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J Chir 2004,141, N°5 • © Masson, Paris, 2004 325 Revue de Presse La laparoscopie créé-t-elle moins d’adhérences intra-péritonéales ? C.N. Gutt, T. Oniu, P. Schemmer, A. Mehrabi, M.W. Büchler Fewer adhesions induced by laparoscopic surgery? Surg Endosc 2004;18:898-906. Le but de cette revue de la littérature a été d’évaluer notre niveau actuel de connaissance de l’influence de la laparoscopie comparée à la laparotomie sur les adhérences péritonéales post-opératoires. Onze études ont été réalisées chez l’animal (3 chez le rat, 4 chez le lapin, 1 chez le chien et 3 chez le porc), et 4 études chez l’homme. Sur les 14 études ayant évalué les adhérences sur le site opératoi- re, 5 sur 11 études réalisées chez l’animal n’ont pas montré de différence entre laparoscopie et laparotomie. Six sur 11 études chez l’animal, et 3 sur 4 études réalisées chez l’homme, ont mon- tré un moins grand nombre d’adhérences au niveau du site opé- ratoire après laparoscopie comparé à la laparotomie. Ainsi, une étude randomisée a comparé les adhérences apparues après trai- tement de 105 GEU par laparoscopie ou par laparotomie [1] et une étude a comparé les résultats de 190 adhésiolyses réalisées pour infertilité par microchirurgie ou par laparoscopie [2]. Il y avait moins d’adhérence en cas de traitement laparoscopique. Une étude comparative a aussi été réalisée pour comparer les ad- hérences après 18 cholécystectomies laparoscopique et 8 par sous-costale. Il y avait moins d’adhérence (44 %) lors des réinter- ventions après laparoscopie qu’après laparotomie (100 %) [3]. Sur les 9 études ayant évalué les adhérences sur les incisions, 7 ont été expérimentales et 2 cliniques. Cinq études expérimentales sur 7 ont montré moins d’adhérence sur les incisions après lapa- roscopie. Une étude chez l’homme a comparé les adhérences sur le(s) incision(s) lors de réinterventions après 125 laparoscopies, 131 incisons sus-pubiennes et 89 incisions médianes [4]. Il y avait des adhérences sur l‘incision du trocart ombilical chez 1,6 % des malades, sur l’incision sus-pubienne chez 19,8 % des malades et sur l’incision médiane chez 51,7 % des malades. Les adhérences étaient aussi moins denses après laparoscopie qu’après laparoto- mie. De la même façon, des adhérences sur les sites de trocarts après cholécystectomie ont été identifiées chez 27 % des malades après laparoscopie versus 100 % après incision sous costale [3]. L’incidence de la reformation d’adhérences après adhésiolyse a été aussi comparée selon la voie d’abord. Une étude clinique a montré que dans les deux approches, les adhérences se refor- maient dans 97 % des cas, mais leur étendue était réduite de 2/3 après laparoscopie [4]. Les auteurs concluent que, sans démonstration formelle, la la- paroscopie diminue le nombre et la sévérité des adhérences post-opératoires sur le site opératoire et sur les incisions. Commentaires 1) Les auteurs sont peu convaincants car ils s’appuient sur des études chez l’animal dont les résultats ne sont pas forcément extrapolables à l’homme et varient d’une espèce à l’autre. En dehors d’une étude randomisée après second look de GEU opérées qui suggère qu’il y a moins d’adhérences pelviennes après laparoscopie [1]. Les autres études cliniques portent soit sur des effectifs très faibles [3] soit sur les suites d’interventions initiales très variées [4]. 2) Si les adhérences postopératoires sont souvent évaluées par les chirurgiens gynécologues, ce sont leurs conséquences, dou- leurs abdominales chroniques et occlusions liées à des adhéren- ces postopératoires [5] qui représentent l’enjeu essentiel du traitement prophylactique de celles-ci. Il a été montré qu’une occlusion intestinale nécessitant une intervention chirurgicale compliquait environ 0,5 à 2,6 % des laparotomies, mais il a fal- lu suivre respectivement 41 841 malades pendant 10 ans [6] et 18 912 malades pendant 2 ans [7] pour le montrer. 3) S’il semble (presque) démontré que la laparoscopie génè- re moins d’adhérences que la laparotomie au niveau du site opératoire et des incisions, les conséquences en termes de prévalence de douleurs abdominales chroniques et d’occlu- sions sur adhérences postopératoires ne sont pas démontrées. Mots-clés : Péritoine. Prophylaxie. Brides. Llaparoscopie. Laparotomie. 1. Fertil Steril 1991;55:911-915. 2. Ann N Y Acad Sci 2000;900:272-285. 3. Surg Endosc 2001;15:41-43. 4. Fertil Steril 2000;73:631-635. 5. Br J Surg 2003;90:1441-1444. 6. Dis Colon Rectum 1999;42:241-248. 7. Lancet 1999;353:1476-1480. Traitement par laparoscopie des complications postopératoires des laparotomies D. Rosin, O. Zmora, M. Khaikin, B. Bar Zakai, A. Ayalon, M. Shabtai Laparoscopic management of surgical complica- tions after a recent laparotomy. Surg Endosc 2004;18:994-996. Les auteurs rapportent leur expérience de réintervention précoce par laparoscopie de malades opérés initialement par laparotomie présentant une complication postopératoire. Quatorze interven- tions précédentes avaient été réalisées par une incision médiane (n = 6), une incision transversale (n = 6) ou une incision de Mac Burney (n = 2), 3 à 15 jours auparavant. Les malades ont dû être réopérés pour 5 occlusions du grêle, 3 fistules anastomotiques (après colectomie totale, sigmoïdectomie, dérivation interne pour carcinose) et 1 complication de stomie après intervention de Hartmann, 2 collections intra-abdominales (après pancréatecto- mie, ischémie mésentérique), 2 perforations digestives (après ul- cère et anse intestinale) et 1 champ « oublié » après une hépatec- tomie. Tous les malades avaient eu une tomodensitométrie abdominale pré-opératoire et ont eu une open-laparoscopie. Dans 11 cas (78 %), la complication a pu être confirmée et trai- tée avec succès par laparoscopie. Quatre viscérolyses ont per- mis de traiter une occlusion post-opératoire. Une anastomose a été supprimée et une iléostomie confectionnée, 2 anastomo- ses ont été simplement drainées. Une colostomie a été refaite. Le champ de textile a été retiré. Une iléostomie a été réalisée pour une péritonite par perforation d’une anse préalablement incarcérée dans une hernie ombilicale et qui n’avait pas été ré- séquée. Il n’y a pas eu de complication pariétale secondaire. Dans un cas, une conversion a été nécessaire en raison d’adhé- rences multiples et d’absence d’espace de travail. Un abcès ré- tropéritonéal a été ignoré dans un cas et traité secondairement par voie percutanée. Un malade est décédé d’un sepsis sévère quelques heures après le drainage par laparoscopie d’un volu- mineux abcès. Commentaires 1) Cette étude porte sur un petit nombre de malades, mais elle montre que la laparoscopie est une approche qu’il faut envisa- ger dans toutes circonstances, y compris dans les suites opéra- toires compliquées des laparotomies. 2) Elle permet, pour des chirurgiens entraînés, de confirmer et de traiter diverses complications postopératoires en préser- vant la paroi abdominale et en évitant les abcès, éviscérations et éventrations auxquelles exposent les relaparotomies. 3) Sa place dans la prise en charge des complications postopé- ratoires abdominales, entre traitement radiologique percutané et relaparotomie mérite d’être évaluée. Mots-clés : Divers. Traitement. Complication postopératoire. Lapa- roscopie.

Traitement par laparoscopie des complications postopératoires des laparotomies: D. Rosin, O. Zmora, M. Khaikin, B. Bar Zakai, A. Ayalon, M. Shabtai Laparoscopic management of surgical

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J Chir 2004,141, N°5 • © Masson, Paris, 2004

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Revue de Presse

La laparoscopie créé-t-elle moins d’adhérences intra-péritonéales ?C.N. Gutt, T. Oniu, P. Schemmer, A. Mehrabi, M.W. BüchlerFewer adhesions induced by laparoscopic surgery?Surg Endosc 2004;18:898-906.

Le but de cette revue de la littérature a été d’évaluer notre niveauactuel de connaissance de l’influence de la laparoscopie comparéeà la laparotomie sur les adhérences péritonéales post-opératoires.Onze études ont été réalisées chez l’animal (3 chez le rat, 4 chez lelapin, 1 chez le chien et 3 chez le porc), et 4 études chez l’homme.Sur les 14 études ayant évalué les adhérences sur le site opératoi-re, 5 sur 11 études réalisées chez l’animal n’ont pas montré dedifférence entre laparoscopie et laparotomie. Six sur 11 étudeschez l’animal, et 3 sur 4 études réalisées chez l’homme, ont mon-tré un moins grand nombre d’adhérences au niveau du site opé-ratoire après laparoscopie comparé à la laparotomie. Ainsi, uneétude randomisée a comparé les adhérences apparues après trai-tement de 105 GEU par laparoscopie ou par laparotomie [1] etune étude a comparé les résultats de 190 adhésiolyses réaliséespour infertilité par microchirurgie ou par laparoscopie [2]. Il yavait moins d’adhérence en cas de traitement laparoscopique.Une étude comparative a aussi été réalisée pour comparer les ad-hérences après 18 cholécystectomies laparoscopique et 8 parsous-costale. Il y avait moins d’adhérence (44 %) lors des réinter-ventions après laparoscopie qu’après laparotomie (100 %) [3].Sur les 9 études ayant évalué les adhérences sur les incisions, 7ont été expérimentales et 2 cliniques. Cinq études expérimentalessur 7 ont montré moins d’adhérence sur les incisions après lapa-roscopie. Une étude chez l’homme a comparé les adhérences surle(s) incision(s) lors de réinterventions après 125 laparoscopies,131 incisons sus-pubiennes et 89 incisions médianes [4]. Il y avaitdes adhérences sur l‘incision du trocart ombilical chez 1,6 % desmalades, sur l’incision sus-pubienne chez 19,8 % des malades etsur l’incision médiane chez 51,7 % des malades. Les adhérencesétaient aussi moins denses après laparoscopie qu’après laparoto-mie. De la même façon, des adhérences sur les sites de trocartsaprès cholécystectomie ont été identifiées chez 27 % des maladesaprès laparoscopie versus 100 % après incision sous costale [3].L’incidence de la reformation d’adhérences après adhésiolyse a

été aussi comparée selon la voie d’abord. Une étude clinique amontré que dans les deux approches, les adhérences se refor-maient dans 97 % des cas, mais leur étendue était réduite de 2/3après laparoscopie [4].Les auteurs concluent que, sans démonstration formelle, la la-paroscopie diminue le nombre et la sévérité des adhérencespost-opératoires sur le site opératoire et sur les incisions.

Commentaires1) Les auteurs sont peu convaincants car ils s’appuient sur desétudes chez l’animal dont les résultats ne sont pas forcémentextrapolables à l’homme et varient d’une espèce à l’autre. Endehors d’une étude randomisée après second look de GEUopérées qui suggère qu’il y a moins d’adhérences pelviennesaprès laparoscopie [1]. Les autres études cliniques portent soitsur des effectifs très faibles [3] soit sur les suites d’interventionsinitiales très variées [4].2) Si les adhérences postopératoires sont souvent évaluées parles chirurgiens gynécologues, ce sont leurs conséquences, dou-leurs abdominales chroniques et occlusions liées à des adhéren-ces postopératoires [5] qui représentent l’enjeu essentiel dutraitement prophylactique de celles-ci. Il a été montré qu’uneocclusion intestinale nécessitant une intervention chirurgicalecompliquait environ 0,5 à 2,6 % des laparotomies, mais il a fal-lu suivre respectivement 41 841 malades pendant 10 ans [6] et18 912 malades pendant 2 ans [7] pour le montrer.3) S’il semble (presque) démontré que la laparoscopie génè-re moins d’adhérences que la laparotomie au niveau du siteopératoire et des incisions, les conséquences en termes deprévalence de douleurs abdominales chroniques et d’occlu-sions sur adhérences postopératoires ne sont pas démontrées.

Mots-clés : Péritoine. Prophylaxie. Brides. Llaparoscopie. Laparotomie.

1. Fertil Steril 1991;55:911-915.2. Ann N Y Acad Sci 2000;900:272-285.3. Surg Endosc 2001;15:41-43.4. Fertil Steril 2000;73:631-635.5. Br J Surg 2003;90:1441-1444.6. Dis Colon Rectum 1999;42:241-248.7. Lancet 1999;353:1476-1480.

Traitement par laparoscopie des complications postopératoires des laparotomiesD. Rosin, O. Zmora, M. Khaikin, B. Bar Zakai, A. Ayalon,M. ShabtaiLaparoscopic management of surgical complica-tions after a recent laparotomy.Surg Endosc 2004;18:994-996.

Les auteurs rapportent leur expérience de réintervention précocepar laparoscopie de malades opérés initialement par laparotomieprésentant une complication postopératoire. Quatorze interven-tions précédentes avaient été réalisées par une incision médiane(n = 6), une incision transversale (n = 6) ou une incision de MacBurney (n = 2), 3 à 15 jours auparavant. Les malades ont dû êtreréopérés pour 5 occlusions du grêle, 3 fistules anastomotiques(après colectomie totale, sigmoïdectomie, dérivation interne pourcarcinose) et 1 complication de stomie après intervention deHartmann, 2 collections intra-abdominales (après pancréatecto-mie, ischémie mésentérique), 2 perforations digestives (après ul-cère et anse intestinale) et 1 champ « oublié » après une hépatec-tomie. Tous les malades avaient eu une tomodensitométrieabdominale pré-opératoire et ont eu une open-laparoscopie.Dans 11 cas (78 %), la complication a pu être confirmée et trai-tée avec succès par laparoscopie. Quatre viscérolyses ont per-mis de traiter une occlusion post-opératoire. Une anastomose

a été supprimée et une iléostomie confectionnée, 2 anastomo-ses ont été simplement drainées. Une colostomie a été refaite.Le champ de textile a été retiré. Une iléostomie a été réaliséepour une péritonite par perforation d’une anse préalablementincarcérée dans une hernie ombilicale et qui n’avait pas été ré-séquée. Il n’y a pas eu de complication pariétale secondaire.Dans un cas, une conversion a été nécessaire en raison d’adhé-rences multiples et d’absence d’espace de travail. Un abcès ré-tropéritonéal a été ignoré dans un cas et traité secondairementpar voie percutanée. Un malade est décédé d’un sepsis sévèrequelques heures après le drainage par laparoscopie d’un volu-mineux abcès.

Commentaires1) Cette étude porte sur un petit nombre de malades, mais ellemontre que la laparoscopie est une approche qu’il faut envisa-ger dans toutes circonstances, y compris dans les suites opéra-toires compliquées des laparotomies.2) Elle permet, pour des chirurgiens entraînés, de confirmeret de traiter diverses complications postopératoires en préser-vant la paroi abdominale et en évitant les abcès, éviscérationset éventrations auxquelles exposent les relaparotomies.3) Sa place dans la prise en charge des complications postopé-ratoires abdominales, entre traitement radiologique percutanéet relaparotomie mérite d’être évaluée.

Mots-clés : Divers. Traitement. Complication postopératoire. Lapa-roscopie.