29
TOURISCOPIE NUMÉR0 217 Décembre 2019 LES DÉSARROIS DU TOURISTE CONTEMPORAIN Il n’est pas forcément facile de terminer l’année sur une note pessimiste. Pourtant, les faits sont là. Les derniers mois de 2019 n’ont pas brillé par leur sérénité, que ce soit sur le plan économique, géopolitique, climatique. Alors que les gourous de la « collapsologie » s’en donnent à cœur joie, une grande partie de la population se désole. Ce monde ne tourne décidément pas rond. Il tourne si mal qu’une nouvelle rumeur enfle : les voyages deviennent de plus en plus dangereux, privant les plus fragiles du dernier échappatoire auquel confier leur existence. Ainsi, France Info dans un article du 20 Novembre, publie la carte produite par International SOS qui dresse la liste des destinations les plus et les moins fréquentables. C’est la Travel Risk Map. Une nouvelle venue facile à consulter mais qui n’apporte pas grand chose par

TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  NUMÉR0  217-­‐  Décembre  2019  

LES DÉSARROIS DU TOURISTE CONTEMPORAIN

Il n’est pas forcément facile de terminer l’année sur une note pessimiste. Pourtant, les faits sont là. Les derniers mois de 2019 n’ont pas brillé par leur sérénité, que ce soit sur le plan économique, géopolitique, climatique. Alors que les gourous de la « collapsologie » s’en donnent à cœur joie, une grande partie de la population se désole. Ce monde ne tourne décidément pas rond. Il tourne si mal qu’une nouvelle rumeur enfle : les voyages deviennent de plus en plus dangereux, privant les plus fragiles du dernier échappatoire auquel confier leur existence. Ainsi, France Info dans un article du 20 Novembre, publie la carte produite par International SOS qui dresse la liste des destinations les plus et les moins fréquentables. C’est la Travel Risk Map. Une nouvelle venue facile à consulter mais qui n’apporte pas grand chose par

Page 2: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  2  

rapport au site du Quai d’Orsay. S’appuyant sur plusieurs catégories de critères, ses experts déconseillent par exemple le Niger sur le plan médical ou une grande partie de l’Afrique sur la qualité des routes… En revanche, ils préconisent des séjours en Scandinavie, Suisse, Slovénie. Ce qui n’a rien de surprenant. On ne court pas les mêmes risques, c’est vrai, en Islande qu’en Colombie. Aussi louable que soit la stratégie d’International SOS, les vrais dangers ne sont pas signalés. Or, ils sont nombreux hélas, variés et pour certains nouveaux. Sur le plan environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel et bien sous la menace de récidives et sont pour le moment jugées asphyxiées par les rejets de CO2. En Sibérie, peu touristique, le paysage est tout aussi désolant : 1.3 million d’hectares de forêt étaient encore en feu en septembre ! En matière d’inondations, c’est bien sûr et malheureusement l’Italie qui a été le plus pénalisée et surtout Venise. Les images de ce joyau du patrimoine culturel mondial sous les flots, ont fait le tour de la planète et alarmé tous les amoureux de la Sérénissime qui ont bien compris les dommages subis et les risques à venir. Mais, les tempêtes et ouragans et les inondations espagnoles en octobre n’étaient pas mal non plus : plusieurs morts et 50 routes coupées. Et que dire du sud de la France régulièrement victime de ces « épisodes méditerranéens » ? De plus, ces drames climatiques surviennent après des étés meurtriers. Ce qui peut faire craindre le pire pour l’avenir. Encore plus spectaculaire, l’agitation sociale dans de nombreux pays que l’on croyait stabilisés. En Amérique latine, le Chili et la Bolivie se sont ajoutés à la liste des destinations peu recommandables comme le Vénézuela, tandis que Cuba asphyxié par l’embargo américain peine à sortir la tête de l’eau. En séjournant sur l’île rouge, on peut y craindre les pénuries d’essence et de nourriture. Évidemment, Hong Kong, destination hautement touristique, est bannie des cartes pour un moment. Mais, plus près c’est le Liban qui est entré dans la ronde des destinations où les peuples en lutte font entendre leur rejet des régimes corrompus et liberticides.

Quant à l’Iran qui avait commencé à conquérir de nouvelles clientèles touristiques avec succès, le voilà de nouveau plongé dans les ténèbres où le cantonne un pouvoir archaïque… L’Irak pour sa part, a depuis longtemps renoncé à son tourisme, tout comme ces pays promis à un destin radieux telle la Syrie qui, cependant, essaie d’attirer quelques visiteurs dans ses champs de ruine. Pour leur part, les destinations du Maghreb redressent la tête mais ne sont pas forcément rassurantes. La Tunisie gouvernée par des islamistes va-t-elle jouer le jeu du tourisme ? L’Égypte saura-t-elle calmer les ardeurs des bandes terroristes toujours en embuscade ? Le Mali, le Burkina Faso sont pour leur part condamnés… Mais, quid de la France et de ces scènes d’émeutes qu’elle renvoie au monde, des grèves qui y sont programmées et de celles qui sont spontanées ?

La journée du 5 décembre très médiatisée dans la presse étrangère est évoquée quasi unanimement à travers des scènes de violence et l’on y évoque un « long hiver de conflit » (The Times), « un gouvernement qui perd sa crédibilité » (CNN), « Un pays menacé par la paralysie » (Gosc Niedzielny)…

Non, tout cela n’est pas nouveau. Mais, la nouveauté consiste dans l’accumulation des catastrophes donc dans les menaces de plus en plus nombreuses qui complètent la liste déjà longue des menaces traditionnelles liées au voyage. Elle consiste aussi dans l’empressement des medias à dramatiser de façon à rendre les déplacements encore plus anxiogènes qu’ils le sont déjà. Le tourisme a mauvaise presse, a t-on souligné dans un précédent éditorial. Le tourisme a d’autant plus mauvaise presse, peut-on ajouter, qu’il est pris pour cible par la presse alors que pendant des décennies, il avait fait l’objet d’articles laudatifs vantant ses capacités à dépayser, distraire, instruire, comprendre l’altérité. Les destinations touristiques deviennent parfois des pièges, des guet apens dans lesquels on risque sa santé, en tous cas ses illusions et ses rêves.

Page 3: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   3  

 Présent  sous  toutes  les  formes,  le  danger  est  partout.  D’où  l’embarras  de  certains     Les résultats de l'étude « Perspectives des risques de voyage 2020 » (Ipsos Mori) pour International SOS, révèlent les principales raisons de modification des itinéraires de voyage. Que disent-ils ? - 51 % des interviewés estiment que les risques pour la santé et la sécurité ont augmenté au cours de la dernière année et 47 % prévoient une augmentation des risques au cours de l'année à venir. Que faire ? Quelques initiatives se précisent. Mais, sur le plan climatique, l’on peut légitimement se demander si la COP25 de Madrid va servir ou pas à quelque chose. A l’heure où nous bouclons ce journal, la porte est ouverte à toutes les incertitudes et déconvenues. Mais, première bonne nouvelle, un personnage emblématique comme Yann Arthus Bertrand qui a bâti sa réputation en photographiant la terre depuis le ciel, annonce qu’il renonce à prendre l’avion ! Une attitude qui pourrait faire des émules beaucoup plus rapidement qu’on ne le pense, malgré les efforts que les compagnies aériennes font pour prouver leur volonté de rendre la planète plus propre. Josette Sicsic    Palmarès  des  peurs  en  voyages  - Menaces sécuritaires (68%) : +23 points par rapport à l'année précédente - Troubles civils (52%) : +14 points - Troubles géopolitiques (52 %) : +20 points - Catastrophes naturelles (51%) : +15 points - Épidémies (31%) : +19 points - Maladies infectieuses (35%) : +17 points - Détention et enlèvement (29%) : +17 points Sources International SOS SOMMAIRE     Alerte : Le meilleur des mondes ? P. 4 Alerte : L’impérialisme version 3.0. P.6 Société : Soif d’idéal. Les nouvelles utopies. P. 8 Société : Les luttes s’organisent : animaux, océans, glaciers. P. 11 Société/tourisme : L’aérien se mobilise. P.14 Société : La honte d’acheter menace le shopping. P.17 Géopolitique : Pourquoi la Chine a besoin du tourisme. P. 20 Destinations : La stratégie imparable du tourisme saoudien. P. 24 Destinations : Trente ans après la chute du « mur ». P. 27

TOURISCOPIE  est  un  magazine  édité  par  Tourisme  et  Territoire,  SARL  au  capital  de  7  622,45  euros.  N°  CPPAP  :  0112  1  79174-­‐ISSN  :  1287-­‐2474.  Directeur  de  la  publication,  rédactrice  en  chef  :  Josette  Sicsic.  Rédaction  :  -­‐Sarah  Herbeth  -­‐  Josette  Sicsic.  -­‐  Crédit  photos  :  123  RF  10,  place  d’Italie.  75013  Paris  Tél  .:  +33  (0)1  44  61  04  82/  06  14  47  99  04  -­‐  Site  :  www.touriscopie.fr  Abonnements  :  Evelyne  Magda  -­‐  Tel  :  +33  (0)1  48  24  81  18  

Page 4: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  4  

ALERTE______  

LE  MEILLEUR  DES  MONDES  ?  

 

     Ne  vous  inquiétez  pas,  «  le  meilleur  des  mondes  »  est  une  réalité.  Bientôt,  nous  ne  serons  pas   exactement   les   petits   nourrissons   clonés   imaginés   par   Aldous   Huxley,   mais   nous  serons   bel   et   bien   des   sujets   parfaitement   transparents   dont   tous   les   mécanismes   y  compris  ceux  de   la  pensée  et  du  désir,   seront  démasqués  et  aisément  décryptés  par  des  machines.  Avec  un  temps  d’avance,  sans  efforts  de  votre  part,  celles-­‐ci  sauront  vous  guider  vers  vos  achats  de  billets  d’avion  et  de  voyages.  Seule  contrainte  :  le  port  d’un  casque  et  le  branchement  de  capteurs.  Pas  grand  chose  en  somme  dans  le  futur  qui  nous  attend  !        

vec l'annonce, le 30 juillet 2019 des premiers résultats d'une étude portant sur un système capable de lire dans les pensées, Facebook a encore fait sensation. Publiée dans la revue Nature, l’étude en question menée par des scientifiques de l'université de

Californie à San Francisco (UCSF) et financée en partie par le réseau social, indique que, grâce à des implants d’électrodes dans le cerveau de trois patients volontaires qui n'avaient aucun trouble de la parole, auxquels on a posé des questions simples, la traduction des pensées se faisait en temps réel. L'équipe revendiquant même une assez grande précision de 61 à 76 %. Mais, les chercheurs ont révélé que l'objectif à moyen terme était de décoder les signaux cérébraux à une vitesse de 100 mots par minute, avec un vocabulaire de 1000 mots et un taux d'erreur de 17 %. Dans le domaine de l’électroencéphalographie, les découvertes vont bon train. D’autant que d’autres majors comme Tesla s’y sont mis. Il faut également dire que les casques électroencéphalographes qui permettent de capter ces signaux électriques à la surface du cuir chevelu, ont fait d’énormes progrès. A partir de capteurs et d’électrodes reliés par un câble à un module d’acquisition qui amplifie les signaux émis par le cerveau et les digitalise, on récupère en temps réel l’activité cérébrale. Notamment les pensées.

A

Page 5: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   5  

Ce qui, transposé dans le domaine marchand, constitue une porte ouverte à une récupération des dernières parcelles d’intimité qui nous restent. D’ores et déjà, quelques juristes se sont saisis du problème et ont alerté les états, priés de mettre en place une juridiction garantissant « l’intimité mentale », « la liberté cognitive »… Car, reconnaissons qu’une fois que les données concernant nos désirs, sont récupérées, elles ne fileront pas automatiquement dans des décharges. Trop précieuses, elles seront forcément conservées quelque part ! Le  pillage  du  cerveau  appliqué  au  touriste  Dans le domaine du tourisme où l’on rêve de décoder les désirs inconscients de ses clients afin de leur proposer le produit le mieux adapté à leurs envies secrètes, les applications sont évidemment d’autant plus prévisibles que le pillage auquel se livreront les machines sera travesti en une exploration à but annoncé comme étant quasiment philanthropique. « Souriez, on vous aide à choisir les vacances de vos rêves ». Plus modestement, en France de jeunes chercheurs du Coglab, signalés par notre confrère de T.O.M ont planché sur le sujet. Selon eux, en extrapolant : on pourrait bel et bien imaginer un système électroencéphalographique qui permettrait de déterminer dans quelle destination on aimerait se rendre. Pour cela, il faudrait montrer au sujet une série d’images de plusieurs destinations et voir comment il réagit. « Couplé à un test de personnalité par exemple, cela permettrait de trouver la destination idéale », ont-ils expliqué. Mais, la condition de la réussite est que la personne n’ait aucune idée de l’endroit où aller. Une technologie qui n’est pas sans rappeler l’expérience ludique nommée The Expedia Vacationizer proposée par Expedia et qui permettait lors d’un salon de détecter les émotions de son porteur pour choisir la destination idéale pour lui. Une vidéo humoristique a également été publiée sur ce thème. Cela ne s’arrange donc pas ! Les Géo Trouvetout continuent de sévir. Grands ou petits, ils n’hésitent pas à vouloir lire dans nos pensées afin de puiser dans la dernière parcelle d’intimité qui reste à l’humanité afin de rendre opérationnelles leurs dernières découvertes. Après tellement d’investissements temporels, financiers, intellectuels, la démarche est légitime, mais les conséquences dramatiques du progrès sur nos esprits sont-elles sérieusement analysées ? Certainement pas. La position critique reste en retrait par rapport aux discours élogieux tendant à présenter au commun des mortels toute expérience technologique comme une avancée. Fort malheureusement, le tourisme ne fait pas exception. Restent les chercheurs qui osent donner leur avis, mais qui sont peu entendus. ◆Tik  Tok  :  le  nouveau  major  prêt  à  piller  le  cerveau  de  la  génération  «  alpha  »   On ne parle plus que de lui. C’est certain, l’année 2020 sera l’année de Tik Tok (nommé Douyin en Chine). Cette appli a été téléchargée plus d’un milliard de fois, notamment par des adolescents qui en raffolent. En France, on considère que 45% des moins de 13 ans l’utilisent tandis que 40% ont entre 16 et 25 ans. Mais, c’est pour le moment en Inde que l’appli fait le plus d’adeptes : près de 120 millions contre 40 millions aux USA. Disponible dans 150 pays et 75 langues, l’appli talonne Whatsapp. Jusqu’à quand ? De quoi s’agit-il ? Des vidéos brèves faisant la part belle aux sujets musicaux, filmées face caméra ou sous la forme de chorégraphies sur le principe du karaoké ou du playback. Leurs scénarios sont déjantés et l’on s’en sert aussi pour se lancer des paris devant son smartphone… Le moindre petit film peut être monté, filtré, augmenté, partagé, suivi, « liké ». Et, pour le regarder, il suffit de glisser le doigt de haut en bas. … On n’en est cependant qu’aux tout débuts de la carrière de ce nouveau venu ravageur qui peut d’ores et déjà se permettre d’en savoir de plus en plus sur les pré adolescents qui les utilisent, soit cette génération dite « alpha » qu’il convient de scruter et de comprendre pour savoir ce que sera demain !

Page 6: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  6  

ALERTE_____

L’IMPÉRIALISME VERSION 3.0

 

 

Au   tout   début   du   millénaire,   Jeremy   Rifkin   publiait   l’ouvrage   «  L’âge   de   l’accès  ».   Ses  talents   d’anticipation   lui   avaient   permis   d’affirmer   l’importance,   voire   l’invasion  qu’internet   et   ses   réseaux  prendraient  dans  nos   existences.  Vingt   ans   après,   la   réalité   a  dépassé  la  science  fiction  et  continuera,  sauf  accident,  de  la  dépasser.  Formidable  acteur  de  ces  réseaux,  la  plateforme  Airbnb  qui  fait  feu  de  tout  bois  pour  s’inscrire  durablement  dans   le   paysage,   a   gagné   une   nouvelle   bataille.   En   proposant   des   «  accès  »   à   l’un   des  basiques  de  l’humanité  :  la  maison,  elle  peut  se  permettre  de  mettre  500  millions  d’euros  sur   la  table  pour  être  partenaire  du  plus  grand  événement  sportif  :   les   Jeux  Olympiques.  Emoi  généralisé  sur  la  planète  tourisme  française.  Pourtant,  tout  cela  était  prévisible.  Il  ne  reste  donc  plus  qu’à  prévoir  la  suite.  

irbnb fait campagne au cinéma pour doper son parc de locations à la campagne. Après avoir investi le paysage urbain, la montagne, les rivages, Airbnb n’entend pas laisser lui échapper l’or vert. Le spot est enjôleur. Comme peuvent l’être toutes les images

présentant des parties de campagne entre amis. Peu importe que les Gîtes de France aient inventé la formule il y a plus de 60 ans ! De plus, dans sa stratégie de séduction, le géant annonce des initiatives à caractère plutôt humanitaire. Ainsi, il rénove un village abandonné en Italie pour y accueillir des séjours de volontariat offrant des occasions de voyages uniques à quiconque veut s’y inscrire. C’est le cas du village de Grottole, dans le sud de l’Italie où il a choisi avec l’organisation Wonder Grottole cinq candidats souhaitant y vivre et travailler sur le développement d’une offre touristique distincte, comprenant l’apiculture. Peu importe là encore que les chantiers de l’environnement et du patrimoine aient inventé ces séjours il y a des décennies. Airbnb trace sa route avec la sérénité des tout puissants qui, le sourire aux lèvres

A

Page 7: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   7  

peuvent précipiter la faillite de leurs compétiteurs. C’est ainsi que l’annonce de son association avec le Comité Olympique a fait l’effet d’une bombe. A l’heure où de nombreuses villes déplorent les conséquences désastreuses de la plateforme sur la fréquentation touristique, le prix des loyers, la dénaturation de certains quartiers, cette campagne de partenariat à une échelle planétaire ne peut que tenir de la provocation vis à vis des hôteliers et autres hébergeurs professionnels qui n’ont pas tardé à réagir et à faire savoir leur désapprobation, voire leur révolte. Pourtant, on n’y fera rien. L’impérialisme  est  contradictoire  Car, notre société n’en est pas à une contradiction près. Tendant de concilier la chèvre et le chou, et toutes sortes d’intérêts opposés, elle cultive souvent l’injustice, quitte à déchaîner les critiques. Le paradoxe est devenu la norme. Elle prétend protéger les faibles et laisse faire les forts. Lafontaine aurait été fort à l’aise dans une fable sur l’ère de l’accès, des réseaux planétaires, du digital et ces positions de domination qui ne laissent plus espérer de recul. Quand Donald Trump menace de représailles économiques (sur le champagne, le fromage et autres cosmétiques) la France quand celle-ci veut taxer les Gafa, quel espoir reste-t-il aux « petits » et à toutes ces micro entreprises qui tentent d’inventer un autre monde, d’autres façons de voyager, de s’informer, d’être hébergés, de vivre avec autrui et de comprendre ses traditions ? Il ne se passe pas un jour sans que de nouvelles start-up après avoir planché pendant des mois sur un projet, ne communique sur la nouvelle application supposée « révolutionnaire » qui va nous permettre de faire des économies de CO2, de voyager durable (www.fairtrip.org/fr) de faire des parcours différents (Escapad), de payer moins cher ou de réaliser de petits clips dans lesquels les locaux présentent leur région ( drimprod), ou encore de faire des visites culturelles « augmentées » sur Ipad, comme c’est le cas de Histovery (http://www.histovery.com). Même des poids lourds comme Leboncoin ou SeLoger redoutent la concurrence que Facebook et Google sont en train de mettre au point dans le domaine de l’immobilier. C’est dire la disproportion des moyens. Age  de  l’accès,  âge  des  excès  Alors que l’on tente encore « officiellement » de se protéger contre les abus des multinationales en position dominante, on profite des services qu’elles rendent. Car « L’âge de l’accès », c’était aussi pour J. Rifkin, l’âge des services. Et, peut être que dans ce cas précis, même si les manières ne sont pas les bonnes, est-il judicieux de ne pas se lancer dans des constructions d’hébergements supplémentaires pour accueillir les publics des J.O dans les 8 villes françaises qui organiseront une partie des épreuves ? Dans une quête de tourisme durable, les hébergements particuliers ne pourront-ils pas faire l’affaire et répondre à la demande ? Certes, cela n’est pas sans quelques risques de dérive. Mais, d’ici là, on aura peut-être réussi à modifier les régles pour éviter les abus de certains. _sylvie___________ALERTEALERTALERTE •  Les  Gîtes  de  France  réagissent  :  60%  des  40  000  propriétaires  sont  là  depuis  10  ans    

Sylvie  Pellegrin,  Présidente  de  la  Fédération  Nationale  des  Gîtes  de  France® invitée à réagir, exprime d’emblée sa fureur vis à vis de la plateforme qui, selon elle, est sur la ligne rouge. Mais, pour la nouvelle présidente, la riposte est possible si l’on fait preuve de pédagogie et expliquons que « nous faisons un métier véritable, qui consiste à offrir des valeurs et une compétence qui ne sont pas données à n’importe quel hébergeur ouvrant ses portes quelques jours pour compléter ses fins de mois ». « On affirme nos différences, notre accueil exceptionnel qui est le

Page 8: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  8  

résultat d’un travail et d’un état d’esprit vieux de 60 ans » insiste-t-elle. « Les plateformes bernent les gens mais je suis certaine que ceux-ci ne sont pas dupes et ont bien compris la différence. Si ce n’est pas le cas, nous nous emploierons à nous défendre en expliquant à travers une campagne télévisée à grande échelle, nos atouts et surtout nos différences », termine-t-elle. Pour les Gîtes de France, une marque historique, il s’agit aussi de travailler avec les territoires « main dans la main » afin de les valoriser et d’en rajeunir l’image. « Nous allons surtout insister sur la sécurité qu’implique un label historique ».

SOCIÉTÉ ___

« SOIF D’IDEAL » : LES NOUVELLES UTOPIES

Pour   mieux   comprendre   les   évolutions   touristiques,   nul   ne   niera   l’importance   des   différents  observatoires  socio  culturels  qui  portent  un  regard  acéré  sur  les  états  de  l’opinion.    Parmi   eux,   l’Observatoire   des   perspectives   utopiques   mis   en   place   par   l’Ademe,     confirme   son  pessimisme  et  notre  difficulté  à  nous  projeter  collectivement  dans  un  futur  désirable.  Il  distingue  surtout   différents   courants   de   pensée   permettant   de   déterminer   l’état   des   attentes   de   nos  compatriotes,  donc  de  vos  clients.    

remier point : 53% des personnes interrogées estiment que la vie de leurs enfants et petits-enfants sera pire que pour leur génération (en termes d’épanouissement, de « bien vivre », de bonheur), quand 38% pensent qu’elle sera globalement similaire et seulement 9% : meilleure. On

est loin des temps bénis des Trente Glorieuses où l’on imaginait que l’avenir serait forcément meilleur que le passé et le présent réunis. D’où une très forte propension à dénoncer le mode de fonctionnement de la société contemporaine. A commencer par son système politique. Un tiers des répondants (ce qui est beaucoup) aspire à un système politique où les décisions sont prises par des experts neutres (scientifiques, intellectuels) tandis qu’un peu plus d’un tiers souhaite un système politique où les décisions sont prises par des élus qui ne sont pas des professionnels de la politique ».  

P

Page 9: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   9  

 Le  système  capitaliste  est  rejeté  par  76%  des  Français  De la même façon, cet Observatoire met au jour le rejet massif de la façon dont la vie économique est organisée. Pour 33% des répondants, l’idéal serait une vie économique « organisée autour d’entreprises dont les stratégies seraient définies conjointement par les actionnaires, les salariés, les pouvoirs publics, les représentants des consommateurs… ». A noter aussi le peu d’enthousiasme suscité par le travail indépendant : seuls 13% souhaiteraient un système où « chacun est un travailleur indépendant qui organise librement son travail mais doit trouver ses clients ». De toute évidence, la mise à distance du modèle de développement associé au capitalisme contemporain est très partagée. Pour plus de la moitié des Français interrogés : « les sociétés occidentales ont atteint les limites du développement économique, de l’amélioration du confort, de la qualité de vie ! » Témoignant de préoccupations environnementales fortes, 76 % se disent par ailleurs d’accord avec l’idée que « le moment est venu de donner la priorité à la promotion de modes de vie plus sobres, moins portés sur la consommation et moins consommateurs de ressources non renouvelables », contre 12 % seulement. Et l’idée même que la consommation puisse rend plus heureux est remise en cause par 60 % des répondants. De  fortes  aspirations  d’égalité  et  de  morale  L’épanouissement personnel et la réalisation de soi sont ce qui résume le mieux une vie réussie pour une majorité de Français interrogés. Tandis que l’aspiration à la reconnaissance des droits individuels est elle aussi très perceptible. Cette tendance générale ne renvoie pas pour autant à de l’individualisme au sens égoïste du terme ou au repli sur soi mais s’assortit au contraire d’un renforcement du souci des autres. Les répondants de l’enquête se disent bel et bien prêts à associer la solidarité et l’égalité entre les hommes à leur conception d’un monde idéal. Une opinion qui se situe juste derrière « le respect de la nature » (qui arrive en tête avec 46%), mais devant la liberté (24%), le respect de la tradition (17%), la spiritualité (7%) ou encore la foi dans le progrès (5%). Parallèlement, le respect des règles morales devrait, à leurs yeux, être prioritaire dans le champ éducatif et se positionne au premier plan des valeurs que les Français déclarent vouloir transmettre à leur descendance : Palmarès  des  valeurs  à  transmettre      - Respect des règles morales : 31% - Respect de la nature : 27% - Goût du savoir et de la connaissance : 25% - Solidarité avec les autres : 20% - Goût de l’effort : 20% - Dépassement de soi : 14% - Respect de la tradition :14% - Goût de la réussite :12% ◆Les  trois  systèmes  utopiques   Enfin, l’étude a permis de déterminer trois types de conceptions de la société incarnant chacune à sa façon la société idéale dans laquelle les Français aimeraient vivre. Parmi elles, la plus partagée est la société précautionneuse vis à vis de l’environnement. Et de loin. Ce qui est la preuve désormais irréfutable des très fortes attentes dans ce domaine. On ne reviendra pas en arrière. Au tourisme de s’adapter. •  L’utopie  écologique  gagnante  :  55%  Pour 55% des personnes interrogées, la société idéale est une société orientée vers l’équilibre et la sobriété dans le cadre d’une économie de la proximité et du « faire soi-même ». Répondant en premier

Page 10: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  10  

lieu à l’impératif écologique, cette société n’est pourtant pas seulement liée à la peur des dangers qui nous menacent ; elle séduit également par la nature des modes de vie qu’elle promeut en dépit des restrictions de la consommation qu’elle implique.  •  L’utopie  sécuritaire  :  un  juste  milieu  :  30%  Cet idéal là arrive en seconde position. Privilégié par 30% des répondants, il campe sur une société nostalgique d’un passé révolu, soucieuse de préserver son identité et sa singularité face aux influences étrangères sur le plan économique et culturel. Ici, clairement, la difficulté à se projeter dans l’avenir favorise la recherche d’idéaux dans un passé réinventé, un supposé âge d’or qui prend alors les traits d’une utopie.  •  L’utopie  techno-­‐libérale  :  le  progrès  ne  mobilise  plus  :  15%  Malgré les apparences, cette vision de la société qui s’inscrit dans une trajectoire hypermoderne, décrit un monde centré sur le progrès, articulé autour de la science et de la technologie, dans une économie hyperconcurrentielle, ne séduit plus. Elle n’est retenue en priorité que par une faible minorité des Français interrogés soit 15%. Ce qui est peu et devrait convaincre que la « start-up nation » ultra libérale n’a pas convaincue. ◆  Les  cinq  profils  de  Français    Enfin,   l’étude   définit   une   typologie   de   Français   dont   les   profils   sont   articulés   autour   des   trois  visions  du  monde  décrits  ci-­‐dessus,  avec  des  nuances  d’intensité.     •   Les   Modernes  :   31%. Ils forment le groupe le plus favorable à l’utopie techno libérale (bien que l’utopie écologique ait leur préférence). Ils adhèrent à la notion de progrès inscrite dans la modernité, y compris pour ses dimensions les plus extrêmes renvoyant à « l’augmentation » de l’humain. Ils constituent le groupe affichant les orientations consuméristes les plus marquées et s’avèrent légèrement plus jeunes que la moyenne et davantage issus de catégories socio professionnelles modestes. •  Les  Modérés  verts  :  29%. Ils se distinguent par la priorité qu’ils donnent à l’écologie, la réduction des inégalités et une consommation plus qualitative que quantitative. Ils sont très sur représentés parmi les jeunes, dans l’agglomération parisienne, et leur poids croît avec le niveau de leurs diplômes. •  Les   Identitaires-­‐sécuritaires  :  17%. Ceux-là penchent plutôt du côté de l’utopie sécuritaire tout en adhérant à certaines dimensions de l’utopie écologique. Ils forment le groupe le plus âgé de la typologie. Ils sont en outre sur représentés parmi les personnes dont le système de valeurs est orienté vers la morale et la tradition mais aussi parmi celles portées vers le lien avec la nature. •   Les   Libéraux   conservateurs  :   14%. Ils se caractérisent d’abord par une forte adhésion à l’utopie sécuritaire et rejettent l’utopie écologique. Ils sont surreprésentés chez les personnes associées à un système de valeurs matérialistes mais aussi parmi les personnes se disant « très à droite ». •  Les  Décroissants  :  9%. Ils adhèrent massivement à l’utopie écologique et quasi exclusivement à cette utopie. On note une forte relation avec le niveau de diplôme. Ils sont aussi très surreprésentés au sein de la classe créative. Méthodologie Cet Observatoire s’appuie sur une enquête en ligne menée par l’ObSoCo du 23 avril au 7 mai 2019, auprès d’un échantillon de 2000 personnes représentatif de la population de France métropolitaine âgée de 18 à 70 ans établi sur la base de quotas sur les critères suivants : âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle, région et taille de l’agglomération de résidence. Afin d’éviter que la durée de passation du questionnaire ne dépasse le seuil à partir duquel la qualité des résultats se trouve compromise, certains blocs de questions n’ont été adressés qu’à une moitié de l’échantillon et d’autres à l’autre moitié/

Page 11: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   11  

SOCIÉTÉ ___  

LES LUTTES S’ORGANISENT : ANIMAUX,

OCEANS, GLACIERS

 

A  l’heure  où  les  mouvements  sociaux  se  déchaînent  contre  l’injustice  sociale  qui  mine  de  nombreux  pays,   les   luttes   contre  un  ordre  existant   totalement  en   contradiction  avec   les  nouvelles   attentes   de   la   société,   s’organisent.   Proches   du   secteur   touristique,   ces  nouveaux  combattants  se  battent  surtout  pour  le  vivant  et  l’environnement  et  contribuent  à  donner  à  des   territoires  une   image  plus   conforme  aux  nouvelles   réalités   sociétales.   Le  «  non  »  à   la  consommation  s’exprime  aussi.  Ce  qui,  somme  toute,  constitue  une  série  de  signes  encourageants.  

Animaux  :  le  prise  de  conscience  s’accélère    « Dès 2020, il n’y aura plus de cirques avec animaux sauvages dans notre ville ! », a tweeté samedi 16 novembre la maire de Paris. Précision : la mesure ne s'appliquera pas aux cirques Bouglione ou Gruss : Le premier, étant propriétaire de son domaine. Quant au second, il devra signer la convention d'interdiction d'animaux sauvages lorsque son contrat d'occupation de terrain arrivera à terme en 2020. Plus de 1000 animaux de près de 40 espèces différentes vont également être interdits dans les cirques portugais. Le Parlement a en effet voté le 30 octobre une nouvelle loi prévoyant que les cirques du pays ne pourront plus être en possession d'animaux sauvages comme des lions ou des éléphants. Une mesure qui sera effective à partir de 2024.   - Ces deux nouvelles s’inscrivent dans un contexte où près de 400 communes françaises ont déjà pris la décision de bannir les animaux sauvages des cirques. Ce qui n’a rien d’incongru car, selon une enquête de la Fondation 30 Millions d’Amis, menée par l’Ifop en février 2019, 2

Page 12: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  12  

Français sur 3 (67 %) sont favorables à ces interdictions. Ailleurs, dans le monde, comme en Asie surtout, on s’organise pour interdire promenades à dos d’éléphants, safaris ou chasses aux animaux sauvages. Il en était grand temps ! Du  côté  des  aquariums,  même  combat  Autre bonne nouvelle : Elle provient des aquariums européens et chinois qui ont adopté une déclaration commune pour protéger la planète et sa biodiversité. Réunis simultanément en octobre 2019, pour la conférence annuelle de l'Union Européenne des Directeurs d'Aquariums (EUAC) à Boulogne-sur-Mer et pour le Forum de l'Association Chinoise des Conservateurs de vie aquatique en Chine, l’ensemble des participants au forum a adopté une déclaration commune d’engagements visant à initier des changements de comportements. Au-delà de la réaffirmation de leur rôle de relais d'informations scientifiques et d'éducation auprès des citoyens, ils se sont notamment engagés à soutenir la mise en place d'aires marines protégées et à contribuer à la Décennie des Sciences de l'Océan pour le Développement Durable des Nations Unies. Ceci, pour permettre une meilleure compréhension du rôle essentiel de l'océan et de la nécessité d'en préserver les ressources. Observateurs attentifs et engagés, les aquariums sont déjà investis depuis de nombreuses années dans la réduction de leur impact environnemental. Avec cette déclaration, ils souhaitent aller plus loin en s'engageant dans une démarche zéro-plastique et en étant les chevilles ouvrières de l'éducation à une consommation durable des produits de la Mer. I   Les  glaciers  organisent  leur  défense  Lancée il y a quelques semaines par un défenseur de la nature, une pétition en ligne contre le « mariage des glaciers » a réuni en Autriche des milliers de signataires.  De quoi s’agit-il ? Il s’agit de lutter contre un mégaprojet tendant à la fusion des domaines skiables de deux grands glaciers, celui d’Ötztal et Pitztal, dans une région hyper fragile. Le projet d’un coût de 120 à 130 millions d’euros, censé créer 64 hectares de pistes de ski supplémentaires desservies par trois nouvelles lignes de télécabines, nécessiterait des travaux d’aménagement de grande envergure pour faire du site “le plus grand domaine skiable sur des glaciers d’ Europe”. La vie économique locale étant fondée sur le tourisme, les partisans du projet sont nombreux et insistent sur le fait que, selon eux, l’essor touristique et le respect de la nature ne s’excluent aucunement. La décision sur la compatibilité de l’un et de l’autre, devrait être connue le 9 décembre. Tous les glaciers pourraient-ils être défendus de la même façon ? C’est la question que l’on peut se poser. En effet, selon un excellent rapport de la BBC publié récemment à l’aide de photos comparatives, les glaciers islandais continuent de fondre à vue d’œil. Une évidence que l’on contemple sans beaucoup réagir. Pire ! On regarde et on emmène des touristes de plus en plus nombreux regarder fondre la glace en Arctique et Antarctique comme s’il s’agissait du dernier grand spectacle à la mode !

 

•  Loi  sur  la  mobilité  :  les  communes  ont  le  champ  libre  

Enfin, selon cette nouvelle loi votée discrètement, les autorités organisatrices de mobilités (AOM), qui gèrent l'offre de transport à l'échelle d'une métropole, d'une intercommunalité, d'un département ou d'une région, se voient dotées de nouvelles prérogatives. Les AOM devront

Page 13: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   13  

désormais veiller « à l'existence de services d'information multimodale sur les services de transport et de mobilité ». En clair : chaque agglomération devra disposer d'applis, publiques ou privées, permettant de se renseigner sur les offres et d’acheter un accès aux transports en commun, mais aussi de réserver des VTC, covoiturages et autopartage, ou encore de trouver des places de stationnement. Intérêt ? Cela permettra de cumuler facilement plusieurs de ces solutions pour effectuer un même voyage, en économisant des émissions de CO2. On est sur la bonne voie.  •  Les  Français  et  leurs  voitures  vus  par  l’Observatoire  de  Cetelem     Le   dernier   Observatoire   de   Cetelem   sur   l’automobile   confirme   pour   sa   part   ce   que   l’on  préssentait  depuis  la  révolte  des  «  Gilets  jaunes  ».  A  l’heure  où  l’automobile  reste  le  moyen  de  transport  privilégié  des  vacanciers,  que  dit-­‐il  plus  exactement  ?  

-­‐  Le  marché  automobile  mondial  va  enregistrer  en  2019  sa  plus  nette  baisse depuis 10 ans : -4,4%, tandis qu’un nouveau recul de 3% est prévu l’année prochaine en France et en Europe. - Les  prix  du  carburant  constituent  un  sujet  de  préoccupation  majeure pour les automobilistes, qui jugent qu’il s’agit de la principale dépense liée à la voiture, loin devant les coûts d’assurance, d’entretien et de réparation. En France, seuls 32% des automobilistes des petites villes déclarent avoir déjà renoncé à faire certains trajets en voiture en raison des prix du carburants, contre 67% dans les métropoles. Conséquences : en France, ils sont 75% dans les petites villes à attendre des pouvoirs publics une baisse des taxes sur les carburants, contre 50% dans les métropoles. Ils sont 62% dans ce cas en Europe et 61% dans le monde.

-­‐  Voiture  et  pollution  :  les  Français  dans  le  déni  ? De plus, 66% des automobilistes considèrent que la voiture est la cause principale de la pollution. Les jeunes de 18-34 ans sont les plus critiques à cet égard (71%), tandis que les 55 ans et plus se montrent moins convaincus (60%). Mais, paradoxe, les Français sont beaucoup plus indulgents vis-à-vis de la voiture, puisqu’ils ne sont que 46% à la considérer comme la cause principale de la pollution. Seuls les Allemands sont encore moins à croire en cette idée : 42% !

-­‐  Les  transports  en  commun  sur  la  sellette : Si 39% des répondants décrivent la voiture avant tout comme un moyen indispensable pour se déplacer, l’accès aux transports en commun constitue un enjeu majeur en matière de mobilité. -­‐  Concernant  l’autopartage  : la pratique demeure confidentielle. En moyenne, 7% des Français affirment y avoir régulièrement recours mais 12% l'utilisent dans les métropoles et seulement 3% dans les campagnes. La  pratique  du  covoiturage  est  plus  développée : 10% y ont recours plusieurs fois par mois en tant que passagers. Les habitants des métropoles sont les plus réceptifs avec 13% des citadins qui l’utilisent plusieurs fois par mois contre 7 % en zone rurale. Sur ces nouvelles formes de mobilité, la fracture territoriale est importante. Sources : Observatoire Cetelem réalisé sur 12 pays dont le Japon et la Turquie.

Page 14: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  14  

SOCIÉTÉ ___

DU COTÉ DU TOURISME : L’AÉRIEN SE MOBILISE  

 

 

Pendant  que  la  société  civile  et  les  jeunes  se  mobilisent,  toutes  les  initiatives  ne  sont  pas  égales,  mais  toutes  méritent  cependant  d’être  saluées  comme  des  avancées.  A  l’heure  de  l’urgence,  sachant  que  le  monde  occidental  n’est  pas  en  pointe  dans  ce  domaine  et  que  le  secteur   touristique   a   longtemps   négligé   des   efforts   qui   auraient   pourtant   limité   les  émissions  de  gaz  à  effets  de  serre,  suivons  quelques  initiatives.  Elles  montrent  le  chemin  à  suivre  malgré  leurs  insuffisances  et  constituent  des  signaux  «  modérés  »  !    

Du  côté  de  l’aérien  : compenser en replantant des arbres ou finançant des centrales solaires, va rapidement devenir une habitude. Air France, British Airways, Easy Jet donnent l’exemple. Autre innovation : supprimer totalement les plastiques à bord ( vaisselles, emballages des couvertures, bouteilles).

- Les journaux ont un poids. Il faut aussi les supprimer dans une stratégie générale d’allégement des charges à bord.

- Les circuits courts auront aussi leur place sur les plateaux repas. Tout comme la lutte contre le gaspillage.

- Mais, il n’y a pas que l’aérien qui s’implique. Eurostar aussi annonce qu’elle plantera un arbre par voyage de ses trains entre Londres et Paris, à compter du 1er janvier. Suivront les autres pays desservis par la compagnie.

- La nouvelle écotaxe intégrée à la taxe Chirac pourrait aussi voir le jour très rapidement. Neuf autres pays européens devraient adopter des mesures similaires, voire plus efficaces, surtout sur les longs courriers.

Page 15: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   15  

Le  tout  électrique. C’est simple, on connaît la technique mais on ne l’utilise pas toujours. Les navettes électriques dans les aéroports sont pourtant une solution. L’aéroport de Nice en a fait la preuve. Il a opté pour la circulation de navettes 100% électriques. L’énergie solaire comme à Cochin en Inde est aussi prévue. Le système Corsai ( Compensation et réduction du carbone pour l’aviation internationale) devrait pour sa part remporter de nouvelles adhésions ; outre les 70 pays qui se sont déjà portés volontaires.

Restauration  : dans ce domaine, les réactions commencent à être nombreuses, notamment de la part des grands groupes hôteliers comme Hyatt ou Hilton. Que font-ils ?

-Pour commencer, il s’agit de moins gaspiller. Certains suppriment les buffets. D’autres réduisent la taille des assiettes pour que les clients se servent en plus petite quantité. On propose aussi à table, de faire payer le pain et le beurre, dans le même souci d’économie.

-Le plastique et les emballages sont eux aussi totalement bannis. De plus, on récupère de la nourriture non utilisée pour faire des donations à des associations caritatives et l’on pratique le compost avec les détritus utilisables.

… Mais, avant tout, il s’agit d’y voir plus clair dans sa consommation donc, le mouvement le plus important consiste à faire faire des diagnostics capables d’évaluer la consommation réelle utile et d’adapter ensuite les achats de nourriture à celle-ci.

Planter  des  arbres  :  la  mesurette  qui  ne  fait  pas  illusion  !  

A l’heure qu’il est : 66 pays se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Autrement dit, chacun d'eux ne devra plus émettre davantage d'émissions qu'il n'est en capacité d'en absorber par ses puits naturels (forêts, sols...). D’où les plantations d’arbres. Ainsi, du côté de l'Australie, qui a réceptionné le vol de 19 heures reliant New York à Sydney, on entend planter un milliard d’arbres d’ici un demi siècle, alors que les objectifs climatiques du pays sont jugés insuffisants. L'idée est en fait d'accroître sa capacité d'absorption de ses émissions pour espérer les neutraliser. Là est tout le principe de la compensat ion carbone. À plus petite échelle, si l’on émet 80 kg de CO2 en roulant de Paris à Marseille en voiture, en échange, on devrait planter un arbre qui serait capable de neutraliser notre b i lan carbone en absorbant le poids équivalent de nos émissions. ( Sources InfoDurable).

 

LES  TRAINS  DE  NUIT  REPRENNENT  DU  SERVICE  

Page 16: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  16  

Puisque  les  prévisions  de  croissance  du  trafic  aérien  devront  être  divisées  par  deux,  selon  l’Union   des   Banques   Suisses,   la   France,   l’Allemagne,   l’Italie,   le   Benelux,   la   Suède,   le  Danemark  et  la  Bulgarie  ont  exhorté  la  Commission  européenne  à  proposer  de  nouvelles  mesures  pour  cibler   l’aviation  qu’ils   jugent  insuffisamment  taxée  alors  qu’il  s’agit  de  l’un  des   moyens   de   transport   les   plus   polluants.   De   plus,   et   d’ores   et   déjà,   on   observe  parallèlement   une   diminution   du   nombre   de   passagers   dans   certains   aéroports  notamment  en  Suède,  pays  de  Greta  Thunberg.  Mais,  la  bonne  nouvelle  provient  du  retour  du  train  de  nuit  qui  commence  à  reprendre  du  service.  

Le train de nuit est devenu en peu de temps l’une des stars de l’actualité. Des collectifs citoyens s’organisent pour pousser les décideurs à adopter des solutions structurelles favorisant son retour. C’est le cas de la compagnie des Chemins de fer fédéraux autrichiens (ÖBB) qui a ouvert 26 lignes de trains de nuit. Lesquels constituent non seulement une alternative aux vols low-cost courts et moyens courriers mais aussi un retour vers les grandes heures de l’histoire du voyage. Tout le monde a bel et bien en tête La madone des sleepings et d’autres films comme Les crimes de l’Orient Express ou Train de nuit ou encore Trans-Europ-Express.

Back-­‐  on-­‐  Track  :  une  association  pour  soutenir  les  trains  de  nuit  

Qui sont ces collectifs ? Back-on-Track, un réseau destiné à soutenir l’amélioration du trafic transfrontalier européen de trains de voyageurs et de trains de nuit, est le plus offensif. En France, le collectif d’usagers et d’associations environnementales « Oui au train de nuit » se mobilise pour la relance des Intercités de nuit et pour une transition vers une mobilité plus respectueuse de l’environnement. En Suisse, la demande est forte. Selon un sondage de l’Association transports et environnement : 62% de la population voyagerait volontiers avec des trains de nuit. Mais, l’offre fait défaut. Ce qui a poussé la société de transport CFF, à revoir sa copie pour remédier à cette carence. En Suède, pour rendre possible la circulation vers des villes européennes sans prendre l’avion, le gouvernement a pour sa part confié une mission à l’autorité régulatrice du trafic gestionnaire du réseau ferré Trafikverket afin de relancer un service de trains de nuit.

* En France, il ne reste plus que deux trains de nuit, vers les Alpes du sud et les Pyrénées. Mais, on peut aller en Europe en train de nuit depuis Paris : vers Milan et Venise, vers Barcelone, et vers Moscou en 38 heures, en passant par Francfort, Berlin, Varsovie.

Consulter : https://www.sustainability-times.com/sustainable-business/global-tourisms-giant-carbon-footprint/ ww.euractiv.com/section/climate-environment/news/friday-tourisms-growing-contribution-to-ghg-emissions/ Payer  en  fonction  de  sa  consommation  écologique  :  une  idée  d’avenir   En 2022, l’Arctic Blue resort en Finlande ouvrira ses portes avec un programme écologique exhaustif. Mais, pas seulement. La nouveauté proviendra des factures présentées au client qui seront fonction de sa consommation : énergie, repas, activités… le vacancier responsable verra sa note diminuer de près de 50%. Certes, il s’agit de marketing mais, il s’agit d’une stratégie crédible sachant que toutes les conditions en matière d’habitat, chauffage, éclairage, restauration sont aussi réunies pour que l’hôtel ne nuise pas à son environnement.

Page 17: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   17  

SOCIÉTÉ ___  

LA HONTE D’ACHETER MENACE LE SHOPPING ?

 

La  nouvelle  Samaritaine  à  Paris  ouvrira  en  avril  2020    

Alors  que  le  Black  Friday  n’a  laissé  aucune  minute  de  répit  aux  internautes,  sollicités  à  tout  crin  pour  acheter  toutes  sortes  de  marchandises,  y  compris  séjours  touristiques  et  billets  de   chemin   de   fer   et   d’avion,   le   "köpskam  »,   soit   la   honte   de   consommer,   commence   à  prendre  du  galon.  Parallèlement  au  phénomène  du  "flyskam"  (la  honte  de  prendre  l’avion)  qui   a   fait   dégringoler   de   3.8%   la   fréquentation   des   vols   en   Suède,   cette   posture   qui   va  chercher   très   loin   ses   racines,   pourrait   affaiblir   une   activité   touristique   comme   le  shopping.  Ce  qui  est  plutôt  une  bonne  chose.  

our l’exemple, en juillet dernier, Stockholm annonçait l’annulation de sa Fashion week, un événement annuel dont le bilan carbone est plutôt répréhensible. Rien d'étonnant quand on sait que l'industrie de la mode est responsable de 2% des émissions de gaz à effets de

serre. Et si les Suédois ont quelques leçons à nous donner, l'Institut Français de la Mode a toutefois noté qu'en 2019 déjà, près de 2 Français sur 5 avaient acheté des vêtements de seconde main. C’est dire à quel point les circuits alternatifs sont devenus efficaces. Le Green Friday pour lutter contre le black Friday. Par ailleurs, alors que le Black Friday s’impose comme une date incontournable pour tous les commerçants de la planète avec au programme, soldes et promos à gogo pour une journée, et pour certains même un week-end, jusqu'au "Cyber Monday", une riposte s’organise contre ce qui est devenu un véritable saccage environnemental. L'an passé, Greenpeace préconisait donc

P

Page 18: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  18  

l’organisation d’un « Green Friday », soit une journée entière permettant de réparer, réutiliser, recycler... Cette année, un nouveau collectif de marques se forme pour reverdir ce vendredi noir avec le "Make friday green again" . À l'origine de ce mouvement, la marque Faguo qui préconise à toutes les communautés de trier ses placards pour revendre ou recycler, ou vendre à des prix raisonnables. Parmi les 450 enseignes engagées dans le collectif, Nature & découvertes, Joone, Les Raffineurs ou encore Picture Organic... En effet, « ces désirs qui nous affligent » comme le chantait Alain Souchon dès les années 90, ne sont plus supportables pour beaucoup d’entre nous, notamment des jeunes conscients des dégâts de la consommation effrénée sur notre environnement. Dès le début des années 2000, la tendance était visible à travers le succès des vides greniers, brocantes, friperies et les retours vers les marchés et les boutiques alimentaires en quête de produits naturels. Elle est désormais encore plus visible et les touristes n’y échappent pas.

Repenser  le  rapport  à  la  consommation  :  36%  sont  pour     Selon le rapport de l’Ademe, une majorité de Français témoignent d’une certaine insatisfaction à l’égard du modèle de consommation actuel et souhaitent, eux-mêmes, faire autrement. Si un quart des Français interrogés se révèlent satisfaits de la façon dont ils consomment (23 %) sont d’accord avec la proposition « j’aime la manière dont je consomme et je ne souhaite pas changer mes habitudes ») et si 21 % souhaiteraient pouvoir « consommer plus », en revanche 36 % affirment désirer « consommer moins mais mieux » et 20 % « autant mais mieux ».

 

LES  TOURISTES  BOUDENT  LE  SHOPPING  FRANCILIEN  ?  

Deux  bonnes  nouvelles  ont  marqué  le  monde  du  shopping  francilien.  D’une  part,  le  projet  mégalomaniaque   d’Europa   City   est   enfin   abandonné.   Ce   qui   constitue   et   de   loin   une  excellente  nouvelle.  Était-­‐il  besoin  de    créer  des  mètres  carrés  de  surface  commerciale  sur  des  zones  agricoles  fertiles  ?  Parallèlement,  le  mythique  magasin  de  La  Samaritaine  fermé  il   y   a   15   ans,   annonçait   sa   réouverture   en   avril   prochain,   transformé   en   un   véritable  quartier  où  hôtel  5  étoiles,  galeries  commerciales  mais  aussi  crèches  et  logements  sociaux  se   côtoieront.   Un   projet   de   qualité   qui   redonnera   vie   au   quartier   et   sauve   un   édifice  patrimonial.  Mais,  à  quel  coût  ?  Lanouvelle  venue  aura  coûté  la  bagatelle  de  750  millions  d’euros  financés  par  LVMH.      Pour   autant,   le   tourisme   de   shopping   marque   le   pas,   comme   le   constate   une   étude  réalisée  par  le  CRT  Île-­‐de-­‐France,  qui  ne  devrait  pas  être  prise  à  la  légère.            

Page 19: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   19  

 Le  shopping  en  île-­‐de-­‐France  ?  Panorama  

des  comportements     -­‐  Les  «  shoppers  »  ont  tendance  à  séjourner  plus  longtemps  dans  la  région  En Île-de-France, près de 26 millions de visiteurs effectuent chaque année des achats de biens durables. Près de 60 % d’entre eux viennent d’un pays étranger, notamment des États-Unis, du Royaume-Uni, d’Espagne, d’Italie et d’Allemagne. Ceux-ci sont plus nombreux que la moyenne des visiteurs de la destination à être des primo-visiteurs (28 % contre 21 %). Ce sont majoritairement des femmes (55 %) et leur âge moyen est de 41 ans. Ces visiteurs sont essentiellement issus des CSP+ (32 %). Par ailleurs, ils restent à Paris Île-de-France plus longtemps que la moyenne des visiteurs (4,8 nuits contre 3,8 nuits). -­‐  Les  touristes  long-­‐courriers  sont  ceux  qui  dépensent  le  plus  En 2018, les retombées économiques liées à l’achat de biens durables dans la région sont estimées à plus de 3 milliards d’euros, soit 15 % de la consommation touristique totale (22 milliards d’euros). La clientèle française a généré près d’1 milliard d’euros et les clientèles internationales environ 2 milliards d’euros. Avec respectivement 265 et 246 millions d’euros dédiés au shopping, les clientèles chinoise et américaine ont été les plus contributrices. Les Espagnols qui constituent la première clientèle européenne en la matière complètent le podium des visiteurs internationaux (85 millions d’euros). -­‐  85  %  des  commerces  de  la  capitale  sont  fréquentés  par  des  touristes  Ces achats réalisés par les touristes concernent une grande part des commerces franciliens, notamment ceux de la capitale ; ainsi, 85 % des commerces parisiens sont fréquentés par des touristes, notamment ceux situés dans les arrondissements centraux de la capitale. Même si 41 % des commerçants de la capitale déclarent que les dépenses des touristes internationaux représentent moins de 20 % de leur chiffre d’affaires, ils sont aussi 42 % à avoir une part de leur activité liée aux touristes étrangers comprise entre 21 % et 80 %. -­‐  Les  retombées  économiques  du  tourisme  de  shopping  en  baisse  depuis  2014  Cependant, depuis 2014, les retombées économiques générées par les achats de biens durables ont diminué de 12 % ; les clientèles internationales ont ainsi réduit ce poste budgétaire de 14 % et la clientèle française de 8 %. Le tourisme de shopping à Paris Île-de-France perd ainsi du terrain face à des destinations concurrentes telles que Londres, Milan, New-York, Dubaï ou encore Tokyo. Les nouvelles dispositions pour stimuler les recettes touristiques en Île-de-France et en France – notamment en termes de détaxe accordée aux voyageurs ne résidant pas dans l'Union européenne - sont, par conséquent, les bienvenues.

GEOPOLITIQUE___

Page 20: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  20  

GÉOPOLITIQUE___

POURQUOI LA CHINE A BESOIN DU TOURISME ?

Pour   la   première   fois,   une   manifestation   anti   chinoise   a   eu   lieu   au   Kazakhstan.   Son  propos  :   dénoncer   l’invasion   du   pays   par   l’empire   du   Milieu.   Mais,   peu   importe.   Le  tourisme  est  pour  la  Chine,  un  outil  stratégique  de  choix.  Non  seulement  pour  conquérir  le  monde,  développer  son  économie,  mais  aussi  pour  contrôler  sa  population  et  contrôler  ses  relations  avec  les  pays  voisins.  Tour  d’horizon  des  principales  motivations  de  l’Empire  du  Milieu  en  matière  de  tourisme  domestique  et  international.  

 

➤    Réactiver  la  fierté  nationale  

Bien que l’on évoque surtout le tourisme international, le tourisme national chinois lui aussi se développe à grande vitesse. Il n’est qu’à regarder les pages consacrées au tourisme du quotidien national China Daily, pour mesurer l’ampleur que prennent aujourd’hui les reportages consacrés aux richesses touristiques nationales. Tandis qu’il construit routes, aéroports, voies ferrées, chaînes hôtelières, gîtes, résidences de vacances, le gouvernement chinois, après une révolution culturelle particulièrement éprouvante pour son patrimoine, se relève de ses ruines et reconstruit temples, monuments civils et musées qui fleurissent un peu partout à travers le pays. Son but ? Retenir une partie de la manne touristique dans le pays. Mais aussi et surtout : réactiver la fierté nationale de sa population en valorisant son histoire, ses paysages naturels et l’ensemble des sites nés du génie chinois. Une stratégie ambitieuse et relativement classique qui a été éprouvée par de nombreux pays désireux de raviver le patriotisme de leur population.

 

Page 21: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   21  

➤    Entretenir  la  peur  de  l’étranger  en  le  désapprouvant    Autre élément stratégique très important et très subtile : le Parti communiste chinois tire sa légitimité, entre autre, de sa capacité à agir en tant que garant de la sécurité sur le territoire national. Par opposition, la dangerosité et la violence des sociétés des « pays démocratiques » est régulièrement pointée du doigt par les medias de Pékin. Tandis que les mésaventures des touristes chinois, sortes d’explorateurs en terres inconnues, sont largement récupérées par les réseaux sociaux. Dernier exemple en date : les déboires d’une famille chinoise en Suède ont défrayé la chronique. Alors que Pékin et Stockholm ont des relations déjà tendues, l’ambassade de Chine en Suède s’est saisie de ce fait divers pour réclamer des « excuses ». La version chinoise de l’histoire a cependant été mise en doute, certains affirmant que l’affaire avait été orchestrée en réponse à une visite du Dalaï-lama dans la capitale suédoise un jour avant ! Auparavant, des vidéos prises en France et en Grande-Bretagne avaient déjà animé les réseaux sociaux chinois. Suite à un incident survenu dans un magasin Balenciaga, Pékin a obtenu des excuses sous la menace du boycott. Le vocabulaire très nettement exagéré employé par les medias chinois et l’importance donnée à ces événements fournissent le contenu émotionnel de l’esprit victimaire et revanchard entretenu par une grande partie de la presse officielle à Pékin. Malgré l’intérêt mitigé des internautes, ces faits divers font toujours l’objet d’un traitement médiatique particulier, relayé parfois par le gouvernement lui-même. Et il faut croire que ces affaires ont un impact car la « sécurité » est la deuxième préoccupation des touristes chinois lorsqu’ils choisissent leur destination. ➤  Le  tourisme  émetteur  chinois  en  guise  de  représailles  

Bien évidemment, le tourisme émetteur chinois constitue une autre arme redoutable contre les pays touristiques récepteurs. A l’heure ou les USA ont engagé une bataille économique, il est clair que le tourisme chinois dans le pays de Donald Tromp a baissé et bien baissé. On note une diminution de 5 à 8% selon la saison. Une première depuis 2003 ! Les pertes en recettes pourraient se chiffrer à un demi milliard de USD. Ce qui n’est pas du goût des acteurs du tourisme nord américain. Pour les voisins asiatiques, c’est pire. Ainsi, le Vietnam sait que plus de la moitié de son tourisme provenant de la Chine voisine (soit plus de 6 millions de personnes), mieux vaut ne pas envenimer le conflit au sujet des bases chinoises en mer de Chine. Le Japon dont les performances touristiques sont aussi liées à l’arrivée massive des Chinois : plus de 10 millions d’entre eux viennent désormais visiter le pays du soleil Levant, n’engage aucune polémique.

Quant à la Corée du sud dont les shopping tours à Séoul sont l’un des produits phares, elle préfère aussi ne pas envenimer ses relations avec son puissant voisin. Que dire du Cambodge dont les investissements touristiques et les clientèles sont aussi totalement liés à la Chine ? Alors, arme de rétorsion massive le tourisme chinois ? Bien entendu. Et, Hong Kong qui constituait la première destination des Chinois hors du « mainland » en sait quelque chose !

➤«  One  belt,  one  road  »,  des  routes  économiques  avant  tout  

Enfin,   les fameuses Routes de la soie n’ont rien de fortuit. C’est un moyen de cacher derrière une illusion touristique, le plus grand programme économique jamais lancé dans le monde. L’intitulé était enjôleur. L’ OMT a même succombé à son charme en tenant sa 8 ème rencontre sur le sujet à Thessalonique en Grèce. Des événements parallèles ont vu le jour, à l’image de la

Page 22: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  22  

Conférence du tourisme des routes de la soie organisée à Dubrovnik en avril dernier. Mais, en fait, tout cela n’a rien de vraiment touristique. Ports, ponts, chemins de fer, aéroports… Ce sont les investissements qui intéressent la Chine. En Croatie par exemple, ils sont partout. Ils sont également de plus en plus nombreux dans les pays voisins : Serbie, Macédoine, Bosnie, Monténegro. En Europe de l’Ouest, ce n’est guère mieux. L’Italie a adhéré à la Belt and Road Initiative comme on la nomme de plus en plus souvent : (BRI). Elle a été suivie plus discrètement du Luxembourg et de la Suisse. La Grèce a adhéré à la plateforme « 16+1 » – l’organisation associant la Chine à 16 États européens de l’Est et du Sud qui a été rebaptisée le « 17+1 ». Avec des prêts dépassant 1 000 milliards de dollars financés par la Chine et mis en œuvre principalement par des constructeurs chinois, il est clair que des pays pauvres ou manquant de capitaux sont heureux de puiser dans un fonds apparemment illimité qui permet aussi à la Chine d’acheter la paix avec ses voisins et de leur envoyer ses touristes. Car, même si les conditions de crédit sont défavorables, ces pays (comme le Sri Lanka par exemple) n’ont plus le choix ! On se demande même si Cuba ne va pas aussi en passer par les crédits chinois pour sortir de son marasme. Ce qui signerait l’arrivée massive de touristes chinois dans l’île rouge !  

Au Laos, le contrat sur le chemin de fer conclu en 2016, a été cette année-là le plus gros investissement étranger, équivalant à 35% du PIB. Au Cambodge, l’investissement chinois a déclenché un boom de la construction à hauteur de 18 milliards de dollars dans un pays dont le PIB dépasse à peine 22 milliards de dollars. En Birmanie, le gouvernement vient de signer un contrat d’1,3 milliards de dollars pour la construction d’un port en eau profonde qui la reliera à la Chine et au couloir économique Est-Ouest de l’ASEAN. Au Pakistan, la Chine a finalisé un prêt de 2 milliards de dollars quelques jours après la victoire électorale du Premier ministre en août 2018. Et la liste des pays bénéficiaires, tous partenaires minoritaires de ces accords, ne cesse de s’allonger. Elle comprend aussi un grand nombre de pays d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Europe centrale et orientale, particulièrement dans les Balkans.

Au Népal, le gouvernement négocie avec les Chinois la construction d’une ligne de chemin de fer entre Katmandu et Lhassa...

➤  Développer  la  bonne  conscience  chinoise   Enfin, selon une étude de la Banque mondiale, les travaux reliés aux Routes de la soie permettraient de sortir 32 millions de personnes de la pauvreté tandis que l’augmentation du commerce estimée à 6% permettrait d’augmenter les revenus de près de 3% les recettes des pays concernés. Cette même stratégie protectrice est déployée dans certaines régions pauvres que le gouvernement met son point d’honneur à promouvoir. Mais c’est sans doute au Tibet que la stratégie chinoise est la plus affûtée. Car, via l’activité touristique que l’Etat développe et les emplois qu’il crée, il exerce un contrôle total de la population qu’il maitient sous sa domination. N’oublions pas que d’ores et déjà, l’énorme population chinoise est surveillée en permanence par 200 millions de caméras et ne devraient pas tarder à devoir fournir un scan de reconnaissance faciale quand elle achète un smartphone, afin de pouvoir être contrôlée et surveillée à plein temps !  

Page 23: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   23  

 Une région sous contrôle : le Tibet

Depuis  quelques  années,  la  stratégie  des  autorités  chinoises  sur  le  Tibet  est  claire.  Il  s’agit  de  multiplier  par  deux  les  flux  touristiques  et  de   le  faire  savoir.  En  2005,  on  ne  comptait  que   4   millions   de   visiteurs,   dans   ce   pays   de   montagnes   amplement   médiatisé   par   le  personnage  du  Dalaï  Lama  et  ses  tournées  internationales,  En  2020,  c’est  à  dire  demain,  on  devrait  en  compter  35  millions  !  Est  ce  bien  raisonnable  ?        

nnexé à la République populaire de Chine en 1951, sous prétexte de le désenclaver et de lui apporter progrès économique et social, le Tibet n’a pas d’autre choix que de subir les règles imposées par Pékin. En matière de développement touristique comme dans tous les domaines.

Or, pour les autorités chinoises, aucune tergiversation n’est possible. Le tourisme est le seul secteur capable de faire rentrer des deniers dans les caisses du gouvernement local et dans celles des grands groupes chinois qui, selon certaines données, engrangent 90% des recettes au détriment de la population locale. Une population que l’on présente pourtant volontiers sur des reportages photos destinés à la clientèle chinoise, en train de faire les lits d’une chambre d’hôtel ou en train de servir dans un restaurant, vêtue de son costume local. Mieux, dans certains reportages, les employés se disent heureux de leur nouvelle vie et des salaires d’environ 150 euros que cela leur rapporte.

Mais, pour parfaire la propagande en faveur des bienfaits du tourisme et de la stratégie de Pékin, on filme aussi beaucoup des guides ré inventant l’histoire du Tibet selon le story telling officiel. Soit un story telling de propagande présentant la Chine comme le sauveur suprême de ces populations tibétaines pourtant en perte d’identité, dont la spiritualité et les traditions ont été sévèrement réprimées par le régime chinois. Un paradoxe d’autant plus impardonnable que ce sont ces traditions culturelles et religieuses qui attirent les touristes et qui leur sont vendues dans un système de folklorisation dans lequel la Chine est passée maîtresse. Autre outil indispensable au développement en cours, les transports : autoroutes, trains à grande vitesse depuis Pékin mais aussi l’an prochain depuis le Sichuan voisin, devraient permettre d’acheminer les énormes réservoirs de clientèles que compte le pays. Lesquelles constitueront bel et bien l’essentiel de la clientèle attendue alors que l’on estime la clientèle internationale à seulement 5% de l’ensemble des flux prospectés.

* Sources données chiffrées : Sources : China Daily. Nielsen.com. Asyalist

A

Page 24: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  24  

DESTINATIONS______

LA STRATÉGIE DU TOURISME SAOUDIEN  

 

 

Nul  ne  contestera  le  succès  de  nouvelles  destinations  qui,  il  y  a  à  peine  30  ans,  n’existaient  pas.  En  tête  les  Émirats  arabes  Unis  et  désormais  le  Sultanat  d’Oman  et  en  partie  le  Qatar.  En   face   de   ses   voisins   arabes   qui   font   des   merveilles   en   matière   de   développement,  l’Arabie  saoudite  prétend  attirer  100  millions  de  touristes  nationaux  et  internationaux  d’ici  2030  !  Ce  n’est  pas  tout.  Il  est  aussi  question  d’augmenter  la  part  du  tourisme  dans  le  PIB  de  10%,  et  de  faire  progresser  le  marché  intérieur  de  8%.  Comment  ?  

 

 Depuis quelques années, l’Arabie saoudite consciente de la fin annoncée du pétrole, entend imiter ses voisins, voire les concurrencer. Certes, le tourisme n’est pas nouveau pour ce pays. Le pèlerinage de La Mecque attire à lui tout seul tous les ans quelque 8 millions de visiteurs. Quant au tourisme d’affaires, toujours très actif, notamment à l’intérieur de la région, il fait tourner l’ hôtellerie très étoilée de la capitale saoudienne. Mais, en matière d’image, comme le confirme le dernier rapport du groupe Seera, le pays est loin du compte. Les restrictions des droits des femmes, les violations du droit international en matière de droits de l’homme, et l’application de la charia, n’en font pas une destination très attirante. Pire, les désastres humanitaires de l’intervention saoudienne au Yémen fournissent un spectacle peu attractif de la destination. Pour nous Occidentaux en tout cas. Mais, sommes nous la clientèle convoitée ? Rien n’est certain. La clientèle moyenne orientale, magrébine, musulmane d’une façon générale, notamment en provenance de la région, sera la première clientèle du nouveau tourisme saoudien, suivie par la diaspora installée aux USA, en Europe et au Proche Orient.

Page 25: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   25  

Les  nouveaux  projets  sortent  de  terre    

Pour défier ses intrépides voisins, les projets pour leur part ne manquent pas. Tous aussi pharaoniques les uns que les autres, mais très précautionneux (sur le papier en tout cas) en matière d’environnement. Qiddiya, le nouveau resort de sports et loisirs devrait sortir de terre en 2023. Avec comme partenaire principal le groupe américain Six Flags pour qui il s’agit du plus gros investissement dans le monde, il devrait accueillir 15 000 visiteurs par jour. Il s’ajoutera aux nombreux parcs à thèmes et parcs aquatiques déjà développés dans le pays. Le Neom Valley Project qui consiste pour sa part en une méga cité au milieu du désert est aussi à l’étude. Amala, un resort de grand luxe consacré au bien-être avec un aéroport privé et 2500 chambres d’hôtel est de son côté en cours de réalisation. Marinas, villages, galeries commerciales sont au programme. Quant à l’architecte français Jean Nouvel, il devrait signer le resort de Sharaan où se mélangeront tourisme d’affaires et de loisirs. L’ouverture de 50 cinémas est également prévue. Enfin, le projet des Aman resorts n’est pas abandonné. Loin de là.

Quant à la région archéologique de l’AIUla qui renferme les vestiges des premiers royaumes arabes, elle devrait concentrer l’offre de découverte culturelle de la région, tandis que la mer Rouge concentrera le balnéaire indispensable. Avec 90 îlots et 28 000 Km2, un tourisme de grand luxe commence déjà à s’y développer.

Sur le plan hôtelier, on devrait enfin passer, pour le seul groupe Seera (le principal opérateur du pays) de 2000 à 6000 chambres d’ici 2022. IHG pour sa part est en train de construire 14 nouveaux sites et sur le point de crééer une nouvelle marque pour la destination.

Une  stratégie  exhaustive  

Outre, ces investissements en aménagements, la destination a aussi mis en place une stratégie très détaillée. Laquelle ?

➤ En matière de stratégie, c’est avant tout sur l’assouplissement de la condition féminine que seront portés les efforts : les femmes pourront se déplacer sans autorisation, sans voile. Globalement, la pratique d’un islam plus modéré sera tolérée. ➤ Enseigner une langue étrangère est aussi au programme. ➤ Faire progresser le pèlerinage à la Mecque de 8 à 30 millions, en le cumulant avec des circuits et séjours est prévu. ➤ Il faudra aussi doubler le nombre de sites archéologiques classés à l’Unesco, ➤ et construire le plus grand et le plus beau musée du monde arabe avec la plus grande bibliothèque. ➤ Plus pratique, on va améliorer les procédures de visas, ➤Accroître les investissements étrangers de 3.8% à 5.6%, ➤Faire passer les revenus non pétroliers de 43 milliards USD à 266 milliards USD, ➤ Dépenser 1 milliard USD pour la promotion de la destination et l’amélioration des professionnels. ➤ Enfin, on pense technologie puisqu’il est prévu de mettre en place les outils technologiques indispensables à la sécurisation des réservations et paiements. •  Les  quatre  catégories  de  touristes  saoudiens    

Qui  dit  tourisme,  dit  touristes.  Sur  ce  chapitre,   il  est  clair  que  tout  est  fait  pour  apporter  des   réponses  positives  à  une   clientèle  nationale  en  priorité,   sur   laquelle  de  nombreuses  études   ont   été   réalisées   pour   appréhender   ses   besoins.   Très   présente   en   Europe,   cette  

Page 26: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  26  

clientèle   sera-­‐t-­‐elle   tentée   de   rester   plus   souvent   dans   son   pays  ?   Là   se   pose   l’une   des  questions.  En  attendant,  voici  quelques  données  comportementales  :    

- Premier point : 44% des Saoudiens voyagent 3 fois et plus dans l’année. 25% voyagent au moins deux fois. 31% ne voyagent qu’une seule fois. Deuxième point : ils préfèrent en général les locations d’appartements ou de villas à l’hôtel, pour y recevoir plus confortablement leurs familles.

Destinations  favorites  : Londres. Dubaï. Paris. Le Caire. Sharm et Sheikh. Les Maldives. Beirut. Abu Dhabi. Bali. Genève.

Destinations  tendances  : Azerbaïdjan. Île Maurice. Seychelles. Dubrovnik. Djakarta. Singapour. Kuala Lumpur.

-Troisième élément, 86% louent des hébergements 4 à 5 étoiles. Prix moyen : 180 euros la nuit. 45% font des voyages de 9 jours et plus. 61% préfèrent passer par un agent de voyages.

•  Les  familles  : au delà de la famille nucléaire, c’est la famille élargie qui constitue le gros de la clientèle saoudienne. Très désireuses de socialiser durant leurs vacances, ces familles aspirent à des activités multi générationnelles, des hébergements en chambres communicantes, ou suites de grande taille

•  Take-­‐it  easy  travellers  : ce segment est jeune, actif, voyageant en couples ou solo, il aspire à des séjours confortables et relaxants. En cela, il différe d’une autre catégorie, celle des explorateurs. Comparables sur le plan socio professionnel, l’explorateur cherche au contraire aventures et expériences.

•  Lunes  de  miel  : enfin, ce segment grandissant cherche confort, luxe, raffinement mais surtout personnalisation et organisations minutieuses.

•  Les  femmes  ? autorisées à se déplacer seules, celles-ci le feront-elles ? Si la loi a changé, les mentalités n’ont pas encore complétement évolué. Mais, sur de très courts séjours, on pourrait bien voir émerger cette clientèle pour qui l’élément sécurité sera fondamental.

•   Les   voyageurs  d’affaires  : ceux-ci voyagent à 72% à l’intérieur du pays. 10% vont en Asie mais l’Europe n’en reçoit que 2%. Le reste du Moyen Orient attire 7.7% d’entre eux. Caractéristiques : ils sont très exigeants et très dépensiers.

* Les principales demandes des touristes saoudiens : Sécurité. Confort. Salles de prières. Accès à de la nourriture halal. Nouvelles expériences.

Sources : Seera for Skift.

Les  destinations  du  monde  arabe  progressent  Pendant ce temps, notons aussi les progression du tourisme des Émirats arabes unis qui devrait atteindre avec l’Exposition universelle à Dubaï, environ 20 millions de visiteurs. Tandis que le Sultanat d’Oman, avec une offre de plus en plus diversifiée, notamment en bien-être, aventure et balnéaire, a pour objectif d’attirer en 2030 11 millions de visiteurs internationaux.

Page 27: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   27  

DESTINATIONS______

 

TRENTE ANS APRES LA CHUTE DU MUR,

LE TOURISME PROGRESSE    

 

 

Après  la  chute  du  Mur  de  Berlin,  le  tourisme  de  l’Europe  de  l’Est  se  porte-­‐t-­‐il  bien  ?  C’est  la  question   que   l’on   peut   se   poser   quelques   jours   après   les   commémorations   de   cet  événement   historique   qui   a   bouleversé   la   donne   géopolitique   européenne,   ouvert   les  frontières  de  destinations  totalement  verrouillées  et  fait  surgir  un  formidable  espoir.      

I l’on en croit les chiffres fournis par l’UE : en 2017, on a enregistré 4 millions d’arrivées internationales supplémentaires soit une augmentation de 7% sur les 9 pays de l’Est membres de l’Union Européenne. Ce qui constitue un volume total de plus de 70 millions

de visiteurs. L’an dernier, les résultats ont encore augmenté faisant

En tête, la Pologne atteint 17 millions d’arrivées, suivie par la Hongrie qui en compte 16 millions, tandis que la République tchèque enregistre 12 millions d’arrivées. La Bulgarie n’est pas trop mal placée avec 8 millions de visiteurs tandis que les provinces baltes connaissent un essor régulier qui porte leur fréquentation internationale à environ 3 millions de visiteurs pour chacune d’entre elles. Avec des villes phares comme Prague et Budapest ou Cracovie ( plus que Varsovie), et des dessertes aériennes de plus en plus nombreuses, ces pays ne pouvaient rester

S

Page 28: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217  28  

en dehors de routes touristiques internationales. Ils attirent aussi de plus en plus un tourisme national qui, bon an mal an grossit de quelques pourcents, grâce à un niveau de vie plus élevé et des équipements de bon niveau leur permettant à la fois d’accueillir une clientèle d’hiver et d’été. Seule perdante la Roumanie qui enregistre moins de 2 millions d’arrivées internationales.

A l’origine de ce boom, le formidable engouement qu’a suscité a chute du mur. Mais, dans notre numéro 215 ( juin 2019), nous avons aussi noté les progrès des destinations balnéaires, Croatie en tête. Et l’on devrait ajouter ceux du tourisme d’hiver. Malgré la tendance à l’oublier, ces pays disposent tous de montagnes, de stations de sports d’hiver tandis que la pratique du ski y est historique. Bosnie, Bulgarie, République tchèque, Géorgie, Pologne, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie… offrent des équipements, une hôtellerie et des tarifs particulièrement attractifs, sans compter une ambiance différente qui permet de combiner ski et découverte touristique. http://welove2ski.com/where-to-ski/eastern-europe.

«  La  révolution  de  velours  »    

Quand, en décembre 1989, le dramaturge Vaclav Havel devient président de la République tchèque, c’est l’aboutissement de la Révolution de velours qui anéantira en douceur 40 ans de communisme. Marquée par le pacifisme des manifestants, cette révolution marque aussi l’entrée du pays dans une ère touristique glorieuse qui fait de la destination l’une des plus populaires de la région . Très tôt, Prague a fasciné les Européens de l’ouest et de l’est qui s’y sont précipités en masse. Avec quelque 8 millions de visiteurs, la capitale a une particularité : plus de 80% sont étrangers, notamment allemands. D’autres régions profitent aussi des nouvelles infrastructures et hébergements. Lesquels attirent aussi de plus en plus de locaux : environ 10 millions en 2018.

L’explosion  du  tourisme  allemand  

Ce sont pourtant les performances de l’Allemagne qui sont les plus remarquables. La capitale Berlin a tôt fait de s’imposer comme une destination incontournable pour les jeunes et a vite battu des records en termes de fréquentation, puisqu’elle atteint 87.7 millions de nuitées internationales en 2018. Soit une progression de 4% par rapport à l’année précédente. En hausse de 4% aussi, les Français avec 3,52 millions de nuitées et une moyenne de 4,1 nuits sur place.  Loin d’être dues au hasard, ces performances sont le fruit d’une stratégie très organisée. En effet, alors que Berlin n’a eu aucun mal à concurrencer Londres et Barcelone surtout vis à vis d’une clientèle jeune, et que Munich et Hambourg ont bénéficié d’une notoriété historique, ce sont d’autres régions et thématiques qui ont tour à tour été développées systématiquement. Musique, nature, architecture, thermalisme, culture bien sûr… associée à la culture underground de Berlin..

Mais là aussi, ce sont les visiteurs domestiques qui se sont multipliés atteignant 182 millions de nuitées soit une augmentation de 4% par rapport à 2017. Pays-Bas, Suisse, USA constituent les trois principaux marchés internationaux présents dans le pays. Objectif 2030 : 121 millions de nuitées internationale

Page 29: TOURISCOPIE. Final. 217test...environnemental seul, les menaces augmentent. Les incendies en Californie et en Australie n’auront pas été que feux de paille. Ces régions sont bel

TOURISCOPIE  .  N°  217   29  

EMPREINTE  CARBONE  ET  TOURISME  :  LA  VERITE  A l’heure de la Cop 25, une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Climate Change, révèle que les émissions mondiales provenant du tourisme sont trois fois plus élevées que prévu. Les estimations précédentes de l'empreinte carbone laissée par l'industrie du tourisme la situaient en effet entre 2,5 et 3 % des émissions mondiales totales de dioxyde de carbone. On estime aujourd’hui qu’elles sont plutôt de 8%.

Que s’est-il passé ? Les premières estimations concernant les émissions de CO2 du secteur touristique, réalisées il y a quelques années, avaient une lacune. Elles ne prenaient pas en compte les émissions produites par la chaîne d'approvisionnement des biens et services liés au tourisme. Or, nul n’ignore que les touristes ne se contentent pas de dépenser des combustibles fossiles pour se rendre en voiture ou en avion vers leur destination. Ils consomment aussi des hôtels, de la nourriture, des boissons et autres articles vendus au détail sur un territoire touristique. Lesquels sont tous accompagnés d'émissions de CO2. Il fallait donc les inclure. C’est ce qu’a fait une équipe de chercheurs de l'Université de Sydney à l’origine de ces nouvelles données. Ont bien été évaluées les émissions de carbone d'un milliard de chaînes d'approvisionnement en biens et services liés au tourisme dans 160 pays du monde entier ainsi que d’autres émissions de gaz à effet de serre, dont le méthane, le protoxyde d'azote, les chlorofluorocarbures et les hydrofluorocarbures…

Résidences   et   destinations.  De plus et surtout, l'équipe a analysé les émissions sous deux angles : celui de la résidence, où les émissions sont attribuées aux pays d'origine des touristes, et celui de la destination, où les émissions sont attribuées aux pays de destination. Fournissant aux chercheurs et aux décideurs un aperçu distinct mais tout aussi important de la réalité, ce nouveau mode de calcul qui permet aux points chauds du tourisme de mieux comprendre et d'agir sur leur empreinte carbone, permet d’établir le palmarès suivant :  

- Les États-Unis arrivent en tête de liste avec des voyageurs américains responsables de 1 060 tonnes d'émissions et 909 tonnes d'émissions à destination des États-Unis. - Il sont suivis par la Chine (528 tonnes incombent aux voyageurs, 561 aux destinations chinoises). - L'Allemagne pour sa part est responsable de 305 tonnes pour les voyageurs allemands et de 329 tonnes d’émissions pour les destinations qu’ils fréquentent. - Loin derrière, on trouve l’Inde, le Mexique, le Brésil, le Canada…

En fait, c’est simple : "Le voyage est en grande partie une affaire de revenus élevés ", écrivent les auteurs, les émissions liées au tourisme " circulant principalement entre les pays à revenus élevés qui servent à la fois de résidence et de destination aux voyageurs ".

Mais, certaines petites îles ont des empreintes carbone redoutablement élevées. Ce sont les Maldives, Chypre, les Seychelles et Maurice où entre 30 et 80 % des émissions nationales sont liées au tourisme mais au tourisme international qui constitue l’essentiel de la clientèle.

Quid   de   l’avenir  ?  Constatant d’une part que le voyage est en grande partie une affaire de revenus élevés, circulant principalement entre des pays à revenus élevés qui servent à la fois de résidence et de destination aux voyageurs, cette étude remet en question bien évidemment le développement du tourisme à grande échelle. On s'attend en effet à ce que la part du tourisme dans les émissions mondiales ne fasse qu'augmenter, à mesure que l'affluence s'accroît dans le monde