Traces d’animauxGuide d’identification

du Québec

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Mark Elbroch

Traces d’animauxGuide d’identification

du Québec

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Elbroch, Mark

Traces d’animaux du Québec : guide d’identification

Traduction de: Mammal tracks & sign. Comprend des réf. bibliogr. et un index.

ISBN 978-2-89000-890-8

1. Mammifères - Amérique du Nord - Identification. 2. Empreintes animales - Amérique du Nord. 3. Mammifères - Québec (Province) - Identification. 4. Empreintes animales - Québec (Province). I. Titre.

QL715.E4214 2008 599.097 C2007-942574-7

Titre original : Mammal tracks & signCopyright © 2003 par Stackpole Books

Pour l’édition en langue françaiseCopyright © Broquet Inc., Ottawa 2008Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationale du Québec3e trimestre 2008

Traduction et adaptation : Guy PatenaudeRévision : Marcel Broquet, Diane MartinConception graphique : Josée FortinInfographie de la page couverture : Sandra MartelTraitement d’images : Annabelle GauthierPhotographies de la page couverture : Avant : renard roux © Graeme Purdy/iStockphoto ; cerf © Jupiterimages ; arrière : ours noir © Suzann Julien/iStockphotoPage 6 : © John Pitcher/Dreamstime.com

ISBN 978-2-89000-890-8 (papier)ISBN 978-2-89654-877-4 (pdf)

Tous droits de traduction totale ou partielle réservés pour tous les pays. La repro duction d’un extrait quelconque de ce livre, par quelque procédé que ce soit, tant électronique que mécanique, en particulier par photocopie, est interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.

À ma mère, Victoria Elbroch, qui m’appuie sans réserve dans tout ce que j’entreprends ; à ma grand-mère, Liz Gorst qui, dès ma naissance, s’est assurée que j’aie ma ration d’air salin ; et en hommage au

regretté Olaus Murie, dont le travail dans le domaine du pistage en Amérique du Nord a influencé des milliers – peut-être même des millions – de personnes, dont votre humble serviteur.

Table des matières

Introduction 8

1 Point de départ 15

2 Empreintes et pistes 27 Identification des empreintes 70

Répertoire des espèces 90

3 Excréments, urine et autres sécrétions 240 Répertoire des espèces 251

Identification des excréments 283

4 Traces sur la végétation 311

5 Les restes de mammifères 341

En conclusion 351

Index 355

Tailles relatives des mammifères 359

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La neige avait commencé à tomber après le coucher du soleil et avait cessé juste un peu après minuit. C’était une neige de printemps, lé­gère mais alourdie par la température plutôt élevée de la matinée ; bref, un substrat parfait pour le pistage. Je me suis levé, je me suis étiré les muscles et j’ai rapidement attrapé un muffin aux bleuets. Puis je me suis rendu à l’orée de la forêt pour évaluer les conditions de pistage. À peine arrivé au fond de mon jardin, j’ai croisé une piste tou­

te fraîche. Je connaissais bien ce renard roux femelle. Elle se terrait souvent dans les ca­vités formées par les sou ches qui avaient été enlevées lors de la construction de l’entrée de ma maison. Elle semblait se plaire dans ces lieux qu’elle partageait avec plusieurs lapins à queue blanche qui trouvaient également refuge sous cet en­chevêtrement de branches et ces monticules de terre. Je con­nais sais sa ronde habituelle et les limites de son territoire, et

je savais où et de quoi elle se nourrissait. Depuis que j’avais emména­gé dans ma nouvelle maison, au mois d’octobre précédent, je suivais ses pistes au moins cinq jours par semaine.

Lors de cette superbe matinée, les empreintes dans la piste qui me­nait vers l’est étaient parfaites. La renarde s’était déplacée à son allure naturelle, le trot avec empreintes superposées, et je voyais sa piste s’enfoncer dans les broussailles et se diriger vers les terres humides situées un peu à l’est de ma maison où elle chassait des campagnols et d’autres petits mammifères. Comme je n’avais pas à me presser pour me rendre au travail, j’ai décidé de suivre sa piste encore toute fraîche.

Peu après que j’eus rejoint la renarde, elle s’est mise au pas. Chaque fois qu’elle modifiait son allure, je m’arrêtais pour examiner les

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environs. Pourquoi allait-elle subitement au pas ? Elle n’avait fait ainsi que quelques enjambées, en s’approchant des souches d’arbres où elle allait souvent, et s’est mise à renifler. En me penchant sur la piste, je pouvais sentir son odeur, forte et rappelant l’odeur d’une mouffette.

À genoux, je tentais d’évaluer chaque indice que pouvaient révéler les environs. Les empreintes étaient parfaitement imprimées dans la neige : les petits coussinets digitaux, l’espace libre marqué par l’abon-dance des poils entre les doigts et le coussinet plantaire, la dépres-sion en forme de « v » où la partie nue du coussinet plantaire s’était imprimée clairement. J’observais les empreintes et, avec mes doigts, je sentais les petites dépressions et les stries laissées par le pied de l’animal. Tout en écoutant le bruit du vent dans les sapins et les pins au-dessus de moi, je n’ai pu résister à l’idée de renifler les odeurs laissées par le renard.

À tous, il nous est arrivé de sentir le regard d’une autre personne se porter sur nous, puis de nous retourner vers cette personne et de constater qu’effectivement celle-ci nous observe. C’était exactement ce que je ressentais.

Je l’ai suivie et j’ai constaté qu’elle avait trotté jusqu’à la piste que mes pas avaient laissée précédemment. Elle a suivi ma piste sur plusieurs mètres, s’est arrêtée tout près d’une empreinte que j’avais faite en m’agenouillant puis y a déposé ses excréments et son urine. Elle a en-suite avancé de plusieurs pas, s’est arrêtée à une empreinte de botte et y a déposé un autre excrément, informe et puant. Elle est alors par-tie au galop dans les bois, et pour ma part, je suis rentré chez moi.

La piste d’un orignal dans les spectaculaires Teton Mountains (Wyoming).

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Pratiquer le pistage, c’est entrer en relation de façon très concrète avec des animaux et avec la nature. Cette année-là, l’essentiel de ce que j’ai appris sur les renards roux, je n’aurais pu l’apprendre dans les livres. Le pistage constitue une occasion exceptionnelle d’apprendre sur l’habitat, sur notre environnement et sur les animaux sauvages qui partagent ce territoire avec nous. Les empreintes et les signes que nous découvrons dans les forêts, les zones désertiques et même les ban lieues où nous habitons témoignent de la vie riche qui nous entoure. En pratiquant le pistage, nous apprenons par nous-mêmes à être plus conscients du monde dans lequel nous vivons et du rôle que nous y jouons.

Pour pratiquer le pistage, il faut avoir un esprit scientifique et savoir ra conter. Dans son livre Art of Tracking, Louis Liebenberg explique : « Le pistage n’est pas uniquement empirique puisqu’il requiert aussi de celui qui le pratique une imagination fertile. » Bien sûr, le pistage exige des qualités de scientifique — la cueillette sur le terrain, la for-mulation d’hypothèses, la connaissance des animaux et de leurs com-portements. Mais il faut ensuite interpréter ce que l’on a recueilli sur le terrain, et c’est là que commence l’histoire que vous aurez à raconter : celle des ani maux qui habitent un territoire donné.

Celui qui pratique le pistage doit donc être à la fois un scientifique et un conteur. Il doit observer avec un œil toujours critique, recueillir des données fiables et éviter les conclusions trop hâtives, de même qu’il doit utiliser son imagination pour interpréter ce qu’il a observé sur le terrain. Il doit éviter de porter un jugement avant d’avoir analysé parfai-tement et longuement tous les signes, en mettant à contribution tous ses sens.

Même les plus petits animaux laissent des traces : ici un méloé cendré.

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Pistage et culture

Remontons dans l’histoire humaine et voyons ce qu’il en fut de nos ancêtres. Durant la longue période qui a précédé l’avènement de l’agriculture, la connais-sance du pistage, à la fois art et science, était essentielle à la survie des êtres humains. Chaque piste révélait un uni-vers riche et complexe.

Une vie ne suffit pas à maîtriser com-plètement l’art du pistage. Il s’agit d’un champ de connaissance qui s’est transmis de génération en génération, chaque individu apportant sa contribution au développement de cet art. C’est ce que j’appelle le pistage culturel. En Amérique du Nord, les premiers Européens ont construit des églises, ont instauré des gou-vernements, ils ont apporté avec eux leur conception limitative de la science et peu à peu, la trace culturelle laissée par des siècles d’acquis transmis de génération en génération a disparu. À mesure que la culture des peuples autochtones et des hommes des bois d’Amérique du Nord s’est perdue, nous avons aussi perdu un savoir accumulé au fil de plusieurs vies.

Aujourd’hui, on redécouvre avec en-thousiasme le pistage. Des scientifiques, des chercheurs et des naturalistes com mencent à comprendre tout ce que peuvent offrir le pistage et ceux qui le pratiquent. Des gens ordinaires renouent avec la forêt et la vie sauvage afin de reprendre contact avec les animaux sauvages et de permettre à l’être humain de retrouver sa place dans son environnement. Le pistage éveille la conscience et nous aide à renouer pleinement avec le véritable sens de la vie. Il nous replace au cœur du monde et nous aide à ralentir notre rythme. Il nous rappelle que, pendant des millénaires, l’être humain a eu des modes de vie différents de ceux d’aujourd’hui, certes, mais qui lui ont réussi.

Ceux d’entre nous que le sujet passionne veulent retrouver ce savoir perdu. Par ce livre, je veux contribuer à reconstruire ce bagage de connaissances et je veux le partager. Je souhaite que chaque lecteur y apporte également sa contribution et fasse progresser ce savoir.

Des pistes d’animaux, des animaux et des êtres humains composent cette peinture rupestre du Newspaper Rock State Historic Park (Utah), vieille de plusieurs milliers d’années.

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Je vous encourage aussi à « devenir l’animal », à tenter de découvrir de quelle façon il se déplaçait et ce qu’il faisait. La seule règle que je ré-pète sans cesse à mes étudiants, c’est d’être flexible dans leur interpré-tation. Nous devons accepter d’écarter parfois une hypothèse aussi rapidement que nous l’avons formulée, car quelques mètres plus loin sur la piste que nous suivons, nous aurons la confirmation que cette hypothèse ne tient plus. Et ce ne sera pas bien grave : il nous appar-tient alors d’en formuler une autre. Voilà ce qu’est le lot de l’amateur de pistage comme du scientifique : avoir souvent tort, mais toujours apprendre en regard de nos expériences.

Écologie et éducation

Le pistage est une forme d’écologie pratiquée sur le terrain. Je ne con-nais pas de méthode plus efficace que l’étude des pistes et d’autres traces laissées par les animaux pour connaître la relation qui existe entre les diverses espèces d’animaux sauvages, entre les animaux et les plantes, et entre les animaux et l’écosystème dans lequel ils vivent. L’étude de ces interrelations permet de dégager une vue d’en-semble beaucoup plus précise que l’étude d’une seule espèce. Mais le pistage va bien au-delà de l’étude des diverses espèces animales. Les comportements et la personnalité de chaque animal se révè-lent sur le terrain et montrent comment chaque espèce contribue à l’écosystème.

Le pistage permet également de tirer des leçons holistiques, que ce soit en histoire naturelle, sur le comportement animal, en biologie ou en écologie et donc de développer inconsciemment des acquis per manents, contrairement à une étude purement livresque dont les effets ne persisteront pas. Plusieurs maisons d’enseignement de tous types ont inscrit le pistage à leurs programmes d’études, mais j’espère qu’un plus grand nombre d’institutions universitaires s’y intéresseront à l’avenir. Le pistage permet aux jeunes de tout âge d’apprendre par l’expérience directe.

Pendant 10 ans, Keith Badger a enseigné la biologie, la botanique et l’écologie, en utilisant les arts traditionnels que sont la fabrication d’un arc, le tannage des peaux et le pistage. Dans la région, il a éga-lement donné des conférences sur le pistage. Il affirme qu’il s’agit d’un art majeur permettant aux étudiants de se familiariser avec leur environnement et d’être mieux sensibilisés à son importance : ainsi, ils

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comprennent que tous les éléments qui composent un écosystème sont interreliés. Il croit que le pistage constitue la meilleure illustration de l’aventure humaine, qu’elle touche au sublime et même à la spiri-tualité : « Le pistage, dit-il, devrait figurer dans les pro grammes sco-laires, de la garderie jusqu’aux études supérieures. »

Pendant plusieurs années égale ment, Walker Korby a fait profiter de sa vaste expérience les étu diants. Il croit que le pistage constitue une excellente façon d’amener les élèves à modifier leur mode de pen-sée habituel et à développer leur pensée critique. Nancy Birtwell est arrivée aux mêmes conclusions et a obtenu le même succès avec des enfants d’âge préscolaire. « Ils adorent ça, dit-elle ! Le pis tage leur apprend à mieux observer et il développe leur capa cité à réfléchir. » Joan Regan, elle, a conçu un programme d’activités de pistage pour son cours d’éducation physique. Elle est enchantée des progrès de ses élèves, qui sont plus actifs et totalement dédiés à cet apprentissage. Plusieurs enseignants en Amérique du Nord intègrent maintenant le pistage à leur programme de cours et les écoles en reconnaissent le potentiel éducatif.

Les vieilles marques de griffes laissées par un ours ayant grimpé dans un tremble.

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Lorsque nous suivons une piste ou que nous explorons un lieu, nous devons être respectueux de l’environnement, car ses ressources sont limitées. Cela est d’autant plus vrai que nous ne cessons de développer le territoire. Voici quelques suggestions quant au comportement à adopter lorsque vous êtes sur le terrain :

• Soyez un promoteur actif de la vie sau-vage et de l’environnement et soutenez la protection des habitats sauvages.

• Soyez respectueux des tanières habi-tées, des sites de rassemblement et des aires d’alimentation.

• Soyez respectueux des autres person-nes qui s’adonnent au pistage, comme des gens qui pratiquent d’autres activités de plein air.

• Aidez ceux qui débutent et partagez avec eux vos connaissances et votre expérience.

• Marchez à côté des pistes plutôt que dans celles-ci, afin que ceux qui vous suivront puissent également en profiter.

• Soyez honnête lorsque vous enregistrez les données que vous recueillez sur

le terrain, et avouez votre ignorance lorsque vous ne pouvez interpréter correctement une piste. Cela pourrait être porteur d’un projet de recherche.

• Parlez en bien de vos collègues qui sont sur le terrain. Le pistage est une science en développement.

Il reste la question de savoir si nous devons remonter une piste vers son point d’origine ou plutôt la suivre dans la direction où se déplace l’animal. Dans le cas où la piste n’est pas récente, cela n’a pas d’importance. Plusieurs per son nes estiment toutefois que l’on devrait tou jours remonter la piste vers son point d’origine afin de ne pas déranger l’ani mal. Personnellement, je fais l’un ou l’autre, mais lorsque je suis la piste dans la direction de l’animal, je me retire si je sens que ma présence peut déclencher un stress chez l’animal ou si je constate que celui-ci a perçu ma présence. Peu importe dans quel sens vous suivez la piste, vous ferez de toute façon des découvertes fascinantes.

Le terrier d’un renard roux. Notez le lit à l’entrée.

Étiquette

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En cette journée de février, je marchais dans un lieu que je con­naissais bien et que j’explore régulièrement. J’avançais sur un grand étang gelé recouvert de plusieurs centimètres de neige fraîche et les conditions étaient idéales pour bien interpréter les pistes. Pendant une bonne partie de la matinée, j’avais suivi la piste d’une loutre, lorsque subi tement j’ai remarqué une nouvelle piste. Au premier coup d’œil, elle ne ressemblait à rien de ce que je pouvais identifier. Il fallait que je poursuive mon investigation. Le vent avait soufflé un peu de neige pou­dreuse dans la piste, ce qui rendait plus diffi cile l’iden­tification des em prein tes. De plus, l’animal avan çait à une allure qui faisait que les em­preintes étaient brouillées. J’ai tenté de distinguer les em ­preintes des pieds anté rieurs des empreintes des pieds pos térieurs, mais les condi­tions con venaient mieux à une ana lyse générale de la structure du groupe d’empreintes.

Je me suis retiré quelque peu afin d’étudier l’ensemble des traces laissées dans la piste. Au centre de chaque groupe d’empreintes, il y avait une marque circulaire, bordée de quatre marques additionnelles qui rappelaient les quatre coins d’une boîte ; la largeur de la voie variait de 13 à 14 centimètres. Dans la piste, cette structure se répétait aussi loin que je pouvais porter mon regard. Je n’arrivais toujours pas à identifier cette piste. Quel ani mal pouvait donc ainsi se déplacer un matin de février dans une forêt de bois franc du centre de la Nouvelle­Angleterre ? Je repassai dans ma tête toutes les espèces associées à ce type d’habitat, mais je n’arrivais toujours pas à trouver.

Point de départ

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Chapitre 1 | Point de départ

J’ai alors décidé de remonter la piste plus loin, car il me fallait dé couvrir d’autres indices. En quelques minutes, je constatai que l’animal avait changé d’allure et laissé une piste d’une struc ture fort différente. Les empreintes étaient regroupées par deux, cha­que paire d’empreintes zigzaguant d’un côté à l’autre de la piste comme la piste d’un petit cerf. Un animal qui saute et qui marche. Les empreintes semblaient alors plus nettes. En proportion de la longueur des foulées et de la largeur de la piste, elles étaient plu­tôt grandes et leur forme caractéristique ne laissait plus de doute. Trompé par le froid du mois de février en Nouvelle­Angleterre, j’avais refusé de reconnaître I’évidence : il s’agissait de la piste d’un ouaouaron.

J’ai remonté la piste sur plusieurs centaines de mètres jusqu’à ce que je la voie émerger d’un trou fait dans la glace par une loutre, juste à l’entrée d’un grand lac situé à l’est de l’étang. J’ignore ce qui est arrivé au ouaouaron et ce qui l’a incité à se réveiller et à se déplacer ainsi au cœur de l’hiver. Mais ce ouaouaron m’a donné une leçon d’humilité en me rappelant l’importance d’être flexible dans mon interprétation et l’importance d’être attentif à tous les indices que je peux découvrir.

Les empreintes et les pistes ne sont pas des éléments isolés dans l’environnement ; elles font partie d’un vaste écosystème. Leur em-placement et l’environnement dans lequel on les trouve nous four-nissent autant de renseignements sur l’animal, ses comportements et ses habitudes que les pistes elles-mêmes. On ne peut apprendre l’art du pistage si l’on n’est pas un écologiste ou un naturaliste accompli. Connaissez-vous les types de forêts de votre région et les espè ces animales qui les habitent ? De quoi se nourrissent les diverses espèces animales ? Quelles espèces hibernent et pendant combien de temps ? Pouvez-vous imaginer ou visualiser la vie des animaux sauvages qui habitent dans votre région ? Pouvez-vous identifier les animaux lorsque vous les voyez ? Connaissez-vous les espèces d’arbres et d’ar-bustes qui poussent dans votre jardin ? Plus vous en apprenez sur l’écosystème, plus l‘interprétation des pistes et des traces d’animaux devient facile parce que ces éléments, lorsqu’ils sont mis en relation avec l’environnement, nous fournissent de nombreux indices pour l’identification des espèces animales.

Il n’est pas nécessaire de voyager très loin pour commencer à étudier des pistes. Vous pouvez le faire dans votre propre jardin. Les animaux sont partout autour de nous, mais dans certains endroits il est plus facile d’en observer. Lorsque vous recherchez des traces d’animaux,

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Chapitre 1 | Point de départ

prêtez attention aux endroits qui leur offrent un abri, aux plans d’eau et aux sites où ils sont susceptibles de se nourrir. Prêtez aussi attention à la diversité des espèces végétales, car c’est le signe d’un écosystème sain. Explorez les forêts entre deux sommets, les terres basses et les corniches boisées, les terres humides et les vallées qui bordent les rivières. Bref, tous les lieux qui constituent des corridors naturels pour les animaux sauvages.

Nous sommes constamment entourés de signes montrant la pré-sence des animaux sauvages. À vous de profiter de l’occasion de les découvrir, de les sentir, de les observer et de les connaître.

Journal de bord

Tenir un journal où vous con-signerez vos découvertes et vos trou vailles sur le terrain vous per -mettra d’augmenter plus rapi -de ment votre bagage de con -naissances et amé lio rera le pro-ces sus même d’appren tis sage ; c’est égale ment une activité fort amusante. Consi gner ces renseignements est inesti mable, que ce soit des notes écrites, des dessins, des photos ou les trois. Je vous recommande d’utiliser un cahier robuste. Collez-y des photos, des feuilles et des plu-mes ; dessi nez librement ; pre-nez tout en note. Notez les con-ditions climatiques, la saison, l’heure et les caractéristiques de l’envi ronnement. J’explique dans la section suivante l’approche des « trois perspectives » que je recommande à ceux qui com-mencent à s’intéresser au pistage et qui veulent tenir un journal, mais n’importe quelle autre appro che peut convenir. Si vous

Les marques d’un ours noir sur le tronc d’un hêtre. Remarquez aussi les traces récentes laissées par d’autres ours ainsi que celles, plus vieilles, laissées par un porc-épic.

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Chapitre 1 | Point de départ

êtes à l’aise avec une approche et que vous y prenez plaisir, continuez de l’utiliser.

Les trois perspectives

L‘approche des trois perspectives — couchée, debout et dans les airs — nous force à observer attentivement et à circonscrire toute l’information que révèle une piste ou une trace. Premièrement, couchez-vous et observez les empreintes ou la trace de très près. Deuxièmement, levez-vous et analysez la structure générale de la piste et de son environnement immédiat. Troisièmement, imaginez que vous vous élevez très haut dans les airs pour analyser l’écosystème autour de la piste ou de la trace. Et ne faites pas que regarder : écoutez, ressentez, goûtez et sentez. Engagez tout votre corps dans l’expérience et posez-vous le plus de questions possible en vous intéressant tour à tour au contexte général, puis aux détails de la piste ou de la trace, et revenez de nouveau à une vue d’ensemble.

Je vous suggère, au début, de consigner dans votre journal de bord et de dessiner chacun des points de vue que vous aurez analysés lorsque vous rencontrez une piste ou une trace. Le fait de vous attarder et d’analyser une piste ou une trace sous ses multiples perspectives est une source riche d’enseignements.

Se coucher, la perspective intimisteLa première perspective consiste en une étude rapprochée de la piste ou de la trace que vous avez découverte, et la meilleure façon de procéder est de vous coucher et, tout en vous assurant de bien voir la piste ou la trace, d’approcher votre nez le plus près possible. Agissez comme un véritable détective ; posez-vous des questions susceptibles de vous aider à visualiser l’animal. À quoi peuvent bien servir ces larges griffes ? Est-ce qu’un animal plus petit ou plus gros aurait laissé cette noix intacte ? Le pied de l’animal étant son point de contact avec le sol, la piste fournit de nombreux indices sur ses comportements. Chaque signe recèle des renseignements utiles qui portent une histoire que votre créativité, vos questions, votre degré d’éveil et surtout votre capacité d’imaginer peuvent révéler.

Ce livre a pour objectif de vous fournir les références écrites et vi-suel les nécessaires à vos explorations sur le terrain. Comparez ces