrivaitpas

souvent.—Teschaussuressontbienciréesettesboutonsastiqués,général,insistalajeunefemme.—J’aiaussiapprisçaàtonpère,ajouta-t-ilenl’observantdesesyeuxdumêmebleuquelessiens.

Ilpourrapeut-êtretemontrer,quandilrentrera.Ilsepeutquetureçoivesuneaffectation,toiaussi.Onacceptelesfemmesdansl’arméemaintenant.

—Biensûr,grand-père.Lajeunefemmeneréagissaitmêmepluslorsquelevieilhommeévoquaitleretourdesonpère.Pour

certains, la maladie d’Alzheimer présentait l’avantage de faire oublier qu’un fils avait sauté sur unebombe,aubordd’uneroute,àl’autreboutdumonde.

Joshua redressa la cravate de son uniforme et les boutons de sa chemise, alors qu’il n’était pluscapabledefermerlesboutonsdesonjean.Lagarde-robedugénéralMcDanielselimitaitdésormaisàdes pantalons de jogging et des tee-shirts qu’il portait avec une casquette militaire. Il lui fallait desvêtements faciles à enfiler.Mais ses doigts parvinrent à boutonner sa veste, se souvenant des gestesmachinauxd’autrefois,unmystèredecetteterriblemaladie.Sierraneseposaitplusdequestions.

Aumoins,samèreseraitcontentedelevoirenuniforme.EtLaceyavaitgrandbesoind’unpeudesatisfactiondanssavie.SiceTrooperpouvaitlafairesourire,tantmieux.Sierratiendraitbonetferaitcommesicechienneluidonnaitpasenviedeseréfugieraucœurd’unchampdemaïsetdehurlerdesversd’EmilyDickinsonàpleinspoumons.

La personne qui leur ramenait Trooper rendait la situation encore plus délicate. En d’autrescirconstances…Maisnon,pourquoiaurait-elleattenduavecimpatienceMikeKowalski?

Elle aurait cependant pensé à lui, le jour de son retour au pays et se serait sentie soulagée de lesavoirsainetsauf.Ensuite,elleauraitputournerlapageetcontinuersavie.Hélas,ellenepensaitqu’àsonpère et à ses funérailles.Les vingt et un coups de feu résonnaient encore à ses oreilles bien plusfortementquelesaboiementsdeschiensdehors.

SierracontintànouveauseslarmesetpensatrèsfortàunsonnetdeShakespearequ’elleappréciaitparticulièrement, puis prit unmuffin pour la route. Sa famille aurait besoin de sa présence au refuge

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pendantuncertaintempsencore.Dèsquesamèresortiraitlatêtedel’eau,ellepourraitrepartirsanssesentircoupable.

Aprèslamortdesonmari,Laceyavaitutiliséunepartiedel’argentdel’assurancepouraménagerunstudioàl’étagedelagrange.Lelogementétaitcertesbruyant,maisSierraauraitainsisonindépendancejusqu’àlafindesesétudes,l’annéesuivante.Deplus,samèrepourraitcomptersurelleencasd’urgence,commelorsquelegénéralpartaitsansprévenirpouracheterdesœufs,dulaitetdessodaslightpoursonépousedécédéedepuisdixans,parexemple.

OuquandilréclamaitsonfilsquiavaitsautésurunebombeenIrak.Militaire jusqu’auboutdesongles, legénéralJoshuaMcDanielsortitde lacuisineenmarchantau

pas,satassedecaféàlamain,toutenchantant:— On raconte qu’au régiment, les hommes sont de vrais balèzes. Hier soir on était quatorze, et

aujourd’huiplusquetreize…La jeune femme sentit son cœur se serrer, car son grand-père savait d’instinct que son fils avait

disparu.Elle ne put s’attarder sur cette triste pensée car le vieil homme venait de s’emparer des clés de

voiture, sur lapatèreprèsde laporte.Àquoipensaitdoncsamèreen les laissantà saportée? Ilnefallaitpasquecelasereproduise.

—Euh…mongénéral,l’état-majornousenvoieunvéhicule,bredouilla-t-elle.Ilsetourna,l’airconfus,lesclésenmain.Ellelesluipritetluitenditunmuffinenéchange.—N’oubliepasdemanger.—J’aipasfaim.grommela-t-il.Etjen’oubliejamaisrien.—Biensûr.—Oùsontmesclés?—Jenelesaipasvues.Parfois, il estplus faciledementir.Plus sûr, aussi.Si songrand-père savaitencoreboutonner son

uniforme,iln’étaitpluscapabledeprendrelevolant.—AllenadûprendrelaChevroletpoursortiraveccetteLacey,reprit-il.Millie…IlregardaSierradroitdanslesyeux,mêmes’illaprenaitvisiblementpoursonépouse.—Veilleàcequenotregarnementdefilspenseàfairelepleinavantdenousrendrelavoiture.—D’accord.Elleluitapotal’épaule.Sesétoilesétaienttoutcequ’ilrestaitdel’hommeimpressionnantdontelle

gardaitlesouvenir.Puis la jeunefemmetournales talonsetgravit lesmarchesquatreàquatre, laissantsongrand-père

figéauvingtièmesiècle.Encetinstant,elle-mêmeseraitvolontiersrevenuedixouvingtansenarrière,voiredavantage.

Hélas,cejour-là,elleneparvenaitmêmepasàseréfugierdanslapoésie.

Lesergent-chefMikeKowalskiétaitdéjàrentrédeuxfoisaupaysaprèsunemissionàl’étranger,etiln’yavait jamaispersonnepour l’attendre.Queressentait-onfaceàuncomitéd’accueilconstituéd’unefamilleentière?

Enl’occurrence,ilpréféraitnepaslesavoir.Iln’avaitqu’uneenvie,confier lechienauxMcDanielsansse laisserperturberpar laprésencede

Sierra. Ensuite, il irait se coucher pour profiter enfin d’une bonne nuit de sommeil entre des drapspropres,nonsansavoircherchél’oubliavantdansunpackdebières.

IlresserrasonemprisesurlalaissedeTrooper.Dieumerci,lecorniaudfauveetnoiràpoilscourtsressemblait tant à un berger belge que les gens le prenaient aisément pour un chien de l’armée. Savéritable histoire finirait par sortir au grand jour,maisMike aviserait lemoment venu.N’avait-il pas

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surmontédenombreuxobstaclesparlepassé?Mêmesonengagementdansl’arméeétaitlaconséquenced’unpactepasséavecunprofesseurdulycée.

Miken’avaitpassonpareilpourbluffer,pourfanfaronner.Ilétaitalléàbonneécoleavecsagrand-mèrequil’avaitélevé:lavieilledameavaitfraudésansvergognelesservicessociauxenencaissantlesallocationsdetroisparentsdécédéspendantdesannées.

CalvinFranklin,uncamaradedecombat,luidonnaunetapesurl’épaule.—Lesergent-majorvatetuerquandilsauraquetuasramenécecabot,prévint-ilensoulevantson

paquetage.—Ceneserapaslapremièrefois,niladernière,réponditMike,sonétuiàguitaredansledos.—Enfin,jedoisadmettrequetuasraisonderespecterlavolontéducolonel,repritCalvin.C’estun

gestehonorable.Leshommessemirentenrangpourquitterl’appareilparlarampe.Unefanfareentonnaavecentrain

unemarchemilitaireàlagloiredelaBannièreétoilée.—Unsermon,voireunblâme,n’ariend’effrayantaprèscequel’onavuenIrak.Laplupartdessoldatsfaisaientdescauchemars,hantéspendantdesmoispardesimagesetdessons

defusillades,d’explosions.Mike, lui,étaitvulnérableauxodeurs,à lapuanteurâcredesexplosifs,dukérosène,descheveuxbrûlés…

Àl’odeurdusang.Concentre-toisurleparfumdesdrapsfrais,nomdenom.—Arrêtede transpirer commeça,monvieux,dit-il à soncamarade.Tuvas attirer l’attentiondes

autoritéssurnous.—Onvoitbienquetun’aspasprisunsavondelapartdusergent-majordepuislongtemps.Sinon,tu

seraisbeaucoupmoinsdétendu, réponditCalvinenavançant sur la rampemétallique.Baisse lesyeux.Mieuxvautfaireprofilbasettoutsepasseraaumieux.Profilbas.Longelarampeetconfielechienàsanouvellefamille.Ensuite,viensfairelafêteavecnous,descendrequelquesbières.Etemballerunejoliefille aussi, si tu t’y prends bien. Il y aura sûrement une groupie de militaires prête à accueillirchaleureusementunsoldatderetourdufront.

Miketiqua.Serait-ilcapablededonnerlechienauxMcDanielpuisd’allerfairelafêtecommesiderienn’était?Non,biensûrcar ilallaitdevoiraffronter la familledesoncolonel tombéaucombat,etsurtoutSierra,lafilleducolonel.

Profilbas,serépéta-t-il.IlsepenchapourgratterTrooperentrelesoreilles.Grâceàundessous-de-tableverséauvétérinaire

de la base opérationnelle avancée, l’animal avait été toiletté et traité contre les puces.Mike lui flattal’encolure,afindesecalmerautantqued’apaiserlechien.

Ilsémergèrentde l’appareil sous lesoleiléblouissantde l’après-midi.Enfin,Mike foula lesoldeFortCampbellquis’étendaitlelongdelafrontièreentreleTennesseeetleKentucky.Danslabrise,ildécelauneodeurdefoincoupéquicouvraitsuffisammentcelledukérosènepourempêcherlesmauvaissouvenirsdelesubmerger.

Ilétaitderetoursainetsaufaprèsuneannéeéreintante.Soudain,ileutunechuted’adrénaline.Sesbrassedétendirent,sonsacluiglissadesdoigtstandisqu’ilinhalaitleseffluvesdebléetd’orgeintensesetentêtants.

Lessoldatspassèrentdevantlui,lebousculantlégèrementaupassage,maisildemeurafigé,lecorpslourd,commeclouéausol.Autourdelui,toutsemitàtourner.Iltenditlesbras.

LalaissedeTrooperluiéchappa.Ohnon!L’étuidesaguitaretombaàsontour.Mikeretrouval’équilibre,maistroptard.Trooperseprécipita

verslazoneréservéeauxfamilles,àlafanfareetauxofficiels,sansoublierlapresselocale.

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SiTrooperavaitatteintsatailleadulte,ilavaitgardésafougueetsoninconsciencedechiot.Ilfilatelunmissileenaboyant furieusement.Mikehésitaàse lanceràsapoursuite.Trooper ralentitetsemitàhumeruneodeurdansl’air,avantderepartirdeplusbelle.

Ilrenversaunpupitre.Lesmusiciensdelafanfares’écartèrentjusteavantqu’untubanes’écrouleàterreavecfracas.Lamusiques’arrêtanet.

—Lesergent-majorvapiquerunedecescrises…maugréaCalvin.Tantpis.Plusquestiondefaireprofilbas.Mikeramassasonsacetsaguitareetsefrayaunchemin

parmisescamaradesquiavançaientenrang.—Trooper!Ici!ordonna-t-il.Naturellement,lechienl’ignora.Trooperétaitcapablederepérerunennemienpleinenuitetd’éviterdesminesantipersonnelpour

récupérersaballe.Iln’enrestaitpasmoinsunchiendesrueshabituéàdéambuleràsaguise.Mike accéléra le pas. Trooper ne ferait demal à personne, il en avait la certitude, car il n’avait

jamaismontrélemoindresigned’agressivitédepuissonarrivéeaucampement.Aumoindrefauxpas,toutseraitperdu,d’autantquesonentréedanslepaysétaitpourlemoinshasardeuse.EtMikenepourraitplustenirlapromessequ’ilavaitfaiteàsoncolonel.

Quellemouchel’avaitpiqué?Mikescrutal’assemblée.Ilyavaitdesfemmesportantdesbébés,desbambinsdansleurpoussette,deshommes,aussi.Desfamilles,despetitesamiespomponnées.Unocéandedrapeauxetdepancartes.

Bienvenueàlamaison!Faceauxvingt-cinqkilosdeTrooper,lafoules’écartacommelamerRougedevantMoïse.Mikele

suivit.Soudain,parmilesspectateurs,illareconnut…Lafamilleavecquiilavaitrendez-vous.LeclanMcDaniel.Sonregardseportasurcellequil’avait

attiréaupremierregard.Celasepassaitdanslesgradinsd’unstadelorsd’unepartiedebase-ball.Sierra, la filledesonmentor,unefemmeinaccessible, intouchable.Luiquivenaitdepasserdouze

longsmoisàévoquersonparfumcitronnépouroublierl’odeurdelamort.Ileutàpeine le tempsd’admirersescheveuxblondssisoyeuxoud’évoquer leurparfumenivrant,

TrooperbonditsurSierraetlafittomberàlarenverse.

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2

SierraMcDaniel se redressa péniblement. Elle qui avait mis ses lunettes noires pour cacher sonémotionpouvaitdésormaisattribuerseslarmesàsescoudesécorchéslorsdesachute.Trooperl’avaitcarrémentpiétinéepourseprécipitersursongrand-père.

LegénéralMcDaniels’accroupitetsemitàlegratterentrelesoreillestandisquelechienluiléchaitlementon.

—Ducalme,Trooper,ducalme,ordonna-t-ilavecuneautoritéquin’échappaàpersonne.Bonchien.Jevaistedonnerunefriandise.Nathan,valuichercherunhot-dog,immédiatement!

L’adolescentnageaitdanssesvêtementsbaggy.Sansunmot,ilpritlebilletdevingtdollarsqueluitendaitsamèreettournalestalons,puisils’éloignad’unpastraînantverslestanddehot-dogs.

Legénéralsavait-ilàquelTrooperilavaitaffaire?Lenouveauoubienceluiqu’ilsavaientquandsonfilsétaitpetit?Sansdouteunmomentdelucidité, luiavait-ilpermisdesesouvenirduprénomdeNathan.Entoutcas,lenouveauTroopersemblaitl’avoiradopté,carils’étaitcalmé.

Ceretourenfanfareavaitdécidémentungoûtamer.Sierra avait l’habitude de ces cérémonies qui avaient jalonné son enfance. Sous le soleil du

Tennessee, le tarmac était brûlant. Les pancartes de bienvenue ondulaient dans la brise tandis que lesenfants agitaient leurs drapeaux. Pour ce grand jour, les épouses avaient soigné leurmanucure et leurtenue.Quelquesmarisattendaientleursfemmesmilitairesdansuneatmosphèrepresqueélectrique.

Pour Sierra, les mines réjouies qui l’entouraient étaient sources de chagrin. Elles lui rappelaientcruellementquesonpèreétaitrentrédansuncercueilcouvertd’undrapeau,quatremoisplustôt.

Commenttournerlapage?Leshommesdesonpèresemblaientpersuadésquesafamilleavaitbesoindecechien.CedontlesMcDanielavaientbesoin,cen’étaitpasd’unchien,maisd’unpère,d’unmari,d’unfils.Hélas,c’étaitimpossible.Illeurfaudraitfaireleurdeuiletavancerdanslavie,nonsansavoirenduréunefastidieusecérémonieauxaccentspatriotiques.Sierraeutenviedes’enfouirsousterre.

Unemainvirileapparutdanssonchampdevision,unemainfamilière.Elleserenditcomptequ’elleétait encore assise par terre comme une imbécile. Son regard se porta sur un bras musclé, puis uneépaule,unvisageetunsourireradieuxauqueln’importequellefemmeauraitsuccombé.

Unsourirequil’avaitensorceléeplusd’unefois.—Salut,Mike.Bonretour!Elleacceptasonaidepourserelever,riendeplus.Ensaprésence,soncorpsetsoncœurresteraient

inaccessibles,mêmesicecontactfurtifl’avaittroublée.Sierra épousseta son jean. Si seulement elle pouvait chasser Mike de sa mémoire aussi

facilementqu’ungraindepoussière.Elleavaitrenoncéàrefoulersonattirancephysiquepourcethomme.Tout en lui la charmait, de ses cheveux coupés très court à sa mâchoire carrée ombrée d’une barbenaissante.

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Sesyeuxd’unbrundorébrillaientd’unelueurunpeurebelledemauvaisgarçon.C’étaituneattirancepurementphysique.Ellen’avaitaucuneintentionderetomberamoureusedecesergentélancé,ténébreuxetbagarreur.

Une épaule heurta la jeune femme tandis qu’un couple s’enlaçait pour des retrouvailles pleinesd’émotion. Sierra se souvint alors du contact des lèvres de Mike près de son oreille, lorsqu’il luisusurraitdeschansonsd’amour,avantdel’embrasser.

Concentre-toi,Sierra.Elle avait préparé son discours, quelques paroles polies de circonstance. Elle s’était promis de

garderlecontrôle.Hélas,mêmesespoèmespréféréssemblaientluiéchapper.Heureusement,Mikesedétournaavantqu’ellenepuisseprononcerunmot.—MadameMcDaniel,dit-ilàLacey,ilvoulait…Savoixsebrisa,maisilsetenaitdroitcommeunI.—Lecolonelvoulaitquecechienvoussoitconfié.Ilmeparlaitsouventdevousetje…j’aimerais

pouvoirexprimerautrechosequemesregrets.Toutlemondel’appréciaitetlerespectait.Ilnousmanquebeaucoup.

Laveuveducolonelluiadressaunsourirepleindecompréhensionetdeclémencedontelleavaitlesecret.Sierraétaitloindemaîtriseraussibiensessentiments.LesboucleschâtainesdeLaceyvoletaiententoussens,àl’imagedecetteentrevueinsensée.Endépitdescirconstances,elledemeuraitimpassible.Commentpouvait-onêtreàlafoissensibleetsiposée?

—Merci, Mike. Inutile d’en dire davantage. Ta présence est suffisante. Allen serait heureux desavoirqueTrooperestaujourd’huiavecnous.

Laceyl’embrassarapidement,puiselles’écarta,lesouffleunpeucourt:—Faisonsdonclaconnaissancedecetoutou.Elle s’agenouilla et tendit lamain afin qu’il la sente, puis elle le caressa. Si elle avait dumal à

contenir ses larmes, il était manifeste qu’elle se sentait à l’aise avec Trooper. Elle avait le don decommuniqueraveclesanimaux.

—Nathan!lançaLaceyàsonfils,enfinderetouravecunhot-dogsanssauce.ViensdirebonjouràTrooper!

—Situveux,répondit-ilsansgrandenthousiasme.LefrèredeSierraneportaitpasdechaussettesdanssesbaskets.Ilflottaitdanssonpantalonetson

tee-shirt bien trop grands.Nathan était l’incarnation de l’adolescent boudeur et traumatisé par la vie.Parfois,illarendaitfolleparsonattitude.

Autourdelafamille,lesflashcrépitaient.NathanserenfrognadavantageetMikegrimaçaàchaquecliché.Lesmédiastenaientàimmortalisercemoment.Avecjustecequ’ilfallaitdelarmescontenuesetdenostalgie,lesouriredeLaceyméritaitbienlaunedesjournauxrégionaux.

Lesjournalistesrédigeraientunarticlepleindebonssentimentssurunvétérantombéaucombatetlechienqu’ilavait recueillienIrak. Ilsse féliciteraientde leurproprecompassion.L’histoire feraitsansdoutelebuzzsurlesréseauxsociaux.

Quiserait làpourallerchercherNathanau lycéequand il sebagarreraitunenouvelle foisdans lacour?Quipartiraitàlarecherchedugénérallaprochainefoisqu’ilseperdrait?

—Sierra?fitsamèreenlevantlesyeux.Çava?—Biensûr.Donnons-luisafriandiseavantqu’ilnedévorelesdoigtsdequelqu’un.Elle prit le hot-dog des mains de son frère et posa enfin les yeux sur le chien, qu’elle n’avait

seulementvuqu’enphoto.Elles’attendaitàunanimalplus…grand.Plusimpressionnant,peut-être?Ouencoreàunebêtemagnifique.

Cen’étaitqu’unbravecorniauddetaillemoyenne.Avecseslonguespattesdechiot,ilsemblaitavoirunpeudechiendebergeretdelabrador,maisenpluspetit.Enfait,c’étaitunchientrèsordinaire.

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Sa déception la surprit elle-même. Elle ne décelait pas la présence fantomatique de son père, nesentaitpas samainsur sonépaule,venuede l’au-delà. Jusqu’àcet instant, ellen’avaitpasconsciencequ’elleavaitespéréétablirunlienunpeumystiqueavecsonpèreàtraversTrooper.

Elles’agenouillaetluioffritdesmorceauxdesaucisse.Lesgrandsyeuxsombresdel’animalétaientrivéssurelle,commes’ilspouvaientlatranspercer.Lajeunefemmeeneutlagorgenouée.Ellen’avaitqu’uneenvie:enfinir,puisrentreràlamaison.Ellepréféraitencoretrairelachèvrequedesetrouversurcettebaseaérienneenl’absencedelasilhouetteélancéedesonpère,desescheveuxgrisonnantsetdesonsourireradieux.

Les caméras étaient braquées sur elle et les questions fusaient tandis qu’elle tendait à Trooper lederniermorceaudesaucisse.

—Votregrand-pèreétaitgénéral…—Commentvotrefamilletient-ellelecoup?—Quelestlenomduchien?Unevoixs’éleva,plusfortequelesautres:—GénéralMcDaniel,qu’avez-vousàdireducouragedontvotrefilsafaitpreuvepoursonpays?Lejournalisteluitenditsonmicrosibrutalementquelevieilhommeeutsoudainl’airtraqué,enproie

à une crise liée à son syndrome post-traumatique. Sierra chercha une échappatoire ou au moins unediversion.Dommagequelechiennechoisissepascetinstantpours’emballerdenouveau.

Pourvuquegrand-pèrenejouepasleshéros,songea-t-elle.Que,parexemple,ilneseprennepaspour Clint Eastwood. Cela lui arrivait souvent ces derniers temps. Il compensait ses moments deconfusionpardesaccèsdecolère.Lasemainepassée,ilavaitainsibriséuntéléviseuràécranplat.

SierraserelevaetimploraMikeduregard:—Nousdevrionspeut-êtreréglerlesformalités,signerlespapiers…—Bien sûr, réponditMike avec un sourire crispé.Mon général ? Si vous voulez bien ouvrir la

marche,jevoussuis.—Trèsbien,sergent,fitJoshuaens’éloignantaupascadencé,toutenchantonnant:«Jesuisnéau

fonddesbois,élevéparmilesloups…J’ailamâchoired’unchamois,lafourrured’uncaribou…Jesuismontécommeunâne,avecdesboulesenbéton…Jesuisunparachutisteetlecielestmondomaine…»

Cettejournéeétaitinterminable.Mikesentitleregarddusergent-majorrivésurluitandisqu’ilaidaitLaceyàmenerTrooperversle

SUVpoussiéreuxornéd’autocollants figurantdes tracesdepattesdechienetdechat.Parchance, sonsupérieurétaitsoucieuxdesonimage.Ilnerisquaitdoncpasdeleréprimanderenprésencedesmédias.

Derrièrelecordondesécurité,lesjournalistesnerataientpasunemiettedesretrouvailles.IlsprirentmêmedesphotosdeLaceytandisqu’elleaidaitlegénéralàmonterenvoitureavantqu’iln’entonneunedeseschansonspaillardes.MikeresserrasapoignesurlalaisseduchienpendantqueNathanouvraitlecoffre,révélantunecage.L’adolescentsepenchaàl’intérieursansunmot.

Mikeallaitdevoirrendredescomptesàsahiérarchie.Cependant,ayantdéjàdesproblèmesjusqu’aucou,autantremplirl’objectifqu’ils’étaitfixé.

—Sierra,j’aienvoyéunmailexplicatifàtamèreàproposdeTrooper,pourfacilitersonadaptationàsanouvellemaison.

—Enfin,lecoupa-t-elleavecunsourireforcé.Turemarquesmaprésence.Elleétaitcontrariée?Voilàquiétaitintéressant.Concentrésursamissionetseseffortspournepasladévorerdesyeux,iln’avaitpasremarquésa

minerenfrognée.—Tut’attendaisàquoi?Pasàunlangoureuxbaiserderetrouvailles,toutdemême?—Nejouepasavecmoi,jet’enprie.Pasaujourd’hui.

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Endépitdesapetitetaille,Sierramarchaitàgrandspas.Ellen’avait jamaisappréciéqueMikelacompareàunlutinespiègle.

—J’espéraisvousremettrelechiendefaçonplusconfidentielle,dansl’intérêtdetous.Lajeunefemmerelevavivementlatête.Sonregardbleuseteintasoudaind’inquiétude.—Turisquesd’avoirdesennuis,c’estça?—Jenesuispaslepremieràramenerunchiendel’étranger.Etjeneseraipasledernier.Ilsetutetposasonsacpourensortiruneenveloppecontenantdesdocuments.— Le dossier de Trooper, expliqua-t-il. Je l’ai numérisé pour l’envoyer à ta mère. Voici les

originaux.Sesvaccinssontàjour.Enrevanche,ilfaudralestériliser.Toutestenordrepoursonentréedanslepays.

Sierrapritl’enveloppeenévitantdélibérémentlemoindrecontactaveclui.—Tun’aspasréponduàmaquestion,insista-t-elle.—J’aipassémavieàéviterlesennuis,tusais.J’aiétéàbonneécole,avecmagrand-mère.Il posa une main sur celle de la jeune femme. Aussitôt, il eut envie d’en obtenir davantage,

évidemment.—Ettoi?reprit-il.Qu’est-cequetudeviens?—Çava,fit-elleenretirantsamain.Sierraétaittoujoursaussisublime,maisvisiblementépuisée,accabléedechagrinetencolèrecontre

lui.Celan’avaitriendenouveau.Quoiqu’ilensoit,MikeavaitfaitsondevoirenluiconfiantTrooper.Sonultimelienaveclecolonel–etSierra–venaitd’êtrerompu.

Ensepenchant,Mikesentitlesnotesd’agrumesdesoneaudetoilette,unparfumenvoûtantchargédesouvenirs.Levrombissementd’unmoteurravivad’autresodeurs,cellesdesesderniersmomentsaveclecolonel.

Ilsesentitdéfaillir.Commentlessouvenirspouvaient-ilsavoiruneodeur?Cellesdel’essenceetdelaterreluidonnèrentlevertige.Ilfallaitqu’ilquittecetendroit,vite,etdeboutdepréférence.

Enseretournant,ilbousculasonami.—Mike!s’exclamaCalvin,tuviensfairelafêtechezmoiquandonenauraterminéici?Toiaussi,

Sierra?Levisagedelajeunefemmesefermaaussitôt.—Jenesuispasd’humeuràfairelafête.Merciquandmêmedem’avoirinvitée.Mikepritsonsacetsaguitare.—Ceserasansmoi,déclara-t-ilàsontour.Jen’aiqu’uneenvie,c’estdem’écroulersurlelitd’une

chambredemotel.—Dommage,fitCalvin.Taguitarevanousmanquer.Jeboiraiàtasanté!Àplustard,Mike.C’était

sympadeterevoir,Sierra.LajeunefemmeposalamainsurlebrasdeMike.—Tucompteslogerdansunmotel?Ettonappartement?—Jel’aiquitté,répondit-ilenhaussantlesépaules.Pourquoipayerunloyeralorsquejen’yvisplus

depuisunan?—Biensûr,jecomprends.Seslunettesdesoleilrelevéesdanssescheveux,ellesedandinanerveusement.—Bon…bredouilla-t-elle.Mercidenousavoirramenélechiendepapa.—Tuastoujourseuledondedireexactementlecontrairedecequ’exprimetonregard.Jevoisbien

quelaprésencedeTroopernet’enchanteguère.Priseaudépourvu,ellepinçaleslèvres.—J’apprécietongeste,sincèrement,déclara-t-elle.Deplus,malgrécequetudis,jesaisbienquetu

asprisdesrisquespournouslerameneretquetahiérarchiepeuttesanctionner.

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—Ne t’inquiète pas. Les journalistes se sont emparés de cette histoire. Je suis à l’abri de grosennuis.Cetteexpositionmédiatiquearrangebienmesaffairesfinalement.

—Mais…—Jetelerépète,toutvabiensepasser.Il posa une main sur son épaule. Mauvaise idée, car le moindre contact lui rappelait trop de

souvenirs.—Menteur…—Quelleimportanceàtesyeux?—Tuasaccompliquelquechosed’extraordinairepourmamèreetjet’ensuisreconnaissante.Ellesoutintsonregardpendantquelquessecondes,puislavoixdeLaceyleurparvint.Elletentaitde

rassurer le général en proie à une crise d’angoisse. Sierra retrouva aussitôt ses esprits et chaussa seslunettesnoires.Puiselleouvritlacageettapotalacouverturequ’elleavaitdéposéeàl’intérieur.

—Trooper!Allez,monte!Monte,monchien!Récalcitrant,l’intéressétournalatêteversMikeets’assitparterre.Iln’étaitpeut-êtrepasimposant,

maisilavaitducaractère.Jamaiselleneparviendraitàlefairebouger.Laceydescenditdevoiture.—Pasdeproblème,annonça-t-elle.Jem’encharge.Elleprit l’animaldanssesbraset le soulevasansefforten luimurmurantdesparoles rassurantes,

commeellel’avaitfaitpourlevieilhommedésorienté.DèsqueTrooperfutdanssacage,ellepritunefriandisedanssonsac.Enfin,elleseretourna,toutsourire.

—Facile.Bon,ilfautqu’onyaille.Merciencore,Mike.Missionaccomplie,songeaMike.Derrièrelesbarreauxdesacage,lechienlefixaitdesesgrands

yeuxbruns.Ilsentitsoncœurseserrer.Cependant,ilnevoulaitpasdechien.Cecorniaudn’étaitpaslesien.Ilavaitagipourlemieux.

Pourquoi avait-il autant de scrupules ? Il avait l’impression de l’abandonner, tels ces odieuxpersonnagesquilaissentleursanimauxauborddelaroutepourpartirenvacances.

Sileschienssavaientparler,Trooperluidiraitcertainement:—Etvoilà,monvieux,tuasencoretoutraté.

Laceysesentaitcoupabledenourrir leschiotsalorsqu’elleavait tropbu.Aprèsunetellejournée,

ellel’avaitpourtantmérité,ceverredevin.Enfincesquatreverresdevin…Tenantunchiotdansunemain,ellepenchalebiberondelaitdechèvreverssagueuleminuscule.Le

pitbull semit aussitôt à téter.Assiseen tailleur surunépais coussin, sous leporche, à l’arrièrede lamaison,ellepoussaunsoupirdelassitude.

Lacey aimait le contact chaud de l’animal contre sa paume. Quatre autres petits âgés de deuxsemainesétaientalignésdansunecaisse, repus, installéssousune lampechauffante.Dans l’espoirqueleursfuturesfamillesvoienteneuxdesêtresattendrissantsaulieudelesjugerd’aprèsleurrace,elleleuravait attribué des noms inspirés de contes de fées : Cendrillon, Aladin, Pinocchio et Raiponce, sansoublierLilipucia,lapetitedernière,qu’elletenaitdanslamain.Ilsavaientlesommeilagité,cequiétaitbonsigne.Rêvaient-ilsdéjàdegambaderdansleschampsqu’ilsn’avaientencorejamaisvus?Oubienparcouraient-ilslemondeàlarecherchedeleurmère?

Leurstatutd’orphelinstouchaitLaceyencoreplusquedecoutume,carsespropresenfantspleuraientleurpère.

Elleeutdésespérémentbesoind’unegorgéedevin.Posantlebiberonenéquilibresuruneservietteroulée,ellesaisitsonverreencristal,ledernierqu’il

luirestaitduservicereçuencadeaudemariage.Lesautresavaientétécasséslorsd’undéménagement

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depuisFortBragg,enCarolineduNord.Elles’étaitplainteàl’entreprise,àl’armée,àsonmariettousceuxquivoulaientl’entendre,puiselleavaitpleuréàchaudeslarmespendantunmois.

Sa réaction semblait tellement excessive, à présent. L’armée brisait parfois des choses bien plusessentielles.

Ellefittournoyersonprécieuxnectarpourenhumerlebouquetboisé.Samèreluiavaitimposédescours de maintien avec les jeunes filles fortunées de Nouvelle Angleterre, nourrissant de grandesambitionspoursafilleaînée.

Laceyavait eudesprojets, elleaussi.Ellecomptait filerdouxchez sesparents jusqu’àcequ’ellepartefairesesétudes.Alors,elleseraitlibredefairecequebonluisemblerait.Mais,enterminale,elleétait tombée amoureuse d’un cadet en uniforme qui fréquentait une école préparatoire aux grandesacadémiesmilitaires.Durantl’été,elleétaittombéeenceintedelui.Enconséquence,Laceyavaitterminésalicenced’enseignementbienplustardquelesautresétudiants.Elleavaitattenduquesesdeuxenfantssoient scolarisés. Ses parents avaient fait bonne figure en présence de leurs amis. Ils avaient mêmeprétenduêtreravisdecemariageorganiséàlahâte,aussisophistiquéquecoûteux.

Lacey avait appris beaucoup plus tard que ses parents n’avaient pas les moyens de financer unecérémonieaussisomptueuse,pasplusquedemenerletraindeviequereprésentaienttroismaisons,aveclesvacancesd’étédanslesHamptonsetlessportsd’hiverauchalet.

Désormais, ils faisaient semblant d’être des retraités heureux à Tampa, en Floride, dans unappartement qu’ils avaient acheté en vendant les bijoux de samère, qui portait des copies de bonnequalité.

Ah, les faux-semblants.C’était une tendance qu’elle avait héritée de samère, alorsmême qu’ellerefusaitenblocsesvaleurs.Perduedanssespensées,Laceycaressalelabradorchocolatendormiàsespieds.

Chaqueviedevaitavoirunsens.Celled’Allenenavaitun.Ilavaitsauvécinqsoldatsensejetantsurunebombe,aubordd’uneroute,laissantderrièreluiunecollectiondedécorations,undrapeaupliéavecsoinetunefamilleeffondrée.L’argentdel’assuranceavaitremboursélamajeurepartiedeleursdettes.De plus, elle donnait des cours de chimie pour joindre les deux bouts, tout en gérant son refuge pouranimauxetenveillantsursonbeau-pèremalade.Siellehébergeaitquatorzeanimauxsurplace,elleenavaitplusdecinquanteautresplacésenfamilled’accueil.Avecunpeuplusd’argent,lerefugepourraits’agrandir.Avecplusdetemps,aussi,etdel’aide.

Avecaussimoinsdestress.Ellebutuneautregorgéedevin,puisuneautre,jusqu’àcequeladoucetorpeurdel’alcoolvienne

l’enveloppercommeunecouverture.Peuàpeu,ellesedétenditetselaissabercerparleronronnementdelatondeuseàgazon.

Fautedeconduireunevoiture,legénéraltondaitlapelouseaprèslatombéedelanuit.Lespharesdumotoculteurbalayèrentl’hectaredeterrain.Joshuasesentaitutile.C’étaitl’unedesdernièrestâchesqu’ilpouvait accomplir sans danger pour lui-même ou pour les autres. Étrangement, le travail de la fermesemblaitimprimédanssonADNaumêmetitrequeleboutonnagedesonuniforme.Laceys’enréjouissaitcar,lorsqu’elleessayaitdemanierelle-mêmel’engin,elleneparvenaitqu’àtracerdescercles.

Serait-ceparcequ’elleaimaittroplevin?Certainsjours,ellesedemandaitsiellen’étaitpasentraindesombrerdansl’alcoolisme,puisune

nouvelleépreuvesurvenaitetellen’avaitpluslecouraged’ypenser.ElleobservaLilipucia,lechiotdecouleurfauveendormidanssamain,lagueuleentrouverte,puisla

couchaaveclesautres,aupelagebrunourayé.Leurmèreétaitmortepercutéeparunchauffardtroisjoursaprèsavoirmisaumondehuitchiots.Les

maîtresde lachienneavaientessayédes’occuperdesorphelinsmais,auboutdequarante-huitheures,

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après lamort de trois d’entre eux, ils avaient emmené les cinq survivants au refugemunicipal le plusproche.Malheureusement,l’établissementétaitdébordé.IlsavaientdonccontactéLacey.

Cinqpetitesviessifragiles.Avantdefondersonproprerefuge,Laceyavaitœuvréauseindeplusieursassociations.Cesderniers

temps, ses efforts se révélaient demoins enmoinsgratifiants.Elle se sentait vide,malgré son succès.D’aprèsdeuxamiesbénévoles,elleneparvenaitpasàfairesondeuil.

Commes’ilétaitfaciledeseremettredelamortdesonmaritombéaucombat.Lacey ne connaissait qu’une seule façon de tenir le coup, aller de l’avant sans réfléchir. Elle ne

pouvaitsepermettredeselamentersursonpasséousurleprésent.Surtout,ilnefallaitpastroppenseràcenouveauchienendormidans sacage, aumilieudu salon.Trooperconstituait le lienultimeavecunhommed’honneurquis’étaitengagépourlesautresplusquepoursaproprefamilleoului-même.Sielleselaissaitenvahirparcespensées,ellerisquaitdecéderàlatentationdeprojetersondernierverredecristalcontrelemur.

Afin de se raccrocher à quelque chose dans cet univers en lambeaux, elle observa son entouragefamilier.Troopersemblaitbiens’adapterà lamaison,mêmes’ilaboyaitcontrelecoucoudel’horlogedèsqu’ilsonnait.Ilnesemblaitmêmepascontrariéd’êtreconfinédansunecageletempsqu’ils’adapteàson environnement. Au bout de quelques grognements contre l’horloge, il avait fini par s’assoupir. Ilparaissaitmêmerassuréparlaprésencedesnombreuxautresanimaux.

CertainsconseillaientàLaceyd’abandonnersesactivitésaurefugecarellesétaienttropprenantes.Ils ne comprenaient pas que si,malgré sa souffrance, elle parvenait à se lever lematin, c’était parcequ’elleavaitunbut,sauverdesanimauxabandonnésetmaltraités.

Prenantsoncourageàdeuxmains,elleexaminachaquepetitpitbullendormi,enpleinedigestion.Ellen’étaitguèreplusvaillantequesesprotégés.Ellen’avaitmêmepluslaforcedeselever.Dehors, l’airembaumaitl’orge.Elleauraittoutdonnépoursombrerdansunsommeillibérateur,pourlaissercetteviedefoliederrièreellependantquelquesheuressalutaires.Elleavait tantbesoindetranquillité,depaix.Autantdormirsouslavérandaplutôtquedanslelitconjugalàcôtéd’unespacevide.

—Maman?fitlavoixdesafille,rompantlesilence.Maman,réveille-toi!Lacey sursauta, éblouiepar les rayonsdu soleil.Clémentine, le labrador, sommeillait à sespieds.

C’étaitdéjàlematin?Maisellenes’étaitassoupiequequelquesminutes!Àmoinsquenon?Vêtued’undébardeurinformeetd’unshortbleu,Sierraladévisageait.Laceysefitlaréflexionque,

naguère,safilleétaitcoquetteetportaitdeschemisesdenuitouunpyjamaféminin.Ellevérifiaque seschiots seportaientbienet s’agitaientdans leur sommeil.Prised’un torticolis,

ellesemassalanuque.—Quelleheureest-il?—Sixheures.Maman,onaunproblème.Lacey se tourna vers la pelouse récemment tondue. Le motoculteur était abandonné au milieu de

l’allée.Soudain,ellefutprisedepanique.—Grand-pèreestencoreparti?—Pascettefois,réponditlajeunefemme.Ildortdanssachambre.C’estTrooperquiadisparu.

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3

Sierraétouffaunbâillement.Elleavaitencorel’espritembrumé,mêmesil’angoissel’étreignaitàlapenséeduchiendisparu.Letempsdesgrassesmatinéesétaitbeletbienrévolu.Aurefuge,unejournéedetravailcommençaitauxaurores.OnétaitbienloindeLapetitemaisondanslaprairie.Naturellement,siellen’avaitpaspassélanuitàseretournerdanssonlitenrêvantdeMike,elleauraitmoinslasensationd’êtreunzombiecematin.Cesrêvesavaientététroublants,dérangeants…

Ellen’avaitpasdetempsàperdreavecceshistoires.Pasmaintenant.—Maman…Enremarquantsescheveuxemmêlésetsonverrevide,elle tiquamaisdécidades’ensoucierplus

tard.Ellesavaientdesproblèmesplusimmédiatsàrégler,tell’héritagedesonpèrequis’étaitenvolé.—Trooperadisparu,répéta-t-elle.—Disparu?bredouillaLacey.Tufaisencoreunecrisedesomnambulisme,c’estça?Lacey se leva péniblement et fit quelques pas incertains vers la cuisine. Avait-elle les jambes

engourdiesoubienétait-elleencoresousl’emprisedel’alcool?Laceytenditlesbrasverselleetsemitàluitapoterlajoue.

—Sierra…réveille-toi…—Arrête,maman!Jevaisbien,assura-t-elleenrepoussantlamaindesamère.Lelabrador,quin’avaitplusquetroispattes,décidad’allerfaireuntourdanslacour.—Écoute-moi.Trooperestparti!Iladûsortirparcettetrappe,luiaussi.Dieusaitoùilest.Jenele

trouvenullepart.Samèrefronçalessourcilsetsetournaversl’horlogedelacuisine,uncoucouqu’ilsavaientacheté

enSuisse,lorsqu’ilsvivaientlà-bas.—Tudoisfaireerreur.Trooperdortdanssacage,ausalon.Etquefais-tudeboutàsixheures?Tu

n’espasdumatin,engénéral.L’espaced’uninstant,lapeurdelajeunefemmefitplaceàunecertaineirritation.Detouteévidence,

samère n’avait pas remarqué qu’elle se levait bien avant huit heures depuis desmois pour l’aider às’occuperdesanimaux.Maislemomentétaitmalchoisipourluiasseneruneremarquedésagréable.

EllesdevaientseconcentrersurTrooper.—J’aientendudesaboiementsdanslechenil.D’accord,c’estnormal,maisc’étaitplusbruyantque

d’habitude.Desaboiementsfurieux.J’aieupeurqueleschiensnesesoientéchappésunefoisdeplus.C’estarrivétropsouventcesdernierstempspourquecesoitunecoïncidence.Quandjesuisdescendue,j’aiconstatéquelacagedeTrooperétaitouverte.Iladûsortireténerverlesautres.Saufqu’iln’estnullepart!J’aicherchépartout.Iladisparu,jetedis.Ilasansdoutefranchilaclôture.

Inquiète,Laceyregardaau-dehors.

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—Labarrièreestferméeetverrouillée.Jenecomprendspaspourquoicesincidentsserépètent.S’ilétaitpartichezlavoisine,nousenaurionsdéjàentenduparler!

Valerie Hammond aurait fait un scandale, en effet. Elle avait déjà déposé une plainte auprès duconseilducomtédansl’espoird’obtenirlafermeturedurefuge.Seulement,lesMcDanieln’avaientpaslesmoyensdedéménager,etcerefugeconstituaitlerêvedeLacey,quiavaitdéjàtropperdu.Plusrésoluequejamais,ellesortitdesatorpeur.

—Trooper a peut-être simplement sauté par-dessus la clôture pour se diriger vers les bois. Il neseraitpaslepremieràlefaire.

Mais ilétaitpluspetitquesesprédécesseurs.Pourvuqu’ilsesoitcachéquelquepartetqu’il leurfasseunefarce…

—Sic’étaitgrand-pèrequil’avaitlibéré?suggéraLaceyd’unairinquiet.Si elle n’était pas femme à se plaindre ou à perdre son calme, Lacey subissait le stress de toute

personne qui s’occupe d’un malade. Elle courait sans cesse, avait des crises de larmes, égarait seslunettes,oubliaitsonagenda,faisaittombersesclés…Etpourtant,elleabattaituntravailconsidérable.Ceverredevinnesignifiaitsansdoutepasgrand-chose.Elleavaitvoulusedétendreaprèsunejournéeéprouvante.

—Sic’estlegénéral,jetesouhaitebonnechancepourleluifaireavouer,réponditSierra.Certains jours, songrand-père luimanquaitpresqueautantque sonpère. JoshuaMcDanielétait en

traindelesquitteràsafaçon.—Troopern’apaspuallerbienloin,assuraLacey.Elle lissa ses cheveux en arrière et les noua en une queue de cheval qui lui donnait une certaine

allure.— Je vais prendre la voiture pour parcourir les environs, reprit-elle. Tu veux bien demander à

Nathandesurveillertongrand-père?Ensuite,tuviendrasm’aider.—D’accord.N’oubliepasdeprendretontéléphone!lançalajeunefemme.Ladernièrefois,ellen’avaitpaspucontactersamèrepourannulerdesrecherchesetellesavaientdu

coupperduuntempsfou.—Tuasraison.Merci.Laceyrevintsursespasetpritl’appareilposésurlatabledelaterrasse,puissehâtaverslavoiture

encriant:—Trooper!Trooper!Sierra jeta un coup d’œil en direction des cinq chiots qui remuaient en poussant de petits cris

stridentsdansleurcaisse.Silesautreschienspouvaientpatienter,leschiotsavaientfaim.Sierraserenditdanslapièceàvivre.

Installésurlecanapé,encaleçon,lespiedssurlatablebasse,Nathanregardaitundocumentaireàlatélévisionengrignotantdescéréales.Sansdouteétait-ilà lacuisinequandelleavait trouvélacagedeTroopervide.Ilétaitmatinal,pourunefois.

—Commentsefait-ilquetusoisdéjàréveillé?—Ettoi?rétorqua-t-il,l’airmaussade.Yavaittropdebruit.J’aicommencéàpenseràpapa…Leurpèreavaitsouventregardédesdocumentaireshistoriquesaveceux.Sierraeneutlagorgenouée.

Elleauraitaiméconsolersonpetitfrère.Maisilrefusaittoujourslamainqu’elleluitendait.Deux chats tigrés dormaient sur le dossier du canapé, tels des serre-livres, de part et d’autre de

Nathan,quiserraitsonbolsursontorsemaigrichon.Ilsegavaitdecéréalesarroséesdelaitdechèvre,carilétaitallergiqueaulactose.

Cequirappelaàlajeunefemme…Ohnon!Leschiots!Ellen’avaitpasletempsdetrairelachèvre,etencoremoinsdedonnerlebiberonauxpetitsetàmangerauxautreschiens.

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Elle seprécipitadans la cuisinepourvérifier combien il restaitde lait.Environunbol.Ce seraitsuffisant.Ellepritdesgantsenlatexsousl’évier.

—Nathan,lesanimauxontfaim.Ilfautleurdonneràmangeràtous.Maisleschiotsquisontsouslavérandasontprioritaires.Puisquetueslevé,tuvasmedonneruncoupdemain.Tupeuxlesnourrirtousenmêmetempssituverseslelaitdanslesdoigtsd’ungant.Dulaitdechèvre,biensûr.Ilsuffitdepercerunpetit trouauboutdechaquedoigt. Ilsn’ontpasencorededents.Faisattention : ilsnedoiventpasavalerdelatex.Etlesdoigtsdoiventresterpleins.

Elleposalaboîtedegantssurlatablebasseetunpanierdeballesdetennismâchonnées.—Situfinislelaitdechèvre,tun’aurasqu’àtraireSookie.Bonnechance.—Cinqchiots?Turigoles!fit-ilensecouantlatête.Sierraposalesmainssurlesjouesdesonfrèreetl’obligeaàlaregarderdanslesyeux.—Non,jenerigolepas.Situpréfères,tupeuxleurdonnerlebiberonunparun.Oualorspartiràla

rechercheduchiendepapa.—Bon,çava…Ilsedégageadesonempriseetbutsonboldelaitavecbruit.—Lechienasautépar-dessuslaclôtureetestpartiendirectiondesbois,déclara-t-il.Sierrasefigeasurleseuildelapièce.Commentsonfrèrepouvait-ilmontrerunetelleindifférence

enversunechosequitenaittantàcœuràleurmère?Ellesereprit,cen’étaitpasensedisputantavecluiqu’elleretrouveraitTrooper.

—Commentsais-tudansquelledirection ilestparti?Etdepuiscombiende temps tugardescetteinformationpourtoi?

—Jel’aivuilyaenvironunedemi-heure.—C’estmaintenantquetuenparles?Tunejugeaispasessentieldeprévenirquelqu’un?Parfois,ellesedemandaitsiNathanétaitunsombrecrétinouunmalademental.—As-tuaumoinsvuàquelendroitilestentrédanslesbois?—Oui.Ellefaillitl’étrangler.—Tuveuxbienmeledire?—Pendantunmomentilacouruunpeupartoutdanslacour.—Commentest-ilarrivédanslacour?SiNathanl’avaitlaissésortirsanssurveillancealorsqu’iln’étaitpasencorehabituéàlapropriétéet

unpeuperdu,ilauraitdesesnouvelles.—Hiersoir,asseztard,grand-pèrel’afaitsortiraprèsavoirtondulapelouse,expliqual’adolescent.Sur cesmots, il se leva et se dirigea vers la cuisine d’un pas traînant. Le coucou sonna le quart

d’heure.—Cematin,j’aivuTrooperescaladerlaclôture,puissauterpar-dessus.Ilestpassédevantlatable

depique-nique,puisaempruntélecheminverslaroute.IldoitêtrearrivéenIrak,àl’heurequ’ilest.—C’estbonàsavoir,merci.—Fallaitpasmeposerlaquestion.Nathanjetapratiquementsonboldansl’évier.—Bon,jevaisdonneràmangeràtesrats,maugréa-t-il.—Cesontdeschiots.Àquoibondiscuteravecunadolescentirascible?—Ilfaudraaussiquetusurveillesgrand-pèreaucasoùilluiviendraitl’idéed’allersepromeneren

notreabsence.Faistrèsattentionàluietappelle-mois’ilteposeproblèmeous’iltentedepartir.—Jetrouvequ’ondevraitlelaisseralleroùilveut.Peut-êtrequ’ilcherchesimplementpapa,comme

lechien.

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Cesparolescoupèrentlesouffleàlajeunefemmedurantquelquessecondes.Sansqu’ellepuisseseretenir,elleluidonnaunetapederrièrelatête.

—Tuesvraimentuncrétin!—Lavéritéestcruelle,qu’onl’exprimeàvoixhauteoupas,rétorqua-t-il.

Adossé à la tête de lit, dans sa chambre de motel, Mike jouait de la guitare. En plein décalage

horaire, il ne trouvait pas le sommeil. Dans la chambre voisine, un couple s’en donnait à cœur joie,derrièrelafinecloison.Unmilitairequicélébraitsonretour,sansdoute.

De l’autre côté, il entendit quelques pleurs de bébé. Pour oublier lemonde extérieur, il pinça lescordes de sa guitare.Quelques accords classiques, puis des airs qu’il avait composés lui-même. S’iln’étaitpasdouépourlesmots,ilétaitbonmusicien.Savieilleguitareacoustiquel’avaittoujoursaidéàpasserletempslorsdesesmissionsàl’étranger.

C’étaitsagrand-mèrequil’avaitencouragéàjouerdecetinstrument.Ellepouvaitsemontrerdebonconseil,même si elle faisait appel au poker pour lui expliquer ses exercices demathématiques.Mikedevaitl’avouer,c’étaitunejoueuseredoutable.Lui-mêmes’étaitfaitexpulserdedeuxcasinos,accusédetricherauxcartes.

Elleluiavaitaussienseignéàêtreéconome.Mêmesielleenavaitprofitépourvidersansvergognelecompteépargnedesonpetit-fils,peuaprèssonengagementdansl’armée.Elleavaitprétenduenavoirbesoinpourrembourserlecréditdesavoituremais,àsamort,Mikeavaitconstatéqu’ellen’avaitjamaiseudevoiture.

Malgrétouslesdéfautsdesagrand-mère,Mikel’aimaitetiln’avaitmêmepaseulachancededireaurevoiràlaseulepersonnequiavaitprissoindelui.

Enréalité, iln’avaitnullepartoùaller.Ilavaitrendulesclésdesonappartementetplacédansungarde-meublesesquelqueseffetsquiselimitaientàdesvêtementsetuntéléviseur.Àquoibonaccumulerdesobjetsquandondéménageaitrégulièrement?

Dans l’immédiat, il se contenterait donc d’une chambre de motel. Il préférait les meublés car ilgardaitainsisonindépendancesansavoiràsupporterlaprésencedecolocatairesoud’unepetiteamie,letempsderemettredel’ordredanssatêteentredeuxlonguesmissionsàl’étranger.Ilyavaittoujoursunenouvelleaffectation.Cetteviesolitaire luiévitaitdefairesemblantd’êtrenormalalorsqu’ilsesentaitvideetnerveux.Lemoindrebruitluidonnaitenviedefrapperdupoingdanslemuroudesecoucheràterre.Certainsparlaientdestressliéaucombat.Peuimportaitlenomquel’ondonnaitàcesyndrome.Illesubissait,voilàtout.

Unefoisenfermédanssachambre,ilavaitdéchargésonarmeetrangésesmunitionsenlieusûrpourêtrecertaindenepasviserlelivreurdepizzaparcequ’ilavaitklaxonnétroplongtempsouunefamille,dansunevoiture,aprèsunepétarade.Dieuseulsavaitcequirisquaitd’arriveràquiconqueallumeraitunpétardouencasdefeud’artifice.Ilseraitcapabledeseservirdesatableenguisedebarricade.

Mikeposasaguitareetprituneautrepartdepizza,puisilouvritunecanettedesodatiède.Laveilleausoir,afindecélébrersonretour,ilavaitbuquelquesbièresdevantuneémissiondetélévisiondontlesréférencesluiéchappaient.Aucoursdesonabsence,ilavaitperdulefildel’actualité.

Enentendantungrattementderrièresaporte, il s’interrompit.Détends-toi, songea-t-il.C’était sansdouteunobjetportéparlevent.Ilseforçaàavalerunebouchéedepizza,maislapaniqueluinouaitlagorge.

Lesgrattementssepoursuivirent.Dequoipouvait-ils’agir?Ilposalapizzaettenditlamainversson9mm.

Non.À grand-peine, il recula la main et se dirigea vers la porte comme un homme normal, dans une

chambredemotelnormale.Enregardantdanslejudas,ilvit…ilnevitrien.Cependant,lesgrattements

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sefirentplusinsistants.Danssonespritembrumé,unsignald’alarmeretentit.Ilécartalerideaudelafenêtresituéeprèsde

l’entrée.Mikeperçutalorsunbruitsourd.Poussantuncrid’effroi,ilfitunbondenarrière,avantdevoirun

chien bondir derrière la vitre. Il eut l’impression de recevoir un coup en plein cœur. Trooper ! Sonétonnementfitviteplaceàuntoutautresentiment.Sierraétait-ellelà,elleaussi?

Mikedéverrouillalaserrureetouvritgrandlaporte.PasdeSierra.Iln’yavaitpersonne.Enbaissantlesyeux,iltrouvanéanmoinsTrooper,assis,unevieilleballedetennisdanslagueule.Ilremuaitlaqueueetsesgrandsyeuxbrunssemblaientdire:

—Tuveuxjoueravecmoi?

Sierramauditlechienfugueur.Épuisée,abattue,elles’appuyacontrelepoteauduporche.Voilàqu’ellepleuraitàchaudeslarmespourunanimalqu’ellen’aimaitmêmepasvraiment.Certes,

ellen’avaitpaseu le tempsde leconnaître.Néanmoins,elleéprouvaitunecertaine jalousieenverscechienquiavaitaccompagnésonpèrelorsdesesderniersjoursdevie.

Elle réprima un sanglot, les yeux rivés sur l’allée de gravier qui menait à la route. À gauches’étendaientlesbois.Àdroite,lafermeenbriquesdeleursvoisins,desgensdistantsetunpeudérangés.Ilsn’avaientpasvuTrooper,euxnonplus.Detoutefaçon,ilsauraientplusvolontiersalertélafourrièrequerassuréLacey.

Sierraavaitaidésamèredanssesrecherchespendantcinqheures,envain.Pireencore,ellesavaientconstaté que Trooper avait arraché son collier avant de quitter la propriété lorsqu’elles l’avaientdécouvertparterre.Lechienavaitrendez-vouslelendemainchezlevétérinairepourunestérilisationetl’implantationd’unepuceélectronique.Àboutdeforces,lesdeuxfemmesavaientdécidédemarquerunepauseetderentreràlamaison.

Samèreétaitentraind’appelerlesautresrefugesdelarégion,aveclesquelsellecollaboraitsouvent.SiTrooperseretrouvaitdansl’und’eux,elleseraitavertiesanstarder.

Encorefallait-ilquequelqu’unleretrouve.Entantqueresponsabled’unrefugeprivé,elleconnaissait tropbienlesdangersquimenaçaientun

animalenfugue.Ets’ilavaitétépercutéparunevoiture?Ilpouvaitaussierrerdanslesrues,affamé.Ilavaitaussipuingérerunchampignonvénéneuxouunesubstancetoxiquedanslesbois.

Ellen’osaitpenserauxdétraquésquiinfligeaientdeshorreursauxanimauxerrants.Sierraavaitétéletémoin de ces maltraitances et de cette cruauté chaque fois que sa mère ramenait de nouveauxpensionnairesauRefugedelaSecondeChance.Ceschiens,ceschats,sansoublierunponey,unserpent,unechèvreetd’autrespetitesbêtes,avaienttousunpassédouloureuxdontilleurétaittrèsdifficiledeseremettre.

Comment Trooper avait-il pu survivre à la guerre en Irak, traverser l’océan et s’échapper dès lepremierjourpourfuirsavraiefamille?Ellesesentaitunpeucoupable.Elleavaitl’impressiond’avoirtrahi son père en ne respectant pas ses dernières volontés. Ses sanglots redoublèrent, venus du plusprofonddesonâme.Enquatremois,ellenes’étaitjamaisautoriséeàpleurerainsi.Refusantdeperdrelecontrôle,elleserralesdentspourmaîtrisersonémotion.

Longfellow. Ce qu’il lui fallait, c’était quelques vers un peu nostalgiques de Henry WadsworthLongfellow. Elle huma l’air embaumé. Un poème apaiserait ses tourments et chasserait les penséessombresdelajournée.

Soudain, elle entendit son grand-père augmenter le volume de sonmagnétophone à cassettes.Descornemuses interprétant Amazing Grace. S’il n’était plus capable de passer un CD, le vieil hommeparvenaitàfairefonctionnersonvieuxmagnétophone.Sacollectiondecassettesétait intacte,demêmequesescassettesVHSdefilmsdeJohnWayne.Ilmontalesonjusqu’àfairehurlerleschiens.

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Soudain,lesjambesdeSierrasedérobèrent.Elles’écrouladanslefauteuilàbascule.Elleavaitl’impressiondevivredansunesérietéléviséeouuneémissiondetéléréalité.Ellen’avait

qu’uneenvieencetinstant,voirsonpèreapparaîtreàcôtéd’elle.Illuidiraitquelquechosecomme:—Sierra,mafille,j’aimetamèredepuisquejel’aivue,àl’époquedulycée,grimperdansunarbre

pourremettreunoisillondanssonnid.Ilfautsuivresonexempleetlasoutenir.Laceyaledondeprendreunesituationinsenséeetd’enfairequelquechosedeformidable…commenotrefamille.

Sonpèresavaitprendredureculet larassurer,avecunenoted’humour. Il luimanquait tellement!Ellevoulutchasserseslarmesensefrottantlesyeux,maisenvain.Etpourtant,àquoibonpleurer?Celane servait à rien. Son grand-père avait sans doute oublié qu’il y avait des joueurs de cornemuse auxfunéraillesdesonpère.

Soudain,elleentenditunbruitdemoteur.L’undeslabradorssemitàaboyeràtue-tête.Elleséchaseslarmesàlahâteàl’aidedesontee-shirtettentad’yvoirplusclair.Ohnon!Ellereconnutsanspeinelevieuxpick-uprougequiremontaitl’allée.C’étaitceluideMike.Quevenait-ilfaireaurefuge?Lajeunefemmesentitsoncœurs’emballermalgréelle.

Iln’étaitpasseul.Unpassagerétaitassisàcôtédelui.Ellefitquelquespassousleporcheetagrippalarambarde,aucasoùelleauraitdenouveauunmomentdefaiblesse.Maiscepassagern’étaitpasunepersonne…

C’étaitunchienquiavaitpassésatêteàl’extérieurettiraitlalangue.Maispasn’importequelchien.Trooperlasaluad’unaboiementenjouécommes’ilrevenaitdepromenade.Sierras’efforçad’assimilerqu’ilavaitsautépar-dessuslaclôturepourpartiràlarecherchedeMike.OrMikel’avaitretrouvé,cequin’avaitaucunsens,carilignoraittoutdesafugue.Ellesauraientdûl’appelerdèsledépart.

LavieilleFords’arrêtadevantlamaison.Sierrarefusaderegarderl’arrièreduvéhiculeoù,naguère,surunecouverture,elleavaitcontemplélesétoiles,danslesbrasdeMike,dontelleétaitalorsfollementamoureuse.

Ilpritson tempspourdescendreduvéhicule.Elle le trouva irrésistibleavecson jeandélavéetsachemiseunpeufroissée.

—Tun’auraispasperduquelquechose?Elleenlaçalepilierduporcheets’efforçadesemblerdétendue.—C’estpossible.Autrefois,elleavaitperdusoncœurpourledonneràcethomme.—Ilestmignon,tonchien,reprit-elle.C’estdrôle,ilmesemblevaguementfamilier.Trooper sauta à terre et semit à reniflerClémentine, le labrador à troispattes, venue l’accueillir,

avantdeseprécipiterversMike.Sierraréprimaunsoupirdesoulagement.Laportedelamaisons’ouvritavecfracas.Laceyapparutetdescenditlesmarchesenpoussantuncri

dejoie.ElletombaàgenouxetserraTrooperdanssesbras.—Tuesvraimentuncoquin!s’exclama-t-elle.Qu’est-cequit’apris,det’enfuir?Elle passa les doigts dans sa fourrure comme pour s’assurer que lemonde extérieur ne lui avait

infligéaucuneblessure.Peuluiimportaitqu’ilaitsurvécuseuldansledésertavantderencontrerAllen.—Quelqu’unt’aparlédetonrendez-vousdedemainchezlevétérinaire?Jeteprometsquetuseras

endormi…Laceyenfouitlevisagedanssonencolure,puiselletenditunbraspourattirerClémentineetétreindre

lesdeuxchiens.SierraobservaMike.Sonregardexprimaitunedouleurquiluirappelacellequesamèreetelleressentaientchaquejour.ElleavaitoubliéàquelpointMikerespectaitsonpère.Aupointdelaquitter,derenonceràcequ’ilsavaientpartagé.

Samèrelevalatêteverslui:—Merci,Mike.Commentl’as-turetrouvé?Commentas-tusuqu’ilavaitdisparu?C’estSierraqui

t’aappelé?

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Mikefitletourduvéhiculepourlarejoindre.—Ilm’aretrouvétoutseul.LaceyselevaenfinetétreignitMike.—Mercidenousl’avoirramené,répéta-t-elle.Unpeugêné,illuitapotal’épaule,puiss’écartad’elle.—Jevoulaisvousappeler,maismontéléphoneétaitdéchargé.J’aiessayédepuislemoteletjesuis

tombédirectementsurvotreboîtevocale,alorsj’aidécidédevenir.—Je devais être en ligne avec la fourrière, fitLacey avecun soupir.Enfin, l’essentiel, c’est que

Troopersoitlàsainetsauf.Ilfautquejepréviennetousmescontactsafinqu’ilscessentlesrecherches.Elles’éloignaverslamaisonsanscesserdeparlertouteseule.SierraseretrouvaencompagniedeMike,dansuneatmosphèrepesante.Appuyéecontreunpilierduporche,elleobservaitlechien.Clémentinerevintsecoucherlourdement

devant laporte.Si le labradorn’avaitplusque troispattes,c’étaitbienelle lechefde lameuteet lesautreschiensl’avaientcompris.

—Le réseau demamère est très étendu, déclara la jeune femme. Elle va passer une éternité autéléphone.

—Ilparaîtqu’ilestimpressionnant,eneffet.—Cen’estriendeledire,fit-elleavecunemoue.—Tun’espasheureusequ’elleaitouvertsonproprerefuge?—Cen’estpascequejevoulaisdire.Elles’envoulaitdenepassuffisammentsoutenirsamère,alorsquecettedernièreavaittoujoursété

présentepoursesenfants,etsouventseule.Êtrebénévoledansunrefugeétaitunechose,transformersapropremaisonenunétablissementrecueillantlesanimauxabandonnésenétaituneautre.

—Jemesuismalexprimée,repritSierra.J’étais tellement inquiète.Trooperavaitdisparuet ilneconnaîtpaslarégion.Ilauraitpusefairerenverserparunevoiture.Connaît-ilaumoinslesdangersdelaroute?Monpèrevoulaitquenousadoptionssonchienafinquenouspuissionsveillersurlui.

Mikegravitlentementlesmarchesduporche.—Sierra,toutvabien,maintenant,assura-t-ilenposantunemainsursonépaule.Trooperestlà,bien

vivant.Envousleconfiant,tonpèresavaitcequ’ilfaisait.—Sionarrêtaitdeparlerdemonpère?Sierraétaitsurlepointdecraquer.Aucontactréconfortantdesamainpuissante,ellerisquaitdese

jeterdanssesbras.Ilfallaitabsolumentqu’ellegardelecontrôled’elle-même.Mikeparutlecomprendreetreculad’unpas.Ils’adossaàl’autrepilier.

—Cechienneteréconfortepas,n’est-cepas?—Cen’estpascela…ElleplongeadansleregardsombredeTrooperquisemblaitladévisager.Elleeutl’impressiond’y

décelerlerefletdesonpère.—Levoirmerappellepapa.—Commemoi…—Jen’aipasditça!s’emporta-t-elle.—Maistul’aspensé.Sierrasetrouvatirailléeentrehonteetculpabilité.—Mercidenousl’avoirramené.Depuisquenousavonsdécouvertsonabsence,tôtcematin,nous

étionsfollesd’angoisse.— Il a fait pasmal de kilomètres pourme rejoindre, ditMike en croisant les chevilles d’un air

détendu.Ilasansdoutevadrouillépendantdesheures.—Tuétaisàunefête?demanda-t-ellemalgréelle.

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Aumoins,elleneluiavaitpasdemandés’ilétaitavecunefille.—J’étaisdansmachambreaumotel,expliqua-t-il,unsourireaucoindeslèvres,commes’ildevinait

sespensées.Seul.Sierraparvintànepaspousserunsoupirdesoulagement.Enfinpresque,carelles’empourpra.—CommentTroopert’a-t-illocalisé?Mikeladévisagead’unairquisuggéraitquenisagêne,nisonintérêtpourluineluiavaientéchappé.—Ilfaudraluiposerlaquestion,répondit-il.Il joua le jeude la jeune femmeetne reconnutpasouvertement l’attirancephysiquemanifestequi

existaitentreeux.—SaufqueTrooperneparlepas,reprit-il.—Ilenauraitdeschosesàraconter.Ilssetrouvaientfaceàface.Leurspiedssetouchaientpresque.Ilsn’étaientpaspiedsnus,mêmesi

les sandales de Sierra étaient usées. Et pourtant, cette proximité était presque… intime.En tendant lajambe,elleauraitpuluicaresserlachevilledesesorteils.

Unanplustôt,c’estcequ’elleauraitfait.Ensuite,illuiauraitprislamainetl’auraitattiréedanssesbras pour l’embrasser à perdre haleine. La simple présence deMike suffisait à lui couper le souffle.C’étaitencorelecas,silongtempsaprèsleurrupture.

Ilsavaientpartagétantdebonsmoments.Outreleurattirancephysiqueréciproque,ilyavaitquelquechose de fort entre eux. Puis, un jour, il avait décidé qu’ils ne pouvaient continuer parce qu’il ne setrouvaitpasassezbienpourelleetquecelaauraitétédéloyalenverslecolonel.

À l’époque, ses prétextes avaient semblé légers à la jeune femme. Il avait certainement une autreraisonderompre.Peut-êtren’avait-il toutsimplementplusenvied’elleetn’avaitpasosé l’avouerparégardpourlecolonel?

Riendetelqu’unsouvenircruelpourredescendresurterre.Elleseredressa,s’écartantunpeudelatentation.

—Merciencored’avoirramenéTrooper.J’aifaimetilfautquejeprenneunedouche.—D’accord,fit-ilenhochantlatête.Jevaistelaisser,maintenantquejet’airemislechienpourla

deuxièmefois.Elle savait que son départ était inévitable et qu’il aurait été stupide d’espérer autre chose.

L’épuisementdevaitlarendreplusvulnérable.Entournantlestalons,elleseretrouvanezànezavecsongrand-pèrequisetenaitsurleseuil.Depuiscombiendetempsétait-illà?Commentsefaisait-ilqu’ellen’aitpasremarquésaprésence?

LevieilhommeluidonnaunetapedansledosavantdesetournerversMike.—Bonjour,mongarçon,dit-il.LorsqueJoshuaneprononçaitpaslenomd’unepersonne,c’étaitparcequ’ilnelareconnaissaitpas,

mêmes’ill’auraitdû.—Turestesdéjeuner,j’espère?ajouta-t-il.Aumoinsavait-ilunevaguenotiondel’heurequ’ilétait.SierraadressaunsourirenavréàMike.—Mercimonsieur.C’esttrèsaimable,réponditMikeenmontantenvoiture.Maisceneserapasla

peine.Jevoulaissimplementvousramenerlechien.C’estchosefaite.Jevouslaisse.— Il y a du chili. Je le sais parceque c’estmoi qui l’ai préparépendant que les bonnes femmes

étaientsorties.Lesbonnesfemmes?Songrand-pèren’avaitdoncjamaisentenduparlerdupolitiquementcorrect?Legénéralpoursuivit:—Ellesn’aimentpasquejefasselacuisine.Ellesontpeurquejemettelefeuàlabaraque!Alors

onatrouvéuncompromis.J’utiliselamijoteuse.

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Lacuisineétaitdésormaiséquipéedetouslessystèmesdesécuritédestinésauxenfantsenbasâge.Ilyavaitaussid’innombrablespetitsmots,carilétaitencorecapabledelire.

—J’aimebeaucouplechili,général,déclaraMikeenfaisantletourdupick-up.Sierrasentitsoncœurs’emballer.Allait-ilaccepterl’invitation?—Mais,ceserapouruneprochainefois,reprit-il.À en juger par l’étincelle qu’elle décelait dans son regard, il savait parfaitement à quel point il

troublaitSierraparcesparolesàdoublesens.Elleserralesdents.Ilvoulait joueravecelle?Ilallaitêtreservi.

—Allez,Mike!lança-t-elle.Restedéjeuneravecnous!Situaimeslechili.—Merci,mais…—Mongarçon,coupalegénéralendésignantl’intérieurduranch,entredonc.Jesaistrèsbienque

lesplatsmaisonsontmeilleursquelatambouillequel’onsertlorsdesmissionsàl’étranger.Songrand-pèreétaitfinalementdansunbonjour.Parfois,Sierrasedemandaits’ilnelesfaisaitpas

marcherensimulantladémence.Quelvieuxgrigou.Ellefaillitensourire.Ilétaitgrandtempsquecessecepetitjeu.—Grand-père,Mikeacertainementuntasdechosesàfaire.Nousluiavonsdéjàfaitperdreassezde

temps.Ilaeulagentillessedevenirjusqu’icipournousramenerTrooper.—J’aibienl’impressionquecechiennecomptepasresterici,bougonnalevieilhomme.Pourquoidisait-ilcela?Elle scruta les alentours. Trooper s’était encore volatilisé. Au moment où elle allait céder à la

panique,ellelevit.Ilétaitassissurlesiègepassagerdupick-updeMike.Legénéralseredressafièrementetordonna:—Turestesdéjeuner,mongarçon!C’estunordre.Ons’installeradanslejardin.MikeposalesyeuxsurSierra,puissetournaverssonvéhicule.—Trèsbienmonsieur.Merci.Ellen’enrevenaitpas.Ilvenaitd’accepter.Était-ceunemanigancepourserapprocherd’elle?Peut-

êtreespérait-ilobteniruneétreintefurtive,aprèslechili,pourfêtersonretour?Danscecas,ilseraitdéçuetilallaitdevoirsecontenterd’unebouledeglaceàlavanillepourtout

dessert.

UneinvitationàlatabledesMcDaniel,surlaterrasse,étaituneexpériencesurréaliste.Mikeavaitdéjàprisdesrepaschezeux,parlepassé,durantsabrèverelationavecSierra.Ilsavaient

rompujusteavantqu’ilnereçoivesonordredemission.Ilavaitbienvuàquelpointelleavaiteulecœurbriséde lesvoirpartir, lui et sonpère.Être filledemilitairen’étaitpas facile et il supposaitqu’ellerefuseraitdedeveniruneépousedemilitaire.Maisqueseraitdevenul’enfantàproblèmesélevéparunegrand-mère coupable d’escroqueries sans l’armée ? Son père l’avait abandonné, ne supportant pas devoirenluilesouvenirdouloureuxdesafemmemorteenlemettantaumonde.Mikenevoulaitplusêtresynonymededeuil.

Quefaisait-ilchezlesMcDaniel,commes’ilprenaitpartàuneréuniondefamille,sousunparasol,tandisqueleschiensaboyaientderrièreeuxetqu’unchats’étaitendormisursespieds?

Ilétaitrestéparcequ’illuiavaitétéplusfaciled’accepterl’invitationquedemonterenvoiturepourquitterànouveauSierra.Avantlafindurepas,ilcomprendraitpeut-êtrepourquoiilavaitagidelasorte.Alors,ilsesentiraitmieux.

Cettetribuaussiexcentriquequ’attachanteluiavaitmanqué.LamèredeSierraportaitdesbottes,unshortetuntee-shirtfigurantunpitbull.NathanhébergeaitunénormeserpentnomméBosursesépaulesetnulnesemblaits’enétonner.Mêmelegénéral,vêtud’unjoggingetd’untee-shirtdel’armée,paraissaitfamilieraveclereptile.

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EtSierra…Ilnepouvaitposerlesyeuxsurellesanss’émerveillerdesonallure.Elleavaitunetelleclassenaturellequ’elleétaitélégantemêmeendébardeuretenshort.D’autantplusqu’ilsavaitque,soussesvêtements,setrouvaittatouéesursahanche,unecitationdeShakespeare.

—Unbiscuitsalé?luiproposaLaceyenluitendantlacorbeille.—Volontiers,merci.Lechilin’étaitpasmauvaisdu tout.Si legénéralavaitperdu lamémoireenunan, il était encore

capabledebiencuisiner.—C’estbienmeilleurqueleplatsurgeléquej’auraisréchaufféaumicro-ondesdansmachambrede

motel,commenta-t-il.S’ilyavaitunechosequimanquaitàMike,danscetteviedebâtondechaise,c’étaitlapossibilitéde

préparerdebonspetitsplatsàsaguise.Legénéralarrosasonassiettedesauceaupiment.—Dansquelmoteles-tuinstallé,soldat?demanda-t-il.Ilfautfaireattentionauxprostituées.Elles

peuventnonseulementtepiquertonportefeuillemaisaussitefilerdesmaladies.—Grand-père!s’exclamaSierra.—Tusaisdequoituparles,hein,grand-père?intervintNathanens’adressantaugénérald’unton

sentencieux.Laceyeneutlesoufflecoupé.—Jeveilleraiànepasm’attirerd’ennuis,assuravivementMike.—C’estbien,fitJoshuaenposantleflacondesaucesibrutalementqu’ilfittremblerlesverres.Etsi

tudisçauniquementpourmerassurer,n’oubliepasdesortircouvert.—Bienmonsieur, bredouilla-t-il, bien décidé à détourner cette conversation délicate. Et si on en

parlaituneautrefois?Cesdamespourraientêtregênées.—Ahoui,c’estvrai.Désolé,meschéries.Lacey,passe-moilepiment,s’ilteplaît.—Maistuasdéjà…Nathanl’interrompitentendantlasauceaugénéral:—Tiens,grand-père.Sierraluidonnaunetapesurlebras.—Tudevraisygoûteravantd’ajouterdupiment,grand-père.Ilestdélicieuxcommeça.—Laceynemetjamaisassezdepiquantdanssesplats,assuralevieilhomme.SierraadressaàMikeunregardgêné.Legénéralavaitdéjàoubliéqu’ilavaitpréparélui-mêmele

chili.Comme si la famille n’avait pas assez de chagrin…Mike se sentit un peu coupable, de revenirvivantalorsquel’hommedontilsavaienttantbesoinn’étaitplus.Ilauraitaimélesaider,maisl’attiranceélectriqueentreSierraetluiconstituaitunevéritabletorturepoureuxdeux.

Lechantdesoiseauxsemêlaitauxaboiementsdeschiens.Legénéralarrosaànouveausonassiettedesauceaupiment et dégusta sonplat avecunplaisirmanifeste.Si, au loin, lebruit de la circulation sefaisaitentendre,pasunevoixnevintromprelesilencepesantquirégnaitàtable.

Nathanlevalatête,imitéparsonserpent.—Mike, tudevraishabiterdanslenouveaustudioqu’onainstalléà l’étage,danslagrange.C’est

propreettunerisqueraispasdecroiserdesprostituéesetd’attraperdesmaladies.

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4

Sierra avait des envies de meurtre. Devait-elle étrangler son frère pour avoir fait à Mike cettepropositionabsurde,ouMikequisemblaithorrifiéà l’idéedevivredanscestudio?Sonattitudeétaitclaire,ilnevoulaitpluslavoir.Pourquoiexprimait-ilaussiouvertementsonindifférence?

Pourêtrefranche,laperspectivedel’avoirsouslenezenpermanencenel’enchantaitpasdutout,ellenonplus.D’ailleurs,ellecomptaits’installerdanscestudio.Àvingt-troisans,elleavaitenvied’unpeud’indépendance.Elleaimaitson travaild’assistanteà l’université,etelleavait lesmoyensde louerunpetit appartement. Mais sa mère n’avait pas le budget nécessaire pour payer un employé qui laremplaceraitaurefuge.Sansparlerdustressquecelaengendrerait.Sierran’avaitdoncd’autrechoixqueresterlàpourprêtermain-forteàsafamille,cequ’elleacceptaitsansdifficulté.

L’air dégoûté qu’avait pris Mike à l’évocation du studio dans la grange la poursuivait. Il fallaitabsolumentqu’elletrouveundérivatifpouréviterderessassercespenséesnégatives.

Mikerepoussasonassietteetposasaserviette.—C’estgentil,Nathan,maisjesuistrèsbienlàdanslemotel.L’adolescentenroulaleboaautourdesonbrasenfaisantminedeleposersurl’épauledeSierra.—Toi,tuespeut-êtrebien.Onnepeutpasendireautantdenous.Abasourdie,Laceyagrippalepoignetdesonfils.—Nathan!Tais-toiunpeuetlaissetasœurtranquille.Mikeobservatouràtourlesconvivesets’attardasurSierra.—Queveutdiretonfrèreparlà?luidemanda-t-il.—Rien,rétorqua-t-elleenfoudroyantNathanduregard.Qu’étaitdevenulepetitgarçonadorablequiluioffraitsapartdecéréalesetsesfigurinesquandilla

voyaitpleureraprèsledépartdeleurpère?—Ons’ensorttrèsbientoutseuls,reprit-elle.N’est-cepas,maman?—Toutestsouscontrôle,confirmaLacey.Unpeutendue,elleselevaetentrepritdedébarrasserlatable,signalantlafindurepas.—Naturellement!raillaNathand’untonnarquois.LaceyMcDanielgèrelasituation.—Nathan,nesoispasinsolentenverstamère!lançaJoshua.Boleboasemitàsiffler.— Enfin ! répliqua l’adolescent en levant les yeux au ciel. Tu choisis bien ton moment pour te

souvenirdemonprénom.Génial.Pendantquetun’espastropàl’ouest,grand-père,expliqueàRambocommentmamanarrive à faire croire auxgensque tout est normaldans cettebaraque, alorsque c’estfaux.Raconte-luicommentj’aifailliavoirunemainécraséeenessayantderéparerunefenêtrecoincée.

Àmesurequesonfrèreénuméraitleursmésaventures,Sierrasevoûtaitdeplusenplussursachaise.

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—Ettutesouviensdujouroùlestuyauxdelasalledebainsontexplosé?Unvraicauchemar.Jefaisdemonmieuxpouraider,maisj’aiàpeineseizeans.JepeuxbricoleravecunrouleaudeScotchouuneagrafeuse,pasplus.Papan’apaseuletempsdem’apprendreàréparerdeschoses,ajouta-t-il,furieux.

Laceyreposasibrutalementlesassiettessurlatablequesonfilss’interrompit.— Tais-toi, Nathan ! Mike Kowalski n’est pas responsable de nos ennuis. Alors tu arrêtes,

maintenant!Jeneplaisantepas.—Bon,d’accord,jeremballe,bougonnal’adolescent.Iljetasaservietteetramassaunetaied’oreillerqu’ilavaitposéeàterre.Ilyfitentrerdélicatement

leboaetrefermalataieàl’aided’uncordon.—Maman,tuveuxbienramenerBoàl’intérieur?Jevaisfaireuntour.Sansattendrederéponse,Nathanposasonchargementsurlatable,renversantsonverredethéglacé

au passage. Il glissa ses écouteurs dans ses oreilles et s’éloigna en direction des bois, feignant uneassurancequ’ilétaitloinderessentir.

Suffisait-ildes’éloignerpourréglerunproblème?Labrisefaisaitvoleterlesserviettesetlescouverturesquiséchaientsurunecordeàlinge.Àlafoisconfusetagité,legénéralsegrattalatempe.—Jeveuxdelasauceaupiment!déclara-t-il.Ilselevad’unbondetgravitlesmarchesduporchepourregagnerlamaison.Abandonnantsesassiettes,Laceyexpliqua,avantdeselanceràsapoursuite:—Jedoislesuivre.Ilestcomplètementperduetilperçoitlatensionquirègneàtable.Cenesont

pasdesconditionsidéalespourlui.Elleenoublia le serpent sur la table.Sierra se retrouvaseuleenprésencedeMike,ànouveauen

proieàdessentimentscontradictoires.Soudain,l’absurditédesonexistencelafrappadepleinfouet.Àquoibonlutteroufairesemblant?Autantsejeteràl’eau.

Sierrapritlataied’oreilleretresserralenœudducordon.—Tuveuxadopteruncompagnon?demanda-t-elleen lui tendant le serpent.Onn’enmanquepas

ici!Mike faillit éclater de rire. Il avait presque oublié l’humour féroce de la jeune femme.Au fil du

temps,seullesouvenirdeleursdisputesétaitresté,avecceluideleursébats.Lorsqu’ellebranditleserpentenfermédanssataied’oreiller,unsourireauxlèvres,d’autresimages

ressurgirent. Leurs rendez-vous amoureux, les concerts auxquels ils avaient assisté à Nashville, leursfêtesentreamis,auborddufleuve…Commesonpère,Sierraavaitledondedétendrel’atmosphèredanslesmomentsdifficilesetdefaireressortirlemeilleurchezlesautres.Commelui,elleétaitaltruistedenature.Alorsqu’ilsemouraitdanslesbrasdeMike,lecoloneln’avait-ilpasréussiàglisserunenoted’humourdanssesultimesparoles?

Soudain,Mikeselaissaalleràlatristesse.Lesouvenirdel’odeurdesexplosifsetdusanglesubmergeasibrusquementqu’ilfaillitcéderàune

nausée.Ilrefoulacesimages,maisilsavaitd’expérienceque,lorsquelepassévenaitlehanter,ilavaittouteslespeinesdumondeàs’enéchapper.Ilfallaitqu’ilquitteauplusvitecelieu.

—Mercipourcedéjeuner,déclara-t-il.C’estgentildem’avoirinvité.Ilselevaetpritsesclésdevoituredanssapocheavantdecontinuer:—Jevaisretourneraumotelpourfaireunesieste.Jesuisencoresousl’effetdudécalagehoraire.—Biensûr,répondit-elleens’écartantlégèrement.MercidenousavoirramenéTrooper.Nousavons

eutrèspeur.Mamanetmoiavonsperdubeaucoupdetempsàlechercher.Jedoisrattraperletravailquejen’aipaseuletempsd’accomplircematin.Heureusement,c’estdimancheetjen’aipascours.

—Jepeuxvousaiderd’unefaçonoud’uneautre?proposaMike.—Cen’estpascequejevoulaisdire,jet’assure.

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—Jesais.Vousêtesfarouchementindépendantes,j’ensuisbienconscient.Mikescrutalesalentours.AprèslesproposdeNathan,ilvoyaitleranchd’unœilnouveau.Leporche

avaitbesoind’unecouchedepeinture,unvoletpendaitlamentablement,sansoublierlejardininfestédemauvaisesherbes.Commentpouvaient-ellesêtresihautesalorsquelapelouseétaitsibientondue?Ilnes’expliquaitpascetteincohérence.

Fierducouragedesonépouseetdesétudesbrillantesdesafille,lecolonelétaitpersuadéquetoutallaitpourlemieuxchezlui.

—Tonpèreignoraitqueleranchsedélabraitetcombienlasantémentaledetongrand-pères’étaitdégradée,n’est-cepas?

—Àquoibon le luidire?La tristevéritén’aurait faitque l’inquiéter,etnousnevoulionspas lemettreendangerenluiimposantdessoucissupplémentaires.

Leursilencen’avaitpasempêchéAllendeperdrelavie.— Jem’étonne qu’il n’ait pas remarqué combien son père avait changé lors de vos échanges par

Skype.—Nousnousensortionsenluidisantquegrand-pèredétestaitSkype,cequilimitaitladuréedeleurs

conversations.La vie de la jeune femme se limitait donc à gérer cette situation familiale. C’était d’autant plus

intolérablequ’avecsonsalaired’enseignante,elleauraitpuquitterleranch.Orelleavaitchoisideresterpourveillersursongrand-père.Unteldévouementpoursafamillen’étaitpassifréquent.

Unemèches’étaitéchappéedesaqueuedecheval.Mike laglissadoucementderrièresonoreille.Sesdoigtsbrûlèrentdes’attarderuninstantsurlapeausoyeusedesoncou.

—J’étaissincèreenteproposantmonaide.Sachequetupeuxm’appelern’importequand.—Jen’ymanqueraipas.Sierran’étaitpasdouéepourlemensonge.IlallaitleluifaireremarquerquandNathanréapparutencriant:—Jamaisellenetedemanderadel’aide,jamais!Sierraserenfrognaetbranditlataied’oreillercontenantleboa.—Nathan,tuoubliestonserpent.—Quoi?fit-ilenremettantsesécouteursdanssesoreilles.J’entendsrien.Surcesmots,ilpassadevantellesansunregardetregagnal’intérieurdelamaison.SiMikeavaitosésecomporterdelasorte,sonpèrel’auraitcorrigé,mêmes’iln’étaitpassouvent

présent. Quant à Allen, il n’aurait pas toléré une telle insolence de la part de son fils. Toutefois, lecolonel avait une façon plus posée d’exprimer son mécontentement. Il se contentait d’un silenceréprobateur.Cependant,Nathanserait-ilaussiprovocateur,aussiagressif,sisonpèren’étaitpasmort?

—Tonfrèrevabien?interrogeaMike.—Franchement?Onnelecomprendplus.Sesyeuxbleussevoilèrentdetristesseetdefrustrationàlafois.—Ilétaitdéjàdifficileavant ledrame,maisàprésent, jene le reconnaisplus, reprit-elle.Quand

j’entendsceshistoiressurdesadolescentsquisombrentdansladélinquance,jemedisquenousdevrionspeut-êtrenousmontrerplussévères.Mamanaparléàsesprofesseursetà lapsychologuescolaire. Ilspensentqu’ilabesoindetempspourfairesondeuil.

—Avecunsoutienpsychologique?—Peut-être.—Tumesemblestrèsinquiète.—Commentnepasl’être,faceàungarçondeseizeansquivientdeperdresonpère?Elles’assitlourdementdansunfauteuildejardinetpoussaunsoupir.—Alorsoui,jesuisinquiète,avoua-t-elle.

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—Pourtant,tunecessesderépéterquetuvasbien.Ilplongeadanssonregardavantdepoursuivre:—PourquoiNathanaurait-illedroitdesouffriretpastoi?—Noussouffronstous,maisjesuisuneadulte,répondit-elleenagrippantlesaccoudoirsdufauteuil.

Etcetteconversationcommenceàmegêner.—Jesaisquejen’aiplusledroitdem’immiscerdanstavie,déclara-t-ilnonsansregret.Cependant,

tunem’empêcheraspasdepenserquejepeuxmerendreutileici.—Monfrèrenecherchaitqu’ànousprovoquerenteproposantdet’installerdanslestudio,assura-t-

elle.—C’estévident.—Tuvasquandmêmedevoirtrouverunlogement.—Ouietcelarisqued’êtredifficile.Engénéral,leslocationssefontàlongterme.Il évitait de penser à l’avenir autant que possible. Il était déjà assez difficile de vivre lemoment

présentquandonrevenaitdel’enfer.—Or,jeneresteraisansdoutequequelquesmois,reprit-il.Autantresteraumotel.Ildevinaitaisémentlaquestionquibrûlaitleslèvresdelajeunefemme.Leurrelationétaitunsujet

délicat.Ill’avaitquittéeensachantquec’étaitlabonnedécision,maisilnepouvaitnierl’attirancequiexistaitencoreentreeux.

Unealchimiedeplusenplusmanifeste.Envérité,ilavaittouteslespeinesdumondeànepaslatoucher.Ilsavaitcommentelleaimaitêtre

embrassée,caressée.Lessouvenirsdeleursmomentspartagésenvahissaientsonespritchaquefoisqu’ill’approchait.

—Tucomptesrepartir?demanda-t-elleenpenchantlatêtedecôté.Oùça?Voilàcedontilavaitbesoinpourremettredel’ordredanssesidées.—FortBragg.J’aidegrandeschancesd’êtremutédanslesForcesSpéciales.Impressionnée,lajeunefemmeécarquillalesyeux.—Félicitations. Tu seras donc unBéret vert. Il y a de quoi être fier. Tu feras partie d’une unité

d’élite.Saufsilesergent-majorleréprimandaitpouravoirramenélechienetleprivaitdecetteaffectation

enreprésailles.Sonsupérieuret luiétaientendésaccorddansdenombreuxdomaines.Mikes’étonnaitd’ailleursquelesergent-majorneluiaitpasmisdebâtonsdanslesrouespourfreinersonascension.

Quoiqu’ilensoit,ilquitteraitbientôtFortCampbelletsessouvenirsdouloureux…ainsiqueSierra.Penserait-iltoujoursàellechaquefoisqu’ilsentiraitunparfumd’agrumesflotterdansl’air?

Il ne put s’empêcher de glisser une nouvelle fois samèche de cheveux derrière son oreille alorsqu’ellen’avaitpasbougé,pourleseulplaisirdececontact.

—Ilfautvraimentquej’yaille,conclut-il.Aurevoir,Sierra.Prendssoindetoi.Ilmitlesmainsdanssespochesmaissesyeuxdévoraientlajeunefemme.—Toiaussi,répondit-elle,uneombredansleregard.Mikefutsoudainsubmergéparlesregrets.Ilsavaienttantperdu,touslesdeux.Ilsepenchaverselleetdéposaunbaisersursonfront.Naturellement,ilauraitpréférélaserrerdans

sesbras, luidireque rienn’avait d’importance,qu’ilsdevaientprofiterdesmomentsqu’ilspouvaientencorepartageravantsondépart.Mais ilvalaitmieuxnepaspenseraupasséetà l’avenirpourvivrepleinementleprésent.

La joue contre la tempe de Sierra, son souffle dans ses cheveux, il ne s’écarta pas tout de suite.Pourquoineparvenaient-ilspasàrenoncerl’unàl’autre?

Surlatable,leboas’agitadanssonsac,aupointqu’iltombaàterre.Surpris,Mikeeutunmouvementderecul.Devait-ilounonseréjouirdecetteinterruption?

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Sierrademeuraimmobilependantsilongtempsqu’ilsepritàespérerqu’ellel’attireversellepourl’embrasser,oubienqu’elleluidemandederester.

Hélas,ellen’enfitrien.Mikes’éloignadonc,d’abordàreculons,puisiltournalestalonspourregagnersonpick-up,lesyeux

baissés.Sansunregardenarrière,ilmitlemoteurenmarcheetdémarraentrombe,désireuxdes’enfuir.Surlecheminjalonnéd’ornières,ilroulavite,malmenantsesamortisseurs.Remettreenétatcettealléen’auraitpasétéunluxe.C’étaitunexempledeplusquelafamilleMcDanielavaitbesoindequelqu’unpourarrangerleranch.

Naguère,Sierraaimait lavied’étudiantesur lecampuset rêvaitd’avoirunappartementàelle.Entravaillantàlabibliothèquependantsontempslibre,elleavaitfaitdeséconomies.Plustard,elleavaitdûrenonceràsesprojetspouraidersafamilleauranch,carsonpèrerepartaitenmission.Elleallaitdevoirresterpluslongtempsqueprévu.

Mikeavaittantdechosesàluidire,àluidemander.Hélas,leursrelationsétaientdéjàcompliquéesquandsonpèreétaitenvie.Maintenantquelecolonelavaitdisparu,unmursupplémentaires’étaitdresséentreluietlajeunefemme.Iln’étaitpasl’hommequ’ilfallaitàSierra.Ilenétaitconscient,maiscelanel’empêchait pas de vouloir l’embrasser, redécouvrir son corps. Incapable de résister à la tentation, ilregardaunedernièrefoisdanslerétroviseur…

…etvitTrooperassisàl’arrièredupick-up,oreillesauvent,languependante.

Sierraclaqua laportede lamaisonets’adossaauboismassif, lecœurbattantà tout rompre.Elles’étaitruéeàl’intérieuraulieuderegarderlavoituredeMikes’éloigner.

Unefoisdeplus.EllesongeaàunversdeJohnDonnedansLeCoucherdesaMaîtresse:«Nu!Nuditénue!Àtoila

joieestdue.»Desmotsévocateursquiluitrottaientdanslatêtedèsqu’ellesetrouvaitenprésencedeMikeKowalski.Saufque sonbaiser avait éveillé enellebienplusquedes imagesdenudité. Il avaitemplisoncœurderegretsdecequin’arriveraitjamais.

La jeune femmese laissaglisserà terrepour s’asseoir sur le tapis.Elleenavait assezdedireaurevoiràdespersonnesquinerevenaientplus.Elleenavaitassezdesouffrir.Depuisunan,elleavaitsubisonlotd’épreuves.

Celafaisaitdixans,enréalité.Lesonducoucourésonnadanslamaison.Enproieàundébutdemigraine,Sierratentademaîtriser

lesbattementseffrénésdesoncœuretderemettredel’ordredanssespensées.Enseconcentrantsursarespiration,elleserenditcomptequequelquechosen’allaitpas.Toutétait tropcalme,tropsilencieux,outre le tic-tac de cette maudite horloge, symbole d’une vie décousue et itinérante de militaire. Sajeunesse était un patchwork dont les morceaux provenaient du monde entier. Chaque fois qu’ilsdéménageaient,samèreleurexpliquaitque,dansl’armée,onfinissaittoujoursparquittersesamisetquelafamilleétaitprioritaire.

Telunbonpetitsoldat,Sierral’avaitécoutée.Etpourtant,safamilleavaitvoléenéclats.Elle longea le couloir et regarda dans la salle àmanger déserte. Dans le salon, les chats étaient

endormissurlecanapé.Latélévisionn’étaitmêmepasallumée.PortantBodanssonsac,ellegagnalacuisine.Sonfrèreétaitattablédevantuneportiondechili,dansunbolGameofThronesqu’elleluiavaitoffertpourNoël.

Elledéposaleserpentdevantl’adolescentetjetauncoupd’œildanslesalon.—Oùsontmamanetgrand-père?—Grand-pèrefaitlasiesteetmamandonneàmangerauxanimaux,répondit-ilenbuvantunegorgée

dethéglacé.

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—D’accord.TuvasremettreBodanstachambre,pourl’instant.Simamanrentre,dis-luiquejedoisprendreunedoucheavantd’allerluidonneruncoupdemainaveclesbêtes.

Ensedépêchant,ellepourraitterminersestâchesavantledîner.—Pastoutes,déclaraNathan.Cesparolesprononcéesposémentsuscitèrentenelleunfrissond’appréhension.—Queveux-tudire?Nathansourit,cequiétaitrareetd’autantplusalarmant.—Trooperasautédanslepick-updeMike.Ohnon!Non!Ellen’avaitpasletempsdes’emportercontresonfrère.Aumomentoùellesortaitsontéléphonede

sapoche,quelqu’unsonnaàlaporte.Sierraquittavivementlacuisine.Pourquoisoncœurs’emballait-ildeplusbelle?Cenepouvaitêtre

parcequesesadieuxdéfinitifsàMikeétaientdenouveaurepoussés?Surleseuil,elledécouvritsanssurpriselejeunehomme,accompagnédeTrooper.

Mikeavaitunecertitude:avantdequittercettemaison,ilauraitembrasséSierra.Cen’étaitpeut-êtrepasuneattitudetrèsintelligenteoutrèshonorable,maislesfaitsétaientlà.Ses

jouesroses,sonregardpétillantlorsqu’elleluiavaitouvertlaportenelaissaientplaneraucundoute.Elleétaitheureusedelerevoir.Ilyavaitquelqu’unquiseréjouissaitqu’ilsoitrevenusainetsaufaupays.C’étaitunesensationenivrantepourunhommesolitairedontnulnesesouciait.

—J’allaist’appeler,annonça-t-elle.Nathanvientdemedirequ’ilavaitvuTroopersauteràl’arrièredetonpick-up.

—Désolé.Jenel’aipasremarquétoutdesuite.LecorniaudétaitplaquécontrelacuissedeMike.—Ilestunpeucollant,jetrouve,reprit-il.—Emmenons-le dans le jardin pour qu’il puisse s’ébattre. Il s’habituera aux odeurs des lieux et

pourrajoueravecClémentine.Visiblementgênée,elletirasurlebasdesondébardeur.—Jetesuis.—Attendsuneseconde,jevaisenfilerdeschaussuresplusadéquates.Lajeunefemmetroquasesvieillessandalescontresesbottesencaoutchouc.Elleseredressaet,au

moment où elle le croisa, Mike sentit son parfum d’agrumes mêlé à celui de sa peau, ravivant dessouvenirssensuelsdeleursétreintes,àl’arrièredupick-upoubiendanslachambredupetitappartementqu’illouaitàl’époque.

Troublé,ildécidadeprendresontemps,deprolongerl’attente.Leurbaisern’enseraitquemeilleur.— Tu as compris comment il a réussi à s’enfuir, hier soir ? demanda-t-il. Trooper est un vrai

magicien.Aucampement,enIrak,ilconnaissaitdespassagessecretsdontmêmenosservicesdesécuritén’étaientpasinformés.

—Grand-pèrel’alaissésortirdesacage.Ensuite,ils’estdébrouillétoutseul.Ilestévidentqu’ilesttrès attaché à toi.Cela se comprend, car sa vie a changé du jour au lendemain.N’importe quel chienseraittraumatisé.

—Peut-êtrequesijerestaisiciquelquesheures,ils’accoutumeraitplusfacilement.J’enprofiteraispoureffectuerquelquestravauxsurlapropriété.

Sierrasetournaverslui.—Endépitdecequeracontemonfrère,lasituationestsouscontrôleici,répondit-elle.—Biensûr.Ilsegardadeluimontrerlevoletcasséquibattaitauvent.

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— Il y a certainement des bricoles que je pourrais réparer en attendant que Trooper trouve sesmarques.

Sierraledévisagead’unairsoupçonneux.—Pourquoiferais-tucela?—Jen’airiend’autreàfaire.Àpartfantasmersurelle,commeavant.Illatrouvaitirrésistible,avecsonshortetsondébardeur.— J’ai quelques semaines de permission, reprit-il. Le temps de remettre de l’ordre dansma tête

avantderepartirenmission.—Tunepréféreraispasfairelafêteavectescopainsaulieuderéparerdesloquetsdechenil?—Ilyadesloquetsdechenilàréparer?—Ohnon!gémit-elle.Tum’aseue!—Situn’essayaispasdemecacherlavérité,ceneseraitpasarrivé.Qu’ya-t-ild’autreàfaire?

Allez!Jeveuxunelistecomplète.Net’inquiètepas,jeseraiàlahauteur.—Qu’ya-t-ilàréparer?Àpeuprèstout,admit-elleenriant.Elleouvritlabarrièred’unenclosinstalléauseindelapropriété.—Plussérieusement,legenredechosesquel’onnégligequandonesttropoccupéetquesonpère

n’estpaslà.Nousétionstellementconcentréssurl’agrandissementdurefugequeleresteestunpeupasséausecondplan.

Aucoursdel’annéeécoulée,lagrangeavaitététransformée,cequeMiken’avaitpasremarquélorsdudéjeuner.Lesanciennesécuriesavaientfaitplaceàunchenildontlesboxétaientmoitiéàl’intérieur,moitiéàl’extérieur.Parlaporteouvertedelabâtisse,ilvituneairedejeuxéquipéedecoussinsetdejouetspourleschiens.

Devant lagrange,unevasteparcellede terrain leurétaitconsacrée,parseméedechênesà l’ombrebienfaisante. Comme par miracle, compte tenu du nombre d’animaux présents, la pelouse était bienentretenue.

Sousunpréau,unbassinétaitcreusédans lebéton.Troopers’éloignacommeunefuséeetplongeadansl’eaufraîche.Allongéesousunarbre,Clémentinelevalatêtepuisserendormitaussitôt.Plusieurschiots,desbeagles,seprésentèrentpourreniflerlenouveauvenu.

Sierra observait la scène avec attention. Bien qu’elle ait choisi la profession d’enseignante, ellepossédaitlemêmedonquesamèrepourcommuniqueraveclesanimaux.

Mike admira les autres transformations effectuées sur le ranch.Aumoment de son départ en Irak,Laceyvenaitdedémarrersesactivités.Auparavant,elleaccueillaitdéjàquelquesanimauxchezelleentantquefamilled’accueil.S’ilapprouvaitsesprojetsdedéveloppement,lecolonelétaitàlafoisfieretunpeuperplexe.Ilavaitdéclaréque,dansunpremiertemps,safemmesemblaitavoirdumalàaccepterdevoirsesenfantsgrandiret luiéchapper,mais ilavaitvitecomprisque lesauvetaged’animauxétaitpourelleunevéritablepassion.

Apparemment,lecheniln’abritaitencorequetroispensionnaires.Souslavéranda,Mikeavaitaperçudeschiotsplusjeunes.L’ensembledonnaituneimpressiondedésordreorganisé,cequiétaitsurprenant.Tant d’efforts et de frais pour un refuge qui, d’après le colonel, ne rapportait guère de revenus à lafamille.LaceydirigeaitLeRefugedelaSecondeChancedansunespritpurementcaritatif.Ilvivaitgrâceàdesdons.

LorsqueMikevouluttendrelebrasversunlouloudePoméranieendormisuruncoussinrose,Sierraleretint.

—Attention!Ilmord.Cecontactfurtifnefitqu’intensifiersondésirpourlajeunefemme.—Danscecas,quefait-ilici?

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—Ilestencurededésintoxication,pourainsidire.Onnesauracomment il secomporteavec lesêtreshumainsquelorsquesonorganismeseradenouveausain.

Mikedemeuraperplexe.—Ilvafalloirquetum’expliques.— La famille chez qui il vivait comptait un adolescent toxicomane, raconta-t-elle en s’adossant

contrelemur.Lechiens’estemparéd’unsachetdecannabisetenadévoréunebonnepartie.Envoulantrécupérersonbien, l’adolescents’est faitmordre. Il sembleraitquecegaminetsescopainsaientdéjàdroguél’animalparlepassé.Ilstrouvaientamusantdelevoirplaneraveceux.

—Tuparlessérieusement?—Je tegarantisquec’est lavérité.Lesparentsontprévenulesservicesde laprotectionanimale,

poursuivit-elle,leregardtriste.Quandunchienamordu,lesrefugesmunicipauxnepeuventpluslefaireadopter.En l’occurrence, l’animaln’étaitpasfautif.Lafourrièreaappelémamèreafinqu’elleprenneLuckyenpension.C’estsonvrainom,mêmesijepréfèrel’appelerDoobie.

—Doobie,répétaMike,c’estmignon.—Jesais.MamèreestimequelenomdeLuckyestplusvendeur.—Quesepassera-t-ils’ilmordànouveau?— Eh bien… Nous avons une famille d’accueil qui éduque des chiens maltraités. Parfois, ces

animauxsontirrécupérablesetincapablesdevivrenormalementenfamille.RestonsoptimistesencequiconcerneLucky,d’accord?

—Tuasraison.Ilfautêtrepositif.Pourcertainsanimaux,leranchneconstituaitpasuneseconde,maisunedernièrechance.—Tousvospensionnairesviennentdelafourrière?—Enprincipe,oui.Ilsviennentdeplusieursétablissementsdelarégion.Parfois,lesgenscontactent

directementmamère.Etilyalesfamillesd’accueil.Soussafiertémanifeste,Mikepercevaitunépuisementquiauraitéchappéàlaplupartdesgens.—Mamère n’est pas rémunérée pour le travail qu’elle fournit. Tous les dons sont consacrés au

refuge.—Commentavez-vousréussiàréglervosfacturesdepuislamortdetonpère?Lecoloneln’avaitjamaisabordélaquestionaveclui.Ildétestaitparlerd’argent.—Désolé,fit-ilaussitôt.Celanemeregardepas.—Cen’estpasunproblème.J’aimonsalaired’assistante,grand-pèretouchesaretraiteetmamère

donne des cours en ligne à des élèves de lycée. Elle travaille à lamaison. En vivant ici, je l’aide às’occuperdegrand-père, cequi représenteuneéconomie supplémentaire.Au final,on s’en sortmieuxquebiendesfamilles.

Toutefois, l’argent dépensé pour la transformation de la grange aurait pu financer les travaux deréparation.Sierraétait-ellecontrariéequesamèredépensedel’argentquiauraitpufinancersesétudespoursesanimaux?

—Turêvaisdedéménageretderestaurerdesvieuxmeubles.Ilsavaientdiscutédujouroùellepourraitvolerdesespropresailes,aprèsleretourdesonpère,qui

auraitveillésurlegénéral.— Tu voulais louer une mansarde d’écrivain, comme Virginia Woolf, dansUne chambre à soi,

ajouta-t-il.Ilaimaitl’écouterrêveràvoixhaute.Elleavaitledondedresseruntableauvivantavecsesmots.Un

jour, après l’amour, elle lui avait décrit son existence idéale dans sesmoindres détails, pendant qu’ilimprovisaitquelquesnotesàlaguitare.

—Tutesouviensdeça?s’étonna-t-elleenenroulantunemèchedesescheveuxautourdesonindex.Ilétaitfascinéparlemouvementdesesdoigtstandisqu’elleformaitunetresse.

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—Enfait,j’ailulelivre.Ainsiquetouslesouvragesdontelleluiavaitparlé,commesicelapouvaitlesrapprocher.—J’aieuletempsderéfléchir,enIrak,reprit-il.Ettuesunefemmequel’onn’oubliepasfacilement.De plus, il lui était moins douloureux d’évoquer leurs conversations que de revivre les autres

momentspartagéssouslacouette.—Merci,dit-ellesimplementenévitantsonregard.Ellefitglisserl’élastiquequiretenaitsaqueuedechevalàl’extrémitédesatresse.Soudain,Mikeeutenvied’enfouirlesdoigtsdanssachevelure,delibérerlesmèchessoyeuses,delui

caresserlanuqueetdel’attirerversluipourl’embrasser.Ilsecontentad’effleurersajouepourl’inciteràleregarder.—Jenevoulaisfairedemalàpersonne,tusais.—Lesgenscherchentrarementàfairedumal,répondit-elleavecunsourireteintéd’amertume.Cependant,ellenereculapas.Elleavaitlapeauaussidoucequedanssessouvenirs.Sondésirmonta

d’uncran.Commeavant,ilétaitincapabledeluirésister.Endésespoirdecause,ildécidadeluifournirl’occasiondelerejeter:

—Sierra,jevaist’embrasser.—Non.—Pourquoipas?demanda-t-il,piquéauvif.—Parce que c’estmoi qui vais t’embrasser, susurra la jeune femmeenglissant unemain sur son

épaule.

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5

SierrasehissasurlapointedespiedsetposaseslèvressurcellesdeMike.Aussitôt, elle fut emportée par une vague de sensations exquises.Ce désir la consumait depuis le

retourdeMike.Enseprécipitantpourluiouvrirlaporte,puisenparcourantlapropriétéàsoncôté,elleavaitcomprisàquelpointilétaitseul.Lejourdesonretour,personnenel’attendait.Iln’avaitpaseudecomitéd’accueil,pasprispartàdesfêtesentreamis.Sierrasemitàpenseràsesretoursprécédents,àlaréceptionqu’ilauraitdûrecevoir,àcequiauraitpusepassersileursrelationsavaientétédifférentes.

Incapablederésisterà l’enviede luioffrirunbaiserdebienvenue,undernierbaiser,ellepritsonvisage entre sesmains et se lova contre lui dans un soupir. Au cours de ses longues nuits solitaires,lorsqu’ellepensaitàlui,elles’étaitdemandés’ilallaitbien.Mêmes’ilsn’étaientplusencouple.

Enivrée par ce baiser qu’elle ne regrettait pour rien au monde, elle agrippa son tee-shirt pourprolongercet instantmagique.Peu lui importaitcequiarriveraitensuite. Ilsenavaientbesoin tous lesdeuxpour…

Pourtournerlapage?Elle frémit et senoyadans les sensationsqu’il luiprocurait.Toutepensée rationnelle s’envolade

satête.Lesmainsdelajeunefemmeluiconfirmèrentcequ’elleavaitcrudiscerner:durantsamission,Mike

s’étaitétoffé.Ellecaressasontorseferme,explorantsamusculatureà lafoisfamilièreet inconnue.Ilsavaientétéattirésl’unversl’autreaupremierregardetledésirentreeuxdemeuraitintact.

Réprimant une plainte sensuelle, elle enfouit les doigts dans ses cheveux courts, puis enroula unejambeautourdesataillecommeellel’avaitfaittantdefoisnaguère.Comments’étonnerqu’aucunautrehommen’ait réussiàcaptersonattentiondepuis leur rupture?Pourexpliquersasolitude,sonmanqued’intérêtpourunéventuelprétendant, elle se répétait qu’elle était tropoccupée.Or lavérité était toutautre:aucunn’avaitledondeMikepourenflammersessens.

En se cambrant vers ses hanches, elle perçut contre son ventre l’intensité du désir de Mike.Pantelante,elleauraitsansdouteperdul’équilibres’ilnel’avaitretenued’unemainpuissanteposéesursacuisse,tandisqu’elles’enroulaitautourdesatailletelleboadeNathan.

Cetteimageinsolitenelatroublaguèretantelleétaitconcentréesursespulsions.Soudain,elleeutlaterriblesensationd’êtreobservéeetretrouvasesesprits.Assisàleurspieds,Trooperremuaitlaqueue,lesyeuxrivéssurelled’unairentendu.C’étaitlapremièrefoisqu’illaregardaitvraiment.

Troublée,ellequittalesbrasdeMikeetremitpiedàterre.Aveclui,lasituationpouvaits’emballerenquelquessecondes,cequin’avaitrienderassurant.Ils’écartaàsontour,laissantsamainsursonbras.

—C’était…inattendu,soupiralejeunehomme.Pourlemoins,songea-t-elle.Ellesoutintsonregard,cherchantdésespérémentàassimilercequivenaitdesedéroulerentreeux.

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—Ehbien…Jevoulaistesouhaiterlabienvenue.—J’aiadoréça.Savoixgravefitbattresoncœurdeplusbelle.—J’auraispeut-êtredûréfléchir,balbutia-t-elle,maiscelamesemblaitêtre lachoseàfaire.Cela

dit, je n’attends rien de plus.Ça n’ira pas plus loin.Ce n’était qu’un clin d’œil à ce que nous avonspartagé.Pourtonretour,tuméritaismieuxqued’avoiràremettreunchienàunefamillecommelamienne.Tuétaisendroitd’êtrecélébré,toiaussi.

—Voilàexactementcedontj’aibesoin,assura-t-ilensoutenantsonregard.Ellefutparcourued’unfrissondedésirteintéderegretpourcequ’ilsauraientpuvivre.—Jenetecomprendspas.C’esttoiquiasrompu,mêmesij’aifiniparcomprendrequec’étaitplus

raisonnable.Tuavaisraison,Mike.Jenesuispasfaitepourlavied’épousedemilitaire.C’estencoreplusvraimaintenant.

Sierracontintseslarmes.Tropd’émotionssebousculaientenelle.—Arrête,fit-ilenlaprenantparlesépaules.Inutiled’endiredavantage.—Jesuisàfleurdepeauencemoment.Etunpeutroubléepartaprésence,sansdoute.Ellemouraitd’enviedeseblottirdanssesbraspourytrouverleréconfort.—Àlasuitedecette rupture, tum’asénormémentmanqué, luiconfia-t-elle.Chaquefoisquenous

préparionsuncolisdefriandisespourmonpère,jepensaisàl’époqueoùjet’enenvoyais,àtoiaussi.Ilsavaientétéamisavantdedeveniramants.Ilsétaientmêmetrèsproches.Mikeluimanquaitàplus

d’untitre.—Tesbrowniessontdélicieux,déclara-t-ilavecunsourire.—J’aimeraistantquel’onsoitencoreamis,mais…Elleposaunemainsursontorsepourlecaresserpuisachevasaphrase:—Messentimentspourtoinesontpassimplementamicaux.Soussapaume,ellesentitlesbattementseffrénésducœurdeMike,dontlaréactionétaitéloquente.—Etmaprésenceravivedessouvenirsdouloureuxpourtoutetafamille.Son regard exprimait une telle tristesse qu’elle s’en voulut, car elle réalisa combien son père lui

manquait,àluiaussi.—Mamèreneseplaintpasmaisjem’inquiètepourelle.S’occuperdegrand-pèreétaitdéjàdifficile

avant…—Avez-vousréfléchiàd’autressolutions?—Tuveuxdireleplacerdansuneinstitution?—Oubienuneauxiliairedevie,voireunhôpitaldejour,afinquetafamillepuisserespirerunpeu.—Franchement, je ne sais pas si nosmoyensnous le permettent, avoua-t-elle.Et il a parfois une

lueurdansleregardquinousindiquequ’ilesttoujourslà.—Entrevotreconscienceetlesbesoinsdetongrand-père,ilyaunedifférence.—Enthéorie,oui.Ilavaitraison,maisSierraserefusaitàypenser.—Mamanetmoienavonsdiscuté. Jeme suisdemandé sinousagissionsdans l’intérêtdegrand-

père, afin d’être certains de ne pas manquer un seul moment de lucidité, ou bien si nous cherchionssimplementàprolongerlelienavecmonpère.Siseulementjeconnaissaislaréponse.Pourl’heure,jemecontentedevivreaujourlejour.

Enentendantunbruitdepassur legravier,elles’écartavivement, l’aircoupable.DèsqueNathanapparut,elles’envoulutd’avoirréagidelasorte.ElleavaitledroitdebavarderavecMike.Commentl’adolescentpouvait-ildevinerqu’ilsvenaientdes’embrasseràperdrehaleineetqu’elleavaittrouvécebaisermerveilleux?

Nathanjubilait.

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—Vousêtesdenouveauencoupleouc’estpurementsexuel?Detouteévidence,ilavaitdeviné.Mikeintervint,évitantàlajeunefemmederépondre:—Tuasperdutonserpent?—Non,jevoulaisjustem’amuserunpeuaveclechien.Parexemple,luilanceruneballe,histoirede

luidonnerenviederestercheznous.Il haussa les épaules comme si cela n’avait pasvraiment d’importance. Il n’avait rien fait d’aussi

gentildepuisunan.—Dansseslettres,papanousracontaitqueTrooperadoraitjoueràlaballe,reprit-il.—C’estvrai,confirmaMike.Tousleshommesdenotreunitésebattaientpourjoueraveclui.Grâce

àTrooper,onpouvaitsedétendreunpeu,oublierlaguerre.— Bonne idée, dit Nathan en désignant le préau. Maman a installé des jouets et des boîtes de

friandises,là-bas.—Super.Jepeuxjoueravecvous?Nathanhaussadenouveaulesépaules.—Bof,situveux.Sierralevalesyeuxauciel,maisMikeluiadressaunclind’œilavantdes’éloignerverslepréau,

Troopersur les talons.Nathandemeuraen retrait. Intriguéeparcetteagitationsoudaine,Clémentineseréveilla et s’étira. Cela faisait longtemps que Nathan n’avait pas joué avec elle, et pourtant, elle nesemblaitpasluienvouloir.Sursestroispattes,elletraversalapelouse,unevieilleballedanslagueule.Touchéeparcetteloyautésansfaille,Sierraeutenviederéprimandersonfrèredel’avoirdélaissée.

Pendantunlongmoment,elleregardaMikeetNathanlancerdesballesauxdeuxchiensravis,commesitoutallaitpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes,commesiTroopern’étaitpasvenuchamboulerleurexistenceànouveau.

Elle aurait presque pu oublier que cet Apollon aux larges épaules l’avait rejetée, décrétant qu’iln’étaitpasunhommepourelle.

Assisedanssonpetitbureau,auseindurefuge,Laceyétaitplongéedanssesdossiers.Parlafenêtre,elle avait unevuedirecte sur l’airede jeux réservée auxchiens.Envoyant sa fille embrasserMikeàpleine bouche, elle avait d’abord été surprise. Puis elle s’était dit qu’il était vain de chercher àcomprendreSierraetsesrelationshouleusesavecleséduisantmilitaire.Deplus,cettescèneromantiquenefaisaitqueremuerlecouteaudanslaplaiepourunefemmequivenaitdeperdresonmari.

Était-cedel’égoïsmedesapart?EllenevoulaitpourtantquelebonheurdeSierra,quiavaitfaittantde sacrifices pour l’aider. Cependant, elle n’osait imaginer sa vie après son départ, car c’était uneexistencedeprofondesolitudequil’attendaitdésormais.

Lacey caressa le chat couché sur ses genoux, unmagnifiquepersan abandonnépar sesmaîtres quin’avaient pas voulu l’emporter avec eux en Floride. En songeant à ce couple de jeunes retraités quiavaientjetéleurjouetpourselacoulerdouceàMiami,elleavaitdesenviesdemeurtre.

Àquarante-deuxans,elleseretrouvaitveuveaprèsavoirpassélamoitiédesavieconjugalesanssonmariquiparcouraitlemonde,ouplutôtquisauvaitlemonde.Pourelle,l’avenirs’annonçaitvide,dénuédetendresse,pathétique…

Siseulementelleparvenaitàacceptersonsort,àsedirequec’étaitsondestin,carilétaitimpossiblede revenir en arrière pour recréer un avenir heureux. De son mariage étaient nés deux enfantsmerveilleux.Elleavait reçude l’amour,puis touts’étaitarrêté.Àprésent,ellepassaitses joursetsesnuitsànourrirdeschiotsaubiberon.

Lasimpleperspectivedefréquenterànouveauunhommeluiétait insupportable,carellesesentaitencoremariée.Etquandbienmême,commentfairedesrencontres?Lachirurgieesthétique,lesliftings,leBotoxoulaliposuccionn’étaientpassatassedethé.

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Lessoupirantspotentielsn’étaientpaslégion,laplupartdesquadragénairesétantdéjàpris.Quantàuncélibatairehabituéàvivreseul,ilrisquaitdes’enfuirencourantendécouvrantlaménageriequ’étaitlerefuge.Sibeaucoupdedivorcésétaientdeshommestrèsbien,d’autresavaientcertainementdesvicescachés. Lacey avait ses propres bagages à porter sans vouloir supporter en plus ceux d’un éventuelamoureux.

Surlebureau,sontéléphoneportablesemitàsonner.Ellevérifiasurl’écranqu’ilnes’agissaitpasde l’un des opposants au refuge qui la harcelaient. Elle reconnut le numéro d’un refuge situé dans lecomtévoisin.Aumomentoùelleallaitprendre l’appel, la sonneriese tut.Elleétaitvraiment ralentie,cettesemaine.

Dehors, les éclatsdevoix, les rires et les aboiementscommençaient à l’exaspérer.Décidément, ilfallaitqu’elleseressaisisse.Elleavaitunemploidutempschargé,desanimauxàsauver,unefamilleàprotéger.Puisqu’elleétaitagacée,autantécoutersaboîtevocale.

Elleentenditlavoixduresponsableduchenilpresquenoyéepardesaboiementsenfondsonore.— Lacey, on vient de nous confier une portée de trois shih tzu de neuf semaines provenant d’un

élevageclandestin.Onestaucompletetilssontmalades.Leparvovirus.Jet’enprie,dis-moiquetuasunfoyerd’accueil.Onfourniralesmédicaments.Rappelle-moiavantcesoir.Onnepourrapaslesgarderàl’isolementpluslongtemps.

Uneépidémiedeparvovirusseraitunecatastrophepourn’importequellestructured’accueiletferaitde nombreuses victimes. Dans cette situation, les refuges municipaux étaient souvent contraintsd’euthanasierlesanimauxmalades.Laceycherchaunfoyerfaisantpartiedesonréseau.Avecunpeudechance,elleparviendraitàconfier leschiotsàJill,uneancienneassistantevétérinaireà la retraitequiveilleraitsureuxenpermanence.Elleavaitégalementlesconnaissancesmédicalesrequisespouréviterlacontagion.

Laceyluienvoyauntextoimplorantsonaide,puiselleécoutalemessagesuivant.Ils’agissaitdesonvoisin,SamHershberger:—Avez-vousvul’annonceconcernantdesterrainsàvendre,aunordducomté?Jepeuxvouslafaire

parvenir,sivousvoulez.Dansl’intérêtdetous,ilvautmieuxéviteruneconfrontation.Laceypoussaunsoupireteffaçalemessage.Samparlaitbeaucoupmais,contrairementàValerie,son

autrevoisine,ilrestaittoujourscourtois.Iln’enrestaitpasmoinsqu’ilspartageaientlemêmeobjectif,lafermeturedurefuge.

Lemessagesuivantluirappelaitlaréunionduconseilducomté.Génial,songea-t-elle.Mêmesielledéménageait,ilyauraittoujoursquelqu’unpourseplaindre.

Undéménagementprendraitdessemaines,voiredesmois,autantdeviesanimalesqu’ellenepourraitsauver. Les photos de bêtes maltraitées qu’elle voyait sur Internet la hantaient. Néanmoins, elle étaitconsciente qu’elle ne pouvait endosser tous lesmalheurs dumonde, que ce soit sur le plan financier,psychologiqueouphysique.

Ilfallaitconnaîtresespropreslimitespournepaspasserdusauvetageàlacompassionpathologique.Si les refuges étaient pleins, n’était-ce pas à cause de l’irresponsabilité de certains maîtres quiabandonnaientetmaltraitaientleurscompagnonsàquatrepattes?

Enfin,chaquechoseensontemps.Elle avait aussi un message de son vétérinaire, le Dr Ramon Vega, ce qui l’intrigua, car c’était

généralementunemployédelacliniquequil’appelait.Yaurait-ilproblème?Elleappuyasur«écouter».Savoixgraveetmélodieuseretentit:—Lacey,rappelle-moi,disait-ilabruptement.Qu’est-cequipeutbienêtresiimportant?songeaLaceyavecangoisse.ElledevaittantàRamon.

Ausensproprecommeaufiguré.Nonseulementilluiaccordaitdestarifsplusqueconcurrentiels,maiselle n’était pas à jour dans ses paiements. Étant en début de carrière, il devait avoir des emprunts à

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rembourser.Aurait-elle abusé de sa générosité ?Qui accepterait de soigner ses petits protégés, sinonlui?

Elledécidadelerappelersansattendre.—Bonjour,Lacey,déclara-t-ilauboutdedeuxsonneries.Mercidemerappelersivite.—Salut,Doc.Quepuis-jefairepourtoi?Ellemitl’appareilsurhaut-parleuretserecroquevillasurelle-même.—J’aiunefemellebergerallemanddesixmoisquiaunefracturedubassin.Despersonnesmel’ont

amenéeàlaclinique.Ilsontappelénotrenumérod’urgenceenaffirmantqu’ilsl’avaienttrouvéeauborddelaroute,maisl’enfantquilesaccompagnaitpleuraitàchaudeslarmesetl’appelaitparsonnom,donctudevineslavéritablehistoire.

C’était évident : la chienne avait été renversée par une voituremais lesmaîtres ne voulaient pasréglerlesfraismédicaux.Toutefois,ilfallaitenavoirlecœurnet.

—Iln’yapasdepuceélectroniquepourretrouverd’éventuelspropriétaires?—Tumeposescettequestion?Tumeconnaismieuxqueça.—Naturellement,tuasvérifiéetiln’yapasdepuce.—C’estça.Lerefugevoisinaffichecompletetlesfamillesd’accueilaussi.Lafourrièreestobligée

degarderleschienserrantspendantcinqjours.J’aiconcluunaccordavecsondirecteur.Jemechargedel’interventionpourunprixmodique.Ilsvontpublierlaphotodelachienne,mêmesionsaitd’avancequepersonneneviendralaréclamer.Siquelqu’unseprésenteetestenmesuredeprouverquelechienluiappartient,jedéchirelafacture.

C’étaitunboncompromis,maislevétérinaireavaitcertainementquelquechoseàluidemander.—Quelestleproblème?demanda-t-elle.—Jen’ainullepartoùcasercettechienneaprèsl’opération,pendantcinqjours.J’aitropdepatients,

encemoment,despensionnairesprovenantd’unrefugequim’estcher.Laceysourit,carelleconnaissaitdéjàsaréponse.—Etauboutdescinqjours,quandpersonneneseravenuréclamerlachienne?—Tuaurasunadorablebergerallemandàfaireadopter.Elleentenditlefauteuilduvétérinairegrincerlégèrementetl’imaginaentraindeseredresserpour

parlersérieusement.—Tusaisbienquejenetedemanderaispasçasij’avaisuneautresolution.—Tun’asmêmepasàmeledemander.Jevaismedébrouiller.—Merci,Lacey,tueslameilleure.Dis-moi,tum’amèneslechienvenud’Irakdemain,n’est-cepas?—Absolument.Pourunbilandesantéetunestérilisation.Jeconnaislachanson:rienàboireouà

mangeràpartirdeminuit.—Saprésenceneteposepasdeproblème?Cedoitêtreunpeu…troublant.CettequestionpersonnelledelapartdeRaylapritparsurprise.Cen’étaitpasdansseshabitudes.

Ellecherchadésespérémentuneréponsequinelaferaitpasfondreenlarmes.Deuxquadsremontèrentl’alléeavecbruit.Laceyprofitadecettediversion,mêmes’ilnes’agissait

quedesesvoisins.—Écoute,ilfautquejetelaisse.J’aidelavisite.Jeprendrailechiotquandjet’amèneraiTrooper

demain.Aurevoir.Ellecoupalacommunicationensachantqu’elleallaitau-devantdenouveauxennuis.Laquestionde

Rayrestaitensuspens.Siellen’ypensaitplus,ellel’oublieraitpeut-être…D’expérience, elle savait que leduoqui l’attendait dehorsne s’en irait pas sans avoir obtenuune

confrontationdirecte.

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Aprèsunanpassésur lefront irakien,Mikepercevait laviolenceavantmêmequ’ellen’éclate.EnvoyantSierrasecrisperdèsl’apparitiondesdeuxvéhicules,ilcompritqu’elleavaitdesennuis.

Ils’agissaitdesvoisins,lamèreetsonfils.Lamèresemblaiténervée.Quantaufils,iltoisaSierrad’unregardvicieux.

MikesetournaversNathan.D’ordinaireblasé,détachédetout,l’adolescentsemblaitenalerte.Miketentade remettrede l’ordredans ses idées, cequin’était pas facile après lebaiser torridedeSierra.Quelquechosen’allaitpasaveccettevisite.Ilgardaitunvaguesouvenirdecespersonnesquiluiavaientsemblédiscrètes.Cen’étaitvisiblementpluslecas,etmanifestement,ilsnevenaientpasenamis.

Il avait du mal à deviner l’âge de cette femme, mais sa colère et sa peau tannée par le soleilsuggéraientuneviedelabeur.Sescheveuxteintsenrouxnefaisaientrienpouradoucirsonimage.Sonairimplacableluirappelaitunpeusapropregrand-mère.Lefils,enrevanche,avaituncôtédandy,unpeutropsoignéetunpeutropâgépourvivrechezsamère.

Peut-êtreMikelejugeait-ilainsiparcequ’iln’appréciaitpasqu’unautrehommes’intéresseàSierra,alorsque,dixminutesplustôt,elleétaitdanssesbras,àl’embrasseràperdrehaleine.Quelavieétaitcompliquée.Mieuxvalaitseconcentrersurl’hostilitépalpabledelavoisine.

Ilsarrivèrentàviveallureetfreinèrentbrutalement,laissantdestracesdepneusdansl’herbe,commepourmarquerleurpassage.Mikes’interposaentrelesvoisinsetSierra.

Lajeunefemmeposaunemainsursonbrasetluisourit,visiblementnerveuse.—Mike,tutesouviensdeValerieHammondetsonfilsKenneth?Cesontnosvoisinsdegauche.—Oui,biensûr.Bonjourmadame.Valerieneluirenditpassonsourireetrestaperchéesursonvéhicule.—Vousêtesceluiquiaamenéunchiendeplus.—Eneffet.—Unchiensauvage,ajouta-t-elle,leslèvrespincées.Nathanrétorqua,toutennecessantdelancerlaballeenl’air:—Ondevraitleurapprendreàmeugler.Chezvous,onpeutabattredesanimauxsansproblème,mais

quandils’agitdeleursauverlavie,c’estuneautrehistoire.Valeriesepenchaenavant.—Toi,tuesundecesmauditsvégétariens,jeparie.—Etvous,vousêtesunedecespsychopathesquinousobserventàlalongue-vue,lesoir,répliqua

Nathan,jouanttoujoursavecsaballe.—Nathan,intervintMike.Jem’enoccupe.LaceyMcDanielapparut,glissantsontéléphonedanslapochedesonjean.—Valerie!lança-t-elle.Situasuneplainteàformuler,c’estàmoiqu’ilfautt’adresser.—Qu’est-cequejefaislà,d’aprèstoi?Ilyauntroudanslaclôtureetjeneveuxpasquetessales

cabotsnousramènentdesmaladies.Aveccechiensauvagequiviticimaintenant…—Nousallonsréparerçaimmédiatement.Jeterassure,Trooperestàjourdesesvaccins.Sierracroisalesbras.—Lechiensauvageenquestionestceluiquiserouledansl’herbepoursegratterledos.Effectivement,Troopers’ébattaitsousunchêne,entouteinsouciance,cequiparutétrangeàMikecar

ilpercevaitgénéralementledanger.Celasignifiaitpeut-êtrequecetteValerien’étaitpasaussidangereusequ’ellevoulaitlefairecroire.

Mike songea auxnombreuses fois oùTrooper avait sauvé sa vie et celle de ses camarades en lesprévenantdel’approchedel’ennemi.S’iln’avaitjamaismordupersonne,ilpouvaitêtretrèsintimidant.Dieumerci,ilsemblaitserendrecomptequecen’étaitpaslemomentdemontrerlescrocs.

—Àproposdelaclôture,Kenneth,tuveuxbienmemontrerletrou?repritLacey.

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ValerieadressaunsignedetêteàsonfilsquidescenditduquadpouraccompagnerLaceyjusqu’àlaclôture. Mike croisa le regard de Nathan, qui leur emboîta le pas sans hésiter une seconde.Manifestement, l’ancien Nathan était toujours présent. Un garçon gentil. Clémentine les suivit enclaudiquantsursestroispattes.

ValeriesepenchaversMike:—Jesaistrèsbiencequevousessayezdefaire.—Jevousécoute.Éclairezdoncmalanterne,murmura-t-ilavecunsourire.J’aiduretardàrattraper.

Jeviensdepasserdesmoisàcombattrepourquevousrestiezlibre.Elleeutunmouvementderecul.—Inutiledeprendrecetairsupérieuretdejouerleshéros.Sierraintervintd’untoncinglant:—Auxdernièresnouvelles,labombequiatuémonpèreetquiafaillituerMiken’avaitriend’un

jeu.Valerienesourcillapas.—Nousavonstousperduquelqu’un,danslarégion,maisjenefaispasétalagedemesétatsd’âme.

Laceya recueilli ce chien sauvagepour inspirer la sympathie en tantqueveuvedeguerre.Ellepenseprobablementquelesmembresduconseilducomtéaurontainsipitiédevousetneferontpasfermerlerefuge.

—Leconseilducomté?répétaMike,perplexe.Sierra était plus agitée que jamais. Il avait presque oublié à quel point sa petite fée pouvait se

montrerféroce.Sapetitefée?—Seuleunefemmesanscœuretd’unegrandebêtiseoseraitinsinuerquemamèreexploitelamort

tragiquedemonpèrepoursusciter lasympathieougagnerde l’argent.Vousrendez-vouscomptedecequevousdites?

Elles’exprimaitd’untonsiamerqueMikeeutenviedelaprendredanssesbraspourlaréconforter.Detouteévidence,ellenevoulaitrienentendre.Lespoingsserrés,ellepoursuivitsondiscours:

—Etiln’estpasmortpaisiblementdanssonsommeil.Ilaconnuunefinviolenteetdouloureuse.Ils’estsacrifiépourquemêmeunêtreaussiabjectquevouspuisseconserverlalibertédes’exprimerfaceàunconseildecomté.

Valeriesecoualatête.—Écoute,petite,jesuisdésoléepourtonpère,maistunefaisqueconfirmermonproposenmettant

del’affectdansunequestionpratique.Cerefugeetlesnuisancesqu’ilengendre,cesontdesfaits.Tuveuxd’autres preuves ? Vous gardez ici des animaux bruyants et dangereux qui vivent près de chez moi.Regarde-moiça!Cen’estniuneferme,niunranch.C’estuntaudisquiempestelechien.

LacolèredeSierraretombacommeunsoufflé.Ellepoussaunlongsoupir.—Vousvousêtesexprimée,madameHammond.Nousallonsréparerlaclôture.Vouspouvezrentrer

chezvousmaintenant.Vousnerisquezplusriendeschienspuants.—Monfilsn’estpasencorederetour,rétorquaValerieensetournantversMike.Etvous,lehéros,

qu’est-cequivousretientici?Vousavezlivrévotresalecabot.Vouspouvezpartir,retournermaintenirlaliberté.

—Moi,partir?Vousnecomprenezpas.Jenevaisnullepart.Il se rendit aussitôt compte qu’il disait vrai.MêmeNathan et Joshua qui déraillaient àmoitié se

rendaient compte que ce refuge avait besoin d’aide à plus d’un titre. Voir Sierra accablée face à laméchancetédecettemégèreletouchaitauplusprofonddelui-même.

—Jenesuispascertainedebiencomprendre,eneffet,fitValeried’unairsoupçonneux.Vousêtesàlacolle,touslesdeux?

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Àlacolle?Quiemployaitencorecetteexpression?Trooperselevaets’approchaentrottinantdeMike,quicrutvoirlescheveuxrouxdelavoisinesedressersursatête.

Ilsemitàcaresserlatêteduchien,sagementassisprèsdelui.—Nevousinquiétezpas,madame.Vousn’aurezplusdetrousdanslaclôture.LafamilleMcDaniela

désormaisunhommeàtoutfairequivivradanslestudio.Ils’approchalentementduvéhicule,Troopersurlestalons.—Unhérosdeguerre.Lesgensserontimpressionnés,c’estcertain,insista-t-il.—Dequiparlez-vous?—Demoi,biensûr.AvantqueValerienepuisserétorquer,Trooperlevalapatteeturinasurunpneuduquad.

Jesentaisl’odeurdelavictoire.Unparfumaussiexquisquel’odeurd’unesaucissegrillée.Ah,leverlapattesurlarouedelavoitured’unegarce!Cettebonnefemmeavaitdequoi fairepeur, sursonquad.Sonfilsavaitbeaufaire le fier, ilavait

peurd’elle, luiaussi.L’odeurdelacolèreétaitdeplusenplusforte.J’avaistentédelacharmerenlajouantprofilbas,enmeroulantdansl’herbe,maiscelan’avaitpasfonctionné.Engénéral,leshumainsselaissaient attendrir. Elle, elle ne voulait rien entendre. Sans doute préférait-elle les chats. En yréfléchissantbien,j’avaiscommisuneerreur.

Enfin,revenonsàcesentimentdetriomphe.Désolépourcettedigression.Jenesuisqu’unchien.Ilsuffitd’unrienpourmedistraire:unécureuil,unesaucisse,unoiseau,unebenneàordures,enfin,vousvoyez.

Endépitdecettefollefurieuse,juchéesursamachined’enfer,mapremièremissionvenaitdeportersesfruits:Mikes’installaitchezlesMcDaniel.Aprèsmesdeuxfuguespourlerejoindre,ilavaitenfincomprislemessage.Lorsdemonpremiertrajetendirectiondumotel,j’avaisdûbeaucoupflairerpourleretrouver.Danslesboisetauborddesroutes,mespattesavaientétémisesàrudeépreuve.

Au moins, je n’avais pas à me soucier de me faire prendre. Les gens d’ici sont des amateurscomparésauxdangersquimeguettaientenIrak.Enfin,c’estuneautrehistoire…Vousvoyez,jem’efforcedenepasmeperdreendigressions.

Ladeuxièmefois,j’aieumoinsdemalàtraquerMike.Ilm’asuffidemonteràl’arrièredesonpick-up,etilsontfiniparcomprendre.MikevivradésormaischezlesMcDaniel,pourlesaider.

Ma mission aurait dû s’arrêter là. Le colonel devait être heureux de constater que quelqu’uns’occupaitdesafamille.Pourtant,j’avaisunsentimentd’inachevé.Leschienssefientàleurinstinct.Lesêtreshumainsdevraientenfaireautant,au lieudecomptersur lesobjets,parexemple.Lesobjetssontfragiles,imparfaits.

L’instinct,lui,estnaturel.Ormoninstinctmeparlait.Je n’appréciais pas du tout cette Mme Hammond. Elle sentait le chou. Je préfère l’odeur des

saucisses.Entoutcas,jesavaisquecettefemmevoulaitdumalàLacey.Il y avait tant de personnes à jauger, dans cette maison. Parfois, j’étais un peu dépassé par les

nouvellesodeurs,leshabitudes,etlesrègles,toujourslesrègles.Cesgensvivaientenfonctiondeleursmontresetdeleursrègles.Ilsétaientsicoincésqu’ilsétaientincapablesdesavourerlespetitsbonheursdelavie.Seroulerdansl’herbe,parexemple,dormirsurunecouverturechaude,renifleruncongénère…

Cesgensétaientbizarres. Ilsdégageaient tantde signauxcontradictoiresque j’endevenais fou.Legrand-pèremefaisaitdelapeine.Heureusement,jesavaisquoifaire,mêmequandilperdaitlabouleetqu’ilétaitperdu.Laplupartdu temps, ilmeprenaitpoursonancienchien,Trooper,quiétaitmontéauparadisdesanimaux,làoùleursmaîtreslesrejoindront.Parfois,lecolonelmontaitlà-hautenpenséeets’amusait avec l’ancien Trooper. Àmon avis, il ne passerait vraiment de l’autre côté que lorsque safamilleseraitensécurité.

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Pourl’heure,c’étaitloind’êtrelecas.Sierra était triste et en colère etmême si personned’autre ne le sentait, je savais qu’elle désirait

Mikeardemment.Lacey était épuisée et avait grand besoin d’une semaine en thalassothérapie.Au lieu de cela, elle

s’affairaitàsestâchespournepaspleurer.Jesentaisleseldeslarmesqu’elleretenaitdesonmieux.Etl’odeur de l’alcool qu’elle cachait aux autres. Jusqu’alors, elle n’avait bu que le soir, mais je lasurveillais.Elleavaitbesoind’unami.J’avaisl’intentiondetravaillerlà-dessus.

Àl’époque,c’étaitNathanquim’inquiétaitleplus,carilempestaitlamort.Commes’ilavaitrenoncéàvivre.Plusquetoutautrechien,j’étaiscapablededécelercetteodeurquedégageaientlessoldatsjusteavantdesetireruneballedanslaboucheoudesefairedescendredélibérément.EnjouantavecNathanetMike, jepercevaiscetteodeur sur laballeque l’adolescentvenaitde toucher.Cegaminavaitdegrosproblèmes.

Chaquechoseenson temps.Jen’étais làquedepuisquelques jourset j’avaisdéjàfaitpasmaldechoses. Je comptais rester discret, ne pasme presser. Pour l’heure,ma famille était réunie, jeme lacoulaisdouce,jejouaisavecd’autreschiensquinemevolaientpasmanourriture.Etj’avaisuncoussinpropreetmoelleuxpourdormir.

Je faisais même des promenades en voiture. Après le départ de la mégère et de son fils, Laceym’avaitexpliquéquenousirionsfaireuntour,lelendemain.Ceseraitlemomentidéalpourluitrouverunami.

Toutétaitenplace.Saufquejenem’attendaispasàcequ’ellem’emmènevoirsonamiRayVega,levéto…

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2epartie

Onnem’avaitpasprévenuquej’allaisperdremavirilitéenm’installantauxÉtats-Unis…

Trooper,lejourdesastérilisation

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6

—Désoléed’êtreenretard,MaryHannah.Sierrarepoussasescheveuxenarrièreets’assitlourdementàcôtédesameilleureamie,danslasalle

del’université.—J’aidûdéposerTrooperchezlevétérinairecematin.Mamanavaitunproblèmeavecuneportée

dechiotsqu’elledoitnourriraubiberonetellen’apaspus’occuperdelastérilisation.J’ailesboules!Enfin,façondeparler.

MaryHannahGalloétouffaunrire.Elleétaitmoinscolletmontéquenelesuggéraientsesvêtements.Satablettesurlesgenoux,elleportaituntwin-setsurunejupeassortieàsoncartableetàsahoussedetablette.

MaryHannahétaitsiorganiséequ’elleenétaitpresqueagaçante.Heureusement,elleavaituncœurd’or.Aprèsundivorcedontelleavaitdumalàparler,ellereprenaitdesétudespourdevenirassistantesociale.

—Désoléepourleschiots,déclara-t-elle.Etpourtonsurcroîtdetravail.Enfin,cen’estpasnouveau.Pourquoies-tutellementstressée,aujourd’hui?Tiens,prendsunepastillehoméopathique,çatedétendra.

Sierra segardadediscuteretglissa lapastilledanssabouche.Puiselle sepenchavers sonamiepourquelesautresétudiantsnel’entendentpas.

—Etpuisquetuveuxlesavoir,c’estencoreàcausedeMike.—MikeKowalski?fitMaryHannah,captivée.Tonex?Mike,lemilitairetorride?Lebourreaudes

cœurs?Qu’est-cequ’ilt’aencorefait?S’ilt’adenouveaubrisélecœur,ilaurademesnouvelles.Que comptait-elle faire ?Le frapper à coups de tablette ? Sierra réprima un sourire, puis elle se

rappelacequilacontrariait.—Ils’installedansmonstudio.MaryHannahdemeuraperplexe.—Vousallezvivreensemble?Jesavaisqu’ilyavait toujoursuneattiranceentrevous,maisvous

allezunpeuviteenbesogne,non?Sierraeutunevisionfurtivedeleursébats.Àquoibonsebercerd’illusions?—Non,onnevapasvivreensemble.Illogeradanslestudioetmoidansmachambre,àlamaison.

J’aivingt-troisansetj’habiteencorechezmamère!Lahonte.—Maisnon!Tul’aides,c’est inestimable,réponditsonamie,aveclavoixdelaraison.Sanstoi,

ellenepourraitpasgardertongrand-pèresoussontoit.—Enthéorie,tuasraison,etj’ensuisconsciente.Parfois,elleauraitvoulujetersesprincipesauxorties.—Commentsefait-ilqu’ilprennetonstudio?

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—Nathanluiadécritparlemenulesréparationsàfairesurlapropriété.Quantàgrand-père,ila…disonsqu’ilaétéégalàlui-même.Enfinbref,Mikevaresterunmomentdanslestudioeteffectuerdestravauxpournous.C’esttrèsgénéreuxdesapart.

Mieuxvalaitnepass’apitoyersursonsortetdétournerlaconversation.—Siseulementj’étaisaussiorganiséequetoi,reprit-elleenluidésignantsatablette.Tuasdéjàtout

prévupourlesannéesàvenir,jeparie.—Tun’asqu’unmotàdireettuaurastoiaussiunagendaetunsacassortis.Unmotiffleuridansles

tonsrosest’iraitàmerveille.Onpourraitmêmefaireimprimerunecitationsurlabandoulièredetonsac,une citation de Freud, par exemple, comme : « Le temps passé en compagnie des chats n’est jamaisperdu.»Ouencoreunecitationpluslittéraire,unversromantiqued’EmilyDickinsonsurl’espérance,parexemple.

Sierraritdeboncœur.—Hum…Emily avait une approche de la vie quime plaît,mais l’espérance n’est pas vraiment

d’actualité.Quoiqu’ilensoit,tum’asmanqué.—Tuveuxdirelessoiréesentrefilles,quitelibèrentdecesfameusesboules.Àproposdeboules,

commentvaMike?—Quoi?fitSierra.—J’essayaisdedétendrel’atmosphèreavantdeteposerunequestionsérieuse.C’étaituneblague.—J’avaiscompris.Taquestionm’aétonnée,c’esttout.—Tantmieux.Alors,Mikevabien,depuissonretourd’Irak?Turedoutaisdelevoirrepartiravant

votrerupture.Laconversationprenaitunetournuretropgraveàsongoût.—Mikesemontreserviable. Ilamêmetenu têteàcettefolledeValerieHammond.Heureusement

qu’ilétaitlà.Etilyavaiteucebaiser,àlafoisdivinetcomplexe.Ellenecomprenaittoujourspascommentles

chosesavaientpus’emballeràcepoint.Elleauraitvouluincriminerletumultedesesémotions,maisellesavaitqu’ilyavaitautrechose.Leurattirancenes’effaçaitpas.

MaryHannahposasurellesonregardperspicace.—J’aivulesphotosduretour,danslejournaletsurInternet.J’airemarquévosregardsenamourés.—Desphotos?Quellesphotos?J’ignoredequoituparles.Danssonsouvenir, lesmédiasavaientprisquelquesclichésdegroupeainsiquedesgrosplansdu

chienlorsdelacérémonie.—Tuplaisantes?Tunefaispasderecherchessurtoi-mêmesurInternet?MaryHannahrepritsatabletteetsemitàtapoterleclavier.—J’aiàpeine le tempsdedormir,alorsmenerdesrecherchessurunordi…Attends, tu tapes ton

proprenomsurInternet?—Jesouffredecompulsionsobsessionnelles,réponditsonamie.Biensûrquejetapemonnomsurle

net,lemienetceluidemesproches,sansoubliermesennemis,d’ailleurs,caronnesaitjamais.—Tuasvraimentdutempsàperdre.—Jesuisorganiséeetjenedorsjamais.Sachequetun’arriveraspasàdétournerlaconversation.

Lesarticlesneparlaientquedevosregardsintenses,deMikeettoi.Mary Hannah brandit une photomontrant la main de Sierra posée sur celle deMike tandis qu’il

l’aidait à se relever, après l’assaut de Trooper. C’était indiscutable : leur attirance mutuelle crevaitl’écran.Cettesensualitétransparaissaitsurchaquecliché.Lesphotographesavaientmisl’accentsurleursregards,avecdeslégendesdesplusromantiques.

Leurhistoireintéressaitlesjournalistes.—Jen’imaginaispasunetellemédiatisation.

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Elleavaiteneffetcroisédesregardscurieux,enarrivantsurlecampuscejour-là.—Monpèreseraitheureuxdesavoirquesonchienasuscitéunetellecuriositéetuntelsoutien.MaryHannahrefermalahoussedesatablette.—Envoilàunbeaudiscours,commenta-t-elle.Décidément,elleétaitbientropperspicace.—Tun’aspasdecopiesàcorriger?Depatientsàconseiller?rétorquaSierra.MaryHannahétaitassistante,elleaussi.Elleenseignaitlapsychologietoutenrecevantsespatients

dansuncentrespécialisé.—Jen’airiend’autreàfairequediscuteravectoi,répondit-elleenglissantsatablettedanssonsac.—C’estça.Tuestellementbienorganiséequetuasbeaucoupdetempslibre.—La vie est plus facile avec une application « calendrier », fit-elle, une lueur ironique dans le

regard.Sierra tira sur le bas de sa jupe en toile, qu’elle portait avec un chemisier blanc. Quand elle

enseignait,elleadoptaitunetenuesobre,cheveuxenarrière,ballerinesetmaquillageminimal.Sicertainsdesesétudiantsétaientplusâgésqu’elle,ellen’enétaitpasmoinscompétente.

—Mavienerespectenicalendrier,nihoraire,affirma-t-elle.—Lesmotifsfleuris,cen’estpastontruc?Pasdeproblème.Quepenses-tuduyoga?Ilyauncours

de«hotyoga»dansuneheure,prèsducampus.Jeteprêteraiunetenue.—Duyogahot?Jesuiscenséeporterunjustaucorpsaudécolletéplongeantetquisoulignebienles

formes,c’estça?—Mapauvrechérie!Tuestellementdébordéequetuvisdansunegrotte,maparole!Tun’asjamais

entendu parler du hot yoga ? C’est du yoga pratiqué dans une atmosphère chaude et humide afin dedévelopper la souplesse en recréant les conditions qui règnent en Inde. En transpirant, on élimine lestress.

Sierrasedépensaitbienassezenpassantlechenilaujetd’eauetensuivantsongrand-pèrelorsdesesdivagations.

—Merci,maisçasemble…Enfin,ilfautquejeterminemadernièrepiledecopies.—Tamèrepeutsepasserdetoipendantquelquesheures,àmoinsquetun’aiesuneautreraisonde

rentrercheztoitoutdesuite?Sierraignoralesous-entendu.—IlfaudrasurveillerTrooperaprèssonopération.Jenevoudraispasqu’ilfugueetseblesse.—Tun’asqu’àluimettreunecollerette.L’imagenelafitpassourirelongtemps.—Cechienarriveàfranchirlaclôture.Ilsecacheàl’arrièred’unpick-up.Iln’auraitaucunmalà

arracherunecollerette.MonpèreauraitmieuxfaitdelebaptiserRavageur.Elleréunitsespapiersetlesglissadanssonsacentoile.—Finalement,jevaiscorrigermescopiesensurveillantTrooper,aliasRavageur.MaryHannahlapritparlepoignet.—Je suis désoléeque tu sois privéede ton studio. Je sais que tu étais heureused’avoir enfinun

logementàtoi.Ellehaussalesépaules.Àquoibonsedésoleralorsqu’ellenepouvaitrienchangeràcettesituation?—L’argent du loyer nous sera utile.Mike tient à nous payer, alors qu’il s’est engagé à faire des

travauxjusqu’àsondépart.—Ehbé!Assieds-toi,s’ilteplaît.Ilpartbientôt?Tuavaisomiscedétail.Sitafamilleabesoin

d’argentetdemain-d’œuvre,pourquoiavoirprisMikequineresterapaslongtemps?Pourquoinepasengagerquelqu’unàlongterme?

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—Troopernecessaitdefuguerpourallerlerejoindre.Etilyadesréparationsàeffectuerunpeupartout.Onn’apas lesmoyensdepayerdesspécialistes.Deplus, ila rendusonappartementpendantqu’ilétaitenmission.Etcomme ilconnaîtdéjàsaprochaineaffectation, ilauraitdûsquatterchezdesamisous’installerdansunmotel.

—Toutceblabla,çacachequelquechose.Nemedispasquevousavezremis lecouvert touslesdeux.

—Non,répondit-elletropvite.—Tuas toujoursdes sentimentspour lui, àen jugerpar lesphotosparuesdans lapresse. Je suis

prêteàparierquetul’asdéjàembrassé.Voiredavantage…Tun’espastrèsavisée.—Iln’yapaseudavantage,avouaSierraensedétournantdeMaryHannah.Les amies étaient une bénédiction, mais elles pouvaient être synonymes d’enfer quand elles vous

connaissaienttropbien.—Pourquoitemontres-tuaussihostileenversMike?—Ettoi,pourquoil’embrasses-tualorsqu’ilt’abrisélecœur?—Tu es trop curieuse. Arrête d’insister et d’utiliser tes superpouvoirs de psy pour envahirmon

esprit.Ce n’était qu’un baiser, rien de plus.Une façon de lui souhaiter la bienvenue. Il n’a personne,aucunefamille.

Cettesolitudeluifaisaittoujoursdelapeine,endépitdetoutlereste.—C’estça!Cequim’inquiète,c’estqu’ilsoittoujoursdansl’arméeetqu’iln’aitaucuneintention

d’ensortir.Cedoitêtredifficilepourtoi,comptetenudecequiestarrivéàtonpère.Sierranedoutaitpasdesasincéritéetelleétaitsensibleàcettemarqued’amitié.Siellen’avaitpas

puseconfieràuneamie,cesderniersmois,ellen’auraitjamaistenulechoc.ElleétreignitfurtivementMaryHannah.

—Jet’adore,tusais,luidit-elle.—Moiaussi, répondit-elleavantdeposer surelleun regardgrave.Faisbienattention,cette fois,

d’accord?—C’estpromis,déclara-t-elleavecuneassurancequ’elleétaitloinderessentir.Ellen’étaitpaspersuadéedepouvoirgarderlatêtefroideenprésencedeMikeKowalski.

Laceygara savieilleChevrolet sur leparkingde lacliniquevétérinaire, justeàcôtéd’unpick-up

stationné à laplace réservée auDrVega. Il venait de terminer ses longues études et débordait encored’optimismeetd’enthousiasme,persuadédepouvoirchangerlemonde.Ilapprendraitbienassezvitequeson actionn’était qu’unegoutte d’eaudans l’océan, car les animauxmalheureux et abandonnés étaientlégion.Néanmoins,ildemeureraitdéterminé.

Laceypritlepaniercontenantleschiotsorphelins.Sitroisd’entreeuxétaientpourl’instantenbonnesanté,deuxautres–PinocchioetLilipucia–semblaientenmauvaiseposture.Elleauraitdûsedouterqueporterunnomdecontedeféesn’allaitpasrenforcerleursystèmeimmunitaire.PourvuqueleDrVegaaituntraitementàluiproposer.

Lesoleil l’éblouitunpeu.Elleétait tellement fatiguéequ’elleavait tout juste réussiàprendreunedoucherapideavantd’enfilerunvieuxjeanetuntee-shirtappartenantàsonfils.Ironiedusort,lesseuleschaussuresqu’elleavaitàportéedemainétaientdesescarpinsrougeshautperchés.Sestalonsclaquèrentsurlebitumetandisqu’ellesedirigeaitverslabâtisseenbriquesnichéeentreunestation-serviceetuneépicerie. Elle devait prendre des nouvelles d’autres pensionnaires du refuge, notamment un canichemaltraitéquis’étaitfaitarracherseptdentsetsouffraitd’unemaladiedepeau.Safamilled’accueilvenaitlechercherdans la journée.Unchihuahuaetdeuxchats resteraienthospitalisés jusqu’àcequ’elle leurtrouveunfoyer,carsapropremaisonaffichaitcomplet.Quantauchiotbergerallemand,ilseraitprêtpourunplacementdèslelendemain.

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SansoublierTrooper,biensûr.Mêmeavecdestarifspréférentiels,safactureallaitmonterenflèche.Sauverdesviesanimalesétait

devenuunemissionpresqueobsessionnellequiluipermettaitderepousserlesfantômesquilahantaient.Mêmecetteprisedeconsciencenel’aidaitpasàmodifiersoncomportement.

Chargéedesonfardeau,ellepoussalaported’entrée.Lecarillondéclenchaunconcertd’aboiements.La nouvelle réceptionniste avait l’air d’une enfant alors qu’elle devait avoir vingt-cinq ans. Avec sablouse ornée de chiots et de chatons et ses cheveux hérissés et parsemés demèches blondes, elle nemanquaitpasdepiquant.Sasilhouettesveltesuggéraitqu’ellen’avaitpasencoreconnules joiesdelamaternité,remarquaLaceyensonforintérieur.

Ellesefustigeaaussitôt.Depuisquandsemontrait-elleaussimesquinealorsquecen’étaitpasdanssanature?

Depuisqu’elleavaitremarquélespattesd’oiesapparuesaucoindesesyeux.—Troopervousattenddansunbox,annonçalajeunefemmed’unevoixstridente.Laceyaffichaunsourireforcéetluitenditlamain.— Je suis Lacey, duRefuge de la SecondeChance. J’ai entendu dire que vous commenciez cette

semaine,maisnousnenoussommespasencorerencontrées.Nousallonsnousrevoirsouvent.—C’estcequel’onm’adit.Jem’appelleMaisie.—Raviedevousrencontrer.Jesuisenretard,désolée.Naturellement,Laceyfaisaitdesonmieux.—Pasdeproblème,madameMcDaniel,minauda-t-ellecommesielles’adressaitàunepersonnedu

troisièmeâge.Lepauvrechienestencoreunpeugroggy.Tenez,voicisacollerette.Ildevralaporteraumoinsunesemainepouréviterqu’ilnelèchesacicatrice.

Laceypritl’objetenplastiqueetleglissasoussonbras.—J’ail’habitude,affirma-t-elle.—Ilparaît,eneffet.—J’aibesoindefaireexaminerceschiots.Pouvez-vousm’introduiredanslasalled’examen?—Biensûr.Suivez-moi.JevaisdireauDrVegaquevousêteslà.Enprononçantlenomduvétérinaire,elleeutsoudainlavoixplusstridente.Elles’empourpratelle

uneétudianteayantlebéguinpoursonprofesseur.Lacey s’efforça de ne pas lever les yeux au ciel. L’attirance palpable entre Sierra et Mike était

suffisammentfrustrantepourqueMaisien’enrajoutepasunecoucheavecRay.Raviedeseréfugierdansla salle d’examen, elle trouva Trooper couché sur un coussin, dans un coin. Il semblait paisiblementendormi.Ellepoussaunsoupirdesoulagement.Elle sedoutaitque tout sepasseraitàmerveille,maiselles’inquiétaittoujours.Ellesepenchapourlecaresser,puiselleposalepaniercontenantleschiotssurlatableétincelante.Ghita,lapremièreassistanteduvétérinaire,apparut.Esquissantunsourire,ellesortitleschiotsdeleurpanier.

Laceyappréciaitcettefemmequiavaitunexcellentcontactaveclesanimaux.Elleétaitefficaceetneperdaitpasdetempsenbavardages.Soussatenue,onapercevaitparfoisundesestatouages,unvampire,unarbregénéalogiqueoulesprénomsdesespetits-enfants.Ellepesaleschiots,pritleurtempératureeteffectuaquelquesprélèvements.PuisGhitaluidonnadesnouvellesdesautrespensionnairesdurefuge.

Laportes’ouvritetlevétérinaireapparut,ledernierarrivédanslecabinet,celuiàquiLaceyavaitgénéralementaffaire.LeDrVegatravaillaitàlacliniquedepuisdix-huitmoismaisnes’étaitpasassociéauxdeuxautrespraticiens. Ilarboraitun tee-shirtportant l’inscription«TopDog».LaceycomprenaitpourquoiMaisieétaitsouslecharme,mêmesielleétaittropjeunepourlui.

—Lacey,toncanicheestdéjàpartiavecsafamilled’accueilet toi tuasgrandbesoind’unpeudesommeil,ondirait.

Iln’yavaitriendetelqu’unevéritécruellepourredescendresurterre.

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—Sympa,Doc,commenta-t-elle.Tusaisyfaireavecleschiens,maispasaveclesfemmes.—Jesuissincèreetinquiet.Quimedonneradutravailsitucraques?—Commesituavaisbesoindemaclientèle.Àproposdemespetitsprotégés…Elle glissa une mèche de cheveux dans son chignon désordonné. Elle était un peu gênée depuis

qu’elleavaitvuMaisiesipimpantedanssatenued’infirmière.Ilfallaitqu’elleseconcentresurleschiotspournepass’attardersurlevétérinaire.Ilavaittoutd’une

star de cinéma avec son visage taillé comme une sculpture grecque. En hiver, il portait un longimperméableetunchapeaudecow-boynoir.Cejour-là, ilfaisait tropchaud.Soudain,Laceyserenditcomptequ’ellefantasmaitsurluicomme…commedevaitlefaireMaisie.Quellemouchelapiquait?

Peut-êtreréagissait-elleainsiparcequ’elleétaitàfleurdepeau.VoirsafilleetMikesiamoureuxluirappelaitcequ’elleavaitperdu.Soncorpsetsonesprittraversaientunepériodedetransition.Sonmarin’était mort que depuis quatre mois, mais il était absent depuis un an. Physiquement, elle était seuledepuisunelongueannée.

Endépitdecetteprisedeconscience,ellenepouvaits’empêcherd’observerleséduisantvétérinaire.Ilétaittropjeunepourelle.Pourquoisemettait-elledanscesétats?

Était-ceparceque,àplusieurs reprises,elleavaiteu l’impressionqu’ilétaitattiréparelle?Dieuseulsavaitpourquoi,carelleavaituneminededéterrée.Bienqu’ellenecherchepasl’aventure,l’intérêtqu’illuitémoignaitdépassaitlestadedubadinage.Ellen’osaitmêmepasimaginerl’effetsurluidesoncorpsnus’ilsprenaientcettedirection.

Depuis quand était-elle complexée ? Lorsque sonmari la regardait dans le plus simple appareil,c’étaitlajeunefillededix-huitansqu’ilvoyait.Dumoinscelledontilsesouvenait.

Ellerefoulavitelepassépourseconcentrersurleprésent.LeDrVegas’agenouilladevantTrooperetlecaressaavantd’examinersaplaie.—Soissage,Trooper.Tuasbeaucoupdechance,tusais,ettuesunevedette.—Aumoins,iln’auraplusderaisondefuguer.Lacey luimitnéanmoinssa laisseaucasoù il serait tentéde reprendresa liberté. Ilpourraitaller

rejoindreMikeKowalskiquivivaitdésormaischezelle.Elle s’envoulaitunpeud’avoir accepté saproposition, carSierra avaitperdu son studioetMike

étaitprivédevacancesbienméritées.Ellen’étaitpascertainedecequecelaimpliquaitpourSierraetMike.Cependant,ellecommençaitàsefaireàl’idée.Deplus,lapropriétéseraitremiseenétatavantlaréunionduconseilducomté.Miketombaitàpointnommé.Tropdepersonnesetd’animauxcomptaientsurelle.Ellen’avaitpasd’autresolution.

Elletrouveraitunmoyendeseracheterauprèsdesafille.—Trooperadéjàfugué?demandaleDrVega.—Plusieursfois.Jem’étonnequeSierranet’enaitpasparlécematin,quandellel’adéposéici.Sa

présencecheznousestunpeuétrange,enfait.—Tum’asditquetonmariavaitl’intentiondelerameneràlamaison.—Siseulementilavaittenutoutessespromesses…Ellegrimaçaetcrispalesdoigtssurlabandoulièredesonsacpleinàcraquer.—Oubliecequejeviensdedire.Jesuisfatiguée.—Parcequetudorsmalouparcequetuastropdetravail?—Je suis débordée.Alimenter les chiots au biberon est aussi prenant quenourrir unnouveau-né.

D’ailleurs, j’aimeraisquetujettesuncoupd’œilsurcespetits-là.Ghitaanotéleurscourbes.Ilsn’ontpasdefièvre,maisquelquechosenevapas.Jesaisquemoninstinctn’ariendescientifique.

—J’aiapprisàmefieràtoninstinct.Ilselevaetsortitleschiotsdeleurpanier.IllesexaminaavecsoinsanscesserdeparleràLacey:—Tut’imposestropdetravail,tusais.Ilyad’autresbénévoles,d’autresrefugesquipeuvent…

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—Aveccinqchiotspitbull?Sijelesdéguisaisencaniches,peut-être.Allez,jeplaisante.—Moninquiétudeestréelle,rétorqua-t-il.Pourtoietpoureux.Situesvictimed’unburn-out,tune

pourrasplusaiderpersonne.Elles’efforçadenepasselaisserenivrerparlefaitquequelqu’unsesouciedesesbesoins.—Moi,mereposer?Situcherchesàtedébarrasserdemoi,autantledirefranchement.Ilposaunemainsursonépaule.—Lacey,tusaistrèsbienquec’estfaux.Loindelaréconforter,cecontactchaleureuxluidonnadesfrissons.Étonnéeparsapropreréaction,

elledemeuraimmobileunmoment.Ellen’étaitpasprête.Mais elle était incapable de gérer la confusion de ses sentiments, ce mélange de culpabilité et

d’attirancequiluirappelaitdouloureusementqu’aucunhommenel’avaittouchéedepuislongtemps.Ellefitquelquespasenarrière,désireusedeprendreunpeudedistanceavecdessensationsqu’elle

n’étaitpasenmesured’affronter,pasmaintenant,passivite.—Franchement,Ray,est-cequej’aidépasséleslimites?Jepeuxteréglerlamoitiédemafacture

aujourd’huietlerestelasemaineprochaine,situveux.Illadévisageaunmoment,puissortitunautrechiotdupanier.—TuasencorevenduquelquechosesurInternet?Ilposasonstéthoscopesurletorsedel’animal.—Jetepréviens,reprit-il,situmetstoncoucouenvente,jefaisunscandale!—Aucunechance.Troopervasansdouteledétruire,detoutefaçon.Ils’estdéjàattaquéplusieurs

foisàl’oiseau.Ray rit,mais retrouvasonsérieuxpourexaminerLilipucia.Laceygarda le silence, le tempsdese

ressaisir.Raysesouvenaitdesoncoucou?Ilétaitpasséchezelleunsoircarquelqu’unavaitabandonnéunejumentchezelle.LapauvrebêteallaitmettrebasetLaceynesavaitcommentlatransporter.Ellenesesouvenaitmêmepasquelevétérinaireétaitentrédanslamaison.Elleavaitcertainementdûluioffriràboire.Sansdouteavait-ilremarquélecoucouàcetteoccasion.

—Nousavonsprisunlocataire,annonça-t-elle.L’argentduloyerm’aideraàréglermafacture.Deplus,j’auraiquelqu’unpoureffectuerquelquestravaux.

—Unlocataire?—Unsergentdansl’armée.C’estluiquinousaramenéTrooper.—JecroyaisqueSierradevaits’installerdanslestudio?Soudain,unepenséetroublanteluivint.EtsileDrVegas’intéressaitàsafille?Ceseraitlogique.

Elleétaitdesagénération.Seserait-elleméprisesursessignauxencroyantydéceleruneattirancepourellealorsqu’ilsauraientétédestinésàSierra?

Elleseseraitsentiemortifiéedeluienparler,etplusencoresisessoupçonsserévélaientinjustifiés.—Jem’enveuxunpeu,dit-elleà laplace,maisc’estunarrangementprovisoireetellecomprend

quenousfaisonsdenotremieux.Alors?Commentseportentmeschiots?Ilplaçasonstéthoscopeautourdesoncou.— Je soupçonne un début d’infection pulmonaire. En perdant leur mère, ils ont aussi perdu des

anticorps. On va commencer un traitement antibiotique, au cas où. Je verrai s’ils ont besoin d’êtrevermifugés.

Il remitLilipuciaàsaplaceetseconcentrasurPinocchio.Lepetitchiot fauvesemblaitminusculedanssamain.

—Net’inquiètepaspourlesfrais.Tunepaierasquelesmédicaments,paslaconsultation.—C’esttrop!Jet’aiditquej’attendaisunerentréed’argent.—Jepourraiseffacertonardoiseetlafairepasserpourundonàuneassociation,afinquetusauves

d’autresanimaux.

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—Tu le faisdéjàet tunousaccordesde telles remisesquec’enestpresque injuste.Merciquandmême.

Ilsoutintsonregard.Intriguée,elleattendit.— Lacey, règle ta facture si c’est ce que tu veux. Sache que j’accorderais lesmêmes facilités à

n’importequelrefugedontleresponsableseraitaussimotivéetintègrequetoi.Jesongeavanttoutauxanimaux.Notre…amitié,c’estautrechose.

Leuramitié?Ellen’avaitpasrêvé.Ilavaitmarquéuntempsd’arrêt.Peut-êtreluiplaisait-ellevraiment,enfinde

compte.Cethommedetrente-deuxans,sexy,charismatiqueetintelligentladésirait!Ilavaitdixansdemoinsqu’elleetétaitàdesannées-lumièredesonexpériencede lavie.Cependant,ellenepouvait seméprendresurlalueurquipétillaitdanssonregard.

Naturellement, il ne passerait pas à l’acte.Veuvedepuis peu, elle était loin d’avoir fait son deuild’Allenetn’étaitpasprêtepourunenouvellerelation.Malgréelle,ellesemitàtripoternerveusementsonalliance.

Et pourtant, au plus profond de son corps fourbu et surmené, elle sentit naître une douce chaleur.L’espaced’un instant,elle se laissaallerà rêverau lieude refouler sonsentimentdeculpabilité.EllecontemplaRayetsavouracetinstant.

Ses cheveux bouclés lui tombaient sur la nuque. Son style était diamétralement opposé à celuid’Allen.C’étaitsansdoutecequi luiplaisait.Ilnepouvaitsecompareràsonmaridéfunt,nirivaliseraveclui.Ellen’avaitpasàsesoucierderemplacerAllenpourremplirunvidedanssavie.

Pourrait-elleselibérerdesespulsionsenunenuittorride?Ellen’ensavaitrien.Maiselles’autorisaunfantasme:elles’imaginaportersonimper,sonchapeau…etriend’autre.

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7

LeDrRamonVegaétait amoureuxdeLaceyMcDanieldepuis lapremière foisqu’elleétait entréedanslaclinique,dix-huitmoisplustôt,tandisqu’elleapportaituncorniaudprovenantd’unautrerefuge.Négligépar sonmaître, il avaitétépercutéparunevoitureetn’avait jamais reçudesoinsmalgréunepattefracturée.Sonvétérinairehabituelayantquittélenavire,Laceyavaitfrappéàsaportecarquelqu’unluiavaitparlédesasympathiepourlesassociations.

Ilavaitétécontraintd’amputerlechien.Tandisqu’ileffectuaitl’intervention,elleétaitrestéeàcôtédelui,sansquitterdesyeuxsonpetitprotégéqu’elleconnaissaitàpeine.C’étaitunefemmedecœur.

Rayavait concluunaccordavecelle et s’était engagéà l’aiderdans sonaction. Il l’aurait faitdetoute façon car il soutenait déjà le refuge municipal. De plus, il avait envie de revoir Laceyrégulièrement.Iln’étaitpourtantpashommeàcourtiserlesfemmesmariées.Ilnes’autorisaitmêmepasàypenser.Maisiln’avaitpasvud’allianceàsondoigtcejour-là.

Plus tard, il avait appris qu’elle avait enlevé ses bijoux à cause d’une allergie à un désinfectantutilisépourlaveruneportéedechiotsmalades.Lorsqu’ilavaitdécouvertqu’elleavaitunmarietdeuxenfants, il étaitdéjàamoureux.Peu lui importait leurdifférenced’âge, il aimait toutenelle.Elleétaitsexy, sans être superficielle comme les cover-girls des magazines. À quatre-vingts ans, elle seraittoujoursaussibelleetpassionnéeparlesanimaux.Malheureusement,Laceyn’étaitpaspourlui.

En général, il la contemplait seulement lorsqu’elle était occupée. Cette fois, elle le regardaitfixement,commesiellelevoyaitenfin.Pourquoipas?Ilsoutintsonregard.Sesbouclesd’unbrundoréétaientnaturellesetnontravailléespendantdesheuresdevantsonmiroir.Avecsesgrandsyeuxverts,sestachesderousseuretuneclassenaturellequilesubjuguait,ilseditqu’ilavaittrouvésonâmesœur,lui,lerebelle.

Enfin,elleremitunemèchederrièresonoreille.—Bon,jevaisyaller,finit-elleparglisser.Ilnevoulaitpasqu’elleparte.Ilvoulaitaucontrairepasserdutempsavecelle,l’avoirauprèsdelui.—JevaisporterTrooperdanstavoiture,proposa-t-ilencaressantlafourrureduchien.Ilsemitàgrognerenmontrantlégèrementlesdents.—Doucement,fit-ilenlecaressantencore.Ilévitadeleregarderdanslesyeux,aucasoù…—Jesupposequ’ilt’enveutdecetteopération,plaisantaLacey.Ilsourit.—Cesontplutôtleseffetssecondairesdel’anesthésie.Rayseméfiaitencoreunpeudecechiennéàl’étatsauvage,enpleindésert.L’instinctdeLaceyétait

fiable,maisTrooperluiavaitétéimposé.Ellen’avaitpaseulechoix.Commetoujours,d’aprèscequ’ilsavaitdesavie.Elleavaitélevésesdeuxenfantsseuleets’occupaitdésormaisdesonbeau-père.

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IlcalmaTrooperdesonmieux,puislesouleva.—Ouvrelamarche,s’ilteplaît.—Tun’aspasà faireçapourmoi,dit-elleenprenant lepanierdeschiots. Je suis sûreque tuas

d’autrespatientsàausculter.—Ghita!lançaRay.Pouvez-vousvousoccuperdesordonnancespourleschiots?J’aitoutnotédans

ledossier.Nousallonsinstallerleschiensdanslavoiture,maintenant.—Trèsbien,doc,répondit-elle.Jevousapportelesmédicaments.—Net’enfaispas,Lacey.Lesautresvétossontpartisetilnemeresteplusqu’unpatientàvoir.Ilmentait,maisilvoulaitlarassurer.—EtGhitaetMaisienevontpastardernonplus,ajouta-t-il.—Situenessûr,merci.Laceycroisalanouvelleréceptionnisteensortant.Bon sang, songea Ray. Cette Maisie traînait sans cesse derrière les portes. Elle lui collait aux

basquescommeunchiot,maisc’étaitlaniècedel’undesassociésetellefaisaitsourirelesclients.LaceyetRaymarchèrentcôteàcôtesurleparking,sousunsoleildeplomb.Heureusement,unedouce

brise soufflait. Lacey sentait la lavande. Ray était sorti avec une fille qui vendait des brûle-parfumdestinésàl’aromathérapie.Selonelle,cetteplanteavaitdesvertuscalmantes.

Entoutcas,ceparfumluiplaisait.Laceyluiplaisait.Maispourl’heure,ilnepouvaitrienfaire.Lepourrait-ilunjour?

ElleouvritlecoffredesaChevroletetrepoussadenouveauunemèchedecheveuxenarrière.—Merci encore.Tun’as qu’à le déposer dans la cage, à l’arrière. Je luimettrai sa collerette en

arrivantàlamaison.Ondiraitqu’ilestencoresonné.—Encasdecomplications,appelle-moi.Unpeutroublé,ilinstallalechien.Trooperreprésentaitunsouvenirvivantdel’hommequiauraitdû

setrouverlàpoursoutenirLacey,unhommequ’elleavaitépouséetqu’elleaimaitdepuisplusdevingtans.

Unhérostombéaucombat.Selanguird’uneveuvedemilitairesemblaitvil.Rayfermalacage.Sonsénateurdepèreseraitfou

s’il apprenait que son fils courtisait une femme récemment veuve de guerre.Même s’il ignorait dansquellemesurelescodesd’honneurpaternelsétaientfondéssurl’éthiqueoulequ’en-dira-t-on.

QuandRayétaitpetit,sonpèreexigeaitsaprésenceauconseilmunicipal.L’enfantposaitmêmepourles affiches électorales. Il avait subi les coupes de cheveux, enduré les débats interminables et lesréunionscaritatives.Ilauraitpréféréjouerdehorsetporterdestenuesdécontractées.Àsonadolescence,sonpèreétaitdevenusénateuretsamèrefaisaitsemblantd’êtreencoreamoureuse.Elleposaitpourlesaffichesdecampagneendépitdesongoûtpourdesamantsplusjeunes.

Ray était parti ensuite étudier loin de chez lui, ne faisant que de rares apparitions aumoment desélections.Maislepoidsdesvaleursdesonpèreluipesaitencore,notammentencequiconcernaitLacey,lafemmelaplushonorablequ’ilaitrencontrée.

Àlamortd’Allen,Rays’enétaitvouluencoredavantage,commes’ilavaitsouhaitélemalheurdecethomme.C’était le cas, dansune certainemesure,mais il espérait surtoutqueLacey réaliserait qu’elleavaitbesoind’unhommequisepréoccupedavantagedesonbien-être.Ellepassaittellementdetempsàs’occuperdesautres.Quiveillaitsurelle?

La situation était sans issue. Une clinique de la côte Ouest lui avait proposé un poste, avec uncamaraded’universitéquipouvaitluiobtenirlestatutd’associé.Financièrement,l’offreétaitalléchante.

Pourtant,ilétaittoujourslà.RayrefermalecoffredelaChevroletetsuivitLaceyduregardtandisqu’ellesedirigeaitversl’avant

duvéhicule.Commentfaisait-ellepourdégagerplusd’éléganceenjean,tee-shirtetescarpinsrougesque

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laplupartdesfemmesquifréquentaientlesréceptionsdesonpère?Quantàsescheveux,lesamiesdesamèrepayaientsansdouteunefortunepourobtenirlemêmerésultatchezlecoiffeur.

— Docteur ! cria Ghita en surgissant de la clinique avec un sachet. J’ai les médicaments deMmeMcDaniel.

—J’aifaillipartirsanseux,ditLaceyenseprécipitantau-devantdel’assistante.Oùdoncai-jelatête?Mercibeaucoup.

Ghita lui fit ses recommandations sur les antibiotiques destinés aux chiots et les antalgiques deTrooper,maisellen’apprenaitrienàLacey.

Cettedernièrelasaluaets’éloignaverssavoiture.Enpartant,elleleuradressaunsignedelamain.Rayobservalesnombreuxautocollantsquiornaientl’arrièreduvéhicule.L’étoiled’orquidésignaitunefamilleayantperduunsoldataucombatluifitl’effetd’uncoupdepoignardenpleincœur.

Levéhiculedisparutdans la circulationdense à causede labasemilitairevoisine.Rayglissa lesmainsdanslespochesdesablousepournepasluifairesignederevenir.

Sesentantobservé,ilseretourna.—Ghita?Onaoubliéquelquechose?Ill’espéraitvivement,carcelaluifourniraitunprétextepourrevoirLacey.Sonassistanteposasurlui

unregardentendu.—Vousallezl’inviteràsortir?Cela se voyait donc à ce point ? Pris en défaut, il se gratta nerveusement la nuque. Ses cheveux

étaienttroplongs,mêmes’ilavaitpassél’âgedelacoupemilitairequeluiimposaitsonpère.—Qu’est-cequivousfaitcroirequej’aienviedel’inviter?—Jesuisvoyante.—Vraiment?—Non.Maisjenesuispasaveuglenonplus.Commentluidirepolimentdesemêlerdesesaffaires?—Qu’est-cequisauteauxyeuxaupointdevousinciteràlancercetteconversationgênante?—Détendez-vous,docteur.Personned’autrenepeuts’enrendrecompte,saufMaisie,peut-être.Elles’appuyacontreson4×4.—Jesuissimplementplusmûreetmoinscentréesurmoi-mêmequebeaucoup.—Plusindiscrète,aussi.—Jenediffuseaucunragot.Effectivement.Néanmoins…—Jecroisqu’ilesttempsdeclorelesujet.Ils’éloignaendirectiondelaclinique.Ets’ilpassaituncoupdefilàsonami,histoired’ensavoir

plussurlepostequ’illuiproposait?—Celasignifiequevousnel’inviterezjamaisàsortir,mêmesivousladévorezdesyeux?insista

Ghita,quil’avaitsuivi.Ils’arrêtanetetsetournaverselle:—Elle vient de perdre sonmari,Ghita.Vous étiez présente, commemoi, lors de ses funérailles,

non?Cethommeétaitunhéros,c’étaitindiscutable,etsonfantômeplaneraitlongtempssurlaville.—AllenMcDanielétaitunbonsoldatquiafaitlesacrificeultimepoursonpays.C’esttragiqueet

injuste.Elles’interrompitpourlelaissers’approcher.—Maisilétaitpartidepuislongtemps,bienavantdemourir.Raynesesentaitpasmieuxpourautant.IlétaitsurtouttristepourLacey.Ils’assitàcôtédeGhita,sur

lepare-chocs.

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—Danscecas,Laceyad’autantplusderaisonsd’êtreendeuil.—Celaveutdirequevousavezenviedesortiravecelle.—Vouslesaviezavantdem’imposercetteconversation.Jelerépète,cen’estpaslebonmoment.Ghitacroisalesbras,exposantunepartiedutatouagequifiguraitsonarbregénéalogique.—Quelestlebonmomentpourdragueruneveuve,d’aprèsvous?Excellentequestion.—SijedevaissortiravecLaceyMcDaniel,jenevoudraispasêtreunlotdeconsolation,unbouche-

trouquil’aideraitàsurmontersonchagrinavantderepartirdanslavie.Ghitaluitapotalebrastelleunemèrecompréhensive.—Doncvousêtesmordu.Vousavezdessentimentspourelle.—Ghita…Ilsedétournadesonregardvertquiexprimaitdelapitié.—Pourquoitenez-voustantàenparler?—Parcequ’iln’estpasfréquentqu’unhommeaimeunefemmesanssesoucierdeladifférenced’âge

oudufaitqu’ellen’ariend’uneminettequifaitdesrégimespoursesanglerdansdu34.ElledésignaMaisiequisepavanaitendirectiond’uneMustangquesonpèreluiavaitoffertepourses

vingtetunans.PuisGhitasetournaversRayavecunsouriretriste.—Jesuisdevotrecôté,assura-t-elle.—Votreexpressionnemedonnepasvraimentd’espoir.—C’estparcequejem’inquiètepourvous,patron.—Pourquoi?JenesuispasQuasimodoquandmême!—Quiça?—LebossudeNotre-Dame.Qu’est-cequivousinquiète?Vousvenezdelaisserentendrequej’étais

untypebienetqu’unefemmepourraitm’apprécier.—Elleestveuveetaunpassélourdàporter.Mêmesielleparvientàfairesondeuil,lesfemmesne

considèrentpassérieusementunerelationavecunhommeplusjeune.Neleprenezpasmal,docteur,maislesjeunessonttropimmatures,engénéral.

Cesparolesétaientpleinesdebonsens.—C’estunequestiondepointdevue.—Pasdutout,insista-t-elleenluitapotantlebras.C’estlavie.Pour l’heure, Ray était impuissant et l’avenir n’était pas des plus optimistes. Il n’avait plus qu’à

patienterjusqu’àcequeLaceysoitprête,encroisantlesdoigtspourque,lejourvenu,elleapprécieunhommeplusjeunequ’elle.

Car il avait au moins une certitude : ses sentiments pour elle étaient sincères. Finalement, iln’appelleraitpascettecliniquedelacôteOuest,dumoinspasdansl’immédiat.

Sierraétaitadosséeaumur,aupieddel’escalierquimenaitaustudiodeMike.Aurez-de-chausséedelagrange,lesportesouvertesprovoquaientuncourantd’air.Leschiensétaient

sortis dans la cour pour se dégourdir les pattes avant la tombée de la nuit. Plusieurs chats s’étaientréfugiésdanslescomblesetunautreavaitéludomiciledanslebureaudesamère.LaceyavaitemmenéleschiotsdanslamaisonpourlesnourriretlessoignerpendantqueMikes’installait.

AvecsonamiCalvin,ilavaitdéjàmontéquatrecartonsdevêtements,d’ustensilesetd’équipementsportif. Ils avaient transporté lematelaset le fauteuil encuir àgrand renfortde juronset s’attaquaientdésormaisàl’énormetéléviseuràécranplasmaengravissantunemarcheàlafois.

SierratenaitTom,unvieuxchattigré,danssesbras.Deuxmoisplustôt,lefilouavaitréussiàmonterdans lavoituredesamère lorsd’unevisitedansunrefuge.Danssacage,Trooperavait lespaupièreslourdes, visiblement gêné par sa collerette. Il suivait les mouvements mais semblait flotter dans le

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brouillard.Elle l’avaitenfermépourdes raisonsdesécurité, le tempsqueMikedéchargesesaffaires.Par lasuite, ilsverraients’ilvalaitmieuxque lechienviveavec lui. Il fallaitéviterqu’ilne joue leschefsdemeuteaveclesautreschiensoubienqu’ilfugueànouveaualorsqu’ilétaitconvalescent.

Soudain,lajeunefemmepritconsciencedecequiétaitentraindeseproduire.Mikes’installaitdanslestudio.Ilétaitderetourdanssavieàcausedecechien.Lechiendesonpère.

C’étaitunecatastrophe.Calvinredescenditvivementl’escalier.—Onapresqueterminé.Jen’aijamaisgagnéaussifacilementunetournéedebière.Mikenepossède

pratiquementrien,ajouta-t-ilendéroulantlesmanchesdesachemise.Bellerénovationaufait.—Merci.Elleeut touteslespeinesdumondeàmasquersesregrets.MaryHannahl’avaitaidéeàchoisir les

couleurs,puisàrepeindrelestudio, le tempsd’unweek-end.Ellesavaientoptépourdes tonsdouxdevertamandeetdebeigedansunesprit«jardinsecret».

Calvinbalayalacourduregard,puisilobserval’airedejeux.—Lapetiteamied’uncopainveutadopterunchiot.Jeluiaiparlédecerefuge.—C’estgentil.Mamèreseracontente.—Bon,jevaischercherlerestedubord.Oh,pardon.Cen’estpasévidentdeperdreleshabitudesde

labasequandonestenpermission.Calvins’agenouillaprèsdelacagedeTrooperetglissalesdoigtsàl’intérieurpourlecaresser.—Onapassédebonsmomentsàjoueràlaballeouaufrisbee.Ilnousaaidésàoublieroùonétait,

commesitoutétaitnormal.Sierran’avaitpasréalisél’importancedeTrooperpourlesmilitaires.—Onvoitbienqu’ilteconnaîtetqu’iltefaitconfiance,répondit-elle.D’aprèsmamère,iln’apas

arrêtédegrognercontrelevétérinaire.—C’estbizarre.Ilnefaisaitjamaisça,là-bas.Enfin,pasauboutd’unmoisdedressageparminous.

Ilnegrognaitquepournousalerterd’uneprésenceennemie,ajouta-t-il,visiblementému.—Trooperachoisisoncampetilestrestéloyalenverslessiens.—Lesamis,c’estimportant,ditCalvinenseredressant.Miketientsuffisammentàtoiettafamille

pours’êtremisenpérilenvousramenantcechien.Jetenaisàcequetulesaches.Sanslaisseràlajeunefemmeletempsderépondre,ils’éloigna,contournantdeuxteckels.Tom,le

chattigré,sautadesgenouxdeSierraetfilaseréfugierdanslebureaudeLacey.Mikeavaitmissacarrièreenpéril?Elleétaitconscientequ’ilavaitviolélesrègles,maisavait-il

sous-estimélesrisques?Ilfaisaittantdechosespoursafamilleensouvenirdesonsupérieur.Elles’étaitimaginéetantdefoismontercetescalierpourentrerdanssonlogement.Àunmoment,elle

avaitmêmerêvéd’yemménageravecMike,sedisantqu’ilspourraientvivrequelquechosedespécial.Trooper aboyaune seule fois, d’unevoixunpeu étranglée et pitoyable. Inquiète, elle s’agenouilla

devant la cage et ouvrit la porte pour le regarder dans les yeux, puis lui caressa le dos. Si elle nepossédaitpasledondesamèrepourcommuniqueraveclesanimaux,elleavaitbeaucoupapprisàsoncontact.Tandisqu’ellegrattaitlechienentrelesoreilles,elleentenditdespasdansl’escalier.

Voilà donc pourquoi Trooper avait réagi de la sorte. Il était attaché àMike. Elle n’eut pas à seretournerpoursavoirquec’étaitlui.

—Ilvabien?s’enquit-ilens’agenouillantàcôtéd’elle.—Ilréclamaitsansdouteunpeud’attention.Ellesetrouvaitàquelquesmillimètresdesonépaule,aupointqu’elleauraitpuposerlatêtedessus.—Sansdoute.Ilapasséunejournéedifficile.Mike lui caressa la tête, puis il prit la main de Sierra. Elle eut envie de l’attirer vers elle pour

l’embrasser.Elleenvoulaitdavantage,maiselle refusaitdesouffrir.Elleserra furtivement lamainde

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Mikeetsedégageaaussitôtdesonemprise.Elletenaitàgarderlesidéesclaires.—Jecroisquenousdevrionsétablirquelquesrèglesdevie,puisquetuasemménagéici.—Desrègles?répéta-t-il,perplexe.Jen’aimepasbeaucoupça,tusais.—Ilyaundébutàtout.Elles’assitparterreetreplialesjambes,afindeprendresesdistances.—Àproposdecebaiser…Ils’appuyasurlacage.—Jet’enprie,épargne-moilecliché«ilnefautpasqueçasereproduise».—Çanesereproduirapas.—Qu’est-cequejedisais!Réprimantunsourire,elleluidonnaunetapesurlegenou.—Lefaitd’habitericinetedonnepasledroitdeteglisserdansmachambre,lesoirvenu.—Alorsjevaisdevoirrangermonéchelle?—Arrêtedeplaisanter.Jesuissérieuse.Ilfautquenousfassionsattention.—Tuasquelqu’und’autredanstavie?demanda-t-il,laminegrave.Illaconnaissaitpourtantmieuxquecela.—Sic’étaitlecas,tucroisquejet’auraisembrassé?—J’espèrequenon.—Tuasdonctaréponse.Cebaiser,c’étaituneimpulsion.Ilfautquejeréfléchisse,dansnotreintérêt

àtouslesdeux.Jenevaispastrèsbien,mamèrenonplus.Quantàmonfrère,jecroisquesonattitudesepassedecommentaires.J’aibesoindecalme.Etvoilàquetuéprouveslebesoindenousaider,pourDieusaitquellesraisons.Jet’ensuisreconnaissante,mêmesijet’enveuxd’avoirmistacarrièreendangerpournousramenercechien.Jenecomprendspastrèsbiencequetufaislà.

—Net’inquiètepaspourmacarrière.Cequejefaislà?J’aimeraispouvoirterépondrequec’estparcequejesuisuntypesympa.Saufquejen’airiend’unhéros.Jecherchesimplementàcomprendrepourquoijesuisenviealorsqued’autressontmorts.

—Turessenslaculpabilitédusurvivant.Raisondepluspourquenoussoyonsprudents.Ellepenchalatêteenarrièrepourrefoulerseslarmes.—Jenedispasqu’iln’yaurajamaisrienentrenous,reprit-elle.Jedissimplement…— Tu as assez souffert, murmura-t-il en posant une main sur sa nuque pour la réconforter. Je

comprends.Cesimplecontactluidonnalachairdepouleetvintébranlersesbonnesrésolutions.C’étaitpeut-être

delalâchetédesapart,maisellen’avaitplusqu’unesolution,fuir.Elleselevad’unbondetseprécipitahorsdelagrangeencourant,bousculantCalvinquiportaitle

vieilétuiàguitaredeMike.—Pardon,bredouilla-t-elle.Elle fit le tour de la grange, s’adossa au mur et respira profondément. L’odeur de foin coupé

provenantde la fermevoisine luienvahit lesnarines.Elleparvintà réprimersonenviede retourneràl’intérieuretd’enfouirsonvisagedanslecreuxdel’épauledeMike.

Ellefermalesyeux.Deuxlarmescoulèrentlelongdesesjoues.Ellelesessuyavivement.Desvoixluiparvinrent,portéespar labrise.MikeetCalvinbavardaient.Mieuxvalaitqu’elles’éloigneauplusvite.Lesvoixdesdeuxamisluiparvenaient:

—Mike,riennet’obligeàrestericipouravoirlecœurbrisé.Tupeuxsquatterchezmoisituveux.Tudormirassurlecanapé.

—C’estsympa,maisilsontbesoindemoi,répondit-il.—Vousvousêtesremisensemblealors?SierracrispalespoingsenattendantlaréponsedeMike.

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— Tu écris des articles dans la rubrique des potins, maintenant ? grommela-t-il. Tu n’as qu’àregardermapageFacebooksituveuxlesavoir,commetoutlemonde.

Calvinsemitàrire.—Situesdemauvaispoil,c’estquetuesfrustré.Sierraseredressa,troubléeparlatournuredecetteconversationdigned’unvestiairedegymnase.—Laissetomber,s’emportaMike,cequirassuralajeunefemme.—Taréponseestéloquente,insistaCalvin.Tul’asdanslapeau.Sierra retint son souffle dans le silence qui s’éternisait.Gizmo, le bouvier australien, jouait avec

deux jeunes labradors noirs qui avaient été découverts attachés à la barrière. Par chance, ils avaientéchappéauxprédateurs.Songrand-pèrelesavaittrouvéslorsd’unedesesescapadesnocturnesaveclatondeuseàgazon.

—Calvin,repritenfinMiked’unevoixquis’efforçaitd’êtrepatiente,tuveuxm’aideràbranchercetéléviseuroupas?

Sierraentenditdespaslourdsdansl’escalier,puislesvoixsefirentunpeupluslointaines.—Necherchepasàm’impressionner.Lesergent-majorestfurieux,cequidevraitt’inquiéter.—Çanem’étonnepas.Sierras’assitàterre,submergéeparunterriblesentimentdeculpabilité.Ellenes’envoulaitmême

plusd’écouterleurconversation.Leursvoixluiparvenaientencoreparlafenêtreouvertedustudio.—Mike,mêmesi tusemblesavoirbénéficiéde lamédiatisationduretourduchien, jesuisprêtà

parierquelesergent-majorteleferapayerd’unefaçonoud’uneautre.—Jesuisungrandgarçon.Passe-moilecutter.—Tuasbeaucoupàperdre,insistaCalvin.TamissiondanslesForcesSpéciales,parexemple.SurInternet,touslesblogsconsacrésauxanimauxparlaientdel’histoiredeTrooperàgrandrenfort

d’anecdotesetdephotosvolées.Sierrascrutalesarbresenquêtedecamérascachées.Puisellevitleursvoisinsetleursquadslongerlaclôture,sansdoutepourchercherlabagarre.

—D’oùvientcechat?s’exclamaCalvin.—D’aprèstoi?Onestdansunrefugepouranimauxabandonnésettuesétonnédecroiserunchat?—C’estvrai.Pourenreveniràcequenousdisions,jevoulaisseulementtesuggérerdetournerla

page,d’assurertonavenir.— Il n’est pas question demoi dans cette affaire.Dis donc, tu es venu pourm’aider ou pourme

harceler?Sierradevaits’éloignerauplusvite.ÉcouterMikeétaitunevéritabletorture.Calvinluiavaitpermis

decomprendrequeleproblèmen’étaitpasdedécidersiMikeetelleseraientassezfouspourreprendreleur relation.Mike avait fait passer lesMcDaniel avant sa propre carrière. Elle n’était pas la seuleconcernée.

LesintérêtsdeMikeétaientégalementenjeu.Résignée,elleselevaettraversalagrangeversl’entréeprincipale.Laporteouvertelaissaitvoirle

pick-updeMikeet,au-delà,l’allée.Elleentenditlesdeuxhommess’activer,àl’étage.Elleralentitsoudainlepas.Quelquechosen’allaitpas.Lorsqu’elleseretournaversl’intérieurdela

grange,leschatsl’observaient.Lespetitslabradorsavaientcessédebatifolerets’étaientcouchéssuruncoussin.LajeunefemmesetournaverslacagedeTrooper.

Vide.Iln’yrestaitquelacollerette.Cechienétaitunmagicien.Àmoins queMike l’aitmonté au studio. Elle s’empara de la collerette, prête à réprimander son

locatairepoursanégligenceetgravitlesmarchesmenantàson«jardinsecret»devenugarçonnière.—Ilnefautpasluienleverça!s’exclama-t-elleenluitendantvivementlacollerette.Mikeécarquillalesyeux.—Trèsbien,jevaislesurveiller.Tupréfèresquejelemonteici?

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Sierrasesentitpâlir.—Iln’estpasavectoi?—Jecroyaisqu’ilétaitdanssacage,réponditMikeensetournantversCalvin.Tuasle tempsde

nousaideràlechercher?—Qu’est-cequeturacontes?fitlemilitaire,ahuri.Ilestpartisepromener,c’esttout.Regardez!Calvindésignaitlapelouseauloin.Parlafenêtre,SierravitTroopersedirigerverslabarrièreen

titubant.Maisiln’étaitpasseul.LegénéralMcDanielletenaitenlaisse.

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8

Mikeexcellaità lacourseàpied. Il réalisaitmêmeun temps trèshonorableauxdixkilomètres.Etpourtant, jamais il ne fut aussi rapide qu’en descendant les marches pour empêcher un vieil hommemaladedepartiravecunchienconvalescent.

IlauraitdûpenseràprendreTrooperaveclui.Ilétaitvenupourserendreutile,paspourprovoquerdes catastrophes. Il entendit vaguementdespasderrière lui, puisd’autres, bienplus loin.Le soleil secouchait,baignantleschampsdansunelueurdorée.JoshuaMcDanieln’avaitplussatêteetlechienétaitcensésereposer.

Ilaperçutbientôt legénéralparmi lesarbreset le rejoignitenquelquesenjambées,mais il ralentitpournepasl’effrayer.Vêtudesonéterneljoggingetdebaskets,Joshuan’étaitpastrèsalerte.

Mikeglissalesmainsdanslespochesdesonjean.—Puis-jevousdemandercequevousfaites,mongénéral?— Je promène le chien, fiston. C’est toi qui aurais dû t’en charger, rétorqua le vieil homme,

visiblementirrité.Jevaisdevoirretenirtasoldeunefoisdeplus.—Ehbien,jesuislà,maintenant.Vouspouvezrentrerchezvouspourdîner.Il s’efforça de l’apaiser tandis que Sierra et Calvin demeuraient en retrait. Joshua secoua

vigoureusementlatête.—Trooperetmoi,onatrouvénotrerythme,affirma-t-ilenhâtantlepas.Tupeuxdisposer.Lasituationallaitdégénérer.Mikerestacalmeetrespectueux.—Jesais,mongénéral,maislanuittombe.Nousdevrionsrentrer.—Jesuis libredemepromener le soir siçamechante ! s’exclama levieilhommed’un tonsans

réplique.—Vouspermettezquejemejoigneàvous?Joshuas’arrêtanet.—J’aipasbesoind’unenounou!hurla-t-il.Uneveinepalpitaitsursatempe.D’expérience,Mikecompritqu’ilétaitsurlepointdecraquerou

d’envenirauxmains.Sierraintervintetposaunemainsursonbras.—Grand-père…Le vieil homme la repoussa si violemment qu’elle faillit tomber à la renverse. Elle retrouva vite

l’équilibre. Les poings crispés,Mike se plaça entre eux. D’instinct, il voulait la défendre. Jamais iln’auraitcrudevoirlaprotégerd’unmembredesafamille.

—Général…—Grand-père…répétaSierrad’unevoixdouce.

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Il scruta les alentours, visiblement désorienté.De toute évidence, il cherchait… un grand-père. IlignoraitquiétaitSierraetàquielles’adressait.

L’expressiondésespéréedelajeunefemmebrisalecœurdeMike.Ilpoussaunsoupiretcherchalesmotssusceptiblesd’apaiserlatension.

—Onpeutpromenerlechienourentrer,àvousdedécider,mongénéral.Joshuafronçalessourcils.SonregardpassadeMikeauchien.—Tuasterminétapatrouille,mongarçon?Ilétaitplusconfusquedecoutume.Mikes’étaitrenseignésurlamaladied’Alzheimer.Ilsavaitque

ces patients étaient particulièrement vulnérables à la tombée du jour, comme en témoignait lecomportement du général. Sa ragemontait, ce qui pouvait se comprendre, car il était prisonnier d’uncorps et d’un esprit diminué. Il ne fallait surtout pas l’énerver davantage. Le ramener à la réalité neserviraitàrien.Ilétaitpartidansuneautreépoque.

—Oui,mongénéral.Larelèvevientd’arriver,prétendit-il.—Bien.C’estbonàsavoir.Ilesttempsderegagnerlesbaraquements.Levieilhommeluidonnaunetapesurl’épaule.—Profilbas,soldat.Etprudence.Sur cesmots, Joshua s’éloigna endirectionde lamaison, les épaules droites, tenant fermement la

laisse.Troopers’adaptaàsonrythme.Calvinneputdissimulersagêne.—Ehbien…Jevaislesuivrepourveilleràcequ’ilrentresansencombre.Ensuite,jem’enirai.Sierrasecoualatête.—Tun’aspasàfaireçapourmoi.— Ne t’inquiète pas, répondit Calvin. Il faut vraiment que je m’en aille. Vous avez besoin de

décompresser,touslesdeux.Àbientôt,Mike.—D’accord.Jetedoistoujoursunetournéedebières.Etplusencore.Calvinétaitunvéritableami.Lecombatleuravaitpermisdetisserdesliensétroits.—Mercidetonaide.Calvinlesaluad’unsigneetsuivit legénéral.Lesdoigtscrispéssurunpoteaudelaclôture,Mike

observalevieilhommedesyeuxjusqu’auporche.Surlepasdelaporte,CalvinlevalamainetTroopersetournaverseuxcommepourlesrassurer.

Sierraposalatêtesurl’épauledeMikeavecunsoupirdesoulagement.—Trooperdevraitvraimentportersacollerette.Ilpritlajeunefemmeparlatailleetlaserracontrelui.—Envoieuntextoàtamère.Çava?—Çava,assura-t-elleenessayantdes’écarterdelui.Jefileluiracontercequis’estpassé.—Onn’estpasobligésderentrersur-le-champ.Prendsletempsdesoufflerunpeuenadmirantle

coucherdesoleil.Rassuréeparsonbraspuissant,ellesedétenditunpeu.—Tongrand-pèreadéjàexpriméunetellecolère?—Onarriveàgérer.—Tutrouves?Ilplongeadanssonregardbleu.Enunan,ilavaitbeaucoupmûri.Trop,peut-être.— Tout à l’heure, tu semblais bouleversée par son comportement. En revanche, tu n’étais pas

étonnée.—Iladescrises,fit-elleenhaussantlesépaules.Lemédecinluiaprescritdesantidépresseurs.Ils

luifontdubien,maisiladesraisonsd’êtreagité.

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Pourlapremièrefois,Mikeressentitpleinementlefardeauquotidiendelajeunefemme.Ilposalementonsurlesommetdesatête.

—Sierra…—Toutvabiensepasser.—Tun’aspasàmedireça.Tupeuxt’appuyersurmoi.Sij’avaisvumagrand-mèreRubysecroire

enpleinezonedeguerre,jeseraistroublé,moiaussi.—C’estuneuphémisme.Ilyadequoiêtreaffligé,triste,stressé.—Tuaimeslesmots,toi!Moiquiaimeraistantavoirunvocabulaireplusétendu.—J’apprécietonattention,dit-elleenleprenantparlepoignet.Tuvasvraimentavoirdegrosennuis

avectonsergent-major?—C’estmonproblème.Tuassuffisammentdesoucisavectongrand-pèreetleconseilducomtéqui

approche.J’aivuuneaffiche,danslagrange,àproposd’unejournéed’adoption.—Oui, c’est un événementdestiné auxamoureuxdes chiensde la région.Nousy avonsun stand.

C’estl’occasionpournousdesusciterdesarticlesélogieuxdanslapresseavantlaréunionduconseil.—Encoredespressionsenperspective.Avoue-le,tuportesunfardeautroplourdpourtoi.—Ilestvraiquecesdernierstemps,jemèneuneviedechien,railla-t-elleenselovantcontrelui,un

sourireauxlèvres.Bientrouvé,non?—Pasmal,répondit-ilenluisouriantàsontour.Elleétaitsibelle,éclairéeparleslueursdusoleilcouchant,queMikeeneutlesoufflecoupé.—Commentai-jepuoubliercombientuessublime?Incapablederésisteràlatentation,ilposaseslèvressurlessiennes.Sonbaiserchasteseprêtaità

merveilleàcettelumièreféerique.Sierraétaitsiforte,sicourageuse.Elletenaitlecouppoursafamillealorsquenulneluiauraitreprochéd’avancerdanslavie.

Unetelleloyautéétaitrare.Mikeenavaitfaitlacruelleexpérience.Ilavaitbesoinderéfléchir.Lajeunefemmeméritaitmieuxquedesdemi-mesures.

Enréalité,ildevaittoutàsonpère,ycomprissavie.Ils’écartadeSierraetsepermitdeluicaresserlescheveuxavantdes’éloigner.

Levendredivenu,lajeunefemmeseditqueMikeavaitdûlaissertoussestee-shirtsenIrak,parce

qu’ilneprenaitjamaislapeined’enenfilerunlorsqu’iltravaillait.Ellepassait l’extérieurduchenilaujetd’eaupendantqueleschiensbatifolaientdanslacouravec

des bénévoles. Ils avaient pourmission de les fatiguer avant que d’autres personnes ne les baignent.Sierraprofitadecesmomentsderépitpournettoyerlelocal.Oubiencherchait-elleunprétextepoursetrouverlàoùMikeréparaitunventilateur,torsenu?

Résistantàl’enviedesepasserelle-mêmeaujetd’eauafindeserafraîchir,ellecontemplasondosenV,sesépauleslarges,sataillemince.L’élastiquedesoncaleçondépassaitdelaceinturedesonjean.Sapeaudorée emperléede sueur l’attirait commeun aimant.Chacunde sesmouvements soulignait samusculature.Sesabdominauxse trouvaientà lahauteurdesyeuxde la jeune femmequin’avaitqu’uneenvie,s’approcherdeluieteffleurersahanchedeseslèvres.

Maisilétaitévidentquedepuisleurdernierbaiser,ill’évitait.S’affairait-ilàeffectuercespetitstravauxuniquementpourgardersesdistances?Ilavaitinstalléun

systèmed’alarmedanslagrange.Pardeuxfois, ilsavaientétéalertéscar legénérals’yrendait lanuitpourprendredeschiensetlesemmenerenpromenade.Ilsavaientainsirésoluunmystèreetsavaientquiouvraitlesbox,levieilhommeallantjusqu’àbriserlesloquetspourlibérerunchien.

Mikeavaitégalementréparélaclôture,réalisédestravauxdeplomberie,changédesampoules.Pourcouronnerletout,lesMcDaniell’entendaientjouerdelaguitare,lesoir.SesnotesmélodieusesportéesparlabriseberçaientSierraquiimaginaitsesdoigtsagilessursoncorps.

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Maisiln’yavaitplusdebaisers.C’étaitinutile,carilluisuffisaitd’unregarddeMikepourraviverdessouvenirsquienflammaientsessens.

Elle s’exhortait à la concentration. Sa mère avait besoin de l’aide précieuse qu’elle pouvait luiapporter. Le refuge affichait complet depuis qu’ils avaient recueilli des chiens enlevés à un éleveurclandestin. Avec un peu de chance, la journée d’adoption organisée le lendemain leur permettrait detrouverunfoyeraimant.

Sierra admirait la capacité de sa mère à s’imposer des limites pour ne jamais accepter trop depensionnairesà la fois.Certains jours, c’étaitunvéritablecrève-cœur, surtoutquand les refugesde larégion les appelaient pour évoquer un cas spécifique. Comme Lucky, par exemple. Désormaisdésintoxiqué,ilsemontraittrèsaffectueuxetléchaitlesoreillesd’uncongénèreravi.

Attendrie,Sierrafinitderincerlesboxetentrepritd’arroserlesoldelacour.CharlotteetDebbie,deuxbénévolesdévouées,étaiententraindeshampouinerAtlas,unénormebergerdesPyrénéesachetéchezunéleveuràl’âgededeuxmoisetabandonnéquelquemoisplustardparcequesesmaîtresn’avaientpasanticipésatailleadulte.AtlasremerciaCharlotted’uncoupdelanguesurlajoue.

Enfrictionnantsonpelage,l’unedesbénévolesnecessaitdelancerdesœilladesversl’intérieurdelagrange.Perchésurunescabeau,Mikeconstituaitunspectacledechoix.Commentnepassuccomberàcetorsemuscléetbrillant?Unegouttedesueurcoulaitlelongdesondos.

Sierran’enpouvaitplus.Lasituationétaittellementinjuste.Elleneressemblaitàrien,avecsesbottesencaoutchoucviolettes.

Sansdouteempestait-ellelechienmouillé.Deplus,illuiétaitdeplusenplusdifficiledejonglerentresesdifférentesactivités.Quesepasserait-ilquandelletravailleraitàpleintempsaprèsl’obtentiondesondiplôme?Trouverait-elledutempsàconsacreràl’œuvresiméritantedesamère?

Cesdernierstemps,sacontributionselimitaitàpasserlesboxaujetd’eauetaudésinfectant,songea-t-elleenfermantlerobinet.Elleeutsoudainlasensationd’êtreobservée.Enrelevantlatête,ellevitqueMikelaregardait.Posantsontuyaud’arrosage,elles’éloignaàl’intérieurdelagrange.Atlass’ébrouaetaspergealesdeuxbénévolesd’eausavonneuse,provoquantleurhilarité.

Malgré l’agitation ambiante,Mike n’avait pas quitté Sierra des yeux de toute la semaine. Il avaitcependantveilléànepass’approcherd’elle.Danssesyeux,ellepouvaitlirelesouvenirdeleurbaiser,mêmes’iln’avaitplusposélamainsurelle.

— Oui, Mike ? fit-elle en se dandinant un peu bêtement. Tu as besoin de quelque chose ? Untournevis?Unverredethéglacé?

Ouunechemise?Oumabouchequiembrasseraitchaqueparcelledecetorsemusclé?— Je n’ai besoin de rien, répondit-il avec une lueur provocante dans le regard. J’admirais

simplementtondécolleté.Ellebaissavivementlesyeux.Effectivement,sontee-shirttrempéetéchancrémoulaitsescourbesà

laperfection.Mikel’avaitsouventvuedénudée.Pourquoicetteremarquelagênait-elletant?Ellen’enlaisseraitrienparaître.— C’est très tendance de nettoyer des chenils en tee-shirt mouillé avec de grosses bottes en

caoutchoucauxpieds.—Tuesencoreplussexyquandtuparles,répliqua-t-ilavecunclind’œil.Surcesmots,ilrassemblasesoutilsetdescenditdesonescabeau.—Aufait,tuasbientravaillé,reprit-il.Cetendroitnesentpasdutoutlechien.Ilfaisaitsouventréférenceauxodeurs,qu’ellessoientagréablesounon.Sierranes’enétaitjamais

renducompte.Ellesepromitdel’interrogerplustard.—Commedemainnousseronsabsentspourlajournéed’adoption,jepréfèreprendredel’avance.Ils’approchalentementpendantqu’ellecontinuait:

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—Aprèscegenred’événements,onaengénéralunpeuplusd’adoptions.Desgensvontdoncvenirici. Il est importantde fairebonne impression, surtoutdans laperspectivede la réunionduconseilducomté.Tutombesàpointnommé.

Elleputadmirersontorsedeprès.—Quedeviendrontlesanimauxsitamèreestcontraintedefermerlerefuge?À l’évocation d’une fermeture administrative, la jeune femme sentit son cœur se serrer. Leurs

pensionnaires n’auraient nulle part où aller. Cette maison constituait non pas une seconde, mais unedernièrechance.Elleôtasesgants.

—Jene saispas, en réalité.Toutdépenddudélaiquinous serait accordépour lesévacuerde lapropriété.Dansunpremiertemps,mamancesseraitd’accueillirdespensionnaires,puisilfaudraitqu’ellecaselesnôtresdansdesfamillesleplusvitepossible.

Maislespetitspitbullsétaienttropjeunes,cequisignifiaitqu’ilfaudraitlesconfieràunautrerefugejusqu’àcequ’ilssoientsevrés.Etlesgensnesebousculaientpaspouradopterdeschiensdecetterace,aussidouxsoient-ils.

Mikes’appuyasurlaporteduboxdevantlequelellesetenait.—Siellevendait le ranchpour s’installerdansun logementclassique, tupourrais finir tesétudes

tranquillement.—Etmongrand-pèreseretrouveraitenmaisonderetraite,répondit-elleamèrement.—Celaarriveraunjouroul’autre,murmuraMike.—Tuasledond’énoncercertainesvérités,toi.—Oubliecequejeviensdedire,reprit-il,navré.Jesuistoujoursenmode«combat».Sierrasecontentad’unhochementdetête.Ellenelecomprenaitquetropbien.Elleavaitvusonpère

quandilrentraitdemission.Illuifallaittoujoursdutempspourdécompresser.Elleauraitdûsedouterqu’ilenseraitdemêmepourMike.Cequ’ilavaitsubi…Ellenelesavaitmêmepascarellen’avaitpaspris la peine de l’interroger, trop absorbée par son propre chagrin. Voilà qui expliquait peut-être lecomportementchangeantdesonlocataire.

—Etsitufaisaisunepause?luiproposa-t-elle.Vaprendreunedouche.Etenfileunechemise,pourl’amourduciel!songea-t-elle.—Pendantcetemps,jevaistepréparerquelquechoseàmanger.Tudoisêtreaffamé.—Tuasvujuste,répondit-ild’unaircomplice.Tuesparfaite.Tut’enrendscompte,j’espère.—Arrête.Jerefusequ’onmecolleuneétiquettedesainte.—D’accord.Ilsvenaientdepasserunesemaineensembleet,pouruneraisoninconnue,ilavaitprissesdistances.

Certes, ils ne pouvaient reprendre leur relation là où elle avait cessé.D’ailleurs, elle le lui avait dit.Pourtant,ellenepouvaits’empêcherdefantasmersurlui.Peut-êtrefallait-ilqu’ilsendiscutentensemble,puisqu’ilsdevraientcohabiterpendantencoretroissemaines.Enfin,pasvraimentcohabiter.Ilsn’étaientquevoisins.

— Après le déjeuner, tu viendras promener Trooper avec moi ? suggéra-t-elle. Il essaie de sedébarrasserde sacolleretteavecacharnement. J’aimeraisqu’il sedépenseunpeuavant la journéededemain.Mêmes’iln’estpascandidatàl’adoption,espéronsquelamédiatisationdesonhistoireattireradumondesurnotrestand.

—Etsicettepromenadenousmènejusquedanslesbois?Seulstouslesdeux,c’estdangereux.Jerisquedeteplaquercontreunarbrepourt’embrasser.Unvraibaiser,cettefois.

Encoredesparolesétranges:ilflirtaitavecelle,maissansjamaislatoucher.—N’oubliepasquejesuisunesainte.Jenesuispassûrequ’unesainteselaisseraitembrasser.Ellen’étaitplussûrederien.Cettepromenadeétait-elleraisonnable?Pasplusquecepetit jeudu

chatetdelasourisauquelilsselivraient.

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—Commentcela?Soudain,Sierraeneutassezdepatienter.Ellejetauncoupd’œilversl’extérieurpours’assurerque

DebbieetCharlotteétaientencoreoccupéesàrincerAtlas,puiselles’approchadeMike.—Tum’embrasses, puis tum’ignores pendant une semaine.Nous nous comportons tous les deux

commesi tun’étais jamaisparti.Tantdechosesontchangépourtant.CettemissionenIraknousa tousmeurtris.

Touchéenpleincœur,Mikefermalesyeux.—C’esttoiquiasperduunpère,toiquiesendeuil.—Toi,tuasfaitlaguerre.Jesuisconscientequecelalaissedestraces.Encetinstantprécis,ellenedevaitpasletoucher,carilrisquaitdes’enfuiretilsn’auraientaucune

chancedeterminercetteconversation.—Mêmesanslesévénementsdel’annéeécoulée,ilmesuffitderegardermongrand-père.Plusilest

déconnectéduprésent,plusjeremarquelepoidsdesonpassé.Sacarrièremilitairel’abienplusmarquéquesaviedepèreoudemari.

—Celadoitêtredifficilepourtoi.—Cen’estpasleproblème.Jepensaisàtoi.—Tuesunefemmeforte,déclara-t-ilenignorantsoncommentaire,tantilétaitconcentrésurelle.—Jedétestecemot,maugréaSierra.—Pourquoi?C’étaituncompliment.—Forte,commesij’avaispassécetteannéeàsouleverdeshaltères?Forteparcequejefaiscequ’il

faut, telle unemartyre ou une sainte ? Je ne suis rien de tout cela. Je suis pleine de ressentiment, defrustration et je suis épuisée.Envoyant cequema famille aperdu, j’ai enviedehurlermacolère. Jedonneraisn’importequoipourembrassermonpère,mais jevoudraisaussi lefrapperpouravoirplacésondevoirdemilitaireavantceluidepère.Jemedemandecommentmamèretientlecoup.Ellesubitlasituationdepuissilongtemps.Etjesuistristeparcequetuassouffert,toiaussi.

—Tuenveuxàtonpèred’avoirétémilitaire?ElleconstataitqueMikenevoulaitpasévoquersessouffrancespersonnelles.Dansundesespoèmes,

EmilyDickinsonnedisait-ellepasquelesilenceétaitparfoispluséloquentquelesmots?Sesparolesétaient peut-être une façon détournée de lui demander ce qu’elle pensait de son départ éventuel. Il secachait derrière cette conversation pour exprimer ses sentiments sans admettre franchement ce qu’ilressentait.

Une réaction tellementmasculine !Commentdistinguer les indicesqu’il semaitdans sesgestesdeséduction ? Et si elle commettait un faux pas alors qu’il était encore en phase de transition après samission?

Mieuxvalaitrenonceràcettepromenade.Sierraavaitbesoind’espace.Etsurtoutdesconseilsdesamère,quitteàluifaireunpeudepeine.

—Mike,monfrèreetmoinereverronsjamaisnotrepère,déclara-t-elleens’écartantdelui.Surcesmots,elletournalestalonsetfilatoutenlançant:—Jevaisfaireunbrindetoiletteavantledéjeuner.—Jelerépète,lançaMikeavantqu’ellenedisparaisse,tuesunefemmeforte!Peut-être,maiselleétaitcomplètementperdue.

AuborddufleuveCumberland,Laceys’engageasurleparking.Àl’arrièredu4×4,lesaboiements

étaientassourdissants.Pourcettejournéed’adoption,elleavaitamenéunedizainedepensionnairesdansl’espoirdeleurtrouverunefamille.Nathanamenaitsongrand-pèreetMaryHannah.Ilconduisaitpourlapremièrefoisdepuisqu’ilavaitobtenusonpermis.Sierraétaitmontéedanslepick-updeMike,quiavait

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installéquelquescagesàl’arrière,ainsiqu’unelonguebanderole.Lacirculationétaitmauvaise,desortequeLaceyavaitperdulesdeuxvéhiculesdevuedepuisunbonmoment.

Elleespéraitquel’und’euxseprésenteraitdanspeudetempspourl’aideràdéchargerleschiens,carellenepouvaitleslaisserseulsdanslavoiture.Desfamillesd’accueilamèneraientd’autresanimauxàplacer.Autotal,elleprésenteraitvingt-quatrecandidatsàl’adoption.

Naturellement, d’autres refuges seraient présents avec des petits protégés tout aussi attendrissants.Les animaux nécessiteux étaient si nombreux qu’elle se sentait parfois complètement dépassée. Encoupantlemoteur,elleregrettadenepasêtrearrivéeplustôtpoursegarerprèsdel’entrée.

Lesstandsetleschapiteauxétaientdéjàinstallés.Desbénévolesaccrochaientdesbanderolesetdesballonsenespérantattirerl’attentiondesvisiteurs,quiattendaientdéjàl’ouverture.

Cesévénementsétaienttoujourssourced’enthousiasmemaisaussid’angoisse.Laceyavaitdéjàreçuplusieurs demandes d’adoption. Elle avait contacté les vétérinaires de ces personnes, envoyé desbénévoleschezeuxpourinspecterleurshabitations.Etilyavaitaussiparfoisdesdéfections.

Ilarrivaitaussiquelescandidatsdéformentlavérité,voirequ’ilsmententsurleurcompte.Endépitde son expérience, Lacey se laissait parfois abuser par les apparences. Or elle ne pouvait pas sepermettre de confier un animal à de mauvaises personnes. Cependant, elle avait besoin de libérerquelquesplacespourrecueillird’autresmalheureux.L’angoissel’étreignitaupointqu’elleeutenvied’unverredevin.

Enentendantquelqu’un tapersursavitre,elle sursauta.Ellebaissa le sonde la radioet se tournaversRayVega,quiluisouriaitenbrandissantdeuxgobeletsdecafé.

Sonenvied’alcoolsedissipaaussitôt,etpasseulementàcausedelacaféineoudubelhommequilaluilivraitenpersonne.Rayavaitpenséàelleetelleenétait touchée.C’était importantauxyeuxd’unefemmequipassaitsontempsàs’occuperdesautres.

Naturellement,ilyavaitaussicetautresentimentquicouvaitetl’avaitfrappéedepleinfouet,l’autrejouràlaclinique.Surlemoment,elleavaitespéréqu’ilnes’agissaitqued’unetoquademais,faceàcevisagesoussonchapeaunoir,ellecompritquecetroublen’avaitriend’uneillusion.Quelquechoseenluil’attiraitcommeunaimant,mêmesiellerefusaitdel’admettre.

Laceyouvritlaportière.Aussitôt,unparfumdecaféetd’eaudetoiletteluienvahitlesnarines.—Dis-moi,doc,qu’est-cequit’amènedesibonmatin?Illuitenditungobeletetlasuivitversl’arrièredelavoiture.— Jeme disais que tu aurais besoin d’un coup demain pour décharger tes chiens. Et j’ai vingt

minutesdelibresavantderejoindrel’unitévétérinairedelaprotectionanimale.Lacliniqueproposaitdesvaccinationsetdesposesdepucesélectroniquesàtarifréduit.—Ilt’arrivededemanderdel’argentpourtontravail?plaisantaLacey.—Net’inquiètepaspourmesfinances.Disonsquejegagneassezpourentretenirmadépendanceàla

caféine.Alors,onlesfaitdescendreceschiens?Sefaisait-elledesidéesoubiensetenait-ilunpeuplusprèsd’ellequedecoutume?Elleressentait

commedespicotements sur sa peau.Unedouce chaleur naquit dans sonventre.Comment pouvait-ellepleurer lamort de sonmari et être attirée par un autre homme ?De toute façon, c’était ridicule.Raypassait tellementde temps au refugede la fourrièrequ’il avait dû s’amouracherde sadirectrice, plusprochedesonâgeetplusjoliequ’elle.

Lepick-updeMikes’arrêtaà leurhauteur.Sierraendescendit tandisqueMikesaluaitLaceyet leDrVegadelamain.

—Maman,oùfaut-ilinstallerlesenclosdeschiots?Tiens,bonjourdocteurVega.Unpeugênée,Laceys’écartadelui.—Onalecinquièmestand,surlagauche.Tuveuxbienrestericijusqu’àcequel’onaitsortitous

leschiens?

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Sierra acquiesçapendant queMike se chargeait des enclospliables.Nathan apparut à son tour auvolant de la vieille Cadillac du général qu’ils surnommaient la péniche. Elle avait hésité à laisserl’adolescentàlamaisonavecJoshua,maisellepréféraitgarderunœilsurlui.Sureuxdeux,enréalité.Heureusement que Mary Hannah s’était portée volontaire pour les accompagner. Elle appréciait sacompassionetsonespritrationnel.

—Nathan!lançaLaceyendésignantunemplacementlibre.Ilpréférasegareràlaplacedesonchoixetfaillitérafleruneautrevoitureaupassage.Elleeutenvie

de le réprimander.Maispasquestionde l’humilierenpublic.Sansdoute luienvoulait-ilde luiavoirindiquéuneplacealorsqu’ilavaitunejoliejeunefemmeàbord.Ilétaittouchédanssafiertéd’homme.

—Nathan…—Maman,coupa-t-ilavecunsoupirsanschercheràsavoircequ’elleavaitàluidire.Son petit garçon était devenu un adolescent boudeur et irritable, subissant en outre des crises de

déprimeaprèsladisparitiondesonpère.—Jen’aipasbesoind’aide.Allez,viens,grand-père.Onvas’asseoirauborddel’eau.Tupourras

mefairelaleçonsurlesprostituéesetlescapotes.Joshuasemitàrireetpritunsacdepainrassispournourrirlesoiseaux.—Jet’aimebien,mongarçon.Lacey,donne-moiTrooper.Ilvanousmontrerlechemin.—D’accord,répondit-elle.Ellemitsalaisseauseulchienquineportaitpasunfoulardaveclamention«Adoptez-moi».PourvuqueTroopernefassepasdessiennes.Elleleconfiaàsonbeau-pèreetdonnaàsonfilsune

gamelle à remplir d’eau.Nathan ne lui rendit pas son sourire,mais lui épargna une réflexion acerbe.Mary Hannah lui fit un signe de la main avant de rejoindre Sierra et Mike. Lacey eut un soupir degratitude;tantdepersonnesdonnaientdeleurtempspoursacause.

Ensentantunemainsursonépaule,elletournalatêteetplongeadansleregardbrundeRayVega,sisombrequ’ilenétaitpresquenoir.

—Lacey,Ghitaestvenueégalement.Jeluidemanderaidevérifierquetoutvabienpourtonbeau-pèrependantquetutravailleras.

—C’estgentil.—Pasdeproblème.Ilôtasamainetsepenchapourattacherunelaisseaucollierdedeuxchiens.Plusieurspersonness’étaientgroupéesautourd’unstandvoisindeceluideLacey,cequiauraitdû

être une bonne chose.Malheureusement, elle constata vite qu’il s’agissait de Valerie Hammond et saclique.Installésjusteàcôté,ilsproposaientdesmaquillagespourlesenfantsenéchangededonsdestinésàembellirleparc.Lepolicierquilesaccompagnaitnelarassuraitguère.C’étaitceluiquisonnaitàsaportebientropsouventàcausedeplaintesduvoisinage,mêmequandlerefugeétaitcalme.

Muniedesesdossiersetdesestracts,ellesedirigeaverssonstand.—Bonjour,agentParker!lança-t-elle.—BonjourmadameMcDaniel,répondit-ilavecunepointed’accentdesSmokyMountains.Àplusdequaranteans,iln’étaitsansdoutejamaissortidechezlui.—Ilyaunproblème?demanda-t-elle.—Pasdutout.Jefaisdesheuressupplémentaires.Sonregards’attardasurelle,nelaissantaucundoutesursessentimentsinavoués.Sielleavaitétéen

quête d’une aventure amoureuse, l’agent Parker aurait été un excellent choix. Il ne manquait pas decharme, avec ses tempes grisonnantes et son corps svelte.De plus, il savait garder son calme,mêmequandilavaitaffaireauxHammond,etilprenaitsontravailausérieux.Desqualitésqu’elleadmirait.

Cependant,Wyatt Parker avait beau lui adresser de grandesœillades, elle ne ressentait pas cetteattiranceunpeueffrayantequeRayluiinspirait.

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Elle n’avait pas de temps à perdre à ces conjectures. Les Hammond jouaient les innocents endéballantleurspotsdepeintureetleurspinceaux.Leurpancartepromettaitdejoliespattesdechiensurlafrimoussedesenfants.

Concentréesursa tâche,Lacey installasabanderole,sesbrochuresetsesaffiches.Elle remplitunpanier de friandises. Il était crucial qu’elle fasse bonne impression, que les animaux racontent leurhistoireetcharmentlepublic.N’étaient-ilspaslesmieuxplacéspourplaiderleurcause?

Elle indiqua àMike où il devait placer les petits enclos destinés aux chiots et aux petits chienspendant queCharlotte etDebbie promenaient les plus grands.MêmeNathan semblait presque content,assis au bord de l’eau avec son grand-père, à jeter du pain aux canards. Un haut-parleur siffla, puisdiffusalaradiolocale.

Laceybutunegorgéedecaféetconsultasamontre.Elleétaitprêteetavaitmêmequelquesminutesd’avance.

—Ilfautquej’aillevacciner,annonçaRay.Bonnechanceàtous!ValerieHammondpeignaitdéjàunetracedepatterosesurlajoued’unmembredesabande.—Siseulementtupouvaiscasertousteschiens!lança-t-elleàLacey.Mesanimauxneseraientpas

exposésàtoutescesmaladiesquitraînentdanslesrefuges.—Maisc’estparfait alors,nousavons lemêmebut, réponditLaceyenserrant lesdents,avantde

poseruntroncenformedenichesurlatablepourlesdonséventuels.Rayregardaenarrière:—Sivousrencontrezdesproblèmesaujourd’hui,madameHammond,n’hésitezpasàmeconsulter.—Ilchercheàélargirsaclientèle,commenta-t-elledanssabarbe.Laceyposasongobeletavecprécautionpourlanceràsavoisine:—C’est avecmoi que tu as un problème, Valerie, pas avec lui. Alors gardons ce débat pour la

réunionduconseilaulieudegâchercebelévénement.L’agentParkers’interposaentreelles.—Allons,mesdames, jenevoudraispasavoirà interrompreuncrêpagedechignons.Celanuirait

àmonimagedeflicimplacable.—Votreréputationestterniedepuisquevousavezfuifaceàunchihuahua,ladernièrefoisquevous

êtesvenucheznous,plaisantaLacey.—Ilétaitféroce,cechihuahua!répliqualepolicier.Cen’estpasunequestiondetaille.Jememéfie

desharpiesquellesqu’ellessoient.Lacey eut l’impression qu’il venait de lui adresser un clin d’œil. Se faisait-elle des idées ?

Décidément,c’étaitlemondeàl’envers.

Mikeseditqu’ilpouvaitsedispenserdesonjoggingquotidientantilvenaitdedéfoulersonénergieen tenant la laisse d’un labrador déchaîné.Heureusement, Joker avait fini par se calmer et il pouvaitreprendresonsouffle.

Sierraetsamèreétaientoccupéesàmontrerleursprotégésàdesfamilles.Ilsuffiraitquelamoitiédecesconversationssesoldentparuneadoptionpourquel’opérationsoituneréussite.

Lajeunefemmeétaitsurtouslesfronts.Malgrécesheurespasséesdansunechaleuraccablante,elledébordaitd’énergie.Quelquesmèchesblondess’échappaientdesaqueuedecheval.Ilavaitdeplusenplusdemalàgardersesdistances,maisilnepouvaitquittercettefamilleaumomentoùelleavaitbesoind’aide.IlseforçaàregarderendirectiondeNathan.Depuisleurarrivée,ilétaitrestéassissurlemêmebancavecsongrand-père.Cegarçonn’avait-ilpasdesloisirsd’adolescent?

Mikes’épongealefrontetsedirigeaverseux.—Nathan,jepeuxresteravectongrand-pèreetTrooper.Tuveuxallertechercheràmanger?—Euh…ouais,carrément,répondit-il.

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Mikesortitdeuxbilletsdevingtdollarsdesonportefeuille.—Hot-dogset sodaspour tout lemonde.Le stand se trouve là-bas.Etn’oubliepas tamèreet sa

sœur.Sansprendrelapeinedeluirépondre,Nathanmitsesécouteurs.Joshuaregardaitlescanards,sonsacvidedanslamain.Sansseretourner,ils’adressaàMike:—Cegarçonaunproblèmedecomportement,—C’estunadolescent.Mikes’assitsurlebancetlaissaJokers’approcherdel’eau.—Magrand-mèredisaitsansdoutelamêmechosedemoi,reprit-il.Levieilhommeluilançaunregarddebiais.—Tuasencorecetair…Baslespattesavecmapetite-fille,tum’entends?—Euh,ouimongénéral.Troopers’approchadoucementdulabradorpourfaireconnaissance.—Jesuisdésolé,pourl’autrejour,quandjepromenaisTrooper,déclaraJoshua.Tuneméritaispas

ça.Mikecommençaitàs’habituerauxhumeursduvieilhomme.Cemomentdeluciditéledésarçonna.—Cen’estpasgrave,assura-t-il.Jokermit les pattes avant dans l’eau, effrayant les canards.Trooper s’avança pour voir ce qui se

passait.—J’aimebienlepromener,repritJoshuaentirantlégèrementsurlalaisse.Trooperrevintaussitôt.—Ilserappelletoujourslechemindelamaison,repritlegénéral.LesyeuxbleusdeJoshuaMcDaniels’embuèrentdelarmes.Mikefuttouchéenpleincœur.—C’estunbonchien,commenta-t-il.—Lemeilleur.Legénéralregardaauloin.—Tuarrivesàdormir,mongarçon?Quelquesjoursplustôt,Mikeavaitcomprisque«mongarçon»nefaisaitpastoujoursréférenceà

Allen.Ilnommaitainsitousleshommesdontilavaitoubliélenom.Ilavaitaussiapprisànepasréagirquandlevieilhommepassaitducoqàl’âne.

—Lestudioesttrèsconfortable,dit-il.—Cen’estpasceque je tedemandais, insista legénéral en froissant son sacenpapierdans son

poing.—Jen’aipasbesoindebeaucoupdesommeil.—C’estdurderevenirdemission.Voilàdoncoùilvoulaitenvenir.Legénéralétaitlucidecejour-là,cequimitMikemalàl’aise.—Onestquandmêmemieuxiciquelà-bas,déclara-t-ilauvieilhomme.—Saufquemafamilletecréedesproblèmessupplémentaires.Tun’aspasbesoindeça,sansparler

d’unvieillardquitehurledessusparcequ’ilaperdusonchemin.—Vousaveztousétégentilsavecmoi,ettrèsgénéreux.—Tufaisbonnefigure,maiscen’estpaslapeinedesimuleravecmoi.Jesaiscequec’estquede

rentreràlamaison,deretrouverlanormalité.Étrangement,ilavaitplusencommunaveccethommesénilequ’avecn’importequelautremembrede

lafamille.MikeposalamainsurlatêtedeTrooper.—Cechienconstitueunlien,unepasserelleentrelà-basetici.—C’estpourçaqu’iltechercheenpermanence.MikeobservaTrooper,quiétaitentraindeléchersacicatrice.

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—Vousluiaccordezunegrandeintelligence.—Peut-être,concédalegénéralavecunpetitrirequis’éteignit.Toutcequejesais,c’estquequand

ilestlà,lemondesembleplusclairpourmonespritembrumé.—Leschienssontsouventd’ungrandréconfort.— C’est très gênant de perdre la mémoire. Je suis un vieux soldat qui a survécu. Et voici ma

récompense,ajouta-t-ilavecunecaressepourTrooper.IlexistaitentreMikeetlevieilhommeunecomplicitéétonnante.Ilsn’avaientpascombattusurles

mêmeschampsdebataille,maislegénéralavaitgardéenmémoirelesmêmesodeursetlesmêmesbruits.L’odeurdelapoudreetdusangrevintàlacharge.Mikesentitlepassélesubmerger.

Pan,pan,pan.Ce bruit venu de nulle part lui fit baisser la tête avant qu’il se rende compte qu’il s’agissait

d’explosions d‘inoffensifs ballons. Son cœur s’était emballé. Il scruta les alentours pour voir siquelqu’unavaitététémoindesaréactiondepeur.

—Sacrebleu,fitlevieilhommeavantdesourire,latêtebaissée.Qu’est-cequ’ilfabrique,legamin,avecnotredéjeuner?

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9

Sierraétaitépuisée.Quelleviedechien,songea-t-elleenlevantlesyeuxauciel,tropfatiguéepours’amuserdesapropreplaisanterie.Elleparvintnéanmoinsàgravir lesmarchesmenantaustudiosanstrébucherdanslenoir.

Cettejournéed’adoptionavaitremportéunfrancsuccès.Onzechiensavaienttrouvéunnouveaufoyeret plusieurs personnes s’étaient engagées à venir voir les chats du refuge. D’autres familles avaientrempliundossieretrépondaientauxcritèresexigésparlesrefuges.Desplacesallaientdoncselibérer.

Sierra entendit des notes de musique classique dans le chenil. Sa mère croyait fermement auxméthodes lesplus simples,généralementmoinscoûteuses, comme lamusiqueet l’aromathérapie.Elle-mêmeauraiteugrandbesoindedétente.SiseulementelleserendaitaustudiouniquementpourpasserunmomentavecMikeetl’écouterjouerdelaguitare.Riendecela:ellevenaitseulementchercherTrooperlerebelle.

Lechienn’étaitpasdanssacagedanslesalon,làoùildormaittoujours.Enleconstatant,lajeunefemmeavait redouté lepire.Àlaréflexion, toutefois,elles’étaitditque leroide l’évasionavaitsansdouterejointMike.

Naturellement,elleavaitsautésurceprétextepourmonterlevoir.Samère lui avait proposé d’y aller,mais elle devait encore nourrir les chiots.Heureusement, ils

pourraientbientôtmangerdelapâtée.LilipuciaétaitenrhuméeetLaceyl’emportaitpartoutavecelledansunharnais.

Nathanetsongrand-pèreétaientdéjàcouchés.Devantlaporterougeornéedetracesdepattes,Sierraallaitfrapperquandelleentenditlesondela

télévision.Unerencontresportive,manifestement.Toutsemblaitsinormal.Dèsqu’elleaurait récupéréTrooper,elleremercieraitMikepourletravaileffectuéaucoursdecettejournée.Ilavaitenplusveillégentimentsursongrand-père.

Enproieàunegrandeconfusion,ellefrappadeuxfois.Latélévisionsetut.DèsqueMikeouvritlaporte,ellefutimpressionnéeparsaprestance.Mêmeen

tenuedesport,illuicoupaitlesouffle.Elleseforçaàleregarderdanslesyeux.—Trooperestavectoi?Iladisparudesacageetonneletrouvenullepart.Ilestsansdoutemonté

ici,commed’habitude.—Non,iln’estpaslà,maisnet’inquiètepas,larassuraMike.Ils’écartapourl’inviteràentrer.— Ne reste pas dehors. J’ai branché la climatisation et je ne voudrais pas que les moustiques

envahissentleslieux.—D’accord.

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Ledécorspartiateselimitaitàunmatelasetuntéléviseur.—Oùest-ilpassé,alors?Mike venait de prendre une douche.Un parfum de savon flottait dans l’air et ses cheveux étaient

encoremouillés.—Ilestavectongrand-père.Legénéralvoulaitquelechiendormedanssachambre.Grand-père?Cette idéene l’avaitmêmepaseffleurée.Elle s’envoulutdenepasavoir songéau

besoinderéconfortduvieilhomme.— J’aurais dû vérifier.Nous avons appeléTrooper,mais en vain.Les chiens sont bien plus futés

qu’onnelepenseparfois.Ellefitquelquespasdeplusdanslestudio.Laportesereferma.Ilsseretrouvaientenfermés,seuls.

LeparfumdesavondeMiken’enfutquerehaussé.—Jesuissoulagéequ’ilnesoitrienarrivéàTrooper.Jem’enveuxunpeudenepasavoirdeviné

quegrand-pèresouhaitaitavoirunchienavecluilanuit.—Tunepeuxpasanticipertouslesbesoinsdetongrand-père.Tun’espasdanssatête.—Jesais,maisjemesenscoupable.Nousdirigeonsunrefugeetmongrand-pèren’amêmepasson

proprechien.—Nous?—Quoi,nous?—Tuviensdedire«nousdirigeonsunrefuge».Jecroyaisquec’étaitceluidetamère.L’espaced’uninstant,ellefutdésarçonnée.—C’est vrai. Pourtant, maman fait de sonmieux pour que les animaux ne dérangent pas trop la

famille.Elles’assitlourdementdanslefauteuilencuir.C’étaitplusprudentquedes’installersurlematelas.—Jen’aipasconsidérélasituationsouscetangle,continua-t-elle.Jen’aipaspenséàNathanetson

affection pour son boa, à mon grand-père qui n’arrive pas à exprimer ses attentes. Et toi, tu as toutcomprisenunesemaine.

— Tu es concentrée sur ses besoins au quotidien. Vu de l’extérieur, il est facile de donner desconseils.Aujourd’hui,j’airemarquéàquelpointilétaitattachéauchien.

Elleessayadesemettreàlaplaceduvieilhomme.Ilavaitperdunonseulementlamémoire,maisaussi lecontrôlesursonexistence, lesplaisirs lesplusélémentaires,conduireunevoiture,choisirsonmenu,promenerunchien,avoirdesamis…

—Mercid’avoirpassédutempsaveclui.Grâceàtoi,mamanetmoiavonspunousconcentrersurlesadoptions.Apparemment,ilaappréciévotreconversation.Mercidel’avoirécouté,surtout.

—Cen’étaitpasgrand-choseetjemesuisbienamusé,assura-t-ild’unevoixsensuelle.Sonregarddorésemblaitsincère.—Une journée tranquille, au bord de l’eau, en bonne compagnie, à déguster un hot-dog. Joker et

Trooperontprisdubontemps,euxaussi.À la fin de la journée, Joker avait été adopté par un sportif en quête d’un compagnon pour ses

entraînementsàlacourseàpied,unrôleidéalpourcelabradordébordantd’énergie.—Tusavaisquemonpèreavaitunchienquis’appelaitTrooper,quandilétaitjeune?D’aprèsles

vieilles photos, la ressemblance entre les deux est troublante. Le premier Trooper était issu d’uncroisementdebergerallemand.JecomprendspourquoimonpèreaétéattiréparcechiotenIrak.

—Celapourraitexpliquerl’attachementdetongrand-père,également.Ilsontnonseulementlamêmeapparence,maislemêmenom.SiTrooperprendl’habitudededormiraupieddulitducolonel,ilcesserapeut-êtredes’échapperpourmerejoindre,unefoisquejeseraipartipourFortBragg.

Laréunionduconseilducomtéavait lieudanstroissemaines.Peudetempsaprès,Mikes’eniraitpourdebon.Cetteperspectivetroublalajeunefemme.

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—Mongrand-pèreapasséuneexcellentejournée.—C’estvrai.Etj’aieuunaperçudel’hommequ’ilétaitavantsamaladie.Sierra songea aux sorties qu’elle faisait avec lui quand elle était petite. Il l’emmenait visiter les

muséesmilitaires,lessitesdechampsdebataille.Illuiracontaitdessouvenirsdeguerreenmangeantunhamburger.Elledisaitàsesamiesqu’elleavaitlemeilleurgrand-pèredumonde.

Levoirdéclinerpeuàpeuétaitcruel,etsielleseréjouissaitdesonplaisirlorsdecettejournée,elleregrettaitdenepasavoirpartagéavecluicemomentfugace.

—Onavraimenthésitéàl’ameneravecnous,avoua-t-elle.Cesdernierstemps,nousnousestimionsheureuxs’ilnesedéshabillaitpaslorsd’unesortieenfamille.

—Ilsedéshabilleenpublic?s’étonnaMike.Latélécommandeluiéchappadesmainsettombasurletapis.Sierra se pencha pour la ramasser. Aussitôt, il y eut comme un éclair entre eux, une décharge

électrique.—Cen’estarrivéqu’unefois,souffla-t-elle.Ilseredressaetluipritlatélécommandedesmains,lespupillesdilatées.—Tuauraisdûmeprévenir.J’auraisétéprêtàl’enempêchers’ilavaitessayé.—Tevoilàinformé.Ilsdemeurèrentunmomentainsi,proches,mais sans se toucher,puiselle se ressaisit et sedirigea

verslafenêtrequidonnaitsurlacourdéserteetlesboisàpertedevue.—Uneblogueusequiécritdansunmagazinemilitaireen ligneestpasséesur lestanddemamère

pourprendreunesériedephotos.Ilsembleraitqu’ellesoitmariéeàunmilitairedetasection.Elletournalatêteverslui.—Tuesaucourant?—Jesuiscontentqu’ellesoitvenue,répondit-ild’untonimpassible,sanslaquitterdesyeux.—Allez,fit-elleenseretournant.Avouequec’esttoiquileluiasdemandé.—Jel’aijusteinforméedel’événement.Cen’estpasgrand-chose.—Aucontraire,insistaSierra.Mamanabesoindemédiatisation.C’estgentildel’aider.—Jel’aifaitpourtoiaussi.Illarejoignitets’appuyacontrelemontantdelafenêtre.—Tuasmistoncœurdanscerefuge,reprit-il.Neleniepas.Maisj’avouequej’aipeut-êtreaussi

cherchéàmarquerdespointsavectoi.—Tuasvraimentdumalàaccepterdesremerciementsouuncompliment,toi.Êtreunhérosn’estpas

undéfaut.Elletiralégèrementsurlaplaquemilitairequ’ilportaitsurunechaîne.—Jemesuiscontentédepasseruncoupdefil.Tuparlesd’unexploit!Illuirepritlaplaqueetlaglissasoussontee-shirt.—Moi,jetrouvequec’enestun.Elleposalamainsursontorseetsentitlesbattementsdesoncœurcontresapaume.—Aucoursdecettesemaine,tuasréalisédesprouesses.Lapropriétéafaitpeauneuve.Lamaison

etlagrangen’ontjamaisétéaussireluisantes.Lorsduconseil,levoterisqued’êtreserrépoursavoirsinotrerefugerespectelesnormesducomté.Tunousasdéjàpermisdegagnerdesalliés.Mamanaentendudescommentairespositifs,mardi,àl’épicerie.

Laissait-elle samain sur luipour le convaincreouparcequ’elle était incapablede l’enlever ?Lachaleurdesapeautraversaitletissu.Elleeutsoudainenviedeposerlatêtesursonépaule.

—Jel’aifaitpourmoiaussi,assura-t-ilenposantunemainsurlasienne.Lesergent-majorauradumal à me réprimander maintenant. Sinon, je passerais pour un martyr. La blogueuse va mettre unenouvelleséried’articlesenligne.Tuasvulenombrederéactionssurlesréseauxsociaux?

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Ilsemitàluicaresserdoucementlapaume.—Jesais.Maisnemefaispascroirequetuasagiuniquementpourtoi.Tun’avaispasbesoinde

réparerdesrobinetsoudesclôturespourimpressionnertonsupérieur.Tun’espashommeàrechercherlagloire.

Quoiqu’ilaitpuarriverentreeux,Sierranepouvaitnierqu’ellen’étaitpasseulementattiréeparsoncorpsd’athlèteetsonbeauvisage.

—Tuesuntypebien,ajouta-t-elle.—Etsij’avaisd’autresmotivations?souffla-t-il.Sierras’embrasadedésir.Lessouvenirsrevinrentàlacharge.Elleenoubliapourquoiellenedevait

pascéderàlatentation.Soudain,ellecompritquecesoir,ellenepourraitpasrepartir.Ellenevoulaitplus penser au lendemain. Elle avait besoin de cemoment avecMike. Sa décision prise, elle prit laplaqueentresesdoigts,àtraversletee-shirt.

—Quellesmotivations?Sonregarddorésemitàpétiller.Ilpritsonvisageentresesmains.—T’attirerdenouveaudansmonlit…

Toutaulongdelajournée,iln’avaitpurefoulersondésirpourlajeunefemme.Lesoufflecourt,il

guettasaréaction,scrutasonregardbleu.Enfin,ellesemordillalalèvre.—Techniquement,tun’aspasdelit,dit-elle.Tun’asqu’unmatelas.Ellenedisaitpasnon…Soncœurs’emballadeplusbelle.Latempératuremontad’uncran.—Techniquement,nousn’avonspastoujoursattendud’êtredansunvrailit.Lessouvenirsdeleursmoisdepassionrevinrentàlacharge.IllutdansleregarddeSierraqu’elle

partageaitsespensées. Ilsseconnaissaientdepuisplusd’unanetétaientsortisensemblependant troismois avant de franchir une étape cruciale dans leurs relations. Une étape inoubliable. Ils avaient faitl’amourdanslepick-up,auclairdelune,etmêmedansunesalledebains,lorsd’unefête,parcequ’ilsnepouvaientattendre.

L’eauàlabouche,elleeffleurasontorsed’unecaresse.—Tuavaisraisondeparlerd’impulsivité,àproposdenosrelations.—Supposonsquej’essaiedet’attirerdenouveauversmonmatelas,nonpassuruneimpulsion,mais

parce que nous avons vécu une belle histoire, tous les deux. Même si nous n’avons pas d’avenirensemble,sijedisaisquejen’arrivepasàtournerlapagesurlepassé,qu’endirais-tu?

Laréponsequ’elleallaitluidonnerseraitdécisive.—Jediraisquejesuissoustoncharme.Elles’approchaencorejusqu’àseplaquercontreluietlevalesyeux.Illapritparlatailleet,voyant

qu’ellenelerepoussaitpas,poursuivit:—Etsijeposaisunemaindanstondos?Sierraglissaunemainlelongdesonbrasetlepritparlanuque.—Jesoupirerais.—Tunet’écarteraispas?Il la caressa doucement, en descendant de plus en plus bas sur ses reins. Elle ne put réprimer un

gémissementd’encouragement,puisellesecambrapourl’embrasser.Àtraversleursvêtements,ilsentitsesseinsdurcir.

—Essaie,tuverrasbien.Ilfutparcourud’unfrisson,puisintensifiasescaresseslelongdesondos,s’arrêtantàsaceinture.

Elleselovacontrelui.—Etsijet’embrassais?—Etsituarrêtaisdemeposerdesquestionspourpasseràl’action?

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—Ça,c’estune…Ileffleuraseslèvresd’unbaiser.—…unetrèsbonne…Ill’embrassaencore.—…question.Dèsqu’il s’emparaavidementdeses lèvres, il futenvahiparunedoucechaleur.Soncorps réagit.

Dans son cœur, il n’y avait jamais eu que Sierra. En Irak, il n’avait cessé de penser à elle.Mais ilrefusaitdes’attardersursessentimentsencetinstantmagique.

Iln’avaitqu’uneenvie,vivrelemomentprésent.Ivrededésir,ilposalesmainssursesreinspourl’attirerverslui.Ilserappelaitchaqueparcelledesoncorps.Aprèstoutcetemps,ilvoulaitlasavourer.Ils’étaitsisouventdemandésicejourviendrait.

Impatiente,Sierra lepoussaendirectiondumatelas. Il se laissa faire sansprotester et tombaà larenverse,entraînantlajeunefemmedanssachute.LesronronnementsdeSierralerendirentfrénétique.

Sonparfumcitronnél’enivra.Ilrespiraprofondément,explorantdesesmainsfébrilesseshanches,sataille,sesseinsinoubliablesquiluimirentdeplusbellel’eauàlabouche.

Il relevasondébardeur tandisqu’elle s’efforçaitde luiôter son tee-shirt.Lespectaclede sapeaulaiteusesousladentelledusoutien-gorgel’embrasa.Unebretelleglissasursonépaulenacrée, laissantentrevoirunseinquisemblaitvouloirs’échapperdubonnet.Mikesecambrapourprendrelemamelonentre ses lèvres, traçantdes cerclesbrûlantsduboutde la langue.Sierra crispa lespoings contre sontorse,lesoufflecourt,tandisqu’illastimulaitdeplusbelle.

Rejetantlatêteenarrière,ellel’imploradecontinuertoutenlecaressant.N’ytenantplus,elleluiôtasonshortetsedébarrassadesonjean.Dansungrognement,Mikelafitroulersurledospourlacouvrirdesoncorps.

Lespaupièresmi-closes,Sierrafrémit.—Dis-moiquetuasdespréservatifs…implora-t-elledansunsouffle.—J’enaiuneboîtedepuisnotrebaiserdel’autrejour.—Tuétaisbiensûrdetoi.—J’étaispleind’espoir.Ilseprécipitadanslasalledebainsetrevinttrèsvite,aumomentprécisoùellejetaitsonsoutien-

gorgeàterre.Mikesentitsondésirmonterd’uncran.Unsourireaucoindeslèvres,Sierrafitglissersaculottededentellelelongdesesjambesfuselées,

révélantunecitationdeShakespearetatouéesursahanche:«L’amourestunefuméenéedesvapeursdesoupirs.»

EtMikeavaitlafermeintentiondelafairesoupirer.Ilbrûlaitd’impatience.Elles’emparad’unpréservatifetleluienfilaavecsoin.Fébrile,ils’insinua

entresescuissesetlapénétrasansattendre.Il s’enfouit avec délices dans sa chaleur moite, comme happé par son corps. Cette fois, il était

vraimentderetour.Elleluiavaittellementmanqué,ilenavaittantrêvé…Elleétaitsublime,etelleétaitsienne.

Sa passion redoubla d’intensité. Sierra enroula les jambes autour de sa taille pour l’attirer plusencore,toutensecambrantverslui.

Ilpenchalatêtepours’emparerdesaboucheafinqu’ilsneformentplusqu’un.Ilsétaientseulsaumonde. Son instinct lui intimait de prolonger le plaisir le plus longtemps possible, car la perspectived’êtreséparédecettefemmeluiétaitinsupportable.

Ellesemitàluigrifferledoset,soudain,futsecouéedespasmesd’extase.Elleluimorditl’épaule.Illarejoignittrèsvite.

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Ilavaitétésilongtempsloind’ellequ’ileutl’impressiond’exploser.Lapeurdelaperdrelesubmergea.Ils’écroulasurelle,puisilroulasurlecôtépourlaprendredans

sesbras.Ilhumaleparfumdesescheveuxpournepasavoiràlaregarderdanslesyeux.Pournepasluimontrercombienilavaitbesoind’elle.

Enfaisantl’amouravecMike,Sierraavaitcédéàuneimpulsion,cequiétait toutsaufraisonnable.Néanmoins,elleneregrettaitenriencettedécision.

N’ypensaient-ilspasdepuislemomentoùilétaitdescendudesonavion,unpeuplusd’unesemaineauparavant?Cetteétreinteétaitinévitable.Alanguiedanssonlit,ellel’écoutaitjouerdelaguitare.

Etensuite?Ellenesavaitpasàquois’attendreetrefusaitd’ysonger,depeurdebriserlamagiedel’instant.Elle

venaitdesedonneràluicorpsetâme,laissantMikeluiprocurerduplaisirdemillefaçons.Leursébatsavaientétéaussitorridesquedanssessouvenirs.Commentluirésisterdésormais?Elleselaissabercerparlesnotesmélodieuses.Commesisouventparlepassé,iljouaitpourelleen

chantonnant.Allongéesurleventre,elleécoutaitsavoixgraveéveillersessenspresqueautantquedescaresses,alorsqu’ilneprononçaitaucuneparole.

Certains airs étaient familiers, d’autres étaient plus romantiques. Il exprimait ainsi tout ce qu’iln’osaitpasluidire.Cequ’ellepréférait,c’étaientlesbêtisesqu’ilinventaitpourdétendrel’atmosphère.

Pour l’heure, il improvisait sur la vie de célibataire, le réfrigérateur désespérément vide, lamalbouffe.C’étaitd’autantplusdrôlequ’ellelesavaitexcellentcuisinier,bienmeilleurqu’elle.

Soudain,ilsetutpourlaisserparlersoninstrument.—Àquoipenses-tu?s’enquit-il.— À des souvenirs, fit-elle d’un ton désinvolte. Je ne pensais pas que nous serions à nouveau

ensemblecommeça.—Pourquoi?Pourmapart,jen’aiqu’uneidéeentête,recommencer.Illuiadressaunregardcoquin,puisfronçalessourcils.—Dis-moi,tun’aspasl’intentiondet’enaller,j’espère.—Jen’aipasditquejepartais.Elleglissaunpied le longde la jambedeMike.Endépitdesesbonnes intentions,ellebrûlaitde

prononcer certainsmots. Pourquoi ne pouvait-elle pas simplement profiter de l’instant présent ? Ellebredouillapresquemalgréelle:

—Jenesaispascombiende tempsnouspourronsresterainsiavantque lemondeextérieuret lesproblèmesd’autrefoisnereprennentledessus.

Illuicaressalacheville,puislemollet.—Laissonslemondeextérieurendehorsdeça.—Comment?soupira-t-elle.Continueàmemasser,s’ilteplaît.—Trèsvolontiers,répondit-ilenpassantlepoucelelongdesaplantedepied.D’icivingtminutes,

jeseraidenouveauenforme,maispourl’heure,bavardonsunpeu.—Dequoi?S’ilcontinuaitàluimasserlespiedsdelasorte,elleétaitprêteàdiscuterden’importequoi.—Parexemple,pourquoias-tupeintcestudiodelacouleurd’untracteur?Lesoufflecoupé,elleseredressavivement,serrantledrapsursapoitrine.—Pasdutout!Cen’estpasunvertdetracteur,c’estunvertapaisant, trèsnature,commedansun

jardin.—Cestudion’ariend’unjardin.Unjardin,c’est…verdoyant.—Verdoyant?s’exclamalajeunefemmeenriant.

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—Tutemoques?rétorqua-t-il,feignantd’êtreoffusqué.Tunemereprochaispasdevouloirenrichirmonvocabulairequandonsortaitensemble.

Ilrepritsaguitareetsemitàchanter:—Motscroisés,Scrabbleenligne,dictionnaires…Puisilsemitàrireetposasaguitarecontrelemur.—J’aimêmeludesromansquej’avaisnégligésaulycée.—Tuasfaitquoi?Ils’adossasurlesoreillers.Sapeaumateressortaitsurlecotonblanc.—J’ai lu des livresque j’aurais dû étudier au lycée. Jem’étais toujours contentéde résumés sur

Internet.—C’estuneexcellenteinitiative,maispourquoi?—Jevoulaiscomprendretonunivers.J’avaispeut-êtreunpetitcomplexeparrapportà tesétudes.

J’étaispersuadéquetonpèrevoulaitquelqu’undepluscultivépoursafille.Abasourdie,Sierraseredressa.—Mike, je ne sais pas comment réagir à ça. Tu es un homme intelligent, tumènes une brillante

carrière.Tuesdouéeninformatiqueetenmaths,ettuesunexcellentsoldat.Mapassionpourlespoètesdisparusn’estpastrèstendance.C’estàsedemanderlequelestleplusintelligentdenousdeux.

— Je voulais simplement m’assurer que tu étais toujours dans cet état d’esprit, répondit-il enl’attirantdanssesbras.Disonsquec’estunvertmenthe.

Elleleconnaissaitsuffisammentpoursavoirqu’ilvenaitdeconclurecetteconversationsérieuse.Leplaisantinétaitderetour.Ellenepouvaitleluireprocher,carc’étaitlàundeleurspointscommuns.

Elleselovacontreluiethumaleparfumfamilierdesapeau.—Uneglaceàlamenthe,alors.—Situveux,concéda-t-ilàsonoreille.Maissitutiensàl’espritjardin,pourquoipasvertcéleri?Ellelevalesyeuxverslui.Ilavaitdonceul’impressionquesafamillelejugeaitindigned’elle?Elle

seforçaàsourire:—Céleri?Beurk…Amusé,iljoualejeu:—Avocat?Pistache?—Voilàquiestbeaucoupmieux.Elle luimordilla furtivement la lèvre inférieure.Peuàpeu, ledésir l’emportait surdes sentiments

pluscomplexes.—Tuasfaim,ondirait,susurra-t-elle.—Quedis-tudufruitdéfendu?Illuicaressalescheveux.Ellesentitsonsexepalpiterdedésircontresacuisse.—Celanefaitpasvingtminutes,murmura-t-elleavecunfrissond’impatience.—Tuessûre?demanda-t-ilenl’allongeantsurledos.Letempspassevite.

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10

Laceyavaitcommencéàboirepour trouver lesommeilparceque lessomnifèresprescritsparsonmédecinnefaisaientpaseffet.

Elleavaitvitecomprisque,peuimportaitcequ’elleprenaitoubuvait,sesinsomniesnecesseraientpas,même si elle doublait la dose.Elle s’affairait donc jusqu’aupetitmatin, puis s’assoupissait pourquelquesheures,totalementépuisée.

Sonmauditcoucouvenaitdesonnerdeuxheuresdumatinetelleétaitencoreréveillée.Elleavaittoutdonnélorsdecettejournéed’adoption,puiselleavaitpréparéledîneretprisunedouche.Ellen’avaitqu’uneimageentête,cegrandlitfroid.EtlevidelaisséparAllen.

Elleouvrit laportede sondressingdontunepartie était encoreoccupéepar lesvêtementsde sonmari. Il n’avait emporté que ses uniformes et ses tenues de sport. Ses costumes, ses jeans et seschaussuresétaientencorelà.Ellen’avaitpasencorefaitletri.

Quegarderait-elleensouvenir?Ouvrir cette porte n’était pas une bonne idée et regarder dans le dressing encoremoins. Lors du

premiermois,elles’yétaitenferméeunefoisparjour,danslenoir,pourhumersonparfumenpleurant.Elledevaitallerdel’avant.C’étaitlaseulesolution,mêmesic’étaitdouloureux.Lamaisonétaitplongéedanslesilence.Sierraluiavaitenvoyéuntextopourl’informerqueTrooper

passait la nuit dans la chambre de Joshua. C’était éloquent. Sa fille ne lui avait pas précisé qu’ellepasseraitlanuitavecMike,maisellen’étaittoujourspasrentrée.

Laceyfermalesyeux.Ilnefallaitpasqu’ellepenseàceschoses,pasencemoment.Elleregardaendirectiondugrandlit impeccable,avecsonédredonvertetjauneenpatchwork,un

cadeaud’unefamilled’accueil.Lachambreparentaleétaitlapiècelamieuxrangée,sansdouteparcequeLacey évitait de dormir dans ce lit. Elle préférait le divan du salon et racontait à ses enfants qu’elles’étaitassoupiedevantlatélévisionouqu’ellesurveillaitsespensionnairesmalades.

Depuis le jour où on lui avait annoncé la mort d’Allen, elle n’avait pas dormi dans ce lit. Ellepréféraitnepasseglisserentrelesdraps.Personnenesemblaits’enêtrerenducompte.Ellerepoussaitsanscessel’échéance.

Lesouvenird’Allenl’oppressait,passeulementceluideleursébats,maissurtoutdeleursmomentsdetendresse,decomplicité,lorsqu’ilsétaientallongéscôteàcôtepourlireouconsulterleurstablettes.

Renonçantàdormir,elleenfilaunetenuedeyogaetsortitdanslecouloir.Soudain,elleentenditungrattementprovenantdelachambredugénéral.C’étaitsansdouteTrooper.

—Tuasbesoindesortir?luisouffla-t-elleenluicaressantlatête.Ilfilasansdemandersonreste.Siellelesurveillait,ilnes’enfuiraitpas.Laceyéteignitlesystèmed’alarmeetlelaissaallerdanslacour.Ils’éloignaverslegrandchêneet

levalapatte.Ensuite,ilgrattalesoletfitvolerdesbrinsd’herbe.Ilsemitàexplorerlacour,reniflant

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touslesrecoins.Laceys’assitsurlapremièremarcheduperronletempsqu’ilsedégourdisselespattes.Soudain,ilenfouitlatêtedansunbuissonetenressortitavecuneballedetennis.

Dansses lettres,Allen luiavait racontécommentseshommeset lui jouaientavecTrooperpoursedétendreetpenseraupays.

Elleémitunriresansjoie.—Trooper!Tuveuxjouer?Ilseprécipitaverselleetdéposalaballeàsespieds.Puisils’assitetattenditpatiemment.—C’estbien.Allez,vachercher!Ellelançalaballeleplusloinpossible.Trooperselançaàsapoursuiteetlarapportasanstarder.Laceycontinua,encoreetencore,jusqu’à

perdre la notion du temps. Elle passait tant de temps à s’occuper des animaux, mais il lui arrivaitrarementdejoueraveceux.C’étaitpourtantunrituelapaisantsouslecielétoilé.

Sierraétaitencoreàl’écoleprimairequandelleavaitrecueillipourlapremièrefoisunanimal.Elleavaitdéjàunemploidutempssurchargéentre l’école, lesentraînementsdefootballetsonbénévolatàl’église. Pourtant, elle avait décidé d’héberger et de soigner un chiot du refuge voisin le temps qu’ilguérisse d’unemaladie de peau. Elle était tombée sous son charme, l’avait remis d’aplomb et auraitpresquevoululegarder.Envoyantlebonheursurlevisagedespersonnesquivinrentl’adopterensuiteaurefuge,Laceyavaitsentiqu’elleavaittrouvésavocation.

Pendantdesannées,elleavaitservidefamilled’accueilpoursoulagerlesrefugesmunicipaux,augrédes mutations d’Allen. C’était leur façon de se sentir chez eux quelque part. Trois ans plus tôt, ilss’étaient installés dans cette propriété avec l’intention d’y rester. Lacey avait enfin réalisé son rêve :ouvrirsonproprerefuge.Elleavaitnéanmoinscontinuéàenseignerenligne.Allenétantabsentlamoitiédutemps,leschiensluitenaientcompagnie.Siellerespectaitlefaitqu’ilétaitmariéàsontravailautantqu’àelle,ellerecherchaitunesourcedesatisfactionmorale.

Pendantdesannées,Allenetelleavaientmenédeuxviesparallèles.Elleavaittoujourscruqu’ilsserejoindraientplustard.Sielleavaitréalisésonrêveaveclesanimaux,elleavaitnéanmoinsperdusonmari.

Lorsqu’ellevoulutlancerlaballe,elleserenditcomptequeTroopers’étaitendormiàsespieds.Ilavaitdelachance.

Auxpremièreslueursdel’aube,Mikeseréveilla.Cen’étaitpasunenuittorridequiluiferaitchanger

seshabitudes.IlselevaavecprécautionpournepasréveillerSierra.Ilavaittoujoursétématinalcar,dèssonplusjeuneâge,ilpréparaitlui-mêmesonpetit-déjeuner.Àhuitans,ilsavaitfairecuiredesœufsetmême des pancakes, dont les ingrédients étaient faciles à trouver dans le placard de sa grand-mère.Lorsqu’ilétaitenmission,ilrêvaitd’unbonpetit-déjeunercopieux.

Cematin-là,iloptapourdupainperduavecdespommesaufour,letoutnappédecaramel.Cespetitsmomentsduquotidienluiétaientprécieux,mêmes’ilsluisemblaientencoreirréels.Desdrapspropres,desalimentsfrais,pique-niquerdansleparc,paresseraulit,aprèsl’amour,pourparlerdelacouleurdesmursavecunefemmesuperbe…

Une femme qui apparut en petite tenue, portant seulement son long tee-shirt d’homme, et quis’approchaitd’unpaslent.

—Çasentbon!s’exclama-t-elleens’appuyantsurl’îlotcentral.—Tongrand-pèrearaison.Enmission,onnemangepascommeàlamaison.EnIrak,jefantasmais

suruntasdebonspetitsplats.DistraitparlavisiondeSierra,ilfaillitbrûlerunetranchedepainperdu.Ilsaisitunespatulepourla

retourner.—Tuastoujoursétémeilleurcuisinierquemoi,admitSierra.

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—C’estvrai,maiscen’estpasunproblèmecar j’adorecuisiner.Si jepeux te faireplaisir,c’estencoremieux.

Iltrempaunecuillèreenboisdanslasaucebrûlanteetsouffladessus.Ellesepenchapourgoûterlecaramel,puisfermalesyeuxavecunsoupirapprobateur.

—Tuaimes?—C’estdélicieux,répondit-elle.Tunem’asjamaisracontécommenttuavaisapprislacuisine.Je

connaissimplementlescirconstancesquit’ontobligéàtemettreauxfourneaux.—J’adorelesémissionsculinaires,avoua-t-ilavecunclind’œilespiègle.—Tuplaisantes?—Pasdutout.Net’offusquepassijecrielenomd’unefemmegrandcheflaprochainefoisquenous

feronsl’amour.Laprochainefois?Ilsemontraitbienprésomptueux.—Tuesincorrigible.—Jesais.—Sérieusement,repritlajeunefemmeenseperchantsuruntabouret.Dis-moicommenttuasappris

àcuisiner.—Magrand-mèreselevaittard.Il n’ajouta pas qu’elle passait ses nuits au casino.Mais il décela une lueur d’inquiétude dans le

regarddeSierraetcrutbondesejustifier.—C’était une grand-mère, pas unemère.De toutes lesmanières, je préféraisma propre cuisine.

Quandellesedécidaitàpréparerledîner,ellesecontentaitd’ouvriruneboîtedeconserve.—Tuviensdedire«quandellesedécidait»?Tagrand-mèrenetedonnaitpasàmanger?Cettequestionlemitmalàl’aise.Seulement,ilétaittroptardpourdétournerlaconversation.—Legarde-mangerétaitplein.—Mike…—Jevoulaispréparerlesplatsquejevoyaisàlatélévisionetilmefallaitdesingrédients.Lasuitedel’histoires’annonçaitunpeudélicate.—Nousavionsunbudgetserré,reprit-il.Jenepouvaispasluidemanderdel’argentpourfinancer

mesexpériencesculinaires.J’aiessayédegagnerauloto,sansrésultat.Jen’aipashéritédesondonpourlejeu.

—Alorsqu’as-tufait?—Unjour,enrentrantdulycée,j’aivuuntype,danslemétro,quijouaitdelaguitareenfaisantla

manche.Ildisposalestranchesdepainperdusurdeuxassiettes.—Jen’avaispaslesmoyensdemepayeruneguitare,maisjemesuisinscritàlachoraledel’école.—Tuasintégréunechorale?Tudevaisêtreadorable…—Adorable?Ilfrémitetsepenchapourl’embrassersurleboutdunez.—Commeiln’yavaitpasbeaucoupdegarçons,leprofesseurm’aincitéàrester.Ellem’adonnédes

coursdeguitareetm’aprêtéuninstrumentàconditionquejerecruted’autresgarçonspourlachorale.—Unbondeal.CetteguitareavaitchangélaviedeMikeenluiprocurantuneactivitépositiveetunmoyendegagner

unpeud’argent.— Quand les vacances de printemps sont arrivées, je jouais assez bien pour empocher de quoi

préparerunrepasdePâques.Aucoursdesvacancesd’été,j’aigagnédequoinouspréparertroisrepasparjour.

—Tujouaisdanslemétro?Cedevaitêtreunpeurisqué,non?Qu’enpensaittagrand-mère?

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—Ellen’ensavaitrien.Il n’était pas particulièrement cachottier, mais sa grand-mère était relativement indifférente à son

quotidien.Ilsegardad’enfairepartàSierra.Tropdedifférenceslesséparaientdéjà.—Oùcroyait-ellequetuallais?—Chezuncopainouàlabibliothèque.Envérité,ilmentaitpouréviterqu’elleneluiréclameunpourcentagedesesgains.Elleenprofitait

déjàendégustant lesplatsqu’il luipréparait.Pasunefoiselleneluiavaitdemandéd’oùvenaientcesprovisions.Croyait-ellequ’ilchapardaitdanslesmagasins?

Mikeétaitconscientqu’ilnes’enseraitpastiréàsiboncomptechezlesMcDaniel.Mêmeunvieilhommesouffrantdelamaladied’Alzheimercommelegénéralauraiteudessoupçons.

D’ailleurs,Joshuaétait-ilplusaucourantdesrelationsentreluietSierraqu’ilnelelaissaitcroire?Mikeavaitl’impressiondes’aventurersurunterrainglissantenpoursuivantcetteconversation.

—Madameestservie!annonça-t-ilenluitendantuneassiette.

Une demi-heure plus tard, rassasiée, Sierra se pencha au-dessus de l’îlot central pour embrasserMike,dontleslèvresavaientungoûtdecaramel.

—C’étaitsucculent,merci.Mikeglissalesdoigtsdanssescheveuxetl’embrassasurlajoue,puisderrièrel’oreille.—Jenepeuxvraimentpast’inciteràrester?susurra-t-il.—Ilfautquej’ailleaidermamère,insista-t-elleenselevant.Plustard,enrevanche…Lorsqu’ilvoulutluiprendresonassiette,ellel’attiraversellepourl’embrasserencore.Endépitde

sonenviederester,elleavaitbesoind’espacepourréfléchiràcequ’ilvenaitdeluiraconter.C’étaitlapremièrefoisqu’ilselivraitsansretenue.Tantqu’ellen’auraitpasremisdel’ordredanssatête,ellenesavaitquefaire.Ellemitfinaubaiseretlâchasonassiette.

—Hier soir, il s’est passé beaucoup de choses ici, déclara-t-elle.Nous avons besoin de faire lepoint.Cequetuasaccomplipournousestunebénédiction,maisc’estcommesinous…

—…vivionsensemble,coupa-t-ilenposantsonfrontsurlesien.—Ilfautfaireattention.Lasituationpourraitvitedégénérer.Noussommestousdeuxmeurtrisparla

mortdemonpère.Elleneputs’empêcherderessentirlaréactiondeMikeauplusprofonddesoncœurmeurtri.—Àplustard,d’accord?Ilsecontentad’unhochementdetête.Sansunmotdeplus,ellequittalestudio.Unebrisechargéedu

parfumdeschampsvintbalayersescheveux.Lajournées’annonçaitcaniculaire.Commeelleavaitpassélaveilleà travaillerd’arrache-pied,ellecomptaitsereposerunpeu.Chose impossibledansunrefugepouranimaux.Ellen’avaitpasletempsd’avoirun«petitami»,encoremoinssicetterelationrisquaitl’implosion.

Ilsuffisaitqu’elleregagnelamaisonetqu’elleprenneunedouchepourretrouversavienormale.Unefoisqu’elleauraitlesidéesclaires,elleréfléchiraitàlasuitedesévénements.

Pleinededétermination,ellecherchasamèredesyeuxdanslacour.Personne.Leschiensaboyaientalorsqu’ilsavaientencoreuneheureàpatienterpourleurrepas.Lajeunefemmefoulalapelouseencorehumidederosée.Souslavéranda,lesventilateurstournaientdéjà,sansdouteparcequelafamilleavaitoubliédeleséteindrelaveille.

Àmoinsquequelqu’unnesoitdéjàlevé.Quelle importance?Elleavaitvingt-troisans.Siellevivaitchezsamère,c’étaituniquementpour

l’aider.EllepayaitsespropresfacturesetvenaitenaideàsafamillequandLaceyavaitdumalàjoindrelesdeuxbouts.

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Danscesconditions,pourquoiavait-ellel’impressiond’êtreuneadolescentequirentrechezelleaupetitmatin?

Envoyantsamère,elleeutenviederetournerchezMike.Enfin,chezelle.Oubiendefaireletourparl’avantde lamaisonpour seglisserdans sa chambred’enfant en toutediscrétion.C’était ridicule.Deplus,elleavaitgrandbesoindeconseilspourgéreraumieuxlesévénementsdelanuit.

Prenantsoncourageàdeuxmains,elleallaàlarencontredeLaceyquiétaitassisesurunechaiseenferforgé.Devantelle,leschiotsauxnomsdecontesdeféesbatifolaientdansunpetitenclos.Vêtuedesatenuedeyoga,Laceybuvaitdujusd’orangedansuneflûteàchampagne.Prèsd’elle,unmuffinétaitposésuruneassiette.

Ellelevasonverreverssafillepourporteruntoast.—Tuveuxuncocktail?luiproposa-t-elle.Unmimosa.J’aiunedeuxièmeflûte.Ellesn’ontpasété

briséesaucoursdesdéménagements,commemesverresencristal.—Non,merci,réponditSierraens’asseyantàcôtéd’elle.Naguère, ils avaient desmeubles en rotin,mais les chiens lesmordillaient. Sierra avait trouvéun

salondejardinenferforgédansunebrocanteetenavaitpeintlesdifférentespiècesencouleursvives.—C’estbizarrequetumeproposesunverre,surtoutàseptheuresdumatin.—Tuesmajeure.Tuasdéjàbuduvinàtable.—Quandmême,c’estbizarre.Ellerevitsamèreavecunverredevin,lesoirdel’arrivéedeTrooper.—Tucomptesalleràlamessepompette?luidemanda-t-ellepourlaprovoquer.—Jen’aibuqu’unseulcocktail.Jenesuispasivre.Elleavalaunenouvellegorgéed’alcooltoutenglissantunorteildansl’enclospourtaquinerunchiot.—Tuescertainedenepasenvouloir?—Merci,maisj’aidéjàprismonpetit-déjeuner,réponditlajeunefemme.Elleserevitentraindedégusterdespancakesaucaramel,entredeuxbaisers,etsesentitdéfaillir.—Ettonmuffin,ilestàquoi?—Auxpommesetauxnoix.Jedevraispeut-êtrelemanger.Laceyposasonverreetpritunmorceaudesapâtisserie.—Tusautesbientropderepas,maman.SierrapritRaiponcedanssesbras,carelleaimaitsefairedorloter.— Je ne trouve pas l’énergie nécessaire. Ça fait plus de vingt ans que je fais la cuisine. Je suis

fatiguée.Ellerepritsoncocktail.—Tonfrèredortencore.Jenerisquepasdeluidonnerlemauvaisexemple.Ettongrand-pèreprend

sadouche.CommentvaMike?Ellen’yallaitpasparquatrechemins.SierraserralepetitcorpschauddeRaiponcecontreelle.—Tuvasmeconseillerlaprudence,jeparie.—Tuesuneadulteautonome.Tunevisiciqueparcequejenem’ensorspastouteseule.Jeserais

malplacéepourtefairelaleçon.Sierrafutsaisieparlecynismedesamère.—Maman,tutesensbien?—Non,etcen’estriendeledire.Ellepenchalatêteenarrièreetpassalamaindanssesbouclesdorées.—Cependant,j’ytravaille,reprit-elle.—Situasenviedeparler,jesuislà.—Franchement,jen’aiplusdemots.

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Ellepritunélastiqueetnouasescheveuxenqueuedechevalcommesiellecherchaitàremettredel’ordredanssesidées.

—Parle-moi,toi.Raconte-moitavieamoureuse.Ayonsuneconversationnormaleentremèreetfille.—Normale?Maman,tun’aspeut-êtrerienremarqué,maisnousvivonsdansunvéritablezoo.—Lanormalitén’estpasforcémentennuyeuse,dit-elleenlançantunjouetdansl’enclos.LeschiotsseprécipitèrentdessustandisqueRaiponceléchaitlamaindelajeunefemme.—Cettefamilleneserajamaisennuyeuse,assura-t-elleenplaçantl’animalparmisesfrèresetsœurs.—Alors?insistaLaceyens’installantplusconfortablement,sonverreàlamain.C’étaitbien?—Quoi?Sierran’encroyaitpassesoreilles.Ellevoulaitdesconseilssurleplansentimental.Delààdécrire

sesébats…—Mike,ilestcomment,aulit?—Maman!Arrête!Ellescrutalesalentourspours’assurerquepersonnenelesécoutait.—Tun’espèrestoutdemêmepasquejevaisrépondreàcettequestion!—Jene l’auraispasposée, sinon. Inutiled’entrerdans lesdétails.Simplecuriosité.Tun’asqu’à

mettreçasurlecomptedemamisérablesolitude,ajouta-t-elleenhaussantlesépaules.Sierra se sentit un peu coupable. Ses propres problèmes ne pesaient pas lourd face à ceux que

rencontraitsamère.Ellenepouvaitrienfaire,sicen’estluioffrirquelquesmomentsdedétente.—Nousavons…faitunepartiedeScrabble.—DeScrabble?répétaLaceyenéclatantderire.Onappelleçaainsi,denosjours?Lajeunefemmeaffichaunsourireespiègle.—UnepartiedeScrabbletrèsagréable,jet’assure.—Ah!Tusatisfaisenfinmacuriosité.Sierrafitminedes’intéresseràlapeintureviolettedesachaise.—Jecroyaisquelesmèresnevoulaientpassavoircegenredechoses.—Jem’assurequetuesbientraitée,quetuesappréciéeàtajustevaleur.UnelueurétrangepassadansleregardvertdeLacey.Était-cedelatristesseoudelajoie?Sierrase

concentrasurlaconversation,cherchantuneréponseadéquate.—Parfois,jetrouvequ’ilm’apprécieunpeutrop.—Etquelmalya-t-ilàêtreplacéesurunpiédestal?Laceypritunmagazineets’éventa.Latempératuremontaitdéjàmalgrélesventilateurs.—Jet’écoute.Franchement,Sierra,untasdefemmesaimeraientêtreadoréesparl’hommedeleur

vie.—JecroisqueMikenemevoitpascommejesuis.Ilneconsidèrequenosdifférencesd’éducation.Lesaboiements redoublèrent, lui rappelantqu’il était l’heuredu repas. Il faudrait aussinettoyer le

chenil.C’enétaitfinideleurmomentdecomplicité.—Bref,notrecoupleestvouéàl’échec,unefoisdeplus.Ceseraencorepirequandilverraqueje

suisunefillenormale,avecsesdéfauts.—Jenecomprendstoujourspasleproblème,insistaLacey.—Jesuissérieuse,maman,dit-elleenluiprenantlamain,commepourluidemandersonaide.Nous

avonsrompuparcequ’ils’étaitmisdanslatêtequ’ilnepouvaitm’offrirunevieaisée.Etmaintenant,ilsouffredelaculpabilitédusurvivant.

Laceyémitunsifflement,puisvidasonverred’unetraite.—C’estproblématique,admit-elle.Ettoi,commenttesens-tu?Lavéritél’angoissaitetellen’étaitpascertainededevoirl’exprimer.—J’ai…j’aipeurdemenerlamêmeexistencequetoi.

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Laceypoussaunlongsoupiretfitminedeselever.—Ehbien,jenel’aipasvuevenir,celle-là,répondit-elle.—Jenevoulaispastefairedepeine,maman.Sierraregrettaitdéjàsespropos.Siseulementelleavaittenusalangue.—Tuesunepersonneformidableetjet’admire.Tuastoutgérémalgrélesabsencesprolongéesde

papa.Tuastantsacrifiépourluietilestmortquandmême.Jemedemandecommenttufaispourtenirlecoup.

Laceyémitunriresansjoie.—Quiaditquejetenaislecoup?Sierraserralesmainsdesamèredanslessiennes.—Tuesparfaitementéquilibréeettulesais.Tueslafemmelapluscourageusequejeconnaisse.SiSierrasesentaitcapabledesupporterlesabsencesd’unmarimilitaire,laperspectived’entendre

quelqu’unsonneràlaportepourluiannoncerlepireluiétaitintolérable.— Franchement, maman, je ne voudrais pas que ma pierre tombale porte l’inscription : « ci-gît

Sierra,quiétaitforte.»—Tuessûredenepasvouloirunmimosa?insistaLaceyavecunsoupir.Pourquoipas?Auparavant,ilfallaitqu’elles’explique.Elledécidadejouerlacartedelasincérité:—DepuisquejesorsavecMike,jeposeunautreregardsurtoi.Jen’avaisjamaisréfléchiàlavie

d’uneépousedemilitaire.J’aiessayédem’imaginerdanscerôle.Tuastoujoursfaitensortequenousmenionsuneexistencenormale,maisjecroisquec’estparcequec’étaittoi,notrenormalité.

DeslarmesmontèrentauxyeuxdeLacey,dontlesmainssemirentàtrembler.Sierraregrettapresquesesparoles.Incapablederetenirsespropreslarmes,ellepritsamèredanssesbras.ElleentenditLaceyréprimerunsanglotavantdes’écarterd’elle.

Sierranetentapasdemasquersonémotion.Incapabledeprononcerunmot,elleserralamaindesamèredanslasienne.

Laceysemitàrire.—Sijesuisnormale,Nathanettoiêtesmalpartis…

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11

Lesdoigtscrispéssurlevolantdeson4×4,Laceysefrayaunchemindanslacirculationdensedecedimanche midi en direction du refuge de la protection animale, où elle allait chercher de nouveauxpensionnaires. Dans les autres voitures, elle voyait de jeunes familles ou bien plusieurs générationsréunies. Ce qui lui faisait le plus de peine, c’était de croiser des couples entre deux âges qui luirappelaientunavenirqu’ellen’auraitjamais.

Aprèsquatremoisdedeuil,ellepensaitêtreplussolide.Maistantdechosesluirappelaientlamortd’Allen.Desimagesdeleurvieensemblenecessaientdelahanter,deleurpremièreétreinteaujouroùilsavaientachetéleurmaisonpourvivreleurretraitedansleTennessee.

Peut-êtreétait-ellesimplementtroubléeparlevisageradieuxdesafille,aprèsunenuitd’amour.Aprèslesémotionsdelajournéed’adoptionetunenuitsanssommeil,saconversationavecSierrala

laissaitdésemparée.Siellesavaitquelaviedemilitaired’Allenavaitmarquésafamille,ellen’avaitpas réalisé à quel point jusqu’à ce que Sierra lui explique pourquoi Mike et elle avaient rompu. Àl’époque,Laceyn’avaitpasposédequestionsdepeurdesemontrerindiscrète.

Àmoinsqu’elleaitvoulusecacheràquelpointsonproprecouplepartaitàladérive.Allenetelles’aimaient.Ilétaitdrôle,détachéfaceàlafrénésieaveclaquelleellesedémenaitpoursonrefuge.Avantces longues séparations, ils étaient complémentaires.Malheureusement, ils avaient eu peu de temps àaccorder à leur couple. Leur vie n’avait été qu’une série de retrouvailles. Lacey faisait le ménage,cuisinait sesplatspréférés, sepomponnait. Il lui rapportaitdescadeauxdesquatrecoinsdumonde. Ilveillait àêtreprésentpour lesévénementsmarquants, lescérémonies, lescommunions, les remisesdediplôme. Hélas, il n’avait guère partagé son quotidien, avec ses petites joies et ses épreuves. Uneconversationautéléphonenerisquaitpasdedégénérerendispute.

SiLaceyétaitautonome,c’étaitparcequ’ellen’avaitpaseud’autrechoix.Pourêtrehonnête,illuiétaitplusfaciledegérerelle-mêmelequotidienqued’essayerd’yintégrer

l’hommequirentraitàlamaison.Siellelepoussaitdanssesretranchements,sonmarid’ordinairejovialsefermaitcommeunehuître.Elle le laissaitdoncderrièresonmasque,mêmesielleenavaitassezdeporterlefoyeràboutdebras.Aufildesans,elleavaitoptépourlafacilitéenespérantqu’ilsauraientletempsdediscuterplustard.EllenesauraitjamaissiAllenetelleauraientpuréglerleursproblèmesetvivreensembleàlaretraite.

Quienétaitresponsable?Ilyavaittantdesouffrance,defrustrationentreeuxquelesenfantsavaientcertainement été affectés. Il ne lui restait plus aujourd’hui que la spirale infernale des questionsdemeuréessansréponse.

Àproximitédu refuge, elle ralentit et longeaune allée endirectiondubâtiment enbéton.Dans leTennessee, elle s’était construit unevie.Allen lui avait juréquece serait sadernièremissionetqu’ilprendraitsaretraiteafindecommencerunenouvelleexistence.

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Auraient-ilstrouvéunterraind’entente?Laceyétaitpresséed’arriveraurefuge,afindes’occuper,de se changer les idées.La directrice serait présente.Endépit du succès de la journée de samedi, lerefugeaffichaitcomplet,etmêmesiLeRefugedelaSecondeChanceavaitréussiàplacerplusd’animauxqu’ellenel’espérait,lesplacesmanquaientcruellement.

Laceys’engageasurleparkingoùsetrouvaientdéjàplusieursvéhicules.Lesanimauxavaientbesoindesoinsetdenourritureenpermanence,desortequeleslieuxgrouillaientd’activité.

Unpick-upattirasonattention.Ellereconnutsanspeinelesautocollantsenformedepattesdechien.QuefaisaitRayaurefuge?Etpourquois’ensouciait-elle?

Laporte latérale s’ouvrit.DahliaTaylor, ladirectrice, lui fit signed’entrer.Chassant sespensées,Laceycoupalemoteuretvérifialescouverturesetlescagesqu’elleavaitapportées.Muniedesoncabasentoile,elleentra.

—Mercidem’accueillirunjourdefermeture,dit-elleàDahlia.Dahliaétaitélégante,avecsaroberosecintréeetsesbottesdecuirnoir.Detouteévidence,elleavait

quittéquelquedéjeunerpourvenirlarencontreraurefuge.—Iln’yapasdejourdefermeturequandils’agitdesauverdesanimaux,répondit-elle.—Eneffet.Ellepénétradansunecacophonied’aboiementsetdemiaulements,sansoublierlesvoixdelaradio

allumée.Engénéral,elleserendaitdirectementauchenilqu’elleconnaissaitcommesapoche.Aulieudes’enfermerdanssonbureaupourseplongerdanssesdossiers,Dahlialasuivit.Elleavaitcertainementtenuàlarecevoirenpersonnepourluiparlerdecasspécifiques.

OùsetrouvaitRay?Malgréelle,Laceylecherchadesyeux.DesbénévolesphotographiaientlesanimauxpourlesiteInternetetlescampagnesd’adoption.Deux

d’entreeuxs’approchèrent.Laceyleursouritetleurfitsigne.Ilsauraientsansdoutedespetitspréférésàlui signaler.Malheureusement, ellemanquait de place et d’argent. Ce travail n’était pas fait pour lescœurssensibles.

Pendantqueleschienssedégourdissaientlespattesdanslacour,desemployéspassaientlesboxaujetd’eau.Lenettoyageétaitunéternelrecommencementafindelimiterlesrisquesd’épidémies.Certainsanimaux traumatisés ou maltraités étaient particulièrement vulnérables. Sans le travail de personnescommeDahliaTaylor,ilsseraientvouésàunemortcertaine.

Dèsqueleschiensfurentrentrés,Laceyparcourutlechenil.Ellesavaitqu’ellenepouvaitenprendreque quatre, six s’ils étaient tous en bonne santé, ce qui était rarissime. Il fallait qu’elle se montreraisonnableetqu’ellegardeentêtelaprochaineréunionduconseil.

Devant chaque box était apposée une carte : jaune pour les animaux adoptables et rouge pour leschiens condamnés à l’euthanasie pour une raison ou pour une autre, leur dangerosité, une maladieincurableou,pluscruellement,lemanquedeplace.

Remarquantuncroisementdecanicheetdeschnauzerdontlespoilsétaientsilongsqu’ilsformaientdesdreadlocks,elleentradansleboxpourévaluersoncaractère.Ilavaitbesoind’undétartrage,maissemblait calme. Après un passage chez le toiletteur, il serait idéal pour les familles désirant uncompagnonconvenantauxallergiques.

LaceylecaressaetsetournaversDahlia.—JeprendsvotreBobMarley,déclara-t-elle.Ladirectriceremitsaficheàunemployéafinqu’ilsechargedesformalités.—Ilestàvous,répondit-elle.Merci.Aumomentdeprendrecongé,elleseravisa.—Oh,j’allaisoublier:nousvenonsd’accueillirunechattesiamoiseavecsesquatrepetitsdetrois

semaines.Touslesrefugespourchatssontdébordés.

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VoilàdoncpourquoiDahlianelalâchaitpasd’unesemelle.Leschatsétaientplusdifficilesàplacer,surtoutuneportéeentière.

—Safamillenesouhaitepasgarderlamèrequandlespetitsserontsevrés?—Jeleuraiposélaquestion,biensûr.J’aimêmeproposéunestérilisationgratuiteetunplacement

pourleschatonss’ilsacceptaientd’hébergertoutlemondependantdeuxmois.Maisnon.Ilsontrefusé.Ellepinçaleslèvresavantd’ajouter:—Ilsviennentd’avoirunbébéetn’ontpasdetempsàconsacreràdeschatons.Lacey soupira et passa au box suivant. Elle fut accueillie par un Jack Russell, un beagle et un

corniaudd’origineindéterminée.—Jeprendrai lamère.LepetitprotégédeDebbieaétéadopté lorsde la journéespécialeetelle

accepteleschats.Onvas’arranger.Laceycessadecaresserleschiensendemanded’affectionetlevalesyeuxversDahlia.—Vousmesemblezdécouragéeaujourd’hui.Vousallezbien?— Je viens de passer quelques journées difficiles, répondit Dahlia avec un sourire las. Je suis

contentedevousvoir.Vousavezentenduparlerdenotrenouvellemamanshetlandetdesespetits?Ilyenaquatre. Ilssontsuperbes.Et jen’arrivepasà lescaser. Ici,ellerisquede tombermalade.Quantauxpetits…

Laceylevaunemain,déjàconvaincue.Etsielles’étaitméprisesursespropresémotions?Sienréalité,ellecherchaitàfairelebienafinde

seracheterd’avoirnégligésafille?Ainsiquesonmari.—Jelesprends.Elledépassaitlargementleslimitesqu’elles’étaitfixéesalorsqu’ellen’avaitmêmepasparcouruune

rangéedebox.—Vousvoulezbienlesprépareràpartirpendantquej’alertemesfamillesd’accueilsurFacebook?—C’estencours.Surcesmots,ladirectriceregagnal’entréedubâtiment.Avec un soupir, Lacey baissa la tête et croisa trois regards pleins d’espoir. Elle ne pouvait les

emmener tous car elle ne trouverait jamais assez de familles d’accueil. Elle serait alors contrainted’agrandirson«zoo».

La raison lui disait que le JackRussell et le beagle seraient plus faciles à caser.Le corniaudquiressemblait à un labrador nain à rayures et n’avait pas plus de dix-huit mois resterait dans l’ombre,oubliédetous.Ellelepritdoncdanssesbras.Ilétaitpluslourdqu’ilenavaitl’air.Lachienneposalatêtesurl’épauledeLaceyavecunsoupirdesoulagement.

—Jelaprendsaussi,annonça-t-ellevivement,depeurdechangerd’avis.Sa nouvelle protégée s’appelait Pixie. Elle resta collée à Lacey pendant que celle-ci partait à la

recherche de Dahlia. Sa voiture était déjà pleine et elle avait des animaux à faire examiner par levétérinaire.

Secherchait-elleunprétextepourrevoirRay?Unsentimentdeculpabilitédûàsapositiondeveuveluidonnaenviederetomberdanssatorpeur.

Non.Ilfallaitallerdel’avant,aucontraire.Ellefrappadupiedàlaportedubureaudeladirectrice.—C’estbienlavoitureduDrVega,surleparking?Dahliaseleva,unchatonsurl’épaule.— Il est dans la salle de quarantaine en train de soigner un labrador renversé par une voiture. Il

faudrasansdoutel’opérer.Encoredesfraisenperspective.Merciencore,vraiment.—Cen’estrien.

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—J’apprécievotremodestie.—C’estl’amourdesanimauxquinousmotive.AlorsRayestencorelà,n’est-cepas?Dahliatiqua,puisretrouvavitesesesprits.—Ilestaufondducouloir,danslaclinique.Vousconnaissezlechemin.Cen’étaitpastrèsraisonnableencejourdevulnérabilité.Pourtant,ellesedirigeaverslaclinique.

Rayavaitbeautournerledosàlaporte,ilperçutlaprésencedeLacey.Ilavaitentendusavoix,une

demi-heure plus tôt, et sentait à présent son parfum de lavande. Il fallait simplement qu’il garde lecontrôledelui-mêmependantencoreunquartd’heure.

Lorsdelajournéed’adoption,ilavaiteul’impressionquequelquechoseavaitchangéentreeux.Unelueurdanssonregardlorsqu’illuiavaitapportéuncafé.Peut-êtreseberçait-ild’illusions.Pourl’heure,ilavaitdécidédelaisserfaireletemps,puisdepasseràl’actionaumomentpropice.

Surtout,nepaslaharceler.Aussi poursuivit-il son examendu chien blessé à une patte. Il espérait pouvoir réduire la fracture

danssacliniquesansrecouriràl’amputation.Lerestedépendraitduchien,dontleregardexprimaitdelasouffrance,maisaussidelaconfiance,del’espoiretdelagratitude.

VoyantLaceyducoindel’œil,ilpritquelquesnotes.—Salut!luilança-t-il.Jeteprésenteunami.Iln’apasencoredenom.Tuveuxluientrouverun?Il la regarda.De touteévidence,ellearrivaitdirectementd’une réunionde famille,undéjeunerau

restaurant,peut-être,avecsajupeàvolantsetsonchemisiersansmanchesdontilbrûlaitdedégraferlesboutons.

Avecsescheveuxauxrefletsdorésquicascadaientsursesépaules,elleétaitàcouperlesouffle.—Volontiers,répondit-elleens’approchant,unchiendanslesbras.Laceyavaitledondeselaisserséduireparlescorniaudsdetouspoils.—Tuveuxquejeluitrouveunnomafinquejem’attacheàluietquejelerecueille,reprit-elle.—Tuasdevinémesmanigances.Ellerit.Raysepritàêtrejalouxdelapauvrebêtequiavaitlatêteenfouiedanssoncou.—Alors,cenom?demanda-t-il.—Opie.Etoui,jel’emmènedèsquetuaurasfinidelesoigner.Naturellement.—Tuneveuxpasconnaîtrelagravitédesablessure?—Sicen’estpastropgrave,ilserafacileàplacer.Sic’estgrave,jenepeuxpasl’abandonnerdans

unrefugeoùilrisqueraitdetombermalade.Lesdétailsn’ontpasd’importance,pourl’instant.—Tuesmaprotectriced’animauxpréférée,dit-ilavecunclind’œil.—Jepariequetudébiteslemêmebaratinàtoutescellesquitedoiventplusieursmilliersdedollars.—Jenefaisqueremplirmondevoirdevétérinaire.Rayaimaitsonmétier.Ilavaittravailléd’arrache-piedpendantsesétudespourprouverqu’unfilsde

sénateurétaitcapablederéussirparsespropresmoyens.Àprésent,malgréuneviebienremplie,ilavaitencoredesmanquesàcombler.

Néanmoins,lesidéessebousculaientdanssatêteencetinstantprécis.Desscénariosimpliquantunefemmeauxcheveuxenbataille,avecuncœurplusgrandqueleTennessee.Ilcomplétaledossiermédicald’Opie,qu’ilfaudraittransférerdanssacliniqueafindel’opérerlelendemain.Pourl’heure,ilétaitsousl’effetdesantalgiques.Rayl’avaitpourtanttrouvédansunétatdegrandeagitation.

—Quiestcenouveauchien?demanda-t-ilendésignant l’animalqu’elleportait.Tune te reposesdoncjamais,Lacey?

—Jepourraisteretournerlaquestion.Elles’appellePixie.

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Elle lui confia la chienne pour s’intéresser à Opie. Elle le caressa pour gagner sa confiance etobservasesdentsetsesoreillespourjaugersaréactionenprésenced’unêtrehumain.

—Pourquoifais-tudubénévolaticialorsqu’ilyaunvétérinairedegarde?luidemanda-t-elle.—Jen’aipasdefamillequim’attendàlamaison.Deplus,levétérinairedegardeleurcoûteraitbien

tropcher,comptetenudeleurbudget.À propos de famille, il devait penser à celle de Lacey. Ils étaient en deuil, eux aussi. Si Lacey

s’engageaitdansunerelationsipeudetempsaprèslamortdesonmari,sesenfantsetsonbeau-pèreleprendraienttrèsmal.

Dessouvenirsdessiensremontèrentàsamémoire.Ilsn’avaientpasuneseulefoisréussiàinfluencerseschoix.Etpourtant,depuis l’autreboutdupays, samèrenecessaitde luienvoyerdesclientes,desamiesd’amis, des célibataires âgéesdemoinsde trente ans…Àchaque fois, samère l’appelait pouravoirdesnouvelles,sansoublierdeprécisercombienelleavaitenvied’êtregrand-mère.

AulieudecontemplerleslèvrespulpeusesdeLacey,ilseconcentrasursespropos.—Chezmoi,toutlemondemènesaproprevie,soupira-t-elle.Enfin,àpartmonbeau-père.Maisily

a du monde pour veiller sur lui. Et mon nouveau locataire fait très bien la cuisine. Il organise unbarbecue.Tuveuxtejoindreànous?

Elleparut aussitôt abasourdiepar saproposition. Ily avaitun tasde raisonspour lesquelles il sedevaitde refuser.D’abord, ilmouraitd’enviede luicaresser lescheveux.Puis, sielleavait senti sonattirancepour elle et souhaitaitmettre les choses aupoint, il devrait lui expliquerqu’il n’avait pas ledroitderessentirquoiquecesoitpourelle.

Si la liste des obstacles se dressant entre eux était longue, il y en avait unqui surpassait tous lesautres:ilavaitenvied’êtreavecelle.

—Jepeuxveniravecmeschiens?Ellesemitàrire.—Tuplaisantes,j’espère?Commesideuxdepluspouvaientfaireunedifférence.— Très bien. J’installe Opie à la clinique et je te suis. Je mangerais bien un hamburger. J’en

profiteraipourexaminerTrooper.—Jetepréviens,mamaisonestencoreplusenvahiequelorsdetadernièrevisite.—Danscecas,jeveilleraiànepasmefairechipermonhamburger,répondit-il.

Vous saviez qu’un chien castré continue à produire de la testostérone plusieurs jours, voire des

semainesaprèsl’opération?Dumoinsétait-cemoncaslorsdecepremierbarbecuechezlesMcDaniel.J’avaispeut-êtrel’airendormisousunarbrependantquelesgensbrûlaientdelaviandesurunfeude

bois,maisl’atmosphèreétaitchargéed’hormonesenébullition.Apparemment, ces gens devaient être bien nourris, car ils préparaient de grandes quantités de

nourriture.Jenecomprendstoujourspaspourquoileshumainséprouventlebesoindefairebrûlerdelabonneviande.Enfin, je n’allais pas faire la fine bouche.Depuis queLaceym’avait fait opérer, jemefaisaistoutpetit.

Aumoinsilsm’avaientenlevécetteaffreusecollerette.Cependant, je sentaisunparfumde reproductiondans l’air.Celame rendait fou,parceque j’avais

encoreassezdetestostéronepourvouloirfécondercettechienneenchaleur,àquelqueskilomètresdelamaison.

Oui, un chien sent une femelle disponible à plusieurs kilomètres à la ronde. Les mâles humainsseraient jalouxs’ilsconnaissaientmonsuperpouvoir.Pasdechance, jen’avaispas l’énergiesuffisantepourcourirlemarathon.

Épargnez-moivotrepitié.Monnouveaufoyerprésentaitdenombreuxavantages,dequoiavoirenviederesterpourtoujours,mêmesijen’avaispasdemissionàaccomplirpourcesgens.

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D’abord, ilyavaitde lanourritureenabondance.Ensuite, jedormaisavec legrand-père,dans satanière,enfin,sachambre.

J’ai vite découvert le confort d’un canapé, que les humains rechignent généralement à partager,d’ailleurs.

Jedormaisàcôtédu litdugrand-père.Jen’étaispasprêtàgrimper.Mais je reluquaisuncoindumatelascouvertd’uneépaissecouverturerepliée.

EnIrak,jedormaisparterreousousuncarton.Lesconditionsétaientdures.Ilsn’ontpasderefugespourchienslà-bas.Quandunemeuteserapprochaittropd’uneville,lapolicevenaitabattreleschiensunpar un.Même quand j’étais avec le colonel, j’ai failli être tué plusieurs fois car j’avais aboyé pouravertirlesautresdudangerimminent.Celavalaitlapeinepouraiderl’hommequim’avaitsauvé.

Ici, être un chien est moins périlleux. Heureusement que j’avais passé plusieurs mois à la basemilitairepourm’habituerauxhumains.Sinon,j’auraiseupeurdemanouvellefamille.

Jem’égare,unefoisdeplus.Commequandjerenifleunhamburger.C’estbon,leshamburgers,etplusfacileàmâcherqu’unsteak,mêmegrillé.Cequimeramèneausujetdontjevoulaisvousparler.Malgrémonétatdeconvalescent,j’avaisassez

detestostéroneenmoipoursavoirquelebarbecueréunissaitdesgensquis’attiraientlesunslesautres.

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3epartie

Mâcherpetitesculottesetjeansdanslabuanderieestleplusgranddesplaisirs,

endehorsdechiperunsteakhaché.

Trooper,lorsd’unbarbecuefamilial

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12

SiMikenes’étaitpasattenduàcequeSierraseretrouvedanssonlit,iln’avaitplusqu’uneidéeentête,l’yattirerdenouveau.

Cebarbecuedominicalétaitunvéritablecalvairequin’allaitpassetermineravantlanuit.Toutelajournée,Sierra l’avait fasciné,avecsa robeencoton fleuriqui soulignait sescourbeset sesbottesdecow-boy rouges. Il avait envie d’en embrasser chaque fleurette avant de la lui enlever pour lui fairel’amour.

Ausoleilcouchant,lajeunefemmesepenchaverssongrand-père,installédansunfauteuildejardinetluitenditunepartdegâteauauchocolatetunverredethéglacé.

Mieuxvalaitnerientrahirdesondésir,carlevieilhommerisquaitdeledevinermalgrésonesprittroublé,etdeluifairelaleçon.

Ilchassadoncsespenséescoquinesetpritletempsdescruterl’assemblée.Ilyavaitplusdemondequ’ilnes’yattendait.Unepoignéedebénévoless’étaientattardésaprèsavoirnettoyélesboxetpromenéles chiens.Sierra avait pris les choses enmain.À la surprisegénérale,Lacey était arrivée, suivieduvétérinaire.Mike ne s’était pas vraiment étonné de voir le DrVega traîner sur leur stand, lors de lajournéed’adoption.MaisleretrouverchezlesMcDanielsemblaitunpeuirréel.

Irréel?Était-cevraimentletermeadéquat?SonregardseposadenouveausurSierraquidébarrassaitl’assiettedesongrand-père.Enthéorie,

c’étaitNathanquiétaitchargédelesurveiller.Orl’adolescentétaitallongédanslehamac,plongédansunjeuvidéo.Trooperétaitcouchédansl’herbe,entredeuxlanternes.

SiSierra souriait auxproposde songrand-père, elle avait l’air soucieux.Elle lui tapota l’épaule,puiss’éloigna.Avecunsoupir,ellepritplaceàcôtédeMike,surlebanc,dosàlatable.

— Tu parles d’une journée de repos ! Je suis impatiente de m’échapper pour travailler sur monordinateur.

Parfois,Mikeoubliaitqu’ellesuivaitdescoursenplusdeceuxqu’elledonnaitentantqu’assistanteàl’université.Sonpèreétaittellementfierd’elle.S’ilvoyaitsafamilleenproieàtantdestress,ildevaitêtretrèsinquiet.

Etquepenserait-ildeLaceyavecleDrVega?Elleétaitentraind’allumerquelquestorchessousleregard enamouré du vétérinaire qui ne la quittait pas des yeux. Mike n’était pas enclin à porter desjugementshâtifs,maisdel’attiranceévidentedecethommepouvaientdécoulerbiendesdifficultés.Ilnedevaitpasêtrefaciled’avoirdessentimentspourunefemmequivenaitdeperdresonmariàlaguerre.Mikenelecomprenaitquetropbien.

—Çava?demanda-t-ilàSierraensepenchantverselle.—Mongrand-pèrevientencoredem’appelerpar lenomdemagrand-mère.Àpartça,çava.La

journéeaétélongue.

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Elleeffleurasonbrasenprenantsoindenepastrahirl’évolutiondeleurrelation.—J’aihâtequel’onseretrouvetouslesdeux,ajouta-t-elle.Ilétaitimpatient,luiaussi.Lestroispersonnesassisesenfaced’euxselevèrentetsedirigèrentvers

lefeudejoie,leslaissantseuls.—Tamèresaitcequis’estpasséentrenouscettenuit?demanda-t-ilàvoixbasse.—Quelleimportance?répondit-elle,unpeunerveuse.Onadécidédeneriendireauxautres.Cela

nemedéplairaitpasqueleschosesrestentainsipourl’instant.—Qu’est-cequinevapas?D’unsignedetête,elledésignasamèrequisortaitdelagrangeencompagnieduDrVega.—Mamèreainvitécethomme,bienplusjeunequ’elle.C’estbizarre.—Cen’estpassonpetitami.C’estlevétérinairequisoignesesanimaux.Elleveutleremercierde

luiaccorderdestarifspréférentiels.Àmoinsqu’ellenechercheàtecaseraveclui.—Tues fou? JeconnaisRaydepuisplusd’unanet iln’ya jamaiseu lamoindreétincelleentre

nous.Ellen’estpasdugenreàjouerlesentremetteuses.Ellem’enauraitparléfranchement.—Pasforcément.Sielles’inquièteàl’idéequetusoisencoupleavecmoi,elleessaiepeut-êtrede

détournertonattentionversunautre.Ets’ils’étaitméprissurlesregardsénamourésdeRay?L’idéequ’unhommepuisse s’intéresser àSierra lemettaithorsde lui. Ilnepensaitpasêtre aussi

possessif.—Celan’apasdesens,repritSierra.Mamant’aimebien.Ellet’aproposédet’installerici.—Celanesignifieenrienqu’elleaimeraitvoirsafilleépouserunpauvresoldat,surtoutaprèsavoir

perduunmariofficier.—Mamèrenejouepaslesentremetteuses,répéta-t-elled’unairbuté.Elleestattiréeparcethomme

etréciproquement,c’estçaquimefaitpeur.Le problème n’était donc pas l’âge du vétérinaire. Sierra aurait rejeté n’importe quel prétendant.

Mikepouvaitaumoinsêtrerassuré:Raynechercheraitpasàséduirecellequ’ilaimait.Ils’envoulutunpeudesonattitudeunpeurétrograde.

—Rienn’indiquequ’ilyaitautrechosequedel’amitiéentreeux.Unjour,ellepourraitbienrefairesavie,tusais.Elleestencorejeuneetséduisante.

—Maintenantc’esttoiquimefaispeur,répliqua-t-ellesuruntonquisevoulaitenjoué.—Tusaispertinemmentquimobilisetoutemonattention.Sonregards’attardasurseslèvres,puisilrepritplussérieusement:—J’aipromisàtonpèredeveillersurvoustousetjeleferai.—Tun’aspasàtesentirresponsabledenous,dit-elleenchassantunemouche.—Vousn’êtespasunfardeau.—Taloyautécompliquelasituation,depuiscettenuit.Laminegrave,ellesetournaverslui.Elleneplaisantaitpas.—Jetecomprends,répondit-il.S’il appréciait leur complicité insouciante lorsqu’ils étaient tous les deux, il respectait aussi ses

préoccupations.—Jeresteraiici,quenousfaisionsencorel’amourensembleoupas.—Parcequetuasunedetteenversmonpère?Pourquoilepoussait-elledanssesderniersretranchements?Ilposasongobeletsurlatableetchoisit

sesmotsavecsoin:—Enpartie,oui.Jenepeuxpaslenier.Maisfranchement,Sierra,jepréféreraisquel’onn’évoque

pastonpèrelorsquenousparlonsdenosrelationsintimes.

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Surcesmots,ilfinitsonthéglacéd’unetraite.Pensive,Sierralevalesyeuxverslecielpouradmirerlesétoiles.

—Ilaétéheureux,aumoins,aucoursdesesderniersjoursdevie?Enfin,aussiheureuxquel’onpuisseêtredansunezonedeguerre?

DessouvenirsdecettemissionrevinrenttourmenterMike.Commentdétacherunmomentprécisdanscetourbillond’images?

—Nousavonsvécudesmomentspluslégers,déclara-t-il.—Jet’enprie,raconte-m’enun.Mêmesimonpèren’estmortquedepuisquatremois,celafaisaitun

anquejel’avaisnivuniembrassé.Puisqu’ilnepouvaitéchapperàcetteconversationpénible,autantrechercherunpeudelégèreté.Ilfouillasamémoireetserappelaunsouvenirremontantàunmoisavant…avantlafin.—Tonpèreétaitfierdecequetamèreettoiavezaccompliici.—C’estmamanquiabâtitoutcela,lecoupaSierra.Pasmoi.LeRefugedelaSecondeChancelui

appartient.—Peut-être,maisilestmanifestequetuasjouéunrôleessentielaussibienpourlerefugequepour

tafamille.Ill’admiraitpoursonabnégation,unequalitérare.—Merci,mêmesijenesuispasconvaincue.Allez,raconte-moiunsouvenirheureuxdemonpère.—IlétaitsurSkypeavecvoustous.Commelesconnexionsétaientlimitées,ilfallaitserendredans

unlieupublicdotédeplusieursécrans.Toutlemondevousacriébonjour.—Jemesouviensdecetappel,ditSierra,unsourireaucoindeslèvres.—Vousluiaveztousparlétouràtour,unanimaldanslesbras.Onenvoyaitd’autresenarrière-plan.

Iln’yavaitpasseulementdeschiensetdeschats,maisaussilachèvre,leserpent,leslapins…Mikeseplongeadanscesouveniraupointdesentirl’odeurépicéequiflottaitdanslasalle.—Àl’issuedelaconnexion,tonpèreétaitabasourdi.Iladéclaré:«QuandmaLaceyselancedans

unprojet,ellevajusqu’aubout.»—Illaconnaissaitbien.Mercidem’avoirrappelécemoment.Jel’avaisoublié,etjeneveuxplus

rienoublierdelui.—L’histoirenes’arrêtepaslà.Ileffleuralatressedelajeunefemmeavecunregardsuggestif.— Les hommes de la section ont réalisé des animaux en origami, reprit-il. Nous avons redoublé

d’efforts durant aumoins une semaine. Et pendant que ton père était dehors, à jouer à la balle avecTrooper,nousavonsinstallélesanimauxenpapierdanssachambre.Ilyenavaitpartout,surlesmeubles,lelit,lereborddelafenêtre,parterre.

Sierrasouritetsepenchaverslui,commepourserapprocherdesonpère.—Commenta-t-ilréagi?—Ilaéclatéderireets’estmisàcrier:Chérie!Jesuisrentré!Sierraéclataderireàsontour.—Jecomprendsàprésentpourquoiilaenvoyéàmamèreunchatetunchienenorigami.Lalettreest

arrivéelelendemaindesesfunérailles.Ellebaissa la tête, lesmains crispées sur sesgenoux,puis elleplongeadans son regard, lesyeux

embuésdelarmes.—Tuveuxbienquejepartagecetteanecdoteavecmamère?Mikeeneutlecœurbrisé.Peuluiimportaitdésormaisquelesautresserendentcomptequ’ilsétaient

uncouple?Ensembledenouveau.Ilposaunemainsurlanuquedelajeunefemme.—Biensûrquetupeuxluienparler.Ilvoulutl’attirerverslui,posersatêtesursonépaule,quanduncridéchiralanuit.

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—Appelezlapolice!hurlaitNathan.Quelqu’unavandalisélechenil!

Lacey se précipita vers la grange. Elle entendit Ray lui recommander la prudence, mais elle nepensait qu’à ses chiens, si vulnérables.Quelqu’un s’était introduit sur la propriété pendant qu’elle sedétendaitencompagniedesafamilleetdesesamisetquesonsystèmed’alarmeétaitéteint.

Soudain,ellesentitunbrasl’enlaceretlasouleverdeterre.—Lacey,stop!s’exclamaRay.Réfléchis.Tudoisfaireattention.MieuxvautqueMikeaillejeterun

coupd’œil.Plusieursbénévolessontpartisdanslesboischercherleschiensquiseseraientéchappésetrattraperceluiquiafaitça.

Ilavaitraison.Malheureusement,lecœurdeLaceyrefusaittoutelogique.Elletentadesedégagerdeson emprise, mais Ray la maintenait fermement contre son torse musclé. Avant qu’elle ne puisses’attardersursontrouble,RaylaconfiaàDebbieetsonmari.

LaceyfouillalacouràlalueurdestorchespendantqueMikecouraitjusqu’àlagrange,suivideRay.Àl’entréedelabâtisse,MikeécartaNathanavecfermeté.Lesaboiementsmontèrentd’uncran.

Lesdeuxhommesscrutèrentleslieuxavecattention.—Catastrophe,soufflaRay.Ilvafalloirdeslaissesetdescollets.Leschienssontsortisdeleursbox

etilscommencentàsebattre.C’estl’horreur.Sansunmot,ilsdisparurentàl’intérieur.Laceyallavitechercherdequoiimmobiliserlesanimaux,

toutencriant:—Sierra,vachercherdescagesdanslegarage!Elleavaitfournitantd’effortspoursauverceschiensetceschats,évaluerleurcaractère,formerles

groupes afin que tout se déroule dans la sérénité.Manifestement, elle avait échoué quelque part, ellen’avaitpassudécelerlessignes.Ellepriaitqu’aucundesespensionnairesnepaiesonerreurauprixfort.

Uneheureplus tard,Sierranes’enétait toujourspas remise.Pendant lebarbecue,quelqu’unavaitvandalisélechenil,découpélesclôtures,arrachélesabreuvoirs,fracturéleverroudulocalàprovisions,éventrélessacsdecroquettes.

Heureusement,MikeetRayavaientviteprislecontrôledelabagarregénéraleetlesdégâtsétaientlimités.

Elles’affairaitàrécupérerlescroquetteséparpilléesàterreàl’aided’unepetitepelle.Munidesaboîteàoutils,Mikeinstallaitdesloquetsdefortunesurlesbox.Laceys’efforçaitdecalmerlesanimauxaffoléspendantquelevétérinaireexaminaitlesblessés,troischiensetunchat.

Il y avait plus de peur que demal. Les chiots fragiles se trouvaient dans un espace séparé. Et sil’incidentavaiteulieupendantqueLuckyétaitenphasededésintoxication?Elleenfrémitd’effroi.

Lapoliceétaitvenueprendrelesdépositionsdespersonnesprésenteslorsdubarbecue.Ilsn’avaienttrouvéaucunsuspectdans lesboiset lesbénévolesavaientanéanti toutechancederelever lamoindretracedepasexploitable.Ilétaitexcluquelecoupablesoitl’undesinvités.Ilnepouvaits’agirqued’unepersonneextérieurecomme,parexemple,KennethHammond,levoisinquivivaitencorechezsamère.

Lesépiait-ilàl’aidedesesjumellesoudelunettesàinfrarougependantqu’ilss’efforçaientdemettrelespensionnairesàl’abripourlanuit?Ilsnepouvaientleslogerdanslamaison,nileslaisserdanslacour,carilsrisquaientdes’échapper.Sansparlerdesvoleursd’animaux…

Plusieursbénévoles restèrent jusqu’àonzeheurespour leurprêtermain-forte,mais ils avaientunevie,unemploi.Sierraavaitramasséleplusdecroquettespossible,carilsnepouvaientsepermettredegaspiller.Mêmeleschienssemblaientépuisésaprèslesémotionsdelasoirée.

Danslesilencepesant,ellesedemandaitàquoiMikepouvaitbienpenser.Oùenétaient-ils,touslesdeux?

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—Mike,merciencoredetonaide.Jesuisdésoléequetusoisobligédeconsacrertontempslibreàcestâchesingrates.Tudevraisêtreentraindefairelafêteavectescopains,histoirededécompresser.

—Cetravailestbienplusproductifquedechercherdifférentesméthodespoursoignerunegueuledebois.

Mikecontinuaàréparerlesportesdesboxens’éclairantàl’aided’unebaladeuse.—Riennet’obligeàpassertontempsici.Ellel’observaducoindel’œilpouradmirerletravaildesesmusclesaugrédesesmouvements.—Mamèrenetejetterapasdehorssitusorsunpeu,tusais,reprit-elle.—Merci,maisjesuisungrandgarçon.Jegèremadécompressionàmafaçon.Commentveux-tuque

jem’amusesijemefaisdusoucipourvous?Ilavaitledondedétournerlaconversationpourparlerd’elleetéviterainsideparlerdelui.—Ettafamille?insista-t-elle.Ilneluiavaitparléquedesonpèreetdesagrand-mère.Oùétaient-ils,lejourdesonretour?—Tun’aspasenviedevoirlestiens?—Magrand-mèreestmortependantquej’étaisenmission,etmonpère…Ilhaussalesépaulesavantdereprendre:—Jepasseraiunweek-endavecluiavantderepartir.Cen’estpasévidententrenous.—C’esttriste,pourtagrand-mère.Ellelâchasapelleetposaunemainsursonépaule.Lecontactdesapeaunuelatroubla.—Tuasvécuquelquetempsavecelle,jecrois.Il se dirigea vers le box suivant, rompant le contact entre eux. Refusait-il sa compassion ou bien

avait-ildéjàsurmontésonchagrin?—Ellem’aélevé,maisnosrapportsn’étaientpasaussichaleureuxqu’auseindetafamille.—Queveux-tudire?Elleavaitenviedemieuxlecomprendre,carMiken’étaitpluslemêmequel’hommequ’elleavait

connu auparavant et l’armure qu’il s’était forgée n’était pas tombéemalgré leur nuit d’amour.Que luicachait-ilsursonpassé?

—Elle trouvait toujoursune solutionpour régler les factures et ne se souciait pas tropdedétailscommelaloi…

L’ampouledesalampesemitàvaciller.—Commentcela?Dansleplacard,ellepritdesgamellesneuvespourlesplacerdanslesbox.—Dis-moi, insista-t-elle.Tusais toutdemoiet jemerendscomptequetudemeuresunmystèreà

mesyeux.Quandnousétionsensemble,tunem’asjamaisprésentétagrand-mère.Savait-ildéjàqu’ilsallaientrompre?—Grannyn’avaitpasprévud’éleversonpetit-fils,maisellen’apaseulechoixquandmamèreest

partie.Ils’interrompitpourrevisserl’ampouledesalampeavantdelaraccrochersurlabarrière.—Monpèresedéplaçaitsouventpourtoucherdesprimesderisque.L’argentmanquaitquandmême.

Granny,enrevanche,étaitpleinederessources.—Commentcela?Ilredressaunebarrièreendommagéeafinqueleschiensneseblessentpas.—Unmois,ellen’apaseudequoiréglerleloyer,alorsellem’arasélecrânepourfairecroireque

j’avaisuneleucémieetrecueillirdesdons.J’enaiprisuncoupdesoleilsurlatête.Sonescroquerieamarchépendanttroismoisavantquesonstratagèmeaitétémisaujour.

Sierratentademasquersastupeur.Pasétonnantqu’ilsoitrestédiscretsursonpassé.—Quelâgeavais-tu?

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Trèsconcentrésursatâche,Mikeneréponditpastoutdesuite.—Sixans.Six ans ? Sierra savait que samère avait quitté le foyer,mais elle croyaitMike plus âgé lorsque

c’étaitarrivé.—Commentsamiseenscènea-t-elleétédécouverte?Tuenasparléàquelqu’un?—Jesavaistenirmalangue.Ilsedétournapourboucheruntroubéantdanslegrillage.—Ellem’aditque,sijelâchaislemorceau,nousdevrionshabiterdansuneroulotte.Affligée,Sierras’agenouillaprèsdelui.—Mike,c’estterrible.—Jesais,admit-ilavecsimplicité.Moninstitutriceatenulesmêmesproposquandelleadéceléla

supercherie.Elleavuquejen’avalaispasdemédicamentsetquejeprenaisdupoids.J’aifiniparluisemblertropenformepourunenfantmaladeetelleacommencéàseposerdesquestions.

—Tuprenaisdupoids?répéta-t-elle,incrédule.—Jemangeaismieuxàlacantinequ’àlamaison.—Tagrand-mèreteprivaitdenourritureafinquetuaiesl’airmalade?—Je n’étais pas affamé.Disons que je n’avais jamais de rab, railla-t-il avec un rire amer.Nous

avonsdéménagéavantqu’ellenesoitarrêtée.Nousn’avonsplusremislespiedsdanscetteville.J’ignorequellepeineelleencourait.

—Pourquoinem’as-turienditquandnousétionsensemble?Il posa sa pince et la regarda dans les yeux pour la première fois depuis le début de cette

conversation.— Tu as une famille idéale, répondit-il. Je n’avais pas envie d’évoquer la mienne qui est

dysfonctionnelle.Elledécelaune lueurdeméfiancedans son regarddoré. Il se redressa fièrement.Sierranevoyait

plusqu’unpetitgarçonvulnérableetaffamé.Plusquestionpourelledereculer.—Pourquoim’enparles-tumaintenant?Qu’est-cequiachangé?—Lavie.L’annéequivientdes’écouler,hasarda-t-il,unpeugêné.Commes’ilavaitbesoindechassercesépreuvesdesonesprit,ill’attiraversluipourl’embrasser,

sansbrutalité,maisavecunecertainefougue.Sansréfléchir,elleselaissaallerentresesbras.Àquoibonsesoucierdulendemain?Soudain,il

n’yavaitplusd’animauxenorigami,d’enfants trahiset sansdéfense.Encet instant, ilsavaientbesoinl’undel’autre.Ilsenavaientterminéaveclaréfectiondeschenils.Samèreveilleraitàcequetousleschienssoientàl’abri.

Tropsouvent,leranchavaitdétournéSierradesesrelationsavecMike.Ilavaitbesoind’elleetelleseraitaurendez-vous,cettefois.Ilsselevèrentdansunmêmeélan,commes’ilsneformaientqu’un.

Elleenroulalesbrasautourdesoncouetselovacontrelui,leurscorpsplaquésl’uncontrel’autre.Aussitôt,ellefutparcourued’unfrissondedésirqu’elleneputréprimer.Puisellesemitàtremblerdetoussesmembres.Elleauraittantvoulueffacerlesimagesqu’évoquaientlesconfidencesdeMikeparlaseuleforcedesessentimentspourlui.Ellesemitàluicaresserledos,lanuque,lescheveux.

Laprenantparlescuisses,illasoulevadeterreetelleenroulasesjambesautourdesataille.Puisilla porta vers l’escalier. Chaque pas engendrait un délicieux frottement entre ses cuisses. Malgré lapénombre,ilparvintàtrouversoncheminalorsqu’ellenepouvaits’arrêterdel’embrasser.Unechaleurtroublantenaquitaufonddesonventre.

Mikeouvritlaportedustudiod’uncoupd’épaulesipuissantqueledésirdelajeunefemmen’enfutquedécuplé.Illadéposasurlelitavecunedouceurinfinie.

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Illapritparlepoignetetl’embrassadanslecou.—Pasdeprécipitation,murmura-t-il.Un frisson d’impatience parcourut Sierra à la perspective des attentions sensuelles qu’il allait lui

prodiguer.Ildéposaunchapeletdebaiserslelongdesoncou,sonépaule,sanscesserdelacaresser,sansse

soucierdelabarrièredesvêtements.Chaquecaresse,chaquebaiserl’embrasaitdavantage,tandisqu’ildescendait plus bas encore. Elle sentit son souffle chaud sur le décolleté de sa fine robe en coton. Ilcontinua à l’embrasser à travers le tissu. Au niveau de sa taille, il ralentit pour mieux exprimer sesintentions.

Lentement,ilrelevalarobejusqu’àdénudersonventre.Frémissante,elleenfouitlesdoigtsdanssescheveux.Ellesentitlecontactrugueuxdesonmentonsursapeaudélicate.Ilsemitàtitillersonnombrildesesdents,puistirasurl’élastiquedesaculotte.

Sentant la fraîcheurdusoirsursapeaunue,ellesecambrapourmieuxs’offrir.Mikes’allongeaàcôtéd’elleet,appuyésurunavant-bras,ilpritletempsdel’admireràloisir.Ilsepenchapourdéposerunbaisersursacuisse,enremontantpeuàpeu.Lorsqu’ileffleural’arrièredesongenou,elleeutlachairdepoule.Puisill’embrassasurlahancheavantdeglisserlesdoigtsdanssatoisondorée.

—Mike…Ivred’impatience,elletentaderéprimerunspasmededésir.—Jeprendraitoutmontempspourterendrelapareille,prévint-elle.Lesourirequ’illuioffritluiprocuraautantdeplaisirquesescaresses.Alors, enfin, il l’embrassa entre ses cuisses comme seul un amant connaissant ses désirs les plus

intimes pouvait le faire. Il plaça ses jambes sur ses épaules pourmieux l’explorer, faire monter sonplaisir.Sierrarejetalatêteenarrièreetsenoyadansuntourbillondesensations.

Lorsqu’elle fut emportée par l’extase, il ralentit son rythme pour prolonger le plaisir. Les yeuxfermés,ellesentitsessensationsressurgir.Ellerouvritalorslesyeuxpouradmirersesmusclessaillants,auclairdelune,etsesmainsfermessurseshanches.

Dans un cri de plaisir, elle se tendit, les doigts crispés sur l’oreiller. Les ondes de plaisir semultiplièrentaurythmedesescaresses.Quandelleretombaenfin,repue,ilposalajouesursonventre.

Illuiaccordaàpeineletempsdereprendresonsouffle,ôtantrapidementsesvêtementsetfinissantdedéshabillersapartenairequil’aidadesonmieux,malgrésalangueur.

—Àtontour,murmura-t-elleentendantunemainverssonsexedresséetpalpitant.Ilretintsamainets’agenouillaprèsd’elle.—Pascettefois,d’accord?Ilsemontraitrarementaussisérieux,surtoutaulit.—J’aibesoindetoi,reprit-ilenl’allongeantsurledospourlacouvrirdesoncorpsfébrile.—Jesuisàtoi,répondit-ellesimplement.Malgréletumulte,c’étaitlavérité.DanslesbrasdeMike,ellepouvaittoutoublier.Pourvuqu’ilconnaisselemêmebonheur,neserait-

cequel’espacedequelquesheures…

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13

Unchatsurlesgenoux,Laceyétaitassisedevantsonordinateur,danssachambre,ledostournéaulitconjugal.Aprèssonweek-endagité,elleavaitpassé lasemaineà rattraper le retardqu’elleavaitprisdanssontravail.

Par chance, il n’y avait pas eu de blessures graves parmi ses pensionnaires. La police suivaitplusieurs pistes. D’autres refuges de la région avaient subi des effractions similaires assorties devandalisme. Les malfrats avaient volé des chiens pour les livrer aux organisateurs de combatsclandestins.Laperspectivedevoirl’undesesprotégéssubirlemêmesortlarendaitmalade.

Leremplacementdumatérielendommagéallaitgreversonbudgetdéjàserré,maisellen’avaitpaslechoix:ilétaitindispensablequ’ellerenforcelasécuritédesonrefugepardenouvellesinstallations,uneclôtureélectrifiéeetdescamérasdesurveillance.Ellenepourraitplushébergerautantd’animauxqueparlepassé.Elleespéraitqueleprochainweek-endseraitpluscalmeetluiapporteraitunpeuderépit.

Elleseconnectaauforumdestinéàsesélèvesdechimie.Elleaimaitcetravailquiluipermettaitderesteràlamaison.Elleavaitaussienseignéàdesétudiantsdeclassespréparatoiresetavaitunechanced’êtreengagéeparl’universitélocalepourquelquesheures.Elleenavaittoujoursrêvé.Siseulementelletrouvaitplusdetemps…

Elleprit le chienenorigamiposéprèsde sonécranentre sesdoigts. Il commençait à êtreunpeucornésurlesbords.Etsiellelefaisaitplastifier,pourleconserverensouvenir?Cesanimauxenpapierconstituaientlederniercadeaud’Allen.Ceseraitunefaçondetournerlapage,d’acceptersessentimentspourunautrehomme,sonattirancepourRayparexemple.

Elle se rappela son trouble lorsqu’il l’avait enlacéepour l’empêcherdecourirvers lagrange.Cecontactfugacenesignifiaitrienpourlui,maisilavaitréveillélessensdeLacey.

Ilnesepasseraitrienentreeux,pasencore.Peut-êtrejamais.Elle reposa le chien de papier sur son bureau et termina son travail. Des adoptants potentiels

voulaient voir celui qu’elle surnommait Bob Marley. Il était toiletté et prêt à trouver un foyer. Unevingtainedefamilless’étaientmanifestéesdèslapublicationdesaphotosursonsite.Siseulementtoussesprotégésavaientcettechance.

Elle se concentra sur sa tâche, puis sauvegarda son fichier et éteignit l’ordinateur.Elle enfila unepairedebaskets rosesetsortitdans lecouloir.Laportede lachambredeJoshuaétaitentrouverte.Enattendantledîner,levieilhommelisaitsonjournaldevantlatélévisiondontlevolumeétaitaumaximum.Laplupartdutemps,ils’endormaitdevantleposteallumé.

Lecoucousonnasixheures.Cette fois,Trooperne s’énervapas.Legénéralgardaitdes friandisesdanssachambre.Lechiens’ysentaitpeut-êtreensécurité.

Enfinunebonnenouvelle.—Nathan!appela-t-elle.

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Affalésur lecanapé,sonfils restaplongédansson jeuvidéo.Elledutenleverunécouteurdesonoreille.

—Aucasoùtuauraisunepetitefaimavantdepasseràtable,ilyadequoipréparerunsandwichaupoulet.

Ellesepenchaversluipourcaptersonregard:—D’accord?ajouta-t-elle.—Poulet,sandwich,compris,maugréa-t-ilenremettantsonécouteurenplace.Elledutglisserlesmainsdanssespochespournepasl’étreindre,carill’auraitrepoussée.Sonfils

luimanquaittant.Qu’étaitdevenulepetitgarçonquicouraitverselleavecquelquespissenlitsàlamain,quiramassaitdesversdeterrepouralleràlapêcheavecsonpèreetsongrand-père?Avantladernièremissiond’Allen, leursrapportsétaientdéjàtendus.L’adolescentcherchaitàs’affirmer.AllenetJoshual’avaientencouragéàs’intéresserauxcadetsdel’armée.Enréaction,ils’étaitlaissépousserlescheveuxets’étaitmisàporterdesvêtementstropgrands.

Ils auraient fini par surmonter leurs différends. Hélas, ils n’en avaient pas eu le temps. Nathansouffraitetellenesavaitcommentl’aider.

Aumomentoùelleallaitentrerdanslacuisine,lasonneriedelanouvellegrilleretentit.Ilsavaientde la visite. En regardant par la fenêtre, Lacey aperçut leminivan de la famille d’adoptants. Elle leslaissaentreretscrutalacourpourvérifierquetoutétaitenordre.Engénéral,lesadoptionssefaisaientenville.Maiscecoupleavaitdéjàadoptéuncaniche.Lepèreétaitmilitaireetilsavaientdeuxfillettesquivoulaientchacuneleurchien.

Enlesvoyantremonterl’allée,LaceyserappelalejouroùAllenetelleavaientrecueilliClémentine.Lesenfantsétaientfousdejoie.Lachienneavaitencoresesquatrepattes,àl’époque.Elleavaitdûêtreamputéequelquesannéesplustardàcaused’unetumeur.

Ellevitlaportières’ouvriretlesfillesdescendreenriant.Celafaisaitsilongtempsqu’ellen’avaitpasvusonfilsrirecommeelles.Lecouples’approcha,maindanslamain,tenantleurcanicheenlaisse.

Poursedonnerunecontenance,elles’agenouillapourcaresserlechien.—Quelplaisirdevoiruneanciennepensionnaireaussiheureuseetchoyée,déclara-t-elle.Allieet

Sean,merci.Venez,jevaisvousprésenterMarley.

Raysetenaitsurleseuildelacuisine.Engénéral,Laceyneluidemandaitpasdefairedesvisitesàdomicile.

Lorsqu’ellel’avaitappelé,danslasoirée,inquiètepourseschiotsshetland,iln’avaitpashésitéàsedéplacer sur-le-champ. Il s’était persuadé de prendre cet appel pour ce qu’il était, sans se bercerd’illusionsetyvoirunsenscaché.Lorsdubarbecue,leurattirancemutuelleavaitétépalpable,surtoutquandill’avaitretenuedecourirverslagrange.

Ilsavaitqueleurhistoirenepouvaitfonctionner.Pasencore.Ilfallaitqu’ilcontrôlesessentiments.—Lacey!—Entre,répondit-elled’unevoixmalassurée.Lagorgenouée,ilpénétradansledésordrechaleureuxdelacuisinefamiliale.Jamaisiln’auraitrien

vudetelchezsamère,maisilenviaitcettedécontractionquandilallaitchezdesamis.Souslavéranda,ildécouvritunpetitenclos.Dansunepiscinepourenfantsrempliedecouvertures,Laceyavaitinstallélachienneshetlandetsaportée.

LepantalondeyogadeLacey laissaitvoir ses jambes sculpturales et son tee-shirt ajusté semblaitapparteniràsonfils.Sescheveuxdoréstombaientdanssondos.Toutenellelefascinait.

Ilflottaitunparfumdelavande,leparfumdeLacey.—Félicitations.TuasréussiàcaserMarley.

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—Merci.J’aidumalàmeréjouiraprèslacatastrophedelasemainedernière.Celuiouceuxquiontfaitçasonttoujoursdanslanature.Jem’enveuxden’avoirrienremarqué.

—Oùsont lespetitspitbulls?s’enquitRay,enespérantqu’ellene lesaitpasexposésà laportéemalade.

— Ils vont bien. Ils sont sevrés etmangent de la pâtée. Je les ai confiés à une famille d’accueiljusqu’àcequ’ilssoientenâged’êtreadoptés.Désormais, jem’occupedeceux-ci.Jem’attendaisàcequ’ilssoientseulementinfestésdepuces.Orilssemblentdéshydratés.Jesuisdésoléedetedéranger.

—Tunemedérangespas.C’estinquiétant,eneffet.Ils’agenouillaprèsdel’enclosetsoulevaunepetitebouledepoilsdetroissemaines.Lorsqu’illui

pinçal’encolure,lapeauneseremitpasenplace.Ilobservaensuitesesgencivesetsesyeux.—Ilsontdelafièvre?Laceysecouanégativementlatête.—Iln’yapasd’écoulementnasalnonplus.Maisilsnevontpasbien.Ilavaitremarquéquerécemment,ellequiétaitplutôtsereine,étaitdevenuenerveuse,commesielle

avaitpeur.—Jemesuisinquiétéepourrien?—Net’excusepas.Ilexaminachaquechiot.Ilsavaienteffectivementbesoind’êtreréhydratésetLaceysavaitcomment

s’yprendre.—Lamèreaussiauraitbesoind’uneperfusion.J’aiunepochesurmoietjevoisquetuenasdéjà

préparéuneautre.Onnemettraquequelquesminutes.—Tudevraist’encharger,déclara-t-elleenfrémissant.—Tuastoutelacompétencerequise.Jetesurveille,detoutefaçon.Tandisqu’ilinstallaitlasecondepoche,Laceys’agenouillaetmurmuradesparolesderéconfortàla

mère.— Je suis ravi de t’aider. Je me demande pourquoi tu as perdu de ton assurance, avoua Ray en

cherchantuneaiguilleplusfinedanssasacoche.Elleposauneserviettesursesgenouxettentad’apaiserlechiot,puisellepritl’aiguille.—Jeviensdepasserdessemainestrèsdifficiles,avoua-t-elle.Avecenplusl’arrivéedeTrooper.

Enfin,jesuiscontentequ’ilsesoitadapté,mais…—C’estcommesituvenaisdeperdretonmariunesecondefois.—Absolument.Jen’aisaisil’intensitédemonstressquecesoir,entravaillant.Jen’arrivepasàme

ressaisir.Rayn’aimaitpaslavoiraussimeurtrie.Aurisquedelafairesouffrir,ildevaitl’inciteràparler.—CommentAllenettoivousétiez-vousrencontrés?Elleinséral’aiguilledanslapatteduchiotd’ungesteassuré.—J’étaisau lycéeetunnouveauestarrivé.Sonpèrevenaitd’êtremutéà labasemilitaire.En le

voyant,danssonuniformedecadet,j’aieulecoupdefoudre.Ilm’aplu.J’aisuqu’ilétaitfaitpourmoietquejedevaismemanifesteravantqued’autresfillesnesejettentàsoncou.

Rayposauneperfusionàunautrechiot.—Voussavieztouslesdeuxqueceseraitsérieux,ondirait.—Ilétaitvraimentmerveilleux.Ilavaitdebonnesnotes, ilétait intelligent.Ilfaisaitdesonmieux

pourquesonpèresoitfierdelui.—A-t-ilréussi?Sonproprepèren’avaitpasétéenchantédevoirsonhippiedefilsluicoûterunefortuneenétudes

vétérinaires,puisnepassesoucierdegagnerounondel’argent.Ilauraitpréféréafficherunfilsmodèlepourobtenirdesvoixsupplémentaireslorsdesélections.

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—C’estdifficiledesavoircequelegénéralpensaitdelui.Onnelesaurasansdoutejamais,vusonétat,répondit-elletristement.

Elleréconfortalechiot.—Jecroisqueoui,ildevaitenêtrefier,reprit-elle.Allenamenéunebellecarrière.Aurait-ilfini

général?Jel’ignore.IlétaitmoinsimplacablequeJoshuaetjedisceladanslebonsensduterme.—Cedevaitêtrequelqu’undebien,admitRay.—Ilavaitsesdéfauts,ajouta-t-elle.—Lesquels?IllaissaLaceyhydraterlesdeuxdernierschiotsets’approchadelamère.—Ilacceptaittropdechosesdemapart.Ilsuffitderegardercettemaison.Ilnegéraitpastrèsbien

sonargent,maiscommeilétaitsouventabsent,c’estmoiquitenaislescordonsdelabourse.Rayn’étaitpastrèsàl’aiseaveccetteévocationdeleurvieconjugale,decemariquisemblaitaimer

lafantaisiedesafemme.—Revenonsauxannéeslycée,quandvousvousêtesrencontrés.—Aumilieudel’annéescolaire,AllenaétéadmisàWestPoint.Ilarefuséd’intégrercetteécole

prestigieusepourm’épouser.Ilaobtenuuneboursepouralleràl’universitédelarégion.—Qu’enapensétafamille?Ildétournal’attentiondelachienneletempsdeprocéderàl’injection.Lapauvrebêteétaitsiépuisée

qu’ellenebronchapas.—Ilsontditquej’auraisdûl’encourageràsaisircetteoccasionunique,avoua-t-elle,l’aircoupable.

Ilsavaientraison.Jeluiaimislapressionpourdemauvaisesraisons.J’avaispeurqu’ilneveuilleplusdemoietqu’iltrouvequelqu’und’autre.Ensuite,c’estdevenuunproblèmeentrenous.

Levétérinairene fit aucuncommentaireet seconcentra sur ses soins.Lacey remit ledernierchiotdanssonenclos.

—Jesuistombéeenceintependantl’étéprécédantl’universitéetnousnoussommesmariés.IlauraitétérenvoyédeWestPointoubienj’auraisdûêtremèrecélibataire.LescadetsdeWestPointn’ontpasledroitdesemarierpendantleursétudes.

—Ilsembleavoirmenéunebrillantecarrièrequandmême.—C’estvrai.Maiss’ilavaitfréquentéWestPoint,ilseraitalléailleurs.Sesyeuxs’embuèrentdelarmes.Ellepritappuisurl’enclos.—Dansunendroitplussûr,ajouta-t-elle.Raycomprenaitdésormaissalogique.—Detellespenséespourraientterendrefolle,dit-il.—Jecroisquejelesuisdéjà.Unelarmecoulalelongdesajoue.Faisantfidesesbonnesrésolutions,Raylapritdanssesbrasetglissaunemaindanssescheveux.

Sesbouclesétaientaussisoyeusesqu’ilsel’étaitimaginé.Iln’yavaitpasdemalàlaconsolerdanslesmoments difficiles et il avait tant espéré cette étreinte. Il se sentait pourtant coupable d’exploiter lechagrindeLacey,deprofiterdelasituation.

Ellefutparcourued’unfrisson.—Cettesemaine,j’ignorecommentjem’enseraissortiesanstonsoutien.Iljugealemomentopportunpourluifairepartd’unedécisionquiluipesaitsurlaconscience.— Lacey, j’ai reçu une proposition dans une clinique de ma ville natale, sur la côte Ouest. Un

établissementhuppéavecuneclientèlefortunée,cequimepermettraitdefinancerdesactionscaritatives.Ellelevalesyeuxverslui.—C’estuneoccasionuniquepourtoi.Félicitations.Tuasl’intentiond’accepter?

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Ellesemblaitunpeuinquiète.Commentluidirequ’ilavaitenviederesterpourelle?Sonmariétaitmortdepuissipeudetemps.Ilnepouvaitespérerunsignedesapart.

—Jenesaispas.Jeréfléchisencore.Jemesuis…attachéauxpersonnesavecquijetravailleici.Surleseuil,quelqu’untoussota.Laceys’écartavivementets’essuyalesyeux.Aveceffroi,RaydécouvritlaprésencedeNathan.Visiblementmécontent,l’adolescentlefixaitd’un

air furieux, comme toujours. Le vétérinaire ne s’en serait pas soucié s’il n’avait pas lu une vraiesouffrancedanssonregard.

—Maman,lesflicsviennentd’appelersurtonportable.Tul’avaislaissésurlatabledelacuisineet,apparemment,tuestropoccupéepourrépondre.

Elle se redressa vivement et perdit l’équilibre. Ray la retint et resta à son côté, ce qui contrariaNathanencoredavantage.

—Jevaisbien,Ray,assura-t-elleentendantlamainverssonfils.Queveutlapolice?—Tuasoubliéde rebrancher le systèmedesécuritéaprès l’arrivéeduDrVegaetgrand-pèreest

sorti.Ilaprissavieillevoitureetilaeuunaccident.Ilfautquetuailleslechercheraupostedepolice.Surcesmots,iltournalestalons,puisseravisa:—Aufait,Trooperaétéembarquéparlafourrière.

Bienquejesoisunchien,jecomprendscequedisentlesêtreshumains,cequinesignifiepasqueje

saisislesensdetoutesleursexpressions.CetendroitconsacréàlaprotectionanimaledontLaceyparlesouvent,parexemple.J’aimisdutempsàcomprendre.Elleditqu’ellevarendrevisiteàsesamisdelaprotectionanimaleet,àchaquefois,elleramènedeschiensetdeschats,voiredeslapins.

Ses nouveaux chiots ont toujours uneodeur bizarre carLacey les baigne.Les humains adorent lesbains.Moi,j’aimebiennager,maispasprendreunbain.Ilfautêtreréaliste:onadushampooingdanslesyeuxetlabaignoireestunbassinminuscule.Etsijerefuselabaignoire,j’aidroitautuyaud’arrosage!

J’aitendanceàmeroulerdanslaboueetSierran’aimepasça.Ellesoupireetmegrondegentiment:«Ohnon,Trooper!Pasencore!»Jesaisqu’ilyauratoujoursun«encore».

Bref,àproposdecettehistoiredeprotectionanimale, jecroyaisquec’étaitunendroitoùvivaientdesanimaux,riendeplus.Jusqu’ausoiroùjem’ysuisrenduenvoitureaveclegénéral.

D’abord, j’ai trouvé le trajet amusant, plus que nos promenades nocturnes. J’ai passé la tête àl’extérieur.Desmilliersd’odeursm’arrivaientàlafois.J’étaislittéralementenivré.

Legénéralm’aachetéunhamburgerquej’aiavaléendeuxbouchées,encrachantlecornichonparlafenêtre.Uneautomobilistes’estfâchée,maisjenesuisqu’unchien,quediable!C’étaitdéjàbienquejenecachepaslecornichonsouslesiège.

Ladames’esténervée.Elleaaccélérépoursemettreànotrehauteur, toutenklaxonnantencoreetencore. Le général a commencé à s’agiter, comme chaque fois qu’il perd les pédales et revit sessouvenirsdelaguerre.

Leshumainsappellentça lesyndromepost-traumatique.Jecomprendscequec’est,mêmesans lesmots savants. Nous, les chiens, on en prend souvent plein la tête. Quand j’étais petit, les gamins duquartier nous chassaient à coups de pierres. Au refuge, certains chiens ont des blessures de guerrehéritéesdeleurpassé.

Çalaissedestracesetlapeurressurgitdanscertainescirconstances.Cescoupsdeklaxonontdéclenchéquelquechosechezlegénéral.Ilamislesgazetperdulecontrôle

desagrossevoiture.Ilafaitdeszigzagsetestmontésurletrottoiroùlavoitureapercutéunarbre.Jevaisbienpuisquejevousracontecettehistoire.Lavitreétantbaissée,j’aisautéparlafenêtre.Je

mesuisblesséunepatteetjesuisretournéverslavoitureenboitillant.J’aivudelafumées’éleverducapot.

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Legénéraln’avaitpasl’airbien.Ilétaitécroulésurlevolant,inconscient.J’aicomprisqu’ilfallaittrouverdel’aide.Lecolonelauraitvouluquejem’occupedesonpère.Jenepouvaispasfairegrand-chose pour Lacey et ses enfants, à part accepter les bains. Je devais trouver un policier tel quel’agentParker,quiétaitprésentàlajournéed’adoptionetquireniflaitLaceyavecintérêt.

Lespolicierssontlàpouraiderlescitoyens.Mêmeunchienlesait.Dumoinsjelecroyais.Cesoir-là,celuiquej’aicroisén’apasvoulum’écouter.Cen’estpasfauted’avoiraboyé.Quandje

l’aiattrapéparlepantalonpourl’entraînerverslegénéral,ilaréagicommesij’étaisdangereux.Pourtant,jen’étaisplusunchiotsauvage.Detouteévidence,iln’étaitpasaucourant.Préparez-vous

àdécouvrircequ’ilm’afait,parcequemoi,jen’ensuispasrevenu.Ilajetéunecouverturesurmoi.Etcen’étaitpaspours’amuser!Ilm’aenveloppéetaserrésifortquej’avaisdumalàrespirer.Ma

patteblesséemefaisaitsouffrir.J’étaisfâché,alorsjemesuisagité.Ilm’aserréplusfort.J’aifiniparlefairetomberàlarenverse.J’aieuunmaldechien…Puisj’aifoncé.

J’aientendulepolicierlancerunappelradio.—Besoinderenfortsdelaprotectionanimale.Unchiensauvages’estéchappé.Etlà,j’aiapprisquelaprotectionanimale,c’étaitaussilafourrière,uneprisonpourleschiens.

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14

Le soleil du matin dardait déjà ses rayons brûlants sur le parking. Assise dans la voiture, laclimatisation en marche, Sierra attendait l’ouverture de la fourrière afin de récupérer Trooper. Ellen’avaitpasdormidelanuit,maisilsavaienteudelachance,beaucoupdechance.

Samère était restée à lamaison auprès de son grand-père.Après son accident, il souffrait d’unelégèrecommotion.LavoitureétaitbonnepourlacasseetLaceyn’osaitpasquitter levieilhommedesyeux.Mikeavaitproposédenourrir lesanimaux le tempsqueSierraaillechercherTrooper.Commentferaient-ellesaprèssondépart?

Etelle,quedeviendrait-elle?Seraient-ellesenmesured’assurerlessoinsetl’attentionexigésparl’étatdugénéral?Neserait-il

pas temps,dansson intérêt,desongerà leplacerdansunétablissementpourpersonnesdépendantes?Avantqu’ellenepuissechassercetteidée,laportedelafourrières’ouvrit.

—Entrez,Sierra,déclaraladirectrice.Ilnesertàrienquevouspatientiez.Tandis qu’elle se dirigeait vers l’entrée, la jeune femme songea à un poème d’EmilyDickinson :

«L’espoirporteuncostumedeplumes,seperchedansl’âme…»—Mercibeaucoup.Ilestlà,n’est-cepas?Nousavonsbiencomprisvotremessage?L’agentde la fourrière avait scanné lapuceélectroniquedeTrooper avantd’alerter la famillepar

texto.«Etinlassablementchanteunairsansparoles,maisc’estdanslatempêtequesonchantestleplus

doux.»Commentgarderl’espoirquandlavienecessaitdedresserdesobstaclessursonchemin?—Oui,réponditDahlia.Ilestlà.Votregrand-pèrevabien?Sierra ressentit un grand soulagement. Pourquoi Trooper avait-il cette manie de s’échapper ? Et

pourquoi le dernier cadeau de son père était-il aussi éprouvant pour ses nerfs ? Elle respiraprofondément.

— Il se repose.Maman le réveille toutes les heures à cause de sa commotion.Nous avons de lachanceden’avoirperduquelavoiture.Grand-pèrecommenceàêtreaussifugueurqueTrooper.

EllesuivitDahliadanslebâtimentquigrouillaitd’activité.—Troopervabien?—Ilboite.Ilfaudralefaireexaminer.Maisjepensequ’ilasimplementuneentorse.Heureusement

qu’ilauncollieretunepuce.Cependant,jel’auraisreconnuenfaisantmatournée.Jesuisrassuréepourvotrefamille.

—Ilavécuseulsilongtemps.IlauraitpudisparaîtreeterrerpendantDieusaitcombiendetemps.Voirepire.

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Ilauraitpuêtreécraséparunevoiture,enlevépardesorganisateursdecombatsdechiens.Lapolicesoupçonnaitcettesortedemalfratsd’êtreentréspareffractiondanslagrange,lesoirdubarbecue.

Cesdernierstemps,lafamilleavaitdumalàprotégerlegénéral,àluiéviterdes’attirerdesennuis.Etelle,elleselaissaitdistraireparMike…Ellesesentitunpeucoupable.

Lecouloirétaittapissédephotosd’animauxàadopteretd’affichesrecommandantlastérilisationetles traitements antiparasitaires. Il y avait aussi des photos de familles adoptantes et des lettres deremerciementsaccompagnéesd’adorablesdessinsd’enfants.CeseraitunebonneidéepourLeRefugedelaSecondeChance.

—Mamèrem’achargéedevousremercieretdevousinviteràlamaisonundimanchesoir,pourunbarbecue.C’estunesortedetraditiondominicaledésormais.

Dahliapoussalaportemenantauchenil.Elles’arrêtadevantleboxdeTrooper,quicohabitaitavecdeuxlabradorsmalingres.

—Merci.Jerisquedevousprendreaumot,voussavez.Trooperétaitallongésurunecouverture,ledoscolléaumur,l’airtristeetméfiant.Sierras’avança

pourlerassurer.Dahlialaretintetpritletempsd’accrocherunelaisseaucollierduchien.Lajeunefemmeavaitenviedecaressertousleschiensprésents.Malheureusement,ilsn’avaientpas

encoreétéévaluéssurleurcomportementaveclesêtreshumains.Certainsrisquaientdemordre,d’autresétaientmalades.Leurdétresseétaitpalpable.

Pasétonnantquesamèrereviennetoujoursavecunevoiturepleinedenouveauxprotégésàchacunedesesvisites.Leslocauxétaientpropres,lepersonnelattentionné,maislesanimauxétaientsinombreuxqu’ilsnepouvaientrecevoirtoutel’attentiondontilsavaientbesoin.

DahliatenditlalaisseàSierraetilsquittèrentlasalle.Trooperclaudiquaitàcôtédelajeunefemme,latêtebasse.Lamusiquedoucen’avaitpasréussiàl’apaiser.

—Vousdevezsignerleformulaireàlaréception.Jefile,j’aiuneréunionàlachambredecommerce.Voussaluerezvotremèredemapart.

—Promis.Merciencore!—Cen’estrien.Lerefugedoitbeaucoupàvotrefamille.ElleeffleuralatêtedeTrooperd’unecaresseets’éloignad’unpasdécidé, téléphoneportableàla

main.À la réception,Dahlia remit le dossier à sa collègue. Sierra avait bénéficié d’un traitement defaveurgrâceàlaréputationdesamèreetelles’enréjouissait.

Elles’accroupitetenlaçaTrooperpourenfouirlevisagedanssonencolure.Aprèssamésaventuredelaveille,ilsentaitmauvais.Etsielleavaitperdulechiendesonpère,ceprécieuxhéritagepourlequelMikeavaitrisquésacarrière?S’ilétaitarrivémalheuràcechenapanquiavaitréussiàgagnersoncœurendépitdessouvenirsdouloureuxqu’ilincarnait?

«L’espoirporteuncostumedeplumes,seperchedansl’âme…»Pourlapremièrefois,ellesedemandasiEmilyDickinsonnes’étaitpastrompée.Encetinstant,en

effet,l’espoirportaitplutôtuncostumedepoils.—Tuesunsacréveinard,tusais,dit-elleenl’embrassant.Cependant,ilfautquetuarrêtesdefuguer.Trooperseplaquacontreelle,sifortqu’ellecrutl’entendrepromettrequ’ilnes’enfuiraitplus.

Unesemaineplus tard,Mikenettoyait lagrilledubarbecue tandisque les invités terminaient leurs

hamburgers. Il en avait préparé deux fois plus que la semaine précédente, car les convives étaientnombreuxencejourparticulier.

Lafêtedespères.SiLacey etSierra faisaient bonne figure, elles devaient vivre un enfer.Aider ces deux femmes si

farouchement indépendantes n’était pas une sinécure. Aumoins, le général ne cherchait plus à fuguer

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depuis son accident. S’il ne se rappelait pas les détails, il semblait avoir eu un déclic, comme unrenoncementàlafoistristeetnécessaireàsonautonomie.

Sierraremplitunpichetdethéglacéetunautredelimonade.Avecsonshortenjeanetsesbottesdecow-boy,ellelerendaitfoudedésir.Ilavaithâtedeseretrouverseulavecelle.Ilallaitpourtantdevoirfairepreuvedepatience.

DepuisqueLaceyavaitamenésonamivétérinaire,lebarbecuedesMcDanielavaitprisunetournureplus officielle. Les bénévoles étaient venus avec salades et boissons, tandis queLacey fournissait lesgrillades.Mikes’étonnaitdevoirautantdemondeencettefêtedespères.Maispeut-êtrelesgensétaient-ilsvenusennombrepourcetteraisonprécise;pourentourerlafamilleMcDaniel.

LeséjourdeMikeauranchtouchaitàsafin.Dansunesemaine,ilpartiraitpourunenouvellemission.Etdansune semaine, leconseilducomté statuerait sur l’avenirdu refuge. Iln’avaitplusbeaucoupdetempsàpasseravecSierra.Quesignifieraitsondépartpourtouslesdeux?

Leur relation était si compliquée. Ils n’étaient pas officiellement en couple, même s’ils seretrouvaientensecretchaquenuitdepuisdeuxsemaines.Quellesseraientlesimplicationsd’unretouràleurvied’avant?

Naturellement,Laceyétaitaucourant.OrSierrarefusaitd’admettrequoiquecesoitdevantelle.Était-ceparcequesamèreétaitveuvedepuispeuoupourd’autresraisons?Peut-êtrepréférait-elle

aussiresterdansleTennesseeplutôtquedechoisirunevieitinéranted’épousedemilitairependantvingtans?

Vingtans?D’oùluivenaientcesidéesdemariage?Ilremitlecouverclesurlebarbecueetsedétourna.Lesinvitésnerisquaientpourtantpasdelireses

pensées. Attirés par l’odeur de viande grillée, plusieurs chiens étaient alignés derrière la clôture :Trooper et les trois autres chiens des McDaniel, les deux colleys du Dr Vega, sans oublier lespensionnaires,dontPixie,quiallaitsansdouterester.

Son regard se porta surTrooper.Le chien pencha la tête de côté comme s’il le comprenait. Il luimanquerait.Ilsavaientpassépresqueseptmoisensemble.

QuantauxMcDanieletauxbénévoles,ilsluimanqueraientaussi.C’étaitungroupe…ilcherchalemotcompliquéqu’ilavait trouvérécemmentdansledictionnaire.

Ungroupeéclectique.Pourquoilesvoisinsnevoyaient-ilspaslesbonscôtésduRefugedelaSecondeChance?Par leur action,LaceyetSierra créaientdu lien social, une solidaritéquinecouraitpas lesrues.Siseulementilavaitpugrandirdansuntelenvironnementfamilialetamical.

Levétérinaireétaitvenutroisdimanchesdesuite.C’étaitunhumaniste.IlferaitunconjointidéalpourSierra,mêmes’iln’avaitjamaistrahilemoindreintérêtsentimentalpourelle.Laceyavait-elleleprojetdelescaserensemble?

Cette idée le taraudait, endépitdesprotestationsdeSierra, et il en souffrait. Iln’auraitpasdû sesoucier de ce que pensait Lacey. Après tout, Sierra et lui n’étaient pas officiellement en couple. Enréalité,ellenecachaitpasqu’ellerefusaitd’épouserunmilitaire.Safamilleavaitdéjàfaitcesacrifice.

L’odeurdebrûléravivaenluidessouvenirsdeguerre.Ilsoulevalecouvercleetremualesbraises.Ilfallaitqu’ilseconcentresurlemomentprésent,nonsurlepasséoul’avenirlointain.

Lesbénévoleset leDrVegan’étaientpas lesseulsàapporter leursoutien,cesoir-là.Calvin, soncamaradedecombat,étaitdelafête.IlétaitmêmeentraindedraguerouvertementDahlia,ladirectricedurefugedelaprotectionanimale.Legrondementd’unmoteurdequadretentitauloin.Lesvoisinslesobservaient.

Ilnesupportaitpas l’idéequequelqu’unépieSierra. Il ressentit lebesoin instinctifde laprotégeralorsqu’iln’avaitplusqu’unesemaineàpasserauranch.

MikeéteignitlebarbecueetsetournaversSierraquijouaitavecl’enfantd’unbénévole,prèsdelabalançoire.Elleavaittoutdel’épousequ’ils’imaginaitdanssesrêves.Pourquoidiablenefaisait-ilpas

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ensortequecerêveseréalise?Pour être honnête, il en avait assez de la retrouver le soir en secret, comme s’ils étaient deux

adolescentsàquil’oninterdisaitdesevoir.Àquoibonsetorturer?Iln’avaitaucuneidéedecequ’ildevaitfairepourqueleurhistoiresetermineautrement,cettefois.

Danslapénombre,SierrapritdiscrètementlamaindeMike,alorsqu’ilsétaienttousréunisautourdufeu. La moitié des invités s’étaient attardés. Sierra s’en réjouissait pour elle-même, mais aussi pourNathanetleurmère.

Elleavaittenulecouptoutelajournée.Àprésent,elleavaitbesoindesechangerlesidées,depenseràautrechosequesondeuil.

Elleenavaitassezd’êtreforte.Assisesurunecouverture,ellecrispa lesdoigtssur lamaindeMike.Lorsqu’il tourna la têtevers

elle,elleporta son indexà ses lèvreset l’attiraverselle.LesourirecomplicedeMike luidonnadesfrissons.

Dès qu’ils se furent éloignés du feu, aux abords de la grange, il se pencha pourmurmurer à sonoreille:

—Oùm’emmènes-tu?Souslecielétoilé,ellesentitlabrisevespéraledanssescheveux.—Danslagrange,danslaréserve.—Tuveuxfaireuninventaire?demanda-t-ilenriant.—Enquelquesorte.Unchatsautaàterre,auxpiedsdelajeunefemme.Surprise,ellesursautaetseplaquacontreletorse

deMiketandisquelechattigréfilaitsansdemandersonreste.Cesdeuxsemainesavaientététorrides,avecunpartenairequiconnaissaittoutdesoncorpsetdesesdésirs.Celan’allaitpasdurer.Elletenaitdoncàprofiterpleinementdechaquesecondepartagée.

Ellepivotadanssesbrasetl’embrassaàperdrehaleinedanslapénombre.Glissantlesmainssoussonpolo,ellesavouralachaleurdesondos,desesmusclesqu’elleneselasseraitjamaisd’explorer.

Mikelapritparleshanchespourluifairesentirl’intensitédesondésir.Enivrée,elleluimorditlalèvreinférieure.

—Sionaccéléraitunpeu?—Avecplaisir,souffla-t-il.Attentionauxchatsquitraînent.Ilsemitàl’embrasserdanslecou,remontantverssonoreille.—J’aimoinsl’habitudedesanimauxquetoi,ajouta-t-il.Dehors, des voix s’élevèrent. Au moins trois. Des bénévoles, se dit-elle. S’ils les surprenaient,

l’ambiancedelasoiréeseraitgâchée.—Suis-moi,murmura-t-elle.Elle l’entraîna vivement dans la réserve pleine de sacs et de boîtes. La pièce était climatisée, de

sortequ’ilyfaisaitfrais.Mikelaplaquacontrelaporteclosepourmieuxlesenfermer,puisilladévorad’unbaiserquilafit

défaillir.Soncœurs’emballa.Elle accentua la pression de ses hanches sur lui, ivre d’impatience. Dans un gémissement, il

interrompitleurbaiseretappuyalefrontsurlaporte,haletant.Partageant la fièvrede la jeune femme, il ladéshabillaet, sansattendre, ils firent l’amourdebout.

Ellepoussaunlongsoupirdevoluptéets’affaissacontrelaporte.Leursregardssecroisèrent.Elleglissaunebotte le longdumolletdeMike,nevoulantperdreaucuncontactaveccecorpsvirilqui larendaitfolle.

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Àsagrandesurprise,ils’immobilisaetpritsonvisageentresesmainsavecunetendresseinfinieetl’embrassalonguement.Sierraressentituntroublequin’étaitpasuniquementcharnel.Cethommeavaitledonde la toucherau fondde l’âme.Fermant lesyeux,elle seperdit totalementdans sonétreinte.Elleavaittellementbesoindelui.

Rapidement,leplaisirpritledessussurl’oublietlatendressequ’elleavaitcherchésdanssesbras.Ellefutsubmergéeparuneondedechaleurquisedissipatropvite,puiselleenroulalesbrasautourdesoncou tandisqu’ilétait secouédespasmes.Ensentantsonsoufflechaudsursoncou,ellesutquecemomentmagiqueallaitbientôtluiéchapper.Ildéposaunbaisersursatempeetécartasescheveuxdesonvisage. Son répit touchait à sa fin. La lueur qu’elle avait décelée dans son regard doré envahit sespensées. Ils allaient rejoindre les autres, autour du feu, et feraient semblant d’être amis, deux anciensamantsquiauraienttournélapage.

Enproieàdesémotionscontradictoires,ellen’étaitpascertainedepouvoirjouerpluslongtempsàcejeudangereux.

Laceysepenchadanslecongélateurpourprendredesglaçonsdestinésauxcocktailsqu’ilsétaiententraindepréparerautourdufeu.Lafraîcheurquicaressasonvisageétaitbienfaisante.Lesoutiendesesamislatouchaitaupointqu’elledevaitlutterpournepaspleurer.

L’annéeprécédente,ilsavaientcélébrélafêtedespèresenfaisantsemblantd’êtreheureuxalorsquela séparation était imminente. Elle redoutait alors cette nouvellemission de sonmari. Si seulement ilavait pris sa retraite au bout de vingt ans de service au lieu de continuer. Il l’avait implorée d’avoirencoreunpeudepatience,luiassurantqu’ilrefuseraituneautremutation.Pourl’heure,ilavaitunedetteenvers seshommes.Saplaceétait aveceux.En théorie,Laceycomprenait sonpointdevue,maiselleavaitunterriblepressentiment.Soninstinctnel’avaitpastrompée.

Refoulant ses larmes, elle referma le congélateur. En reculant, elle heurta un torse puissant. LeDrVega?

—Attention,Lacey,susurraunevoixgraveàsonoreille.Non.Cen’étaitpasRayVega.Enfaisantvolte-face,elledécouvrit laprésencedeWyattParker, le

policier.Lesdeuxsachetsdeglaçonsformaientcommeunebarrièreentreeux.—Ah,bonsoir.Ilyaunproblème?Elle reculad’unpas.Sonnouveau statutdecélibataire lui créaitdesdifficultésdont elle se serait

bienpassée.Naguère,sesrelationsavecleshommesétaientsimples,carelleétaitmariée.Àprésent…Ellepréféraitnepasypenser.

—KennethHammond,votrevoisin,nousaappeléspourseplaindredutapagequeprovoquevotreréception.Noussavonstouslesdeuxquec’estValeriequiestderrièretoutça.Elledoitêtrecontrariéeparvotrebarrièreélectriqueetvoscamérasdesurveillancequil’empêchentdepénétrerendoucedansvotre propriété. Et il n’y a plus de trous dans la clôture. C’est étrange, non ? Elle ne cherche qu’àrenforcersesarguments.

—Vouscroyezqu’elleréussiraàconvaincreleconseil?demandaLacey,nerveuse.—Jene constate aucuneactivité répréhensible ici.Votre réceptionest sous contrôle.Les animaux

sontenferméscommeilconvient.—Dieumerci,dit-elleens’appuyantsurlecongélateur,soulagéemaisinquiète.—Vousmefacilitezletravail.—Pourvuqueçadure.—Mêmeavecvotrenouveausystèmedesécurité,j’aipenséqu’ilvalaitmieuxquejefasseunsaut

chez vous sur le chemin, après ces actes de vandalisme. J’ai presque fini mon service. Dans dixsecondes…

Ilconsultasamontre.

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—…jesuisenrepos.Çayest.S’ilvousresteunhamburger,jeserairavidefaireundonpourvotrerefuge.Jenevoudraispasquelesgensmeprennentpourunpique-assiette.

—Ilnousresteuntasdebonneschosesàmangeretlesdonssonttoujourslesbienvenus,aumêmetitreque lescoupsdemain,ajouta-t-elleen lui tendant lessachetsdeglaçons.Vousvoulezbienporterça?

Lepolicieraffichaunlargesourirequilerendaitbienplusavenantquelorsqu’ilétaitenservice.—Avecplaisir.Laceypensaauclind’œilqu’il luiavaitadressé,lorsdelajournéed’adoption.Il lacourtisait.Un

hommeséduisantde sonâge tentaituneapproche subtile…enfin, si l’onexceptait le faitqu’elleavaitperdusonmaridepuispeudetemps.

Soudain, une idée gênante lui vint. La croyait-il en quête d’aventures purement physiques ?Embarrassée,elles’écarta.

—Jevaisvousmontrerlebuffet.—Jevoussuis,répondit-ilsanslemoindresignededéceptionoud’agressivité.WyattParkersemontraitgentil,cequidésarçonnaitLaceyencoredavantage.Ellesedirigeaversla

portemenantdanslamaison,Parkermarchantquelquespasderrièreelle.NathanetleDrVegasetenaientdevantl’ouverture,enenbloquantl’accès.

Nathan,leserpentlovésurlesépaules,blêmitenvoyantsamèreetlepolicierarriverensemble.Ilsemblaitabattu.

—Maman!Iltefautdeuxmecs,maintenant?—Nathan,luimurmura-t-elle.Nevapastefairedesidéesfausses.Nousenreparleronsplustard.—Ouais,c’estça.Alors,çavient,cesglaçons?Ilregagnalamaisonenbougonnant.—Ray,dit-elleenposantunemainsursonbras,tuveuxbienmontreràl’agentParkeroùsetrouvele

buffet?Etoùrangerlesglaçons?Ilvasejoindreànous.Raysoutintsonregard,dissimulantunepointedecolèremêléeàdelajalousie.—Avecplaisir.C’estparici,Wyatt.Ilfautquenousparlionsdelamiseàjourdesvaccinsdevotre

chat.Laceydemeuraitconfuse.Sondeuilluiembrumait-ilàcepointl’espritqu’elleseméprenaitsurles

signauxqueluienvoyaientsessemblables?Danscecas,ellerisquaitdeseridiculiser.Néanmoins,elleavaitdesproblèmesplusimmédiatsàrésoudre.

S’assurerquesonfilsallaitbien,parexemple.Ilneluirestaitplusquesesenfantsetsonrefuge.Ellen’avaitniletempsnil’énergiedeseconsacreràautrechose,entoutcaspassérieusement.

Commentremettredel’ordredanssespensées?

Adosséeàuntroncd’arbre,unpeuàl’écartdesinvités,SierratenaitlamaindeMikedanslenoir,unplaisirsimpleaprèsleursébatstorridesdanslagrange.TrooperetClémentineétaientendormisàleurspieds,desortequenulnepouvaitremarquerqu’ilssetenaientlamain.

Aprèsavoirfaitl’amour,ilsavaientviterejointlesautresafinquepersonnenevienneleschercher.Parfois,elletrouvaitstupidedecacherleurrelation.Àd’autresmoments,cesecretluiparaissaitutile.Silesgenssavaient,ilsnemanqueraientpasdelabombarderdequestions:

Vousêtesànouveauensemble?Quepenses-tudesaprochaineaffectation?Tuasl’intentiondelesuivre?Tuesamoureusedelui?Mikedégageasamaindelasienneetsepenchavers lesdeuxchienspour lescaresser tourà tour.

Sierraeuttouteslespeinesdumondeànepasdévorersoncouetsanuquedebaisers.

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Aucoursdecestroissemaines,elleavaiteul’occasiondeserappelerpourquoiilsétaienttombésamoureuxl’undel’autre.Désormais,ilétaittroptardpourgardersesdistances.

Ellefermalesyeuxetseretintdeluidemanderderester.—Tuneregrettespasdenepasavoirunchienouunchatàtoi?—Pardon?fit-ilenluilançantunregarddebiais.—Tun’aspasenvied’avoirunanimaldecompagnie?—Ehbien…jem’absentetropsouvent.Unchienseraitballottésanscesse.Pourquoimeparlerdeça

maintenant?Sesentantunpeuridicule,ellerepoussasescheveuxdesonvisage.—C’estsansimportance.Unequestionidiote.—Pasdutout,répondit-il,leregardplusdoréquedecoutumeauclairdelune.Jen’aipasdetempsà

consacreràunanimaldecompagnie.Ilseraitmalheureux.D’ailleurs,jen’enaijamaiseu.Jamais.Jenesauraismêmepasm’enoccuper.Mêmesij’aibeaucoupapprissurlesujetici.

— C’est triste, commenta Sierra en prenant son visage entre ses mains. Je ne m’imagine pasautrementqu’entouréed’animaux.CeuxdeNathansontsesseulsamis.Sanseux,nousn’aurionspastenulecoupcesderniersmois.

—Tuescommetamère,tuasuncœurd’or.Commetonpère,aussi.Cetteallusionà sonpère la toucha, surtoutencette journéeparticulière.Ellecontint ses larmeset

balbutialapremièrechosequiluipassaparlatête:—Peut-êtreauras-tuunchienquandtufonderasunefamille,unjour.Elles’envoulutaussitôt.Ellequivoulaitéviterdecompliquerlasituationpourleursderniersinstants

ensemble.—Unefamille?—Pas de panique. Je ne suis pas en train de te demander enmariage.Ce que nous vivons en ce

momentnousaideàtournerlapagesurlepasséafind’avancerchacundanslaviepournousconstruireunavenir.

Enréalité,ellenesavaitplustrèsbiencequ’ilsfaisaientensemble.—Donctumemariesavecuneautrejusteaprèsavoirfaitl’amouravecmoi,badina-t-ileneffleurant

unemèchedesescheveux.Tutesersdemoi?Ellefermalesyeuxpourhumersonparfum,sentirlachaleurdesamain.—Jen’aipasditça.—Debbieaccepteraitpeut-êtredem’épouser,poursuivit-ilsurletondelaplaisanterie.Sierraneputs’empêcherdefusillerduregardlajeunefemmequidansaitpiedsnusavecunagentde

police,prèsdufeu.—Elleadixansdeplusquetoi,commenta-t-elle.—Elleestsuperbe.—Elleestmariée.MikeembrassaSierraetluimurmuraàl’oreille:—Dommagepourmoi.—Arrête!Ellevoulutselever,maisillaretint.Illapritmêmesursesgenoux,faisantfiduregarddesautres.—Oubliecequejet’aiditsurleschiensetsurtonavenir.Elle aurait aimé tout recommencer. Elle observa sa mère, dont le visage était illuminé par les

flammes.—Unedifférenced’âgededixans,cen’estpassiterrible,finalement.—TumedonnesdonclefeuvertpourdraguerDebbie?

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Elleauraitdû se réjouirqu’il chercheàdétendre l’atmosphère.Cependant, ellenepouvaitnier sajalousie.

—Situregardesuneautrefemme,jetetue!—Tumetues?répéta-t-ilenéclatantderire.—Non.Jenesuispasviolentedenature.Elleserassitcontreletroncd’arbreetobservalesinvitésplacésautourdufeu.LeDrVegaramassait

lesgobeletsenplastique.—JeneparlaispasdeDebbie,reprit-elle.C’étaituneassociationd’idées.J’aicommel’impression

queRayVegaenpincepourmamère.—Levéto?s’étonnaMikeensuivantsonregard.Tucrois?D’accord,ilvienttouslesweek-endset

ilstravaillentsouventensemble,maisjen’aijamaisrienremarquéd’anormal.—J’espèrequetuasraison,carjenecroispasquemamèresoitprêtepourplusquedel’amitié.Lacey avait toujours été dynamique. Ces derniers temps, elle était presque frénétique, ce qui

tourmentait Sierra. Elle n’avait aucune envie de voir sa mère s’aventurer sur un terrain sentimentalglissant.

—Maisilestencorelàet ladévoredesyeux.Unjour,ellerépondrasansdouteauxavancesd’unhomme.Jen’yavaispassongé…

—Ledeuilsedérouleenplusieursétapes.Cettesimplevéritéexprimaitàmerveillelessentimentsdelajeunefemme.UnelueurdecompréhensionpétillaitdansleregarddeMike.Ellesavaitqu’ilavaitperdudesfrères

d’armes.Ellesedevaitdel’aideràenparler.Hélas,tantdesentimentsrestaientensuspensentreeux.Deplus,ellenesesentaitpasd’humeuràl’écouter.

Elleselevavivementetluitenditunemain.—Situnousjouaisdelaguitare?Illaregardalonguementdanslesyeux,puisselevaàsontour.—D’accord.Jefileaustudiolachercher.Jeteretrouveautourdufeu.

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15

Ray réunit les dernières assiettes en carton et les jeta dans les flammes. La poubelle débordantpresque,autantéliminerlesdéchetsdefaçonnaturelle.

DepuisqueTrooperétaitarrivéd’Irak,Rayétaitdeplusenplusattiréverslerefuge.Siseulementilparvenaitàchasserlajalousiequilerongeaitdepuisqu’ilavaitvuLaceyaveccepolicier.Pourtantilsétaientsimplementcôteàcôte.Ilnesepassaitriendespécial.

Cependant, elle avait sursauté lorsque Nathan et lui l’avaient surprise arrivant avec lui. Ray necessaitderevoircetteimagedanssatête.Iln’yavaitquedeuxfaçonsd’interpréterlalueurdepaniquequ’ilavaitdéceléedansleregarddeLacey.SoitelleavaituneliaisonavecParkeretnesouhaitaitpasquelesgenslesachent,soitelleéprouvaitdessentimentspoursonvétofavorietnevoulaitpasqu’ilseméprennesurlanaturedesesrelationsaveclepolicier.Cequiétaitplusencourageantetconfirmaitlefaitqu’ilnesepasseraitrienentreeuxdansl’immédiat.Ilcomprenaitqu’iln’avaitaucundroitsurelle,maisilvoulaitqu’ilsaientunavenirensembleetilpatienteraitaussilongtempsqu’illefaudrait.

Iln’étaitsimplementpasprêtàcequ’unautrehommeluicoupel’herbesouslepied.Ce qui le ramenait à une réalité, il refusait d’être celui qui aideraitLacey à faire son deuil avant

qu’ellenes’engagedansunerelationsérieuse.Peut-êtrefaisait-ilfausseroute.Etsiellen’appréciaitniluiniParker?

Ilregardaunepiled’assiettesencartonsefairedévorerparlesflammesavantdefinirencendres.Dèsqu’ilauraitexaminélesanimauxblessés,iln’auraitplusdeprétextepours’attarder.

MaisieetMaryHannah,uneamiedeSierra,sedirigeaientversleursvoitures.Bienquemalàl’aiseensociété,Maisien’avaitvisiblementpasenviedepartir.Ilnesavaitpascomments’adresseràellesansqu’ellefondeenlarmes.Heureusement,MaryHannahl’entraînad’unemainferme.

Soudain,ilentenditdespassurlesgraviers.Laceyapparutàcôtédelui,tenantunsacdedéchets.—Ilyavaitdumondecesoir.Mercidenousavoiraidés.Effectivement,ilyavaitfoule,unsoutienméritépourlafamilledeLaceyencettejournéedifficile.Il

nepouvaitpasvraimentcomprendrelesensdecettefêtedespères,cariln’étaitpastrèsprochedusien.Ilsnes’étaientjamaisbeaucoupparlétouslesdeux.Maisilpouvaitimaginersondésarroifilialsisonpèrevenaitàmourir.

Quedirepournepasplomberl’atmosphèredecettefamilleendeuillée?— Je parie que les chiens apprécient de plus en plus ces barbecues du dimanche. Les restes de

viandefontuntabac.Elleesquissaunsourire.—C’est vrai, surtout Trooper. J’ai l’impression qu’il sait quand vient le dimanche. Il était posté

devantlebarbecuedèscematin.Ilestuniquecechien.

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Lesilences’installaentreeux.Pendantquelquesinstants,ilsobservèrentlesflammes.Àl’étagedelamaison,ilsvirentdelalumière.Nathanapparutetfermalesvolets.

—Commentvatonfils?Ilsemblait…Ray chercha sesmots pour décrire avec diplomatie le comportement de l’adolescent. Il cherchait

aussiàsavoirs’ils’étaitpasséquelquechoseentreelleetl’agentdepolice,danslegarage.—Ilsemblaittroublé,toutàl’heure.Ellebaissalesyeuxverssonassiette.Lesflammessoulignèrentsescernes.—Depuisl’arrivéedeTrooper,ilestencoreplusrenfermésurlui-même.Ellen’avaitdoncpasl’intentiond’évoquercequis’étaitdéroulédanslegarage.D’ailleurs,celane

leregardaitpas.Enfin,pasvraiment.Pasofficiellement.—Tuesunebonnemère.—Jen’ensaisrien.Jefaisdemonmieux.Sierraaeuuneadolescencebienplusfacile.Elleavaitdes

sautesd’humeur,biensûr,maiselleexprimait sacolèreet sonchagrin. Jepouvaisparleravecelleoul’écouter.Entoutcas,jesavaisquoifaire.AvecNathan…Nosproblèmessontimportants.Jedonneraisn’importequoipourluiépargnercessouffrances.

Savoixsebrisad’émotion.Faisantfidesadéterminationàgardersesdistances,ilposaunemainsursonépaule.

—Jesuisdésolépourtoi,Lacey.Elleavaitlapeaudouceetchaude,etcelan’avaitrienàvoiraveclefeudejoie.Émue,ellefermales

yeux.Raymouraitd’enviedelaprendredanssesbras.Elleavaitbesoindeluietilauraitvoulueffacersestourments.

Aumomentoùill’attiraitverslui,elles’écartaetjetasonsacenpapierdanslesflammes.—Bon,fit-elleauprixd’ungroseffortpourgardersoncalme.Onatoutrangé.Merciencorepourton

coupdemain.Ellevoulaitqu’ils’enaille.Lajournéeavaitétédure.Cen’étaitpaslemomentdelapousserdans

sesderniersretranchements.—Tupeuxrentrer.Jevaisjeterdusablesurlefeupourl’éteindre,répondit-il.Ilnerestaitplusquequelquespersonnessurlapelouseetellesétaiententraindeprendrecongé.—Mikes’enchargera,assura-t-ellevivement.—Jesaisqu’ilpeutlefaire,insistadoucementRay,maisriennel’yoblige,ettoinonplus.Celane

medérangepasderendreservice.Jesuisunboninvité.Mamèreseraitfièredemoi.—Tamère…Ellecroisalesbrasets’adossaàuntroncd’arbre,commepourprendresesdistancessanspartir.—Oùvivent tesparents?demanda-t-elle.Nousparlons toujoursdemoietdemafamille,demon

refuge.Orjenesaispasgrand-chosedumystérieuxDrVega,levétérinairealtruiste.Altruiste?Voilàdoncl’idéequ’ellesefaisaitdelui.—Mesparents?Ehbien,j’auraipeut-êtrebesoind’uneautrebièrepourévoquercesujet.Iln’auraitjamaisdûfaireallusionàsafamille.Pourtant,ildéclara:—Mamèreestmariéeàunsénateur,monbeau-père.Monpèrebiologiqueestmortquandj’avaissix

mois.Jen’aidoncaucunsouvenirdelui.—Tuasgrandienfilsdepoliticien?—Jesaisquejen’enaipasl’air,commeça,maisjesuisunrebelle…Surcesmots,ilsaisitunepelleetsemitàramasserdusablepouréteindrelefeu.—Moiaussi.—Ahbon?—Mesparentsétaientaisés,élitistes.Desnotables,commeondit.Ilsavaientbeaucoupd’ambition

pour leur fille adorée qu’ils voulaient caser avec le fils d’un couple d’amis. À en croire ma mère,

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j’auraispudevenirl’épouseduprésidentdesÉtats-Unis.Laceylevalesyeuxaucieletsouritpourlapremièrefoisdepuislongtemps.—Commejetel’aidéjàraconté,jemesuisretrouvéeenceintetrèsjeuneetj’aiépouséunmilitaire

aulieud’unavocatoud’undocteur.Ellesetournaverslui,unpeugênée.—Oh…jenevoulaispasdire…Bon,autantjouercartessurtable:est-cequejemefaisdesidées

ousommes-nousattirés l’unvers l’autre?Parceque jedeviensfolleàmedemandersi jemefaisdesillusions.Etjenesaispasquoifaire.Mavieesttellementchamboulée.

IllâchasapelleetpritLaceyparlesépaules.—Tunetefaispasdesidées,souffla-t-il,lecœurbattantàtoutrompre.—Vraiment?souffla-t-elle.Ils’efforçadegardersonsang-froid.—Maistuasraison.Tavieestchamboulée.Malgrésonenviedel’embrasser,ilseretint.—Jemerendscomptequec’estunjourdélicat,reprit-il.—Lafêtedespères,murmura-t-elle,lesyeuxembuésdelarmes.Ilsouffraitpourellebienplusquepourlui-même.Untelmomentnesereproduiraitpeut-êtrejamais.

Desonpouce,ilessuyaunelarmequicoulaitsursajoue.— Tu n’oublieras jamais tonmari, déclara-t-il. Je le comprends.Mais quand tu entreras dans la

dernièrephasedudeuil,celledel’acceptation,j’espèrequetutesouviendrasdenotreattirancemutuelleetquetuviendrasàmoi.

Ilsedétournadepeurdecéderàlatentation.Finalement,quelqu’und’autresechargeraitd’éteindrelefeu.

Mike s’étira, fourbu après avoir pelleté du sable sur les braises du feu de joie.Ce ranch était sibucolique.

Sierra était installée dans le hamac avec son ordinateur portable. Faisait-elle ses devoirs oupréparait-ellesescours?Iladmiraitsoncourage,maisilavaitparfoisl’impressionquesoninstructiondressait unebarrière entre eux.S’ils avaient rompu, l’annéeprécédente, c’était aussi à causede leursdifférencessociales.Depuis,illuiavaitparlédesagrand-mère,soulignantencorepluslegouffrequilesséparait.

Nathans’adonnaitàunjeuvidéodeguerrebruyantdont lessonsétaientbientropréalistespour latranquillité d’esprit deMike, surtout dans la fumée ambiante. Il pensait que l’adolescent était allé secoucher. Peut-être avait-il simplement aidé son grand-père à se mettre au lit. Nathan semblait aussiinsomniaquequelui.Malheureusement,ilavaitungoûtimmodérépourlesdétonations.Laconsoleémitunenouvelleexplosion.Mikesentaitlessouvenirsremonterpeuàpeu.Demauvaissouvenirs.Danscesoccasions,ils’évadaitenjouantdelaguitare.

Aumomentoùiltournaitlestalonspourfuircevacarme,ilentenditunreniflement.Nathanétaitassissurunemarche,avecsaconsoleetsonserpentpourtoutecompagnie.Ilpassaledosdelamainsurunejoue. Il pouvait s’agir d’une allergie, d’une réaction à la fumée.MaisMike savait qu’il y avait autrechose:lafêtedespères.

L’adolescentn’allaitvraimentpasbien.Ilavaitvucedésespoirchezcertainscamaradesdecombat.— Pourquoi portes-tu ton serpent sur tes épaules en permanence, petit ? lui demanda-t-il en le

rejoignant.—J’aimepasqu’onm’appellepetit,répondit-ilsansleverlesyeux.Un son retentit, indiquant un changement de niveau. Une bombe explosa pour indiquer un point

supplémentaire.Mikefitlamoue.Laguerren’étaitpasunjeu,nomdenom.

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— C’est compris, dit-il en s’asseyant à côté de lui, sur la marche. Alors, ce serpent, c’est unaccessoire?Jecroyaisquetuétaisplutôtbranchélézards.

—Mon iguaneestmortàpeuprèsaumomentoùmamèrea recueilli le serpent.Tunevasquandmêmepasmereprocherdetrouverdelaconsolationavecunanimaldecompagnie?

C’était la première fois que l’adolescent formulait une phrase aussi longue. Mike profita del’occasion.

—Pourquoinepastelierd’amitiéavecl’undeschiens?—Leserpent,c’estmieux,côtéimage.—Etl’image,c’estimportantquandonestaulycée.—Commenttusaisça, toi?fitNathanavecunregarddebiais.Tuastoujoursétégrandetfort, tu

n’asjamaiseudeproblèmes.—J’enaieubeaucoup,rétorquaMike.Nathans’activasursaconsolesousleregardduserpent.—Tuembêtaistespotes?L’espaced’uninstant,Mikedemeurasansvoix.Iln’aimaitpaslatournuredecetteconversation.—Disonsque,j’aimaisbienchercherleslimites,pourvoirjusqu’oùjepouvaisaller.—Pourquoi?—Pourrien.—N’importequoi!s’exclamal’adolescentd’unairdedéfi.Onnefaitjamaisriensansraison.IlsétaientcensésparlerdeNathan,pasdelui.Mikeétaitcapabledejoueràsonpetitjeu.—Pourquemonpèremeremarqueoupourmevengerparcequ’ilm’avaitlaisséaveclagrand-mère

lapluscingléedelaplanète.—Pirequemamère?—Hé!grondaMike.Tamèren’estpascinglée.—Elleestbizarre,entoutcas,ditNathanenjouanttoujours.Toutecettefamilleestbizarre.—Maisnon!C’étaitétrangecommelespointsdevuepouvaientêtredifférents.Mikeauraitadorégrandirdansun

telfoyer,àl’abridutumultedesonenfance.—Sérieux,onaunechèvreetuncochon.—D’accord.C’estunpeu…différent.Moi, j’aime l’originalité, cequin’estpas lecasde tout le

monde.Ainsi,leserpentempêchelesautresdesemoquerdetoiàcausedetamère,c’estça?LespoucesdeNathansefigèrent,maisilgardalesyeuxrivéssurl’écran.—S’ilssemoquentdemoi,c’estàcausedemoi.Lesparolesdel’adolescentluibrisèrentlecœur.Quefaire,quedirepourl’aider?Iln’étaitencore

qu’unenfant,bientropjeunepourporteruntelfardeau.Dans la cour, unmouvement attira son attention. Sierra quittait le hamac. Il crut un instant qu’elle

venaitàsarescousse.Ellecroisasimplementsonregard,secoualatêteetdésignasamère,seule,dansl’allée,àregarderlepick-upduDrVegas’éloigner.

Mikeneditpasunmot.Ilcompritqu’ellevoulaitsoutenirLaceyettrouverunpeuderéconfort,elleaussi.Sierraleremerciad’unsourire.

C’étaitnouveauentreeux,cette façondecommuniquersansparler,unéchangepresqueplus intimequeleursébatsfébrilesdanslagrange.

Mêmes’iln’avaitriencontre,loindelà.Néanmoins,iln’enauraitpasdavantagecettenuit.IlsetournaversNathanqu’ilnepouvaitabandonner,mêmes’ildevaitendurerlessonsdelaconsole,

insupportablesàsesoreilles.—Sionrentrait?Onpourraitfaireunepartieensemble.

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—D’accord.Lorsqu’ilseleva,latêteduserpentfrôlalevisagedeMike.—Tuveuxbienrangertonserpentd’abord?Ilmefaitpeur.—Tuesvraimentchochottepourunmilitaire,raillaNathan.

Ensedirigeantversleporchesituéàl’avantdelamaison,Sierrapritdeuxverresetunebouteillede

vin.Étrangement, il n’y avait pas un seul animal en vue. Sous le porche situé à l’arrière vivaient leschiots.Delacour,ilsavaientunevuesurl’airedejeuxetlagrange.Ilyavaitmêmedescagespoureuxdanslamaison.

Samèreétait installéedansunfauteuilàbascule.C’était leseulendroitdelapropriétéquinesoitpasconsacréauxanimaux.Sesparentsavaientcoutumedes’ydétendre, lesoir.Sierra l’avaitpresqueoublié.

Lajeunefemmeluitenditunverreencristal.—Jemesuisditquetuauraisbesoind’unpetitremontant.—Tuaseuraison,répondit-elleavecunsourire.Etça,c’estunebouteille,ilmesemble…—Etcomment!Sierras’assitdanslefauteuilvoisindusien,laplacedesonpère.Elleposalabouteilleparterre.La

briseportaitlessonsnocturnes,ceuxdesgrillonsetdesgrenouilles,quelquesaboiements,desnotesdemusiqueclassiqueprovenantduchenilet,surtout,levacarmedelatélévisiondeJoshua.Ellesourit.MikeetNathanjouaientàlaconsole,àl’intérieur.Elles’enréjouit,carsonfrèreétaitbientropsolitairecesdernierstemps.

Elleétouffaunbâillement.—Maman,ilt’arrivededormir?—Passouvent,admitLaceyenbuvantunegorgéedevin.Sierrapensaitdétendrel’atmosphère,maisletondesamèrel’alarma.—Tuenasparléàtonmédecin?Jecroyaisqu’ilt’avaitprescritdescachetsaprèslamortdepapa,

afindefranchirlecap.—Lessomnifèressontinefficaces.Ellebutencoreunpeudevin.—De toute façon, reprit-elle,même si jemegavais demédicaments, je devrais toujours gérer la

réalité,unefoisréveillée.Ilm’estimpossibled’échapperàmavie.Sierracommençaitàs’inquiétersérieusement.—L’oublin’estpaslaseulesolution.—Merci docteur…Oh, pardon. Je suis agressive alors que tu ne cherches qu’àm’aider.Comme

toujours.Bienplusquetuneledevrais.Elleluipritlamain.—Jeveuxsurmontercetteépreuvepourquemesenfantssoientheureuxetpoursuiventleurvie.Tu

méritesmieuxqueça.—Ettoi?Tavie?—Vatecoucher,chérie,dit-elleendégageantsamain.OualorsvarejoindreMike.—Maman…soufflaSierraencroisantlesbras.Jen’irainullepart.Noussommesentreadultes,je

vaisallerdroitaubut:tunedevraispasresterseulecesoir,quetusoisréveillée,endormieousaoule.Jereste.

—Jenesuispassaoule.Enfin,pasencore.Maisj’aimeraisbien.Elleremplitsonverre.—Raisondepluspourquejetetiennecompagnie.Tunedoispasboireensolitaire.

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Samèreaurait-elleprislamauvaisehabitudedesedétendreàl’aided’unverredevin,lesoirvenu,pouréchapperàsasouffrance?Cedétailluiaurait-iléchappétantellesedémenaitpourl’assisterdanssestâchesquotidiennes?

—Taprésencenem’inciterapasàboiremoins.Surtoutpascesoir.Si elle s’exprimait avec fougue, Sierra décelait dans sa voix une note de désespoir, un sentiment

qu’elleneconnaissaitque tropbien.L’idéedesombreràson tour,après ledépartdeMike, lui faisaitpeur.

—Jecomprends,dit-elleenluiprenantlabouteilledesmains.Etquandtuauraslagueuledebois,demainmatin,jeneseraipasenétatdem’ensoucier.

—Ilyaunecertainelogiquedanstoutça,admitLacey.—Pourl’heure,jeprendsleschosesaujourlejour,expliquaSierraenbuvantunegorgéedevin.Il

vafalloirquetudormes.Tuasgrandbesoind’unebonnenuitdesommeil.—Jedors,maispasbeaucoup,admitsamère.Çavaaller.Lafamilletraverseunepériodedifficile.—Maman,c’estlafêtedespères.Ilyadequoiaccuserlecoup.Desimagesdupassérevinrentàlacharge,descadeaux,desrepas,desgâteauxmaison.Laceysebalançaitdanssonfauteuil.Sesmainssemirentàtrembler.—Jenesuispasprêteàlaissersortirmesémotions.Querépondreàcela?SiseulementMaryHannahétaitlàpourluiprodiguersesprécieuxconseilsde

psychologue. Malheureusement, elle ne disposait que d’une bouteille de vin et d’une citation deShakespeare,dansMacbeth:«Donnezaumalheurdesmots:lechagrinquines’exprimepass’insinuedanslecœuravantdelebriser.»

Samèresetournaverselled’unairsombre.— Si tu commences à me bombarder de poésie, je m’en vais et j’emporte la bouteille. Je suis

sérieuse.Sierras’emparadelabouteille.—C’estmoilabarmaid,cesoir.Cependant,jeprometsdet’épargnermescitationssijeresteavec

toi,quellequesoitl’heure.—Marchéconclu,fitLaceyenluitendantsonverrevidepourladeuxièmefoisdelasoirée.Allez,

portonsuntoast.Lasoirées’annonçaitlongue.PourvuqueMikecomprenne.Elleservitsamère.—Auxsoiréesentrefilles.—Auxsoiréesentrefilles,répétaLaceyenrepoussantsescheveuxenarrière.Jen’aimêmepasà

bienm’habillerouàpréparerunrepas.Etpersonnenemedemanderaunegâterie.Sierraavaladetravers,puisétouffaunrire.—Tuessaoule,maman!—Unpeupompette,plutôt.Tusaisquoi?Jecroisquejemesuisfaitdraguerdeuxfois,cesoir.Quepouvait-ilarriverdepire?Sierraserecroquevilladanssonfauteuil.—Trèsbien,jet’écoute.Jeveuxtouslesdétails.

Cequ’onracontesurl’ouïeexceptionnelledeschiensestexact.Mêmedanslachambredugénéral,

aveclatélévisionquihurlaittoutelanuit,etmalgrélesronflementsdugrand-père,j’entendaiscequisepassaitautourdelamaisondesMcDaniel.Lecraquementdesfauteuilsàbascule,lesriressouscapedeLaceyetSierra,MikeetNathanetleursjeuxdeguerrestupides…Jem’étaisdoncréfugiésouslelitàbaldaquindugénéral,unvéritablebunkerquimeprotégeaitdesbombes.

Ausouvenirdesattaquesaériennes,monmuseaufrémit.Lessoldatsportaientdestenuesbizarresetparlaient d’armes chimiques. Hélas, ils n’avaient pas de combinaison pourmoi. Les odeurs sont trèsimportantes pour moi. Renifler un verre de vin suffit à me saouler. Personnellement, je préfère les

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parfums boisés. Enfin, peu importe. L’un des avantages demes sens aiguisés est qu’il neme faut pasgrand-chosepourplaner.L’alcool,c’étaitmauvaispourlesMcDaniel,etilfallaitquejetrouveunmoyend’inciterLaceyàperdrecettemauvaisehabitude.

Le colonel et moi bavardions beaucoup dans le désert. D’accord, il parlait et moi j’écoutais. Ilévoquaitsafamille.Pourm’exprimer,jemecontentaisd’uncoupdelanguepourl’accueilliretd’uncoupdetêtepourleréconforter.Jeparleaussienremuantlaqueue.Simescongénèressaisissentlesnuances,cen’estpastoujourslecasdeshumains.Plussérieusement,monvocabulairen’estpastrèsdéveloppé.

Donc, en ce temps-là, j’avais tendance à écouter le colonel et à le soutenir. Je lui servais deconseiller. Je vous ai promis de vous raconter toute l’histoire,mais qu’il faudrait patienter parce quec’était tropdurpourmoide tout vous livrer d’une traite.Ehbien, nousyvoilà.Encoremaintenant, ilm’estdifficiled’ypensersansavoirenviededéchiqueterquelquechose.Oudemecacher.

Cettenuit-là,pendantuneattaqueaérienne,lecolonelétaitparticulièrementloquace.Onétaitréfugiésderrière des sacs de sable, à patienter. Il n’y avait pas grand-chose à faire, puisque ce n’était pas unassautterrestre.

—Mamèrebuvait,meconfia-t-il.Elle était très souvent seule,pendantquemonpèrecherchait àobtenir ses étoiles de général. Elle avait bien tenu le coup jusqu’à la mort de ma sœur aînée. Unepéritonite.Tuterendscompte?Elleauraitétéopéréed’unesimpleappendicitesilessymptômesavaientétéprisàtemps.Nousn’avionspascoutumedenousplaindre.Monpèrevoulaitquesesenfantssoientélevés à la dure. Et ma sœur était la plus coriace d’entre nous. Papa disait qu’elle était son « filspréféré».

Ilsouritavectristesse.Leschienssontplusdouéspourdéchiffrer lesexpressionsdeshommesqueleshommespourdéchiffrercellesdeschiens.

—Masœuravaittreizeans,reprit-il.Elleétaitassezgrandepourresterseulependantquemamèrem’emmenaitàuntournoidefootballquiduraittouteunejournée.Elles’appelaitSierra,elleaussi.Elleaprétenduqu’elleavaitdesdevoirsàfaire.Ellesavaitquesielledisaitlavérité,sielleavouaitqu’ellenesesentaitpasbien,mamèreauraitétéobligéederesteràlamaisonetdemelaisseralleraufootballavecuneautrefamille.Alorsmasœuraprisquelquescachetsd’aspirineenespérantquelacrisepasserait.Ànotre retour, elle allait trèsmal. Sur le chemin des urgences, elle a eu une rupture du péritoine. Lesmédecinsonttentél’impossible,maislepoisons’estrépandudanssonorganismeetellen’apassurvécu.

Lecolonelsepenchaversmoipourmegratter la tête.Jepercevaissasouffrancedansses larmes.Ellesemêlaitàl’odeurdepancakesdesesdoigts.

LesdétonationsressemblaientàcellesdesjeuxvidéodeNathan,saufqu’ellesfaisaienttremblerlesol.Unsacdesableaglissé.Lecolonels’estblotticontremoi,ilm’aprotégépendantl’assaut.Orc’étaitplutôtàmoideveillersurlui.

Meparlersemblaitluifairedubien,alorsjel’aiécoutéaulieudefairecequejevoulaisvraimentfaire.Jetremblaisdetoutmoncorps.J’avaisenviedecreuseruntrousouslabarricadepourmecacher,mais l’hommequim’avaitsauvé,quim’avaitapprisàaimer leshumains,avaitbesoindesoulagersonâme.

—Mamères’estmiseàboireaprèslamortdemasœur.Etmonpèrearedoubléd’ambitionpourdevenirgénéral.

Iltenaitunchatenorigamidanslamain.Ilgardaitdespetitesfigurinesenpapierdanssapocheenpermanence,désormais.

—Ilsavaient tous lesdeux trouvéunmoyend’atténuer leursouffrance.Hélas, l’alcoolismedemamèreafaitfuirmonpère.Etplusilvoyageait,plusellebuvait.

J’avaisenviedeluidemanderoùilsesituait,entantqu’enfant,danscettesituation.Jeluiaidonnédescoupsdepattejusqu’àcequ’ilmeprennesursesgenoux.Audébut,j’aitrouvéçabizarre.Puisj’airéaliséque j’entendaisainsi lesbattementsde soncœurcontremonoreille. Il était aussi terroriséque

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moi.Lorsqu’ilm’aserrédanssesbras,j’airessentisasouffrance.Lechatenorigamiétaitcoincéentrenous.

—C’étaitdifficilepourmoi,raconta-t-il.Maistusaiscequ’ilyadepire?C’estquejefaissubirlamêmechoseàmaproprefamille.Jemecacheici,dansledésert,pournepasavoiràaffronterquoiquecesoitchezmoi.

Ilretintunsanglot,lecœurbattantàtoutrompre.—Trooper,cetendroitm’abrisé,medit-ilduplusprofonddesonâme.Ilétaitquestiondesurvie,etjelecomprenais.—Jesuishabituéàgardermesémotionspourmoi.Quandjerentreàlamaison,c’est…bizarre.Jene

m’ysenspasbien.Etpourtant,jeveuxrentrerchezmoi.Ilenfouitlesdoigtsdansmafourrureetmecaressaledos.—Néanmoins, l’idéed’yêtrem’angoisse.C’estfou,non?J’aiunefemmequiauncœurd’or,qui

gèretoutets’occupemêmedemonpèremalade.Les bombes étaient de plus en plus proches, projetant du sable et des pierres au-dessus de la

barricade.Profitantd’unmomentderépit,ilreprit:—J’aiunefillebrillanteetunfilsunpeuexcentriquequejeconnaisàpeine.Sijeleurmontremes

sentimentsquandjesuislà-bas,jenepourraiplusmaîtriserlamontéedemesaffreuxsouvenirsd’Irak.Iciaumoins,jepeuxcloisonner.

Jenecomprenaisrienàceshistoires.Ilavaitbeauaffirmerqu’ilmaîtrisaitsadouleur,jesentaisbienquec’étaitfaux.

Lelendemain,lessirènesontretentiànouveau,maisc’étaitdifférent.Iln’yavaitplusd’avionsdanslecieletlecolonelétaitseulementpartienreconnaissance.J’aivulestanksreveniràlabaseplustôtqueprévu. J’ignorais qu’ils pouvaient rouler aussi vite, alors je me suis mis à aboyer plus fort que lessirènes.

Jesavaisquequelquechosen’allaitpas,celam’afaitoublierunepartiedel’éducationquej’avaisreçueaucoursdesmoisprécédents.Quelqu’unavoulum’attacheràl’aided’unecordepourmecalmer.J’ai résisté, j’ai grogné, puis j’ai rongé la corde etme suis enfui. Jeme suis caché dans un coin oùpersonnenerisquaitdemetrouver.

Delà,j’aivulesmédecinssortirencourant.Ilsportaientunbrancard.Jenevoyaispasdequiils’agissait.Ilyavaittropdesang.Maisj’aisentil’odeurducolonel.

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4epartie

Sijecomprendsbeaucoupdemotshumainsj’aimisdutempsàassimilerletermede«mort».

Quecesoitcelled’unêtrehumain,d’unchienou,pireencore,celledel’âme.

Trooper,alorsetmaintenant

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16

Toutela journée,Sierraavaitdûsubirunegueuledeboismonumentale.Heureusement, lefumetduchili de son grand-père l’avait attirée dès son retour à la maison, après ses cours. Elle n’avaitpratiquementrienavalédelajournée.

Ellepritplaceàlatabledelacuisine,entreMikeetNathan,cequiluiévitademanœuvrerpourserapprocher deMike ou de répondre aux questions gênantes de sa famille. Elle n’était pas prête à lesaffrontertantqu’ellen’auraitpastrouvéelle-mêmelesréponses.

—Désoléed’êtreenretard.J’avaisuneréunionavecd’autresassistants.Après ce week-end tumultueux, la présence des siens était rassurante. Le repas se déroulait sans

encombre. Sa mère parlait de l’un de ses élèves et son grand-père demandait qu’on lui rappelle deregarderdans lasoiréeJohnWayneà la télévision.Blottis l’uncontre l’autredansuncoin,TrooperetClémentinefaisaientminedenepasguetterlemoindremorceaudenourriturequitomberaitàterre.SierrasentaitlacuissedeMikecontrelasienne.Toutétaitparfait.

ElleparvenaitpresqueàoublierquelesHammondtiraientunfeud’artifice.Kennethavaitcoutumedevérifier l’étatde sonmatérielbienavant la fêtenationale.Parchance, le refugen’hébergeait aucunanimal craignant les détonations.Quelques aboiements fusaient,mais aucun chien ne hurlait à lamort.ElleespéraitqueMikeetlegénéralgarderaientleurcalmeenentendantlesexplosions.ElleauraitaussiaiméqueNathans’exprimeunpeuplus.

—Vousêtesrestéslongtempsàjouertouslesdeux,hiersoir?luidemanda-t-elle.—Oui.L’adolescent répondait toujours par monosyllabes. Au moins, il avait laissé son serpent dans sa

chambre.Mikeajouta,toutenseservantunverredethéglacé:—Mieuxvautquetuneconnaissespaslesdétails.Aprèsm’avoirmassacré,ilabienvouluessayer

unjeumusicalpourquej’aieenfinunechance.Cesjeuxsontvraimentaddictifs.Laceybutunpeudethé.Sonassietteétaitdéjàvide.—Vousêtestousdegrandsenfants.Nathan,passe-moidel’eau,s’ilteplaît.Ilfitglisserlepichetverselleetselevasansdireunmot.Legénérallepritàpartie:—Tuasdemandélapermissiondequitterlatable?Nathan ne se retournamême pas. Son grand-père se leva, lamine renfrognée, tandis que les feux

d’artificefaisaientragedehors.—Allen ! cria le vieil homme. Tu n’as pas demandé la permission de te lever ! Et tu n’as pas

débarrassétoncouvert!LecœurdeSierraseserra.C’enétaitfinidurepasfamilialpaisible,delanormalité.Souslatable,

Mikeluiserralamain.Laceyretintlegénéral.

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—Toutvabien,Joshua,luidit-elle.Unmédecinleuravaitrécemmentconseillédel’appelerparsonprénom,carc’étaitmoinstroublant

pourluique«papa»ou«grand-père».Mêmelemot«général»étaitsusceptibledeledésorienter.IlrepoussaLaceyetfrappadupoingsurlatableaupointdefairetremblerlesassiettes.—Non,toutnevapasbien!Cegarçondoitapprendrelapolitesse.Cettegénérationnevautpasun

clou!Nathanétaitdéjàparti.La tombéede lanuit était toujoursunmomentdifficile.Visiblementperdu,

Joshuaregardaautourdelui.Sansdouteavait-ildéjàoubliélaraisondesacolère.—Ilestseptheurespassées.J’airatéledébutdelasoiréeJohnWayne?—Sionallaitvérifier?suggéraLaceyenluiprenantlebras.Ilavaitunecollectiondevidéocassettesqu’ildiffusaitenboucle.Sierrafitsigneàsamèrequ’elle

s’occupaitdelavaisselle.Celle-cilaremerciad’unsourire.Lajeunefemmesoupira.—Lacriseestpassée,jusqu’àlaprochainefois.EllesepenchapourembrasserMike,cedontelleavaiteuenvie toute la journée. Impatientedese

retrouverdanssesbras,ellegoûtalasaveurépicéedeseslèvres.—Tum’asmanquécettenuit,maismercid’avoirconsacrédutempsàmonfrère.Depuislamortde

papa,ilarepoussétoussescopains.—C’estdur,àsonâge.Ilselevapourdébarrasserlatable,TrooperetClémentinesurlestalons.Que se passerait-il quand il serait parti ? Elle avait tellement pensé à son propre chagrin qu’elle

n’avait pas pris la peine de réfléchir à l’impact de son départ sur le reste de la famille. Surtout surNathan.

— Jemedemande s’il ne devrait pas consulter un psy pour parler de son deuil, suggéra la jeunefemmeenréunissantlesverres.JepourraisdemanderconseilàMaryHannah.Tutesouviensd’elle?

— Je l’ai vue à l’occasion des barbecues du dimanche, répondit-il en glissant une friandise auxchiens.Elleestégalementassistanteuniversitaire,non?

—Ellepasseunmasterenpsychologie.Ah,quelqu’unapenséàviderlelave-vaisselle!—Tudevrais lui poser la question.Dans l’armée, onne cesse de nous répéter qu’il est essentiel

d’avoirquelqu’unàquiparler.Tuasbiendiscutéavectamèrehiersoir?Elleappréciaitcemomentdecomplicitéqui lui rappelait sesespoirsdevieàdeuxqu’elle s’était

autorisésunanplustôt.—Tout dépendde ceque tu entendspar « bien», déclara-t-elle en remplissant le lave-vaisselle.

Celaaétéuneconversationproductive,mêmesi l’ambianceétait loind’être joyeuse.La journéeaétépéniblepournoustous.

—Ettoi?Elles’interrompitdanssatâche.—Quoi,moi?—Tuviensdedirequelajournéeavaitétépénible,tuasparlédetamèreetdetonfrère.Ils’essuyalesmainsàl’aided’untorchon.—Maistuneparlespasdetoi,reprit-il.Commentas-tuvéculajournéed’hier?Ellepritsoind’évitersonregard.—J’aiététrèsoccupée,puisj’aibuunverreoudeuxavecmaman.Illapritparleshanchesetl’attiraverslui.—Comment?J’airatélespectacled’uneSierraunpeupompette?Queldommage.—Crois-moi, la Sierra sobre sera bien plus drôle quand elle se faufilera dans ton studio, tout à

l’heure…

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Ellenepritmêmepaslapeinedebaisserd’untoncarletéléviseurdeJoshuacouvraitlebruitdufeud’artificedesvoisins.

—Combiendetempsencoredevrons-nousnouscacher?J’ail’impressionquenotrerelationestunsecretdePolichinelle.

Elleluicaressalajoue.—D’abord,nousavonsquelquesproblèmesàrégler,tunecroispas?Tuparsbientôt.Ilmeresteune

annéed’étudesetmafamilleabesoindemoi,jenepeuxallernullepart.Peut-onrepousseràplustardcetteconversationsérieuse?Leschosessontdéjàassezcompliquées.

—Biensûr.Commetuvoudras.—Attendsunpeu,fit-elleenl’attrapantparlepoignet.Dis-moicequiteperturbe.—Cen’estpastoi.C’estcemauditfeud’artificequimemetunpeuàcran.Chaquefoisquej’entends

une détonation, une explosion,même si c’est un ballon, je sursaute. J’ai encore besoin de temps poursurmonterletraumatisme.

Ildéposaunbaisersurseslèvresavantqu’ellenepuisseréagir.—Onenreparleraplustard,d’accord?JevaispromenerTrooper,histoiredemeviderlatête.Quandileutfermélaporte,lajeunefemmes’appuyacontreleplandetravail.Elleavaitnégligéles

sentimentsdeMike.Sansdouteétait-ilhantéluiaussiparlesouvenirdesoncolonel.Ilsavaientcombattuensemblependantdesannées.Mikedevaitvoirenluiunefigurepaternelle.

ÀquiMikeseconfiait-il?Quisesouciaitdesonchagrin?Quis’occupaitdelui?Elle attendait beaucoup de lui,mais comment pouvait-il répondre à ses attentes alors qu’il ne lui

confiaitnisespeursnisestourments?Envoyantlesfeuxd’artificeexploserdansleciel,ellesedemandacommentilallait,dehors,faceà

sesdémons.Lorsqu’elleavaitdécidédeseglisserànouveaudanssonlit,ellepensaitqu’ilspourraientgarderune

relationlégèreetsansconséquences.Mais,aufuretàmesurequelesjourspassaient,ilsétaientalléstouslesdeuxbeaucoupplusloinqueprévu.

CettepromenadeavecTrooperneparvenaitpasàsoulagerMikedumaldetêtequiluitenaillaitlestempes.Unechoseétaitcertaine: ilnevoulaitpasquesarelationavecSierraredeviennetellequ’elleétait un an plus tôt, car elle s’était soldée par une rupture.Aujourd’hui, il n’avait aucune envie de laquitter.Quefaire?Ilavaitbeauretournercettequestiondanssatête,ilnetrouvaitaucunesolution.

Il ôta la laisse du collier de Trooper et l’accrocha dans le vestibule, avec les harnais et autrescolliers. Il commençait à se sentir chez lui dans cettemaison et il ne lui restait guère de temps pourdétermineroùilenétaitavecSierra.

Lacuisineétaitdéserte.SeulelavoixdeJohnWayneàl’étagevenaitromprelesilence.Ilgravitlesmarchesetchoisitd’installerlechiendanslachambredugénéralavantderejoindreSierra.

Ilfrappaàlaporte.—Général?Pardon…Joshua?Vousêtesréveillé?Troopervientsecoucher.Lesonétaitsi fortqu’ileutdumalàentendresi levieilhommelui répondait.Encollant l’oreille

contre la porte, il entendit… quelque chose qui ressemblait à une plainte. Il ne voulait pas violerl’intimitéduvieilhommemais,s’ilétaitendifficulté,ilavaitbesoind’aide.

Aumomentoùilallaitfrapperànouveau,unfeud’artificeexplosadansleciel.Mikeentrouvrit laporte.

—Général,voicivotrechien.Trooperentraentrombe.Mikelesuivit.Levacarmeétaitassourdissant.Surl’écran,ildécouvritune

scènedebombardementdelaSecondeguerremondiale.

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Manifestement,JohnWaynen’avaitpastournéquedeswesterns.Ilbalayalapiècedesyeux.Joshuan’étaitpaslà.Lelitétaitfait,lefauteuilétaitàsaplace.Unsignal

d’alarmeretentitdanslatêtedeMike.Levieilhommeseserait-ilenfui?Pireencore,aurait-ilprisunevoiture?Étouffantunjuron,ilfitvolte-face.

Unnouveaugémissementleretint.Cherchantd’oùprovenaitlebruit,ilvitTroopersecoucherprèsdulit,seglisserendessouspuisil

l’entendit aboyer. Mike n’avait pas le temps de rassurer le chien qui avait peur du feu d’artifice. Ils’accroupitetclaquadesdoigts.

—Allez,viens,Trooper!Toutvabien.Ilremarquaalorsquelechienn’étaitpasseulsouslelit.Lesyeuxfermés,legénéralétaitcouchéà

platventreàsescôtés.— Soldat ! ordonna-t-il quand il vitMike, viens vite te mettre à l’abri dans le bunker avant de

prendreuneballedanslatête!Levieilhommeétaitenpleinecrise,sansdouteàcausedel’environnementsonore.Samaladielui

faisaitrevivreunebataille.Mikeéteignitletéléviseur,espérantunmiracle,maisJoshuarestacachésouslelit,lesdoigtscrispés

surletapis.Troopertournasurlui-même.Seulsonmuseaudépassaitducadredulit.Mikeétaitconscientqueriendecequ’ildiraitnepouvaitramenerlevieilhommedansleprésent.Iln’avaitplusqu’àjouerlejeu.

Mikerampadoncsouslelit,àcôtédeTrooper.—Bienjoué,soldat!Soldat…Quandilétaitdésorienté,Joshuaneprononçaitpasdenoms.Iloubliaitmêmelesgrades.—SergentKowalski,mongénéral.Joshuahochalatête, levisagefermé,sansserendrecomptequ’ilétaitallongéprèsd’unepairede

pantoufles.—CapitaineMcDaniel.J’ail’impressionquenousallonsrestercoincésicipendantquelquesheures,

jusqu’àlafindel’assaut.PourvuquelesHammondcessentbientôtdetirerdesfeuxd’artifice.MikesemitàcaresserTrooper.—Mercidepartagercetespaceavecmoi,dit-il.—C’estvotrepremièremissionenzonedeguerre?—Non,moncapitaine.C’estlatroisièmefois.Ildemeuradanslevague,carilignoraitàquellezonele«capitaine»faisaitallusion.—Tuasunefiancée,aupays?—Oui,moncapitaine.Ilyaunefemmedansmavie.Desombresparcouraientlachambre.Heureusement,cen’étaitqueleventilateurduplafond.—Moiaussi, j’aiunefemme,Millie,etdeuxenfants,ungarçonetunefille.C’estpoureuxqueje

tienslecoup.Ungarçonetunefille.Dansl’espritduvieilhomme,Allenn’étaitqu’unenfant.Maissafille?Mike

sesouvintqueSierraluiavaitditporterleprénomd’unetantequ’ellen’avaitjamaisconnue,lasœurdesonpère,quiavaitsuccombéàunepéritonitequandelleétaitjeune.

Lefeud’artificesepoursuivit.Trooperposalatêtesurlebrasdugénéral.Malgrésapeur,lechiencherchaità réconfortersonnouveaumaître.Trooperétaitcoutumierdufait,enIrak.Lesdétonationssemêlèrentausonducoucou,puisunevoixs’élevadanscettecacophonie.

—Sierra?Laceyappelaitdepuislebasdel’escalier.—Sierra?Oùas-tumislescachetsdetongrand-père?Joshuatiqua,leregardtrouble.

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—Sierra? fit-il en se tournantvers lechien.Trooper?OùestMillie? Jene…jenecomprendspas…sergentKowalski?

Mikeeutunélandecompassionpour levieilhomme. Ilchoisit sesmotsavecsoinpournepas leperturberdavantage:

—Moncapitaine,aimeriez-vousdescendreaumesspourprendreunen-cas?Soudain,leregarddugénérals’éclaircitcommeuncielaprèsl’orage.—Onferaitmieuxdesortirdesouscelitavantquequelqu’unnousvoie.—Absolument.Mike émergea de sa cachette et se leva, suivi deTrooper, une pantoufle dans la gueule. Le chien

s’assit,attendantsonmaître.Levieilhommeétaitmoinsagile.Mikedutl’aideràseredresser.Joshuarentrasontee-shirtmilitairedanssonpantalon,puisilpoussaunjuron.—Quelquechosenevapas?s’enquitMike.—Jesuiscouvertdepoussière,fiston,çameperturbe.Mikeouvritlestiroirsdelacommodeenquêtedevêtementspropres.Puisillesluiremit.—Jevouslaissevouschanger.J’aiquelquesdétailsàrégler.En s’éloignant, il entendit un bruissement derrière lui.Dans le couloir, il découvrit Sierra, livide.

Depuiscombiendetempssetrouvait-ellelà?Avantqu’ilnepuisseprononcerunmotpours’expliqueroularassurer,lavoixdeLaceyleurparvint,

plusproche.—Sierra?Oùes-tu?Jecherchelesmédicamentsdetongrand-père.—Attends,maman,bredouillalajeunefemme.Jevaisvérifierdanssachambre.Au moment où elle s’éloignait, Mike tendit la main pour la retenir, mais il avait encore l’esprit

embruméparlefeud’artificeetlacrisedugénéral.Sierra poussa la porte. Heureusement, son grand-père était habillé. Comme il portait toujours la

mêmetenue,ellenevitaucunedifférence.Elleremarquacependantdesvêtementscouvertsdepoussière,jetésenbouleparterre.Peudésireuse

decomprendrel’originedecetteétrangeté,ellesecontentadelesramasserpourlesmettredanslepanierdelingesale.

—Allez,onsort!dit-elleensuiteàTrooperquis’étaitapproché,lapantoufledanslagueule.Mike,ondiscuteraplustard,d’accord?

—Pasdeproblème,répondit-il.IlposaunemaindansledosdeSierra,pluspourserassurerlui-mêmequepourlaréconforter.Illa

regardaensuites’éloignerdanslecouloirpuis,setournaverslegénéral:—Nousdevrionsdescendreàlacuisine.Laceyaditquec’étaitl’heuredevosmédicaments.Levieilhommelerejoignitetluidonnaunetapesurl’épaule.—Merci,fiston.Endépitdecetermegénérique,MikecompritqueJoshuaavaitretrouvésesesprits.Ilétaitheureux

d’avoirputranquilliseretaiderlevieilhomme.

SierraattendaitMikedanslestudioqu’elleallaitbientôtrécupérer.Depuisqu’elleavaitentendulaconversationentreMikeetsongrand-père,elleavaitlecœurbattant.Enconstatantqueletéléviseurétaitéteint,elleavaitcomprisquequelquechosen’allaitpas.

Parl’entrebâillementdelaporte,elleavaitvuMikecouchésouslelit,entrainderéconforterJoshuadesonmieux.Touchéeauplusprofonddesonâme,elleétaitrestéedanslecouloir,auborddeslarmes.

Plusmoyend’ignorer lavérité :elleétaitamoureusedeMike.Sonamourn’étaitpasunepassade,c’étaitunsentimenteffrayant,tumultueux,quinepourraitsupporterledépartdecethomme.Pournerienarranger,ellepensaitnepasêtrelegenredefemmedontMikeavaitbesoin.

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Enfin,elleentenditdespasdéterminésdansl’escalier.Mike apparut, les traits tirés. Elle s’en voulut de n’avoir pas davantage pris en considération la

missionéprouvantedontilsortaitàpeine.Commentluitendrelamain?—Tuvasbien?luidemanda-t-elle.—Çava,fit-ilenprenantuneboissondansleréfrigérateur.—J’appréciebeaucoupcequetuasfaitpourmongrand-père,cesoir.—Jemesuiscontentéd’êtreprésent.Ilvidasacanetted’unetraite.Ellenevoulaitpasqu’ilsous-estimesongeste.—Quandilestdansuneautreépoque,cen’estpasfacile.—Jel’yaiseulementrejoint.Desonpleingré,ilétaitretournéenenferparaltruisme.—Celaadûêtredifficilepourtoi…Iljetasacanetteetsetournaverselle:—Tuvasmeconseillerdevoirunpsy,commeàtonfrère?Il était en train de dresser une barrière entre eux. Elle ne le lui permettrait pas, cette fois. Elle

ignorait si leurcoupleavaitunavenir,mais iln’étaitpasquestionqu’elle lui tourne ledosalorsqu’ilétaitensouffrance.

—J’allaisteproposerdet’écouter,situasenviedeparler.Jevoulais…simplementêtrelà,avectoi.—Pourcombiendetemps?demanda-t-il,visiblementtendu.—Queveux-tudire?Elleespéraitavoirmalcompris.—Combiendefoism’as-turépétéquetunevoulaispasmenerlamêmeviequetamère?poursuivit-

il.Tusaispourtantquejen’airiend’autreàt’offrir,etpourunsalairebieninférieuràceluidetonpère.—Jen’aijamaisaccordélamoindreimportanceàl’argent,tulesaisbien.—C’estdéjàça,répondit-ild’untonamer.Ilesquissaunsourire,maissonregarddemeuragrave.—Jesuisravid’apprendrequetun’espasavecmoipourmontéléviseurgrandécranetmonvieux

pick-up.Incapabledesupporterplus longtempslasouffrancedeMike,Sierrase levaetdégrafaunàunles

boutonsdesonchemisierblanc.Elleluiproposaitlaseuledistractionquileurpermettraitd’oublierleurstourments,neserait-cequ’unmoment.

—Pourl’heure,cequejeveux,c’esttoi,sanstesvêtements.

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17

Aprèsl’enferqu’ilvenaitderevivreàl’instant,Miken’avaitqu’uneenvie:senoyerdansl’oubliqueluioffraitSierraensedéshabillantsoussesyeux.

Ilavaitl’espritembruméàl’idéedelaperdredenouveau.Ilfallaitqu’ilfasseabstractiondecetteangoisseafinquecettenuitsoitinoubliable.Pourlui,c’étaitquitteoudouble.

Sierradénouasescheveuxquicascadèrentsursesépaules.Elleétaitunfantasmequiseréalisaitetelleétaitsienne.

—Tuasraison.Concluonscettesoiréeenbeauté,dit-il.—Jeseraitondessert,fit-elleenbadinant.Tandis qu’il se penchait pour enlever ses chaussures, elle glissa un index le long de sa colonne

vertébrale.Ileneutdesfrissons.Uneondedechaleurnaquitdanssonventreaupointqu’ileutpresqueunvertige.

Ilseredressa.Lespectacledelajeunefemmechemisierouvert,cheveuxlâchés,uneboucleblondetombantsurlanaissanced’unsein,luifitoubliertoutlereste.Dèsqu’ellefitunpasverslui,soncorpss’embrasa.

Ill’enlaçapourlaplaquercontrelui,sesseinssursontorse.Sonparfumenivrantluidonnaenviedegoûtersasaveur.Dureversdelamain,ilbalayacequisetrouvaitsurleplandetravailetsoulevaSierrapourl’yasseoir.Sansplusattendre,ilseplaçadeboutentresescuisses.

— D’un point de vue pratique, ça risque d’être un peu compliqué, murmura-t-elle en ôtant sonchemisier.Iln’yapasbeaucoupdeplace,ici.

—Net’enfaispas,souffla-t-ilenl’embrassantentrelesseins.Il s’affairait déjà à la débarrasser de son pantalon en toile tandis qu’elle se cambrait vers lui en

gémissantd’impatience.Elleonduladeshanchespourseretrouverdénudéeplusvite.Ellefitglisserlesbretellesdesonsoutien-gorge.Souslafinedentelle,sesmamelonspointèrent.Fou

d’envied’elle,Mikeenpritunentreseslèvres.LajeunefemmeémitunlongsoupiretplantasesonglesdansledosdeMike,dontledésirgrandissaitavecuneintensitépresquedouloureuse.

—OhSierra,jeteveuxtoutàmoi…Elletentafébrilementdeluiôtersontee-shirt.—Jen’enpeuxplusd’attendre…souffla-t-ilenluicaressantlescuisses.Les plaintes de la jeune femme lui étaient plus douces que les notes de sa guitare.Néanmoins, il

s’interrompitpourterminerdeladévêtir.—Tuestrophabillée,toiaussi,dit-ilenladébarrassantdesonsoutien-gorgepourlejeteràterre.Sesseinslibéréssebalancèrentdansunmouvementsensuel.—J’aidumalàmeconcentrersurautrechosequetoi.Ilpritchaqueglobenacrédanssespaumesetlesembrassatouràtour.

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Elleenfouitlesdoigtsdanssescheveuxpourl’empêcherd’arrêter.—Accroche-toiàmoncou,luiordonna-t-il.Elleobéitsanssefaireprier.Illasoulevaetglissalesmainslelongdesesjambespourlesenrouler

autourdesataille.—Tiens-toibien.Illaportaverslematelastandisqu’ellel’embrassaitdanslecouavecunefouguequiluiembrasale

cœur.Illadéposasurlelitets’allongeasurelle,sansrelâchersonétreinte.Elleleserradetoutessesforcesentresesjambesets’emparadesalèvreinférieurepourlamordilleravidement.

N’y tenant plus, il s’écarta le temps de se déshabiller tandis que Sierra ôtait sa fine culotte endentelle.

Ilauraitvouluquecettenuitnefinissejamais.—Tuessublime,souffla-t-ilmalgrélui.Danslapénombre,ellel’observa.— Je n’en peux plus d’attendre moi aussi, murmura-t-elle en écartant une mèche blonde de son

visage.Mikeeneutlecœurbrisé.Cettefemmequilehantaitdepuislepremierjourméritaitmieuxqu’untype

commelui.—Lanuitestencorelongue,chuchota-t-ilàsonoreille.Lorsqu’il la pénétra enfin, elle croisa son regard, les yeuxbrillants d’émotion.Pour l’heure, il ne

pouvaitrienluioffrirdeplusqu’unenuittorride.Lefrontemperlédesueur,lespaupièresmi-closes,ilseconcentraitpournepasêtreenvahipardes

penséestroublantes.—Mike,souffla-t-elleenprenantsonvisageentresesmains.Embrasse-moi.Sonregardprofond le fit fondre.Cette femmemerveilleuseétaitcapablede toutpourceuxqu’elle

aimait.Illasentaitprêteàlesuivre,àaccepterdemenerlamêmeviequesamère.Égoïstement,ileutenviedeluidemandercesacrifice,deprendrecequ’elleluidonneraitsanssesoucierdesconséquences.

Maisceseraitinjuste.Il l’embrassadoncavecune certaine retenue, sansperdre le contrôle.Tandisque leurs langues se

mêlaient,ilpritunseindanssapaumeetl’étreignitquelquesinstants.Elleluirenditsonbaiserdetoutesonâmeenselovantcontrelui.Dèsqu’illasentitfrémir,ilrepritsescaresses.Ellesefigea,puisserralescuissespourmaintenir lecontact.Trèsvite,ellefutemportéeparuneondedeplaisirqu’ilsavourapleinement.

Jamais il n’avait ressenti un tel besoin de la posséder. La voir s’abandonner décupla sa proprejouissance,presquesauvage,quiluifitperdrelaraisonpendantunefractiondeseconde.

Ensuite,ilroulasurlecôté,haletant,ivredeplaisir.Pendantunlongmoment,ilsnesurentpasquedire.Lavérités’imposaitàeux:cen’étaitpasunenuit

torridedeplus.Cesoir, lesplaiesdeMikeétaientbéantes.L’intensitéde leursébatsne faisaitque leprouver.Illuiavaitfaitl’amourcommes’ildevaitmourirlelendemain.

Cen’étaitpasseulementuneimpression.Durantleursétreintes,laterriblecertitudequ’ilallaitperdreSierranel’avaitjamaisquitté.Ilremontalacouvertureets’efforçad’agircommesiderienn’était.CessemainespasséeschezlesMcDanielluiavaientdémontrétropclairementl’avenirqu’ilavaitàoffriràunefamille.Démissionnerdel’arméen’étaitmêmepasenvisageablecarilétaitsouscontratpourencoredeuxans.S’ildésertait,ilrisquaitlaprison.

Etdansdeuxans…Ilseraittoujoursmilitaire.Cettevéritélefrappadepleinfouet,tandisqueSierraétaitblottiecontre

lui.Ilavaitbeauvouloirvivreavecelle,ilnesavaitrienfaired’autre.Toutesavie,ilresteraitunsoldat.

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Le moment était mal choisi pour cette prise de conscience. En choisissant l’armée pour êtreautonome, il s’était fait des illusions. Il recherchait en fait l’aventure, la camaraderie, la mission deprotégeretservir.

S’ilavaitrampésouslelitdugénéral,c’étaitparrespectducoded’honneurdesmilitaires,quiluiimposaitdenepaslaisserunsoldatàlatraîne.PeuluiimportaitqueJoshuaMcDanielsoitàlaretraitedepuisdesannées.

Militaireunjour,militairetoujours.Mêmes’ilrangeaitsonuniforme,ilneseraitpasl’hommequ’ilfallaitpourlaseulefemmequ’ilavait

jamaisaimée.

Sous le jetde ladouche,Sierras’adossacontre lecarrelage,encore frémissante.Mikeavaitdû laporter vers la salle de bains. Là, alors qu’ils étaient tous deux dans la cabine de douche, elle avaitretrouvésonénergieetavaitprisungrandplaisirà le savonnerde la têteauxpieds. Ilsavaient refaitl’amoursousl’eauclaire,sanscesserdesecaresser.

Les bras enroulés autour du cou de Mike, elle laissa l’eau ruisseler le long de leurs corpsfrémissants.Elleavaitperçuuneformededésespoirdanssoncomportementdecesoir.Ilsnepouvaientéviterpluslongtempsdediscuterdeleuravenir.D’abord,elledevraitremettredel’ordredanssesidées.Ellenepouvaitplusselecacher,elleétaittotalementamoureusedelui.C’étaitunhommebien,quiavaitétéprésentpoursongrand-pèreavecunesensibilitéqu’ellen’auraitjamaisimaginée.

Ellenepouvaitéluderlaquestionquiluibrûlaitleslèvresdepuissonretouraupays.—Raconte-moicequis’estpassé,lejouroùmonpèreestmort.Sa requête resta en suspens.Elle avait inconsciemment choisi cemoment afin de pouvoir changer

d’endroitàl’issuedeleurdiscussion.Leursmots,leurssentimentspourraientdisparaîtreavecl’eaudeladouche.

—Tusaiscequis’estpassé,monamour,répondit-ilenécartantsescheveuxdesonvisage.—Jesaisuniquementcequeleporte-paroledesautoritésmilitairesnousadit,lesoiroùilestvenuà

lamaisonavecl’aumônier.Celaavaitétéunesoiréed’horreur.Ilsvenaientdeterminerleurrepasquandunevoitureofficielle

avaitremontél’alléeenquelquessecondesinterminables.—Nous les connaissions, ces deux hommes. Ils n’étaient pas aux côtés demon père et nous ont

révéléuniquementcequ’ilsavaientledroitdedire.—Tucroisqu’ilsvousontmenti?— Non, pas vraiment, du moins je l’espère. Mais ils nous ont sans doute fourni une version

édulcorée.Ellelaissaitlibrecoursàseslarmes,qu’ellen’avaitpasàcachersouslejetruisselantdeladouche.—Nousavonsdoncseulementeudroitàquelquesphrasessurlesderniersinstantsdemonpère,puis

audrapeauremislorsdesfunérailles.Mikebaissalesyeux.D’abord,ellecrutqu’ilhésitaitàluiparler.Encroisantsonregardperdu,elle

compritqu’ilrevivaitcesinstantstragiques.Parsafaute.Ellesesentitcoupable.—Excuse-moi.Oubliecequejeviensdetedemander.Cen’estnilelieunilemoment.Ilposaunindexsurleslèvresdelajeunefemme.—Onnousavait envoyésà labaseopérationnelle. J’étaischargéde laprotectionde tonpère sur

cettemission.—Jen’ensavaisrien,dit-elleenécartantlamaindeMike.—Tonpèrecroyaitpeut-êtrequetuseraiscontrariéedesavoirquenousétionssouventensemble.Ilrepritsamainetlaposasursontorse.

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—Nousétionsentraindeformerdesofficierslocauxàl’entraînementdeleurshommes.Toutallaitbien.Jepensaispasserunebonnejournée,cequiestétrange,carj’aitoujourseuuninstincttrèssûr.

Sierra imaginait très bien le désert sous le soleil implacable, etMike, en uniforme, aux côtés desonpère.

—Aumomentderejoindreleconvoi,tonpèrenousacriédenousarrêter.Il…Ilsavait.Jenesaispas comment,mais il a vu ou entendu quelque chose.C’est arrivé très vite, en quelques secondes, etpourtant,jegardetouslesdétailsenmémoire.

Sierrasetrouvaglacéed’effroi,aussibienpourluiquepoursonpère.Ellecrispalespoings.— Ce qui me revient surtout, c’est l’expression de son regard. Les mêmes yeux que toi. Il m’a

regardé et a tendu la main. Mais ce n’était pas pour que je m’approche. C’était pour m’empêcherd’avancer,mefairereculer.Ilmedisaitaurevoir.Ilsavait.

Sierrafermalesyeux,lesnerfsàfleurdepeau,tandisqu’elleimaginaitl’explosionquiavaitemportésonpère.

Puiselleserappelaunélémentsupplémentairesurlesderniersinstantsd’Allen.UnelettredeMike.—Tunous as écrit que tunous ramenaisTrooperparcequemonpère te l’avait demandé. J’en ai

concluquetuluiavaisparléjusteavantsamort.Mikesecoualatête.—Ilmel’avaitdemandéauparavantpourêtrecertainquesonchienailleauxÉtats-Unis.Ilm’avait

ditcela«aucasoùilluiarriveraitquelquechose».—Donciln’apasparléavantderendresonderniersouffle?Quecherchait-elle?Uneultimerecommandationdesonpère?Mikepoussaunlongsoupir.—Ilm’ademandéderegarderdanslapochedesaveste.Ilyrangeaitundecesanimauxenorigami,

unchat,jecrois.Ilaplaisantéàproposd’unzoo.Ilvoulaitmefairerire.—Celaluiressemblebien.Cedétailluiapportaitbienplusquelecompterendudesautorités.Sonpèren’étaitpasmortdansla

solitude.Ilavaitsaisiunderniermomentdejoie.—Ilnousavaittoujoursrecommandé,siceladevaitarriver,delelaisserpartiraveclesourireetnon

avecdeslarmes.Mike la serra contre lui, le visage enfoui dans son cou. Dès qu’il ferma les robinets, ils se

retrouvèrent dans un silence assourdissant, chacun en proie à de vives émotions. Elle n’avait qu’uneenvie,s’endormirdanssesbras.

Ilvoulutprendreuneserviettequand,dehors,uncridéchiralanuit.Uncribouleversant.—C’estmamère,soufflaSierraens’emparantdelaserviette.Mike n’hésita pas une seconde. Il courut s’habiller et tendit ses vêtements à la jeune femme.

Ensemble,ilsdescendirentlesmarches,lecœurbattant.Elleavaitdumalàresteràsahauteurtantilétaitrapideetforméàl’action.

Encourantverslamaison,elleécorchasespiedsnussurlesgraviers.Soudain,ellevitsamèreseruerversson4×4,unchiendanslesbras.

Quelqu’unétait-ilencoreentrépareffractionpourfairedumalauxanimaux?Ens’approchant,ellereconnutTrooper,quitremblaitetbavait.

Affolée,enlarmes,samèreconfialechienàMike.—Ilatrouvémessomnifères!Ilestvenum’apporterleflacon.Puislacriseacommencé.Jenesais

pascommentilafait.J’étaiscertainedelesavoirrangésdansl’armoireàpharmacie,maisjepeuxmetromper…

—Maman,çavas’arranger,assuraSierraenseprécipitantverselle.Mikevavousconduirechezlevétérinaire.JevaisprévenirleDrVegadevotrearrivéeetsurveillergrand-père.Toutvas’arranger.

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Ilnepouvaitenêtreautrement,mêmesiellelisaitsurlevisagedeMikequ’ilpartageaitl’angoissequis’emparaitd’elle.

Laperspectivedeperdrecechien,leurultimelienavecsonpère,n’étaitpasenvisageable.

En dix-huit mois, Ray avait reçu de nombreux appels d’urgence de Lacey, pour lesquels il avaittoujours conservé soncalme, en restantprofessionnel.Ce soir-là, elle était sibouleverséequ’il en futtroublé.Siellechérissaitchacundesespensionnaires,ilétaitconscientdel’importanceparticulièredeTrooperdanssavie.Penchésurl’animalàpeineconscient,ilseconcentrasursatâche.

Recroquevilléedansuncoindelasalle,Laceyattendaitsonverdict.—Nemedemandepasdesortir.—Celanemeviendraitmêmepasàl’idée.—Dis-moicequisepasse, implora-t-elled’unevoix tremblante.Jeneveuxpas tedistraire,mais

explique-moi,parle-moi!—Savoirquelmédicamentilaabsorbéestutile.Iladéjàvomicheztoietdanslavoiture,cequiest

unebonnechose.—Jen’auraisjamaiscruquejemeréjouiraisdevoirunchiensalirmavoiture.Elleémitunrirenerveux.—Sonrythmecardiaqueestunpeufaible.Jeluiaifaituneinjectiond’atropine.Viensluitenirlatête

afinquejeluienfoncecetuyaudanslagueule.Lelavaged’estomacaucharbonélimineralestoxines.—D’accord,répondit-elle,heureusedeserendreutile.Etensuite?—Espéronsquelesreinsetlefoien’aientpasétéatteints.Ilglissalefintuyaudanslagorgedel’animalléthargique.—Jenecessedetraquer leschampignonsvénéneuxdanslesboiset je lis tous lesarticlessur les

plantestoxiques.Lechocolatestdansunplacardferméetlesmédicamentsdansunearmoireàpharmacieenhauteur.

—Leschienssontfutés.Quandilsveulentvraimentquelquechose,ilsl’obtiennent.—Ilfautabsolumentqu’ils’ensorte.—Jesais.Ray ne voulait pas être celui qui romprait son lien avec son défuntmari. Enfin, il sortit le tuyau

d’intubation.LaceycaressaTrooperetluiessuyalesbabinespourenôterunrésidudecharbon.—Etmaintenant?s’enquit-elle.—Jevaisl’hydraterpourpurifierl’organisme.Endehorsdecela,ilneresteplusqu’àattendre.Laceysoulevalapochedestinéeàlaperfusion.DèsqueRayeutposél’aiguille,ilsoulevalechien

danssesbras.Trooperprotestasansgrandeconviction.—Ilfautqu’ilresteici.Net’inquiètepas,jevaisveillersurlui.Jedormiraidansmonbureaucette

nuit.Tupeuxrentrercheztoi.Tuesenétatdeconduire?SierraétaitvenuechercherMikeunedemi-heureplustôt,carJoshuas’étaitendormi.Lavoiturede

Laceyétaitencoresurplace.—Oui.Jen’arrivepasàlaisserTrooper,voilàtout.—Lacey…Ilcherchasesmots,incapabledeluiavouerlavérité.—Tudevraisvraimentallertereposer.Neleprendspasmal,maistuasunemineépouvantable.Pourl’heure,iln’yavaitriend’autreàfaire,maissiTrooperdevaitsuccomber,ilnevoulaitpasque

cela se produise chez Lacey. Pour la protéger, il préférait garder le chien à la clinique tant que sonpronosticvitalétaitengagé.

—Àlamaison,jen’arriveraipasàdormir.Enplus,ilaavalémescachets,parvint-elleàplaisanter.Jepourraisrestericicettenuit.

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Ellelesuivitverslechenil.—C’étaitunequestion?fit-ilenregardantpar-dessussonépaule.—Excuse-moi,jen’aipaslesidéesclaires.Ray,s’ilteplaît,puis-jepasserlanuitcheztoi?L’offreétaitalléchante,songeaRaynonsansironie.Mêmesielletombaitmal.—Prendsunecouvertureetpose-ladanscebox.Elles’affairaàpréparerunlitdouilletpourTrooper,puisaidalevétérinaireàinstallerlechien,en

veillantànepasarracherlaperfusion.Ensuite,RaycroisaleregarddeLacey.—Tuveuxuncafé?Ellepritquelquesserviettesetlesposaàterrepours’asseoirprèsduchien.—Jeveuxsimplementrestericietleregarderrespirer.Ilauraittantaimélarassurer,maisilrefusaitdeluimentir,carelleavaitl’expériencedesanimaux

maladesoublessés.La nuit serait longue. Faisantmine d’avoir du travail, Ray s’installa à son bureau.Au bout d’une

heure,ileutlacertitudequ’ellenes’assoupiraitpas.Etiln’avaitplusrienàfaire.AprèsavoirvérifiélepoulsdeTrooper,ilfinitparprendreplaceàcôtéd’elle.

—Tuasdunouveausurlaplaintedéposéepartesvoisins?demanda-t-ilpourpasserletemps.—Jeleuraifournitouslesdocuments,ilsonteuaccèsàmeslocaux,jesuisenrègleaveclaloi.Je

n’airienfaitdemal.—Bienaucontraire,àmonavis.—Parfois, être dans le vrai ne suffit pas.La vie n’est pas toujours juste.Mes ennemis gagneront

peut-être. De nombreux refuges ont déjà dû fermer leurs portes. Je dois penser à recaser mespensionnairesactuelsetneplusenprendredenouveauxdansl’immédiat.

—Tudevraissoufflerunpeu,dit-ileneffleurantsonépaule.Tuasbesoindemarquerunepause.Tuviensdevivreuneannéeterriblementéprouvante.

—Jenepeuxpasrenoncerauranch,Ray,répondit-elle,auborddeslarmes.J’aidéjàtantperdu…Peut-êtreétait-cesapassionpoursacause,ou la larmequicoulait sursa joue,ouencore la façon

dontelleprononçasonnom…Maisilneputrésisteràlatentation.Ilfitcequ’ilbrûlaitdefairedepuisunan,ilembrassaLaceyMcDaniel.

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18

Ensentantseslèvressurlessiennes,Laceyfutd’abordétonnée.Ilnel’avaitjamaisembrassée.Etilnes’agissaitpasd’unsimplegestederéconfort.Lorsqu’illaprit

parlesépaules,ellesentitlachaleurdesesdoigtssursapeauetémituneplaintesourde.Aussitôt,illaserradanssesbrasetapprofonditsonbaiser.Unedoucechaleurnaquitdanssonventre

avantdemonterenelle.Elle fut incapablede résister.Raynecherchaitpeut-êtrepasà la réconforter,maissonbaiserluifaisaitunbienfou.Aucunverredevinn’auraiteusurelleunteleffet.Cefutcommesisoncorpsendormiseréveillait.

Encorehésitante,elleposalesmainssursesépaules.Elleavaittantbesoindetendressequ’elleluirenditsonbaiseravecpassion,sansretenue,lesbrasautourdesoncou.

Parmi les odeurs familières de la clinique, elle huma les notes épicées de son eau de toilette. Sabarbenaissantenefaisaitquesoulignerladouceurdeseslèvres.

Illasavouratelunbonvin,avecrespect,commes’ilavaitattenducemomenttrèslongtemps.Puisilenfouit les doigts dans ses cheveux, caressant ses joues.Cebaiser lui donnait l’impressiond’être unefemmedésirableetnonune…enfin,cequ’elleétaitdevenue,aucoursdel’annéeécoulée,souslepoidsduchagrinetdesresponsabilités.

Neréfléchispas,serépétait-elleenboucle.Rienn’auraitpuladétournerdeceplaisir.Tropvite,ellechasseraitsessentimentsettourneraitlapage.Maiscesoir,alorsquelemondes’écroulaitautourd’elle,elleallaitaccepterlatendressedeRayVega.

Les yeux fermés, elle se laissa emporter par ses sensations, par ces mains puissantes qui luicaressaientledos,lafermetédecetorsemusclécontrelequelelleseplaquait.Àl’abridesesbras,ellesesentaitchoyéeetensécurité.

Sanss’interrogerplusavant,ellesemitàexplorersapoitrine,sesépaules,sesbras,commesiellevoulaitabsorbersonénergieetsaforce.

Encouragéparsaréaction, il l’allongeasur lescouverturessanscesserde l’embrasser. Ils’étenditprès d’elle et glissa une jambe entre les siennes.En sentant contre sa hanche l’intensité de son désir,Laceyfrémit.Untroublepresqueoubliénaquitenelleaupointqu’elleneputréprimerungémissement.

Raysemitàdéposerdesbaisersbrûlantsdanssoncou,faisantmontersondésird’uncran.Puis ilinsinuaunemainsoussonchemiseretremontajusqu’àsapoitrine.

Lafraîcheurdel’airsursapeaudénudéelaramenaviteàlaréalitédecequ’elleétaitsurlepointdefaire.

—Je…Jenepeuxpas…souffla-t-elle,haletante.Au prix d’un gros effort, elle le prit par le poignet et ôta sa main de sous son chemisier. Ray

s’immobilisa,pantelant, et s’écartad’ellepour s’allonger sur ledos, secouvrant lesyeuxdesonbrasreplié.

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Laceyseredressaettentadechasserleplaisirdiffusqu’elleressentaitencoreauplusprofondd’elle-même.Commentpouvait-elleêtreàlafoissitroubléeetpourtantdéterminéeànepasallerplusloin?Cebaiser l’avait surprise. Pas seulement parce qu’il était inattendu, mais par le plaisir qu’il lui avaitprocuré.Hélas,ilfallaitvoirlavéritéenface,ellen’étaitpasprête.Elleportaitencoresonalliance.

Lorsqu’elleeffleurasamain,Raysursauta.—Çava?luidemanda-t-elle.Cequisignifiaitenréalité:«Sommes-nousfâchés?»Depuisun an et demi, il était sonami et elle redoutait d’avoirgâché leur ententedansunmoment

d’égarement.—C’estàmoidem’excuser,affirma-t-ilenfinens’asseyantàsontour.Jen’auraispasdûfaireça.Je

saisque tun’espasprête.Jen’auraispasdûtemettredans lasituation inconfortabledecellequidoitrefuser.

—Cen’estpasque jeneveuxpas.Tuesunhommesexyet fascinant,dont jepartage lesvaleurshumaines.

Lasimilitudeavecsonmarimilitairel’effraya.—Tunefaisrienpourarrangerlasituation…—Désolée.—Je comprendsque c’est trop tôt. J’ai fait demonmieuxpournepas te révélermes sentiments,

surtoutcesdernièressemaines,quandj’aisu…Enfin,jecroisquej’aialorsentrevuunepossibilité.Etjemesuisretenu.Jusqu’àcesoir…

—Cen’étaitdoncpasuneimpulsion?Quelleidiote,ellen’auraitpasdûluiposercettequestion.—Oubliecequejeviensdedire,reprit-elle.Jesuisentraindemeridiculiser.—Lacey,fit-ilenprenantsonvisageentresesmainspourlaréconforter.Jamaistunepourraisêtre

ridiculeàmesyeux.—C’estvrai?demanda-t-elleensouriantàtraversseslarmes.Tuasvulaviequejemène?Jesuis

aubordde la failliteparceque j’essaiede sauverdesanimauxendétresse.Lavilleentièremeprendpourunefolleetveutfermermonrefuge.

— Tu as très bien réussi malgré les pressions et les épreuves, affirma Ray. Tu es une femmeextraordinaire.

Sonregarddebraisebrûlaitd’unepassiondévoranteégaleàcelledeLacey…poursonmari.RayVegaavaitdessentimentspourelle,dessentimentsprofonds,maisilsvenaientdefranchirunelimiteau-delàdelaquelleellerefusaitd’aller,dumoinsdansl’immédiat.

Une plainte provenant du box lui fournit une excuse pour se détourner. Trooper était en train depéniblement s’asseoir, tout en posant sur elle comme un regard entendu. Ilmit une patte sur la grillemétallique.Laceyserappelaquel’undesespensionnairesavaitparfaitementbiensupportéuntraitementsimilaireàceluideTrooper,suiteàsoningestiond’unchampignonvénéneux.C’étaitétrangequ’ellenes’ensoitpassouvenueetaitcédéàlapanique.

Àprésent,elleréalisaitpourquoiellen’étaitpasdanssonétatnormal.—Troopern’étaitpasobligéderestericicesoir,n’est-cepas?—Ilavaitbesoindecetteperfusionetd’êtresurveillé.—Cequetuasfait.Enlegardant ici, tucherchaissimplementàmeprotégeraucasoùleschoses

tournentmal.—C’estgrave?demanda-t-il,sanschercheràniersesintentions.—Pournousdeux,encetinstant,oui.Cen’estbonpouraucundenous.Ellecontinua,toutenétantconscientequ’elleferaitmieuxdes’entenirlà:—Tuesunhommeintelligent,merveilleux,nousavonsbeaucoupd’intérêtscommuns…

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—Arrête,dit-ilenluiprenantlamain.J’aicompris.Tuestoujoursamoureusedetonmari.—Ray,jeleseraitoujours.Celanechangerapas.Leproblème,c’estquejesuisendeuil.Jenepeux

rienprécipiter.—Celaterendencoreplusprécieuseàmesyeux,répondit-ilenserrantsamaindanslasienne.Et

quoiquetudisespourmeréconforter,sachequeje…jesouffre.Elle eut enviede lui répondrequ’il était précieux, lui aussi, qu’il trouverait une autre femme,une

femmeplusjeune.Ilavaitlaviedevantlui.Maisellenevoulaitpasminimisersessentimentspourelle.Elleavaitmêmedumalàycroire.

—J’aimeraisêtreprête,crois-moi.Siseulementellepouvaits’apaiseraulieudesouffrirenpermanence,deremettreseschoixencause,

lanuit,encherchantlesommeil.Pourlapremièrefois,elleacceptalaterribleréalité:elleétaitvraimentseule. Il fallait qu’elle cessededépendrede son entourage, deRay,mais aussi deSierra etmêmedeMike.Ilfallaitqu’elles’occuped’elle-mêmeetdesafamille.

Ettoutdesuite.—Ray,s’iln’yarienàfairedepluspourTroopercesoir,portons-ledanslavoiture.Jeferaismieux

derentreràlamaison.—Sic’estcequetuveux,concéda-t-il,d’untontriste.—Oui.Pourlapremièrefoisdepuisdesmois,elleneredoutaitpaslelendemain.Ilneseraitpasfaciledese

reprendreenmain.Pourtant,ilfallaitqu’ellerepartedubonpied.—Trèsbien.IlexaminaTrooperunedernièrefoisetlesoulevapourluiôtersaperfusion.—Ilalespupillesnormales.Appelle-moisitulestrouvesdilatées.Ilestunpeugroggy,maisilaun

poulsrégulier,nemontreplusdesignesdebradycardie…enfin,derythmelent,etilrespirecorrectement.Toutefois…

—Sijenoteunchangement,jet’avertirai.Hésitante, elle effleura samain. Leur complicité semblait s’être envolée. Pourtant, elle lui devait

tant ! Et pas seulement sur le plan financier. Puisqu’ils devaient encore travailler ensemble, il leurfaudraitgérerceproblème.

Ellereculadequelquespasetpritsonsac.Enpartantdechezelle,ellen’avaitpasremarquéqueseschaussuresétaientdépareillées!Ilfallaitvraimentqu’elleseressaisisseauplusvite.

Rayporta lechienvers lavoiture.La fraîcheurde lanuitneparvintpasàbalayer lesentimentdeculpabilitédeLacey.Elleouvritlaportièreets’écartapourlelaisserdéposerTroopersurlesiège.Puisellefitdémarrerlevéhiculequ’Allenavaitachetépourlesvacances.

—J’appelleSierrapourlaprévenirdetonretour,ditlevétérinaireencaressantTrooper.Ilesttard.Soisprudente.

—Mercipourtonaide.Elle voulut en dire davantage. Hélas, elle n’aurait fait qu’empirer la situation. Il se contenta de

hocherlatête.Laceynes’ensentitquepluscoupable.Nonseulementelleavaitmeurtriunhommebien,maiselles’étaittropappuyéesurlui.

Lorsdu trajet de retour, les champsduTennesseedéfilèrent commedans lebrouillard. Ils avaientacheté cette propriété car ils aimaient les grands espaces. Enfin, elle s’arrêta devant la barrière. Unvisiteur l’attendait, perché sur un quad. Soudain en alerte, elle éteignit ses phares. Cette fois, il nes’agissait pas de Kenneth. Valerie avait beau être la plus mesquine des deux, elle était moinsimpressionnantequesonfils.Néanmoins,Laceysecontentadebaisserlavitre.

—Valerie,quefais-tulà,àcetteheuretardive?—J’attendaistonretour.Jet’aivuepartirencompagniedetonpetitjeune.

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Elle fitunemine réprobatrice.Elleétait ridicule, sursonquad,vêtued’une robehawaïenne.Cettefemmelesespionnaitdonc?LesHammondvoulaientqu’elledéménage.Jusqu’oùétaient-ilsprêtsàallerpourlachasser?

—Cen’estpasmoiquimebaladeenpyjamaenpleinenuit,Valerie.Àprésent, laisse-moipasserpourquejepuisserentrerchezmoi.

Chezelle.Danssonhavredepaixdontpersonnenelapriverait.Valeriesepenchasursonguidon.—Jet’offreunedernièrechancederéglerceproblèmeàl’amiable,déclara-t-elle.Jen’aipasenvie

devoirtouscesanimauxembarquésparlafourrière.Faisadopterceuxquetuasetlaissetomber.Avectesbêtesmalades,tufaisbaisserlavaleurdel’immobilierdanslecoin.Tessalescabotssontdangereux,àmoitiésauvages.Dieusaitd’oùilssortent.

—Nousenavonsdéjàparlé.Laceys’interrompit.Àquoibonessayerderaisonnercettemégère?—Pascesoir,d’accord?Jenesuispasd’humeuràfairesemblantdenepasavoirlaplusobtusedes

garcespourvoisine.Situneveuxpasquej’appellel’agentParkerafinqu’iltefassequittermapropriété,fichelecamptoutdesuite.

Valerielaregardad’unairsoupçonneux.—Tuvasleregretter,maugréa-t-elle.J’aidesrelations,figure-toi.Etcertainesmesontredevables.Furieuse,elledémarrasurleschapeauxderouesetdisparutdanslapénombre.Cettenuitpouvait-elle

devenirpluspénibleencore?Laceycomposasoncodeetfranchitlabarrière.Lalumièreétaitalluméedans la cuisine.Au loin, elle distingua deux silhouettes. Sans douteMike et Sierra qui guettaient sonretour. Ilétaitmanifestequesa filleétaitànouveauamoureuse.Encoreunequestionà régler. Il fallaitqu’elleapprenneàl’écouteraulieudel’utilisercommeunebéquille.

Ceseraitmêmesaprioritédès le lendemainmatin,avecl’instaurationd’unmeilleurdialogueavecNathan.Ellegarale4×4devantlamaison.

Dèsqu’ellesoulevaTrooperdanssesbras,illuireniflalamainavecaffection.Danslecellier,ellepassadevantlesbottesetleslaisses,sonenvironnementfamilier,etentradanslacuisine.

Sierralevalesyeuxverselle,pleined’espoir.—LeDrVegaaappelé.Troopervavraiments’ensortir,n’est-cepas?—Apparemment.Jevaisquandmêmelegarderprèsdemoi.Onnesaitjamais.Elle était trop épuisée pour bavarder ou faire mine de ne pas voir leur amour flagrant, d’autant

qu’elle-mêmevenaitdecéderàsesimpulsionsamoureuses.—Jefilemecoucher.JeprendsTrooperpourlesurveiller.—Jevaisleporter,proposaMikeenselevant.—J’yarriverai,assura-t-elle.J’ail’habitude.Hein,Trooper?Laceysetournaverslavérandaoùelleplaçaitlesanimauxmaladespendantqu’ellesereposaitsurle

canapé,maisquelquechoselaretint.Puiselleregardaendirectiondel’escaliermenantàsachambre,lapiècequ’elleévitaitdepuistroplongtemps.

Le moment était venu de mettre en pratique ses bonnes résolutions. Elle respira profondément etgravitlesmarches.Grâceàlaprésenceduchien,ellen’auraitpasàdormirseule.Arrivéedanslapièce,elleposaTrooperàterre,rabattitl’édredonetlepliapouryinstallerlemalade.Sanssefaireprier,ilsecouchadessusavecunsoupird’aise.

Laceypritsoncourageàdeuxmainsetrabattitlacouette.Pourlapremièrefoisdepuislamortdesonmari,elleseglissadanslelitconjugalets’endormit.

Mike avait imaginé beaucoup demoyens pour aider Sierra, mais jamais il n’aurait imaginé qu’ilprépareraitlepetit-déjeunerdanslacuisinedesMcDaniel.

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Legénérallisaittranquillementunmagazine.Sierral’avaitabonnéparcequ’illuiétaitimpossibledeliredesarticlessurune tablette.Aufildes jours,Mikes’étaitattachéàcette famille.PasseulementàSierra.C’étaitlapremièrefoisqu’ilvivaitdansunenvironnementpleind’affection.

Sierraavaitdormisurlecanapéaucasoùsamèreauraitbesoind’elleetpourveilleràcequesongrand-pèrenefuguepas.

Incapabledefaireunegrandenuitdesommeil,Mikes’étaitlevétrèstôtpourconfectionnerdepetitesbriochesaucaramel.Faireainsilacuisineluiavaitfaittrèsplaisir.Ducoindel’œil,ilavaitveillésurSierra,dontlescheveuxblondsétaientéparpilléssurlecoussinencuir.

Uneappétissanteodeurdecannelleetdecaramelenvahitlacuisine.Tandisqu’ilcherchaitdesfruitspour sa salade, il entendit des pas derrière lui. Lacey apparut en compagnie de Trooper. Tous deuxsemblaient un peu hébétés, mais ils étaient debout. L’œil averti du soldat reconnut deux combattantsvictorieux.

—Bonjour,lança-t-il.J’aiprislalibertédepréparerlepetit-déjeuner.—Maman!appelaSierradelapiècevoisine.Elleselevad’unbond,vêtuedesesvêtementsdelaveille,ceuxqueMikeluiavaitenlevésavectant

defrénésie.Celasemblaitsiloin…LajeunefemmeembrassasamèreetsepenchapourcaresserTrooper.—Salut,toi!Tunousasfaitpeur,tusais!Mike ne comprenait toujours pas ce qui s’était passé. Comment le chien avait-il pu trouver ses

somnifères?Laceyétaittellementcertainedelesavoirrangéssousclé.TroopersedégageadesbrasdeSierraetsemitàdéambulerdanslacuisine,visiblementagité.—Mieuxvautquequelqu’unlesorteavantqu’ilnesoittroptard,prévintJoshua.—J’yvais,maman,ditSierraenessayantdelesaisirparlecollier.Lechieneutunmouvementderecul.—Pourunanimaldésorienté,ilm’al’airbienrésistant.—Ondiraitunchiendechassequiaflairélegibier,commentalegénéralenfermantsonjournal.—Laisse-moifaire,proposaMike.EnIrak,ilréagissaitparfoisainsi.Ildoitêtredésorienté.Ils’accroupitettenditlamainversTrooper,quireculadeplusbelle.Ilattrapalajambedepantalon

deSierraentresesdentsetsemitàgrogner.—Trooper?s’exclamalajeunefemme,abasourdie.Mike n’avait jamais vu ce chien agressif depuis son adoption à la basemilitaire. Les somnifères

étaient-ils en cause ? Trooper entraîna Sierra vers l’escalier, puis la relâcha et gravit vivement lesmarches.Detouteévidence,ilsavaitcequ’ilfaisait.

Mikeselançaàsapoursuite.TroopersemitàgratteràlaportedeNathan.Desespattes,ilparvintàactionnerlapoignéeetseruaàl’intérieurpoursecachersouslelit.

—Trooper!lançaMikedepuisleseuil.Croyait-ilquec’étaitun jeu?Miken’avaitpasde tempsàperdreàcesbêtises.Lechiensemità

aboyer,jusqu’àcequelatêtedeNathanémergedesouslacouette.—Quelqu’unpeutlefairetaire,ceclebs?L’adolescent se cacha sous sacouette.Trooper aboyaplus fort, jusqu’àcequeMikeentredans la

chambreetenjambevêtements,magazinesetcannettesvides.—Trooper,appela-t-ilens’agenouillantprèsdulit.Allez,viensprendretonpetit-déjeuner!Il se rappela qu’il avait laissé ses brioches au four.Trooper renifla le tapis, comme s’il poussait

quelquechose.Intrigué,Mikesepencha.—Sierra,ilyadeuxcompriméssouslelitdeNathan!Lacey?Nathan?L’adolescentseredressamollement,deplusenpluspâle,leregardvague.Laceydutagripperlechambranledelaportepourgarderl’équilibre.

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—Cesontmessomnifères,Nathan.Qu’est-cequemesmédicamentsfontdanstachambre?

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5epartie

Enterrerunosestfacile,serappeleroùestfacileaussi.

Enrevanche,lemontrerauxautresaurisquequ’ilsvousledérobent,

ça,c’estuneautrehistoire.

Trooper,psychologiecanine

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19

SauverlaviedeNathannefutpasuneminceaffaire,maisj’airéussi.Dèsquejel’aivuassissursonlit,avecleflacondesomnifèresdansunemainetunverred’eaudans

l’autre,j’aicomprisqu’ilallaitfaireunegrossebêtise.Voilàpourquoijereniflaislamortsurluidepuislepremierjour.

J’aidoncattenduqu’ilenlèvelecouverclepourbondirsurlelit.Iln’apuenavalerqu’unoudeux.J’aiprisleflacondansmagueuleetsecouélatêtecommeunfoupourlevider,puisj’aiessayédelesmangertous.Enfin,j’enaicachédeuxsouslelitpourlaisserunindiceàlafamille,aucasoù.Nathanavoulumefairetaire,maisj’aiaboyéjusqu’àcequ’ilmechassedesachambre.

J’aimerais bienm’attribuer lemérite de cette idée de génie. En réalité, c’est Lucky, le loulou durefuge, qui me l’a inspirée. Il avait mangé la marijuana de son maître pour alerter les parents del’adolescent.

Jen’avaispasprévuquelespilulesferaienteffetavantquejepuisseattirerl’attentiondequelqu’un.Onnesauraitpenseràtout.Maisj’aibientenulecouppendantquejevomissais,etpendantlavisitechezlevétérinaire. J’ai décidédepardonner auDrVegadem’avoir enfoncéun tuyaudans lagorge et uneaiguilledanslapatte.Aumoins,iln’apascontinuéàcourtiserLacey.Cen’étaitpaslebonmoment.

Enfin, revenons àNathan. J’avais accomplimamission : protéger cette famille.Assis sur son lit,l’adolescent avaitmauvaisemine, tandisque les siens l’interrogeaient sur les cachets. Il était toujoursgroggy.

Ilsavaientenfincompriscombienlefilsducolonelavaitbesoind’aide.Couché sur une pile de vêtements entassés dans un coin, je regardais les McDaniel essayer de

remettredel’ordredansleurvie.Laceys’approchadesonfilspendantqueMikeréconfortaitSierra,surleseuildelachambre.Trèscalme,Laceys’assitàcôtédeNathan,quiserralesdentsd’unairdedéfi.C’étaitlapremière

foisquejelavoyaisaussidéterminée.Lecolonelm’avaitparlédeceregardimplacable,carellepouvaitsemontrerredoutable.

—Nathan,quefaisaientcessomnifèressoustonlit?Ilhaussalesépaules.Ilsemblaitsquelettique,soussontee-shirttropgrand.—C’estsansdouteTrooperquilesaapportés.Quelmenteur!Jen’aipasbougé,maisj’aiémisunpetitgrognementpourmanifestermaréprobation.Laceyn’encroyaitpasunmot,ellenonplus.—Tun’espassincèreavecmoi.Jen’aicessédemedemandercommentTrooperavaitpus’emparer

decessomnifèresquej’avaisrangésdansl’armoireàpharmacie.Etleflaconn’étaitmêmepasabîmé.—Tuassansdouteoubliéquetul’avaisposéquelquepart,insista-t-il.C’estévident.

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—Non,persistasamère.Jen’aipasavaléuncachetdepuislessemainesquiontsuivilamortdetonpère.

—Ahbon?s’enquit-il,lesyeuxécarquillés,plusvulnérablequejamais.C’estvraiquemaintenant,tupicoles.

—Iln’estpasquestiondemoi!répliqua-t-elle.—Dommage…—Nathan!intervintSierraens’écartantdeMike.Samèreluifitsignedenepass’approcher.—Écoute,jeteproposeunmarché:tuesfrancavecmoietjeleseraiavectoi.—Pourquoiest-cemoiquidoiscommencer?—Parcequejesuistamèreetqu’iln’yapasdesomnifèressousmonlit.—D’accord.J’aiprislescachetsdansl’armoireàpharmacieparcequejevoulaislesavaler.Tous.Soussonarroganced’adolescentrebelle,onpercevaitsasouffrance.—Quandj’aidébouchéleflacon,cetabrutidechiens’estjetédessusetadévorélescomprimés.Je

veuxm’enaller,maman.Jeveuxjusteenfinir…Il fondit en larmeset, quand samère leprit dans sesbras, il la laissa faire. J’entendais aussides

sanglotssur lepasdelaporte,oùMikeréconfortaitSierra.Jeglissai la têtedanslapiledevêtementspouroublierqu’ilm’avaittraitéd’abruti.J’avaissubidepiresaffrontsdansmavie.

Tout n’était pas parfait, loin de là. Je devais encorem’occuper des deux cinglés de voisins. Pourl’heure,jemecontentaisdeleverlapattesurleursmachinesinfernalesquandilscherchaientlabagarre.

MaispourlapremièrefoisdepuismonarrivéeauRefugedelaSecondeChance,j’avaisl’impressionquelesMcDanielétaientcapablesdes’ensortir.

Sierrafulminait.Unmoisplustôt,ellen’auraitpasimaginéunesecondequesonuniverspuisseserévélerplusinsensé

qu’iln’était.Ellesetrompait.Aujourd’hui,savieamoureusetenaitàunfiletsonfrèrevenaitdetenterdesesuicider.

Ensortantlesbriochesdufour,ellereconnutlespasdeMikesurlecarrelage.—Cellesdumilieun’ontpasbrûlé,annonça-t-elle.—Jecomptaispréparerunesaladedefruitset,pourquoipas,desœufsaubacon.—Commetuvoudras.Pourmapart,j’ail’intentiondefairelepleindeglucides.Ellepritunespatule,détachaunebriochedelaplaqueet,sansprendreuneassiette,morditdedans.Mikeposaunmelon,duraisinetdesbananessurleplandetravail.—Çava?demanda-t-ilavecuncalmehallucinant.—Non.Il découpa les fruits sans trembler. Il y avait aumoins une personne qui tournait rond dans cette

maison.—JesavaisqueNathanavaitdesproblèmes,maisjen’auraisjamaisimaginéqu’ilavaitlesidéessi

noires,dit-ilenmélangeantlasalade.Bonsang,j’auraisdûlevoirvenir.Àl’armée,onnousenseigneàrepérerlessignesinquiétants.

—Lessignes?Quelssignes?—Ceuxquidénotentunetendancesuicidaire.Soudain,ellen’eutplustrèsfaimetposasabrioche.—Onvousinformesurlapréventiondusuicide?— Bien sûr. Surtout après une mission. On nous demande de nous surveiller les uns les autres.

J’auraisdûmieuxécoutercechapitrepournotrefamille.—Notrefamille?

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Cettefois,Sierraétaitvraimenttroubléeparunmélangedenervositéetd’espoirquiluifaisaitunpeupeur,aprèscesémotionsfortes.

—Malangueafourché,dit-ilensaupoudrantlesaladierdesucre.—Peuimporte.Siquelqu’undoits’envouloir,ici,c’estmoi.—Maisnon!Ils’essuyalesmainsàl’aided’untorchonets’approchad’elle.—Tutesacrifiesdéjàbeaucouppourlestiens,assura-t-il.—Monpèreauraitvouluquejelesaide,déclaralajeunefemme.—Tonpèreauraitvouluquetuvivestavie.—Tuesbienplacépourlesavoir,admit-elleenpicorantsabrioche.Tupassaisplusdetempsavec

luiquemoi.—Jesuisdésolé.Ellelevaunemain.—Jemesuismalexprimée.Jenevoulaispastesembleramère.Pourtant,ellel’était.Elleressentaitdel’aigreuretdelacolère.—C’estseulementque…Mamèren’avaitpasbesoindesoucissupplémentaires.Etmonfrère,mon

petitfrère…Mikelapritdanssesbrasetlaserracontrelui.Elleenfouitlevisagedanslecreuxdesonépaule.

Commetoujours,ellesesentitmieux.Ilétaitsirassurant.Sielleleperdait,luiaussi?Elleenavaitassezd’êtreforte.—Mike,jenesaispassijesuiscapabledemenercegenredevie,avoua-t-elleentredeuxsanglots.

Maisenmêmetemps,jeveuxêtreavectoi,parceque,paslapeinedelutter,jesuistoujoursamoureusedetoi.

Ilsefigea.Manifestement,cetaveunelefaisaitpassauterdejoie.Elles’écartade lui,désireusedeprendrede ladistance,car lachaleurdesesbrasétaitbeaucoup

tropattirante.—Jelesuisvraiment,reprit-elle,Enrevanche,jeneveuxpasêtreuneépousedemilitaire.L’armée

esttropexigeante.SiMikeneniapascettevérité,sonvisageexprimaunetelletristessequ’elleenfutretournée.Jusqu’à

cet instant,ellen’avaitpasréaliséàquelpointellevoulaitqu’il trouveunmoyend’apaisersespeurs.Elleespéraitqu’ilaitunesolution,qu’ilfassepourleurcouplecequesonpèren’avaitpasréussiàfairepourlesien.

Lesignald’alarmedelabarrièrerompitlesilence.Soulagéeparcettediversion,Sierracourutverslafenêtreetvit…unevoituredepolice.

EllevoulutregarderMike,maissafiertél’enempêcha.Jamaisilsneparviendraientàfaireletrideleurs sentiments confus si elle se tournait vers lui à lamoindre occasion. Elle composa le code pourouvrirlabarrière.

—Tusaiscequisepasse,encore?s’enquitMike.—Jen’enaiaucuneidée.Ellesedirigeaverslavérandapourobserverlevéhicule.Trèsvite,l’agentParkerapparut.—Votremèreestlà?demanda-t-il.—Elle…Commentluidirequ’elles’occupaitdesonfilsaprèssatentativedesuicide?—Elleprendunedouche,intervintMike.Nouspouvonspeut-êtrevousaider.—Je tenais simplement à laprévenir, reprit lepolicier encontournantClémentine.LesHammond

sontsurlesentierdelaguerre.Ilsontfaitjouerleursrelationspourobteniruneréunionextraordinairedu

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conseil. Ils veulent obtenir une injonction provisoire de fermeture du refuge en attendant une enquêteapprofondiesurlesincidentssurvenuslorsquelesbarrièresontcédé.

Ulcéréeparcetteinjustice,Sierracrispalespoings.—Silapropriétéaétévandalisée,cen’estpasnotrefaute!Jeneseraisd’ailleurspasétonnéeque

cesoientlesHammondquiaienttoutmanigancé.— Je suis de votre côté, assura l’agent Parker. C’est pourquoi je suis passé vous prévenir.Nous

savons désormais que les vandales sont liés à un cercle de combats de chiens clandestins du comtévoisin. Valerie affirme que votre refuge n’était pas sécurisé et que vous présentez un danger pour lepublic.Selonelle,c’estlaraisonpourlaquellevousattirezlesmalfrats.Jenedispasqu’ellearaisonniqu’ilsvontgagner.

Sierravacilla.SiMikenel’avaitpassoutenue,elleauraitperdul’équilibre.—Maisc’estpossible?Ils ne pouvaient même pas se réjouir de l’identification des vandales. Les Hammond allaient

exploitercetargumentàleuravantage.—Jesuisdésolépourvous,repritlepolicier.ValerieHammondadesappuisenhautlieugrâceàdes

parentsfortunésetàsonengagementcaritatif.Vousdevezassisteràcetteréunionetvousprépareraupire,aucasoù.

—Quandaura-t-ellelieu?demandaMikeencrispantlesdoigtssurl’épauledeSierra.—Demainsoir.Demainsoir?LeregardaffolédelajeunefemmepassadeMikeàParker.Nonseulementilsavaient

une semaine demoins que prévu pour se préparer,mais les notables du comté leur avaient tendu uneembuscadepourbriserlerêvedesamère.

Mike avait eu dumal à convaincre Nathan et Joshua de faire une promenade pendant que Sierradiscutaitavecsamère.Sierraavaitappelé l’universitépourdirequ’elleétaitmaladeetparcourait lesdossiersdurefugepours’assurerquetoutétaitenrègle.Enlesvoyantpenchéessurleursregistres,ilsedit qu’elles formaient un tandem formidable. Cependant, dans moins de vingt-quatre heures, ellesrisquaientdeperdrecepourquoiellessebattaient.Mikeauraitvoulufaireplusquejouerlesnounous.

Sierraluiavaitaffirméqu’ellel’aimaitencore,cedontilauraitdûseréjouir.Cependant,ellerefusaitde vivre l’existence d’une femme demilitaire. Il ne trouvait aucune solution à ce dilemme, ce qui lerendaitfou.Unpeud’exerciceluiferaitdubien.

—Onvamarcherencorelongtemps?ronchonnaNathan.—Non, réponditMike enprenant le sacdegolf sur son épaule.Général, vous êtes toujours avec

nous?—Çava,fiston.C’estcegarçonquinousralentit,avecsesairsboudeurs.Jemedemandepourquoi

onvienttranspirerici.Quipeutavoirenviedejoueraugolfparunetellechaleur?Situveuxmonavis,onferaitmieuxd’allerdansunbaràstrip-teaseuses.

Mikes’arrêtaaubordd’unchampquilongeaitlapropriétédesHammond.—Mongénéral,legolfestunesortieplusappropriéepourungarçondel’âgedeNathan.Puisqueles

Hammondn’hésitentpasànousespionner,autantleurfournirunspectacle.Tiens,Nathan,approche,monloustic!lança-t-ilenposantsonsac.

—Jenesuispastonloustic,maugréa-t-ilenobéissantnéanmoins.—D’accord.Mike sortit un clubpoussiéreux.Cela faisait certainementune éternité que le vieil hommene s’en

étaitpasservi.Pourvuqu’ilenaitgardéunsouvenir.—Tuasdequoienvouloiraumondeentier,reprit-il.Nathanpritleclubdegolf.

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—Ellest’ontchargédemeconvaincredevoirunpsy,c’estça?—Non.Jeleurlaissecettetâche.Maisellesvontinsister,ettuvasaccepter.Tun’aspaslechoix.Mikeremitunautreclubaugénéral,ainsiquedesballes.—Jevoulaisplutôttepermettredetedéfouler.Resterenfermédanstachambrenerésoudrapastes

problèmes.Quetuleveuillesounon,onatouslestroisdesraisonsd’êtreénervés.—Et si jen’aipas enviede jouer augolf ?demanda l’adolescent en faisantminede frapperune

balle.—Ehbien,ontrouveraunautremoyendet’aider.Mike posa une balle à terre et chercha le regard de Nathan pour être certain d’avoir toute son

attention.—Fuirn’estpaslasolution,Nathan.—C’estbienvrai,ça,fiston!commentaJoshuaenvérifiantlahauteurdel’herbeetladirectiondu

vent.Onnedésertepas!Nathanbaissalatête.—Jevaisdevoirsuivreunethérapie,c’estça?Il lui fallaitducouragepour l’admettre.L’espaced’un instant,Mikecrutvoir le colonel,mêmesi

l’adolescentressemblaitbeaucoupàsamère.Sadéterminationetsaluciditéétaientimpressionnantes,alorsquelui-mêmeneparvenaitpasàvoir

plusclairsurcequ’ildevaitfaireavecSierra.Il eut la sensation de recevoir une claque. Il avait cru rendre service à Sierra en gardant ses

distances,enniantleurrelationpournepasluiimposerlamêmeviequesamère.Enfait,ilauraitdûluidonnerlapriorité,parcequ’elleétaitcequicomptaitleplus,àsesyeux.

Ilenavaitassezdetournerledosàlapromessed’unevieheureuseàsoncôté.Ilsavaitcommentluiprouver combien il l’aimait. Il ferait partie de cette tribu, avec un grand-père malade, une mèrepassionnéeetunadolescent àproblèmes.Mikeavait toujours étéun rebelle et il n’avait jamais eudevéritable famille,en toutcaspasdans lesensoù il l’entendait. Iladorait lesMcDanielqui luiavaientapprislasolidaritéfaceàl’adversité.

Il savait comment conquérir Sierra et lui faire oublier les tourments de la réunion du conseil ducomté.

—Nathan,j’aiuneidéepoursauverlerefuge.…EtmontreràSierraqu’ilétaitprêtàs’engager.—Jevaisavoirbesoindetonaide,reprit-il.

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20

Lelendemainsoir,SierraetLaceyserendirentensembleàlaréunionduconseil.Lepaysagebaignédanslalumièredouceducoucherdesoleilneparvenaitpasàrassurerlajeunefemme,aussidésorientéeetfurieusequesongrand-pèred’avoirperdulecontrôle.

Ellenepouvaitqu’imaginer l’étatd’espritdesamère,après legestedésespérédeNathan.Ilavaitrendez-vouschezlepsychiatredèslelendemain,cequ’ilavaitacceptéavecunebonnevolontéétonnante.

L’adolescent avait préféré partir en avance en compagnie de Mike. Ils avaient affirmé qu’ilsmangeraientunhamburgerenroute,cequiétaitbizarre.MikeavaitprisNathansoussonaile.Tantquesonfrèreétaitentredebonnesmains,ellen’avaitpascherchéàdiscuter.

Depuisleurdiscussion,ellen’avaitpaseul’occasiondeparleravecMike.Mêmes’ilstrouvaientunmomentdetranquillité,ellenesavaitqueluidirepourarrangerleschoses.Carelleavaitlecœurgrosetsouffraitbienplusquelorsdeleurrupture,unanplustôt.

Était-ce le véritable problème ? À l’issue de la réunion, s’en irait-il à jamais ? Plus rien nel’obligeaitàlesaider.Elleredoutaitautantcetteréunionquesessuites.

Depuis lamise en garde de l’agent Parker, Sierra et Lacey étaient elles aussi sur le sentier de laguerre.Ellesavaientmontéundossiercompletetétabliunestratégiededéfense.

JoshuaétaitrestéauranchaveclasœurdeGhita,quitravaillaitdansunemaisonderetraite.Laceyavaitd’abordeudesscrupules,maiselleavaitfiniparaccepterdenepaspouvoirtoutcontrôler.C’étaitpeut-être ledébutd’unenouvelleèrequi soulagerait la famille,ycompris legénéral. Ilétait tempsdepasser à l’étape suivante de la maladie. L’infirmière leur avait indiqué des activités et des mesuressusceptiblesd’enrichirlequotidienduvieilhomme.

Biendeschangementssepréparaient.—Çavabiensepasser,maman.Laceycrispalesdoigtssurlevolant.—Sierra, je tegarantisque si tume récitesunpoèmed’EmilyDickinson, je te laissecontinuerà

pied.—Pasd’EmilyDickinson,c’estpromis.Ellecherchaunecitationplusappropriéequileurdonneraitdel’espoir,etoptapour:«Onnepeut

perdrecequel’onaapprécié.Toutcequel’onaimeprofondémentfaitpartiedenous.»—C’esttrèsbeau,admitLacey.—HelenKeller.Ensauvanttouscesanimauxendétresse,tuasdonnébeaucoupd’amour.Ilnefaut

jamaisl’oublier.Laceytenditunemainverselle.—Merci.Jenesaispascommentjem’enseraissortiesanstoi.—Nemeremerciepas.Nousformonsunefamilleunie.

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Auxabordsdel’hôteldeville,ellesremarquèrentunnombreinhabitueldevéhicules.Iln’yavaitplusuneseuleplace libre sur leparking,nimêmeendehors.Soudainnerveuse,Laceyparcourut le secteurdesyeux.

—Tuimaginaisqu’ilyauraitautantdemonde?—Jesavaisquelesgenss’intéressaientàlaréunion,maisj’ignoraisquelerefugedéchaînaitàce

pointlespassions.PourvuquecenesoientpastousdesamisdeValerieHammond.Àlesentendre,leursvoisinsétaientparentsaveclamoitiédeshabitantsducomté.—Trouvonsdéjàuneplace.—Ilvafalloirchercherdansuneruetransversale.J’espèrequenousn’arriveronspasenretard.Deuxruesplusloin,Laceyréussitsoncréneaudansunespaceminuscule,puisellesortituncartonde

tractstandisqueSierrasechargeaitdel’ordinateur.—Maman,onn’enaurajamaispourtoutlemonde.— Il est trop tardpour changerquoique ce soit, répondit-elle en s’éloignant d’unpasvif vers le

bâtimentadministratif.Nousdevronsconvaincreavecnosarguments.Sierra regrettait presque de s’être apprêtée pour l’occasion, au lieu de chausser ses éternelles

baskets.Sonsacluibattaitlahancheàchaquefoulée.Lorsqu’elletournaaucoindelarue,elleentenditlespasdesamère,derrièreelleet…desaboiements.

Desaboiements?Sierraralentitlepasetsetournaverssamère.—Tuentends?Jen’aipasrêvé!Quesepasse-t-il?—Aucuneidée,avouaLacey,toutaussiintriguée.Levacarmedesaboiementsmêléàunbrouhahadeconversationsétaitdeplusenpluspuissant.La

nuit tombait.Déjà, les réverbères scintillaient, éclairant la foule réunie sur le parvis. Peu à peu, ellereconnutquelquesvisagesfamiliers:lejeunecouplequiavaitadoptéMarley,avecleursfillesetleursdeuxchiens,ainsiqueLucky,lelouloutoxicomane,venuavecsesnouveauxmaîtres,desretraités.Sierradécouvrit d’autres familles qui avaient contacté le refuge pour trouver un compagnon à quatre pattes.Chacundeleursancienspensionnairesétaitprésent,heureuxetépanoui.

Un groupe de personnes portant lemême tee-shirt attira l’attention de Sierra :MaryHannah, desbénévoles et des familles d’accueil munis de piles de tracts. Ghita et son mari étaient là avec leurschiens.Sierraremarqual’absencedeMaisie,laréceptionnistedelacliniquevétérinaire.

MaryHannah,Debbie et Charlotte lui sourirent et lui firent signe. Elles étaient accompagnées depensionnairesdurefuge,quiportaientunfoulard«Adoptez-moi»enguisedecollier.Sierracompritquiétaitàl’originedecetteopération.Ellesouritàsonamie,étonnéequetouscesgenssoientinformésdecette réunion d’urgence.Mary Hannah n’avait pas accès aux coordonnées des adoptants. Abasourdie,Laceysaluaitlespartisansvenusplaidersacause.

CettesolidaritéfitmonterleslarmesauxyeuxdeSierra.Desencouragementsfusaientdetoutesparts.—Onestavecvous!—Vousallezyarriver!—Courage!Dahliaetsonpersonnelsemirentàlesapplaudir.Lafoules’écartaenfin.LeDrVega,NathanetMike

apparurent.Émueauxlarmes,Sierratrébucha.Mikecroisasonregardetbranditunepancartesurlaquelleétait

inscritecettephrase:«Chacunmériteunesecondechance.»Un murmure parcourut l’assistance tandis que chacun levait une pancarte avec des photos et des

slogansdesoutienàlafamilleMcDaniel.Enfin,Sierracompritcommentilsavaientpuêtreprésentscesoir-là.Mikeavaitcomplotépourelle

etlessiens.Ilavaitimpliquésonfrèreafinqu’ilsesenteutile,qu’ilsemontrepositifàcemomentdécisif

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desavie.Ilavaitfaittoutcelapourelle,endépitdeleursrelationschaotiques.Ellequil’avaitrepousséaulieu

dediscuteraveclui!Cen’étaientpaslesvaleursquesesparents luiavaient transmises.Sapeuravaitprisledessus,cequiétaitinjustepourtouslesdeux,surtoutpourMike,carelleleprivaitnonseulementdesonamour,maisaussid’unefamilledontilfaisaitdésormaispartie.

Elleluiavaitditqu’ellel’aimaitsansallerplusloin,parpurégoïsme.Mike,lui,s’étaitjetéàl’eaupourluiprouverl’intensitédesessentiments.Elleluidevaitlamêmeabnégation.

Soulagée,Laceys’écroulasurlesiègeduSUV.Lamanifestationdesoutienaurefugeavaittouchélesmembresduconseil.Ilsavaientstatuéàhuisclospourvérifierlescomptesetlestémoignages,écoutélesHammondetlesMcDaniel,ainsiquel’agentParkeretleDrVega.

Ilsenétaientarrivésàlaconclusionqu’ilnefallaitrienprécipiteretprendreletempsd’évaluerlasituationpourgarantirl’intérêtdesanimaux.

Enprenantconnaissanceduverdict,Laceyavaitcomprisqu’elles’ensortirait.Leconseiladmettaitquesonobjectifétaitdesauverdesanimauxendétresse,etnonlaquêtedelagloireoularésolutiond’unconflitpersonnel.LeRefugede laSecondeChance respectait lesnormessanitaires,mais ferait l’objetd’unesurveillanceattentivependantunan.

Laceyétaitravie,sonrêvedemeuraitintact.Enentendantquelqu’unfrapperàlavitre,ellesursauta.Encoreunpartisan?Àl’issuedelaréunion,

elle avait passéplusieursheures àbavarder avec ses amis.MikeetSierra étaientpartisplus tôt avecNathan.

Dèsqu’elleeutbaissélavitre,Raysepenchaàl’intérieur.—Tuasdeuxminutesàm’accorder?—Montevite,répondit-elle.J’aibranchélaclimatisation.Ils’assitàcôtéd’elle.—Bravopour ce succès.Mike etNathanontvraiment assuré enorganisant cettemanifestationde

soutien.Tuasvu?Lesmédiassesontdéplacés.Lablogueuseétaitlàaussi.Tuvassûrementrecevoirdesdemandesd’adoption.

— Les médias ? Non, je n’ai rien vu. J’étais tellement angoissée que tout s’est déroulé dans lebrouillard.

Raysegardadeluitapoterl’épaule,commeill’auraitfaitd’ordinaire.—À te voir, onne le devinerait jamais.Tuparais si posée, simaîtresse de la situation.Tu es si

belle…Unsilencepesants’installaentreeux.—Jeteremerciepourcequetuasditfaceauconseilsurlessoinsquenousprodiguonsauxanimaux.Elleluiétaitégalementreconnaissantedeluiavoiraccordédutempspourfairelepoint,remettrede

l’ordre dans sa vie, alors qu’elle lui avait envoyé des signaux ambigus. Ray Vega était un hommeformidable.

—Jen’aipasmenti,répondit-il.—Tonavisdeprofessionnelapesé lourddans labalanceauxyeuxdemesopposants,quiétaient

nombreux.MaismoinsquesespartisansrassemblésparMikeetNathan.Elleétaittellementfièredesonfilset

del’hommequ’elleconsidéraitdéjàcommesongendre,mêmesiSierraparlaitderupture.—Jesuiscontentdem’êtrerenduutile.Rayméritaitd’avoirquelqu’undanssaviequipuisseluirendrecettegénérosité.—J’auraiscomprisquetugardestesdistancesaprèscequis’estpasséentrenous,lesoiroùjet’ai

amenéTrooper,reprit-elle,hésitante.Jamaisjen’auraisdûlaissercebaiserseprolonger.J’aiperdule

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contrôle.—Mettonsçasurlecomptedemonincroyablemagnétisme.—Ceneseraitpasfaux.—Maisieadémissionné.Elleatrouvétonfoularddansmonbureauets’enestoffusquée.—Vraiment?Tonegoadûêtreflattédetoutescesattentions.—Unpeu, c’est vrai, admit-il avec une grimace,mais elle a réagi de façondisproportionnée.Tu

devrais peut-être te méfier d’elle. À propos des actes de vandalisme contre ton refuge… J’ai crucomprendrequ’ellefréquentaitcertainsadeptesdescombatsdechienssurlesquelsl’agentParkermèneuneenquête.

Lesoufflecoupé,Laceyseredressa.—Tucroisvraimentqu’elleapulesinciteràvenirchezmoi?Danscecas,ceseraittrèsgrave.Ilfallaitqu’elleenaitlecœurnet.—Jenesaispastropquoipenser.J’aifaitpartdemessoupçonsàl’agentParkerquisurveilledéjà

ce groupe.D’après lui, l’un d’entre eux est prêt à conclure unmarché avec la police et à fournir despreuvesenéchanged’uneimmunité.Ilfallaitquetulesaches.

—Depuisquej’ailenouveausystèmedesécurité,iln’yapaseudeproblèmes,niaveclegénéral,niaveclesHammond.Celam’acoûtéunefortune,maisc’étaitunepriorité.Entoutcas,jeseraivigilante.

—C’estbien,fitRayenbaissantlatête.Écoute,j’aiautrechoseàtedire.Sontonneprésageaitriendebon.—Ilyaunproblème?s’enquitLacey,alarmée.—Je t’avaisparléd’unepropositiondeposte,sur lacôteOuest.Ehbien, ils insistentpourque je

leurréponderapidement.—Ettuvasaccepter,conclut-elle,lecœurgros.Parsafaute,ilallaitquitterunendroitqu’ilaimait.Alorsquelesanimauxavaientbesoindelui.—Enfait,non.J’airefusé,répondit-ilenregardantauloin.J’aibienréfléchiàmesobjectifsetj’ai

plutôtcontactéuneassociationcaritativequiagitdanslespaysduTiers-monde.Cettedécisionluiressemblait.Laceycompritquec’étaitpourlemieux,endépitdesesregrets.—Combiendetempsseras-tuparti?—Environunan,déclara-t-ilenposantunemainsurlanuquedeLacey.Àmonretour,jet’inviteraià

dîner.Ellepritsonvisageentresesmains.—Avecplaisir.Ilsepenchapourl’embrassersurlefront,puiss’enalla,lalaissantseule.Complètementseule.Depuisdesmois,ellecomblaitlevideentravaillant,continuantàfuirlachambreconjugale.Dansle

silencedelavoiture,ellesongeaalorsàlacitationd’HelenKellerqueSierraluiavaitdéclaméedanslavoiture:«Onnepeutperdrecequel’onaapprécié.Toutcequel’onaimeprofondémentfaitpartiedenous.»

Ellen’étaitpasseuledutout!

Assisaupieddesmarches,MikeattendaitqueSierraenaitterminéavecsafamille.Danslagrange,lesanimauxs’endormaientausond’unemusiquedouce.

Depuislaréunionduconseil,Sierraetluin’avaientpaseul’occasiondeseparler.Letempsdedireaurevoiràl’auxiliairedevie,des’occuperdeJoshuaetdesanimaux,Laceyétaitrentrée.EllelesavaitprévenusdenelaisserMaisies’approcherdurefugesousaucunprétexte.

C’étaitunpeubizarre,maisMikeavaitapprisànes’étonnerderiendelapartdesMcDaniel.

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Enentendantgrincerlaportemoustiquaire,ilseredressa.Sierraapparut,Troopersurlestalons.Elleétait superbe à la lueur des lanternes, avec son short en jean et son chemisier rose. Le regard pleind’amourpourlui,elles’approcha.ElleluiavaitrévélélaprofondeurdesessentimentsetMikecroyaitensasincérité.

Àprésent,iléprouvaitlebesoindeluimontrercombien,luiaussi,ill’aimait.—Onvafaireuntour?proposa-t-il.—Volontiers.Ellelepritparlatailleetglissaunemaindanslapochearrièredesonjean.Ill’enlaçaàsontouret

l’entraînaverslesbois.—J’airéfléchiàtesproposetjecomprendsquetuasdéjàdonnéaveclaviedemilitaire,déclara-t-

il.—Attends,j’yaipensé,moiaussi,et…—Laisse-moiparlerd’abord,coupa-t-ilenlaserrantplusfortcontrelui.Ilnevoulaitpasqu’ellesesacrifiepourluietqu’elleleregretteplustard.—J’aisignéuncontratquim’obligeàresterencoredeuxansdansl’armée,jenepeuxrienchangerà

cela.Maishier,j’aiparléàmonsergent-majoretdeuxsolutionss’offrentàmoi.—Tuasfaitquoi?demanda-t-elleenlevantlesyeuxverslui.—JepeuxrenoncerauxForcesSpécialesdèsmaintenant.Pourelle,iln’hésiteraitpasuneseconde.Ilavaittoujourscruquegravirleséchelonsdelahiérarchie

étaitsonrêve,maisilsetrompait.Cequ’ilvoulait,c’étaitpasserlerestedesavieavecSierra.—Sitondésirestquejequittel’armée,jeleferai.Enattendant,j’effectuerailesdeuxannéesqueje

doisici,àFortCampbell.Jeneteprometspasdenepasrepartirpendantcetemps.Maisj’auraiaumoinsposélesjalonsdenotreavenir.

—Queferais-tu,ensuite?demanda-t-elleprudemment,commesiellen’osaitycroire.—J’aurailapossibilitédereprendremesétudes.J’aideuxanspouryréfléchir.Mikenemanquaitdéjàpasderessources.Avecunenouvelleformation,ilétaitcapablederéaliser

desprouesses.—Quelleestl’autrepossibilité?Ellesemblaitencoreunpeuincrédule.Lesidéessebousculaientdanssatête.—Repousserd’uneannéemamissiondanslesForcesSpécialesetrestericipendantquetufinistes

études.Ensuite,nouspartirionspourFortBraggenCarolineduNord.Ensemble.Elles’arrêtanetpourluifaireface.—Tupeuxvraimentrepousserd’unan?—Jeneseraispaslepremier.—Riennegarantitquelaplaceseraencoredisponibleensuite,dit-elleenposantlesmainssurson

torse.Jeneveuxpasqueturenoncesàceprojetpourmoi.—Pourtoi,jeferaisn’importequoi,Sierra.Jerefusedeteperdre.—Maisqu’est-cequetuveux,toi?—Jeveuxêtreavectoi,affirma-t-ilenprenantsonvisageentresesmains.Jecomprendsquelavie

militairenetetentepas.Deplus,ilyacerefuge,danslequeltut’esbeaucoupinvestie.—C’estlerefugedemamère,paslemien.—Tuenescertaine?Moi,j’ail’impressionquetuashéritédesonétatd’esprit.Doncc’estàtoide

décider.—Jen’aipasàdéciderdetacarrièrenidetonavenir.—Tuveuxvivre avecmoi ? Je t’aime,Sierra.Écoute, soupira-t-il, j’essaiemaladroitement de te

demandertamain…Jevoudraisquel’onsemarie.ElleenroulalesbrasautourdesoncouavecunetendressequifitbattreplusfortlecœurdeMike.

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—Moiaussi,jeveuxt’épouser.Depuisledébut.Elle n’aurait pu citer de plus beau poème. Conscient qu’ils étaient à un tournant de leur vie, il

l’embrassa.Troopersurgitdesboiscommes’ilvoulaitprendrepartauxréjouissances.Ilsemitàaboyerendécrivantdescerclesautourducouple.

—Quantaureste,ons’arrangera.—Situveuxbienm’attendreici,jesuispartantepourlaCarolineduNorddansunan.Cequisignifiaitqu’elleacceptaitaussilavied’épousedemilitaire.C’étaituncompromisdetaille.—Tun’espasobligéedetedécidercesoir,luirappela-t-il.Lajournéeaétélongue.—Jen’aiaucundoute,assura-t-elle,leregardaussilimpidequesonpère.—Etlerefuge?—Cen’estpasparcequej’iraivivreailleursquejecesseraidedéfendrelacauseanimale,répondit-

elleencaressantTrooper.Ilyadesrefugesdanstoutlepays.L’expérienceacquiseauprèsdemamèremeserautile.

—DoncnousemporteronsunpeuduRefugedelaSecondeChancepartoutoùnousirons.—Absolument.C’esticiquenousavonsobtenunotresecondechance.Plusjamaisjenetelaisserai

partirloindemoi.Miken’enrevenaitpas.Elleallaitfaireuneplacepourluidanssavie.Cettefemmesublimevoulait

passersonexistenceàsescôtés.—Jet’aime,Sierra,répéta-t-il.Jet’aimecommeunfou.Surcesmots,ils’emparadeseslèvrespourexprimerpleinementlaprofondeurdesessentiments.Il

lasoulevadeterrepourlaplaquercontrelui.Lorsqu’ilinterrompitcebaiser,ilplongeadanssonregard.—J’ai trouvéunpoème,déclara-t-ilensouriant,désireuxdeluiapporterunpeudelégèretéaprès

cettejournéericheenémotions.—Unpoème?Ellesouritàsontouretlepritparlebras.Ilsmarchèrentsouslesétoiles.—Absolument.Jecherchaisunefaçond’enrichirmonvocabulaire.Ilesttempspourmoidepasserà

l’échelonsupérieur.—Lequel?—La poésie ! Je suis plus doué pour lamusique que pour les paroles. J’ai l’intention demettre

certainesdesœuvresquetuasétudiéesenchansons.Jeteleschanteraipeut-être,unjour.Enattendant:commenttedirecombienjet’aime,ômonamour?

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Épilogue

JesuisnéenterredeBabylone,maisjesuisdevenuaméricain.Depuismonarrivée,ilyadixans,jevisdansunefamilleaméricaine.J’aiaidédenombreuxanimauxàmieuxcomprendreleshumains.

Aujourd’hui,nouspartonsenvoyageetjesuisheureux.Jefaissemblantdenepasaimerêtretenuenlaissecarleshumainsmedonnentdesfriandisesquandj’accepteenfindemarcheraupas.C’estunpetitjeuentrenous.

Nousmarchonsdansuncouloircarreléquisentledésinfectant.Cen’estpasexactementunhôpital.Jene sais plus… Si je cherchemesmots, c’est peut-être parce que je suis un vieux chien. Grâce àmafamille,j’aibienvécu.

Aujourd’hui,ilssonttousavecmoi,cequin’arrivepassouvent.QuandMikeetSierraontdéménagépourqueMikesuivesaformationdanslesForcesSpéciales,jesuispartiaveceux.Sierradirigeunblogsurlaviemilitaireetellerecueilledesanimauxqueluiconfientlesrefugesmunicipaux.Elleaaidédenombreuses personnes avec ce blog. Mike a reçu des médailles pour ses exploits. C’est un père defamille,maintenant. Ilsontun filsetunbébéenroute. J’aidevinéqueceseraitune fille,maisne leurditesrien.Ilsveulentfairelasurpriseàtoutlemonde.IlslabaptiserontMillie.

Aujourd’hui,c’estl’anniversairedugénéral.Mêmes’ill’aoublié,safamilles’ensouvient.Ilsm’ontamenéaveceux.Lepersonneldecelieuquin’estpasunhôpitalestgentildemelaisserentrer.

Jeconnaislecheminverssachambre.NousvenonschaquefoisqueMikeetSierrasontenvisitedansleTennessee.Nathanm’aideàmontersurlelitcarj’aimalauxhanches.Jemecolleaugénéral,etilsaitquec’estmoi,mêmes’ilneparleplus.Onsecomprend.

—Bonjour grand-père, bon anniversaire ! lança Sierra, avant de chantonner à son oreille : «Onracontequ’aurégiment,lecaféesttoujoursbon…»

JoshuaMcDanielremueleslèvresensilence,maisj’entendslesparolesdansmatête.SierrarejointensuiteMikequioccupeleurfilsàl’aided’unjeuvidéo.Je sensunemain surma tête.Sonpoids, sonodeurme rappellent celled’unautreMcDaniel,mon

premiercontactavecunêtrehumain.Jeressenscelienindéfectibleentreunpèreetsonfils.Jel’aideàserappelersonfils.

Aufildesans,j’aiveillésurcettefamilledebiendesfaçons.Etjeseraitoujourslàpoureux.J’ai dû m’assoupir, ce qui m’arrive souvent, car je sens queMike me soulève du lit. Son odeur

familièremeréconforte.Ilsentlavie.C’estsonrôle,entantquepiloted’hélicoptère.Ilsauvelesgens.JevoislegénéralquandMikeetSierravontchezLacey,àl’occasionderéunionsdefamille.Depuis

qu’elleaachetélesterrainsdesHammond,LeRefugedelaSecondeChances’estétendu.Laceyetsonmarim’attendentsurleseuil.Ilssontheureux.Cen’estpasàmoidevousrévélerlenomdeceluiqu’elleaépousé.C’estuneautrebellehistoired’animauxàpartager.

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Il y a autant d’histoires qu’il y a d’animaux, car nous sommes faits pour vivre ensemble et nousentraider.Leshumainsnousabritentetnousabritonsleurcœur.C’estlànotremissionsurterre.

GrâceàdesendroitscommeLeRefugedelaSecondeChance…Qu’ilnoussoitdonnéd’avoirlasatisfactiondudevoiraccompli.