Transfiguration

FERNANDO RIELO

Transfiguration Traduit de l'Espagnol

par Bernard Sesé

Préface de Jean-Claude Renard

EDITIONS CARACTERES 7, rue de l'Arbalète

75005 Paris

TRANSFIGURATION

© Editions Caractères 1986

Le proverbe est une méthode dans la culture

Tenerife, 1983

P R E F A C E

Rencontrer Fernando Rielo, c'est se t rouver à la fois en face d'un grand poète espagnol, d'un catho- lique dont la foi et l'expérience mystique sont excep- tionnelles et du fondateur d'une communauté reli-

gieuse moderne et mixte dont le rayonnement ne cesse de s'accroître. C'est ass is ter au travail d'un

homme soucieux de créer et de développer une spiri- tualité chrétienne conforme à notre temps et à notre avenir. C'est reconnaître un prophète qui se donne tout entier à autrui pour nous montrer, avec l 'Eglise à laquelle il adhère, comment essayer de nous t rans- former, dès ici et dès maintenant, pa r la force de l 'Espri t Saint, en cet être nouveau dont parle l 'Evan- gile. Mais c'est aussi découvrir un philosophe, un métaphysicien et un savant principalement préoc- cupé de rénover notre vision du monde et de met t re en œuvre tout ce qui peut aider l 'humanité à mieux vivre et à mieux s'accomplir en prenant mieux con- science de l 'actualité et de la pérennité du Message de Jésus. C'est, en somme, s 'approcher d'une sorte de saint et de sage — ne craignons pas les mots — qui nous propose, à son exemple, de déceler en toute personne et en toute chose, pour y part iciper vrai-

ment, l 'Amour absolu qu'offre à chaque être humain ce Mystère sans fond et néanmoins plus intime en nous que nous-mêmes (1) que le Christ nomme son Père et notre Père e t qu'avec lui nous appelons Dieu.

Il s 'ensuit que la vie et les écrits de Fernando Rielo sont étroitement unis l'une aux autres. Le con- templat if ne se sépare pas, en lui, de l'homme d'ac- tion. Ni le poète. Lequel devine dans le quotidien le plus simple comme il décèle dans la tendresse d'une femme ou d'un enfant, le vol d 'un oiseau, le frémis- sement d'une abeille, d'un arbre ou de l '«eau en fleur»(2), l 'ombre e t la lumière, la joie et les larmes, ou l 'odorante beauté d'une rose, — les secrets inef- fables qui, à chaque instant, marient avec Dieu l 'âme e t l'univers.

Le lyrisme et la symbolique de la poésie de Fer- nando Rielo au tan t que les réflexions de sa Méta- physique Génétique (3) ou de sa Théorie du Qui- chotte (4) sont ainsi, fût-ce parfois jusqu'en leurs énigmes, porteurs de significations foncières ca-

(1) - Comme le dit saint Augustin. (2) - Dans Dieu et Arbre, présentation et t raduction

de Claude Couffon, Ed. Caractères, Paris, 1985. (3) - Dont je laisse aux scientifiques le soin de trai ter . (4) - Teoria del Quijote. Su mistica hispánica, Edi-

ciones Por rúa Turanzas S.A., Madrid, 1982.

pables de toucher immédiatement les lecteurs et d'être en général accessibles à tous. L'auteur veut, en effet, par l'aisance et la clarté de son langage, rendre aussi manifeste que possible son espérance indéfectible en l'avenir humain si du moins celui-ci se bâtit sur la Parole divine (ou le Silence en qui elle s'exprime), lesquels sont par excellence, pour le poète, la parole silencieuse ou le Silence parlant vers qui tend la parole poétique comme tendent les méditations théologiques et les thèses scientifiques dont la geste et la quête de Fernando Rielo se voient également chargées.

De sorte que ses écrits n'arrêtent jamais d'agir en puissances transformatrices et de dire non seule- ment que «la poésie est l'infatigable ennemie du temps», ce qui consiste à «retirer du langage la mort» (Transfiguration), mais qu'elle est comme «les pas inconnus/de l'infini en marche» (Dieu et Arbre) et «recrée ce que la science ne peut pas fai- re»(5) : à savoir permettre aux êtres humains, qui le veulent réellement par leur ouverture à Dieu, d'explorer et de déchiffrer les abîmes et les mystè- res de leur condition et de leur destinée et d'espérer

(5) et (6) - Conférence prononcée par Fernando Rielo, en 1985, à l'Unesco, à Paris, lors de la re- mise du Vème Prix mondial de poésie mystique.

atteindre déjà, ici et maintenant, la véritable paix terrestre en devenant les «anges du Seigneur»(6), avant leur transfiguration dans la Gloire divine. Ce- ci, dès qu'ils apprennent que «l'existence de Dieu/ n'a qu'une seule preuve : /(eux-mêmes)» et que si/ «naître est assez, mourir/n'est pas suffisant»(7).

La «sagesse» spirituelle de Fernando Rielo transparaît aussi avec éclat dans les admirables pro- verbes, aphorismes et maximes dont se compose Transfiguration. Pour lui, en effet, le «proverbe est une méthode dans la culture». C'est un mode privi- légié d'éducation : une pédagogie propre à conduire vers ce nouvel humanisme chrétien qu'il cherche à instaurer et à rendre aussi universel que possible en le fondant — sans oublier que «la mystique con- damne les désordres des religions, même si elle ne les corrige pas», — sur des valeurs essentielles aux hommes et femmes d'aujourd'hui comme de demain. C'est pourquoi il tente de redonner toute leur force originelle à des expériences de vie construites sur des assises toujours durables — pour autant contro- versées qu'elles soient devenues — comme l'amour («cette victoire sur le temps» et la mort), la justice («Le droit n'a pas pour but la justice, / mais la defense de la société», «Dieu ne peut satisfaire ta

(7) - Transfiguration.

justice / car Lui seul est juste. / Mais il fait quelque chose de plus beau. / Se livrer à toi . . . pour tou- jours.»), la liberté («Point de liberté qui ne soit / à la limite / de quelque obligation.», «L'homme utilise plus sa liberté / à détruire des prisons / qu'à entreprendre la vraie conquête / de l'esprit.», «L'obé- issance à Dieu / est sève de la liberté.», «La libre conscience est la première / religion de l'homme, / car, sans elle . . . / Dieu est impossible.»), la vérité («La vérité est plus vaste que son orthodoxie.», «La vérité se trouve une fois passée / la frontière de la science.»), la beauté («Qu'il est beau le passage / fragile d'un nuage . . . », «Si la beauté d'un lac / ce sont ses eaux . . . / où est la tienne ? »), l'espérance («L'espérance est vie / face à la mort.», «Qui espère tout de Dieu / découvre sa gloire.»), l'amitié («L'a- mitié juge les méchants / avec plus de rigueur que la justice.»), le pardon («Qui pardonne avec magna- nimité / tient entre ses mains une multitude / de mondes.»), la tolérance («La tolérance doit son sa- voir / à ce que l'erreur absolue n'existe pas.»), l'esprit d'enfance («L'enfant ignore la prudence / car il est innocent.», «Les enfants sont la symphonie du monde / parce qu'ils crient et sautent comme les oiseaux», «L'homme dont les rêves d'enfant / sont morts, / se dégrade en un paysage / aux couleurs abandonnées.»), etc.

Mais, en remarquable «enseignant», Fernando Rielo sait la nécessité et l'efficacité de l'humour. Raison pour laquelle il n'hésite pas à le pratiquer tout au long des Sentences, Parénèse, Didascalie, Filiales, Traits d'esprit, qui forment la première par- tie de son livre, et des Sapience, Vertus, Doxologie, Lyrésis et Miscellanées qui en constituent la seconde. Cet humour s'applique d'ailleurs aussi bien au monde le plus ordinaire qu'au plus haut espace mystique. Ainsi «La jeunesse construit des châteaux / qu'elle n'habite pas.», «L'homme regarde la vie comme s'il était borgne.», «Une humble pupille contient plus de science / que bien des livres.», «Si tu ne peux pas t'asseoir sur une chaise / comment peux-tu le faire sur un trône ? », «La bactérie qui tue l'homme, / en fait aussi un sage.», «L'oiseau monte au ciel / car le ciel descend dans son nid. / Pour l'homme c'est tout le contraire.», ou, encore, «Qui dit qu'un livre /est son meilleur ami / découvre qu'il n'en a pas.», «La conscience morale est une vierge / aux penchants de prostituée.», «L'homme consacre plus de temps / à sa montre qu'à lui-même.», «Le jour- nalisme est une façon / de se moquer de la vérité. / La politique, de l'assassiner». Sagesse populaire autant que leçon de spiritualité. Mais, plus profondé- ment, connaissance vécue, que «L'ombre est le mys- tère de la lumière», que «La nature a une musique / qui guide l'émigration / des saints et des oiseaux»,

que «La fragilité humaine est si forte / qu'elle triomphe de Dieu», que «Le silence de Dieu est le meilleur des discours», que «Ton union divine sup- pose / l'apocalypse du monde», que «Si Dieu est la joie parfaite, / Il ne peut créer / que des êtres mélan- coliques» par nostalgie, que «L'esprit est quelqu'un / ayant conscience de Quelqu'un / qui ne naît ni ne meurt», et que «Tu es, ô mon Dieu, navigable / pour ceux qui t'aiment . . . / plus qu'un fleuve, plus que la mer».

C'est cette faculté de «purifier sa propre imagi- nation / de toute poussière» et de savoir que «Le mérite de la prudence consiste / plus qu'à définir des vérités», que «Le mensonge est l'homicide des mots» et que «Le mal est un langage sans beauté», qui donne à la parole de Fernando Rielo son étonnante densité en même temps que sa singulière transpa- rence. Oui, chez lui, «le cristal est l'époux de la lu- mière», — l'eau : «prodige de vie et de poésie». Il s'ensuit que son charisme rayonnant comme le feu nous invite à partager sans cesse avec lui la foi et l'amour qui seuls peuvent peu à peu faire de nous des êtres vraiment nouveaux porteurs des premiers fruits de cette plénitude humaine où réside le com- mencement de notre accomplissement divin.

Jean-Claude Renard

I l a é t é t i r é d e c e t o u v r a g e , t r o i s c e n t t r e n t e e t u n i è m e de l a col lec t ion C a r a c t è r e s

d i r i gée p a r B r u n o D u r o c h e r

10 e x e m p l a i r e s s u r B a l k i s

c o n s t i t u a n t l ' éd i t ion or ig ina le .

A c h e v é d ' i m p r i m e r e n o c t o b r e 1986

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