Trèfletome5

MalojaG.

«LeCodedelapropriétéintellectuelleetartistiquen’autorisant,auxtermesdesalinéas2et3del’articleL.122-5,d’unepart,queles«copiesoureproductionsstrictementréservéesàl’usageprivéducopisteetnondestinéesàuneutilisationcollective»et,d’autrepart,quelesanalysesetlescourtescitationsdansunbutd’exempleetd’illustration,«toutereprésentationoureproductionintégrale,oupartielle, faitesans leconsentementde l’auteuroudesesayantsdroitouayantscause,est illicite»(alinéa1erdel’articleL.122-4).«Cettereprésentationoureproduction,parquelqueprocédéquecesoit,constitueraitdoncunecontrefaçonsanctionnéeparlesarticles425etsuivantsduCodepénal.»

©2016LesEditionsSharonKena

www.leseditionssharonkena.com

ISBN:978-2-8191-0004-1

Delamêmeauteure:

•Zil,luietmamémoire,tome1

(Sortiele6août2012,trilogiefantastique)

•Ziletlesquatreéléments,tome2

(Sortiele18juin2013,trilogiefantastique)

•Lesgnomesetleursaventuresjusqu’àPapaNoël

(Sortieennovembre2012,contepourenfantsn°1)

•AmoursSurnaturelles

(Sortiele14février2013,recueildenouvellesFantastiquesco-écritavecl’auteureElodie

Morgen)

•LesGnomesenAfrique

(Sortiele13février2014,contepourenfantsn°2)

•Zoutagadou

(Sortiele13janvier2015,contepourenfantsautourdel’instructionenfamille)

•Zil,Combatdesang,tome3

(Sortiele19juin2015,trilogiefantastique)

•Trèfletome1(Sortiele16octobre2015,romanfantastique)

•Imagine-toienhéros(sortiele19octobre2015,contepourenfants)

•Trèfletome2(Sortiele11décembre2015,romanfantastique)

•Trèfletome3(Sortiele15janvier2016,romanfantastique)

•Trèfletome4(Sortiele12février2016,romanfantastique)

•Avenirprojet«Ailesbattues»,romanfantastique,«Il,Elle,l’UtopieTatouée»,nouvelleromantiqueet«LaPoupéeduroi»,romanfantastique,courant2016,2017,2018

Êtresoi,sansmasque,s’assumer,

Aimersesforcesetsesfaiblesses,

S’apprivoiseretnepluscraindrequionest,

Sauvage,authentique,capricieuseoutimide,

Parcequ’onesttousunique!

Àmasmala

Chapitre1

Quelqu’unpeut-ilaider,s’ilvousplait,undocteur,uneinfirmière,n’importequi?

Elija poussedes cris, je sensqu’il se retientmêmedenepashurler au loup.La tensiongrimpeautourdenousetmespenséessontpourtantsinettes,quetuesbeau,hybride,j’aitellementdechancedet’avoiretjecrainstellementdeteperdredanscetinstant.Tum’asdonnélavuesurl’amour,surlavie, sur l’envieet l’attachement.J’aiencore tantdechosesàdécouvriravec toietnotre fille…Maraison ne reste malheureusement pas focalisée longtemps sur ce nouvel aspect de moi et de mesémotions.L’élancementreprendvite,tropviteledessus.J’articuleavecfaiblesse:

Çavaaller,arrêted’affolerlesgensautourdenous.

Moïra passe ses mains, avec délicatesse, dans mes cheveux noirs parsemés de plus en plus demèchesblanches.Mapetitepuceestinquiète,elleaussi.Sesgrandsyeuxémeraudenemequittentpasune seconde. Elle ne parle pas, mais son visage angoissé exprime tous ses maux. Comment lesrassurer?J’aimal, jesenscefichupoisonsepropageràgrandevitessedansmoncorps.Elijametenddequoimanger.Jecroquedans les fruitsqu’ilm’a trouvés,cela repousseseulementquelquesminutescequimerongepetitàpetit.Ensoulevantmonpull,ilyamêmeuneforteodeurdésagréablequinouscapturebrutalementl’odoratetnousdonneenviedevomir.

Remetsmonsweat,Elija!

Commentjefaispourtesauveràtroismillemètresd’altitude?

Jesourisaussibienquepossible.Ilestdésorienté,monloups’affole,mafilleaussi.Monregardseposesur l’unet l’autre, jenevoisplusqu’euxquandunvoilebrumeuxsesuperposedevantmoietm’emmèneloinavecladouleur.Vais-jem’ensortircettefois?Seulecettequestiondemeureintactedansmonesprit.Oui,cherlecteur,pourlapremièrefoisj’aipeurpourmavie!J’aitoutàperdre,tucomprends ?Moïra,ma belle hybride au parfum demuguet, aux yeux verts comme les feuilles desarbresenété,àlavoixmélodieuse,ausouriremalicieux,mafille,cettepetiteprincesselunairequelavieamisesurmonchemin,quidemeuredansmoncœureta tatouémonâme!EtElija,celuiquiaréussi à baisser chaque barrière de mon cœur et me donner envie de ne plus m’abîmer dans lasolitude.Jenepeuxpasmourirmaintenant, jeneveuxpas!Onmesecouebrutalement,mefaisantrevenirtropviteàlaréalitédumoment.

Maman,necrainsrien,l’hommeféevientd’arriver.

Jékao!lanceunevoixgravetoutprèsdemoi.

Commenta-t-ilfaitpourapparaîtredansl’avion?Jeserrelesdents,mablessuremefaisantdeplusenplussouffrir.J’aicommelasensationquelepoisonbrûlemachairetl’idéequ’unGnasvanousaidernemeplaitpastantqueça.

Jevaisvousdéposerdevantvotrevillage,jenepeuxrienfairedeplus.

Merci,merci,merci,répèteElijacommelerefraind’unechanson.

Je ne peux pas dire un seulmot, je me contente de le regarder dans les yeux, espérant qu’il acompris que je suis reconnaissante de son intervention. Je n’ai que le temps de m’évanouir etd’entendremonloupmurmurer:

Jet’aime,tun’aspasledroitdenousabandonner,jetel’interdis.

***

Jenesaispasparquellemagienoussommesarrivésdanslaforêtquiabritenotremeute.Demespaupièresàdemiouvertescoulentdeslarmesdesoulagementdevoirqu’onestsaufetproched’êtreàl’abri.Décidément,jedeviensunvraichamallow!Unesaleodeurpourtantpersisteautourdenous.Jenesuispaslaseuleàsentir ledanger,Elijaademandéànotrefilledeserapprocherdeluietmoi.Jusque-là,ilmeportait,maintenant,ilmedemandedemarcherafinqu’ilpuisseaussitenirMoïra.

Donella,dis-jetoutbas.

Oui,allonsviteàlamaison,répond-il.

Quelquechosen’estpasnormal,sionpeutparlerdenormalité!Bienentendu!Lecœurdemonloups’accélèretroprapidement,ilressentundangerquejenecaptepas.Jel’agrippeaussifortquepossible, plantant sans le vouloir mes griffes dans ses muscles. Il est tellement concentré qu’iln’éprouve rien. Je tiens sur mes jambes aussi bien que possible et m’emploie à les suivre. Ilsmarchentrapidementetlalésioncommenceàdevenirinsoutenable.Toutàcoup,nostraitsd’hybridessortententièrement,meforçantàprendreformetotaledeloup.Donellaestbienlà,etjoueavecnosnerfs.Jelasenss’approcher,messenssemettentenalerteetjepousseElijaetMoïraloindemoi.Ellemeculbuteausol,seulementj’airéussiàchopersonépauledansmagueule.Jenetelâcheraipas!Jeserreetserredeplusenplusautourdemaprise.Jemanquedeforcemaisjepeuxaumoinslafairesouffrir.J’essaiedepassermespattesau-dessuspourplantermesgriffesenellequandelleprendlaparole:

Tuesencoretropforte…maislepoisonvacontinuersonœuvre,saletéd’hybride.Enattendant,jevaisterendretonpassé!Vouslerendre,àtoietàtescabotsdeparents!Bonnechancepourtesprochainssommeils!

Je la tiens, mais je manque de force pour la tuer. Elle appuie son index surmon front, ce qui

provoqueunesortedecourantélectriqueglacé.Jenepeuxplusbouger.Wicca,jevaistefairepayertoutcequetuasfait!Jetehais!Ellereprend:

Tuvasdevoirmelâcherpourterelever,quechoisis-tu?

Tetuer!Voilàcequimevient,là,toutdesuite!Jen’aipasletempsderéfléchirqu’Elijasejettesur elle sans avoir la possibilité de véritablement la blesser. Elle lève seulement un index et lerepousse contre un arbre avec violence.Elle semet à rire diaboliquement, c’est son filsmais ellen’éprouvepasuneoncede remordsà lebrutaliser.Elle a raison, jevaisdevoir la lâcherpourmerelever.La toxinem’affaiblit, jepeuxmedéfendre,néanmoinsunebataillemaintenantdanscetétatmecoûteraitlavie.Jesuiscontraintededesserrermagueuledesachairquiinondemafourruredesang,elleterminenotreentrevuepar:

Vousmefaitesusermespouvoirspourrien,bandedechiens,àbientôt.

De samain restante, elle tourne sesdoigts etmarmonnequelquechoseque jene saisispaspuisdisparaitavantmêmequejepuissetenterdelarattraper.Moïrasejettealorssurmoi:

Maman,relève-toi,ondoitallerauvillage.

Elijaestdéjàdeboutprèsdenous.Appuyéesurlui,jereprendslecheminverscheznous,honteusedenepasavoirpudécuplerplusdeforcepourlaréduireàunsouvenir.

Arrêtederuminer,onestpresquearrivé,ditElija.

Seulement,unefoisdevantlaportemagiquedenotrevillage,nousnedistinguonspersonne.Celanous alerte, nous n’avons cependant pas d’autre choix que d’y entrer pour nousmettre à l’abri deDonella. Ce n’est qu’une fois que nous avons franchi le portail invisible des pierres que des crisarriventànous:

Noussommesprisonniersauhameau,vousn’auriezpasdûrentrer.

Hécatenousaccueille,fébrile.

J’aitoutessayé,jenesaispascequ’elleafait,onnepeutplussortir!

Hécate,onverraçaplustard,Trèfleestblessée.

Lameutenousentouredetoutepart,jelesrassure;nousavonssauvéunehybridelunaire,etjevaisêtre guérie, enfin je crois. Ils sont tout demême très angoissés deme voir dans cet état. Amandem’enlaceuneminuteetprendlerelaisd’Elijapourm’emmenerjusqu’àlamaison.Ildoitavoirdeschoses à gérer au sein du clan mais ils ne mentionnent rien devant moi. Je commence à tousserfortement,quelquechosemegênedanslagorge.Çam’empêchederespirer.Jetombesurlepasdelaportequanddesgrandsbrasmesoulèvent.Papa,tueslà.Latouxentraînemonesprit,jenesaispascombien de temps dure le calvaire avant que le sort de sommeil d’Hécate ne m’emporte, seul leparfumdusangsortidemabouchemarquemesdernièrespensées.

Moïra,vas-y,tupeuxluiparler,tusais,ellet’entend,j’ailevélesortilège.

Ellevaseréveiller,hein,tata?

Oui,net’inquiètepas,répondmameilleureamieAmande.

J’ouvremesyeuxavecunelenteurdéconcertante.Lalumièredujourm’éblouitetmefaitplisserlespaupières.Alorsquejemeconcentrepourregardermafilleetmesamies,Moïra,trèsémue,medit:

Maman,jen’aipasvoulufouiller,jesuistombéesurlelivrequetuasconfiéàHécate.Je…Ellehésite…

Tupeuxluidire,elleseracontente,jet’assure.

Jel’aicompris,maman,c’estlemêmecodequ’enÉgyptesurlespierres,lemêmequeceluidemonanciennemeute.

Jesuistotalementréveilléeàprésent,jenemerendspascomptequejelafixe,peut-êtreunpeutropjustement.

Tum’enveux,maman?

Jesecouelatêtedegaucheàdroitepourlarassurer.Jen’arrivepasàparler,j’interrogeduregardmonamiesorcière.

Tudoiséconomisertesforces,tuesencoretrèsfaible,Trèfle.

Économiser, c’est-à-dire ? Je baisse mon regard sur la blessure, qui est moins douloureuse etmoins horrible qu’àmon arrivée.Tu as réussi à me sauver ?Elle me répond, ayant compris maquestion:

Non,j’aistabiliséetrepoussépourl’instant,Tayebauneidéedecommentetavecquoiteguérir,seulement il faut réussir à sortir du hameau pour certaines plantes et on n’arrive pas à trouver lafaiblessedubouclierquinousmaintientici.

Jebaisselevisagepourlaremercier,celanousdonneunpeuderépit.Amandes’approchedemoietmeserreunenouvellefoiscontreelle.

Tum’astellementmanqué!

Jepassemesbrasautourd’elleetl’étreinsaussifortquejelepeux.Elleselèveensuitesansunmotets’envaavecHécate,melaissantavecmafillequin’attendqu’unechose:quej’ouvremesbrasverselle pour s’y engouffrer. Son parfum, sa douceur, tout apaise les questions qui tambourinent dansmonesprit.Mafille,jenetelaisseraipas,jet’aimetant.

Noust’aimonségalement,ditlavoixdemonlouparrivésurlapointedesgriffes.

Il s’installeprèsdenous, je le sens épuisé. Jedéposema tête contre son torse chaudalorsqu’ilpassesesmainsdansnoscrinières.

Est-cequetoutvabien?

Oui,toutestrentrédansl’ordre.

Vousaveztrouvécommentbriserlemaléficequinoustientprisonniersici?

Non,maisj’airéussiàcontacterJékaoafinqu’ilnousfasseparvenirdequoimangeretboireenattendant.

Nousn’avionsplusderéserves?

Non, les Cojab allaient finir par s’entre-dévorer. Jékao a livré instantanément de quoi tenirplusieursmois,net’inquiètepas,monamour.

Àquoijoue-t-elle?

Ellenedoitpluss’exposer,ellenepeutpluschercherd’hybridepourl’instantdoncelleattaquelaseulepersonnequiesttoutaussiréticenteauxfaçonsdefairedesGnas.Ellesaitquetuneferaspasappelàeuxpourteprotéger.

Moinon,maistoiouiapparemment!

Jékaoestdenotrecôté,il t’asauvée,etvientencoreunefoisdesemettreendangerpournotreclan.

Tuasraison,jesuisdésolée.

Tuesdésolée?Trèfle,tuescertainequeçava?

Oui.

Repose-toi,nousironsmangertoutàl’heure,jeresteavecvous.

Jeneveuxpasteperdre,Elija.

Çan’arriverajamais!Etpuis,ondoitencoresemarier!

C’estvrai!Tuveuxtoujoursdemoi?

Plusquejamais.

Il m’embrasse tendrement, frôlant de ses lèvres lesmiennes, et repose sa tête en arrière sur lecanapé.Ilavraimentl’airfatigué,vidé.Jemedoutequ’ilasûrementdûgérerautrechosequ’ilnemeditpas.Pourtant,j’aiconfianceenluietneréclamepasdavantagedeprécisions.J’aichangé,évolué,oui, petit lecteur. J’ai pris conscience à quel point ne plus être seule, aimer et être aimé, est si

puissant,sidoux,simagique.Nousrestonsainsidesheuresentièressansbouger, jesensmesdeuxamoursendormisetfinalementjem’assoupismoiaussi,rassuréedelesavoirauprèsdemoi.

Chapitre2

Desimagess’introduisentdélicatementdansmatête.

Alorsquejedorspaisiblement, jemeretrouve,enfant,danslejardindelamaisonoùj’aigrandi.Lesfleurssententbon,jerisauxéclats.Quelqu’unestavecmoi,ungarçonunpeuplusâgéquemoi.Jenesaispasquiilest,pourtant,ilmesembleleconnaîtreautantquejemeconnaismoi-même.Sescheveuxnoirsetblancsmi-longs,sonsourirepareilaumien,sesjouesunpeurondes…Leballonpartversluipuisversmoi,nosparolessemêlentànosrires.Unsentimentdeplénitudeexploseenmoi.Saprésencemerassure.J’entendsmavoixl’appeler:

Taïs,onfaitunautrejeu?

Il neme répondplus, il s’est figé.Lebonheur et la joie retombent brutalement.Undangernousguette.

Cache-toi,petitesœur.

Petitesœur?Jefiledansl’arbreaussihautquepossiblequandj’aperçoisunloupnoirbondirsurTaïs;ilsedéfenddumieuxqu’ilpeut.Tandisquelecourageluitenmoi,jemelaissetombersurleCojabquim’arrachetoutlebasduventredesagueule.Taïsestdéjàausol,baignantdanssonsang,uneforceintérieureprendpossessiondemoncorpsd’enfantetc’estavecla lueurdela lunequejerepousse le loupquinousaattaqués,balançantmesmainsvers lui, leblessantàplusieursreprisesavec ces foudres qui sortent demoi. Jeme penche sur le jeune garçon, quime regarde, le soufflesaccadé.Jeplongedanssonregardauxmêmescouleursquelemien,j’ynageettoutmerevient…

Jet’aime,petitesœur,prendssoindenosparents.

Il s’éteint sousmes yeux, alors que tout s’éclaire enmoi. Je reviens dans la réalité,mes larmescoulant sur le torsedemon loup.Mon frère, commentai-jepuoubliermon frère?Unehaine, unetristesse, un sentiment de trahison aussi, toutes ces émotions dominent mon cœur en quelquessecondes.

Uncriretentitdanslevillage, jereconnais lavoixdemamère.JemeretireleplusdélicatementpossiblepournepasréveillerMoïra,etfonceversl’habitationdemesparents.

J’yretrouveAmayaàgenouxdanssacuisine.

Maman,quesepasse-t-il?

Donellanousarendunotrepassé.

J’aicrucomprendre,oui.

Machérie,cen’étaitpastafaute,tusais,Jaminn’avaitpourseulbutquedetetrouverettetuer.

Jamin?

Alorsqueceprénomrésonneenmoi,lesouvenirdemesrêvesrevient,leloupc’étaitlui!

Jesuisdésolée,nousaurionsdûêtrelà!

Mamèrepleuredeplusenplusfort,jem’agenouilleprèsd’elleetlaprendsdansmesbras,laissantmoiaussi allermes larmes.Lapeine immensequi aprisplacedansnoscœursest sidouloureuse.Nousn’avionspas faitnotredeuil,Taïsadisparuet je sensenmoicetteculpabilité. Il avoulumesauver.Iladonnésaviepourmoietjen’aipassuleprotéger.Jecomprendstoutàcouppourquoijemettaiscettedistanceentrelesautresetmoi.Lasouffrancedel’avoirperduétait...esttropgrande.Jene pouvais pas risquer de perdre quelqu’un d’autre.Mon père nous rejoint et, sans unmot, nousenlaceavectendresse.Ilamalégalement.

Pourquoiavons-nousoublié?demandé-je.

C’estmoi,répondLowf.

Commentça?ditmamère.

Donellaaproposédenousaider,nousétionsanéantis,Trèflenemangeaitplus,toinonplus.J’aidonnémonaccordpourqu’ellenouslefasseoublier.Jevousdemandepardon.J’étaisdésespéré.

Jecomprends,murmureAmaya.

Jen’arrivepasàprononcerunseulmot.Toutceflotderessentis,detourments,jenepeuxpasmepardonner.Iln’estpluslà!Jeperdsmesmarquesenquelquessecondes.Cemanqueestlàcommesic’étaithier.Leseulespoirprésentestuneenviedelevoirarriver,qu’ilrentrealorsqu’iladisparudemamémoiresilongtemps.C’estinjuste!Lemanque,unvéritabletroudansmonêtre,estsiprésent.Mespenséesfilentpendantquejerestelà,colléeàmesparents,gémissantsousmespleurs.

Taïs, tonabsence est ungouffre, je croyais tout savoir, et puis tout s’explique enfin,mais àquelprix? Jen’aipas réagiassez vite ! J’auraisdûpouvoir teprotéger, et jen’aipas su le faire. J’aimanquédecouragealorsquetuperdaislaviedevantmesyeux.Monfrère,commentvais-jevivreaveccepoidsde tamortsurmesépaules?Ce froidquiprendplacedansmoncorpsmereplongesivitedanscepassé.C’estunenferdeconnaîtrelavérité!Réaliserquejen’étaispasseule,quetuétaislàetquejet’aiperdu.Quelcheminchoisirmaintenant?J’aigrandiavecunecarapaceautourdemoi,etc’estquandenfinjem’accordeledroitaubonheurquetoutéclate,sachantquejen’aipasétécapabledetedéfendre,yai-jevraimentledroit?Pardonne-moi!Monfrère,pardonne-moi,tuvasmehanter,memanquer,j’aimal…

Au bout d’un long moment à m’auto-torturer, chose que je fais très bien depuis des années,j’entendsMoïra arriver. J’essuie rapidementmes joues, pensant que cela suffira à la rassurer.Mesparents,eux,sontinconsolables.

Maman,tuasmaldenouveau?questionne-t-elleenmontrantdesagriffemablessure.

Non,machérie,cen’estpasça.

Papam’envoietechercher,tuviens?

Elles’approcheetpressesonpetitcorpschaudcontrelemien,glacial.Sonparfummerappelleàquelpointilyaencorequelquesheuresj’aiavouécetteenviedevivre,detoutgoûterpleinement.Mafilleestlà.Jenepeuxpasrenonceraubonheur,Taïs,jecrois,nel’auraitpasvoulu.Jesuisperdue.J’embrassemesparentsavectendresseetchuchote:

Jevousaimed’unamourinfini.

Ilsme regardent, surpris de cet aveu si sincère et spontané. Il est temps de briserma carapace.J’attrapelamaindeMoïraetnousrentronsàlamaison.Elijan’enaquepourquelquesminutesdansmonespritpourcomprendrecequivientdeseproduire.Sonregardexprimetantd’amour, tantdedouceur. Plus il écoutemes parolesmentales, plusmes jambes lâchent, il n’a que le temps demerattraper avant que toutmon corps touche le sol. Je ne sens pasmablessure, étant anesthésiée parl’élancementetlaplaiedemoncœur.

Tudoist’allongerunpeu,jet’apportedequoimanger.

Merci.

Dequoi,monamour?

Merciàvousdeuxd’êtrelàetdem’aimer.

Maman,tuasl’airsitriste,ditMoïraenretenantlesbillessaléesdanssespropresyeux.

Oui,viens,jevaist’expliquer.

Mes mots défilent, elle caresse ma patte de la sienne. J’essaie de ne pas faire ressortir maculpabilité.Sonvisages’attristepeuàpeu.Jeneveuxpasqu’elleressente lamêmechosequemoi,elleprendlaparolealorsquejeterminemonrécit.

Maman,ilnevoudraitpasquetuarrêtesd’êtreheureuse,tusais.Commemesparents,ilsnesontplus là physiquement, mais je suis sûre qu’ils nous accompagnent. Ton grand frère est là aussi,maman.Etilt’aime.

Etilm’aime,ilm’aime…Sic’estlecas,tunedevraispas!C’estmafaute!Nem’aimepas,tun’aspasledroit,c’estàcausedemoitoutça!Mespoingsseserrentsurlesofa,mescaniness’allongent,unhurlementdebêtesortdemoi.Puis,deux, trois,plusieurs…Jem’essoufflevite,cesuppliceest

uneagonie.Situeslà,fais-moiunsigne,unseul,s’ilteplait.J’attendsbêtement,jesaisaufonddemoiquemarequêtesembletotalementdésespérée.Çafaitsilongtempsqu’ils’estenvolé,maispourmoi,c’estarrivéhier.Lecauchemarestbienréelcettefois.Jenesauraispass’ilestprésentàmescôtésmaisjepeuxaumoinsespérerqu’ilestenpaix.J’ouvremesbrasàmafille,laserrantcontremoi,luimurmurant«jet’aime»descentainesdefois.Jeneveuxplusjamaisperdrepersonne.Jen’ysurvivrai pas. Je vais avoir peur dedormir à présent. Je sais que ces scènesvont continuer demepoursuivreetjenepeuxpluslesfuirdésormais.

Çavaaller,maman,jesuislà,jet’aiderai.

Ohmapuce,c’estmoiquidoisprendresoindetoi,paslecontraire.

Tuvasdevoirpermettrequ’ontesoutienne,papaetmoi.

Elijaregardenotrefilleavecunsourirerassurantetluidemande:

Moïra,tudevraisallervoirHécatepoursavoirsiTayebaavancé,s’ilteplait,machérie.

Oui,j’yvais,papa.Maman,jet’aimetrèsfort.

Sesparolescaressentmonâme.Jesuisperduedanscettefoliequimeconsumeetmafilleatteintencoreavecfacilitélalumièrequirésidefaiblementenmoi.MonloupdéposedevantnousunplateaudenourrituretandisqueMoïraquittelamaison.

Tudoismanger,monamour,ettudoisarrêterdeteplacerenmartyre.Iln’estpluslà.Tusouffres.Tuenasledroit.Enrevanche,perdrepattesdonneàDonellacequ’ellevoulait.Ellet’affaiblit.Ellegagne.

Ellegagne?Ellegagne!

Tuasraison,jedoisreprendreledessus.Maisc’estunvraicalvaire.J’avaisunfrère,Elija.

J’avaisunpère,jesaisquec’estdifficile,dit-ild’unevoixplusdure.

Il s’installe àmes côtés et, d’unemanière simerveilleuse,m’enveloppe de son corps et de sonaffection.Ildéposeplusieursbaiserssurmajoue,dansmoncou.Iln’éloignepasl’absenceetlapertede mon frère, néanmoins il me rappelle que d’autres émotions sont en moi. Il passe, aussi légerqu’uneplume,sesgriffeslelongdemondos.Jefrissonne.Laforcedesessentimentspourmoinememetplusmalàl’aisedésormais.Celam’apporteunvrairéconfort,unréelbien-être.Jeluirendssadouceuretprendsletempsdem’alimenter.Ilreprendlaparole:

Jenetelaisseraijamais,tusais.

Oui,jesais.

J’aientenduquetuavaispeurqu’ont’abandonne.

Oui.

Taïsnet’apasabandonnée,ilesttoujourslà,Trèfle.

Tucrois?

Jefondsensanglotstandisqu’ilprendmamainetladéposesurmoncœurquibat.

Ilestlà.

Merci.

Jetelaissemanger,jevaisvoirlameute.S’ilteplait,repose-toi!

D’accord.

Je sais qu’il me laisse pour que je puisse trouver en moi la force d’affronter tout cet enferpsychique.Ilm’offreseslèvresavecpassion,cequidéclencheunenouvellebonneémotion.Jevaisdevoiraccepterqu’ilnesoitpluslà.Etcontinuerdevivre.Paroùcommencer?

Chapitre3

Quelqu’unmetiredemesnombreusesréflexionsmentales,tantôtpositivestantôtnégatives.C’estAmandequiestarrivéeprèsdemoi.Jemejettedanssesbras,fermantlespaupièresetlaserrantdetoutesmesforces.

Doucement,Trèfle.

Jet’aifaitmal?

Jesuisunpeu…

Ellen’apasletempsdefinirquejeremarquelestracessursesbrasetsesépaules.

Qu’est-cequec’estqueça?

Cen’estrien.

Amande?dis-je,reniflanttrèsfort.

Trèfle?

Parle-moi.

Promets-moidenepasintervenir?

Monsangne faitqu’un tour, je sensqueçaaun rapportavecJerry. Jem’assoisavec leplusdecalmepossiblesurunedeschaisesdelacuisine,attendantsesexplications,meservantdemonbraspouressuyermonnez.

Ilaperdusonsang-froidquandilavuqu’onétaitpiégé.

Maisencore?

Jesensquecen’estpastout.

Sonodeurachangé, jenesauraispas te l’expliquer.Quelquechosenevapaschezlui, jenelereconnaispas,mêmeNohaapeurdesonpère.Jeneveuxpasquetutemettesencolère,j’essaiedecomprendrecequ’ilsepasse.

Jevaisletuer!Cetenfoiré!

Tuoubliesquejet’entends!

Pardon,j’essaiedemecontrôler.

Jet’assurequejenem’aveuglepas,jesensqu’ilyauntrucpasnet.

DemandeàHécatedesondersespensées,s’ilteplait.

Oui,c’estunebonneidée.Jeneveuxpasqu’onlejuge.Trèfle, jel’aime,jesaisqu’iln’estpaslui-même.

Ellesebaissesurmoietlogesonvisagedansmoncou.Elletremble,jesensbienqu’ellebataillecontresespeursetsesdoutes.Ellenesouhaitepasquejem’enmêle,maiscommentêtresûrequ’ilnelèvepasànouveaulamainsurelle?Hécate,maisoui.Jesensbienqu’ellenesouhaitepasenparlerdavantage. Je sens son cœur si serré, elle retient ses larmes et serre lesmâchoires. Je tente de luichangerlesidéesunmoment,jeluiparledemonfrère,laissantsortirtoutematristessedevantelle,jesais que je peux. Je lui parle aussi d’Elija, de notre envie d’avenir. Elle n’est pas surprise, elle sesouvenaitdeTaïsetavaitdéjàcomprismonamourpourmonloup.Nouspassonsquelquesheuresàparler,échanger.Mesconfidenceslibèrentlessiennes,commedansuncoconsecret,nousvidonsnosâmesl’uneàl’autre.Ellem’expliquecommentétaitJerryavant,etcequ’ilestdevenu,cherchantuneexplication.

Nohan’arrêtepasdemedirequesonpapaestsousl’effetd’unsortilège.

Cen’estpasbête,pensé-jeàhautevoix.

Tucroisque...

Ellesouritsubitement,elleacomprisd’oùcelavient,enquelquessecondes.

Jevaisavoirbesoindetoi,tuveuxbien?

Bienentendu.

Non,Trèfle,onneleblesserapas!

Arf!Jepouvaistoujoursrêver…

Jefile,j’aibesoind’HécateetjevaismettreNohaàl’abriavant.Onseretrouvesurlaplaceduvillagedansuneheure.

Tun’aspasenviedem’expliquer?

Laporteclaquedéjà,ellen’apasentendumaquestion.Pourvuquecesoitvraimentunmaléficequilerendesicon,sinonjemeferaiunplaisirdelemettreenmiettes!Non,Trèfle,tun’aspasledroitdeleblesser,tuaspromis!Bon,pensonsàautrechoseavantd’allermoi-mêmerésoudresoncas!

Mon téléphone posé sur la table me fait penser que je n’ai aucune nouvelle de Léo. Dois-je

l’appeler ? J’hésite et, finalement, repousse cette idée. Je retournem’assoupir surmon lit, tentantd’éloigner les images de Taïs qui meurt pour me sauver. Seulement, cette fois, c’est la suite del’attaquequirevientdansmonesprit.

J’entendsmesparentshurler,puisLowfcrierquejedoisallervoirundocteur.Jenesensaucunedouleur, juste levent frôleretpénétrermoncorps.Amayaesten larmes, toutengrelottant, ellemeforceàavalerdesmorceauxdepoulet.JemerégénèrepeuàpeuetnouspartonstoutaussiviteversunspécialistedesCojab.Jenesaispascombiendetempsdureletrajet,seulementqu’onarrivedansuntrèsvieuxbâtimentvudel’extérieur,cependanttrèsluxueuxunefoisàl’intérieur.Jen’arriveplusàpleurer,jetremble,moncorpsremue,seul,agitetréagit,alorsquemonespritestbloqué.Jenevoisrien,j’entendsseulementdesvoixauloin.Jerentreetressorsdeplusieursmachines.Peut-êtresuis-jeen traindemourir?Jedistinguedes sorcièresquimarmonnentdeschosesau-dessusdemoi.Ellessont nombreuses et toutes habillées de lamêmemanière queNessa. Elles frappent ensuite sur destambours, en rythme et avec force, chantant, hurlant même. Alors que mes muscles se contractentbrutalement,uneseulechosesedérouledansmatête,lascèneoùmongrandfrèreaperdulavie.Sonsangpartout,sonregard.Jesuisseule,ilm’aabandonnée,j’aiéchoué.Puissoudain,unevoixsortdulotetdit:

Elleestsauve.

Merci,articulemamère.

Cependant,nousn’avonspaspuréparercertaineschoses.

C’est-à-dire?demandemonpère.

Ellenepourrapasavoird’enfant.

Pardon?ditLowf,horrifié.

Celuiquiluiafaitçaaréussiàarrachertoutl’organedereproduction,impossibledereformercequ’iln’yaplus,jesuisdésolée.

Mamèresepenchesurmoi,jesupposequesesmainssontposéessurmesjoues.

Pardon,pardon,onauraitdûêtrelà.

Viens,Amaya,ondoitenterrerTaïs.

Oui.

Monpèremereprenddanssesbras.Jeneparlepas,jenepleurepas.Plusriennecompte.Jesuischoquée,etenferméedansuntorrentderageetd’enviedevengeance.Undétailmefrappesoudain,j’avaisàpeineseptansquandças’estproduit,quelâgeavaitTaïs?Ilavaitenvirondixanssij’enjugeparsataille…

Je me réveille terrifiée et frissonnante. J’ai toujours su que je ne pouvais pas avoir d’enfant,

seulementc’étaitungynécologuequinousl’avaitannoncéàmamèreetàmoiquandàmesdix-septans,nousavionstrouvébizarrequejen’aietoujourspasmesrègles.Jemesouviensqueçam’afaitcommeun coupdepoignarddans le creuxdubas-ventre,me coupant le souffle quand j’ai suquetoutecette«machine»pourcréerlavien’existaitpasenmoi.J’aitantpleuré,àcetteépoquej’aimaisêtredifférente,mais cepoint-lànem’a jamais rendueheureuse.Un jour, jevaisdevoir l’avouer àElija.Jaminm’aprisbienplusquecequejeluiaiprisfinalement,j’auraisdûêtreplusviolentelorsdenotrecombat.JedoisrejoindreAmande.Sortirmeferaleplusgrandbien,jenepeuxplusresterenfermée. Jeme lève etvacille le tempsde retrouvermonéquilibre.Quittant lamaisonpour allervers la place du village, je respire profondément, tentant d’évacuer les dernières images qui mehantentàprésentencontinu.Jedoismechangerlesidées!Voudra-t-iltoujoursdemoimêmesijenepeuxpasluidonnerd’enfant?Petitlecteur,qu’enpenses-tu?

Jesorsdelamaison,aveccettesensationd’inquiétude.L’airfraisapaiseunpeumessensenalerte.Nousdevonsfairefaceàbeaucoupdechoses.Sur le trajet, jeme laisseguidervers l’habitationdemonamiesorcière.Jetoqueàpeinequ’elleouvredéjàlaporte.

Jesavaisquetuallaisvenir,Trèfle.

Ellemeserrecontreelle,et laviedanssonventremesalueégalement,remuantcontremapeau.Deslarmesviennentalorsencoreunefoisinondermesyeuxetmesjoues.

Entre,onaletempsd’enparlerunpeu.

Jen’aipasbesoind’expliquerquoiquecesoit,lesdonsd’Hécatesontimpressionnants,ellecaptemespenséescommeuneradio.Quelquesminutesplustard,ellereprend:

Jesuisdésolée,sincèrement.Çaexpliquebeaucoupdechosesfinalement.

Surquoi?

Surquitues,Trèfle,surtacarapace,tasolitudeaussi.SeulsElijaetMoïraaurontréussiàpercercelaettedonnerconfiance.Aveccepassé,jecomprendsquetutesoismiseenretraitfaceàlavie.

Ellemereprenddanssesbrasunenouvellefois,murmurant:

Vis,tuasledroitdevivre,ils’estbattupourça,tusais.

Moncorpsseremetàtremblerjusqu’àlamoindreextrémité.Jemetransformeenlouveblanchedelapointedemesoreillesauxpattes.Jesensquemessenstententderemettrecettecarapace,j’aipeur.Lepoisoncontinuedesepropager,etnousn’avonsencorerienpourmeguérir.

Nousallonstrouver!Gardeconfiance!ditmonamie,passantsesdoigtsdansmacrinière.

Commentvas-tu,toi?réussis-jeàdemanderenreprenantformehybride.

J’aipeurd’accoucher!lâche-t-ellecommeunpoidsdéposésurlesol.

Tuaspeur?

Oui, je sais, tumevoisd’habitudecommeunepersonnesans faille,pourtant je suis terrifiéeàl’idéedemettreaumondemonbébé.

Jesuiscertainequetoutsepasserabien,etmamèreseralàpourteguideraubesoin.

Tuaccepteraisd’êtrelàégalement?

Biensûrqueoui,répondis-jesanshésiter.

Ellesembletoutàcoupsoulagée.

OùestTayeb?

IlestavecElija,ilaideàrassureretpartagerlanourriture.

Moïra?

DehorsavecNoha,jecrois.Tuveuxmedemanderquelquechose?

Oui,jesuisinquiète,parrapportàsalecturedulivre.

Jepensequetudoisenparleravecelle,Trèfle,ellen’apaspeur,elleasaisil’importancedecequ’ellealu.Ettoutdesuite,elleasudécrypterlenomdesplantesnécessairespourteguérir.

Elleestsijeunepourtoutça.

Onvitdansunmondefantastique,ça implique ledanger,maisavec toiàsescôtés jesuissûrequ’ellenecraintrien.

Pourras-tucacherl’ouvrage?

Ellel’agardéavecelle,Trèfle.

Elleperçoitimmédiatementmoninquiétudeetmonhésitation.Dois-jeleluiretirer?Dois-jeleluilaisser?Ellemecoupe.

Cen’estpasfaciled’êtremaman,hein?

Temoquepas,j’avouequecegenrededilemmeanéantitlepeudeconfiancequej’aienmoiencemoment.

Jesensqu’onauradesréponsesbientôt.AllonsretrouverAmande,elleabesoindenous.

Oui.

Mon amie passe une longue tunique blanche de coton par-dessus ses vêtements, une croyance

anciennechezleswiccasquiportentlavieafind’attirerlesbonnesénergiesversleurbébé.Ellebrillepresquesouslesrayonsdusoleil.Nousarrivonssurlaplacedéserteetattendonsunpetitmoment.Jenedisrien,maismablessureestdeplusenplusdouloureuse.J’aicommelasensationqu’elleprendfeudel’intérieur.J’attrapeunfruitlaissélàsurlespierresdansunecaisseàdispositiondelameuteetcroquerapidementdedans.Malheureusement,mêmesilabrûlures’estompelégèrement,l’élancementpersiste.JechercheElijaetMoïra,maisjenesensqueleurodeurauloin.Amandeadûdemanderàcequepersonnenes’approche.LeparfumdeJerryembaumelelieu,Amandel’accompagne.Jelesvoisenfins’avancerversnous.

Qu’est-cequeçaveutdire?questionne-t-il.

Chéri,situesàl’intérieurjevaistesauver,répondalorsmameilleureamie.

Les crocs de Jerry s’allongent brusquement, je bondis et le plaque contre l’arbre central de laplace.Mespiedsfermementancrésdanslesol, j’appellelanatureàlemaintenircaptif.Desracinessortent alors de la terre, s’enroulant à ses poignets et ses chevilles, l’empêchantmêmedeprendreformedeCojab.Ilestimmobiliséetpourtantjenerelâchepasmesgriffesautourdesagorge.Jen’aiqu’uneenvie,laluiarracher,quandilprendlaparole.

Saletéd’hybride,hurle-t-il.

Jemetournealorsversmesdeuxamiesetconfirme:

Effectivement,iln’estpaslui-même!

Chapitre4

Cettesenteurdefleurparticulière...Jerryportesurluiquelquechosedespécifiquequinepoussepasauvillage.Ilyaétérécemment,ilapusortir,c’estévidentpourqu’ilengardedetelseffluves!

Tuasquittélehameau…Comment?

Sonsouriremesquins’effaceaussitôt.Ilnerépondpas.Jelesensperturbéetpaniqué.

Jeteparle!insisté-je.

J’entendsbien,saletédelouve,cependantjen’aipasl’intentiondetedirequoiquecesoit.

Ce n’est pas compliqué, reprendHécate, tu as forcément un corps qui t’attend quelque part etDonellaadûtepromettreunebellerécompensepourfairecequetuasfait.

Et?

Elleacaptél’habitantducorpsdeJerry!Bienjoué!

Etsitunenousdispascommentsortir,jepeuxfaireensortequetoncorpspourrisseetmeure!Jesupposequetun’esqu’unsimplehumain!

Elle bluffe,moi je le sais, avec le bouclier impossible de lancer sonmaléfice !Néanmoins, çamarche!Levoilàquicommenceàtrembler.ElijaetTayebnousrejoignent;ilsrestentenretraitpournepasinterférerdansnotreinterrogatoire,sionpeutappelerçacommeça,mêmesic’estplusdelamanipulationmentale.Jefixe lesmarquessur lesbrasdemameilleureamie, j’essaie tantbienquemald’éloignerdemoiledésirdetuerJerrysur-le-champ!Ellenemepardonneraitpas, jelesais,maisilaoséluifairedumal.Toutdoux,Trèfle,iln’estpaslui-même!Mescrocss’allongentencoreunpeu.Ilfautquejemecontiennedavantage.Ilreprendlaparole:

Auxdeuxarbresversleruisseau,lesdeuxgrandschênes.Celuidegaucheestlaclépoursortir.

Comment?questionneAmande.

Ilfauttournerautourdutroncdanslesensinversedeshorlogeshumainesàpartirdelapierreausol.Unefoisrevenuenfaceduvillage,ilfautensuiteglisser,doscolléautronc,versleruisseau,etvousêtesdehors.

Tuesprêtàretournerdanstoncorps?demandemonamiesorcière.

Ilnerépondpas,soncœurbatvite.Ilsaitqu’ilvasûrementmourirdesmainsdeDonella.Pourtant,sans l’aidedepersonne, il récite une sorte de sortilègequi fait jaillir du corpsde Jerryune lueurverte.Satêtetombetoutàcoupsurlecôtétandisquelalumièremonteversleciel.

Fautqu’onm’expliquelà!Pourquoiilnes’estpasenfuiavant?demandeElijaens’approchant.

Ilafaitunpacteaveclediable,sionpeutdire…Ildevaitcommettreuneerreurpourpouvoirselibérer.Ilnousadévoilélasortie,iladoncpusedépêtrerdeJerry,cependantilsedonneégalementlamort.D’aprèslacouleur,illuiresteseulementjusqu’àlafindelajournée,soitquelquesheuresdevie.

Ilauraitpuneriennousdire!

Peut-êtreespérait-ilqueDonellaintervienne.

AmandeestpenchéeverslecorpsinertedeJerry.Jel’entendsrespirer,ildoitêtreépuiséd’avoireuàluttertoutcetempscontrel’humainquil’habitait.JeledétacheetdemandeàElijadeleporterjusquechezeux.Parprécaution,Hécate lanceun sort deprotectionpourAmandeetNoha.Tout lemondes’éloigne,dumoins,jelecroisquandjemelaissetomber,envahieparladouleurdupoisonquicontinuedemeronger.

Je vais aller chercher les plantes pour te soigner maintenant que l’on sait comment sortir,murmureTayeb.

Ilfautl’essayeravant,c’estdangereuxs’ilnousamenti.

Maman,c’estbonçafonctionne!lanceMoïraencourantversnous.

Mesyeuxs’écarquillent;décidémentelleaunesalemaniedesemettreendanger!Jenepeuxpaslui donnermon avis,malgré tout ce quime vient, avec la dose d’énervement qui s’abat surmoi,mieuxvaut tairepour l’instant lesmotsquidéferlentdansma tête !Soudain,unvoile capturemessensetlaréalitéetmeprojettedenouveauaujouroùj’aiperdumonfrère,Taïs.

Jet’aime,petitesœur,vispournousdeux.

Nemelaissepas,papaetmamanvonttrouverunesolution.

Sonregardseremplitdesang,ils’enva,ilestpartiloindemoi.Cettescènequiserépète,cepasséquiobscurcitmonprésent,jeneguériraijamaisdesonabsence.

Je reviens dans la réalité, je ne sais pas comment je suis arrivée dansmon lit.Moïra agite sespetitesmainsau-dessusdemablessure.Jen’arrivepasàouvrirlabouche.Elles’aperçoitquejesuiséveilléeettentedemerassurer:

Maman,net’inquiètepas,jesaisquoifairegrâceaulivre.Tayebvabientôtrevenir.

Commentça,tusaisquoifaire?Cen’estpasdangereuxaumoins?J’oubliequ’ellenem’entend

pasdansmatête,elleestconcentréeetcontinuesesgestesinsensés.Mablessuremefaitsouffrir.Plussesdoigtsondulentverselle,plusj’ailasensationquequelquechoses’accrocheàl’intérieurdemoi.JesensElijaarriver,jefermelesyeux,jeneveuxpasqu’ilsentemesfaiblesses.Jelesentendsalorsmurmurer:

Moïra,arrêteuneminute!Tutentesdefairequoi?

Je sais ce qui s’agrippe à maman, les plantes guériront le poison, mais ne retireront pas cesfichuesbestiolesdelà.

Tupeuxm’expliquerdequoituparles,Moïra?Jeneveuxpasquetutemettesendanger!

Là,regarde!

C’estquoi,ça?ditElijaavecdégoût.

Cesontdessortesdetiques!Ilyenatrois,àcequejecomprendsdanslelivre,papa,maisj’airéussiàn’enretirerqu’une.

Pourquoinevas-tupasleschercheravectesgriffes?

Silatêteresteàl’intérieur,ondevratoutrecommencer…

Moïra,commentfais-tupourlancercessortesdesortilèges?

Jemesersdemapierreetdecelledemaman,ainsiquedesespouvoirsdeguide.

Tuveuxquejet’aide,machérie?

Non!

Moïra,tuescertainequec’estsansdangerpourtoi?

Oui,papa,laisse-moi,jedoismeconcentrer,s’ilteplait.

Trèsbien,maisjeresteàtescôtés!

Plus unbruit ne parvient àmesoreilles…Je suis écœurée rienqu’à l’idée des tiques dansmoncorps. C’est horrible de s’imaginer ces insectes me manger tout en me contaminant. Donella estvraimentàunstadedecruautéquejenecomprendspas.J’essaiedel’éloignerdemespensées,sentantquemestraitsd’hybridesreviennentmalgrémoi.Puis,mesidéesreviennentaufaitquejenepuissepasavoird’enfant.Jesensdenouveaucettebouleaucreuxdemapoitrine,commeunebombeprêteàexploser.Pourquoijesuispeinéeàcetteidée?Jelesaisdepuislongtempsquejenepourraisjamaisporterlavie,etaujourd’huij’ailachanced’avoirMoïra…Ilesttroptardpourfairemachinearrièrequand j’entendsElija tousser un peu fort près demoi.Je suis désolée que tu l’apprennes ainsi. Jen’entendsaucuneréponse.M’enveut-il?

Là,papaenvoilàuneautre,prendslabougieetbrûle-la,s’ilteplait.

Ladouleurestviveaumomentoùlapetitebêteluttepournepaslâchermachair.Pourtant, justeaprès, je me sens si soulagée que je laisse chaque muscle se décontracter jusqu’à être presqueendormie.

Peins,Trèfle,chuchotemonloupàmonoreille.

Peindre, oui, c’est une bonne idée. Je m’installe alors dans ma méditation active, face à unegigantesquetoileblanche.Mespinceauxenmain,etunepalettedecouleursjusteàcôtédemoi.Unloup s’esquisse sousmespetits coupsdepinceau,un loupplusbeauencoreque tous ceuxque j’airéalisés jusque-là. Il me suffit de plonger dans le regard que je fais naître pour deviner que,spontanément,c’estmonfrèrequejedessine.Unepetitemusiques’installedansmatête,dessonsdevagues,deventdanslesarbres,toutestsipaisibletoutàcoup.Lescouleursprennentplace,laforêt,les fleurs,nosparents.Une scènequi adéjàdû sedérouler avantque…Non,Trèfle, penseàautrechose!

J’aimeraisquetusoislà!

Maisjesuislà,petitesœur,jel’aitoujoursété.

Voilàquej’inventesavoixdansmaméditation,jedeviensfolle!

Trèfle,jesuisprèsdetoi,depuistoujours.

Taïs,c’estvraimenttoi?

Lesâmesviventéternellement.

C’estuneblague,jesuistoujoursassisefaceàmatoileimaginaire,etpourtantceloupfaceàmoimeparlevraiment!

Jen’aipasbeaucoupdetempspourteparler,petitesœur.Arrêtedechercher…Toutvabien!

Jenesaispasquoitedire,sic’estvraimenttoi,jenesaispas...àpartpardon.

Tut’esassezinfligécettepeine,çan’ajamaisététafaute…Jesuisenpaix,tusais,vraiment.

Tumemanques,tumanquesàmamanetpapa.

Jesuistoujoursavecvous.Jeveuxquetuvives,quetusoisheureuse,promets-le-moi!

Je…je…nepeuxpastefairecettepromesse.Sanstoi,jenepeuxpasêtreheureuse.

Jesuislà,tunepeuxpasmeserrerdanstesbras,maisjesuislà.Promets-le-moi,Trèfle.

Jetelepromets.

Je sais que j’éclate en sanglots dans la réalité comme ici dans cette dimension que je ne peuxexpliquer.Leloups’éloigneauloindanslepaysagedematoile.Jen’entendsplusriendutout.Ma

peinture se trouve vide de lui. Quand, soudain, son parfum caresse mes sens, qui confirmequ’effectivementilesttoujourslà,mêmesijenepeuxpasletoucher.

Trèfle,ouvrelesyeux!

Maman,onaréussi,réveille-toi.

ElijaetMoïrameramènentverseux,alorsquetoutmonvisageestnoyésousmespleurs.

Bravo,machérie,tum’assauvée!

Jelaserrefortcontremoi,ouvrantlesbrasassezlargementpourelleetmonloup.

OndoitencoremettrelesplantesdeTayeb,ilestentraindelesfairechauffer.

Merci,tuesextraordinaire,mapuce.

Oui,çafaitdesheuresqu’elleestau-dessusdetoi,ajouteElija.

Vamanger,mapuce,net’inquiètepas,vareprendredesforces.

Jet’aimetant,maman.

Etmoidonc,petitelouvetêtue!

Elle s’éloigne tout doucement vers la cuisine alors que je n’ose pas lever les yeux vers Elija.Honteuse qu’il ait appris certaines choses sans que je n’aie pu les lui annoncer de vive voix. Aumomentoùmoncourage sembleêtreactif à sonmaximum, je sens juste saboucheplonger sur lamienneavecfièvreetenvie.

Commentpeux-tupenserquejevaist’envouloirpourça?

Jesais,enfin,j’aisentiqueturêvesd’avoirdesenfants…

Oui,onaMoïra!Notrefille,ellen’estpasdenousgénétiquementetalors?Onl’aimeàl’infini,non?

Jet’aime,Elija.

Jeme colle à lui avec délicatesse et l’embrasse à plusieurs reprises. Jeme sens vidée, apaisée,légère,fatiguée…Unmélanged’émotionsquim’emportedansunnouveaumondeoùjepeuxenfinêtremoi…quandElijaajoute:

Si tu ne peux pas avoir d’enfant, quelque chose m’échappe, pourquoi tu as cette odeur de«Cojab»enchaleur?

Ilsoulèveunpointquim’adéjàfrôlél’esprit…Cetteparticularitén’estpasnormale,eneffet…

Chapitre5

Tayeb a déposé le cataplasme surma plaie. Les plantes ont agi instantanément.Une petite lueurnoireestsortiedemoi,etj’aieul’impressionqu’onmelibéraitd’unemalédiction.Uneseulechosem’abrûléeunmoment,cettetracedusortilègedeDonellasurmonépaule.Lesymboledumasculinquiseréveillechaquefoisquejegagnecontreelle.

Merci,Tayeb.

De rien, je suis rassuré de te voir en meilleure santé ! Je repars près d’Hécate. Moïra s’estendormiesurlesofa.Amusez-vousbienetcontentquetusoisguérie.

Onvasimplementsereposer,ditElijaavecunsouriremalicieux.

Oui,biensûr,attentionquandmême,lecataplasmedoitresterenplacependantdouzeheures!

Laporteclaque,lesoleilsecouche,sesrayonsnesontpresqueplusperceptiblesdanslamaison.Leparfumde viandeme fait saliver.Cela faisait longtempsque je n’avais pas été aussi affamée.Mesyeuxadmirent toutautourdemoi,nosmurs, la lumière,notre lit,puis tombentsur lefameuxlivrequemapucecomprendsibien.Jesuisinquiètequandmêmequ’ellesacheseservirdenospierres,demesdonsdeguide.Peut-êtrel’a-t-elleapprisdanscetouvrage?Elles’estendormiemaiscommentêtrecertainequeriennesesoitproduitdanssesénergiesenmesauvantdecessaletésdebestioles?Quandjepensequelestiquessontlesennemiesdeschiens!Donellaaencoresumettreunbeleffetdestyle à sa méchanceté ! Elle a un don tout de même pour imaginer des sortilèges totalementdégoûtants!CommentMoïraa-t-elleputrouverlasolutiondanscesécritsqui,pourtant,n’ontjamaisappartenu àDonella ?Ou alors, elle l’a eu pendant quelque temps avant de devenir cette sorcièremaléfique…J’attrape l’ouvrage d’unemain et le feuillète, espérant comprendre ne serait-ce qu’untoutpetitsymbole.

Tout est compliqué sur les pages, même les dessins. Des traits, des ronds, des triangles, desportraits,dessilhouettesdescréaturesentousgenres,jesupposemêmedestracesetgouttesdesangsurcertainespages.Iln’yapasdenomd’auteur,cequimesurprenddavantage!Demande-luiqu’ellet’apprenneà le lire, tupourrasaumoinsenécarterplus facilement lesdangers !Jecroisqu’il estnécessairequejetented’apprivoisercetteécritureafinqueMoïraneportepluscelasursesépaules.Elle est forte, mais je ne veux pas qu’elle grandisse trop vite ! Elle a tant à découvrir de la vied’enfant avant d’êtreune adulte. Il y aura toujoursdesdangersdansnotremonde, autant lui évitercelui-là. Elija m’interrompt dans mes cogitations, il se racle la gorge, annonçant qu’il a quelquechoseàmedemander.

Peut-onparlersérieusement,monamour?

Oui.

Tuessûre?

Oui,dis-moi.

J’aimeraiqu’ondiscutedenotremariage.

Bizarre, avant sa phrasem’aurait terrifiée, petit lecteur, je crois que je suis encore plusmaladecar…J’aienvied’enparler,jedésiredevenirsafemme,jen’aiplusaucundouteniaucunepeur.

Queveux-tuaborderenpremier?

Je le sens surpris et très heureux de voir que je neme fermepas commeune huitre. Il reprendalors:

Bienentendu,j’aimeraisqueDonellasoitvaincueavantcependant…

Oui?

Jelesenscherchersesmots.

S’ilnousarrivequelquechosedanslecombatquinousattend,jepréféreraisqu’onsoitdéjàliés.

Jesuisd’accordavectoi.Jeneveuxpascombattresansquenousnesoyonsliés,jeneveuxpasmenercetteguerresansquenotrefamillesoitofficiellementreliée.

Il a les yeux écarquillés, fixés sur les miens. Il ne s’attendait peut-être pas à ça ni à autant defranchise,néanmoins, jeneveuxplusperdreunesecondepourvivre,pourêtreavec lui,pournotrefamille,pourêtreheureuse…

Tuasimaginécelacomment?lequestionné-jedanslefeudel’action.

Ehbien,jeneveuxpasdegrandscomités.Enfait,j’aimeraisqu’onsoitseuls.

Seuls?

Sais-tucommentselientdeuxCojabau-delàdelachair?

Non,onnem’enapasparlé.

Attends,jevaistefaireunplateauavecdequoimangeretboireetjet’explique.

Ildéposeseslèvresavecdouceurdansmoncouetlaissesamaincaressermonépauletoutenselevant. Y’a-t-il encore quelque chose d’exceptionnel dans une union d’hybrides ? Je me mets àpouffer de rire, nous vivons dans un univers unique, évidemment que ça va être fantastique etmagique.Etpuiscen’estpasden’importequiquel’onparle,maisdeluietdemoi.Jeneveuxpasderobe, ça c’est nonnégociable, lemieux seraitma formehybride…En revanche j’aimerais quemes

parents,notrefilleetnosamissoientlà,avecnous,enfin...selonlesétapes,sionpassedirectementàla case torride, bien sûr ils n’y seront pas conviés, imaginons la tête de nos invités ! Je suisdiabolique!Jeneveuxpasqu’ilsoitencostumenonplus,nousnesommespashumainsaprèstout,noussommesnous,autantrespecternossangsetnotremanièredevivre…Ilrevientrapidementavecdequoisatisfairemafaim.Desmagnifiquesmorceauxdebœufscaramélisésetdel’ananas, toutcequej’aime,accompagnésd’unetisane.Tuesparfait!Ilsourit,ayantentendumespensées,ets’installedenouveautoutcontremoi.

J’aicouvertMoïra,elleronfle,commetoi!

Jeneronflepas!

Jevaist’enregistrerlaprochainefois.

Nousrionsdeboncœur,profitantdecemomentdebonheurdesplussimplesetpourtantdespluspuissants.

Alors,dis-moi,enquoicetteunionestexceptionnelle?

Déjàparcequec’estlanôtre,mentionne-t-ilavecfierté,etpuisaussiparcequenosénergiesvonts’unir,etquenousallonsneformerqu’un…

TuasdéjàassistéàunmariageCojab?

Non,maismonpèrem’aracontélesien.

Dis-m’enplus!

Ehbien, ilya lapartie,comme leshumains,d’échangesdevœuxd’éternitédevantGaïaet lesinvités.Monpèreetmamères’étaientinstallésprèsdelamontagneduvillage.Ilsavaientfaitunfeuetdisposédestapisdefeuillages.Danslescasdemariageintime,onoffreaussiauxCojabdequoimanger.Commecadeaudemariage,onleurdemandecequileurferaplaisir,etonleurcomposedesplateauxdenourritureetdeboissons,selonleurssouhaits.Mesparentsétaientdespersonnessimples,rit-il,caviar,foiegras,canardconfit,champagne…Ilsneportaientaucunvêtement,ayantchoisileurformehybridepours’unir.Seulsleursparentsétaientrestéslespremièresminutesdelacérémonie,ils chantaient toutdoucementalorsqu’HichametDonella laissaientparler leur cœur, laissant leursdoigts entrelacés. Jeme souviensdu texte quemonpère avait écrit : «Ma louve,monprécieux etmagiqueanimal,jem’unisàtoidevanteux,devantnotreterre,pourl’infinidecettevie.Tuasmarquémoncœurpartonâme,tuaspercémonêtrepartonregard,jet’appartiens,bienau-delàdesmotsdetoute lagalaxie.Tuesmamoitié,celleque j’attendais,et jeneveuxpluspasseruneseulesecondesansêtre le seuletuniqueCojabde toncœur. Je teprends toi, femme,Donella,pourépouse,pourmoitié,pourmontout,dansunamoursansfin,sansfaille,sansdoute.»J’aitoujoursétéémuparcepartagedemonpèreavecmoi.C’estsipersonnel,lessentiments…

Iltentedecacherseslarmes!Ilsemblesitouchéparcesouvenirdesesparents.Sonpèredoitluimanquerterriblement,etdevoircombattresamèredoitêtreunevraietorture.Ilreprendsonrécitlavoixtremblante:

Quandilsonteufini,ilssesontretrouvésseuls.Ilsontlaisséleurregardplongerprofondémentl’unenl’autre.Monpèrem’aditqu’ilavaiteulasensationdelirel’âmedemamèreetpouvoirtoutsavoir,toutressentird’elleetqu’elleavaiteucemêmeeffet.Commes’ilsavaientpuvisiterchaqueparcelledeleuresprit.Ilaperçusessouvenirsd’enfant,sespremièrestristesses,sespremièresjoies,ilamêmepuvoirdesviesantérieuresqu’elle-mêmeneconnaissaitpas.Etilapugoûtercetamourqu’elleressentaitpourlui.Iladitavoircommenagéàtraverslespagesd’unlivresansfin.Ils’estaussisentinu,devantelle,ilnepouvaitetnevoulaitplusrienluicacher,ellepouvaitvoyagerenlui,tout apprendre, tout comprendre sans aucune barrière. Cemoment fut long puisque, quand ils ontrepris leurs échangesdeparoles, la lune avait déjà fini demonter dans le ciel. Ils ont pupartagerleursdécouvertes,monpèrem’aditqu’ilsontbeaucoupricommedesenfantsàleursobservations.

Etensuite?

Jesuis totalementabsorbéeparsonhistoire, je trouvecetteuniondesplusromantiques,desplusintrigantesaussi.Totalementimpatientedeconnaîtrelasuite,j’enoubliemêmedefinirlemorceaudefruitquej’aidansmabouche.

Puis,ilsontlaisséleurcorpsparler,leurdésirétaitimmense,monpèrem’aavouéavoirmêmeenvie de la dévorer tant ses pulsions étaient présentes. Ils se sont unis charnellement, laissant destraces physiques de leurs ébats sur leurs corps…Mon père en gardait d’ailleurs une cicatrice aumenton.

Jemesouviensdecettepetitemarque,eneffet!Jen’auraisjamaisimaginédequelmomentellevenait!

Non,c’estévidentqu’onnepouvaitpastrouversurcecoup-là!

Etpuis?

Suiteàquoiilsontéchangéleursanneaux,symboleterrestredeleuramour.Et…

Etquoi?Tunevaspasmelaisserlà-dessus?!

J’imaginesibienlesscènes,avecElijaetmoi,quejeveuxconnaîtrelafin!

Etquelque chose seproduit à cemoment-là, un lienphysique se forme jusqu’à ceque la lunedisparaisse,quiliecorpsetâmeàjamais.

Quoicommelien?

Pourmesparents,çaaétéleurspaumesdepattesquisesontcommecollées,laissantpassertoutesles sensations, toutes les émotions de l’un à l’autre ; pour des amis, ça a été leurs lèvres…Toutdépend,jecrois,ducouplequel’oncomposeetdenoscœurs.Quandl’unestendanger,ousubituneforteémotion,c’estparcetendroitqu’onlesentennous.Mêmeunefoisleliendéfaitphysiquement,ilnepartjamais…

Jevois…C’esttrèsintense!Tupensesqueceseraquoipournous?

J’avouequejen’enaiaucuneidée,maisquej’aihâtedelevivreavectoi,monamour.

Nousnousembrassons,jeluimordilleunpeulalèvre,ilcomprendvitemonidéeetnousrionsdenouveaupeut-êtreunpeu trop fort carnotrepucenous rejoint unpeumal réveillée.Elle seglissesouslacouvertureprèsdenousetserendortpresqueaussitôt,mentionnantquenoussommescommedes enfants.Je t’aime,ma fille, si fort ! Jeme blottis alors contremon loup et laisse le sommeilm’emporter.Noussommessibien,là,aucreuxdesesbras…

Chapitre6

Jesuis réveilléepardessecoussesbrutalesdont jemeseraisbienpassée.Moïrame tientpar lesépaulesetmebalanced’avantenarrière,Elijan’estpluslà,etjelasenscomplètementtroublée.Soncorpspasseàtoutevitesseparsoncôtéhybride,bêteethumaine.Ellenecontrôleplusrien.Sesyeuxvertsplongentdanslesmiens,jesensquec’esturgent!

Maman,onadelavisite,réveille-toi!

Qui?

JékaoetWilla!

Jeviens,jeviens!

Jetiremesjambesavecdumaldesouslacouette,etpasserapidementmesdoigtsdansmacrinièrepourlacoiffer.Ellesautedanstouslessens,jenesaispassielleestlepluspaniquée,ouexcitée!Jemelèveetlasuis.Ellemetiredumieuxqu’ellepeuthorsdelamaisonoùm’attendentlesdeuxGnas.Ils ont l’air épuisé ! Jékao a des cernes noirs sous les yeux, ses ailes ne luisent plus et sont justebaissées dans son dos. Son corps porte desmarques toutes fraîches de combat. Lamagie a dû lesoignermaispasassezpourlesfairedisparaître.Willa,elleaussi,estlivide.Ellesemaintientsursonamoureuxdumieuxqu’ellepeut.Mesyeuxpassentenrevueleurcorps.Ilsontdesoscassés,ilssont détruits tant physiquement qu’intérieurement.Avant de commencer à parler, jeme baisse à laterre et lui réclame de les apaiser.Mes dons sont revenus, il faut quelques secondes pour que lesracinesdesarbres,lesfleurs,montentsurleursjambesjusqu’àcequ’ilssoientrecouvertsdepartenpart.Enuninstant,laterrerepartdanssonlit,etilsontunemeilleuremine,mêmesijesaisetsensquelesblessuresmentalessonttoujourslà.J’entamelaconversation.

Quenousvautl’honneurdevotreprésence?

Mercipourça!

Ilsmontrenttousdeuxleurscorpsmoinsmaladesetlaguérisonmagiquedeleursplaies.

Ontedemandedenousaccepterparmilestiens!lanceWilla,sanspréambule.

Pardon?Commentça?

Onsouhaitefairepartiedetonclan.

Attendez,j’aidumalàcomprendreladémarche,venezpar-là.

Jeleurmontrequelquesarbresunpeupluséloignésdelaplacepournepassusciterdavantagedequestionsdelameute.Elija,auloin,tentedecalmerceuxquisontdéjàànousregarderenalertedel’arrivéedesGnas…Lecouplesetientlesmainssansselâcher,fusionnels,jesensleurdésirprofonddeseprotéger.Jecroisqu’ilsn’ontpasdorminimangédepuisunmoment.Cequim’interpelle,c’estcommentfont-ilspouralleretvenirdanslevillagealorsquenousysommescoincés?

Nousavonsencoreledroitdepassage,Donellanousl’adonnécarnousétionsdesGnas,quandelleverraquenousnoussommesenfuis,nousseronscoincéscommetoi,ajouteJékao.

Pourriez-vousm’expliquercequ’ilsepasse?

LesGnassesontrangésducôtédeDonella.

Pourquoi?

Pour lepouvoir.Elle leurapromisplusdedons,plusde libertés.Elleveutdétruire lesCojab,détruirelesfées.Laplupartsontd’accordavecça,lesautresontjustepeurd’elle.

Donclà,ellevaattaqueravecdeshommes,dupoison,desarmes,desGnas?

Oui.

Nousn’allonsjamaisyarriver…

Trèfle,Alpha,nousoffres-tul’asile?

Euh,jevaisréunirlesmiens,installez-vouschezmoienattendant,jereviens.

Mespenséesvontdanstouslessens,nousneseronspasasseznombreux,niassezforts.Donellavanousbalayerd’unclaquementdedoigts.Jedoistrouverunemanièredenousprotégerplusfortequedecombattre.Comment?Lesautresmeutesneviendrontpas,ellesauronttroppeurdesreprésaillesmêmesiellesserontlesprochaines.Lelivre,peut-êtrequ’ilyaquelquechosededansquipeutnousaider?Laprophétiemerevientaussi,jesuispourtantcertainequecelaneparlepasdemoi.Maisdequi?Commenttrouvercesfameusesâmessœursquiauraientlepouvoirdesauvertoutenotrerace?Mes pas m’emmènent vers la maison de mes parents sans trop comprendre pourquoi. J’entre etdécouvremonpèredevantunetassefumantedecafénoir.

Bonjour,papa,tun’aspasl’airbien?

Tunevaspasêtrecontente.

Aussivitequesesmotssortentdesabouche,jecherchemamèreduregard.

Oùest-ellepassée?

Elleestsortieparlepassage,elleveuttenterderaisonnerDonella.

Unhurlementdebêtesortdemoi,faisantvibrerchaqueparticuledemoncorps,chaqueorganesecontractesouslapuissancedemonrugissement!Ellenem’écoutejamais,commentlepourrait-elle,jen’écoutepasnonplus…Mescrocss’allongent,mesgriffesaussi.

Essaied’avoirconfianceenelle.

Tun’espasinquiet?

Si,maisjesaisquij’aiépousé!Ettantquejenesenspasdedouleurdansmesmains,c’estqu’ellevabien.

C’estvotrelienphysiqueàvous?

Oui.

Je faisquelquespasvers luietdéposemespattessursesépaules.Je lesensangoissé,mêmes’iltentedelecacher.

Qu’a-t-elleentête?

Jenesaispas,machérie.

Peut-onlajoindre?

Nousnon,c’estellequiappelle.

Trèsbien, taprésenceest requised’ici trenteminutespouruneréuniond’urgencesur laplace,papas’ilteplait.Pourmaman,dis-luijustequ’ellefasseattentionpourmoi.

Jeserailà,machérie.

Papa?

Oui?

Jet’aime!

Moiaussi,ettamèreégalement,nedoutejamaisdecela!

Jemebaisseetleserrefortdansmesbras,sifortqu’ilentousse.

Tuasretrouvédetaforce,dit-ilensouriant.

Jeparsenluiadressantmonplusbeausourire,mêmesij’aidavantageenviedehurler.J’arriveàconteniraumieuxmacolèrepournepasleblesserouleminerencoreplus.JefaissigneauxCojabdehorsdemerejoindreetd’appelerlesautresafind’expliquerlasituationàtous.Jem’installeprèsdespierresaucentredelaplace.Cen’estqu’unequestiondetempsavantqu’ellen’arriveàpercerlesortd’Hécateetentrer.Jenepeuxpasmentiràmonclan.J’aipeur,jeneveuxpasmourir;pourla

premièrefois,j’oseledirehonnêtement,sanschichi,jeveuxvivre,jeveuxquetoutlemondevive!Lesunsetlesautresmerejoignent,tantôtenhybride,tantôtenanimal…Leursregardsbrillent,autantquelemien.Cevillageestsibeau,noshabitations,lesarbres,lesonduventdanslesbranchesetlesfeuilles… Chaque Cojab se tient droit, fier, tous semblables à des loups sauvages et pourtant sidifférents,devraiescréaturesfantastiquesbienplusgrossesqu’unsimpleanimal.Lesoleilestprésentau-dessusdenous,ilpercel’ombreettombeenpluiedelumièresurlaplace.Jemebaignedansl’undesesrayonsavantdecommenceràparler.J’essaied’ypuiserlaforcenécessairepoursupportercequiarriveraprochainement.Jenepeuxpaslesaideràgarderespoirsimoi-mêmejel’aiperdu,ilfautdoncquejemaintiennecelaenenchacundesmembresduclan.

Je me lance enfin quelques minutes plus tard. Ils sont tous là ! J’exprime au mieux ce que jeressens,cequiarrive,cequej’attends.Ilsontressentimeschangements,noussommesliésparlaluneetdoncilssaventquandquelquechosedefortsepasseenmoi.Jeneveuxriencacher;sansrentrerdanslesdétailsjeparledeTaïs,desGnasquidemandentasile,deDonella,decequinousmettousendanger…

Jecomprendraisivoussouhaitezfuir,seulementjepensequecelanerésoudrarien.Donellanes’arrêterapas!J’aipeurcommevoustous,jeveuxprotégerlesmiens,vous,moi,notrevillage…Jenesaispassijetrouveraiunmoyen,maisjevaistoutfairepouryparvenir.Maforceestlavôtre,lavôtreest lamienne,nousnefaisonsqu’un.Et je ferai toutceque jepeuxpourque laviequinousporteresteintacte!Jemebattraipournoustous!

Hécates’estassiseetjelislapeursursonvisage.Elletientsonventre,terroriséeparcequejedis.Jefreinemafranchiseettented’ymettreplusderondeurs.Jechoisisdesmotsunpeumoinsbruts,néanmoinsjenepeuxetnevaispasmentir.Chacundevrachoisirenayanttouteslescartesenmain.Malgré toutmon tact, lesCojab entrent dans une spirale d’indignation, d’irritation, d’explosion…Leurscrocscommelesmienss’allongentaumaximum.Leurspelagessedressent,enunemultitudede couleurs, noire, blanche, rousse, brune… Ils sont magnifiques. Aucun ne me coupe, tousm’écoutent jusqu’aubout. Jepeineà retenirma rageetmes larmesde fureur.Moïra estvenuemerejoindre,Elijaaussi,monpèresetientunpeuplusloin.Leursprésencesm’aidentàresterfixéesurles bonnes émotions. Je ne veuxpas revenir à la haine et pourtant c’est bien de ce sentiment qu’ils’agit,là,toutdesuite!

Qu’a-t-on fait pourmériter d’être chassé ? Tué ? Exterminé ?Mamère qui s’en va toute seulepensantqueDonellaapeut-êtreencoredubonenelle…Ilyauratoujoursquelquechoseàaffronter,àaccepter,àapprendre,àrepousser…C’estencoreplusdurdelutterquandonaenfinprisgoûtàlavie.Jemesenssibienavecmoi-même,entière,jen’aiplusenviedeporterdecarapace,plusenviederepousser lesautres, lesgensque j’aime,oude fuirquandlesémotionssont trop fortes.Jeneveuxplusdeviolence,oud’auto-torture.J’aifailliypasseraveclepoisonetlestiques.Frôlerlamortdesiprèsm’afaitprendreconsciencequelavieestprécieuse!Pourtant,jen’aipaschangécomplètement,jemesuiscommeaméliorée!Jerestechiante,grincheuse,capricieuseetj’assumeraitoujoursd’avoirducran,delafranchiseetdelaforce.Aujourd’hui,jesuisaiméecommejesuis,etceuxetcellesqueçadérangejeleurdiraisbien«venezprendreunepetitecaressedegriffes»!J’aimeraisquechaquemembredemafamillepuissetrouverenluicetéquilibred’êtrelui,l’harmoniedesesentirbienavecsoi, pour être bien avec les autres. Seulement, en étant traqués à tout bout de champ, comment lesaider ? Je ne les empêcherai pas de partir s’ils le souhaitent, ils doivent trouver en eux ce désir

profondetsauvagedelutterpourleursurvieetplusencorepourVIVRE.

Je suis partie dansmes spéculations, j’ai dû coupermon explication d’un seul coup sansm’enrendrecompte,avais-jefini?Ilsseregardentlonguementpuisreviennentàmoi.J’espèrequ’ilsontcomprisl’essentieletlemessagedemesparoles.J’angoisseàl’idéequetousdécidentdedéguerpir,cependantj’avoueyavoirpensémoi-mêmequelquessecondes,neserait-cequepoursauverMoïra,pourêtresûrequ’ellenesouffrepas.Maisquellevieaurions-nous?Elijas’approchedemoietcollesonflancaumien.Sachaleurmerassureunpeu.J’aihâtequelesilencesebrise,c’esttroppesant.JesursauteàlaseuleréponsequisortfinalementdesCojabdevantmoi;dansunélantouspoussentleurcridebête.Toussontprêtsàlutterpourgardernotreliberté.Leslarmeséclatentfinalementdemonregard,me transformant rapidement et totalement en louve blanche, je tonne avec eux le plus fortpossible. Ilsont tousdécidéde rester, tousaccepté laprésencedeJékaoetNya, tous trouvéeneuxcetteaspirationd’êtrelibre!

J’espèrequelaWiccaapuentendrequenon,nousnenouslaisseronspasmourirsanscombattre.

Chapitre7

JerejoinsWillaetsonmariquisesontendormissurlecanapé;jeneveuxpaslesréveiller.Leurlutte a dû les épuiser. Je me dirige avec discrétion dans mon atelier. Au passage je prends montéléphone, il est temps de le rallumer, j’ai assez puni Léo. Même si le bouclier sur le villagem’empêche de communiquer, lui a peut-être envoyé des nouvelles. Oui, petit lecteur, j’aimeraisévidemmentqu’ilaittrouvélestroisderniershybridesetsurtoutqu’ilsoitencorevivant!Jem’assoisaumilieu de la petite pièce après avoir ouvert le toit pour laisser entrer les rayons du soleil. Uninstantmonregardseposesurlatoiled’Elija.Moncœur,soudain,seserre.Aurons-nousletempsdenousuniravantdemenerlabataillecontreDonella?

Arrêtederuminer!

Elija,dansl’ouverturedelaporte,mefixed’unairattendri.

Jenet’aipasentenduarriver.

C’estfaitpour,monamour…Jepeux?

Ouiviens,jeveuxvoirsij’aidesnouvellesde…

Ilmecoupe:

Demonfrangin!C’estunebonneidée,oui.

Ils’assoitprèsdemoietmelaissecomposerlecodepourdéverrouillerl’appareilrose.Jenem’yfais toujours pas, avoir un téléphone n’est pasma partie préférée des changements opérés depuisquelquesmois.Oui, bien sûr, c’est tout demêmepratique ! Sauf quandonne peut pas nousmêmecommuniquer sur le danger auquel nous sommes exposés ! Trèfle, range tes crocs !Le téléphoneallumé,malheureusementriennesepasseavantunlongmoment.Etpuis,çabipenfin!UnseulSMSenplusieursjours,décidément!

«Mapetitelouve,mauvaisenouvelle,Donellaaétéplusrapidequemoi,j’airetrouvéunhybridemort,sanssoncœur.Jecontinuemesrecherchespourlesdeuxautres.Tumemanques…Léo»

UnCojablunaireenmoinsveutdirequ’elleadeplusenplusdeforcepourarriveràsesfins,etjenepeuxpasallerl’aider!Mesdoigtsdisparaissent,uncriinhumainsortdemoiàplusieursreprises,mesgriffesapparaissentbienplus longuesqu’habituellement.Mescrocss’allongent, tandisquemacrinièreprendsaplacesurmatêtepuismanuque;toutens’étoffantavecvolumejusqu’aubasdemesreins,passantdunoiretdesmèchesblanchesaublancdefleurdecotonsoyeux.Mespattesgrattentle

soldefureur.Commentfaire?

Calme-toi,déjà!

Jen’yarrivepas,ellemesortparlesyeux,elleprenddesviescommeonmangedesbonbons!Ellen’aaucuncœur.

Telaisserdominerparlacolèren’arrangerarien.

J’aibesoindecourir,j’aibesoindelaterresousmescoussinets,duventdansmonpelage.

Sorsalors,vas-y.Varespireretrevienspluszen.Làtuvaseffrayertoutlemondeouinciterlesplusbrutesàtesuivredanslaviolence.

Jepasseprèsdelui,mefrottantentièrementàsesjambes.Etparssansplusunmot.Jepasseprèsduruisseau et fais signe àMoïra deme suivre.Elle prend forme animale en quelques secondes et jedevinede la joie en elle, se rendant comptequenouspassonspar lepassage secretpour sortir duvillage. Nous nous mettons à courir si vite que tout défile autour de nous. Le bruit de l’eau quiclapote, les branches des arbres qui tapent entre elles un rythme sourd et rapide. Les parfums defeuilles, dubois, de l’herbehumide, des animauxet de fleursqui semêlent.Leprintemps est bienavancéàprésent,onsentmêmelesfruitssauvagesetleurssaveurssucrées.Jemerendscomptequelebouclier bloque tous nos besoins de nature.Ma fille estmagnifique, ses yeux émeraude scintillentplusquetoutuncielétoilé.Safourrureaussiblanchequelamienne,mêmesousformedelouvejedistingue ses sourires. Sa crinière est un peu moins volumineuse mais elle forme des petitesbouclettesàchaquefindemèche.Elleestfantastique,j’auraispubienentendum’attacheràellesansmesentirenveloppéedanscerôle,cetinstinctde«maman».L’amournes’expliquepas,l’amoursevit, l’amour étourdit et nousmarque pour toujours, surtout celui qui concerne un enfant. L’amourn’est pas contrôlable, je l’ai compris et ressenti avec elle, l’amour prend sa place et grandit sansqu’onnepuisserienyfaire.Ilnem’aurafalluquequelquesmoispourtomberenamourpourelle.Ellea toutcassé,mesbarreaux,macarapace, toutestpartienpoussière.Sonaffectionm’alibérée,elleadiscernémonâme,etasulapurifier.Puis,m’aindiquéunchemindeviebienplusbeau,bienplusmagiquequeceluiquej’avaisemprunté.Elleasuavantmoiliremonâme,etdevinerquijesuis.Elle a deviné avec justesse et innocence, dès notre première rencontre, ce qui se cachait au plusprofonddemoi.C’estsiintense,détectercelienquisecréemalgrésoi,pourlequelonnepeutpaslutter,pourlequelonadéposétoutearme,toutearmure,etdeconstaterque,finalement,ilfallaitjusteaccepterd’aimer.J’étaispourtantterroriséeaudébutdevoiravecquellefacilitéelles’estlogéedansmoncœur.Lesseulsquej’aimeaveccettesensationden’ytrouveraucunebarrièresontmesparents;pourtant,mêmeaveceux, j’aigardéuncertainvoilequin’ajamais tenuunesecondefaceàMoïra.D’unesijeunelouveajaillimonenfant,àprésent,mafille,mêmesijenel’aipasportéedansmesentrailles,chaqueparticulequimecompose,chaqueénergieémanantdemoivibrepourelle.

Noussentonslaprésencedeshommes,nombreux,danslebois.Jen’aipasenviedetombersureux,je les éviteaumieuxavecmapuce.Donella n’est pas dans la forêt, nous enprofitonsdurant deuxlonguesheuresetfinissonsparrentrer,ayantattirél’attentiondecertainschasseurs.

Maman,jepeuxallerjoueravecNoha?

Oui,parcontre,cesoirj’aimeraisqu’onregardelelivretouteslesdeux.

D’accord.

Elleseprécipitecontremoi,mecâlinerapidementetrepartverslamaisond’AmandeetJerry.Biensûr que j’ai envie d’y aller pour voir si tout va bien !Cependant, je sais quemameilleure amien’apprécieraitpasque jeviennemaintenant.Elleadavantageenviede resterseuleavec luietde lechouchouter, chose que je comprends.C’est durmais je dois résister encore aumoins un jour oudeux.Jemedirigealorsvers lamaisond’Hécate.Elleavait l’airbien fatiguéeen libérantJerrydel’emprisedeDonella.IlafalluplacerdesmaléficespourprotégerAmandeetNoha.Tayebn’étantpasassezfort,Hécateadûaider.Jesuisdevantleurporte,pasletempsdetoquerqueTayebm’ouvre.

Elleestdanslecanapé,jedoisallerchercherdequoimanger,jetelalaisse.

Pasdesouci.

Jerefermelaporteenverreavecdélicatesseetmedirigeverselle.Lorsqu’elletournelatête,sonvisagemeglacelesang.

Qu’est-cequisepasse?

Jem’agenouilledevantelleetmerendscompteàquelpointelleestvidéedeforce.

Jecroisquemonbébénetarderaplus.

Maistunedoisaccoucherquedans…

Jeréfléchisetreprends:

Sixsemaines!Cen’estpastroptôt?

Non,net’inquiètepas,leseulsouciestquejesuisvraimenttrèsfatiguée.

Jepeuxfairequelquechose?

Peut-êtreoui.

Quoi?

Mepromettrequetuseraslàquandjemettraiaumondemonbébé.

Jesuisgênée,celafaitdeuxfoisqu’ellemeleréclame.

J’enseraihonorée,etjeteprometsd’êtrelà.

Jelaprendsdansmesbras,ellesemetàpleurertoutàcoup.Alorsquejemerecule,Tayebestdenouveauavecnous.

Net’inquiètepas,lafatigueetleshormonesfontunsacrécocktail.Tiens,machérie.

Illuitenddesfruitsetunebouteilled’eau.Vuleregardqu’ilsselancent,jem’éclipseendouceur,leslaissantprofiterdeleurtranquillitéetsereposer.

Jefaisletourduvillageetdemandeàchacuns’ilabesoindequoiquecesoit.Tousmènentleurvieaussibienquepossible.Certainss’entraînentaucombat,loindesenfantsqui,eux,sonttousengroupeaucentredenotrehameauavecTomas,leCojabinstructeur.Dansnotreclan,lesparentssechargentde l’instruction la plupart du temps, cependant Tomas aide surtout sur l’histoire et les arts et lesdiverses activités pour ceux qui le souhaitent. C’est un vrai passionné et ça se sent. C’est un loupimposant,de formehumaine lorsqu’il donne les cours, ilmesureunmètrequatre-vingt-neuf !Lespetitshybrides lenomment l’arbre.Cesurnomluivabien. Iladescheveuxextrêmement longsquitombentnattésenpetitsfilsd’eaujusqu’auhautdesescuisses.Danschacunedesespetitestresses,desfeuillesvertesysontglissées.Sesyeuxontlacouleurdesnuagesremplisdepluie.Ungrispresquetransparent.Sonnezest toutfinetseretrousseunpeuquandilsourit.Jenel’ai jamaisvuavecsescrocsdeloupd’ailleurs,ilatoujourssonapparencehumaineetjecroisqu’ilestleseulàporterdesvêtementsauseinduclan.Enrevanche,ilabeauétayersesbicepsetsahauteuràmerveille,savoixest en totale inadéquation avec son physique, d’une douceur sans aucune comparaison possible.Lorsqu’ilparle,ondiraitqu’ilchantedesberceuses.Toussontcaptivésalorsqu’ilracontel’histoiredenosancêtres.Ilyaunequinzained’enfants,d’âgesdifférents,etaucunnetroubleleconteur.Iln’aaucunlivre,ilconnaittoutparcœur.Jemeposeuninstant,pourécouteraveceux.

Avez-vousuneidéed’oùnousvenons?

Non,répondentlesenfantsenécho.

Souhaitez-voustenterdel’imaginer?Qu’est-cequevousenpensez?

Lesenfantsréfléchissentavecsérieuxàlaquestion.Certainsreprennentenparlantdedieu,d’autresdisent que la terre nous a sortis de ses entrailles comme une graine, ou encore qu’on était desanimauxqui,aufildessiècles,ontmutépours’adapter…Tomasesttrèscurieuxdechaquethéorie,illesprendtoustrèsausérieuxets’appliqueàcequ’ilssesentent tousimportantsetécoutés.Chaquehistoirerévèleavecinsouciancecequ’ilsontdanslecœur.Jesuisémuedesentircettepassionqu’ilsmettentdansleursréflexions.Tousimaginent,échangent,décortiquentlesidées.CelamerappellelescoursavecAmaya.L’intensité,lacuriosité,lajoied’êtrecomprise,respectée,sesentiràmaplaceetavoirenviedegrandirdanscemonde.L’instructeurreprend:

Jepeuxvousconterl’histoirelaplusconnueetracontéeànotrepropos,maispersonnenepourravouscertifierquec’estcelle-ciquiestlavérité.Ilvousfaudrachoisir,ressentirenvous,cequivousparleleplusetrespecteraussiceuxetcellesquipensent,croientetvoientdifféremment.

Les petitsCojab se replacent dans les feuillages, semettant à l’aise et attendant avec impatiencecette légendequinousconcerne.Tomasprendalorscettevoixenivranteetcommencel’histoire.Jeresterai là des heures à l’écouter, il a vraiment un don unique pour captiver et enseigner, c’estcertain !Certainsenfantsn’avaient jamais testé lesapprentissages iciavec leursparentsouTomas,maisjecroisqu’ilsyontviteprisgoût.

Jedevraisêtrejaloux?chuchotemonlouptoutenm’enlaçant.

Absolument!

Hum!Tuserasfouettéepourtoninsolence!

J’ycomptebienetarrêtedeliredansmespensées!

J’essaie,maisparfoisc’esttoiquiouvrestoutsanst’enrendrecompte.

Jesavaisquetuétaislà,moncher.

Jemeretourneetl’embrasseleplustendrementdumonde.Cebaiser-làestencoreplusfortquelesautres. Je suis surprise, j’ai la sensationdem’envoler, si haut, si vite que j’en ai le souffle coupé.C’estdoux,c’estchaudetfroidenmêmetemps.Jefrissonne.Mesdoigtssemêlentàsescheveuxetpassentdélicatementsur lescontoursdesonvisage.Ila lesyeuxouverts, toutcommemoi,etnousnousfixons,rendantcemomentencoreplusintime,chacunnoyédansleregarddel’autre.

Chapitre8

Aprèsunejournéebienremplie,Elija,notrepuceetmoiretrouvonsnotrechez-nouspourlerepas.Discrètement,jedemandesiAmandevabienàMoïraquimeconfirmequetoutestremissurpattes,commeelledit.Monloupnousapréparéundélicieuxplatd’escalopesdedindeàlacrèmeavecdespatatesdoucesaufouràlacoriandre.Ilenafaitbeaucoup,etpourcause,WillaetJékaosontréveillésetaffamés.Tousattablés,ilesttempsdecreuserunpeulepourquoideleurprésenceetleursoudaineenviede faire partie denotre famille. Je rentre immédiatement dans le vif du sujet alors quenousmangeons.

Est-cequevousêteslàtemporairement?Qu’attendez-vousexactementdemonclan?

On y a beaucoup réfléchi, répond Willa, tu es la seule qui propose les libertés que noussouhaitons pour notre avenir. Nous n’avions déjà plus cette identité de Gnas dans nos âmes.Seulement, on pensait que notre devoir était d’y rester pour changer la donne de ce qu’ilsenvisageaient.

Sijevousdéclaremembresdenotremeute,vousnepourrezplusreniercelien.Chaquemembredecettefamilleestliéàmoi,àlalune…Vousyavezpensé?

Ohchouette,moij’adoreWilla,murmureMoïra.

Nous savons, Trèfle, nous avons pris notre décision et attendons la tienne, dit Jékao d’un tongrave.

Il est si supérieur, cet homme fée.C’est fou d’être si sérieux tout le temps.Elija a entendumespenséesetpouffederire.Je luifais lesgrosyeuxafinqu’ilsecalme,cequienclencheunfourirepourluietnotrepuceincontrôlableetpourmoiquifinisparsuivre.

Pardon,dis-jedumieuxquejelepeux.

Dequoi?demandeWilla.C’estvrai,Jékaoabeaucoupdemalàsortirdesacoquille.

Etelleaussifinalementsemetàrire.SeulJékaocontinuedemanger,toujourstrèssérieux.J’essaiedepercersesgestes,sesmimiques,seulementilévitetoujoursmesanalysesavecfacilité.Monloupsertlecafé,alorsquejedébarrasse.Jen’aitoujourspasprisdedécisionconcernantleurentréedansnotre clan. J’ai du mal à me positionner par rapport à lui. Moïra est partie m’attendre dans machambrealorsqu’Elijadéfait lesofapournos invités.Willasous ladouche, jeprofited’êtreseuleavecsoncompagnonpourcomprendrecequ’ilaentêteexactement.

Tun’aspasl’aird’appréciermonclannimoid’ailleurs.Pourquoitueslà?

Jen’appréciepersonne,pasmêmemoi,Alpha.Laseulequivautmavie,c’estWilla.

Jenem’attendaispasàcetteréponse.J’enchaînealors:

Pourquoiêtrevenuici?

Elleatellementconfianceentoi,elleteconfieraitsavieetcelledenotreenfant.

Elleestenceinte?

Oui,elleveutlemeilleurpournotrebébéet,pourelle,c’esticilemeilleurendroit.

Etpourtoi?

Jenesaispas.

Pourlapremièrefois,Jékao,quiressembletraitpourtraitàTayeb,laissesortirsessentiments.Ilattrapesescheveuxavecsesmainsettiretrèsfort.Ilsembleàboutdetout.Sesailestremblent.

J’aimeraisquecesoitclair,maisriennel’est!Tayebneveutpasentendreparlerdemoi,etjelecomprends,jenesuisqu’ungéniteur,pasunpèrepourlui.CettebêtiseavecDonelladated’ilyasilongtemps!dit-il,lesdentsserrées.

Celanemeregardepas,jeneveuxpasconnaîtretesraisons,enrevanchejepeuxteproposer,situ en as envie, de visiter le village demain ?Rencontrer les autres ?Afin que toi aussi tu puissesprendreunedécisionsurcequetuveux.

Jenesaispascequej’aipudireoufaire,maissonregards’éclaireetsesailesdeféess’étendentlargementdanssondos.

Oui,merci.Jepensequecelapeutm’aider.

Ils’estapaiséaussivitequ’ilestpartidanssatourmente.Ilal’habitudedecontrôleretsurveillercequi sort de lui, et sûrement pensait-il qu’on le jugeait pour Tayeb... Décidément, on apprendapparemmenttousànerienmontrerdecequ’onestetdecequ’onressent!Willal’appelle,ilpartlarejoindretandisquejefileversmonateliermeposeravecMoïraetlefameuxlivre.

Papanevientpasavecnous?

Si,ilvasûrementarriver.

Je t’aipréparé sur la toile tous les symbolescorrespondantàdes sons, carcetteécriturene sedivisepasenlettresmaisensonsdirectement.

D’accord,maisdis-moi,celivrevientdetonancienvillage?

Vu la couverture, oui.Onenavait plein,de trèsvieuxaussi.Chaque familley écrivait commedansunjournalintime.

Sais-tuàquicelui-ciappartenait?

Non,iln’yapasdenomdessus,c’estd’ailleurstrèsbizarre.Ons’ymet?questionne-t-elle.

Oui,allons-y.

Elleprendsesexplicationsausérieux,etjesuisdumieuxquejepeux.Ilyaunetrentainedesonsàsavoir,sanscompterlesdessinsquis’ajoutent,parexemple:lacsedessineenovaleavecdespetitstraits formantdesvaguesalorsquemerestendemi-cercleetocéan, lui,n’aqueplusieurs traitsdevagues.C’estassezintensedetoutretenir,Elijaquinousarejointsvabienplusvitequemoiàsaisirlesdéfinitions.Lespremièrespagesdulivrenommentplusieurssortesdesortilègesassezpuissants.Ony trouve lemaléficequia inspiréDonellaavec les tiquessaufquedansceluiécrit, ce sontdescafards.Jefaisuneénormegrimaceàcette idée.C’estvraimentécœurant.Lesautresnesontguèremieux.Des sortilèges pour rendre fou, pour vider les corps de leur sang, pour dominer certainesracesdecréatures…Cen’estvraimentpaslespremièrespagesdel’ouvragequimepassionnentalorsqueMoïraprendplaisiràapprendre,àlire,àcomprendre…Nousarrivonsensuiteaupassagesurlaprophétie.Moïraessaiedelatraduireleplusjustementpossible:

Çaditquedeuxhybrideslunaires,l’unexistantàtraversl’autreoul’ununiàl’autre,briserontlepouvoir des Gnas pour en finir avec la dictature. Les hybrides lunaires seront alliés, une attachepuissanteentreeuxexistedepuistoujours,etpersonnenepourralabriser.C’estcequifaitleurforce.Ilsauronteneuxuneénergiesanségale,guidesdeGaïa,protecteursdescréatures,ilslibèrerontlaterreet lesvivantsde toutechaînededomination,depouvoir. Ilsserontépauléspard’autresCojablunaires,etpar la luneelle-même.Ceuxqui leur ferontconfianceretrouveront leurs facultés, leursdons,etleursharmonies.C’esttoutcequiestécrit,maman.

Merci,ma chérie, ça confirmeque cela ne parle pas demoi, c’est une bonne et unemauvaisechose.

Moïrasefrottelesyeux,ellebâille.Elijadécidedelaporterdanssachambre.Jelaserreavanttoutcontremoietl’embrassesursajouetoutechaude.

Jet’aime,petitefemme-louve.

Jet’aime,maman,àdemain.

Alorsqu’ilssortentdel’atelier,jereprendslefildemesidées.IlrestedeuxCojabàtrouver,siLéonelestrouvepas,commenttrouverons-nouslespersonnescenséesnousdélivrer?Letéléphonequej’avaislaisséicisemetàvibrer,c’estunappeldeLéo.Pourvuqu’ilm’entende.

Allo?

Trèfle?

Oui,attends,vitetantquetupeuxm’entendre.Donellanousatousemprisonnésdanslevillage,jenepeuxpast’appeler,nimêmet’envoyerdemessage.

Jemesuisdoutéqu’ilsepassaitquelquechose.J’aitrouvélatraced’undeshybrides.Est-cequevousavezbesoindemoi?

Non,continuetesrecherches,çadevienturgentdelestrouver,sinon…

Jevaisfairemonpossibleetviterentrer.Est-cequetoutlemondevabienaumoins?

Pourl’instantoui,ellenousacapturés,maislessortsd’Hécatenousgardentàl’abri,jusque-làdumoins.

Monfrère?

Ilvabien,net’inquiètepas.Surtout,appelle-moiavantd’arriverauvillageetfaisattentionàtoi,s’ilteplait.

Tut’inquiètespourmoi,petitelouve.

Jenedevraispaseffectivement,maisoui!

Jeterappelled’iciquelquesjours.Faisattentionàtoi.

Ilnem’apas laissé le tempsd’ajouterunseulmot, ila raccroché. Ilapeut-êtreaussidessoucisaveclessbiresdeDonella.Monlouprevientetattendquejeluiexplique.

J’aientenduletéléphone.Commentva-t-il?

Jedonnelesmalheureusesinformationsqu’ilm’adonnéeset,alorsquejetermine,Elijamesautedessus.Sijen’avaispasconfianceenlui,jeseraissûrementmortedetrouille!

Tuveuxbienqu’onparlemariage?

Encore?

Sioncontinuedes’embrasser,onvadéraper!

Oui,et?

Trèfle!!!!m’implore-t-il.

C’esttoiquiascommencé!

C’estvrai.

Ilterminesonbaiserpassionnéetsereculeavecdifficultédemoi.Ildétournesonvisageaussi.

Jesuisunesigrandetentation?

Tuesdiabolique.

Jevaisprendrecelapouruncompliment.

C’enestun.

Ilrevientalorsversmoiavecplusdedouceur,s’allongeantsurmoncorpsdenouveau.Soncœurbatàtoutrompresoussontorsechaudetdur,commeduchocolat,prêtàfondresousmalangueouàcraquersousmescrocs.Jepassemesongles,setransformantpetitàpetitengriffes,danssondos.Jene leménagepaset lesplantedanssachairplusieurs fois,cequi l’excitedavantage.Nos lèvressefrôlent, sesmains passent surmes seins. Je sens que le désir que je repousse depuis des semainesrevient comme un boomerang au creux de mon intimité. Je suis humide alors que la chaleurm’étouffe,étourdietandisquemonespritn’ajamaisétéplusclair.Monsouffles’accélère,jepasseunderniercoupdegriffessursesfessestotalementcontractées.Ilsoulèvesoudainunpeusoncorpsetmebousculesurlecôté,s’ajustantlelongdemondosetmesfesses.Toutesonanatomieestremplied’appétitpourmoi.Jesenstoutcetamour,cedésir,cettetransequivitenlui,etquiselanceverslamienne.Nousnousenlisonsdanscetteextase,abandonnanttoutescontraintes,touteslogiques,toutesraisons…Ilcontinuesesbaisersetsesmorsuresdansmoncou,alorsqueleboutdesesgriffestitilleavechabilitél’extrémitédemestétons.Jecambrelebasdemesreinsfrénétiquement,j’aitellementenvie de lui. L’une de mes mains passe derrière mon corps entre lui et moi, mes doigts sepositionnent alors sur le haut de son sexe, frottant avec ferveur la petite peau fine et très sensible.Dansunélan, ilpasse l’unedeses jambessauvagemententre lesmiennesetensoulèveune.Onnetientplusetc’estalorsqu’ils’inviteenmoisanspréambule.S’ilnel’avaitpasfait,jeseraisdevenuetotalementdangereuse!Desgémissementsaccompagnentsescoupsdereins,monplaisirmontedeplusenplushaut,atteignantunmontencorejamaisvisitéjusque-là.Ils’amusesubtilement,ilnegèreque trop parfaitement ses pulsions. Il s’arrête et attend, patiemment, toujours au chaud.C’estmoi,dansmafolieetlapassion,quireprendslesva-et-vientaussibrutalementqueluijusteavant.Ilstoppealorssescaressessurmapoitrineetattrapemespoignets,lesbloquantau-dessusdematête.J’aimecela,lesautressenssedéveloppentalorsplusintensémentencore.Ilmecroquedeplusenplusfortetjemesensfondrephysiquement,moralement, toutdevientcoton.Jeprendsalorsconsciencequejesuisnifaiblenifortedanscetinstant.Jesavouresimplementunplaisirdechairetdecœurpartagéavecl’hommequej’aimesansessayerd’expliqueroujustifiermespenchantsoulessiens.Onneselivreaucunmot, seulsnos soupirsde jouissancesemêlentensemblecommedesnotesdemusiqueparfaites. Nous nous mêlons et nous endormons dans un bien-être infini, notre peau parseméedavantagedepetitsovalesargentés.

Siseulementnotreréveilavaitpuêtretoutaussiremarquable…

Chapitre9

Trèfle,qu’est-cequetuas?

Jenesaispas,j’aidescrampesdansleventre.

Essaiedetelever.

Sijepouvais,jeseraisdéjàdebout!

Tuasmalcomment?

Trèsmal.Queveux-tuquejetedisedeplus,onn’apasdedocteursurlevillage.C’estd’ailleursregrettable!

Viens,jevaist’aideràteredresser.

Monloupplaceuncoussindansmondos,lesoleilselèveàpeine.Lesspasmesquirythmentmarespirationmefontatrocementsouffrir.JecrainsunerechutedumaléficedeDonella.ElijaestpartichercherTayeb, j’essaiede respirer,celadevientdifficile.Moïradortencore.Heureusement.Je nedois pas crier, tout va bien, souffle !Respire ! Tiens bon, Trèfle. Jeme répète cela en boucle. J’ail’impressionquelesdeuxfrèresmettentdesheuresàvenirm’aider.Uneodeurpénètremesnarinesetme donne la nausée, je baisse les yeux et découvre que je saigne, non pas à cause de nos ébats,puisque c’est demon orifice jamais visité que s’écoule le liquide pourpre. Je ne peux pas bougeralorsqu’ElijaarriveenfinetqueTayebrécitedéjàdesformulesmagiques.

Trèfle,as-tudéjàeutesrègles?demandesoudainlesorcier.

Pardon?

Oui,est-cequetulesasdéjàeues?

Non,jen’aiplusd’utérusdepuisl’enfance.

Cetteannonceàhautevoixestencoreplusdouloureusequemoncorpsàcetinstant.WilladébarquedanslacabaneetdemandeàTayebdesepousser.

Jevaist’endormirpourt’aider.N’aiepaspeur.

Elleposesamainsurlesol,fermelespaupièresetmarmonnetandisquejeparsaupaysdesrêvesoùellesetientdroitedevantmoisouriante.

Tuesvraimentdansmessonges?

Oui,jepeuxenvoyermonespritdansceluidesautres.

Qu’est-cequim’arrive?

Jecroisquelaterreatrouvélemoyendetefaireuncadeau.

Commentça?

Quandtuasdemandéqu’ellenousguérisse,est-cequetut’esrenducomptequecertainesracinessesontenrouléesàteschevilles?

Non!Jen’aid’ailleursriensenti.

Jecroisqu’ellet’aguérieaussi.

Jenecomprendstoujourspas.

Tudisneplusavoird’utérus?

Oui.

Quandtum’assauvée,j’aisentiteschaleursetteshormones,doncildevaitresterentoiunepetitepartiedecetorgane.

Onm’aditn’enavoirplusaucunetrace.

Seulelaterrepeutsentirvraimentdequoinoussommescomposés.

Donc,tuveuxenveniroù?

Jepensenepasmetromperentedisantqu’ellearéussiàréparercequitemanquait.

Jeposemesmainssurlebasdemonventre.Jesuisdansunrêve,jevaismeréveiller,toutvatrèsbien!

Siellem’aréparéecommetudis,pourquoij’aisimal?

Bienvenue dans le monde des femelles, les règles, surtout celles qui ont tardé à venir, sontdouloureuses,avecça tuassûrementdû fairede laplacedans toncorpspourque tout reprenneetpuisse revenir à la normale. J’ai stoppé l’hémorragie avec la poussière des fées. Tu peux revenirparminous.

C’estfou,sij’aidenouveauunutérus,çaveutdireque…Non,c’estimpossible!J’ouvrelesyeuxsurmesamisquimesourient.WillafaitsigneàTayebdesortiretdenouslaisserunmoment.Alorsqu’ilspartentetrefermentlaporte,Elijameregardeaveccuriosité.

Jenesaispascequisepasse?Tupeuxm’expliquer,monamour?

Je,ce…Riendebiencertain!

C’est-à-dire?

Willapensequ’entantqueguidej’aireçuuncadeaudelaterre.

Souffrir,vraimentsympacommeoffrande.

Enfait,ceseraitmesmenstruations,etl’effetd’unutérusreprenantsaplace.

Jemontrelebasdemonventreentouchantduboutdemonindex,jemerendsd’ailleurscomptequejesuisunpeugonfléeàcetendroit.

Tupourraisporter…

Jet’arrête toutdesuite,Willapenseque…Moi, jenesaispas.Nevapas imaginerquoiquecesoit,alorsqu’onestsûrderien.

Non,bienentendu!Est-cequetuastoujoursmal?

Unpeu,maisc’estmoinsviolent,jesurvivrai.

Tuveuxquej’aillechercherlepetitdéjeuner?

Oui,s’ilteplait.

Ilm’étreintquelquesminutesetmelaisseunpeuseule.Jenecomprendspasbiencequim’arrive.Ça parait incroyable !Tout est ahurissant depuis un moment dans ma vie ! C’est trop pour moi !Vraiment,ça,jenepeuxpaslegérermaintenant.

Jemetsdecôtécetteidéed’organerestaurébienquecelaexpliquetoutdemêmeaussiceshistoiresdechaleur!Et je tentedemeconcentrersur lesCojab lunaireset laprophétie.J’espèresi fortqueLéolesretrouveenvie.Moïramerejointetapportenostassesfumantesdetisaneàlavalérianeetàlaverveine.

Ilpensequej’aibesoind’apaisement,papa?

Oui,jecrois,j’aiprislamêmequetoi,maisj’aiajoutédubasilicfrais.Ilarriveaveclestartines.

Tuasbiendormi?

Oui,maisj’aiunefaimdeloup!

Ellesouritlargement,montrantsescaninespointues.Mapuceesttoujoursjoyeusedetout,c’estsibond’êtreenfant,etdevoirleboncôtédetout.

Tusaispeut-êtrequeLéovatrouverlesdeuxCojabdelaprophétie.

Jel’espère.

OnbattraDonella!dit-elle,déterminée.

Etcommenttulesais?

Parcequ’onestlesplusforts!

Tupensesquec’estlaforcequinousferagagnercontreelle?

Oui,carnous,dansnotreforce,onal’amour!

Je la prends affectueusement dans mes bras, tout est vrai quand elle le dit. Elle voit et ressenttellementprofondémentleschoses.

Tuasdejolisdons,mapuce,tupeuxêtrefièredecequetuesetpossèdesentoi.

Moiaussijesuisfierdetoi,continueElija,arrivantavecdeuxénormesplateaux.

Il les dépose entre nous trois et met une tranche entière de pain dans sa bouche. Nous restonsstupéfaitesdevantsamanièredemanger.

Onpeutsavoircequiteprend?

J’aigagné!!s’applique-t-ilàdire,labouchepleine!

Tricheur!Tun’asmêmepascompté!crieMoïra.

S’ensuit une véritable course de tartines, ou chacun tente de battre l’autre. Je les admire jouerensembleetrireenécho.J’aimeraisquenotreviesoittoujoursainsi.

***

Quelquesheuresplustard,j’arriveenfinàmeleveretàmemettresousladouche.Lebruitdel’eauqui tombesurmapeauetmonpelageapaisemes sens. J’ai toujoursdepetitesgouttesde sangquicoulentdemoncorps,jen’aipourtantplusderéelledouleurencomparaisonàcematin.Jeprendsletempsdemelaverausavonnoiretdemesécheravantd’emmenerJékaovisiterlevillageetparlerauxmembresdemafamille.Elijaestparti lesprévenirquenousallonspasser,MoïraestdéjàavecTomaspourlasuitedel’histoired’hier.Jeretrouvel’hommeféeimpatientdanslacuisine.

Onyvaquandtuveux,lance-t-il.

Trèsbien,jesuisprête.

Àpeineletempsdeluirépondrequ’ils’estdéjàpostédevantlaporte.Lebeautempsestaurendez-vous,nousnousdirigeonsverschezmesparentsenpremier.

JeteprésenteLowf,monpère.Papa,voiciJékao.

Bonjour,quemevautl’honneurdevotrevisite?

Votrefillememontrevotrevillageavantquejeprenneunedécisionsurl’avenirquejeveux.

Vousavezdesquestions?demandealorsmonpèretoutenmontrantunechaise.

Lesdeuxhommess’assoientetcommencentàdiscuter.Jékaoaeneffetunemultitudedequestions;qu’est-cequirendnotreclanexceptionnel?Lesavantagesdelavieicienforêt?Lesinconvénients?Quefontlescréaturesdeleurjournée?…Jesuiscaptivéequandleportabledemonpèresonne.

Excusez-moiuneminute.

Ilmeledonne.

C’estpourtoi,machérie.

Jedécrochevite,ayantcomprisquemamèreestàl’autrebout.

Maman,tuvasbien?

Bonjour,saletéd’hybride.

Mesmusclessefigent,jesuistotalementimmobiliséeparlapeur.Seulemabouchearriveàtrouverlaforcedebouger!

Situtouchesuncheveudemamère,je…

Tu riendu tout, tu as jusqu’à laprochainepleine lunepour lever le sortque jepuisseentrer !Sinonellemeurt!

Tuvaspayerpourça!

Pourl’instant,c’estellequipaie!

Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh!

Mamèrepousseunhurlement longet strident,Donella la torture. Je jette le téléphonecontreunmur, il explose enplusieurspièces sur le sol. Je frémis, jenepeuxpas lever le sort, sinon tout lemondemourra!Commentsauvermamère?Monpèreacomprisetareprisdumieuxqu’ilpeutlaconversationavecJékao,quiestmalàl’aise.Jedécidedeluiconfierlavéritéafinqu’ilnepensepasqu’onluicachequoiquecesoit.Sonregardchangeetilfinitparmedire:

Jet’aiderai!

Jesuisétonnée.Jemeposeprèsdemonpèreetleprendsparlamain.Jecherchemesmotspourlerassurerquandc’estluiquim’exprime:

Amayaestforte,tutiensçad’elle,machérie,elleaconfianceentoi,toutirabien.

Décidément,commentpeut-ilenêtresûr?

Ilfautqu’ontrouvecommentsauvermaman.Seulement,sortiretsemettreau-devantdeDonellanejouerapasennotrefaveur.Jevaisallerrevoirdanslelivresijetrouvequelquechose.Papa,peux-tu…

Ilterminealorsmaphrase:

Terminerlavisiteduclanavecl’hommefée?Sansproblème,machérie.

J’embrassemonpèresurlajoueetretournechezmoi.Jem’enfermeànouveaudansmonatelieraveclessymboles,dessinsetautresdéfinitionsqueMoïram’aécrits.J’essaiedetrouverunsortpourlocalisermamèreetquandjeletrouve,cesontlesingrédientsquimelaissentperplexe,bourrache,œildecrapaud,ailedepie,sablefin.JerejoinsElijaaveclalisteinscritesurunpetitboutdefeuille,et lui résumant le danger pour ma mère, lui demande de m’aider à trouver ce qu’il nous faut.Seulement, l’ailedepievaêtre leplusduràobtenir sanspouvoir sortirduvillage. Il s’occupeducrapaudalorsquejevaisdemanderlabourracheàHécatequienatoujoursd’avance.Jeneveuxpasl’inquiéter, j’explique seulement que c’est pour une leçon pour les Cojab en instructions. Elle esttellementexténuéequ’ellen’arrivepasà réfléchir,cequim’arrange.Jenesaispascommenta faitmonloupmaisquelquessecondesaprèsilestdéjàlàavecl’œiletlesable.

Commentonvatrouverl’ailedepie?Pis,fautlatuer?

Onn’apasvraimentlechoix,répondElija.

Jen’aimepascetteidée!

Jet’avouequemoinonplus.Cependant,j’aibientuélecrapaudpoursonœil.

T’espassérieux,là?

Non,j’enavaisvudesmortsprèsduruisseau,net’inquiètepas.

Tonhumourn’estpasàmongoûtaujourd’hui,moncher!

J’essaiedetrouverunesolutionquandquelquechosemevient,lesortilègequeDonellam’alancése fait normalement avecdes cafards, elle a réussi enprenantdes tiques. Jepeuxpeut-être trouverquelquechosepourremplacerl’aile.Oui,j’aitrouvé!!

Chapitre10

Je fouille dans toutesmes affaires, avec l’espoir de retrouver cette aile debuse, offerteparuneamied’Amayaquandj’étaisenfant.Jepensequecelaserasuffisantpourlesort.Jedéfaislepeudevêtementsquej’ai,moncoffreàsouvenirsaussi…Jelatrouveenfin,biendisposéeau-dessusdemeslivresfavoris.Certes,ilfaudraitquejerangeunpeu,ceserapourplustard.Aumomentoùjevaistoutinstallerdansl’atelier,montéléphoneafficheunSMS.

«Jesuissurlepointderentrerdanslevillage.Àtoutdesuite.Toutou»

Mince,celafaitdéjàquinzeminutesqu’ilmel’aenvoyé.Jemehâted’alleràl’entréeduhameau,espérant que rien ne lui soit arrivé. Je l’aperçois au loin, entouré par la meute le questionnant.J’avanceplusvite,j’accélèrelepaset,spontanémenttoutenpoussantlesCojab,leprendsdansmesbras,laissantcoulerquelqueslarmesdesoulagement.

Tun’aspasàpleurer,toutvabien!

Jenepleurepas!

Si,si,tupleures,maman,ajouteMoïra,venuelesaluer.

Jemedétachedeluidifficilement,toutm’amanqué.J’aibeaunepasl’aimerd’amour,l’affectionque je lui porte est bien réelle. Je suis si heureuse qu’il soit de retour. Il n’a pas l’air blessé nimalheureuxd’ailleurs.Luiquisemblaitsitristeladernièrefoisquel’ons’estvu.Ilparaitsatisfaitetcomblé.Ilataillésabarbesurlescôtésetn’agardéquesalonguetresseaumenton.Sescheveuxsontpluslongsettoutébouriffés.Sonpelageteintéparlecoucherdusoleilesttoujoursaussimagnifique.Jedéposemespaumeslelongdesesbrascommepourtâterquetoutestbeletbienenplace.Ilrigoledemoi,maisj’assume.

J’aiunesurprisepourtoi,Alpha,dit-ildesonplusbeausourirenarcissique.

Oui?

JeteprésenteCalionetVana,lesdeuxderniersCojablunaires.

Tulesastrouvés!crié-jed’apaisement.

Deuxhybridess’avancentversmoi.Leursvisagesexprimentunebienveillanceetunegentillessesurprenantes.Tousdeuxarborentunechevelureblondecommelesblés,raideetfinecommedestigesde fleurs. La pointe de leurs oreilles perce les mèches tombant avec légèreté sur leurs épaules.

Quelquechosemefrappesoudain,leursregardsbrunssontidentiques,lesridesd’expressionautourde leurs yeux sont esquissées de lamêmemanière. Leurs nez parfaits partagent à part égale leursfigures.Leursbouchessontdessinéesdansuneperfectionabsolue.Seule l’extrémitéde leurscrocsapparaîtdéposéesurleurslèvresroses.Iln’yaqu’enregardantleurcorpsqu’onserendcomptequel’unestunjeunehomme,etl’autreunejeunefemme.Desjumeaux!Laprophétie,c’esteux!Ilssontmagnifiques.Trèfle,disquelquechose!

Bienvenuedansnotreclan.

Merci,AlphasTrèfleetLéo.Noussommesheureuxd’êtrelibres,répondent-ilsenécho.

Ilsontbesoinderepos,murmureLéo.

Chezmoiimpossible,j’aiJékaoetWilla,ilfautqu’ilsaillentcheztoi.

Trèsbien,soupire-t-il.

Ilouvreundesesbrasqu’ilpassesurmeshanchestoutendéposantunbaisersurmajoue.

Tum’asmanqué,petitelouve,chuchote-t-il.

Puis, il les invite à le suivre. Je me retiens de leur parler de la prophétie maintenant, ils ontsûrementbesoindesouffler.Cependant,jemeursd’enviequ’onstoppeDonellaleplusvitepossible.LesCojabs’éparpillent,l’espoirestdenouveauprésentdanslescœurs.Moïramefaitsignequ’ellerejointsonamiNohaquil’attendprèsduruisseauquichante.Jeresteàlesadmirerquelquesinstants,c’estsibondevoircettevie.Onvaréussirànoussauver,àlessauver!J’ycroisdetoutmonêtre!Elijamerejoint,a-t-ilsaluésonfrère?

Biensûrqueoui!

Pardon,jeneveuxpasteblesser.

C’estmonfrère,Trèfle,onabeaut’avoiraimé…

Jelecoupesanslevouloir:

T’avoiraimé?

Léonet’ariendit?

Medirequoi?

Ils’estprisaujeudel’amouravecVana!

Sérieux?

Jemanquedetombersouslechocdesarévélation.Jen’airienvu,rienressentientreeux,etilnem’arienditdutout.Çaexpliquesûrementcettequiétudequej’aiperçuetoutdemêmechezlui.Elija,

en revanche,a l’air légeretnettementplusà l’aise.Vana,donc,bon... elleest juste incroyablementmagique,etellea l’air tellementdouceet joyeuse.Jesuisheureusepour lui,etpourelle. Ilméritel’amour!

Tun’espasjalouse,monamour?

Tucraignaisquejenelesois?

Unpeu,oui.

Tun’asdoncpascomprisquetuesleseuletl’uniquedansmoncœur?

Tuviensdéfinitivementdemelemontrer.

Ilmesoulèvedusol toutenm’embrassantavec tendresse.Jecroisquec’est l’unedespremièresfoisquenouslefaisonsenpublic,puisquechaqueloupquinousentourestoppesonactivitéetnousfixe,cequinouscontraintàralentirunpeunosélansd’amour.

Allonsàl’atelierpourlesortilège,s’ilteplait,demandé-jediscrètement.

Oui.

Ilmesuit,metenantlamaintrèsfort.C’estagréabledesentircetteénergieentreluietmoi.

***

Onabeautoutessayer,cemaléficeneselancepas!Jesuismontéesouspression.Jem’efforcedeme concentrer, rien n’y fait, impossible de trouver ma mère. Elija tente lui aussi, mais en vain.Pourquoiilneselancepas?Nedérapepas,Trèfle,non!Troptard!Mevoilàdenouveauentraindehurler au loup, de rage. Impossible de contrôler cela, mes hormones, si c’est bien, poussent lesémotionsàleursplusgrandssommets.Jebalancetoutcommeuneadocapricieuse,Elijasetientloindemoietattendquej’arriveàreveniràmoi.

Net’enveuxpas,c’estnormalquetusoisdanscetétat,c’esttamère,monamour.

Jen’arrivepasàluirépondre,mescrocssortis,mespattesrevenues,lalouveenmoiapristoutelaplace.J’aijusteenvied’allertuerDonella.

Elleadûfairedesenchantementsautourd’Amayapourqu’onnelaretrouvepas.Tun’aspasuncharmedanslelivrequipeutaumoinst’aideràêtresûrequ’ellevabien?

Saquestionm’aideàme tranquilliser.Mesdoigts réapparaissent. Je tourne lespages leplusvitepossible, tentant de comprendre chaque titre des envoûtements. Un d’eux attire mon attention« communiquerd’esprit à esprit », seuls ingrédients, le sangdespersonnes concernées et une aile

d’oiseau.Jeneprendspasletempsd’échangeravecmonloup,mesmainsexécutentlesétapesalorsquemoncerveauneseconcentrequesurlevisagedemamère.Quelquesgouttesdemonsang,l’ailedebuse,j’allumelabougiepourl’ancrage.J’appellelaterreàm’aideràcommuniquer.Jem’imagineenracinéeicietmaintenant,puisjelaissemonespritpartirverselle.Lesangs’estmisàbouillir,jesensl’odeurautourdemoichanger.Unechaleurm’enveloppedel’intérieur,commeunecouettequise dépose enmoi. Je ne sais pas si je respire ou non, je ne sens plus aucun demesmembres, jen’entendsplusaucunson.Jeparcoursdessortesdetrouscolorés,jepassepardeslieuxjusteteintésde vert, ou bleu, ou blanc…C’est intense comme un voyage spirituel. Je finis par percevoir dessensationsquinem’appartiennentvisiblementpas.Delacrainte,del’angoisse,delatristesse,etaussitellement d’espoir, tellement d’amour, d’harmonie…Est-ce moi qui grelotte ? Est-ce que c’est laterrequivibresousmoi?Jesensuneconnexion,est-cequecelaafonctionné?

Maman?

Machérie,commentfais-tupour….

Net’inquiètepas,est-cequetuvasbien?

Tupensesquejenesuispasassezforte?tente-t-elledementionnerenriant.

Maman,cen’estpaslemoment,dis-moisiçava?

Oui, je tiendrai,Trèfle, elle n’apas l’air satisfaitedepuisquelquesheures, quelque chose s’estpasséquinevapasdanssonsens.

Sais-tuoùtues?

Non,ellemedrogueavecdesplantes,jeneperçoisrienàparttoi,là.

Es-tublessée?

Pourl’instantquelqueségratignuresseulement.

As-tutrouvécequetucherchais?

Non,monamieestpartie,jedoismerendreàl’évidencequ’ilneresteplusriendecettesorcière-louve que j’ai connue. Elle a sombré dans la folie. Je devais le voir de mes propres yeux, tucomprends?

Oui,jemedoutaisquetutenteraisdelasauver.

J’aimeraisaumoinsunechose,sil’onpeut.

Quoi?

Qu’onl’enterredignement,sicelanousestpossibleunefoistoutcelafinit.Elleméritedurespectpourcequ’elleaété.

Onferatoutpour,jetelepromets.

Ilssontnombreux,Trèfle,surtoutnesous-estimepasleursforces.Lamêmehainelesanimeetleslie.

Commentlesais-tu?

Avantqueladroguenefasseeffet,j’aipuécouterleurspropos,lacolèredominechacundeleursgestes.Avez-voustrouvécommentlavaincre?

Onaunesolution,oui.

Trèsbien,filemaintenant,avantqu’ellenes’aperçoivedequelquechose.

Tiensbon,maman,jet’aime.

Moiaussi,jevousaime,rappelle-leàtonpère,s’ilteplait.

Toutsefloute, toutsecoupe.Jene l’aipasvu, j’étais justedanssonespritmaissipeudetemps,troppeude temps.Ellea l’aird’alleraussibienquepossible.Monloupmetientpar lesépaulesetsemble ému. Je ne sais pas combien de temps le voyage a duré, ilm’a semblé qu’il n’a pris quequelquesminutesetpourtant,d’aprèslapositiondesrayonsdusoleil,cesontdesheuresentièresquiontdéfilé.L’ailedebuses’estcoloréedesmêmesteintesquecellesquej’aitraverséesetlesangs’estévaporé.J’éteinslabougie,plussereine,quandmonloupprendlaparoletoutdoucement.

Entetouchant,j’aisentitessentiments.Tuesrassurée.

Oui,jevaisallervoirmonpèreetluidonnerdesnouvelles.

Jeresteici,jevaisprendreunedoucheetpréparerdequoimanger,onenabesointouslesdeux.

Jeterejoinsdansladouche,monloup,onprépareralerepasensemble.

Ilglousseaveccontentement.Saprésenceetsonaffectionm’apportenttoutcedontjemanquais,meportent,meguident.Ilestunevéritableforce.Jen’aijamaiscruauxâmessœurs,pourtantjedoisbienavouerque,quand jeplongedanssesyeuxsombres, toutdevientclair, toutest facile,etbon.C’estcommesionétaitdéjàrelié,chacunedenosâmessembles’êtrereconnue.Jenesauraietnepourraiplusvivresanslui.Jemarchesurmaroutedevie,ilestlesoleilquim’attireàlui,toujoursplusfortetplusbeau.Sentircequ’ilpense,subtiliser lemoindredesesmouvementspourlefrôler,prendrechaquebaiserpouruncadeaudesplusprécieux,nagerdanssesyeux,auplusprofonddecequ’ilestetm’ouvriràluipourlerecevoirdanschaquepartiedecequejesuis…Ilmedonnel’espoird’unavenirunique.Ilm’aconvaincuequedeuxpersonnespeuventsecompléterd’unemanièrequivaau-delàdelaterreetdesvivants…

Onvaréussir,ànousdeux,avecnotreclan,lesjumeaux,nousallonspouvoircombattreDonella.

Chapitre11

Aprèsêtrealléerassurermonpère,mevoilàrentrée,etpourtantpasàl’endroitprécisoùj’aimeraimetrouver.JékaoestlàégalementetacommencéàmefairelaconversationalorsqueWillacuisineetpréparedesbrochettes.

Jemesuispermisd’invitertonamieAmandeàmangeravecnouscesoir.

Parfait!lancé-je,untantinetagacéetoutdemême.

Ila l’air ravidesavisiteetparlebeaucoupdemonpère,cehéros!Jen’avaisaucundouteàcesujet!Lapleinelune,c’estdemain,onn’apasparléauxjumeaux,etjen’aipaspupassercemomenttantespéréavecmonloup.Touts’accélèrepourtoutlemondeetnousnesommesmêmepasmariés.

Jepensequenousseronsbienici,finitl’homme-fée.

Cesderniersmotsmetirentdemespensées.Jeflaireunevraieenviechezluid’êtredésormaisavecnousetdefairepartiedecettefamille.

Jevousinviteraicesoirauseindenotrefamille.

Mesmots font apparaîtreunapaisementetune joie énormesur levisagedeWilla. Je suis raviequ’ilssoienttousdeuxsiheureux,mêmesilecombatapprocheetquejen’aipaslasensationqu’ilssachentbienquelsdangersnousguettent.

Monamour,pourquoitunem’aspasr…

Elijaneterminepassaphrase,découvrantquejenesuispasseuledanslacuisine.Ilacquiesceversmoi, d’un signe de tête comprenant ma « non » venue à ses côtés. Quand brusquement, la portes’ouvre et tape sur lemur, laissant entrer deuxpetits loups courant dans tous les sens, semordantparfois et tournoyant autour de la table… Puis ma meilleure amie, et Jerry arrivent également,refermantplusdélicatementlaporte.Ellenousenlacetousunparunsansaucunegênemaisrestepluslongtemps collée à moi. J’ai bien changé, j’apprécie sa tendresse. Jerry arrive en face de moi,j’attendsqu’ilmeparlelepremier,çam’éviteradefaireunegaffe.

Bonjour,Trèfle,etdésolé.

Salut,onvarecommenceràzéro,ceseramieux,jecrois!

Ilal’airrassuréetjelesuisaussi.Lasoiréesepassedanslajoie,malgrécetteangoissepourma

mèreque je tente denepasmontrer.Chacun rit, chacunblague, tous enprofitent.Et dire que celapourraitêtretoujoursainsi.Alorsqu’ilesttard,jelancemademandeàlalunedelesunirauclan.Elledéploie ses paillettes argentées sur les deux nouveaux membres de notre famille sans plus decérémonie.NouslesfélicitonsetnoussouhaitonsbonnenuitquandTayebsemetàcrierdetoutessesforcesdehors:

Trèfle,Trèfle,c’estmaintenant,Trèfle!

Jefonceversleurmaisonsansprendreletempsdesaluermesinvités,suivieparAmandeetMoïra.

Qu’est-cequisepasse?

JedécouvreHécateaccroupieau-dessusd’unepetitecouettevertetachetéedesang.Ellepoussedescrissourdsetgravestouteslesminutesetmeregarde,totalementpossédée.

Elleaccouche,maman!J’aidéjàvuçadansmonvillage.

Elle,elle…

Jenesorspasdemots.

Oùesttamère?demandealorsmonamie.

Elleestoccupée,ilvafalloirfairesans.

Ellesemblepaniquer,jelesuisaussi.Jeprendsmoncourageetm’avanceverselle.

Amande, amènede l’eau fraîche, passe-lui sur le visage.Tayeb, tu te places derrière elle et tumasseslebasdesondos.Moïra,tu…chantes!Pourqu’elleseconcentresurtoi,etpassurladouleur.Hécaterespireetquandtusensqueçapoussemets-ytoutesforces.

Jepassealorsmesdoigtsentresesjambesetdécouvredespetitscheveuxtoutnoirs.Lebébéestbelet bien en train d’arriver. Comme une chanson, on se rythme tous au corps de notre amie.Moïrachantedesairsde sorcièreset tapedoucementdans sesmains.AmandeetTayebsontparfaits.Unenouvellecontraction,etmonamiesemetàpoussertoutenserrantsamâchoire.

Encore,encore,latêtesort!

Uncriretentit,plusfortcelui-ci;ellepuisejusqu’auboutetenfinjedécouvreentresesjambeslatêtedesonenfant.Jefaisvitepourvérifierquelecordonn’estpasautourdesoncou,lacontractionsuivantesortlerestedesoncorpssansl’aidedemamanquin’aplusaucuneforce.AlorsqueTayebl’accompagnepours’allongersurledosendouceur,j’attrapelebébéquiaterminésacourseverslalumièreetledéposesurlapoitrinedesamère.Amandeprendlepetitplaidàcôtédenousetleposesureux,attendrieelleaussiparlascène.

Merci,Trèfle,meditHécateàdemi-voix.

Derien,bienvenueàtapetiteprincesse.

Jepassemamainsurlajouedupetittrésorqu’elletientcontreelle.Lacouleurdesapeauestbonneetellecherchedéjàlesein,cequiesttrèsbonsigne.Jedécidedeleslaissers’apprivoiseretcontrainsMoïraàsortirelleaussidel’habitation.Laluneesthaute,jerespireplusieursfoisl’airfrais.J’aibienfailli tomberdans lespommesquandmême.Donner lavieestunsacrédéfi, surtout sansmamèreavec nous. Finalement, la petite semble en parfaite santé. C’est rassurant et des bonnes nouvellescommeçafonttoujoursdubien.J’aiputenirmapromessed’êtreprésente.

Maman,elleval’appelercomment?

Jenesaispas,mapuce,onverrabiendemain,ilsontbesoindesommeil,etnousaussi.

Jesuisheureusequ’ellesaillentbien.

Jecomprends,teschantsontbienaidé.

Tucrois?

Oui,çaaapaiséHécateetguidésafille,j’ensuisconvaincue.

Elleattrapemamain,rempliedefierté,etnousrentronscalmementcheznous.

***

Lanuitestpasséetropvite,lesoleilnes’estpasmontrédelamatinée.Touts’enclenchedansnosviesd’unemanièrerapideetinattendue.Nousn’avonspasletempsdesouffler!Lesenfantsontétémis à l’abri, les Cojab sont prêts à accueillir Donella. Seule ombre au tableau, les jumeauxVanaetCalionn’ontpasréagi trèspositivementànotredemanded’aidepour luttercontre ledangerquiarrive;ilssesontcontentésdenousdirequ’ilsferaientaumieuxetontreprisleurdiscussionàmi-voix.Jenesaismêmepassi,finalement,ilsvontréellementnousaider,ets’ilsnelefontpastoutlemondemourra.J’aitoutdemêmepréparélespierresdontilsontbesoin,selonlaprophétie.Jegardeespoir.Noussommestousrassemblésauseinduvillage,saufmonamieHécatequis’occupedesonbébé.Certainsparlent,d’autresrestentdansleurspensées,labouleauventre.Nousallonspartagerlerepas,etattendrequeDonellafassesonapparition.Jesaisqu’elleatrouvécommentleverlecharmequinoustenaitprotégésici.Ellen’apaseubesoinquejefassequoiquecesoitfinalement.Elijanemelâchepas,metenanttantôtlamain,tantôtparleshanches.

Onneseramêmepasmariésfinalement.

Onauratoutletempsaprès,monloup,tenté-jedelerassurer.

Lanuittombedoucement,etdestremblementsdansnospattessefontsentir.Ellenenouslaisseramêmepaslasoirée…Unevoixrésonneautourdenous.

Vousalleztousmourir.

Alors qu’elle semontre enfin face à nous, habillée d’une robe rougemoulante, un de ses brasmanquant, tenant ma mère par les cheveux de l’autre. Je résiste à l’envie de lui bondir dessus,attendantqu’elles’avanceencoreunpeu,chosequ’elleneferapas,laissantsespartisanss’élancersurnous. Humains, sorcières, fées, vampires… Tellement de créatures se sont ralliées à elle. Ilsbondissentsurnousavecrage.Labataillecommence,brutalement;ilfautdoncenpasserparlà.Mescrocss’allongent, j’embrasseElija rapidementetme lancesurundessorciersquiattaquentTayeb.Sansaucunehésitation,jeluiarrachelagorge.C’estsoiteuxsoitnous!Queferais-tu,petitlecteur,aubeaumilieud’uneguerre?J’enchaînemesattaques,necomptantpaslescorpsquitombentausolautantdemonclanquedansceluidenosadversaires.Jen’aiplusaucunespoir,saufpeut-êtreceluid’arriverjusqu’àlawiccaetdeterminercequej’avaiscommencé,quandj’entendslecrid’unloupquim’estfamilier!Léo!Jemeretournerapidement,ilmefaitsignedeluidonnerlespierresquejeluibalance.Jen’aiqueletempsd’apercevoirlesjumeauxsemettreenplacesurlamoussevertedelanaturealorsquetoutoulesprotègedumieuxqu’illepeut.Jesensdespoingss’acharnersurmoietjetombeàmontoursurlaterrerecouvertedusangdececombat.Mamainposéesurunboutdeterrainnonsouilléparlabataille,jeluidemandealorsd’aiderVanaetCalionafinqu’ilspuissentaumoinssauverceuxquirestentetstoppertoutça.Jékaoestblessé,Willapleuresurluietlesuppliedelutter.JenevoisplusElija,monpèreaussiestcouchéausol.

Gaïa,s’ilteplait,aide-les,çadoitcesser!

MonregardrestefixesurDonellaquiperdpeuàpeusonsourire,jemerelèveetmerendscomptequelescréaturessontimmobilesalorsquelesCojablunaires,Willaetmoi,nousnoussommesmisàscintillerautantquelalunemontantedansleciel.Cettelueurblanchebrillantenousreliesoudainetfilemêmeversl’endroitoùnousavonscachélesenfants,Moïra,mafilledoitbrilleraussi.Jesensmescôtes,mesblessuresseréparer.Nosadversairesontlespiedsenlisésdanslaterre.Jedoisviteenprofiter,jeprendsmonélanpourbondirsurDonellamaisjesuisdevancéeparLéoqui,passantau-dessusdemoid’unbond,arriveférocementsurelle.Marespirationsecoupe, lascèneestdesplussauvages. Ilne lui laissepas le tempsdecomprendrecequi luiarriveet luiarrache lagorge,puisplante sesgriffesdans soncœurqu’il retireviolemmentde sapoitrine !Ellen’apas tentéun seulsortilège,c’estétonnant!Elles’abatsurlesol,sansvie,jemetsdutempsàréaliserqu’ill’avraimenttuée,queçayest,ellen’existeplus.Mamèrefoncesurmonpère,paniquéedelevoirensang.Alorsquenosadversairesreprennentpossessiondeleurcorps,jefinisparhurlerauxloups:

Courez,ouons’occuperadevousachever!

Iln’enfautpaspluspourqu’ilsdéguerpissentaussivitequepossibledenotrevillage.JemejettesurElijaquejetrouvedeboutprèsdesjumeaux.

Jet’aimetellement!

Etmoidonc,monamour.

Les Cojab poussent leurs cris, certains de joies, d’autres de peines. Nous avons perdu certainsd’entrenous,ilneserapasfaciledefairededeuildesdisparus.Cependant,leshurlementscontinuent,

et c’est dans le soulagement que tous accueillent cette fin de combat commencé dans une seuletourmente,qu’onyperdetouslavie.NousrallumonslefeuetremercionslesdeuxCojablunairesquinous ont permis de gagner, ils sont humbles et assurent ne pas avoir fait grand-chose, alors queTayebessaiedeguérirceuxquipeuventl’êtreavecsamagieetlapoussièredesféesdeJékaoquiapuserelever.Nousnettoyonslaplaceavantd’allerchercherlesenfantsetenroulonsnosdisparusdansdes tissusblancspour les brûler plus tarddans lanuit.Amande et Jerryvontbien,même s’ils ontquelquesblessuresassezprofondes,ilssourienttousdeuxetaidentlesautres.

Tupensesqu’ilsvontrevenir?medemandeTomasdesavoixmélodieuse.

Je me retourne et découvre un Cojab des plus surprenants, noir, blanc et gris à la fois. Aussiénormequedanssonapparencehumaine.

Jenesaispas, jepensequ’ilyaura toujoursdesdangersmaiscesoir leplusgrandestécarté.Peut-êtreunpeutropfacilement.

Elleétaittrèsfaible,Trèfle,murmuremamèrederrièremoi.

Commentça?

Pourleverlesortquiprotègeleclan,elleapuisédanssesforcesdesorcièremaisaussidanssoncorpsphysique,ellenesavaitpasqu’elleallaityperdreunegrandepartiedesesdons.

C’estpourçaqueLéon’apaseudedifficultésàenfiniravecelle.

Oui,ajouteAmaya,meprenantdanssesbrasuninstant.

Tomas et elle repartent vers les autres, je reste un peu éloignée. J’ai besoin de reprendre mesesprits.Legoûtdusangdansmabouchemedégoûteunpeu,etjen’aipasaimédevoirtuercesgensmêmesijen’avaispaslechoix.Elijasepostedevantmoietlance:

Marions-nous,maintenantoutoutàl’heuremaiscettenuit.

Jen’aipasletempsderépondrequenotrefillenousattrapedanssesbrasetcrie:

C’estunetrèsbonneidée!

Semarierderrièrecegâchis?

Non,semariersuiteàcettevictoire,pourvivreheureux!relancemonloup.

Bonus

Tum’asconvaincue,ohmonloup,nousvoici,là,l’unenfacedel’autre…Tumesouriscommesiriend’autrenecompteàpartnous.Jetoucheunbonheur,unéquilibrequejamaisjen’auraispenséréels.La luneestdéjàhautedans leciel,etnous inondedesonreflet.Tonpelagescintillesoussespaillettes,toi,monElija,lanuittevasibien.Lesétoilesnousaccompagnent,lebruitduruisseau,leslueursdesbougiesquetuasinstallées,toutçasembleêtreunmirage.Jesuisassiseentailleur,mestraits d’hybride assumés, et pour la première fois je ne ressens aucune angoisse, aucun doute àproposdecedontj’aienvie.Tucaressesdoucementmesmainsavectesdoigtsettesgriffes.Es-tutoiaussiémerveilléparcettejoieetcetamourinfinisquinousenveloppenttelleuneénormecouverturemoelleuse et chaude ? Mon cœur s’emballe et frappe plus vite sous ma poitrine, ce n’est pasdouloureux, seulement enivrant. Nos amis, et mes parents sont là. Ils se tiennent très discrets etattendentavecimpatiencenoséchangesdevœux.

Tunem’aspaslaissébeaucoupdetempspourlespréparer,cependantjen’aipluspeurdelaisserparlermoncœur.Lesmotssontprêts, je rassemblemespenséesalorsquemamèresemetà taperavec légèreté sur son tambour, accompagnée par les chants mélodieux de notre fille. NotremerveilleusepetiteCojab lunairequia rendu lemot famillesi fortet fantastiquepournous. Jemelance,enfin:

Jetechoisis,toi,Elija,ouplutôttoutmonêtreesttombéamoureuxdutien.Ilseconsumedepuisque,tesyeuxdanslesmiens,tuasavouém’avoirdétestéepuisaimée.Depuisquetum’assuiviedansmesfolies,dansmesdouleurs,dansmesallégresses.Cetteflammequibrûlesansfin,enmoi,pourtoi,n’adecessedeprendredel’ampleur.Chaquesecondequenouspassonsensembleépanouittoutcequejesuis.Tum’asfaitéclore,monloup.Tum’asrendulavue,tum’asrendulavie,tum’asoffertl’amouretl’asfaitnaître.Jecroisaujourd’huiqu’onpeutêtredestinéàquelqu’un,jesuisconvaincuedeprovenird’unmoulemagique,d’unemoitiédeforme,oùnoushabitionsfinalementdepuislanuitdestemps.Onnefaitqu’un,pourtantilyabienuntoi,unmoi,unnous,ettoutecetteharmoniedontnosâmess’étourdissentsansmodération.Jemecachais, tuasbrisécettecarapacesans te lasserdemesnombreuxdétoursavantd’êtrenueaujourd’huifaceàtoietprêteàt’épouserpourl’éternité.Jen’arrêteraijamaisdet’admirer!Tuesbeau,tuesmalumièredanslanuit,monpilierdansmavie,mesailespourvoler,laplusbelledeschansonssurlaquellejeneveuxjamaisarrêterdedanser.Tuesplusqu’unedrogue,plusque l’airquenous respirons, tues tout,Elija, tuescet intégralde toiquirythme à la perfection l’entièreté de «moi ». Je t’aime, au-delà desmots, de nos baisers, de noscaresses, tout ce que je suis, des forces comme mes faiblesses, tout va vers toi, tel un aimantensorceléquinedésirequ’êtreàtescôtés.Jet’aime,jet’aime,etoui,jeveuxêtretafemme,talouve,tontoutsitoiaussituveuxbiendemoi.

Jem’arrêteetmerendscomptequetoutmoncorpss’estmisàvibreravecmesmots.Deslarmesse

sontéchappéesdemonregard,alorsqu’Elijalaisseéclaterlessiennes.Ilaresserrésesdoigtsautourdesmiens.Ilestému,toutcommemoi.J’enaioubliénosinvités,pourtantAmayaetMoïracontinuentdenousaccompagnerenmusique.Jereprendsunegrandeboufféed’oxygèneetmereplongedanssesbilles obscures où j’aime tant nager désormais. Il me laisse quelques minutes de silence, puiscommenceàsontouràparler,toutbas,commeunmurmure:

Monamour,Trèfle,nedoutepasdecequetureprésentespourmoi.Tuastoujoursétél’unique,tuas toujours été la seule àme donner l’envie de vivre, deme battre, d’espérer. Tu as fait fuirmesombres,tuasdéposétestracesindélébilesàl’extérieurcommeàl’intérieurduloupsauvagequejesuis.Jevisdansunecomplétudesanslimitesdepuisquetuasfaittombertesbarrières.J’aitoujourssu,avantmêmequetoitunet’enrendescompte,quetuseraismienne.Caroui,jet’appartiens,ettum’appartiens.Cetamourfusionnelpourraitnouseffrayer,pourtantc’estlàqu’estnotreforce,notreéquilibre.Jemesenscomblé,chanceux,det’avoir.Tumeremplisdefierté,dejoie,depuissance!Jesaiscombien tum’aimes,etcelamesuffità restermoi-mêmedans toutcequenousallonsvivreàpartirdemaintenant,ettoutcequenousavonsdéjàtraversé.Noussommessortisdeslabyrinthesquinousséparaientpourenfinêtreensemble,c’estlemerveilleuxcadeauquem’afaitledestin.Pouvoirtetoucher,t’embrasser,sentirtapeaumaisaussitonâme.Jet’auraisattenduencore,etencore,cariln’y a que toi qui me conviens, qui me connais, qui me respires et me fais vibrer avec autantd’intensité !Qu’avec toi que je souhaite chanter ce refrain d’amour éternel.Oui, je t’aime, louve-femmesauvage,oui,jeveuxmelieràtoidansl’infinidenosvies.

Je pleure,mes yeuxmiel sont noyés sous le liquide salé qui perle sans se tarir surmes joues.L’absencedenosinvitéssefaitremarquerauboutdelonguesminutes.Noussommesseuls,dansunsilence légeret féerique.Ilouvresesbras, jem’yengouffresanspréambule.Mabouchesedéposedélicatementsurlasienne,tousnosgestessemblentsurnaturels.Noscorpss’unissentavecdélicatessel’unàl’autrecharnellement.Soudain,alorsquenosespritssontloin,trèsloindetout,noussentonschaquepartiedenospeaux,totalementargentéesdésormais,quisefrôlent,selierphysiquement.Toutcequipeutêtrescelléledevientenquelquessecondes.Nousnepouvonsplusbouger,durantunlongmoment.Lalunesemontreplusfortequed’habitude,ellelancesurnousautantd’énergiequ’ellelepeut.Noussommesmariés,noussommesliésàjamaisl’unàl’autre.Ilestàmoi,jesuisàlui.Jeneréalisepas,jesuisjusteheureuse,amoureuse,VIVANTE!Jamaisjeneregretteraicettevie,cequetues,cequenoussommes,amants,amis,marietfemme,parents.Jamaisjenedouteraidenous,parcequ’aujourd’hui,véritablement,jesuis!

Àtoi,petitlecteur,millemercisd’avoirsuivimonhistoire,mesévolutions,mescaprices…Peut-êtrese retrouvera-t-on pour une suite ?Que lamagie soit dans ta vie, comme elle berce lamienne. Etsurtout,soistoi-mêmecarl’authenticitéestlaclefdetout…

Remerciements:

Unpeuparticulierpourcettefindesaga,jesouhaiteremerciermesgnomes.

MerciàmaGrande,monminiboutdefemme,quiesttoujourssifièredemoi.Unejeunefilleavecdesvaleurs,etuncœurénormequim’asouventaidéeaveclespetitspendantl’écrituredemasaga.

Merci àmaTchikita,quim’a inspiréedansbeaucoupdes traitsdupersonnagedeMoïra,quiestunique, et qui assumed’être différente ; qui a compris que ressembler aux autres n’apporte aucunbonheuretporteunevéritableforceenelle.

MercimonPop,monfils,quim’aencouragéechaquejouràfinir,m’ademandérégulièrementsij’avançais…Quiestunpetithommecurieuxdetoutettrèsmalin,quiasucomprendrequemaman,parfois,abesoindetempspourseconcentrer.

MerciàmaPestouille,monmini-moi,quim’aimitée,prenantelleaussistylos,feutresetcahiers,imaginant des histoires de licornes, de fées, et de papillons avec passion, et qui a sume rappelerpourquoij’écris,principalementpourfairerêveretrêver.

MerciàmaLotussette,matoutepetitegnomette,rigolote,joyeusedevivrequiasumerameneràla réalité à chacunedemespausesécritures,m’aidant àprendredu recul sur lemonde imaginairepourréintégrernotresibelleréalitédesmalamagique.

Enfin,merciàmonbébésortilège,quiesttoujoursauchaudmalgrétouslesaléasdecesquelquesmois,quim’acontrainteàmereposer,quim’aapprisàprendredutempsetneplustoutfairedanslaprécipitation.Grâceàluij’aigagnéenpatienceetj’arriveenfinàmelaisserbercerparlavie,savie.

Jevousaimeàl’infini,etjesuissifièred’êtrevotremaman,mercipourcefabuleuxvoyagedansnotreaventure,mêmesij’appréciemeshistoiresàpages,vousêteslaplusbelleetlaplusmagiquedetoutes.

CouvertureréaliséeparFeatherWenlock

Créditsimages:123rf

N°éditeur:917089-36540

dépôtlégal:juin2016

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