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12 E n sortant du concert d’Eddy Mitchell le 21 avril 1964, marchant au milieu du public dans le couloir de l’Olympia, je vois l’affiche annonçant Cliff Richard et les Shadows, pour une semaine, du 19 au 24 mai. Je le sais depuis le mois de janvier quand, en feuilletant le program- me des Beatles, j’y ai lu leur passage pour ces dates. Mais, de janvier à mai, il y a quatre mois à attendre, et je me dis qu’il peut se passer beau- coup de choses dans ma vie de collégien. De plus, étant mineur, il me faut l’autorisation de ma mère pour aller à l’Olympia ou au Golf Drouot, et que je le mérite compte tenu de mes résultats scolaires, ce qui me paraît d’ailleurs tout à fait légitime ! J’ai quand même été particulièrement gâté depuis 1961, car j’ai pu voir à peu près tous les spectacles de rock à Paris, à l’ABC et à l’Olympia, et j’en suis extrêmement reconnaissant à ma mère, que j’adore et me le rend bien. Pour Cliff et les Shadows à l’Olympia, l’idée de les applaudir une nouvelle fois sur scène me comble de joie. Fort de ce sentiment, je me dois d’y aller, et au moins deux fois si possible ! Je décide, sup- posant que le prix des places va être assez cher, de tenter d’économiser un maximum sur mon argent de poche. OLYMPIA 1961-63 Dans ces années 60, un concert de Cliff Richard avec les Shadows n’est pas si fréquent et est un événement à ne pas rater. L’Olympia a déjà accueilli les Shads cinq fois depuis 1961. Sans Cliff, ils viennent pour la première fois le 11 décembre 1961 pour un Musicorama. L’Europe est embrasée par la shadowmania depuis la sor- tie de « Apache », mais, en ce 11 décembre, ils ne passent pas en vedettes, pas encore. La tête d’affiche est Chubby Checker qui cartonne avec « Let’s Twist Again ». En première partie, je me régale avec Danyel Gérard, Frankie Jordan, Billy Fury et surtout les Chats Sauvages avec Dick Rivers. Le batteur originel des Shadows, Tony Meehan, vient de quitter le groupe deux mois auparavant, et c’est avec son remplaçant, le brillant Brian Bennett, qu’ils se produisent, en troi- sième position en première partie, entre les Chats et Frankie Jordan. Ils remportent un triomphe, pour le plus grand plaisir de ma mère qui les adore et m’accompagne, ne me laissant pas sor- tir seul le soir en 1961. J’ai la chance d’avoir une maman très jeune qui aime le rock. Cela m’aide beaucoup pour les autres venues des Shadows à Paris, la deuxième fois du 13 au 18 mars 1962, en vedettes cette fois, avec à l’affiche égale- ment… les Trois Ménestrels ! C’est la dernière fois qu’on les voit à l’Olympia avec le génial Jet Har- ris (au look de James Dean) à la basse. Lui aussi va partir quelques semaines plus tard, remplacé par Brian Locking, affublé du sobriquet Licorice. Brian Licorice Locking est un bassiste très répu- té au Royaume-Uni. Avec Brian Bennett, qu’il retrouve donc au sein des Shadows, il a joué avec Eddie Cochran, Marty Wilde et Vince Taylor, lors de leurs fracassants débuts en Grande-Bretagne en 1960. C’est avec Brian Locking que les Sha- dows se produisent à l’Olympia pour la troisième fois, le 14 mai 1963, et pour la première fois avec Cliff Richard. Le lundi 21 octobre 1963, pour la quatrième fois ils sont de nouveau boulevard des Capucines, sans Cliff, toujours en vedettes, au cours d’un Musicorama où ils arborent de superbes guitares Fender blanches. C’est enco- re une fois un triomphe, bien que, quelques semaines auparavant, le magazine Bonjour Les Amis titre sous une photo du groupe en gros plan : Les Shadows... est-ce la fin ? Malgré l’arrivée des Beatles, ce n’est pas le cas ! Tout au long du calendrier de Bernard Bayoux 1964/3 CLIFF RICHARD & LES SHADOWS 1963 a été une année magnifique qui permit à Bernard Bayoux de donner libre cours à son insatiabilité concernant les Musicorama à l’Olympia (voir JBM N°314 à 316). Mais il est alors loin de penser que tout ce qu’il a vécu si intensément en 1963 va se révéler encore plus fort en 1964. Ainsi l’Olympia affiche en janvier les Beatles (N°334), en février Johnny Hallyday, en avril Eddy Mitchell (N°335). Octobre voit arriver les Stones. Quelle folie ! En attendant, en mai, voici Cliff Richard et les Shadows. JOHN ROSTILL Mais revenons en 1964 pour leur cinquième venue, la deuxième avec Cliff Richard. Les Sha- dows ont encore changé de bassiste ! Quelques semaines avant leur arrivée à Paris, Disco Revue annonce ce remplacement avec plusieurs cli- chés, les tout premiers, où figure leur nouveau bassiste : John Rostill. Au même moment, Ciné Music Magazine, que je dévore chaque semaine aussi, publie également une photo de John Ros- till au sein de son précédent groupe, les Interns. Première constatation, il a un physique de play- boy, à faire craquer les filles, comme le souligne leur guitariste soliste Hank Marvin. En ce mois de mai, j’obtiens donc le feu vert de ma mère pour Cliff et les Shads. Lorsque je me précipite à l’Olympia, quelques jours avant la première, la guichetière me signale que les places sont par- ties à vitesse grand V et qu’il n’en reste plus beau- coup de très bonnes. Et moi qui aie économisé pour me payer la meilleure possible, quelle déception ! Pas question de ne pas être très bien placé. Je casse ma tirelire, et pour mon premier soir (je les verrai trois fois !), je réserve (quelle chance) un fauteuil encore disponible dans les cinq premiers rangs d’orchestre, ayant bien l’in- tention de faire des photos. C’est pour la soirée du 20 mai, le lendemain de la première. Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’un Musi- corama Europe N°1, la première est retransmise en direct sur la station, présentée par Hubert, depuis les coulisses. Je suis très excité par cette diffusion mais, avant l’Olympia du lendemain, je veux préserver l’effet de surprise de découvrir les Shadows puis Cliff, bien calé dans mon confor- table siège, au cinquième rang, juste en face d’eux, et non en sachant à l’avance ce qu’ils inter- prètent ! N’ayant pas encore à l’époque de magnétophone à cassette permettant d’enregis- Dédicacé par les quatre Shadows, le programme de l’Olympia (12 pages) de mai 1964.

Tout au long du calendrier de Bernard Bayoux 1964/3 … · d ow s ep ru in tà l’O y ma è fois, le 14 mai 1963, et pour la première fois avec Cliff Richard. Le lundi 21 octobre

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Page 1: Tout au long du calendrier de Bernard Bayoux 1964/3 … · d ow s ep ru in tà l’O y ma è fois, le 14 mai 1963, et pour la première fois avec Cliff Richard. Le lundi 21 octobre

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En sortant du concert d’Eddy Mitchell le 21avril 1964, marchant au milieu du public dansle couloir de l’Olympia, je vois l’affiche

annonçant Cliff Richard et les Shadows, pour unesemaine, du 19 au 24 mai. Je le sais depuis lemois de janvier quand, en feuilletant le program-me des Beatles, j’y ai lu leur passage pour cesdates. Mais, de janvier à mai, il y a quatre mois àattendre, et je me dis qu’il peut se passer beau-coup de choses dans ma vie de collégien. Deplus, étant mineur, il me faut l’autorisation de mamère pour aller à l’Olympia ou au Golf Drouot, etque je le mérite compte tenu de mes résultatsscolaires, ce qui me paraît d’ailleurs tout à faitlégitime ! J’ai quand même été particulièrementgâté depuis 1961, car j’ai pu voir à peu près tousles spectacles de rock à Paris, à l’ABC et àl’Olympia, et j’en suis extrêmement reconnaissantà ma mère, que j’adore et me le rend bien. PourCliff et les Shadows à l’Olympia, l’idée de lesapplaudir une nouvelle fois sur scène me comblede joie. Fort de ce sentiment, je me dois d’y aller,et au moins deux fois si possible ! Je décide, sup-posant que le prix des places va être assez cher,de tenter d’économiser un maximum sur monargent de poche.

OLYMPIA 1961-63Dans ces années 60, un concert de Cliff Richardavec les Shadows n’est pas si fréquent et est unévénement à ne pas rater. L’Olympia a déjàaccueilli les Shads cinq fois depuis 1961. SansCliff, ils viennent pour la première fois le 11décembre 1961 pour un Musicorama. L’Europeest embrasée par la shadowmania depuis la sor-tie de « Apache », mais, en ce 11 décembre, ilsne passent pas en vedettes, pas encore. La têted’affiche est Chubby Checker qui cartonne avec« Let’s Twist Again ». En première partie, je me

régale avec Danyel Gérard, Frankie Jordan, BillyFury et surtout les Chats Sauvages avec DickRivers. Le batteur originel des Shadows, TonyMeehan, vient de quitter le groupe deux moisauparavant, et c’est avec son remplaçant, lebrillant Brian Bennett, qu’ils se produisent, en troi-sième position en première partie, entre les Chatset Frankie Jordan. Ils remportent un triomphe,pour le plus grand plaisir de ma mère qui lesadore et m’accompagne, ne me laissant pas sor-tir seul le soir en 1961. J’ai la chance d’avoir unemaman très jeune qui aime le rock. Cela m’aidebeaucoup pour les autres venues des Shadowsà Paris, la deuxième fois du 13 au 18 mars 1962,en vedettes cette fois, avec à l’affiche égale-ment… les Trois Ménestrels ! C’est la dernière foisqu’on les voit à l’Olympia avec le génial Jet Har-ris (au look de James Dean) à la basse. Lui aussiva partir quelques semaines plus tard, remplacépar Brian Locking, affublé du sobriquet Licorice.Brian Licorice Locking est un bassiste très répu-té au Royaume-Uni. Avec Brian Bennett, qu’ilretrouve donc au sein des Shadows, il a joué avecEddie Cochran, Marty Wilde et Vince Taylor, lorsde leurs fracassants débuts en Grande-Bretagneen 1960. C’est avec Brian Locking que les Sha-dows se produisent à l’Olympia pour la troisièmefois, le 14 mai 1963, et pour la première fois avecCliff Richard. Le lundi 21 octobre 1963, pour laquatrième fois ils sont de nouveau boulevard desCapucines, sans Cliff, toujours en vedettes, aucours d’un Musicorama où ils arborent desuperbes guitares Fender blanches. C’est enco-re une fois un triomphe, bien que, quelquessemaines auparavant, le magazine Bonjour LesAmis titre sous une photo du groupe en gros plan :Les Shadows... est-ce la fin ? Malgré l’arrivée desBeatles, ce n’est pas le cas !

Tout au long du calendrier de Bernard Bayoux 1964/3

CLIFF RICHARD & LES SHADOWS1963 a été une année magnifique qui permit à Bernard Bayoux de donnerlibre cours à son insatiabilité concernant les Musicorama à l’Olympia (voirJBM N°314 à 316). Mais il est alors loin de penser que tout ce qu’il a vécusi intensément en 1963 va se révéler encore plus fort en 1964.Ainsi l’Olympia affiche en janvier les Beatles (N°334), en févrierJohnny Hallyday, en avril Eddy Mitchell (N°335). Octobre voit arriver les Stones. Quelle folie ! En attendant, en mai, voici CliffRichard et les Shadows.

JOHN ROSTILLMais revenons en 1964 pour leur cinquièmevenue, la deuxième avec Cliff Richard. Les Sha-dows ont encore changé de bassiste ! Quelquessemaines avant leur arrivée à Paris, Disco Revueannonce ce remplacement avec plusieurs cli-chés, les tout premiers, où figure leur nouveaubassiste : John Rostill. Au même moment, CinéMusic Magazine, que je dévore chaque semaineaussi, publie également une photo de John Ros-till au sein de son précédent groupe, les Interns.Première constatation, il a un physique de play-boy, à faire craquer les filles, comme le souligneleur guitariste soliste Hank Marvin. En ce mois demai, j’obtiens donc le feu vert de ma mère pourCliff et les Shads. Lorsque je me précipite àl’Olympia, quelques jours avant la première, laguichetière me signale que les places sont par-ties à vitesse grand V et qu’il n’en reste plus beau-coup de très bonnes. Et moi qui aie économisépour me payer la meilleure possible, quelledéception ! Pas question de ne pas être très bienplacé. Je casse ma tirelire, et pour mon premiersoir (je les verrai trois fois !), je réserve (quellechance) un fauteuil encore disponible dans lescinq premiers rangs d’orchestre, ayant bien l’in-tention de faire des photos. C’est pour la soiréedu 20 mai, le lendemain de la première. Bien qu’ilne s’agisse pas à proprement parler d’un Musi-corama Europe N°1, la première est retransmiseen direct sur la station, présentée par Hubert,depuis les coulisses. Je suis très excité par cettediffusion mais, avant l’Olympia du lendemain, jeveux préserver l’effet de surprise de découvrir lesShadows puis Cliff, bien calé dans mon confor-table siège, au cinquième rang, juste en faced’eux, et non en sachant à l’avance ce qu’ils inter-prètent  ! N’ayant pas encore à l’époque demagnétophone à cassette permettant d’enregis-

Dédicacé par les quatre Shadows, le programme de l’Olympia (12 pages) de mai 1964.