TOUMAÏ, LE NOUVEL ANCÊTRE - cdn.reseau-canope.fr · Le discours et les commen-taires sont en effet assurés par une voix prêtée à Toumaï lui-même, qui s’exprime à la première

TOUMAÏ, LE NOUVEL ANCÊTREToumaï, ou Sahelanthropus tchadensis, est le nom donné à un crâne fossile décou-vert en 2001 par la «Mission Paléoanthropologique Franco-Tchadienne» dirigée parle professeur Michel Brunet. Ce film est le premier à se consacrer entièrement à lareconstitution des étapes de cette bouleversante découverte et de son étude, qui apermis de faire entrer dans la galerie des ancêtres de l’humanité le plus ancien homi-nidé connu à ce jour. Vieux de sept millions d’années, ce crâne fossile détrôneraitainsi Orrorin tugenensis – qui aurait six millions d’années – mis au jour fin 2000 dansle nord-ouest du Kenya par le groupe de Brigitte Senut et de Martin Pickford(Muséum national d’histoire naturelle et Collège de France), mais égalementArdipithecus kadabba – ayant vécu il y a quatre à cinq millions d’années – décou-vert en 2001 en Éthiopie par Yohannes Hailé-Sélassié. Cette découverte permet àla recherche scientifique de compléter le rameau humain et l’amène à repenserl’origine de l’humanité.La localisation de la découverte interroge le scénario de l’East Side Story, avancépar le français Yves Coppens, selon lequel notre lignée serait apparue à l’est ducontinent, quelque part en Éthiopie, le Kenya et la Tanzanie. Toumaï, lui, surgit à2500 kilomètres à l’ouest de la vallée du Rift, cette fracture tectonique qui par-court l’Afrique orientale.L’originalité de ce film tient également à sa forme de documentaire-fiction. Lesquatre étapes de ce film se présentent comme une prosopopée : la reconstructiondu visage de Toumaï, sa comparaison aux grands singes et aux préhumains, lareconstitution hypothétique de son milieu et de ses conditions de vie, le question-nement d’une science sur les origines des hominidés. Le discours et les commen-taires sont en effet assurés par une voix prêtée à Toumaï lui-même, qui s’exprimeà la première personne. Par ailleurs, le dispositif de fictionnalisation est pousséjusqu’au point de vue porté sur les travaux de recherche : de nombreux plans simu-lent le regard de Toumaï, dévoilant un dispositif rhétorique et filmique dont

TO U M A Ï , L E N O U V E L A N C Ê T R E 1

Livret Toumaï 6/03/06 16:20 Page 1

le caractère volontairement anthropomorphique touche également la présenta-tion des relations de Toumaï avec une femelle : la fin du film prend l’allure d’unefiction romancée où trouvent aussi leur place les règles de la famille et du groupe.Ce dispositif initialement surprenant permet non seulement d’exposer la réalité etles spécificités du travail de recherche scientifique, mais également de rendre pré-sents des questionnements dont on mesure la part d’intuition et les enjeux philo-sophiques.

CARTE D’IDENTITÉDISCIPLINES, CLASSES ET PROGRAMMES CONCERNÉSSVT, 1re L, ES. Place de l’Homme dans l’évolution. Tle S. Enseignement commun :Parenté entre êtres vivants actuels et fossiles – Phylogenèse – Évolution. La mesuredu temps dans l’histoire de la Terre et de la vie.PHILOSOPHIE, Tle S. Notions : La culture (la technique) ; La raison et le réel (ladémonstration, le vivant, la matière et l’esprit, la vérité).TPE. L’homme et la nature, Ruptures et continuité.IDD (Sciences, Géographie, Éducation à l’image).ÉCOLE (cycle 3). La préhistoire ; point fort : les premières traces de vie humaine.TOUS NIVEAUX. Éducation à l’image.

NOTIONS PRÉREQUISESLa paléobiologie, les traces de la vie humaine, les fossiles.Actualisme1 (pour les lycéens).

NOTIONS À EXPLIQUER OU À RÉINVESTIRÉvolutionnisme, rameau humain, évolution, origine de l’Homme, recherche descaractères communs entre espèces, la parenté des espèces, humain.Penser le passé, démontrer, la recherche scientifique, l’histoire et la préhistoire.Rapport fiction/réalité.Paléontologue, paléoanthropologue, archéologue, mission, site, fouilles.Démarche d’investigation, dispositifs de vulgarisation et rhétorique2 (prosopopée,personnification).

2 TO U M A Ï , L E N O U V E L A N C Ê T R E

1. Théorie postulant que les lois régissant les phénomènes géologiques, biologiques, climatologiques...actuels étaient également valables dans le passé (principe dit des causes actuelles et des causesanciennes). Cette théorie s’est opposée à celle du catastrophisme selon laquelle certains événe-ments du passé ne s’expliqueraient que par des phénomènes particuliers et souvent violents(Dictionnaire de géologie, voir «Ressources »).2. La rhétorique est l’art de présenter les idées de la façon la plus persuasive par l’invention (recher-che des idées), la disposition (le plan, l’organisation), l’élocution (le recours aux images, figures,effets de style), l’action (diction, intonation et gestes…).


NOTIONS À METTRE EN PLACEPhylogénie, arbre phylogénétique, lignée humaine.Datation relative, datation absolue.Critères d’appartenance à la lignée humaine, caractère buissonnant de la lignée humaineet de toutes les lignées phylogénétiques animales et végétales, propre des humains.Actualisme (pour les écoliers).

DÉCOUPAGELa construction du film est à l’image des étapes de la démarche scientifique. Dansce film, on en distingue quatre.00min 00s Présentation d’une découverte00min 42s Toumaï, le nouvel ancêtre (générique)Présentation de Toumaï par lui-même (prosopopée) : «Voici mon histoire et le débutde la vôtre. » Les savants qui l’ont découvert le reconnaissent comme le plus vieilancêtre des humains.02min 40s Un fossile inattendu pour la scienceEnfoui dans le sable depuis sept millions d’années, le crâne de Toumaï a été décou-vert récemment. Il permet de « repenser » la théorie de l’East Side Story sur l’ori-gine de l’humanité (Yves Coppens, Le Singe, l’Afrique et l’Homme, 1983).04min 05s Fouille au nord du TchadOnze années de fouille à l’ouest de la vallée du Rift, dans le désert du Djourab(Tchad) par la «Mission Paléoanthropologique Franco-Tchadienne » dirigée par leprofesseur Brunet. 1995 : découverte de la mâchoire d’Abel (un australopithèquedatant de 3,5 millions d’années). 2001 : découverte du crâne fossilisé de Toumaï(un nouveau type de préhumain datant de 7 millions d’années).05min 58s Témoignages autour d’une découverteRécit de la découverte de Toumaï, de l’attribution de son nom, « espoir de vie » enlangue goran. Mots de présentation des intervenants du film.

07min 37s Première étape : la reconstruction du visage de Toumaï08min 05s Analyse de la face et des détails de l’anatomie interne de ToumaïEuropean Synchrotron Radiation Facility (Grenoble) : analyse du crâne aux rayonsXd’un « super scanner ».10min 15s Reconstructions virtuelles et interprétationsUniversité de Zurich (Suisse) : deux reconstructions, assistées par ordinateur, de laforme du crâne déformé par la sédimentation et la comparaison des résultats pourune plus grande fiabilité permettent de faire l’hypothèse de la bipédie de Toumaï.14min 25s Réalisation d’un moulage en résineÀ partir de la reconstruction en trois dimensions, le moulage en résine du crânepermet d’observer la forme d’origine, non déformée, de ce crâne et de réaliser



son « portrait-robot » (mise en place des yeux, des muscles, de la peau, des poilspar Elizabeth Daynes, spécialiste en reconstructions paléontologiques). Pour lespaléontologues, l’image de Toumaï reste le crâne, la reconstruction n’est qu’ap-prochante.18min 49s Analyse des différentes reconstructions de ToumaïComparaison par David Pilbeam du crâne, du moulage en résine et de la recons-truction du visage.21min 50s La marche de ToumaïSimulation de la posture debout de Toumaï, de son éventuelle marche bipède, unenouvelle posture qui implique, « dit » Toumaï, de prendre des risques, de ressentirde la peur et de la solitude.

23min 52s Deuxième étape : comparaison de Toumaï aux grands singes et aux préhumains

Toumaï devait être bipède : le plan du trou occipital par rapport à l’orientation ducou est supérieure à celle d’un angle droit. (Probabilité d’une musculature de lanuque très forte.)25min 35s Des caractères en faveur d’une bipédie de ToumaïToumaï est un être très proche de la séparation entre chimpanzé et préhumain :canine supérieure de petite taille (comme chez l’homme), face plus courte et plateque chez les grands singes, bourrelet sus-orbitaire très fort, plan de la nuque trèsincliné vers l’arrière, attache de la colonne vertébrale à la base du crâne plus enavant que chez les grands singes.

26min 33s Troisième étape : la reconstitution hypothétique du milieu et des conditions de vie de Toumaï

27min 00s Recherche d’autres fossiles dans le désert du DjourabRecherche d’autres fossiles : indices (passé et âge de Toumaï, animaux de son épo-que) et indicateurs propices à la vie d’autres hominidés. Une investigation métho-dique. Avantages et inconvénients du facteur vent. Découverte de fossiles de petitetaille et isolés (mammifères et hominidés) : hypothèse de la découverte des restesde la première famille d’hominidés.33min 10s Un groupe et une famille autour de Toumaï…Supposition concernant un entourage : «d’autres Toumaï », l’idée d’une famille, derelations dans le groupe (domination, reproduction, « sentiments »).35min 20s En bordure d’un lac ou d’un mégadelta…Racines de plantes fossilisées : indices d’une bordure de lac ou du rivage d’unmégadelta (Tchad). Similitude avec les rivages actuels de l’Okavango (Botswana).Tchad: mise au jour de fossiles d’ancêtres d’espèces que l’on trouve dans l’Okavango,dont l’âge a été évalué (par comparaison avec ceux d’autres sites) à - 7 millionsd’années.



43min 00s Dans une savane sèche ou une forêt tropicale humide…Les arbres : nids protecteurs contre d’éventuels ennemis (éléphants). Observationde la dentition et déduction du régime alimentaire (noix, fruits…) de Toumaï : vivait-il dans une savane sèche, dans une forêt tropicale humide ou en bordure des deux?Une vie alimentaire faite d’expérimentations multiples : utilisation d’outils rudi-mentaires. Déplacements à travers la savane dus à l’appauvrissement des zonesboisées et dans le but d’atteindre d’autres îlots forestiers. Recherche d’un milieu per-mettant une nourriture variée (Okavango). Déplacements dans la savane à décou-vert : une lutte de chaque instant contre la faim, le froid et les prédateurs. Recherched’une forêt fournissant à la fois nourriture et protection (Okavango). Suppositionconcernant des attitudes liées à la survie en mangeant les restes d’un cadavre d’unéléphant primitif.58min 16s Une zone de marécages, d’eaux profondes ou de lacs de forêtLa découverte de fossiles de poissons (Tchad) permet d’imaginer l’environnementde Toumaï comme une zone de marécages et d’eaux plus profondes et/ou commedes zones de forêt avec des lacs. Découverte d’un fossile de tigre à dents de sabre.Classification et conservation des fossiles au Centre national d’appui à la recher-che de N’Djaména du Tchad, parmi lesquels se trouve une cinquantaine d’espècesde mammifères primitifs.01h 02min 00s Découverte d’un lieu réel proche de l’environnement

supposé de ToumaïArbres en bordure de rivière, avec beaucoup de nourriture (Okavango) : des noix, desfruits, des feuilles tendres, des racines de nénuphars. Simulation de Toumaï en trainde manger ces racines crues. Toumaï boit de l’eau sur les bords du delta (fiction).

01h 03min 53s Quatrième étape : le questionnement d’une science sur les origines des hominidés

Hypothèses sur l’organisation sociale du groupe de Toumaï, Sahelanthropustchadensis. Historique de la découverte d’autres fossiles majeurs comme Orrorintugenensis, Lucy, Herto, Ardipithecus kadabba. Toumaï semble être à la base de lalignée de l’évolution de l’Homme. La découverte de cet ancêtre renvoie à un ques-tionnement sur l’humanité et a fait entrer le Tchad dans l’histoire de l’Homme.01h 04min 14s Une description de ToumaïUn préhumain d’une nouvelle espèce, très proche de l’ancêtre commun aux hom-mes et aux chimpanzés. Bipède d’une taille de 1,10 m à 1,30 m, d’un poids de 30à 45 kg et âgé d’environ 30 ans, il a vécu au sein d’une famille d’au moins six indi-vidus (mâles et femelles). Organisation sociale proche de celle des chimpanzés.01h 05min 07s Suite imaginée à l’histoire de ToumaïToumaï a sa place au sein d’un groupe d’hominidés et auprès d’une femelle. Luttepour la domination du groupe et la reproduction de l’espèce: victoire contre un mâleplus vieux. Grossesse de la femelle dans un nid.



01h 07min 15s La place de Toumaï parmi les découvertes paléoanthropologiques

Discussion au National Museum d’Addis Abeba (Éthiopie) : depuis 1924, seul Abelet Toumaï ont été découverts à l’ouest de la vallée du Rift. À l’est, les découvertesd’Orrorin tugenensis (Kenya) et des ardipithèques (Éthiopie), vieux de 6 millionsd’années, corroborent une nouvelle datation de l’origine de l’humanité. Mais, selonMichel Brunet, peu d’éléments permettent de valider la théorie d’une migration despremiers hominidés de l’ouest vers l’est.01h 09min 45s De Toumaï à Herto d’Éthiopie (le premier Homo sapiens)Le début de l’histoire des préhumains commence avec Toumaï et se finit avec le débutde celle de Herto (-155000 à -160000 ans).01h 11min 17s Conclusion : chaque découverte est un moment d’émotion

extraordinaireLucy découverte en 1974 (Éthiopie) par Yves Coppens reste un symbole : elle setrouve à mi-chemin (- 3,2 millions d’années) de l’évolution entre Toumaï et leshommes d’aujourd’hui.01h 12min 13s Conclusion proposée par la fictionDécouverte par Toumaï de la paternité, de la conscience de soi en se voyant, lui etles siens, dans le reflet de l’eau (« Qui sommes nous et d’où venons nous ? »). Lasociabilité de Toumaï : préservation des siens, de la cohésion du clan et de la conti-nuité de l’espèce lors d’une rencontre avec un tigre à dents de sabre.

PISTES PÉDAGOGIQUESENTRAÎNEMENT À LA PRISE DE NOTESAfin de préparer les élèves aux différentes suggestions pédagogiques, l’enseignantinvitera la classe à prendre des notes pendant la projection, à partir du commen-taire dit dans le film. Cet exercice permet à l’élève de mieux se concentrer sur lecontenu du film (son et images), de s’entraîner à prendre des notes à la volée (enfonction de la classe, l’enseignant peut arrêter le DVD et profiter de ces pausespour aider à hiérarchiser les informations), de s’auto-évaluer en constatant si sesnotes lui permettent de répondre aux questions orales ou écrites posées par l’en-seignant et réaliser les activités qui suivent.

LE PREMIER HOMME? CONTEXTE ET ENJEUX SCIENTIFIQUESRappeler que l’origine de l’Homme fait, depuis près de deux siècles, l’objet d’une enquêtescientifique aux multiples rebondissements. Expliquer que, contrairement à ce quepourrait laisser croire face à l’accumulation des découvertes récentes en matière defossiles, il reste encore beaucoup à apprendre de notre histoire évolutive. Définir lapaléontologie, la science qui étudie les êtres disparus, essentiellement connus par leursrestes fossiles ou les traces de leur activité (voir le Dictionnaire de géologie, «Ressources»).



LES CARACTÉRISTIQUES DES PRÉHUMAINSExpliquer que du point de vue de l’évolution, l’affirmation « L’homme descend dusinge» communément entendue est fausse. L’homme fait partie d’un grand groupezoologique dont les représentants ont trente-deux dents à l’âge adulte, des yeuxen façade situés juste de part et d’autre d’un nez dépourvu de rhinarium, et desextrémités de membres dotées de cinq doigts munis d’ongles.Expliquer en quoi la classification des espèces demeure indispensable. Puis, expli-quer le rôle de la systématique, la discipline scientifique qui s’occupe d’étudier lescaractères des êtres vivants et qui permet ainsi de mettre en évidence leur appar-tenance à une espèce, une famille… Ainsi, on rapproche plus les grands singes(chimpanzés, gorilles, orangs-outangs) des hommes que des autres singes.Réaliser un tableau à double entrée listant les caractéristiques anatomiques rap-prochant d’une part Toumaï des grands singes et d’autre part des hominidés. Pource faire, visionner la séquence sur les caractéristiques de la mâchoire de Toumaï(09min 35s) : la canine, les trois molaires, les deux prémolaires qui ont toutes lesdeux trois racines, ce qui est un caractère primitif hérité de l’ancêtre commun auchimpanzé et aux humains. Utiliser la séquence sur l’inclinaison marquée de la basedu crâne vers l’arrière de Toumaï (12min 15s), comparée à la face nucale très redres-sée d’un gorille mâle : « Toumaï rentre dans le domaine de la variation observéechez les australopithèques», qui sont bipèdes, observe Michel Brunet. À 25min 45s,les principaux caractères permettant de rapprocher Toumaï des préhumains sont indi-qués et cette séquence permet éventuellement de terminer de compléter le tableaucomparatif entre les caractères de Toumaï et ceux des grands singes.


TOUMAÏ GRANDS SINGES

Dentition - Canine supérieure de petite taille - Canine développée- Usure plate des canines - Usure des canines témoignant du(par la pointe) fonctionnement comme des crocs

- 3 racines pour les molaires et prémolaires

Face - Plus courte et plate - Prognathisme- Partie subnasale très courte - Partie subnasale très allongée

Bourrelets - Épais bourrelets sus-orbitaires - Bourrelets sus-orbitaires très fortset crêtes (probablement un mâle) - Crêtes sagittales développées

Plan nucal - Très incliné vers l’arrière

Attache - En avant - À l’arrièrevertébrale - Trou occipital sous le crâne - Un trou occipital à l’arrière

perpendiculaire à l’orientation du cou du crâne

Rapprochement des préhumains


Puis, répertorier les arguments en faveur de la bipédie de Toumaï. Discuter l’impor-tance de la découverte d’os des membres (pour Orrorin tugenensis, on dispose d’unfémur alors que pour Toumaï, même si son crâne est dans un parfait état de conser-vation, on n’a pas le reste du squelette) comme argument décisif pour être certainde la bipédie. À partir de la séquence à 43min 25s sur des essais de simulation de lamarche de Toumaï, expliquer pourquoi parler des bipédies et non plus de la bipédie.Analyser en quoi Toumaï pose la question de l’identité humaine. S’appuyer sur laséquence faisant référence aux prises de risques, facteurs de développement.Commenter et analyser la scène du miroir (reflet dans l’eau, 01h 13min 41s). Nefait-elle pas référence à une prise de conscience de soi, caractéristique de l’hu-main? Commenter la signification symbolique du nom «Toumaï », choisi par le pré-sident tchadien Idriss Déby, qui signifie « espoir de vie » en langue goran.

ORRORIN OU TOUMAÏ? On a longtemps pensé que la lignée des hominidés aurait émergé à l’est de la val-lée du Rift. C’est l’East Side Story d’Yves Coppens. Localiser ces vallées qui corres-pondent à un vaste fossé d’effondrement de l’écorce terrestre. Quand se défor-ment-elles (vers sept millions d’années)? Quelles sont les conséquences climatiquesà l’est ? Exposer la théorie d’Yves Coppens que l’annonce d’Orrorin en 2000, unhomininé au crâne primitif mais doué d’une bipédie affirmée, vient consolider.Deux ans plus tard, la découverte au Tchad de Toumaï, environ deux fois plus vieuxque Lucy (Australopithecus afarensis), par la «Mission Paléoanthropologique Franco-Tchadienne» permettrait d’identifier le plus ancien représentant de la lignée humaine.Actuellement, autant l’est que l’ouest des vallées du Rift ou encore d’autres régionsen Afrique sont concernés par la question des origines des homininés, ce qu’admet YvesCoppens. Remarquer que l’hypothèse de l’origine africaine de l’Homme, déjà pressen-tie par Darwin en 1871 et validée par Leakey à partir des années 1930, n’est à ce jourpas remise en question par des arguments scientifiques. Montrer comment la scienceévolue avec un questionnement permanent. S’appuyer sur le propos d’Yves Coppens(07min 26s) pour illustrer l’enrichissement des connaissances: «Les découvertes d’Abeld’abord puis surtout de Toumaï ont élargi considérablement le berceau, ce que l’on consi-dère comme le berceau tropical et africain de l’humanité et il faut repenser cela demanière plus généreuse. » L’East Side Story correspondait parfaitement à l’état desconnaissances en 1980, mais les données ne sont désormais plus les mêmes. YvesCoppens a reconnu lui-même que sa théorie n’était plus d’actualité (La Recherche,n°361, février 2003). C’est ainsi que la science avance… en se «raturant elle-même»disait Victor Hugo. Expliquer qu’en science, la vérité est toujours provisoire: elle estune étape transitoire vers autre chose. Selon Michel Brunet, la qualité d’un scientifi-que se mesure notamment à sa capacité à répondre publiquement: «Je ne sais pas.»Comment ce principe d’incertitude est-il rendu dans le film? (Le commentaire deToumaï dans le film –la prosopopée, développée ci-contre– permet de faire la part entre



ce qui est connu à l’heure actuelle et ce qui est encore hypothétique.) Enfin, lors d’unesortie au Muséum national d’histoire naturelle, dégager les caractères d’Orrorin(crâne, fémur, phalange de la main…).

UN DISPOSITIF RHÉTORIQUE AU SERVICE DE LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE

La prosopopée de Toumaï Dans ce film, le professeur Brunet assure trois rôles : il est le découvreur de Toumaï,le conseiller scientifique et le co-auteur du film. Mais le dispositif rhétorique choisidonne également à entendre une autre voix, celle de Toumaï. Nous connaissions laprosopopée des Lois dans le Criton de Platon ; celle de la première Catilinaire oùCicéron fait parler l’Italie et la République ; celle du duc de Montausier dans sonoraison funèbre par Fléchier ; celle de Joad dans l’Athalie de Racine et celle deFabricius dans le Discours sur les sciences et les arts de Rousseau. Ce film est éga-lement une prosopopée : celle de Toumaï. En effet, sur la base de cette figure destyle qui consiste à prêter le sentiment et la parole à des êtres inanimés, morts ouabsents, il donne voix, sentiments et regard à Toumaï qui s’exprime donc à la pre-mière personne. Ainsi, les voix de Toumaï et du professeur Brunet s’alternent, cha-cune assurant une partie du commentaire. De même, le dispositif filmique livre sonobjet à travers deux points de vue : celui, externe, qui présente le professeur Brunetet son équipe au travail dans les différents lieux de la recherche, et celui, interne,de Toumaï, qui regarde –se regarde ! – comment se déroule la recherche et livre sespensées et ses questions. Ce deuxième point de vue est réalisé par des visions enflou, qui miment le regard du «nouveau-né» sur un monde auquel il existe désor-mais et qu’il découvre.

Documentaire et fictionCe film est donc à la fois un documentaire et une fiction. Un documentaire car lesétapes de la découverte de Toumaï sont présentées dans l’ordre et le respect deleur succession, sur les différents lieux réels nécessaires à sa validation (le champde fouilles, la nature, les laboratoires), ses acteurs sont vus dans l’activité même dela recherche, ils y sont interviewés et on les voit travailler. Une fiction car Toumaïparle et livre ses sentiments, de même que les hypothèses sur ses conditions devie, ses relations avec des êtres de la même espèce sont humanisées et présentéescomme une histoire à épisodes (sa rencontre avec une femelle, la naissance d’unbébé, sa lutte pour protéger le groupe contre l’ennemi qui est un tigre aux dentsde sabre…) situés entre un début et une fin : Toumaï «meurt ». À cet endroit, onnotera que les séquences initiales et les séquences finales du film présentent lamême course-poursuite entre le tigre et Toumaï et offrent ainsi un effet de bou-clage qui confirme l’aspect fictionnalisé de ce documentaire-fiction.



Image de la recherche scientifiqueCe dispositif a l’avantage de présenter une image vivante de la recherche scien-tifique, faite des émotions de la découverte et de la rigueur de la méthodescientifique. L’intérêt de ce film réside également dans la mise en valeur detous les aspects du questionnement scientifique qui oscille, tout en progres-sant, entre la théorie et l’intuition. C’est là la dimension philosophique que pro-pose aussi ce dispositif. En effet, la voix de Toumaï, tout en commentant la réa-lité de la progression de la recherche et de ses procédures de validation, incarneégalement les questions que peut se poser le spectateur. Autrement dit l’ima-gination rejoint et aide au déploiement de la science, pour reprendre les motsde Jules Verne, ce en amont : le travail scientifique ne laisse bien entendu plusla place à l’imagination dès lors que les scientifiques ont des objets sur lesquelstravailler.

ÉDUCATION À L’IMAGE : DEUX SÉQUENCES FILMIQUES À COMMENTERPour illustrer l’originalité et les enjeux de ce dispositif rhétorique et filmique,deux commentaires de séquences filmiques sont proposés : le premier rejoint lecaractère documentaire du film tout en en soulignant la fictionnalisation ; lesecond rejoint le caractère fictionnel du film, tout en soulignant les question-nements scientifiques. Les deux séquences sont à étudier dans le sens d’unedynamique. Elles constituent deux étapes essentielles de ce film et deux appro-ches fondamentales de la recherche sur l’identité humaine, qui allient espritscientifique et intuition, théorie et expérience, science et imagination.

Commentaire de séquence filmique1


MINUTAGE CONTENUS ET PLANS INTERPRÉTATION QUESTIONNEMENTSCIENTIFIQUE

La mise en acte Reconstituer Toumaï de la prosopopée pour s’approcher

de Toumaï : le visage du premier visage et la parole de l’humanité

14min 17s Plan fixe du crâne Mise en acte Expliquer la techniquerestauré : «Après sept de la prosopopée : de moulage sur résine.

millions d’années, le crâne parle et décritje retrouve ma forme le dispositif rhétorique

d’origine. » qui fait que Toumaï est un crâne et une

voix qui dit « je ».


14min 27s Plan séquence : arrivée Métaphore Mise en placedes deux chercheurs de l’humanisation des muscles

vers le moulage de Toumaï et de la peaudu visage reconstitué pour donnerde Toumaï recouvert « corps » à la « tête ».d’un film plastique : Les muscles «Portrait-robot » ; contribuent

« Je suis impatient de à donner un aspectdécouvrir mon visage ». et un visage.

14min 39s Dévoilement La lenteur et le silence Expliquer l’intérêtdu visage moulé. du dévoilement scientifique (vérification

Silence. dramatisent l’apparition d’hypothèses) du visage moulé. de reconstituer

un moulage de Toumaï.

14min 44s Le crâne restauré. Préparation du changement de point de vue : Toumaï va « voir ».

14min 48s Vision en flou Vision du point Cette image est du moulage. de vue de Toumaï. virtuelle puisque

La prosopopée ce n’est pas le fossile est regard : Toumaï retrouvé par voit en flou comme les scientifiques !le nouveau-né qui voit en trouble le

monde qui l’entoure.

14min 50s Retour au moulage. Le plan sur les deuxEn arrière-plan : visages de Toumaï le crâne restauré. mime la progression

de la reconstitution du visage de Toumaï.

Rappeler l’intérêt du super scanner »

(08min 05s) pour comprendre

l’anatomie de Toumaï.

14min 54s Les chercheurs Les étapes comparent le crâne de la reconstitution

restauré du visage.et le visage moulé.



15min 03s Plan sur les « visages » : Surimpression Comparer le crâne le crâne restauré et, des différents visages découvert de Toumaï

en premier plan, que la science parvient et son moulage.le moulage. à donner à Toumaï. Cette image est une

forme approchante, mais l’objet réel d’étude

pour les scientifiquesest le crâne fossile.

15min 10s Plan séquence sur Mise en valeurle chercheur spécialiste du travail de la main,de la reconstitution au et de la science travail sur le moulage. comme artisan de la

restauration du passé.

15min 22s Plan sur Mise en acte de Rappeler l’importanceles deux chercheurs principes fondateurs pour les scientifiques

et juxtaposition du raisonnement de redonner une image des trois crânes : scientifique : « approchante »

celui d’un chimpanzé, – la comparaison ; de Toumaï.celui du moulage, – la distinction.

celui du crâne restauré.

15min 24s Discours scientifique Le discours et Différences entrede comparaison l’esprit scientifique. les parties subnasales,

entre les trois crânes. très dissemblablesde ce que l’on observe chez les chimpanzés.

15min 37s Plan sur le moulage. Effet d’humanisation du visage moulé :

le regard.

15min 58s Plan sur le moulage : La touche la plus Lucy est différente,centrage sur les yeux. décisive ce qui renforce

de la reconstitution : l’importance de la les yeux. découverte de Toumaï.

16min 00s Plan tournant Effet d’attente :qui part de derrière le spectateur

le moulage et progresse va découvrir vers la face. le premier hominidé.

16min 07s Tête-à-tête . Toumaï du chercheur et et le chercheur :

du moulage, une rencontre, une « créature à part ». une émotion.



16min 13s Nouveau plan : Dramatisation : Justifier le termele moulage fascination devant de « créature à part »

devenu visage. le visage de Toumaï. (âge, des caractèresPlan tournant particuliers, une

silencieux. position dans l’arbre phylogénétique).

16min 17s Plan sur le crâne Note humoristiquerestauré : « Est-ce que dans le discours deça va être long avant Toumaï : impatience

que je puisse me voir ? » de la découverte.

16min 23s « Je me sens Les différents visages un peu bizarre. » que la science

Fondu enchaîné où se donne à Toumaï,surimposent le crâne au fur et à mesurerestauré, le scanner de sa progression.d’un crâne, le visage « réel » de Toumaï et

le moulage (plan final).

16min 31s Noir.


Commentaire de séquence filmique 2

MINUTAGE CONTENUS ET PLANS INTERPRÉTATION CONTENU SCIENTIFIQUE

La vie de Toumaï : La vie de Toumaï :la scène du miroir son environnement,

sa culture, son organisation…

01h 12min 42s Toumaï, une femelle Prosopopée de Toumaï : Noter les différenceset un bébé : « Est-ce son questionnement visibles entre

comme ça que l’histoire est celui du spectateur, la femelle a continué, que d’autres mais également celui et le mâle

sont arrivés, se sont des scientifiques (taille, bourrelets reproduits, ont évolué? » sur l’évolution. sus-orbitaires).

01h 13min 17s Toumaï près d’un étang. Toumaï dans son Noter la démarchePlan en plongée. milieu de vie. de Toumaï.

L’eau : symbole de Se questionner survie et de ralliement la présentation d’une

du groupe. bipédie fréquente et assurée.


01h 13min 29s Gros plan sur Le référent du le visage de Toumaï : «nous » interpelle

« Et nous, le spectateur misde notre côté…» face à son ancêtre

et à son identité.

01h 13min 32s Toumaï vu de dos. Mise en attente Noter l’utilisationdu spectateur. de la main comme

01h 13min 35s Toumaï vu de côté. Fascination par Toumaï.outil pour boire.

01h 13min 38s «Qui sommes-nous? » Toumaï pose la question que se pose le spectateur.

01h 13min 41s Le reflet du visage Après la questions de Toumaï dans l’eau, sur l’identité humaine, puis retour à Toumaï le visage de Toumaï.

vu de côté. Nous nous regardons autant dans cet étang

que Toumaï (identification).

01h 13min 50s Deuxième gros plan La question sursur le reflet du visage l’identité humaine de Toumaï dans l’eau. demeure : seule

la science pourra répondre à notre questionnement

identitaire.

01h 13min 55s Plan sur le groupe Simulation de la viedes hominidés « sociale » de Toumaï.près de l’eau, la Favoriser

caméra se rapproche. l’identification du spectateur.

01h 13min 58s Plan de côté de Toumaï Le couple : symbole Vie en groupe, et de la femelle. de la reproduction. société, clan?

01h 14min 05s Gros plan sur les visages Thématique de la Questionnement de Toumaï, de la naissance, de la famille sur l’organisation

femelle et sur le bébé. et de la reproduction. du groupe.

01h 14min 07s Plan en plongée : le Le couple,couple devant l’étang. la famille,Le groupe arrive et se le groupe : embryonrapproche du couple. de vie sociale.



01h 14min 17s Plan séquence Contraste entresur le tigre aux dents le groupe de Toumaï

de sabre qui se et le prédateur, rapproche du groupe. animal solitaire.

01h 14min 21s La femelle et le bébé. L’alternance Noter des plans mime la représentation

la mise en danger du milieu.du clan Toumaï.

01h 14min 24s Le tigre se rapproche. Mise en danger de l’espèce.

01h 14min 29s « Il fallait assurer la Justification Retrouver toutescohésion du groupe. » de la témérité les caractéristiques Alternance de plans : de Toumaï : de l’environnementpoint de vue du tigre/ fictionnalisation déterminées par

point de vue de sa disparition. la démarchede Toumaï pourchassé, scientifique

course-poursuite. présentée plus tôt.

01h 14min 36s Toumaï court, Suspens habituel aux le tigre le poursuit. courses-poursuites. Milieu lacustre, Plan de poursuite Hypothèse forêt, savane

à travers les herbes sur la fin arborée, animaux…).hautes, comme de Toumaï :

au début du film. protéger le groupe.

01h 14min 45s Course-poursuite dans les herbes hautes,

plan séquence.

01h 15min 02s Plan sur le ciel bleu : Réunion des deux La disparition « Je m’appelle Toumaï, acteurs principaux de Toumaï

c’est la fin de mon d’une fiction : fait penserhistoire et le début le personnage à la disparition

de la vôtre. » et le spectateur de son espèce ne font qu’un. et au début de

la lignée humaine.Discuter l’évolution

non pas linéairemais buissonnante

qui touchera les descendants

de Toumaï.

01h 15min 20s Générique de fin.



LA DÉMARCHE D’INVESTIGATIONLister les différentes spécialités des intervenants. Prendre conscience du caractèreinternational de la recherche.Exposer la méthode suivie par l’équipe de paléoanthropologues sur le site du Djourab:intérêt de suivre d’année en année un même site sur lequel le vent, agent d’érosion,met à jour de nouveaux fossiles et aide à la reconstitution progressive d’un vérita-ble puzzle… Reconstituer la chronologie de l’enquête scientifique. Y a-t-il une partde chance dans la découverte? Les paléoanthropologues ne trouvent pas par hasard.Se référer aux propos du professeur Brunet : « La chance, ça n’existe pas, ça semérite ! » Après la première découverte, que recherchent les scientifiques?Après avoir exposé le principe de la datation absolue et celui de la datation rela-tive, expliquer leur intérêt (situer un fossile par rapport à un autre et lui donnerun âge) et leurs limites (la datation au carbone 14 ne permettant de dater que deséchantillons jusqu’à 50000 ans, il y a eu nécessité d’utiliser d’autres méthodes, ladatation au potassium/argon et celle au strontium/rubidium) ; le paléomagnétismepeut également être très utile.Repérer alors dans le film (séquence de 39min 00s à 42min 42s) les arguments jus-tifiant l’âge attribué à Toumaï.Faire une recherche documentaire au CDI (encyclopédie, Internet) ou lors d’unevisite d’un service d’archives (archives du service pédagogique de l’Académie dessciences) sur Darwin, le darwinisme, Lamarck, le lamarckisme, Buffon, le cladisme…À l’aide des informations collectées et sur le modèle rhétorique du film, imaginerun jeu ou une histoire faisant intervenir les grands évolutionnistes. On pourra s’ins-pirer avec profit du texte de Cédric Grimoult, Sur les traces des grands évolution-nistes (Bréal, 2002) : un ouvrage ludique qui invite le lecteur à prendre connais-sance des avancées et théories scientifiques de Buffon, Cuvier, Lamarck ou Darwin,à comprendre les débats qui ont jalonné l’avancée des théories évolutionnistes.

PROLONGEMENTS PHILOSOPHIQUESCe film constitue un bon support de travail interdisciplinaire tant sur le plan desdémarches que des contenus. Il permet en effet de rapprocher avec pertinence ladémarche d’investigation en SVT et la démonstration en philosophie, ou encore, defaçon générale, la fécondation réciproque de l’imagination et de la science.

La nature des faits scientifiques Ce film peut mener à s’interroger sur la nature des faits scientifiques. GastonBachelard dans Le Nouvel Esprit scientifique (1960) (PUF, coll. «Quadrige. Grandstextes », 2003) écrit : « Il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dansle moule des instruments, produit sur le plan des instruments. Or les instrumentsne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent detoutes parts la marque théorique. »



On s’appuiera sur le commentaire de séquence filmique 1 qui actualise la proso-popée de Toumaï pour amener les élèves à réfléchir au rapport entre la science etle réel en leur demandant de montrer comment les recherches sur Toumaï illustrentle principe selon lequel la science se construit contre le réel immédiat.

La notion de théorie scientifique De même, on pourra prolonger le raisonnement en creusant la notion de théoriescientifique en interrogeant son rapport à l’expérience. Ferdinand Alquié dansL’Expérience (PUF, coll. « Le Philosophe », 1970) définit ainsi l’expérience :« L’expérience scientifique est, à cet égard, semblable à l’expérience commune :aussi les divers critères auxquels elle doit satisfaire peuvent-ils paraître s’opposer.L’observation doit être complète, précise, impartiale, objective ; en ceci se marquele caractère réceptif et passif d’un esprit qui constate et se soumet. Mais l’obser-vation doit aussi être instructive, éclairée par le choix, dirigée par l’idée… Aussi lesavant passe-t-il sans cesse de l’observation passive à l’active expérimentation : ilsuscite, organise, interprète, comprend. »Sur la base de la scène du film dans laquelle le chercheur mime la démarche deToumaï (43min 25s) et pose la question des critères de la bipédie, on demanderaaux élèves de repérer et d’analyser le double caractère passif et actif de l’expé-rience dans le travail de recherche sur Toumaï.

Les limites de l’empirisme On pourra également sensibiliser les élèves aux limites de l’empirisme en rappro-chant un extrait de la Critique de la raison pure de Emmanuel Kant (PUF, coll.«Quadrige. Grands textes », 2004) à la séquence analysée dans le commentaire dela séquence filmique 2 autour de la scène du miroir.« Il n’est pas douteux que toutes nos connaissances ne commencent qu’avec l’ex-périence, car par quoi la faculté de connaître serait-elle appelée à s’exercer si ellene l’était par des objets qui frappent nos sens… Mais, si toutes nos connaissancescommencent avec l’expérience, il n’en résulte pas qu’elles dérivent toutes de l’ex-périence. En effet, il se pourrait bien que notre connaissance expérimentale elle-même fût un assemblage composé de ce que nous recevons par des impressions,et de ce que notre propre faculté de connaître tirerait d’elle-même. »Sur la base de cette séquence purement fictionnelle on essaiera de montrer dansquelle mesure un « fait scientifique », une « expérience » représentent déjà touteune théorie.

La démarche scientifique et le questionnement philosophique Enfin, en partant de la définition que Platon donne à la philosophie, à savoir qu’elle« commence avec l’étonnement », on essaiera de montrer en quoi ce film rappro-che la démarche scientifique et le questionnement philosophique par une inter-



rogation du réel, une conjugaison de connaissance intuitive et de validation scien-tifique et une place permanente laissée au questionnement.

LE MILIEU DE VIE DE TOUMAÏLocaliser, sur une carte géographique de l’Afrique, tous les lieux de fouilles cités dansle film en précisant : la zone forestière tropicale, la zone de savane, la zone du Rift,les noms des fossiles identifiés. Localiser également le delta de l’Okavango (Botswana)dont le professeur Brunet pense qu’il constitue un milieu comparable avec celui danslequel évoluait Toumaï. Dresser la liste des caractéristiques de cet environnement: forêt,étendues découvertes, présence de l’eau… Expliquer comment les scientifiques lesont déterminées en recherchant les indices géologiques (séries lacustres et de deltadans les sédiments) et les indices biologiques (racines de plantes fossilisées, inven-taire des fossiles d’animaux qui ont vécu en même temps que Toumaï, notammentles fossiles de mammifères, de poissons et de reptiles). Mis en relation, ces indiceset conclusions permettent de reconstituer le paléoenvironnement. Ceci est aussipossible en déterminant le régime alimentaire de Toumaï, à partir notamment de l’ob-servation de sa dentition qui permet le broyage de la nourriture (tubercules, rhizomes,noix dures, termites, fruits tendres).



COMPLÉMENTS

CONFÉRENCE DE YVES COPPENS, PALÉOANTHROPOLOGUE AU COLLÈGE DE FRANCE« Je pense d’abord que c’est un superbe fossile. Ensuite, il a été bien daté puisquela faune, les animaux qui l’accompagnent correspondent véritablement à une épo-que de six à sept millions d’années et plus volontiers sept que six d’ailleurs, c’est-à-dire qu’il est très vieux. C’est même le plus vieux que l’on connaisse, qu’il soit pré-singe ou pré-homme.Et d’autre part, dès le premier contact physique avec ce bonhomme que j’ai eu enmains, ce joli petit crâne, j’avais été impressionné par la position du trou occipi-tal. Alors, le trou occipital, c’est l’endroit par lequel se relie l’encéphale à la moelleépinière. Or le trou occipital chez ce crâne-là se trouve non seulement en dessousmais en avant. Autrement dit, dans une position qui fait que le crâne devrait êtreen équilibre sur une colonne vertébrale redressée. Et ça, dès le premier contact,dès les premiers jours, dès notre première rencontre, si je puis dire, entre Toumaïet moi-même, je l’avais retourné pour voir où il pouvait avoir son petit foramenmagnum et il est là où on pouvait l’attendre en le considérant comme un homi-nidé, comme un homme, comme un préhumain en fait.Lorsque je me suis exprimé pour la première fois, c’était sur France 2 et, en fait, j’étaisà Reykjavik, en Islande. J’avais dit, un petit peu pour résumer, qu’il faisait un petitpeu humain par devant et grand singe par derrière. Ce n’était pas méchant du tout,mais ça voulait dire en effet que, comme il a des crêtes nucales et sagittales quise rejoignent et qui sont suffisamment puissantes, avec ce que l’on appelle un plannucal derrière le crâne, c’est-à-dire dans la région occipitale, l’arrière faisait trèsgrand singe. Ceci dit, l’arrière des crânes d’australopithèques fait aussi un petitpeu grand singe. Mais de face, il apparaît tellement moderne que la première foisque je l’ai eu entre les mains, je me suis demandé si Michel Brunet ne plaisantaitpas et me mettait entre les mains un autre crâne ou un autre moulage de crânepour que je tombe dans le piège. Et en fait, c’est vrai que de face il ressemble pres-que à un humain, alors que de dos, il ressemble presque à un grand singe.Donc mon opinion n’a pas spécialement évolué, mais il faut dire qu’un crâne si fraî-chement trouvé, si fraîchement décrit, doit subir l’épreuve du débat pendant uncertain nombre de mois ou d’années avant de s’installer dans un statut définitif,mais je pencherais très volontiers du côté du préhumain plutôt que du côté pré-singe.»

http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/science_actualites/sitesactu/sitesactu/question_actuphp?langue=fr&id_article=243&id_mag=0

(mis en ligne le 09 septembre 2002)



Retrouver dans ce discours de Yves Coppens, les caractères particulièrement remar-quables qui font de Toumaï un « superbe fossile ». Rapprocher ce texte des activi-tés proposées dans la piste « Les caractéristiques des préhumains » (p. 7).Placer ces paroles de scientifique dans la démarche du questionnement perma-nent de la science (en s’appuyant sur le dernier paragraphe débutant par «Doncmon opinion…»).

TIME FOR TOUMAÏ(Thursday 11 July 2002)

This week Leading Edge reports on an amazing fossilised skull recently recoveredfrom the Djurab desert in northern Chad – which has been assigned to a brandnew genus of hominid. Called Toumaï (after the name given to babies that areborn just before the dry season in the region) it is associated with a fauna whichindicates an age close to 7 million years ago.Toumaï displays unique characteristics which suggest a close relationship to the lastcommon ancestor between Humans and Chimpanzees – indicating that he is alikely ancestor of all later hominids. His geographic location also suggests earlierpan-African distribution of hominids and chimpanzee-human divergence thanpreviously indicated by most molecular studies.Geoff Watts hears from Professor Michel Brunet, Director of the MissionPaléoanthropologique Franco-Tchadienne who reports his team’s findings in the latestedition of Nature magazine. And he discusses the implications of this discoverywith experts Henry Gee of Nature and Leslie Aiello of University College London.

http://www.bbc.co.uk/radio4/science/leadingedge_20020711.shtml

Il est important d’utiliser des textes en langue anglaise, vecteur incontournabledes échanges de connaissances scientifiques. Celui qui est présenté ci-dessus n’estqu’un exemple des textes très simples pouvant être téléchargés sur Internet dansdes sites de vulgarisation ou des revues en langue anglaise. Le professeur de lan-gue peut ainsi s’associer à l’exercice renforçant la co-disciplinarité recherchée dansla conception de ce livret.



LES INTERVENANTS DU FILM

Michel Brunet, professeur, paléoanthropologue.Yves Coppens, professeur, paléoanthropologue, chaire de Paléoanthropologie etPréhistoire, Collège de France.Elisabeth Daynes, spécialiste en reconstructions paléontologiques.Ahounta Djimdoumalbaye, médiateur scientifique, CNAR-Tchad.Philippe Duringer, docteur, géologue, sédimentologue, université de Strasbourg,France.Fanoné Gongdibé, CNAR, N’Djamena.Yohannes Hailé-Sélassié, paléonthologue au Cleveland Museum of Natural History.Jean-Jacques Jaeger, professeur, paléontologue, primatologue, université deMontpellier 2, UMR CNRS 5554, France.Dan Lieberman, professeur, morphométrie fonctionnelle des primates, université deHarvard, USA.Andossa Likius, paléontologue, Directeur-adjoint du département de paléontolo-gie, université de N’Djamena, Tchad.Olga Otero, docteur, paléontologue, université de Poitiers, France.David Pilbeam, professeur, anthropologue, Directeur du département d’anthropo-logie, université de Harvard, USA.Marcia Ponce de Leon, docteur, anthropologue, université de Zurich, Suisse.Hassane Taïsso Mackaye, docteur, paléontologue, Directeur du département depaléontologie, université de N’Djamena, Tchad.Paul Tafforeau, docteur, ingénieur de recherche, CNRS.Patrick Vignaud, docteur, paléontologue, unité de recherche du CNRS en géobio-logie, université de Poitiers, France.Laurent Viriot, docteur, paléontologue, spécialiste des rongeurs, université de Poitiers,France.Tim White, professeur, paléoanthropologue, spécialiste de l’évolution humaine,université de Californie-Berkeley, USA.Christoph Zollikofer, professeur d’anthropologie, université de Zurich, Suisse.



RESSOURCES

À LIRE– «Dossier : L’ancêtre des humains», La Recherche, n°387, juin 2005.– «L’évolution a-t-elle un sens?», Science & Vie, n° 1059, décembre 2005, pp. 60-79.– « Les Origines de l’homme», TDC, n°856, 15 mai 2003, CNDP, réf. 755A0269.– COPPENS Yves, PICQ Pascal (dir.), Aux origines de l’humanité, Fayard, 2001 (2 tomes).– FOUCAULT Alain, RAOULT Jean-François, Dictionnaire de géologie, Dunod, coll.«UniverSciences », 2005.– GALUS Christiane, «Querelle autour de vieux os », Le Monde, 18 septembre 2004.– GRIMOULT Cédric, Sur les traces des grands évolutionnistes, Bréal, 2002.– HERBERT Thomas, L’Homme avant l’Homme, Gallimard, coll. «Découvertes Gallimard.Sciences et techniques », 1994.– LECOINTRE Guillaume (dir.), Comprendre et Enseigner la classification du vivant, Belin,coll. «Guide Belin de l’enseignement », 2004.– LUMLEY Henri de, L’Homme premier : préhistoire, évolution, culture, Odile Jacob,coll. « Poches Odile Jacob », 2000.– MORIN Hervé, « L’ancêtre tchadien Toumaï s’offre un lifting virtuel », Le Monde,8 avril 2005.– PICQ Pascal, « La reconstruction de nos ancêtres », Pour la science, n° 340, février2006 (interview).– PICQ Pascal, Les Origines de l’homme : l’odyssée de l’espèce, Seuil, coll. « Points.Sciences », 2005.– PICQ Pascal, VERRECHIA Nicole, Lucy et son temps, Fontaine, Mango Jeunesse, coll.«Regard d’aujourd’hui », 1996.– SYKES Bryan, La Malédiction d’Adam: un futur sans hommes, Albin Michel, 2004.– SYKES Bryan, Les Sept Filles d’Ève : génétique et histoire de nos origines, LGF, coll.« Le Livre de poche », 2003.– TATTERSALL Ian, L’Émergence de l’homme: essai sur l’évolution et l’unicité humain,Gallimard, coll. « Folio essais », 2003.

À VOIR– La Terre, le Temps, le Vivant : histoire de la vie et évolution, CNDP, coll. «Dévédoc»,2005, réf. 755B0670 (1 DVD vidéo, 02 h 50 min : 9 films et 120 séquences ; 1 livretpédagogique).– RAGOBERT Thierry, Origines de l’homme, CNDP, coll. «Côté télé», 2003, réf. 755B0345(1 vidéocassette, 52 min ; 1 livret pédagogique).



– MALATERRE Jacques, L’Odyssée de l’espèce, France 3, Transparence Productions,2002 (3 x 52 min : Les Préhumains, Les Premiers Hommes, Neandertal et Sapiens).– VIEUXGUÉ François, DIRSON Alain, Spéciation et Évolution : quelques exemples,CNDP, France 2, France 3, Elf-Aquitaine, Gédéon Programmes, 1997, coll.«Bâtisciences », réf. 002P8992.

À CONSULTERToumaï– www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/science_actualites/sitesactu/question_actu. php? langue = fr & id_article = 243 & id_mag = 0 : « Toumaï, letrouble-fête ? », un dossier de Science actualités de la Cité des sciences et de l’in-dustrie.– www.cnrs.fr/cw/fr/pres/compress/Toumai/histo.html : « Toumaï, l’ancêtre deshumains », historique et découverte du fossile sur le site du Centre national de larecherche scientifique.– www.hominides.com/html/references/toumai-nouvel-ancetre-brunet-stine-documentaire.htm : un article avec la participation de Michel Brunet.– www.recherche.gouv.fr/discours/2002/toumai.htm : communiqué de presse duministère de la Recherche.

Sitographie élargie– www.archeodrome-bourgogne.com/documentation/evolution.html : le site del’archéodrome de Bourgogne.– www.discip.crdp.ac-caen.fr/svt/pratikp/lycee/anthropo/: « Anthropométrie –Travaux Pratiques de Terminale S » sur le site du CRDP de Caen.– www.ens-lyon.fr/Planet-Terre/Infosciences/Histoire/Evolution/Articles/toumai.htmlet www.ens-lyon.fr/Planet-Terre/Infosciences/Histoire/Evolution/Articles/ hominides.html : hominidés, homininés ou homines ?– www.hominides.com/: recherche scientifique sur l’évolution de l’Homme avecdes fiches documentées et simples de présentation.– www.inrp.fr/Acces/biotic/evolut/homme/accueil.htm et www.inrp.fr/Acces/biotic/evolut/homme/html/defprim.htm : outils pour enseigner l’origine et l’évo-lution de l’Homme, proposés par l’Institut national de recherche pédagogique.– www.mnhn.fr/museum/front/medias/pdf/4101_Lycees. pdf : le catalogue del’offre pédagogique au lycée.– www2.cnrs. fr/presse/journal/1410.htm? print = 1 : le journal du CNRS, arti-cle «De l’origine de l’Homme et des autres espèces ».





Documents

TOUMAÏ, LE NOUVEL ANCÊTRE - cdn.reseau-canope.fr · Le discours et les commen-taires sont en effet assurés par une voix prêtée à Toumaï lui-même, qui s’exprime à la première