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22 SEPTEMBRE 2009 SEPTEMBRE 2009 23 navigation Géorgie du Sud Collision entre une île et la gigantesque houle des 50 es Hurlants. Mers d’Irlande et d’Écosse Courants, tourbillons et dépressions creuses. Des eaux en ébullition. Islande Savoir naviguer avec le « meilleur » coup de vent. Antilles L’été, saison de tous les dangers. Au choix, pirates vénézuéliens ou cyclones. Passage du Nord-Ouest Banquise, aléas météo et courants violents. Réservé aux experts. Tasmanie Retour sur la Sydney - Hobart 1998, l’une des plus meurtrières courses au large. Interdit aux débutants Il est des mers qui ne font pas de cadeau, exigent un bateau coffre-fort et une connaissance aiguë des pièges qu’elles s’acharnent à nous tendre. Ces eaux extrêmes ne sont pas que lointaines: Tasmanie, Géorgie du Sud, mais aussi Antilles et Écosse sont cruelles avec tout marin hésitant. Pas de chance, ces zones à risques sont parmi les plus beaux coins de la planète… Alors, chiche ? PAR JULIE CLERC © DELPHINE MARATIER Malgré le recul de la banquise, le Passage du Nord- Ouest demeure une campagne polaire. Alors n’attendez pas d’Olivier Pitras, qui l’a affronté deux fois en dix ans, qu’il fournisse des conseils de navigation. C’est impraticable pour tout néophyte. À bord, pas moins de dix membres d’équipage sont nécessaires pour scruter une mer minée par la glace. Tasmanie Géorgie du Sud Antilles Passage du Nord-Ouest Islande Mers d’Irlande et d’Écosse

Mise en page 1 - Aquarellia · 2009. 10. 3. · Igor Bely, qui a rallié l’île à six reprises sur un Damien de 19 mètres en acier. Les dépres-sions déboulent régulièrement,

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  • 22 SEPTEMBRE 2009 SEPTEMBRE 2009 23

    navigation

    ■ Géorgie du SudCollision entre une île et la gigantesquehoule des 50es Hurlants.■ Mers d’Irlande et d’ÉcosseCourants, tourbillons et dépressionscreuses. Des eaux en ébullition.■ IslandeSavoir naviguer avec le « meilleur »coup de vent.■ AntillesL’été, saison de tous les dangers. Au choix,pirates vénézuéliens ou cyclones.■ Passage du Nord-OuestBanquise, aléas météo et courants violents.Réservé aux experts.■ TasmanieRetour sur la Sydney - Hobart 1998, l’unedes plus meurtrières courses au large.

    Interditaux débutantsIl est des mers qui ne font pas de cadeau, exigent un bateau coffre-fort

    et une connaissance aiguë des pièges qu’elles s’acharnent à nous tendre.Ces eaux extrêmes ne sont pas que lointaines : Tasmanie, Géorgie du Sud,mais aussi Antilles et Écosse sont cruelles avec tout marin hésitant. Pas

    de chance, ces zones à risques sont parmi les plus beaux coins de la planète… Alors, chiche ? PAR JULIE CLERC

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    Malgré le recul de la banquise, le Passage du Nord-Ouest demeure une campagne polaire. Alorsn’attendez pas d’Olivier Pitras, qui l’a affronté deux foisen dix ans, qu’il fournisse des conseils de navigation.C’est impraticable pour tout néophyte. À bord, pasmoins de dix membres d’équipage sont nécessairespour scruter une mer minée par la glace.

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    Géorgie du Sud“Je ne sais pas quelle fut sa puissance maxi, mais l’anémomètre s’est envolé jusqu’à 79 nœuds.“

    Par 55° Sud, sur le parallèle mêmedu cap Horn, le principal élé-ment à soupeser avant de fairecap sur la Géorgie du Sud est lefait qu’ici, aucune assistance

    n’est envisageable. Glacial est l’adjectif clédans les parages – l’air saisit, mais aussi l’eau,qui oscille entre -1°C et +1°C: nous sommessous l’influence de la convergence antarcti-que. La « limite de vie », où renaîtra le krill, estplus au nord. On n’a donc pas droit à l’erreur.Passer par-dessus bord serait dramatique,chaque manœuvre est difficile – voire dou-loureuse. Les marins du Vendée Globe entémoignent: les faibles températures distor-dent les perceptions, le vent et la mer sem-blent plus forts. « Il faut prendre en compteune météo extrêmement changeante, rappelleIgor Bely, qui a rallié l’île à six reprises sur unDamien de 19 mètres en acier. Les dépres-sions déboulent régulièrement, poussées parles vents d’ouest dominants. Et comme au capHorn, le plateau qui borde la Géorgie du Sud,où les fonds passent de 3000 mètres à 300, estle plus dangereux. La grande houle qui courtsur 1000 milles depuis l’Amérique du Sudpeut paraître gentille au large. Mais elledéferle brutalement lorsqu’elle parvient auniveau du plateau: c’est vite catastrophiquepour un bateau. Par mauvais temps, le risquede partir en tonneaux, submergé parles vagues, est évident. Nous avons plusieursfois préféré nous mettre à la cape, même à30 milles d’un mouillage. »

    ANNEXES ET CANOTS DESAUVETAGE ARRACHÉSAutre difficulté: les prévisions météo. Si ellessont fiables, elles expirent en trois jours.Gênant lorsqu’on a, au bas mot, une semainede mer et 700 milles à courir depuis Ushuaia,et au mieux cinq à six jours de navigationdepuis les Falkland. Car infailliblement, qua-tre jours après le départ, les possibilités de

    baston existent. « Le mauvais temps n’est passystématique, mais il est souvent très fort, c’estplutôt ça le problème, précise Igor. Nous avonsune fois connu un coup de vent d’est, pourtantexceptionnel dans le secteur, en repartant deGéorgie. Je ne sais pas quelle fut sa puissancemaxi, mais l’anémomètre s’est envolé jusqu’à79 nœuds. La mer est restée blanche pendantdouze heures. Comme souvent, c’est sur la finque le coup de vent est pernicieux, au momentoù l’on hésite à renvoyer de la toile: une grossevague pyramidale est littéralement tombéesur le voilier, balayant tout sur le pont. GVaffalée, annexe et deux canots de sauvetageboulonnés ont été arrachés. Il y a eu un chocénorme contre le bateau, tout s’est mis en lévi-

    tation à l’intérieur, y compris ma petite sœurde 10 ans. Heureusement, nous étions au-delàdu plateau… » La glace tend aussi ses pièges:rappelons-le, dans ces eaux de convergenceantarctique, il est probable qu’un icebergvaste comme la Géorgie – 200 x 30 km – erredans les parages. Si sa position est connue, ledanger est réel. S’il s’échoue et libère des mil-lions de clones de toutes tailles, la situationse corse encore. « Dans ce cas, la navigationest tout simplement impossible, y comprisavec un navire en acier. Là encore, nous met-tons à la cape, rivés au radar pour détecter lesplus gros morceaux – bien que la glace renvoieun écho faible. Les plus dangereux sont doncles petits, repérables seulement à l’œil. La

    règle: passer au vent de l’iceberg principal afind’éviter les autres, qui dérivent. Analyser lasurface pour déceler un courant particulier, etgarder à l’esprit que les 4/5es de l’iceberg sontsous l’eau. Il faut mettre quelqu’un dehors si lamétéo l’autorise, et réduire l’allure. La confi-guration la plus délicate: un iceberg échouéqui libère des blocs n’évoluant pas comme lui.Nous avons percuté un glaçon une seule fois,par calme plat, par inattention. Le Damien engarde une jolie bosse. » Alors, pourquoi s’entê-ter à côtoyer des eaux si mal famées? « Parceque la Géorgie du Sud est certainement le plusbel endroit du monde. Ici, la vie animale esthors du commun. Et puis, rallier cette île si dif-ficile d’accès, c’est une véritable victoire. » JC

    Dans l’un des endroits les plusinhospitaliers de la planète, lemarin se console avec les facétiesdu soleil : entre novembre etfévrier (saison « conseillée »),il bénéficie de 22 heures de jour.

    CARACTÉRISTIQUES KOTICType Damien construit en amateurArchitecte Oleg BelyMatériau acierAnnée de construction 1990Longueur 19,00 mLargeur 5,50 mTirant d’eau 1,20/4,00 mDéplacement 40,00 à 45,00 tMotorisation John Deere 175 ChGréement ketchSurface de voile 180,00 m2

    MOUILLAGES TITANESQUES ET COQUE ACIER CONSEILLÉSMouillages: les vents catabatiques sontnombreux. Ils peuvent s’abattre sur un abriaprès une variation du secteur du ventminime. Le kelp, algues géantes longues de 40mètres, sont un handicap majeur: on peut enremonter plusieurs tonnes avec l’ancre.Attention aux câbles au fond de certainesbaies, la Géorgie du Sud fut une basebaleinière hyperactive jusque dans les années1960. Ne pas lésiner car on mouille souventpar 40 mètres de fond. 130 mètres de chaînede 14, une chaîne de 100 kg et un bonguindeau électrique sont à bord du Damien.

    Enfin, un moteur puissant est obligatoire.Bateau: acier recommandé vu les chancesde percuter de la glace. Pour sa stabilité,une unité de grande taille est appréciée.Le dériveur lesté est un atout: avec 1,20 mètrede tirant d’eau quille relevée, Kotic entre dansdes criques étroites où la glace ne s’introduitpas faute de fond. Autre avantage du DL dansune zone où jeter l’ancre n’est pas toujourspossible: s’échouer sur une plage et planter laquille dans le sol. Sécurité absolue. Bonneisolation – 10 cm de Styrodur pour Kotik – etchauffage sont indispensables.

    Une semaine de mer depuis l’Amérique duSud, une météo très changeante, des vaguesmonumentales près de l’île et des mouillagesincertains: pour se risquer en Géorgie du Sud,il faut être fou… ou très expérimenté.

    Nous avons découvert Igor Bely lorsqu’iltraversait le Pacifique sur un cata de sport (lireLNM 447). Fils de navigateurs au long cours,il rejoint chaque année le bord du grand voilierfamilial, Kotic, pour des campagnes enAntarctique et Géorgie du Sud.

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    37°W

    54°30S

    Cap Disappointment

    Cap Nunez

    Cap WilsonPrince Holay

    Harbour

    GrytvikenGodthul

    Ocean Harbour

    Cap North

    Cap Faryadin

    CapCharlotte

    Île Bird

    Île Annenkov

    Mer de Scotia

    Océan AtlantiqueSud

    Pic Bomford1141 m

    Mont Norman1237 m

    Mont Cunningham1218 m

    Mont Paget2933 m

    Mont Paterson2196 m

  • SEPTEMBRE 2009 2726 SEPTEMBRE 2009

    légion. Le sondeur peut annoncer plus de100 mètres alors que nous naviguons à quel-ques mètres du liseré pierreux. Et, quandquelques mètres plus loin, le sol se relèvebrusquement en une digue sous-marinenaturelle, le flot serré se déchaîne, seretourne, se soulève, s’agite, toupille et setord. Il nous arrive de nous retrouver per-pendiculaires à notre route, emportés par unde ces tourbillons rageurs et spectaculaires.Pourtant, nous avons choisi avec précautionl’étale et le vent portant, pour éviter ces phé-nomènes capables de lever des murs d’eaude 7 mètres à mi-marée – c’est-à-dire aumoment où le courant est maximal – par ventde sud ou d’ouest. Nous sommes prudents,très prudents, un peu exaltés aussi de vivre cephénomène unique. Notre recette pour navi-guer dans ces eaux bouillonnantes: de l’au-dace, beaucoup de vigilance et de bon sens,de bonnes notions de navigation, un capi-taine et un équipage expérimentés, du sang-froid et de la patience. Et le délice sera detaille. » M. et J. Deconinck-Roosens, voilierAquarellia

    L’espace de navigation entreIrlande et Écosse est prodigieux,mais les guides nautiques le répè-tent: le manque de précision surla direction et la force des cou-

    rants est terrible pour les navigateurs. Si levent s’avise de remonter le courant souventviolent, la mer devient grosse à énorme prèsdes caps, même par temps calme. Savoirquand partir et où atterrir est donc un vérita-ble casse-tête. Démonstration.Un matin, tôt, nous nous présentons devantle Lough Strangford en Ulster, face à un cou-rant de 6 nœuds. Nous stoppons donc pourattendre la renverse, et entrons avec un cou-rant de début de marée. Eh bien, même aveccette précaution, Jannik à la barre n’en mènepas large en enfilant le détroit à près de10 nœuds, moteur au ralenti pour éviter lesimpressionnants tourbillons. Véritables spi-rales d’eau de mer, ils creusent l’eau en soncentre et déportent durement le bateau. Enmer d’Écosse, entre le dédale d’îles, ces tour-billons, nés de la remontée des fonds sous-marins percutés par les forts courants, sont

    DES CÔTES MOINSBALISÉES QU’EN FRANCEEn Écosse, on n’est pas encore dansl’Atlantique Nord: la grosse houle secantonne à l’ouest des Hébridesextérieures. À l’abri des îles et dans lessounds, on rencontre du clapot court etagressif quand le vent se lève, avec des razdans les passages étroits. À l’exception deCorryvreckan, ces raz ne sont pas piresqu’en Bretagne. Néanmoins, les côtes auxreliefs parfois élevés génèrent d’importantesvariations du vent. Le contournement decertains caps, tel que Mull of Kintyre, peutdonc réserver des surprises lorsqu’onatteint le côté au vent. Les côtes trèsdécoupées bénéficient d’un balisage bienmoins dense qu’en France – elles sontsouvent débordées par des cailloux nonbalisés. Si l’on ajoute des rochers noncartographiés, mieux vaut éviter de serrerla terre. Attention au trafic: les sounds sontfréquentés par ferries et cargos. JC

    ISLANDE - ÉCOSSE: DEJUIN À AOÛT, C’EST TOUTLa meilleure période pour traverser del’Islande à l’Écosse (550 milles environs) vade juin à août, avec des vents a priorifavorables (direction dominante W ou SW).Depuis l’Islande, il est possible de passerau nord des Hébrides et d’utiliser l’abriprocuré par le détroit de Minch pourrejoindre les destinations situées en Écosseou en Angleterre. JC

    MER D’ISLANDE“Pour partir, il faut choisir entre petite

    ou grosse dépression.“

    Meilleure saison: mai et juin. Les vents dominantssont d’ouest, nord en période anticyclonique.Courants et cailloux sont des dangers majeurs.

    Iles Vestmann, sud de l’Islande, le12 août. « Après un tour d’Islande enun mois et demi, il est temps de rentrerà Nantes. Bigre! Les cartes météo fontfroid dans le dos : les dépressions

    balaient déjà l’Atlantique Nord avec assi-duité. À l’aller, au mois de juin, c’était pluscalme. Je suis un peu déconcerté. Pour ceretour, nous projetons de rallier l’Irlande del’Ouest, ce qui doit faire 7 à 8 jours de mer.Nous voguons sur La Volta II, un robusteRomanée. J’ai passé le Horn en 1997, alors cene sont pas quelques dépressions qui vontm’arrêter, sans blague! Mais je ne suis pas àl’aise. L’Atlantique Nord est « piégeux », avecdes remontées de fonds importantes en pleinocéan et des solutions de repli aléatoires: lesîles Féroé et l’Écosse sont enserrées par defurieux courants de marée, pouvant interdireun atterrissage par gros temps. Bon, la pro-chaine dépression amène du force 7, pas dequoi s’affoler; à 23 heures, nous larguons lesamarres. 24 heures plus tard, je guette les car-tes reçues par fax BLU. La dépression quinous attend apparaît peu à peu sur l’écran,plus creuse que prévue. Les météorologuesne maîtrisent donc pas son comportement.Je décide de faire demi-tour. Nous rejoignonsle port des Vestmann sous deux ris et trin-quette. Dans ma tête, c’est un peu maréebasse. Fébrile, je consulte à nouveau lamétéo sur Internet: les dépressions se succè-

    dent et l’ex-cyclone Irène remonte vers lenord. Toutes les hypothèses sont discutées àbord: retour par courtes étapes (via les îlesFéroé), ou hivernage du bateau en Islande.Cependant, l’option de rallier l’Écosse se pré-cise dans mon esprit. Mais avec 5 jours demer à parcourir, il va falloir choisir unedépression pas trop menaçante, en espérantarriver avant la suivante. La prochaine estcelle issue d’Irène, heureusement assagie:force 7 annoncé. Je suis sur mes gardes: lescoups de chien issus d’anciens ouragans tro-picaux sont particulièrement nerveux etimprévisibles. Si je décide d’attendre un peupour voir comment ça évolue, je sais aussiqu’il ne faut pas tergiverser trop longtemps:plus la saison avance, plus nous risquons derencontrer un vrai gros temps. Mon inquié-tude devient appréhension et je décide defaire appel à un routeur. Il se contente de melivrer ses prévisions météo, mais conclut parun inquiétant « Once at sea, go as fast as youcan! » Je décide donc de faire voile versl’Écosse et de larguer les amarres très vite. Etaprès un peu plus de 5 jours de mer et unequinzaine d’heures au près dans du force 7,nous atteignons Stornoway, en Écosse… seu-lement 24 heures avant le passage d’unetempête de force 11! » Bruno d’Halluin

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    Mers d’Irlande et d’Écos se“Le sondeur peut annoncer 100 m alors que nous naviguons tout près du liseré pierreux.“

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    LA TRAGÉDIE DUFASTNET 1979

    La nuit du 13 au 14 août 1979, la coursedu Fastnet tourne au drame. Un centredépressionnaire, pressenti plus au nordpar les prévisionnistes, passe au milieude la mer d’Irlande. Dans du 10 Beaufort,l’arrière de la flotte est décimé. Créées parl’action combinée de la force du vent et dela remontée du plateau continental (400 à80 m), des lames déferlantes provoquentdémâtages et chavirages. Au total,15 morts et 28 bateaux abandonnés, dont5 ne sont jamais retrouvés. Dix-neuf ansplus tard, le 13 juin, c’est Éric Tabarly quitrouve la mort en mer d’Irlande. Victimed’un violent coup de houle, il est expulsédu bord en pleine nuit.

    À bord de leur Contest 32, Michel et Jannik(ci-contre)parcourent pendant onze mois les mers d’Irlande et d’Écosse. Ils n’en ont pas connu les colères,mais côtoyé leur redoutablecomplexité.

    Dès août, la succession desdépressions en AtlantiqueNord oblige à choisir sescoups de vent pour rallierl’Écosse (650 milles).

    Mer d’IrlandeEire

    Islande

    Irlandedu Nord

    Canal du NordBelfast

    DublinLiverpool

    Lancaster

    Reykjavik

    Cercle Polaire Arctique

    Îles Vestmann 20°W

    65°N

    Horn(Cap Nord)

    Hekla1491 m

    Askja 1510 m

    Détroit deDanemark

    OcéanAtlantique

    Keflavik

    Borganes

    OlafjordurEgilsstadir

    Hofn

    Glasgow

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    52°N

    56°N06°W

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    Baie deCardigan

    Phare du Fastnet

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  • CARACTÉRISTIQUES ÉTOILE DE LUNEType Passoa 43Architectes Mortain/MavrikiosChantier GarciaMatériau aluminiumLongueur 13,35 mLargeur 4,18 mTirant d’eau 1,05/2,60 mDéplacement 12,4 tSurface de voile 95,00 m2Motorisation 50 ChCapacité carburant 600 + 150 lCapacité eau 2 x 450 l

    la mangrove, six voiliers sont à l’ancre. La ten-sion monte entre les équipages qui défendentleur aire d’évitage.19h30. La radio émet l’ultime bulletin avantla nuit. L’alerte cyclonique est levée. Nousn’aurons « qu’une » tempête de 1003 hPa.Dom va se reposer, en attendant le gros desvents prévus vers 23 heures. Nous installonsLune, la chienne, dans la salle de bains.20 h 00. Dans les collines environnantes,nous entendons les habitants clouer avecvéhémence les tôles de leur toit. Ont-ils eud’autres informations que nous? Que savent-ils que nous ne savons pas? 21h00, 1009 hPa.Premiers éclairs, le vent monte et atteint 35nœuds. Pas de quoi réveiller le capitaine, çaressemble à un gros grain.00h00, 1004 hPa. Un mayday est lancé sur laVHF. Par qui? Les collines sont noires d’encre,l’électricité est coupée. Nous perdons toutrepère visuel. Les lignes électriques sifflent,les tôles se tordent dans un vacarme lugubre.La pluie cogne, la mer gronde hors du mouil-lage, mais elle ne peut pénétrer dans la baieprotégée par un couloir en S. 1h00. 989 hPa.La pluie s’intensifie et le baromètre franchitle seuil fatidique. Tout bascule. 2h00. Trop de

    choses à gérer! Les vents tourbillonnent. Lesconditions n’ont plus rien à voir avec ce quenous connaissons. Un catamaran décroche,fonce sur nous et ses ancres l’arrêtent à quel-ques mètres de notre étrave. Le capitaine estseul et âgé: c’est à nous d’évacuer! À cemoment-là, nous sommes dans l’œil d’Emily,qui laisse passer un rayon de lune. Domavance au moteur sur les trois ancres pour lesfaire déraper.

    LE VENT ENTRAÎNE ÉTOILE VERS LEPONT QUI FERME LE MOUILLAGELe vent se remet à souffler avant que nousayons à nouveau mouillé. Je suis à l’avant, auguindeau, et ne tiens plus debout face au vent,la pluie me fusille de milliards d’épingles. Levent entraîne Étoile vers le pont qui ferme lemouillage au nord. On ne voit plus rien. Lemoteur ne peut plus rien: le vent est trop fort,on va s’encastrer! Les derniers mètres dechaîne partent d’un coup. Je cherche, affolée,un repère, une lueur sur la colline. Je la fixe,Étoile s’arrête à une trentaine de mètres dupont! Je reviens groggy dans le cockpit. 3h00.Dom reste cramponné à la barre, dardé par lapluie et le vent. Il soulage le mouillage au

    moteur. Vaine tentative. Avec 90 nœuds et 115en rafales, la mer, malgré un fetch court, sereforme et lève des aiguilles d’écume fluores-centes. Il fait froid, notre peau se déforme sousles trombes d’eau. 5h00. L’eau se charge detrop de détritus, il faut couper le moteur, nousrisquons de boucher l’arrivée d’eau de refroi-dissement. 14 juillet. 10h40, 1013 hPa. C’est

    fini. Nous mettons plus d’une heure à nousréchauffer. Finalement, nous tombons de fati-gue sur nos bannettes. L’œil d’Emily, ouragande catégorie 3, est passé à 2 heures du matinsur 12°N 61°50W, nous étions par 12°N61°43W. Nous nous en sortons avec uneantenne radio arrachée. » Nat et Dom, voilierÉtoile de Lune

    13 juillet 6h35, Port Egmond, île deGrenade. Neuf mois auparavant, l’îlea déjà été sévèrement éprouvée parIvan, cyclone de catégorie 4. Mais cematin, c’est Emily qui rôde. À la

    radio, un prêcheur répète sur du Gospel « beprepared and no fear », et donne la liste desabris. Je craque. Nos copains fuient vers leVenezuela. Nous ne pouvons les suivre, notrechienne est malade et sous perfusion, elle nepeut supporter une navigation. Les prévisionsindiquent que le cyclone doit passer très aunord de Grenade, entre Guadeloupe et SaintVincent. Mais nous préparons le bateau, aucas où. Nous sommes seuls dans PortEgmond. Dom a confiance dans sa méthodede mouillage, trois ancres de 25 kg sur lachaîne principale de 90 mètres. Nous nousplaçons à l’abri d’un îlot, vérifions l’aire d’évi-tage par rapport à la mangrove, puis ôtonstout le fardage. Travailler me fait du bien. Je merassure. Après tout, nous sommes dans lemeilleur abri anticyclonique de la région.14h00. Emily est par 11°3N 59°W, à tout juste150 milles de nous. Le ciel est bleu, il n’y a pasun souffle d’air, il fait très chaud. En quelquesheures, 40 bateaux arrivent et s’attachent dans

    Antilles cycloniq ues“Avec 90 nœuds et 115 en rafales, la mer se reforme et lève des aiguilles d’écume fluorescentes. Merci pour ces vacances!”

    BALADE ENTRE PIRATES ET CYCLONES

    SEPTEMBRE 2009 2928 SEPTEMBRE 2009

    navigation

    En juillet 2005, le cyclone Emily s’abat surGrenade: 110 nœuds en rafales.

    Après la tempête, les ruptures en eau potableimposent de récupérer l’eau de pluie pourremplir les réservoirs.

    Il y a dix ans, la vie aux Antilles était simple.Les équipages passaient la saison des alizésdans l’arc antillais et la saison cyclonique auVenezuela. Mais aujourd’hui, ce pays subitune vague de piratage sans précédent. Etles Antilles subissent le passage de cyclonesde plus en plus violents et fréquents. Il restenéanmoins des solutions pour passer sixmois d’été agréables:Rester dans l’extrême sud de l’arc antillaiset surveiller la météo. À la moindre alerte,des flottilles se forment et partent surMochima ou Laguna Grande, au Venezuela,qu’elles rallient en moins de 24 heures(contact via radio VHF et HF).

    Passer l’été au Venezuela en évitant labordure continentale et la péninsule de Paria,très dangereuses. Préférer les îles Tortuga,Roques et Aves, qui ne souffrent pas dupiratage et sont au sud de la ceinturecyclonique. Curaçao peut aussi être unebonne option. À la suite d’Emily, nous avonsinstallé une BLU à bord. Elle offre trois outilssimples pour suivre le phénomènecyclonique: cartes d’alerte de la NOAA(téléchargées sur le PC) et deux bulletinsspécifiques à la région en français (Réseau duCapitaine sur le 14118 kHz à 7h00, heurelocale, et vacation météo depuis la Martiniquesur le 3700 kHz à 20h00). Nat et Dom

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    En période cyclonique, de plusen plus de voiliers renoncent àmigrer vers le Venezueladésormais redouté pour ses actesde piraterie. Ils passent donc l’étédans l’arc antillais, au risque dejouer à la roulette russe. En 2004et 2005, même Grenade, pourtanttrès sud, est touchée par lescyclones Yvan et Emily.

    De juin à novembre, certaines ondestropicales formées au large du Cap-Vert traversent l’Atlantique en serenforçant. Mer des Caraïbes, golfedu Mexique, Amérique Centrale maisaussi États-Unis et Canada sontrégulièrement touchés par ces cyclones.

    OcéanAtlantique

    Golfe duMexique

    Antilles

    Cap-Vert

    Canaries

    Afrique

    Venezuela

    Amérique du Sud

    Amérique du Nord

    Madère

    Açores

    Cuba

    Panama

    Yucatan Haïti

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  • SEPTEMBRE 2009 3130 SEPTEMBRE 2009

    navigation

    Passage du Nord-Ouest“L’ouverture du passage en août-septembre oblige à naviguer en pleine mauvaise saison.”

    Olivier Pitras n’est certes pas unnavigateur tombé de la der-nière pluie. Skipper, chef d’ex-pédition et guide de haute merdans les coins les plus reculés

    de la planète, il est aussi le premier naviga-teur français à avoir traversé l’océan GlacialArctique à la voile en 1999. Aujourd’hui, cemarin installé en Norvège, au nord du cerclepolaire arctique, ne totalise pas moins de huitcampagnes polaires. Alors, expert du Passagedu Nord-Ouest, oui, mais de là à se direconfiant, il ne se risque pas. « Des conseils àdonner à un débutant? Aucun! Il ne doit toutsimplement pas y aller. Il ne pourrait qu’êtrepassif et tout prendre dans la gueule », avertitle skipper. Et pour cause, le Passage du Nord-Ouest, qui relie l’Atlantique au Pacifique viales îles arctiques du grand Nord canadien, està plus d’un titre… exceptionnel. Facile, àl’image du compas, d’y perdre le sens com-mun. Des preuves? « En soi, y aller est déjà unpiège. Nous sommes dans une région polaire,

    par 70° Nord, et l’ouverture du passage, entreaoût et mi-septembre,oblige à croiser dans deseaux tempérées – golfe d’Alaska et mer deBéring – en pleine mauvaise saison, voire pen-dant les tempêtes d’équinoxe du 21 septembre.On s’expose à des coups de chien quasi systé-matiques, force 10 minimum », explique lenavigateur. Autre élément à prendre encompte: une hydrographie incomplète etd’innombrables hauts-fonds dus à un pla-teau continental très plat.Dans le détroit Mackenzie, on navigue dans2,50 à 3,00 mètres d’eau sur des dizaines demilles, un œil en permanence sur le sondeur.Mais ça n’est pas tout. « La proximité du pôlemagnétique crée des anomalies magnétiquesdans une large partie de l’archipel canadien,précise le marin. Nous nous sommes orientésuniquement au GPS pendant deux semaines.Ce qui implique de prévoir une solution derechange, comme un astrocompas, en cas dedéfaillance des GPS du bord. Or c’est un appa-reil très complexe: là encore, un néophyte per-

    drait pied. » La logistique, aussi, est épineuse:obtenir des pièces détachées étant presqueimpossible à l’escale, la débrouille est reine àbord. « L’équipage doit savoir rebondir sur lemoindre problème technique », insiste le skip-per. Faire une réparation de fortune sur unhauban ne doit pas faire peur. »

    DANS 40 NŒUDS DE VENT,L’ICEBERG POUVAIT SE RETOURNERMais parlons aussi du froid. L’hypothermieest ici une menace permanente car elle estliée à l’émotif. Le stress créé par la présenced’icebergs et de glace fait facilement oublierla nécessité d’être correctement vêtu. « Çam’est arrivé en 1999, à la sortie du LandcasterSound. Le passage menant à Pond Inlet étaitobstrué par un iceberg immergé. Pendanttrois quarts d’heure, dans 40 nœuds de vent,nous avons avancé sur l’eau turquoise qui lerecouvrait, conscients qu’il pouvait se retour-ner n’importe quand. Appelé en urgence parl’équipier de quart, je suis resté à l’extérieur

    pendant tout ce temps, sans gants. Je me suiscramé les mains, et j’aurais pu finir avec plu-sieurs doigts gelés », se souvient-il.À savoir également: la glace est omnipré-sente. Si des cartes existent donnant laconcentration et l’état de la glace, seul l’artde lire un champ de glaçons permet de tirerson épingle du jeu. « L’expérience est le maî-tre mot ici : il faut reconnaître une banquisequi se comprime ou s’ouvre, analyser sa posi-tion par rapport à la côte, et choisir son capaprès avoir fait la synthèse de la météo, del’hydrographie et des courants. Je dois admet-tre – et j’en fais le constat avec tristesse – quecette année, le Passage était aux deux tierscomplètement libre de glace. En 1999, ils’agissait encore d’une expédition polaire.Aujourd’hui, la glace a fondu. Nous avons icile constat simple et terrifiant du réchauffe-ment climatique. Mais malgré tout, jeconseille de ne jamais sous-estimer l’adversitédu Passage. Apprentis navigateurs, abste-nez-vous. » JC

    Tout, ici, est cornélien:naviguer, s’orienter, réparer.Jusqu’aux approvisionnementsen eau et gazole, qui se font parfûts (aucune structure n’existepour les voiliers) etréquisitionnent, pour leurtransport à bord, 5 personnespendant une journée.

    Compression de la banquise, glaces dérivantes, aléas météoet courants violents: trois personnes ne sont pas de troppour établir la meilleure route… et garder les idées claires.

    200 PASSAGES DONT20 VOILIERS SEULEMENT

    Depuis le premier transit réussi du Passagedu Nord-Ouest en 1906, moins de200 traversées ont été effectuées à ce jour.Parmi elles, 20 équipages de voiliers, dontOlivier Pitras en 1999 et 2008, Éric Brossier etFrance Pinczon du Sel en 2003, et MichèleDemay en 2001. Matérialisation del’évolution du climat et de la sensibilité del’Arctique à ces bouleversements, la fonteestivale de la banquise – diminution de sonépaisseur mais aussi de sa surface – vaprobablement modifier cette situation etinduire un développement de la navigationdans l’Arctique. À ce titre, le fait qu’unebataille juridique fasse rage depuis plus de20 ans sur le statut du futur éventuel passage(passage international ou voie d’eauappartenant au Canada) n’est pas anodin.

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    Southern Star est un dériveur lesté enaluminium dessiné par William Tripp.Longueur: 23,70 m - Largeur: 5,60 mSurface de voile: 340,00 m2 - Motorisation:GM 165 Ch - Eau douce: 2000 l - Gazole: 2000 l

    Groënland

    Islande

    Canada

    Alaska

    Russie

    Détroit deBéring

    Océan Arctique

    60°N

    Pôle Nord

  • 32 SEPTEMBRE 2009

    navigation

    Tasmanie“Dans ces vagues, barrer sans faire

    d’erreur ne suffit plus.“

    Jamais Richard Winning n’avait vu unevague aussi colossale. « Il était un toutpetit peu plus de 17 heures, à peu dechoses près l’heure à laquelle chaviraSword of Orion, et il voyait se dresser

    devant lui une véritable montagne d’eau à lacrête bombée, qui lui parut deux fois plushaute que celles qui l’avaient précédée.Winning estima qu’elle devait faire au moins24 ou 25 mètres, mais ce qui l’inquiéta par-dessus tout c’était sa forme. Jusque-là, toutesles lames qui étaient venues frapper leWinston Churchill avaient été raides et mus-clées. Mais, à présent, debout derrière sabarre, il avait l’impression de foncer vers uneversion monumentale d’un de ces rouleauxqu’on voit sur les plages, au moment où il va sebriser. Où se cacher? Winning serra la barre detoutes ses forces, non seulement pour dirigerle bateau, mais aussi pour tâcher de rester tantbien que mal sur ses pieds. Détournant la tête,pour éviter de prendre en pleine figure le ventde près de 50 nœuds, il s’efforça de conserverun tant soit peu de visibilité au milieu despaquets d’eau de mer qui volaient dans tousles coins. Winning étaient de ceux qui croientqu’il y a en toutes circonstances une marche àsuivre – il n’avait qu’à la suivre. Néanmoins, levoilier n’était encore qu’à mi-hauteur de lavague et déjà la paroi à escalader paraissait

    d’une inabordable verticalité; Winning com-prit soudain qu’il ne lui suffirait peut-être pasde barrer sans faire la moindre erreur. Lavague commença à se briser bien avant que leyacht n’eût atteint la crête. Les premières mas-ses d’eau blanche et bouillonnante s’abatti-rent sur le pont. Le bateau cessa d’avancer, fitune embardée vers l’arrière, puis le déferle-ment d’eau le fit tourner sur lui-même et lemit parallèle à la vague. Pris dans les mons-trueux remous, le voilier fut violemment cou-ché sur le flanc, si loin que le mât se retrouva àl’horizontale, tandis qu’il glissait irrésistible-ment à la surface de la vague. L’eau et l’écumeengloutirent le pont et le bateau se couchaencore un peu plus. Il avait désormais dépasséles 90 degrés de gîte et le mât à son tour s’en-fonça sous l’eau. Winning s’efforça désespéré-ment de se cramponner à la barre, mais aumoment où le Churchill atteignit le fond ducreux, il comprit qu’il n’était plus à bord. L’eauqui martelait son corps lui paraissait venir departout. Au début, les mouvements et levacarme noyèrent complètement ses cinqsens, mais presque aussitôt il sentit le coupd’arrêt de son équipement de sécurité. Sicelui-ci cédait, il était fichu, il le savait. »Extrait de La mer ne ment jamais, Sydney -Hobart 1998, 115 voiliers au cœur de la tour-mente. Éditions JC Lattès.

    DES DÉFERLANTES GONFLÉESDEPUIS DES CENTAINES DE KM

    Les eaux du détroit de Bass, bras de merlarge de 225 km qui sépare l’Australie de laTasmanie, sont parmi les plus turbulentesdu monde. L’île et le continent étaient jadisattachés, le détroit est donc beaucoupmoins profond que les deux océans situésde part et d’autre. Aussi, quand lesdéferlantes qui se gonflent depuis descentaines de kilomètres franchissent ceshauts-fonds, elles ont tendance à se brisercomme elles le feraient à l’approche durivage. En matière de voile, la courseSydney - Hobart, qui prend son départ tousles 7 ans depuis 1945, est loin d’être la pluslongue course au large: elle ne couvre que630 milles. Mais bien qu’elle se déroule enplein été austral (décembre), elle a laréputation d’être des plus traîtresses.

    En 1998, la 54e édition de la courseSydney - Hobart est meurtrière:7 navires abandonnés, 3 détruits,6 morts, une cinquantaine de marinssauvés en mer. La passe qui séparel’Australie de la Tasmanie réservesouvent des surprises. Le tempschange en quelques heures, lescourants s’opposent à l’avancée desbateaux (ici ASM Brindabella dansla toute dernière édition).

    OcéanPacifique

    Tasmanie

    Australie

    Melbourne

    Sydney

    Grande BaieAustralienne

    Détroit de Bass

    140°W

    40°S

    © DR/ROLEX/CARLO BORLENGHI

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