Traian Sandu-La Garde de Fer méthodes de mobilisation et d’encadrement

7/31/2019 Traian Sandu-La Garde de Fer mthodes de mobilisation et dencadrement

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Traian Sandu La Garde de Fer : mthodes de mobilisation et dencadrement , dans Temps, espaces, langages, laHongrie la croise des disciplines,Les Cahiers dtudes hongroises, LHarmattan, 2008, 2 volumes,vol.2, pp395-415.

La Garde de Fer : mthodes de mobilisation et dencadrement

La Lgion de lArchange Michel a t cre en 1927 par scission de la branche jeune de la Ligue de Dfense Nationale Chrtienne en roumain LANC. Le principalreproche que Corneliu Zelea Codreanu adressait alors son vieux parrain Alexandru C. Cuzatait de ne pas avoir su profiter de la mobilisation de lopinion en leur faveur lors de son

procs pour lassassinat du prfet de police de Iai en 1924. De grandes foules avaientapplaudi lacquittement en signe de protestation contre lautoritarisme du rgime impos parle Parti National Libral (PNL) au pouvoir. Or la LANC restait dans les annes vingt uneassociation de notables rgionaux antismites, souvent recruts dans les milieux universitaires

moldaves. Le choc de la guerre, de lagrandissement territorial de la Roumanie et deladoption du suffrage universel largirent brutalement le champ daction politique etbouleversrent le vieux bipartisme du systme censitaireentre bourgeoisie affairiste du PNLet grands propritaires du Parti Conservateur par lirruption de formations nouvelles,catgorielles, rgionalistes ou nationalistes. Toutes se disputrent ceux qui reprsentaient lpoque la masse des lecteurs, les paysans. La lgitimit sembla revenir au Parti NationalPaysan (PN en roumain) lorsque, lors dune des rares lections organises sans brutalits ni

pressions administratives lencontre du corps lectoral et des adversaires politiques, ilremporta 78% des suffrages en dcembre 1928. Mais la crise larve des prix agricoles,

brutalement aggrave par le krach doctobre 1929, brisa les leviers dont comptait jouer lePN pour le dcollage conomique et le bien-tre du pays les exportations agricoles et

lafflux de capitaux trangers, respectivement dprcies et taris. Les solutions de la droitenationale librale, du centre-gauche agrarien, mais aussi dun militaire autoritaire, le gnralAverescu, qui avait dirig un gouvernement compos des membres de son Parti du Peuple,semblrent disqualifies. La voie fut ouverte une critique de leurs mthodes consistant obtenir tous les quatre ans, par des mthodes plus ou moins lgales, une majorit aussicrasante quphmre au Parlement, pour se dtourner ensuite de llectorat et lignorer

jusquaux lections suivantes, systmatiquement remportes par le parti nouvellement appelau pouvoir par le roi. Ces dysfonctionnements de la monarchie constitutionnelle et de ladmocratie roumaines, qui donnaient une valeur surdimensionnes au roi, avaient pourconsquence une assez faible mobilisation et un encadrement modeste de llectorat entre lesscrutins. Ni la dispersion rurale, ni la tendance voter pour le parti qui dtenait les moyens dela coercition administrative et des prbendes futures, ne favorisaient un investissementdurable et profond au sein de la population.

La situation du parti fasciste tait trs diffrente. Reprsentant sur la scne lectoralela Lgion de lArchange Michel fonde par Codreanu en 1927, la Garde de Fer et sessuccdans conscutifs ses multiples dissolutions navait aucune chance dtre appele au

pouvoir par le roi. Elle recrutait, lors de sa cration, au sein dune gnration trop jeune etparmi des catgories trop modestes pour en imposer la lgitimit ; elle possdait aussi desmthodes trop brutales et directes pour sintgrer au jeu politique, aussi obr ft -il ; enfin,son idologie dextrme droite aurait pu passer inaperue parmi les nombreux autresmouvements situs dans le sillage de A.C.Cuza et du nationalisme anti-communiste ambiant

si son ambition de sensibiliser, de fidliser puis dencadrer fortement le corps politique etsocial, puisque les femmes et les adolescents taient concernsdans une structure politique


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exclusive de toute autre forme sociale navait attir lattention sur sa formation. Si le rgimecensitaire roumain davant 1914 avait connu les ruptures gnrationnelles et idologiquesdans le champ politique, celles-ci se limitaient un personnel de quelques centaines defamilles qui se connaissaient.

La spcificit de la Lgion rsidait donc avant tout dans les diffrences dapproche du

vivier social et dans le but quelle assignait cette mobilisation politique. Quatre motspeuvent les caractriser : lintimit, lintensit, la dure et la totalit. Le charisme des leadersfascistes, leur unicit sur le spectre politique de leurs pays respectifs1 dpendent de laplasticit de leurs mthodes, infiniment adaptables aux particularits des identits dont ellesphagocytent la substance. Leur but, avou, est de prendre totalement en charge la disponibilit

politique dune population mprise par des dirigeants qui sont souvent les lites du mondepolitique censitaire dhier et qui doivent dsormais rendre des comptes une population quilsse contentaient dadministrer prcdemment. Les frustrations sociales conscutives la guerreet les dsordres apparents du jeu politique dmocratique qui en est rendu responsableassignent trois buts paradoxaux la mobilisation fasciste. Dune part, il faut secouer la chapeque font peser les lites anciennes sur le corps politique, donc soulever ce dernier par des

mthodes rvolutionnaires de rupture. Dautre part, il sagit de prenniser cettemobilisation au-del du soulvement paysan archaque, aussitt retomb. Enfin, les dirigeantslgionnaires doivent la structurer de faon viter la dstabilisation du rgime fasciste unefois celui-ci mis en placehantise de tout rgime rvolutionnaire. Les mthodes et les cadresde la rgulation viennent par ailleurs buter contre la dispersion du corps politique danslespace rural assez cloisonn et contre le traditionalisme de la culture politique de rvrencetrs ancre chez les paysans.

La mise en quation de ces diverses contraintes conduit Codreanu adopter ds larupture avec Cuza des mthodes spcifiques de combat politique. Leurs formes les pluslabores sont composites, combinant fonctions de mobilisation, dencadrement et dergulation, dautres le sont moins. On peut ainsi les distinguerselon leur degr de complexit,qui dtermine aussi limportance de leur fonction. Remarquons immdiatement quil ny a paseu de distinction chronologique entre fonctions, laccueil dans des cadres structurantsaccompagnant intimement la mobilisation. Il y eut nanmoins une volution selon le publicvis : llargissement du groupuscule sectaire au parti de masse appelait dautres structures desocialisation politique.

I Lindispensable appui sur les cadres sociaux traditionnels, une leon desorigines (1919-1927)

Avant mme la cration de la Lgion en juin 1927, Codreanu a t confront une

double exprience. Il a got dabord au fruit assez amer de la popularit phmre qui laentour lors des violences anti-socialistes de 1919, du mouvement estudiantin antismite de1922 et du procs conscutif lassassinat du prfet Manciu en 1924. Il a regrett de ne pasavoir structur suffisamment cet lan denthousiasme, qui risquait de subir le sort des feux depaille des rvoltes brutales et passagres des milieux agraires, dont les tudiants taient

1Pour une approche de ces notions appliques lEurope centrale et au cas roumain, voir notre introductiongnrale, La question fasciste en Europe centre-orientale : lentre dchirement des droites , ainsi que notrearticle, Le conflit entre fascisme et monarchisme en Roumanie : donnes structurelles et grandes tapes, 1933-1938 , dans Catherine Horel, Traian Sandu et Fritz Taubert, La Priphrie du fascisme, spcification dunmodle fasciste au sein de socits agraires, le cas de lEurope centrale entre les deux guerres , Paris,LHarmattan, 2006, p.91-109. Voir la srie documentaire Ideologie si formaiuni de dreapta n Romnia,

(ideologie et formations de droite en Roumanie) sous la direction de Ioan Scurtu, Institutul naional pentrustudiul totalitarismului, vol. II, 25 juin 1927-2 janvier 1931, 304 p., 2000 ; vol. III, 5 janvier 1931-7 juin 1934,368 p., 2002 ; vol. IV, 7 juillet 1934-30 mars 1938, 448 p., 2003.


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souvent issus. Pourtant, ds mars 1923, Codreanu avait transig en faveur de la cration dunestructure pr-fasciste, la LANC, qui incluait les vieilles notabilits lgalistes puisque Cuza entait prsident et Codreanu seulement responsable de lorganisation. Ce quelle perdait endynamisme, elle le gagnait en surface chelle nationale, puisquelle regroupait lensembledes enseignants et tudiants nationalistes des quatre universits du pays2. Thoriquement,

Cuza cdait Codreanu en acceptant un filtrage des membres durant une priode probatoiredans des fratries de quinze cinquante personnes, puis lembrigadement des plus jeunesdans le dtachement des jeunes de Codreanu form sur le modle des lgions romaines avecdcuries, centuries, cohortes et lgions. Mais en ralit, Cuza refusa dappliquer la procdure3.

Cest pour cela que ds cette poque, Codreanu songeait une organisation dejeunesse propre, nomme dj Archange Michel. Significativement, il distinguait entreruraux, lycens et tudiants, les premiers paraissant plus difficiles entraner, mais plusintressants si le parti cherchait un impact auprs des masses ; les seconds, plus faciles enthousiasmer, plus frondeurs et hostiles la concurrence juive dans les mtiers urbains,devaient fournir les cadres et recevoir une prparation adapte. Mais en ralit, avant lacration de la Lgion, seuls les lycens sorganisrent dans les Fraternits de la Croix ,

sorte dorganisations amicales traditionalistes fondes sur le baptme en commun ou sur desrites de mlange du sang. Codreanu toffa ces pratiques passablement paennes de rfrencesmilitaires correspondant sa propre formation secondaire au lyce militaire du MonastreDealu et de rappels historiques aux formations militaires anti-turqueshadouks et pandours

, ainsi que de lectures fraches et joyeuses comme Les Trois mousquetaires. Les frres decroix devaient aussi parcourir deux priodes de trois mois de mise lpreuve, au sortirdesquelles ils vivaient dans une camaraderie mlant vies militaire et estudiantine, avec lapratique des sports de combat et des duels. Finalement, quelque cinq cents frres furentslectionns et Ion Moa, avocat et futur beau-frre de Codreanu, se mit leur tte4.

Le culte de la personnalit, surtout de la personnalit de Codreanu, commena trstt. A vrai dire, cette mthode recoupe l'organisation hirarchique du parti et le principed'autorit qui se trouvent au croisement des mthodes et de lidologie. Dans la Roumanierurale, la fte du mariage de Codreanu en juin 1925, immdiatement aprs son acquittement,prit des proportions hors du commun grce l'hommage que voulait lui rendre la ville deFocani, initialement dsigne pour accueillir son procs. Selon le protagoniste lui -mme,2300 vhicules et plus de 80000 invits avaient fait le dplacement ; deux manifestationsparticulires, une traditionnelle et l'autre moderne, accompagnrent cette inhabituelledmonstration en l'honneur d'un jeune homme de vingt-six ans :

"La crmonie entire avec son magnifique dploiement de chars de mariage et decostumes nationaux, avec les danses et les manifestations de joie et de l'enthousiasme desinvits, fut filme."

"[]""Le 10 aot, Ciorti, ct de Focani, j'ai tenu sur les fonts baptismaux plus de100 enfants, ns les derniers mois, dans le dpartement de Putna et des environs."5

Le style du fascisme la roumaine , mlant tradition ici teinte de la dimensionrurale et religieuse propre aux socits retardataireset modernitavec cet pisode du filmdu mariage, proprement incroyable dans la Roumanie de lpoque sassocie ici intimement

2 Armin Heinen,Die Legion Erzengel Michael in Rumnien : soziale Bewegung und politische Organsation,ein Beitrag zum Problem des internationalen Faschismus, Munich, 1986, traduite en roumain en 1999 Bucarest, chez Humanitas, 546pp, p.112.3

Heinen, op. cit., p.114.4Ibid., p.114-115.5Ibid., p.235-236.


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au culte du chef avant lheure, puisque Codreanu nest mme pas le chef nominal de laLANC.

Les organisations estudiantines taient depuis longtemps des foyers de recrutementlgionnaire, et les Congrs dtudiants pouvaient tre assimils des runions delgionnaires pour la simple raison quils avaient peu peu limin leurs concurrents par la

violence ou par lassimilation. En construisant des foyers dtudiants, la Lgion ne faisait aufond que de se rendre service elle-mme6, puisque tous les lieux de rassemblement de lajeunesse pauvre, instruite, donc frustre, devenaient autant de nids lgionnaires potentiels.

Les camps de travail tels que la briqueterie d'Ungheni en Moldavie et le potagerattenant destins la construction du foyer tudiant de Iai connurent un certain succs,surtout aprs la publicit de l'acquittement de Codreanu. Plusieurs raisons se combinaientdans cet engouement. Les lites paternalistes des grandes familles y trouvaient une activitsociale "saine", qui occupait la jeunesse et promouvait le milieu tudiant nationaliste audtriment des tudiants de gauche. La paysannerie aidait ainsi une uvre dont pourraitbnficier les enfants qu'elle envoyait, avec de grandes difficults, tudier en ville. Quant auxfonctionnaires, outre toutes ces raisons, ils contribuaient pallier la carence des

investissements publics. Enfin, comme le rappelle Codreanu, ces camps mobilisaient la bonnevolont gratuite de chacun dans un but de propagande en faveur de la fusion des Roumains detoutes les catgories sociales et de toutes les provinces, notamment celles nouvellementannexes :

Ces dons taient autant de tmoignages de la sympathie que notre mouvementsuscitait dans toutes les classes sociales. De nombreuses photographies reprsentaient desscnes de nos camps de travail, montrant comment les tudiants et les tudiantesconstruisaient leur maison. Ce camp de travail fut une occasion de rencontre pour lestudiants de Bucarest, de Bucovine, de Bessarabie et de Transylvanie. 7

Ce mlange de propagande moderne -avec les photographies- et de travauxtraditionnels dans un but national, avait videmment pour but la cration d'une structured'embrigadement au bnfice des organisations de jeunesse cuzistes diriges par Codreanu :

Les jeunes gens des fraternits [de la Croix, regroupant les garons jusqu' dix -neuf ans] venaient, tour de rle, travailler dans notre camp pour retourner ensuite chez euxorganiss et duqus dans notre esprit. 8

Le chant est la fois un moyen de souder le groupe, d'viter le dbat rationnel et designifier un public parfois fruste cette cohsion et la mission dont le groupe est investi :

"N'ayant pas suivi la voie de la raison, avec ses programmes, ses dbatscontradictoires, ses argumentations philosophiques et ses confrences, le chant nous offrait leseul moyen de manifester la profondeur de notre tat d'me. Nos curs s'panouissaient

joyeux en chantant les vieilles chansons chres notre peuple.""[]""Si vous ne pouvez pas chanter, c'est qu'une maladie vous mine au plus profond de

votre tre, ou bien que la vie a noirci de pchs votre me innocente. Et si vous ne pouvezgurir, effacez-vous et laissez la place ceux qui sont capables de chanter."9

6Voir, par exemple, le rglement du 26 septembre 1927 de Codreanu concernant le foyer de Iai, dans Ideologiesi formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II, p.68-69, ainsi que la dcision de justice autorisant les lgionnaires, quiavaient construit ce foyer lpoque o ils appartenaient au LANC, en exclure les cuzistes (Ideologie si

formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II, p.182-186).7 CODREANU,La Garde de Fer, titre original : Pentru legionari (Pour les lgionnaires), Bucarest, 1936. Paru

en franais sous le titreLa Garde de Fer, Paris, Ed.Promthe, 1972, 470p, ici p237.8Ibid..9Ibid., p.279.


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Parfois, la rpression et les limites que les pouvoirs publics apportaient aux discours etaux runions des lgionnaires obligeaient ceux-ci de se limiter des marches rythmes par leschants. Mais au fond, ils avaient eux-mmes fait le choix de ce dynamisme simpliste, et lesinterdictions leur permettaient daccentuer le statut romantique de victimes sur lequel ils

jouaient pour anathmatiser lordre existant.

Intimement mles au chant, les marches combinaient manifestation politique etentranement paramilitaire. Effectues en rang, au pas cadenc, elles ressemblaient devritables :

Par des instructions en commun, je voulais ensuite dvelopper leur esprit de corps,leur donner le sens de l'union. J'avais observ qu'une ducation en commun exerce une grandeinfluence sur les ides et les sentiments d'un homme, qu'elle met de l'ordre et de l'quilibredans un esprit dsordonn et dans une sensibilit anarchique. 10

Une des variantes des marches tait la chevauche dans les villages, justifie parl'interdiction de tenir des meetings, mais aussi par l'absence de programme exposer. Lesdiscours recevaient alors la portion congrue au bnfice de la chevauche elle-mme une

croix la main, ventuellement ponctue de courtes allocutions trs gnrales et de runionsde prire collective. Toutefois, cette mthode relve moins de lentranement des adeptes quede leur conqute par la propagande. Elle relve donc plutt de la priode postrieure 1929 et la marche vers le peuple .

Finalement, la matrice des structures et pratiques lgionnaires se met en place trs ttet apparat comme fondamentale dans la dfinition du mouvement fasciste. Peu de chosessparent Cuza et Codreanu sur le plan idologique, si ce nest prcisment l idologie dufait (accompli) 11 et la radicalit dont se rclame ce dernier. Cet activisme agressif au nom devaleurs idologiques qui staient jusque-l accommodes de manifestations plus modresest propre au fascisme, qui investit de prfrence les champs organisationnel etdmonstratif12. Lorganisation devient le rceptacle ordonn et hirarchis de lagitationsubversive de lordre ancien. Elle peut ainsi thoriquement rguler avec prcision la violenceet la diriger selon les circonstances. Outre lincertitude dune parfaite matrise de la violence,qui possde sa dynamique propre, intervient aussi dans le cas roumain le facteur de la difficilemobilisation de la campagne. Dailleurs les dbuts pr-fascistes du mouvement ne concernentque peu cette majorit de Roumains, mais seulement les catgories urbaines.

Toutefois, si les grands traits de lorganisation lgionnaire sont tablis prcocement,Codreanu avait prvu la capacit dvolution du mouvement, quil ne souhaitait pas corseter:

Imaginer un mouvement tel quil devrait tre sa dernire tape de dveloppementet lui tailler , ds le dbut, le vtement quil ne sera mme de porter quune fois arriv ce

stade, est imprudent. Cest tout aussi dfectueux de confectionner ds le dbut un moule tropajust, sans tenir compte des progrs du mouvement : rapidement, il touffera dans des formestrop troites qui ne le contiennent plus. 13

10Ibid., p.338.11Voir lofficieux du mouvement, le bi-mensuel Pmntul strmoesc (la terre des anctres), n2 du 15 aot1927, dansIdeologie si formaiuni de dreapta, op. cit., p.57-58 : Codreanu y dfinit ainsi la Lgion : son idede base est : des faits et non des paroles. 12

Codreanu,La Garde de Fer, op. cit., p.275 : Et pourtant, nous, ctait la mme faon de croire qui nous avaitrapproch et non pas un raisonnement commun .13Ibid, p.313.


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IILa Lgion des dbuts : llitisme forc dun groupuscule sectaire (1927-1929)

Lors de la sparation avec Cuza, Codreanu avait espr entraner la plupart de sesjeunes membres14. Son divorce en douceur visait aussi cela. Mais le but ultime relevait biends le dbut de la rvolution fasciste et de sa propagation parmi les masses, du moins dans

lcrit principal de Codreanu de 1936 : Aussi la Lgion de lArchange Michel sera-t-elle une cole et une arme pluttquun parti politique. De lcole lgionnaire un nouvel homme devra natre, avec lesqualits du hros ; un gant de notre histoire, qui combattra et vaincra tous les ennemis de laPatrie. Il convaincra les autres Roumains ; sinon, il saura vaincre, en vrai hros. 15

Codreanu distingue bien entre lgionnaires dlite des premiers temps et autresRoumains destins recevoir la propagande un moment ou un autre, lorsque les cadresseront embrigads.

Et comme le cadre de cette lutte compte moins que son dynamisme, voici commentCodreanu dfinit la mthode toute militaire de la mobilisation des nergies :

Nous employmes deux stratgies :

1. Concentrer toutes nos forces sur un mme objectif, en un mme temps.2. Stimuler les combattants durant la bataille, par des citations et des distinctions. 16Ces manifestations typiquement militaristes de la Lgion taient destines la fois

renforcer la cohsion du groupe et propager la valeur de cette activit et de ceux qui lapratiquaient au public, dans un but de proslytisme. Toutes les formes de propaganderecenses visaient le mme effet, mais si elles rencontrrent un succs certain lorsqueCordeanu tait proche de Cuza, elles ne fonctionnrent plus immdiatement lorsquil sisolapour radicaliser le mouvement. De manire plutt force, ce fut cette dernire dimensiondapprofondissement qui lemporta sur lextension. Dans la section consacre au "serment despremiers lgionnaires", Codreanu rappelle la remise solennelle des sachets de terre roumainedes diverses provinces que les lgionnaires devaient porter sur leur cur17. Aux cts dessachets, qui taient distribus tous les lgionnaires qui avaient fini une priode probatoire,sajoutrent la dcoration plus moderne , moins archaque, de la Croix blanche18.

Pendant au moins deux ans, avant donc llan fourni par la crise conomique apr soctobre 1929, les cadres et les mthodes dessins par Codreanu sont avant tout destins uneexpansion future et font partie du travail de propagande : ils donnent limpression dunmouvement fortement organis davantage pour attirer que parce que ces cadres seraientremplis de quelconques militants. Lensemble tait dirig par les chefs du mouvementtudiant19, mais Codreanu distinguait ds ce moment-l entre I-section de jeunesse aucaractre fasciste prononc ; II-section des vieux conseillers ; III-Section de la propagandepar la parole et le geste. 20 Si la premire section dtient le rle principal, dynamique,

Codreanu prvoit en effet de doter la Lgion dun Snat, consultatif, organis en janvier 1928,et dont le recrutement parmi les lgionnaires de plus de cinquante ans devait assurer leconcours de sages ayant derrire eux une vie exemplaire ; Codreanu les dsigna lui-mmeau dbut, puis ils cooptrent leurs pairs : le titre de snateur sera la plus haute dignit

14Ibid, p. 271 : Je voulais me vouer organiser le mouvement des jeunes selon ma conscience et mes principeset sous mon entire responsabilit. 15Ibid., p.283.16Ibid., p.300.17Ibid., pp.318-319.18 Note de la Direction gnrale de la Police du 4 dcembre 1932 sur les organisations de la Garde de Fer. La

propagande. Le rsultat , dansIdeologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.III, 368 p, ici p.136-137.19 Heinen, op. cit., p.132-133.20 Note du 16 juillet 1927 de la Sret gnrale publie dansIdeologie si formaiuni de dreapta, op. cit., p.47-48.


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laquelle peut aspirer un lgionnaire. 21 Le recrutement des premiers snateurs devait se faireparmi les lites, surtout militaires, de la Lgion. Trois snateurs sur six taient des officierssuprieurs, dont deux gnraux22. Mais la premire runion eut lieu en dcembre 1930 23, alorsque le mouvement profitait dj largement des retombes de la crise et de la massificationconscutive : le besoin de respectabilit auquel rpondait le Snat de personnalits lues

commenait donc seulement remplir son rle de propagande lectoraliste. Nanmoins,derrire cette image de collgialit, Ion Moa avait prvenu ds le premier numro delofficieux lgionnaire que la grande personnalit de la direction a t ressentie par ceux quipar une force mystrieuse ont form les premires cellules ordonnes et disciplines delorganisation. Lui, notre chef, est Corneliu Zelea Codreanu. 24 Cette dfinition du charismedu chef fasciste est un pralable indiscutable25.

Pour ce qui relevait du recrutement militant, Codreanu affirma prudemment vouloirlimiter dans un premier temps le nombre total des lgionnaires trois mille, afin de sassurerde la qualit de ses cadres. En ralit, il ne pouvait pas recruter davantage, car la popularit dumouvement tait faible26. Ainsi, la premire structure dcrite dans Pmntul strmoesc le 15aot 1927 comprenait quatre sous-groupes clairement domins par la catgorie des hommes

jeunes, lappui de laquelle venaient les trois autres hommes de tous ges, femmes, etRoumains de ltranger avec le sige Paris. Les hommes de tous ges qui ne soient pas desmembres actifs et combatifs devaient se runir dans des cercles de trois treize personnes,mais ils taient si peu nombreux que cette structure ne se mit jamais rellement en place. Lesgroupes fminins reurent par la suite le nom de cetuicitadelles, du nom du monastremoldave Cetuia, qui avait accueilli un congrs des tudiants antismites en 192327. Il faut yajouter les jeunes des Frres de croix , dont la structure se cristallisait autour de petitsgroupes entre huit et trente-cinq adolescents, isols chacun dans un quartier urbain28. Les"frres de croix" reprenaient un rituel traditionnel selon lequel des jeunes gens se juraientamiti ternelle sur la croix. Les "petits frres de croix" regroupaient les jeunes garons

jusqu' quatorze ans, les "frres de croix" prenaient le relais jusqu' dix-neuf.

La presse lgionnaire naquit presque en mme temps que le mouvement pour yformuler les normes de notre vie, pour donner les directives de notre mouvement, pour largirnotre champ d'influence. 29 Bref, pour la coordination et la propagande, le premier numrodu bimensuel Pmntul strmoesc (le terroir des anctres) parut le premier aot, avec des

21 CODREANU,La Garde de Fer, p.328-329.22Ibidem. Voir aussi lanalyse de d'Ormesson, le ministre de France, qui relve l'au tonomie et la forteorganisation du mouvement dans un pays o les partis ne s'taient structurs que depuis peu : Actuellement, lechef de la lgion, Codreanu, est assist d'un "snat", compos de lgionnaires de plus de cinquante ans, d'unconseil suprme choisi parmi les membres les plus actifs, d'un comit financier et d'inspecteurs. Chaque

dpartement a, en outre, son organisation propre. C'est donc, en ralit, un vritable petit tat dans l'tatroumain, disposant d'un pouvoir excutif et d'une force de police; ainsi que le disent les tracts de propagandeeux-mmes, "l'organisme politique est la tte et la Garde le bras." (D. n413 du 4 dcembre 1933, Z Roumanie171, f.87-89)23 Heinen, op. cit., p.136.24Pmntul strmoesc du 1 aot 1927, dansIdeologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II, p.53-54.25 Voir notre article ce sujet, Sandu, Le conflit entre fascisme et monarchisme en Roumanie : donnesstructurelles et droulement , dansLa Priphrie du fascisme, op. cit., p.91-109.26Pmntul strmoesc du n5 du 1er octobre 1927, dans Ideologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II,p.70-72 ; voir aussi Heinen, op. cit., p. 133.27Pmntul strmoesc du 15 aot 1927, dans Ideologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II, p.57.

Pmntul strmoesc du 15 septembre 1927, dansIdeologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II, p.66-67dtaille les deux premires sections, Pmntul strmoesc du 1er octobre 1927, dansIdeologie si formaiuni de

dreapta, op. cit., vol.II, p.70-71, les deux dernires.28 Heinen, op. cit., p.317.29 Codreanu, op.cit., p.290.


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moyens fort rduits. Mais comme les autres moyens de propagande, celui-ci eut aussi, audbut surtout, une fonction de slection et de cohsion interne. Codreanu voque unevritable bataille .30 Lindigence des moyens se reflte finalement aussi dans la forteproportion des abonns insolvables1750 des 2586qui obligea la rdaction suspendre laparution31.

IIIApparition du nid et massification rurale : de la secte au mouvement et la faade politique, la Garde de Fer (1929-1932)

Faisant le point en 1932 sur cette phase nouvelle de la marche vers le peuple et delabandon des mthodes violentes de propagande entame officiellement le 8 novembre192932, Codreanu en livre lesprit devant des militants qualifis d intellectuels , donccapables de comprendre le sens de cette action :

Dans la phase actuelle, lopinion roumaine connat suffisamment le mouvementcomme organisation discipline et dordre.

On a quitt les vieilles mthodes qui ne correspondent plus lactualit, en suivant

une voie civilise [sic !], car cest seulement selon ce systme que la population saura quilexiste un programme plus sain. 33

A/ Le nid, cellule de la propagation de la Lgion

Certaines mthodes de propagande comme les camps de travail peuvent s'apparenter des structures phmres d'embrigadement. Toutefois, trs tt, Codreanu imagina unehirarchie et un cadre durables destins recevoir et entretenir ses troupes dans la foi. Cetteorganisation tait le nid et la Crticica efului de cuib34 (le brviaire dun chef de nid)tait la rgle de vie commune du nouvel ordre semi-religieux lgionnaire. Le fascismeroumain relevait en effet, comme tous les fascismes, dune religion civile avec sa doctrine 35,ses rites, sa hirarchie dofficiants, ses fidles et ses lieux de culte, lensemble tendant

phagocyter la religion traditionnelle et la religion civile de ltat36. Cette prise en chargetotale de la personne humaine dans le nid correspond lambition lgionnaire dencadrementde la socit roumaine jusque dans les dimensions les plus intimes de la vie. Mais le nid tait

30Ibid., p.300.31Pmntul strmoesc, n8 du 15 avril 1928.32 Codreanu, op. cit., p.339 : Mais l'action politique supposait un contact entre nous et les masses populaires.Bon ou mauvais, c'tait le chemin que la loi mettait notre disposition, et que, tt ou tard, il nous faudraitprendre un jour. 33Bulletin dinformations de la lgion de Gendarmes de Putna du 27 janvier 1933 concernant lactivit de laGarde de Fer entre le 27 dcembre 1932 et le 27 janvier 1933, dans Ideologie si formaiuni de dreapta, op. cit.,

vol.III, p.144-146.34 Corneliu Zelea Codreanu, Crticica sefului de cuib (brviaire du chef de nid), Sibiu, 1937 (ed. originale juillet1933). Aisment consultable sur le site no-lgionnaire miscarea.com. En fait, ce petit livre parut partir de mai1933 sous la forme de brochures et sous le nom de Fascicula legionarului, IIV(le fascicule du lgionnaire, I-IV) pour viter la censure frappant les livres (Heinen, op. cit., p. 218). A lorigine, il sagissait mme duneinitiative de Doru Belimace, Cluza legionarului (le guide du lgionnaire), publi lautomne sanslautorisation de Codreanu. Celui-ci le lui reprocha, en raison des rvlations qui pouvaient servir aux autorits,et il prfra reprendre lui-mme le sujet (Heinen, loc. cit.).35 Voir, pour les fondements doctrinaux, Sandu, loc. cit.. Codreanu dfinit la conscience nationale comme cettat dillumination, cette exaltation unanime, que lon rencontre seulement dans les grands courants religieux. Onpourrait juste titre appeler ce phnomne : un lan dcumnisme national. (op. cit., p.312).36 Emilio GentileLa religion fasciste, Paris, Perrin, 2002, 354 pages. Voir la longue note de synthse du Servicesecret dInformations de janvier 1930 (dans Ideologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II, p.204-219),

portant sur lactivit de la Lgion entre juillet 1927 et janvier 1930, avec quelques mentions son organisation et ses modes opratoires : outre quelques approximations, il est intressant de relever lassimilation, nullementflatteuse dun point de vue idologique, des pratiques lgionnaires et des rites maonniques.


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aussi une structure adapte un pays rural, la population disperse, au paysage cloisonn etaux nouvelles rgions mal relies par un systme de communication retardataire et segmentselon les polarits des empires dont elles avaient t dsannexes.

De manire apparemment paradoxale, le nid tait ainsi une organisation dcentraliseet dont l'initiative provenait "d'en bas", s'effectuant par une sorte de slection naturelle selon

les aptitudes diriger le nid informel de fidles :"Ce n'est pas moi qui nommais les chefs de "nid", parce que je le voulais moi; celuiqui, par ses propres mrites pouvait runir, convaincre et conduire un groupe, s'levait seul aurang de chef. Le chef de nid est le pilier de l'organisation lgionnaire. "

"Moi, je les consacrais chefs dans les situations auxquelles ils s'levaient eux-mmes,par leurs qualits et leurs aptitudes. Et c'est progressivement, en partant du chef de nid et enpassant par des chefs du village, de l'arrondissement, de la ville et du dpartement, que je suisarriv reconnatre le grade de chef de rgion, peine en 1934, c'est--dire aprs 7 ans."37

L'initiative et l'mulation, voire la comptition, sont la base de l'organisation etmaintiennent les militants sous tension. Selon Codreanu, l'intrt est de faire travailler tous lesmembres, et pas seulement les chefs, de rsoudre les problmes locaux en restant proche de la

population, enfin d'tre polyvalent et de se transformer en unit de combat au besoin 38. Sansignorer ces qualits de cadre mobilisateur, voire son aptitude discutable de mobilisationmilitaire, cette structure permettait aussi de crer la concurrence qui assurait non seulementl'expansion du mouvement, mais l'obissance envers le chef suprme qui arbitrait et dlivraitla conscration au chef local. On imagine mal, en effet, qu'un membres de nid ne souhaite pasdevenir chef lui-mme s'il se sent l'aura locale ncessaire et condition d'en rfrer au chefsuprme. Ce sont ces qualits que suggre Codreanu lorsqu'il se flicite que le systme "creun grand nombre de cadres" et que "l'effet d'une dfection ou d'une trahison restecirconscrit"39 : chacun est responsable, mais seul le grand chef centralise la capacit dedcision et avalise les dcisions locales. Codreanu runit au dbut de janvier 1929 lacinquantaine de chefs de nid et nota cette occasion le succs de ce systme lchementcoordonn par la presse lgionnaire :

"Mais il m'avait suffi de constater qu'au bout d'un an, avec les seuls appels et lesdirectives contenus dans la revue, il s'tait cr des nids qui fonctionnaient, dans toutes lesrgions et dans toutes les classes sociales"

"[]""J'ai constat en cette mme occasion que le mouvement prenait tout spcialement

parmi les jeunes. Et aussi que le systme d'ducation dynamique, -ducation et actionparallles- est de beaucoup suprieur au systme statique."40

On l'a compris, le nid tend suppler les ventuelles carences ou rejets familiauxenvers ses membres, ou la famille tout court, mme si elle est simplement indiffrente sans

tre hostile la Lgion. Comme tout lgionnaire est aussi un proslyte par son action"exemplaire", il se doit d'entraner sa famille : son choix politique est aussi un choix globalqui ne peut laisser indiffrent son entourage, oblig de ragir. Il s'agit d'un compele intrareplus subtil que la force, car il s'insinue dans l'intimit du lgionnaire par une prise en chargechaleureuse de l'ensemble de son tre social et affectif au sein de la secte, ainsi que nousl'avons dj relev :

"Faites de votre nid un refuge de consolation et de communion dans la joie. Unesance est russie, lorsque chacun rentre chez soi dbarrass du poids de ses peines et pleind'une nouvelle confiance en son pays."41

37 CODREANU,La Garde de Fer, p.313-314.38

Ibid., p.314.39Ibid., p.314-315.40Ibid., p.328.


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L'aspect cathartique de l'exprience renvoie au recrutement de franges socialesmcontentes et/ou marginalises, comme nous le verrons dans les chapitres correspondants,mais aussi un type d'organisation o l'individu et son quant--soi n'avaient plus leur place.La prire commune, tenue une heure fixe "dans le pays entier tous les samedis soir", doit"attirer les forces spirituelles" pour assurer la victoire42. Elle unifie aussi un mouvement aux

cellules clates et qui ne put compter, au dbut du moins, que sur l'homognisation par ladiscipline et le culte du chef pour tenir.Cette forme dfinitive et cette dynamique de bas en haut , le nid ne la acquis

quavec le temps et avec la prcision de son rle dencadrement des masses lgionnaires. Enralit, lorigine, dans le n2 de Pmntul strmoesc du 15 aot 1927, le nid sappelaitnoyau (nucleu), il comptait dj entre trois et treize personnes43, mais en raison de la faiblessedes effectifs de la Lgion, ctait une simple unit dorganisation dont Codreanu connaissaitsans doute la plupart des membres. Ce fut son habilet, plus ou moins volontaire, davoirlaiss se dvelopper assez anarchiquement, notamment en milieu rural, ces structures souples,avant de les reprendre en main. Cette opration intervint plus tard, Arnim Heinen la situe verslautomne de 193244, lorsque le nombre de ses membres gonfla avec la crise conomique. Elle

ne fut dailleurs jamais parfaite car, plus que les dictateurs occidentaux, Codreanu payait leprix de la massification sous forme de perte de contrle de certaines initiatives locales, ycompris dactions graves comme les attentats, et de la flamme du radicalisme, dsormaistempre par la transaction quexigeait le nombre. Mais lordre de dcembre 1932 demandantaux membres de sorganiser en nids45 permettait de diviser le nombre de contacts par dix,nettement plus faciles contrler, utiliser comme relais et instrumenter comme animateursdune dynamique de groupe que lensemble des membres isols.

Pour inspirer ladhsion de la population, Codreanu a poursuivi les marches et leschevauches de propagande. Il lie explicitement llan lectoral et la marche vers lesmasses populaires 46qui ouvre, au sens figur mais aussi au sens propre, le chapitre de lanidification lgionnaire dans le milieu rural. Par exemple, prenant prtexte de l'interdiction desa runion de Bereti, village de Moldavie, il profita pour organiser une chevauche traversles villages du Prut au moment o le bruit se rpandait d'une incursion sovitique enBessarabie47. Le bref discours anti-intellectualiste correspondait la fois aux attentes dupublic et aux prjugs du mouvement :

"Dans ce nouveau monde-l, la place de chacun ne sera plus fixe d'aprs soninstruction, d'aprs son intelligence, d'aprs sa science, mais tout d'abord d'aprs sa foi et soncaractre."48

videmment, ces propos entranaient surtout les plus jeunes, moins forms et fortunsque leurs ans, mme si Codreanu estime trois mille le nombre des personnes rassembles

Bereti pour accueillir la cinquantaine de cavaliers dfilant dans le bourg

49

.41Ibid., p.316.42Ibid., p.317.43Pmntul strmoesc du 15 aot 1927, loc. cit. ; voir aussi Heinen, op. cit., p. 135. Plus tard, Codreanu donnale chiffre minimal de cinq personnes (La Garde de Fer, op.cit., p.313).44Ibid., p.217.45Ibid..46 Codreanu, p.331.47 SANDU,Le Systme de scurit, op. cit., pp.341-350, etLa Grande Roumanie, op. cit., p.212-213.48 CODREANU, La Garde de Fer, op. cit., p.341. Voir aussi la description mue de lhistorien amricaindorigine juive transylvaine Nicholas Nagy-Talavera dune telle runion en 1937, mais dont Armin Heinenrelve juste titre le caractre atemporel (op. cit., p.183) dans Green Shirts and others, A History of Fascism

in Hungary and Romania, Stanford, Hoover Institution Press, 1970, la page 247. Voir une critique de cettefascination dans Sandu, La question fasciste en Europe centre-orientale, op. cit. .49Ibid., p.342.


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Le symbole de la chemise verte reprsentant la tendance agrarienne ne pouvaitfonctionner que pour un public urbain, sensible ce genre de mise en scne. D'Ormessonl'avait bien compris50, lorsqu'il caractrisa les moyens simplistes employs par les lgionnairespour s'attirer les grces des paysans :

"Le chef, Zelea Codreanu, n'abandonne jamais, pour sa part, le costume du paysan

roumain, qu'il porte mme au Parlement. S'adressant une population presque exclusivementcompose de paysans simples et nafs, les dirigeants de la Lgion ont su trouver les moyensde frapper l'imagination. Ils se prtendent les envoys de l'Archange Saint-Michel pourextirper le dmon de l'me roumaine; afin de correspondre le plus possible l'image que lepeuple se fait des anges, ils circulent travers les villages monts sur des chevaux blancs,souvent ils ne parlent mme pas la foule et se bornent traverser muets et extatiques lesagglomrations aprs avoir fait prvenir de leur venue et avoir gagn leur cause les prtresqui les prsentent comme les missionnaires du ciel."

"D'autres fois, descendus du train une gare voisine, ils arrivent couverts de poussiredans un village, assurant qu'ils sont venus pied de Bucarest pour semer la bonne parole.Puis, aprs avoir vilipend les Juifs, le gouvernement, le fisc et les voleurs de Bucarest, ils

demandent aux paysans ce qu'ils veulent et inscrivent chacun d'eux, qui pour une vache, quipour deux chevaux, qui pour un buf, pour le jour o la "Garde de fer" sera au pouvoir."

"Mysticisme, dmagogie, antismitisme, telles sont les trois cordes que faitprincipalement vibrer avec un succs incontestable dans les campagnes roumaines lapropagande des lgionnaires."51

Toutefois, pour que cette population rurale souvent inculte politiquement accepte desengager durablement dans une structure politique plus forte raison si elle tait anti-gouvernementale il fallait quelle ft entrane par les petites lites locales villageoises. Eneffet, les prtres et les instituteurs taient les meilleurs vecteurs du lgionnarisme au villageen raison des frustrations sociales et idologiques qui leur taient propres au vu de lvolutionde la civilisation urbaine et de leur statut dprim.

Dautres moyens de recrutement furent la propagande individuelle. Elle taitobligatoire pour les membres de la Lgion, chacun devant en thorie gagner la Lgion unmembre de sa catgorie sociale52pour viter sans doute une mixit dommageable luniondes classes, donc la srnit des nids. Mais on imagine mal une exclusion systmatique deslgionnaires les moins actifs, le but vis tant de dynamiser la structure. Par la suite, cela pritla forme dun classement des nids selon le recrutement et les versements.

B/ La Garde de Fer, faade politique moderniste et redondance des structures

La cration de la Garde de Fer le 13 avri l 1930 rpond au besoin de se doter duneorganisation plus prsentable que la Lgion aux yeux des autorits. Codreanu lui-mmeavoue vouloir crer une nouvelle organisation nationale, destine combattre lecommunisme juif, dans laquelle entrerait la Lgion de lArchange Michel et divers autresgroupements de jeunes, sans distinction de parti. 53 Sans doute songeait-il limage de laLgion, ancre la fois dans un traditionalisme religieux et folkloriqueavec larchange et lecostume populaire et dans la violence des (tentatives d)attentats des annes 1923-1924.Avec la Garde, il avait pour ambition une fdration des mouvements nationalistes radicaux

50 D. n413 du 4 dcembre 1933, Z Roumanie 171, f.87-89 : "Ils ont adopt le vert. Mais ici, sauf dans certainscercles des villes, ce n'est pas cette fantaisie vestimentaire qui peut leur gagner des adhrents."51

Ibid..52 Heinen, op. cit., p.198.53 Codreanu, op. cit., p.353.


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plus synchrone avec les dnominations du type paramilitaire des casques dacier etautres phalanges, qui florissaient en Europe et limage uniformes monochromes couleurcamouflage et symbole idologique la fois. Mais il sagissait sans doute aussi de doter lechef dune organisation par en haut , la hirarchie stricte et aboutissant sa personne.Cette tentative de centralisation des adhsions spontanes, notamment en milieu rural

dispers, il lavait dj esquisse dans la priode prcdente en inaugurant la pratique descirculaires rgulires le 4 novembre 1928, lors de la crise de rgime marquant la chute desNationaux-libraux au profit des Nationaux-paysans54. Peut-tre voulait-il aussi recruter unpersonnel nouveau, qui ne connt que lui, alors que certaines recrues lgionnaires taient

passes par lexprience cuziste avec un Codreanu subordonn. La volont de prise en mainest vidente avec une circulaire venant clore lanne 1929 et qui prvoit la cration par en haut de nids55. Codreanu introduit aussi une distinction socio-culturelle, en distinguant lecostume national rserv aux zones les plus arrires les montagnes de luniformemilitaire plutt destin aux villes56. De mme, la phrasologie naturaliste et autochtoniste du nid associe la dynamique de bas en haut se combine au vocabulaire latin et occidentaldes armes modernes lgions, des bataillons et des compagnies. Une directive gnrale

dorganisation date de 1930, sans plus de prcisions, ordonne galement la cration denids, cette fois lchelle nationale, et stipule la demande dapprobation du centre, ainsi quela priode et les preuves probatoires avant ladoubement ; tous les traits caractristiques dunid tel quil fut thoris par la suite dans le brviaire de 1933 sy trouvent rsums, y comprisla distinction entre nids A de combattants actifs les vautours blancset nids B de partisanssecrets et influents57, qui correspond en fait aux cercles concentriques dfinis durant les

phases prcdentes de dveloppement ou lAssociation (future) des Amis de la Lgion.Heinen, sappuyant sur la presse et les mmoires lgionnaires, y voit aussi juste titre

lorganisation paramilitaire des nids des 18-30 ans sous linfluence des modles italien etallemand58. Toutefois, lorsquil conclut lassimilation totale entre les deux organisation Lgion et Garde au-del dun certain temps, les crits des lgionnaires la contestent. Ilsconservent, en bonne partie par souci dauto-justification de puret idologique, la diffrenceentre mouvement/ cole des masses qutait la Lgion et parti gardiste, phalange active etmobilisable pour la lutte politique. Dailleurs, peut-tre pour pcher en eau trouble et diviserpour rgner, Codreanu avait tabli une double hirarchie avec des passerelles entre les deuxorganisations, en donnant la prminence la Lgion. Mais certains documents de la Sretgnrale nhsitent pas non plus faire lamalgame entre Lgion et Garde59, mme si dautres

54

Circulaire n1, dans Corneliu Zelea Codreanu, Circulari si manifeste 1927-1938 (Circulaires et manifestes1927-1938) 5e d., Munich, coll. Europa, 1981, 294 p., 5e d., Munich, coll. Europa, 1981, p.1-2.55 Codreanu, en contradiction avec la dynamique de bas en haut, dcide lorganisation de six judee en

particulier, avec lexigence que dans ce jude se creront le plus rapidement possible des nids dans toutes lescommunes. Tous les nids rassembls formeront un bataillon de lgionnaires. Le bataillon, qui doit avoir uneffectif de 1000 hommes, dfilera dans les rues en colonne de marche par compagnies. (annexe la note de laDirection gnrale de la Police du 10 janvier 1930, dans Ideologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II,p.197.56Ibid: Tenuele costume national dans les zones montagneuses. Ailleurs, la tenue de campagne, vert kaki,militaire. Voir une analyse de ce type chez Heinen, op. cit., p.185.57Ideologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II, p.282-286.58 Heinen, op. cit., p.186-187.59 Rapport de la Direction gnrale de la Police et de la Sret davril 1932 sur la Garde de Fer, dansIdeologie si

formaiuni de dreapta, op. cit., vol.III, 368 p, ici p.92-97 : La Lgion de lArchange Michel, du point devue de lorganisation, se compose de bataillons et de sections, dont la section dexcution porte le nom deGarde de Fer (p.94).


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distinguent, mais sans grande conviction, la Garde comme organisation politique dextrmedroite de la Lgion, organisation de propagande nationaliste 60.

C/ Une premire rationalisation du commandement

Il intervint en dcembre 1930, comme annexe au programme lectoral61. Outre le

sommet dirigeant compos du commandant Codreanu, du Snat et du Conseil suprme,dinspectorats rgionaux, de directions dpartementales et communales. Lvolution avait tassez rapide depuis lpoque o Codreanu se fondait sur le nid pour gnrer des litesinexistantes et incapables dencadrer le mouvement avec une hirarchie homogne chellenationale. De mme, les trois niveaux comportaient trois fonctions politique, financire etde police, Heinen assimilant cette dernire la Garde de Fer.

Enfin, la Lgion s'tait arrog sur ses membres des droits de police et de justice quiavaient fini par gnrer de vritables institutions internes.

IVLe parti complexe de la maturit (1933-1938)

Durant la priode de maturation, qui correspond lintrt suscit auprs des hautessphres de ltat, les mthodes changrent peu, mais prirent de lampleur, touchrent lecentre bucarestois et les lites politiques, intellectuelles et artistiques. Le groupe de jeunesintellectuels de la revueAxaVictor Vojen, Mihail Polihroniade ou Vasile Marinrejoigniten bloc la Lgion en 1932. La pratique des camps de travail se transporta la priphrie deBucarest, o les lgionnaires commencrent construire un asile pour leurs blesss en aot1933 : ils y reurent de nombreuses personnalitscomme le gnral Averescu, Nae Ionescuou le reprsentant des CAUR Eugenio Coselschi , le journal Calendarul du thologienfondamentaliste Nichifor Crainic lui ayant consacr de nombreux reportages. Avant, lesmarches seffectuaient pied ou cheval ; dsormais, les faveurs de quelques grandsindustriels proches du roi et dautres personnalits hostiles la dmocratie parlementaire ouaux courants de gauche leur permirent demprunter les transports en commun ou mme de

possder des vhicules quils empruntaient jusquaux abords des localits, avant de revtirluniforme pour procder aux habituelles marches en chantant62.

Lanne 1933 semble donc correspondre un saut quantitatif qui finit, commesouvent, par acqurir une dimension qualitative dans le radicalisme organisationnel. Les notesde la Police voqurent avec davantage dinquitude un nouveau programme dorganisationde la Garde de Fer [et ] une discipline aveugle et une mcanisation complte des cadres ;

par ailleurs, malgr lindpendance affiche et relle de la Lgion lgard de ltranger,Codreanu aurait aussi profit de laccession de Hitler au pouvoir pour intimider la classe

politique et se donner de nouveaux arguments de propagande triomphaliste dans lopinion63.

Dans sa lutte contre le pouvoir royal et lextrme droite traditionnelle, il appela en cas dedissolution du mouvement avant les lections de dcembre 1933 voter avec les dmocratesde droite du Parti National Paysanleur chef Iuliu Maniu tant hostile Carol IIet surtoutcontre Cuza.

Une rupture dans cette conqute des lites au sein des mmes structures adaptablesintervint avec linterdiction, cette fois accompagne dune dure rpression, par legouvernement Duca. Lassassinat du Premier ministre en dcembre 1933 entrana une crise

60 Rapport de la Direction gnrale de la Police et de la Sret de dcembre 1933 sur la Garde de Fer ,Ideologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.III, p.262.61Ibid., p.198-199.62

Heinen, op. cit., p.239.63 Note de la Direction de la Police de Sret du 22 octobre 1933, dansIdeologie si formaiuni de dreapta, op.cit., vol.III, p.220-222.


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lie au procs et au maintien hors-la-loi des anciennes organisations. Mais dire vrai, Lgionet Garde avaient lhabitude de fonctionner dans la clandestinit et leur organisation rsista auchoc. Celui-ci ne fut dailleurs pas trop rude, en raison notamment de la relative complaisance leur gard du roi Carol II, satisfait de se voir dbarrass dun ancien ennemi politique etdun homme capable de rsister la mise en place dun rgime monarchique autoritaire. Les

camps de travail et diverses organisations culturelles et sportives, ainsi que lUnion nationaledes tudiants chrtiens de Roumanie (UNSCR en roumain) servirent de couverture.

A/ La fondation du Parti Tout pour le pays

Ds que linterdiction dentrer dans un nouveau parti fut leve au bout dun an aprs ladissolution de dcembre 1933, Codreanu chargea le gnral Gheorghe (dit Zizi) Cantacuzino-Grnicerul de fonder un nouveau parti, Tout pour le pays (TP en roumain). Appartenant une des grandes familles aristocratiques roumaines, le gnral tait un homme querelleur,dispos aux solutions politiques violentes, mais dont la protection parvint soustrairelongtemps les chefs lgionnaires aux poursuites. Ici, la distinction au moins fonctionnelleentre parti et mouvement sert, puisque Cantacuzino se chargea de TP et Codreanu resta le

chef incontest de la Lgion, mme officiellement dissoute, et laquelle le parti servait decouverture lgale64. Se confirme alors la prminence de la hirarchie du Mouvementlgionnaire sur la Garde de Fer65.

Le parti fut donc cr le 10 dcembre 1934 jour anniversaire des arrestations delanne prcdente et proclam jour des souffrances lgionnaires 66et inscrit sur la listelectorale le 20 mars suivant. Il reprenait donc lorganisation de la feu -Lgion : pour rtablirle lien hirarchique entre nids, dpartements et direction centrale, lchelon des 13 rgions futrtabli le 5 juin67. Les statistiques reprises par Arnim Heinen dans les sources publiesdonnent 3495 nids en dcembre 1933, 4200 en mai 1935, 12000 en janvier 1937 et 34000 endcembre 1937. Les effectifs semblent avoir explos, mme si certaines statistiques trouvesdans les archives par les auteurs des recueils de documents sur les droites roumaines nedonnent que 1724 nids en 193468. Les chiffres que jai trouves dans les Archives nationalesincitent galement revoir la baisse les effectifs militants du PT, mme pour une priodede pleine expansion69. Ainsi, un document du 26 fvrier 1937 intitul les organisationspolitiques et consistant en une liste par dpartements tablie par lInspectorat gnral de laGendarmerie et dnombrant les militants des partis spcialement surveills TP, PartiNational-Chrtien de Cuza, communistes et socialistes avec le dtail du profil social intellectuels, prtres, instituteurs et ouvriers70. Le parti TP comptait 2440 intellectuels, 195prtres, 343 instituteurs et 13521 travailleurs, soit un total de 16499, ce qui semble, pourdiverses raisons, outrageusement sous-estim. Outre les hypothses que jmets notammentlabsence de la capitale dans cette statistique, ou ventuellement la prise en compte des seuls

membres ruraux , on peut ajouter lventuelle distinction entre militants du parti officiel etmembres de la Lgion thoriquement illgale, beaucoup plus nombreux.

64 Voir ce titre la note trs explicite de la Direction gnrale de la Police du 17 septembre 1935, dans Ideologiesi formaiuni de dreapta, op. cit., vol.IV, p.128-129.65Ibid..66 Circulaire de Codreanu du 1er dcembre 1934, dans Codreanu, Circulri i manifeste, op. cit., p. 23-24.67 Voir Horia Sima, cit dans Ideologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.IV, p.91-92 : aveclorganisation des rgions, lorganisation de base du Mouvement a reu son caractre dfinitif. 68 Note de la Direction gnrale de la Police de dcembre 1934 sur la situation organisationnelle de la Garde deFer la fin de lanne 1934, en chiffres et par judee. dans Ideologie si formaiuni de dreapta, op. cit.,

vol.IV, p.75-76.69 Sandu, Le conflit entre fascisme et monarchisme en Roumanie, op. cit. , p.97 et suivantes.70 Dossier 41/1937 des Archives Nationales historiques centrales (A.N.I.C. en roumain).


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Mais la publicit reprsente par lacquittement des chefs lgionnaires portait enfin sesfruits l o le procs stait droul et o la population tait capable de mobilisationidologique, cest--dire Bucarest. Les vieilles structures du nid explosrent devant laffluxdes nouveaux candidats, tous entasss dans le nid des divers (rzlei). Les jeunesintellectuels notamment y trouvaient un cadre moins formel et contraignant que le nid

classique, troit et touffant, et firent des rzlei une unit dlite et de dbat idologique. Pourgarder au mouvement sa puret idologique et son radicalisme virulent, Codreanu tendit sonancienne recette consistant entourer le cur de la Lgion de toute une paisseur horizontalede sympathisants, novices, membres, puis lgionnaires, ainsi que dune hirarchie toffe quiallait de linstructeur lgionnaire au commandant de lAnnonciation en passant par aide -commandant. Plus srieuse, sa dcision en 1937 de crer un corps dlite paramilitaire de dixmille hommes, le corps Moa-Marin, confi Alexandrin Cantacuzino, ne vit jamais le jour.Les fonctions paramilitaires furent remplies par divers corps, la Garde de la Mort 71 ou lesquipes dhonneur, petits groupes institutionnaliss au Congrs tudiant de Trgu Mure,vraisemblablement pas toujours contrls par la direction du mouvement, mais dontlorientation correspondait nanmoins la ligne de rupture du lien avec le roi Carol et son

entourage en vue damorcer lpreuve de force moyen terme72. Enfin, lassociation desAmis de la Lgion permettait dinscrire secrtement de gnreux donateurs socialementimportants et qui souhaitaient ne rvler leur identit quune fois la Lgion arrive aupouvoir73. La dynamique du mouvement et en mme temps sa soumission au Capitaine Codreanu fut assure par une puration massive le premier janvier 1937 : Codreanu remplaatous les cadres, qui passrent dans le corps des inspecteurs74. Sans doute avait-il profit delabsence de certains dirigeants parmi les plus importants, engags en Espagne.

B/ Les mthodes de recrutement

Elles aussi restrent identiques dans leur nature et leur esprit, mais changrentdchelle et de recrutement. Avec le succs enregistr auprs des lites bucarestoises etprovinciales, le slogan de lunification inter-classes et inter-gnrationnel dans le creusetlgionnaire prenait corps. Une srie de circulaires de Codreanu durant lanne 1935

prcisrent lorganisation et rglementrent lactivit. Ctait notamment le cas des camps detravail75, dont le nombre passa de 4 en 1934 50 en 1936 sans compter les 500 chantiersplus modesteset dont certains prirent une allure de permanence comme le camp de CarmenSylva sur les bords de la Mer Noire. Les camps combinaient travaux dutili t publique etendoctrinement lgionnaire le soir, afin de crer effectivement lunit nationale et lhommenouveau par leffort physique et la formation idologique. Toujours dans une logiquedadaptation maximale au public vis, ces constructions prenaient des formes varies. Ainsi,les troie, ces modestes monuments religieux en bois symbolisant aux carrefours la Trinit par

trois montants en croix et dont lrection tait un des objets favoris des chantiers lgionnaires,pouvaient se transformer dans la ville touristique dAzuga, frquente par la jeunesse dore deBucarest, en une construction monumentale stylise en ciment, aux formes mussoliniennesrectilignes et garde par deux sentinelles en armes. Mais aprs le Congrs estudiantin deTrgu-Mure davril 1936, le gouvernement interdit ces camps lautomne.

71Rapport de la Direction gnrale de la Police et de la Sret davril 1932 sur la Garde de Fer, dans Ideologie siformaiuni de dreapta, op. cit., vol.III, p.92-97.72 Sandu, Le conflit entre fascisme et monarchisme en Roumanie, op. cit. , p. 100-101.73 Voir la de la Direction gnrale de la Police de novembre 1936 sur lAssociation les Amis de la Lgion ,dansIdeologie si formaiuni de dreapta, op. cit., vol.IV, p.230-231.74 Circulaire de Codreanu du 23 dcembre 1936, ordre pour le 1 erjanvier loccasion du changement des

cadres du parti , dans Codreanu, Circulri i manifeste, op. cit., p.113-116.75Voir la circulaire de Codreanu du 31 mai 1935 sur lactivit des tudiants et sur les camps de travail, dansCodreanu, Circulri i manifeste, op. cit., p.39-42.


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La Lgion a donc d trouver dautres moyens de propagande. Elle les a trouvs enouvrant un commerce lgionnaire de dtail prsent bruyamment comme le dbut de lareconqute sur le ngoce juif76, une cantine prix fixe et nourriture thoriquement saine,ainsi que des entreprises artisanales. Leur faible rentabilit provenait du travail volontaire deslgionnaires.

Tout ce travail de mise en place dune socit civile parallle et en mme temps dunelite lgionnaire intgre culmina avec la circulaire du 17 octobre 1935 sur la famillelgionnaire , qui prvoyait des avantages en nature sous forme de prestations gratuites de lapart des coopratives et services lgionnaires, qui devaient facturer ces mmes produits etservices aux simples lgionnaires du rang77. La massification du parti servait ainsi crer unesorte de nomenklatura restreinte et qui tait entretenue en raison du travail plein temps etdes services apports la cause. Plus encore, les lgionnaires dtenant des fonctions

publiques ou au sein dentreprises prives, taient soumis au contrle lgionnaire rglement par une circulaire du mme nom du 11 novembre 193578: il sagissait en ralit delambition du mouvement fasciste totalitaire contrler le fonctionnement de ltat. Une notede synthse trs perspicace pour lanne 1935 rsume ces aspirations la toute-puissance du

mouvement grce lorganisation et la mobilisation efficace des masses79.Mais le principal moyen de propagande ont t les congrs dtudiants et les

enterrements de personnalits lgionnaires. Lenterrement des deux cadres morts dans laguerre dEspagne, Ion Moa et Vasile Marin, a suscit une grande motion avec desprolongements diplomatiques, lensemble tant savamment orchestr par Codreanu. Alorsquils navaient rencontr quindiffrence leur dpart, leurs dpouilles reurent leshonneurs militaires en Allemagne80 et lors de la crmonie bucarestoise, les ministresallemand, italien et franquiste y assistrent, ce qui cra un incident diplomatique pour causedingrence dans les affaires intrieures. Le danger politique tait rel pour Carol II : lapopularit incontestable de la Lgion dont les martyrs avaient t transports par trainspcial dans toutes les rgions du pays selon un itinraire prtabli et avaient reu deshonneurs religieux et officiels de haut niveau pouvait porter ombrage au roi si lemouvement ne se soumettait pas. Mais ce fut l la dernire fleur que fit Carol uneformation qui avait atteint sa maturit et qui lui chappait dsormais.

La presse lgionnaire et dextrme droite tmoigne galement dun grand dynamisme.Outre de trs nombreux priodiques provinciaux, Porunca Vremii (lexigence de lpoque)devint quotidien partir de mai 1935, avant de laisser la place Bun Vestire (Annonciation)en fvrier 1937, qui devint partir de lt exclusivement lgionnaire.

LUnion nationale des tudiants chrtiens de Roumanie (UNSCR) avait tprogressivement conquise par la Lgion pour des raisons sociales connues et inutiles derappeler ici comme la dfinition de lintelligentsia en Europe orientale, le risque particulier

de chmage intellectuel et le statut dune des rares concentrations de population politisedans un pays rural et agraire. Depuis les troubles de 1922, les Congrs tudiants taientparticulirement surveills par les organes de scurit et faisaient lobjet de longs dbats auParlement81. Le prestige des tudiants stait naturellement tendu lenseignement

76 Circulaire de Codreanu du 29 septembre 1935 sur le commerce lgionnaire, dans Codreanu, Circulri imanifeste, op. cit., p.129-130.77 Codreanu, Circulri i manifeste, op. cit., p.41-46.78Ibid., p.49-50.79 Garda de Fier (Totul pentru ar) ,Ideologie i formaiuni de dreapta, op. cit., vol.IV, p. 146-153.80 Ion Dumitrescu-Bora, op. cit., p.203-204.81 Voir par exemple les documents 38 68, p.90 143 de Ideologie i formaiuni de dreapta, op. cit., vol.II,

presque tous consacrs aux troubles antismites du Congrs de Oradea de dcembre 1927. La documentationdevint encore plus abondante dans les annes trente, mesure que la Garde de Fer devenait l oprateur exclusif des Congrs.


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secondaire qui devint galement, aprs lassassinat de Duca, un vivier pour les fraternits decroix : lt 1936, il existait plus de 200 organisations dans 67 dpartements (sur 71).

Le monde ouvrier pouvait reprsenter un autre ple de concentration et de politisationque le communisme, interdit, abandonnait la propagande lgionnaire. Codreanu ne sytrompa pas lorsquil amora le tournant ouvririste de la Garde de Fer lautomne 1936 par la

cration du Corps ouvrier lgionnaire82

. Lidologie archasante et agrarienne masquait leprojet social citadin et parfois moderniste. Codreanu estimait juste titre que la massificationd'un mouvement comme le sien en vue de la prise du pouvoir ne ncessitait pas le soutien dela paysannerie mais l'enrlement des ouvriers :

"Quand je serai matre du monde ouvrier, alors grce ces deux forces -le monde tudiant, d'un ct, lemonde ouvrier, de l'autre- j'obligerai, quel que soit le dirigeant du pays, de nous laisser la direction nous,lgionnaires. Des paysans nous n'avons presque pas besoin, car ils peuvent tre mens comme on veut, mais ilest bon qu'ils connaissent, eux aussi, l'existence des lgionnaires, qui ont l'intention de faire une RoumanieNouvelle."83

Codreanu envisageait de crer au sein des grandes entreprises des nids largis quipuissent combattre linfluence des syndicats. Pour offrir des avantages matriels unepopulation socialement dprime, il employa la recette allemande des soupes populaires,

ouvrant des cantines ouvrires et des magasins bas prix dans les quartiers dfavoriss. ABucarest, la Lgion russit pntrer dans la Socit des Tramways de Bucarest (STB) et

parmi les ouvriers des ateliers ferroviaires de Grivia, ainsi que chez certains grandsindustriels complaisants de la camarilla royale comme le mtallurgiste Nicolae Malaxa.Codreanu envisageait en novembre 1937 de crer un Corps ecclsiastique lgionnaire et enfvrier 1938 il fonda un Corps lgionnaire des forces militaires pour les militaires laretraite.

Enfin, la veille des lections de dcembre 1937, Codreanu se livra une tactique dudtournement des militants des autres partis par le biais dune campagne de recrutement ouverte pendant un mois par Codreanu auprs des adhrents du Parti National-Chrtien et duParti National-Libral de gouvernement par la circulaire n117 du 30 novembre 1937 (pourles priver de leurs troupes)84. Les autres partis ntaient pas sollicits, car la possibilit detransfert ne leur avait pas t interdite, comme ctait le cas pour ces deux partis de droite etdextrme droite, dont Codreanu voulait dmarquer la Lgion pour mieux la dfinir.

Finalement, le dfi de lorganisation des masses rurales disperses et politiquementincultes dans un parti na pas t relev avec succs par la Garde de Fer. La structurationprenne des simples motions qui avaient abouti la rvolte agraire de 1907 pouvait

pourtant se concevoir aprs leffort dembrigadement de la guerre. Mais on revient alors lacombinaison de la lgitimit et de la conjoncture conomique, la gravit de la seconde ne

pouvant pas compenser la faiblesse de la premire. Il est vrai toutefois que lbranlement des

structures traditionnelles lors de la guerre et de la crise jouait en faveur des nouveaux partisde masse, et la Garde de Fer tenta de cumuler lavantage rcent accord aux masses grce ausuffrage universel et lidologie traditionaliste, voire archasante, du sang et du sol, delhistoire mythifie des hros roumains. Hritier des deux courants, dmocratique ettraditionaliste, Codreanu aspirait la subversion rciproque des deux au bnfice de lanouvelle lite gnrationnelle et populaire des petites classes urbaines dont il tait issu, maisau nom des incontournables valeurs qutaient encore la monarchie autoritaire et sesadjuvants plus ou moins soumis, lglise, ladministration et larme. Ces dernires finirent

par lemporter sur le double front de la dmocratie librale et du populisme fasciste, mmelorsque ces deux fronts se rejoignirent contre elle lors de lphmre pacte de novembre

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Circulaire de Codreanu du 25 octobre 1936, dans Codreanu, Circulri i manifeste, op. cit., p.95-96.83 ZAMFIRESCU, op. cit., p.231.84 Codreanu, Circulri i manifeste, op. cit., p.224-225.


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1937.

Documents

Traian Sandu-La Garde de Fer méthodes de mobilisation et d’encadrement