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MUSIQUE ACTU CINÉMA ART LITTÉRATURE INTERVIEW www.trip-magazine.com Novembre 2015 WARHOL INTERVIEW COP 21 Hommage au roi du pop art Rencontre avec Nathan Soret Le rendez-vous climatique décisif

TRIP Magazine n°23 - Novembre 2015

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Au sommaire ce mois-ci: MUSIQUE: Fidlar, l'éternel renouvellement ACTU: La COP 21, le rendez-vous climatique décisif CINÉMA: Portrait de Mathieu Amalric ART: Warhol, hommage au roi du pop art LITTÉRATURE: Sauver la peau de Curzio Malaparte INTERVIEW: Rencontre avec Nathan Soret, co-fondateur de Young Change Maker Et bien d'autre sujets ! Bonne lecture !

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MUSIQUEACTUCINÉMAARTLITTÉRATUREINTERVIEW

www.trip-magazine.com

Novembre 2015

WARHOL

INTERVIEW

COP 21

Hommage au roi du pop art

Rencontre avec Nathan Soret

Le rendez-vous climatique décisif

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Créé en septembre 2012 par deux bretons de 16 et 17 ans, TRIP est un magazine mensuel consacré à la culture et à l’actualité.

Disponible gratuitement en ligne, TRIP s’inscrit dans la nouvelle génération de magazines née avec le big bang du web. En effet quarante cinq lycéens et étudiants issus des quatre coins de la France gravitent autour de ce projet. Bien que virtuelle et connectée, la rédaction se refuse de céder à la dictature de l’immédiateté et s’efforce de produire un contenu de qualité.

TRIP porte un regard jeune et critique sur des thématiques variées sans jamais perdre de vue les centres d’intérêt de ses lecteurs.

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L’heure est venue tout d’abord pour nous de regarder encore plus loin, de viser plus haut. Après avoir rem-porté le prix du meilleur journal in-dépendant au concours national de la presse jeune en juin dernier s’en sont suivi trois mois d’intenses ré-flexions autour du développement du projet, que ce soit à la plage, en voyage ou sur les playgrounds. Trip Magazine fêtera ses trois ans le 16 novembre, trois ans déjà ! Quand on regarde dans le rétro avec Jules et David, nous esquissons un sourire, un sourire qui veut tout dire mais qui est aussitôt rejoint par une pensée pour toute cette équipe qui porte le projet avec ténacité et motivation. Il est temps d’abattre encore d’autres cartes pour cette quatrième année et ça ne se fera pas sans vous, cher lectorat.

L’heure est aussi venue d’affron-ter les questions qui fâchent, ces grandes questions autour du climat.

Un grand rendez-vous a lieu fin no-vembre mais vous êtes sûrement au courant. Pourtant, nous avons décidé de vous en parler de nouveau dans ce numéro. Simplement parce que nous n’avions pas le choix. Notre génération est sans aucun doute la dernière à pouvoir faire quelque chose pour bouleverser les mœurs. Nous les jeunes, avons tous un rôle à jouer pour inverser les tendances. La COP21 ne dure que douze jours, douze jours qui au cours d’âpres négociations, mettrons les pouvoirs publics face à leur responsabilités pour la survie de notre Terre. Après le fiasco de Copenhague en 2009 et l’abandon du protocole de Kyoto, on ne peut s’empêcher de douter de la capacité des nations à s’entendre sur un accord international suffi-samment ambitieux et contraignant pour limiter le réchauffement cli-matique à hauteur de 2°C au cours de ce siècle. Il y a malgré tout des raisons d’espérer. Alors que la Chine et les Etat-Unis estimaient ne pas avoir de comptes à rendre à ce su-

jet lors de la conférence de Copen-hague, l’accord sino-américain trou-vé début novembre pousse à croire que les deux plus gros pollueurs ont pris conscience du péril climatique. Par ailleurs, la chute des coûts des énergies renouvelables les rend de plus en plus compétitives par rap-port aux énergies fossiles. Depuis Copenhague, les choses ont changé mais la réussite de la COP 21 passe-ra aussi par la pression populaire. En Chine, le mécontentement populaire a poussé le gouvernement à agir dans un pays pourtant peu préoc-cupé par les questions environne-mentales. Pour que la conférence de décembre aboutisse à un véritable accord universel sur le climat, la mobilisation collective devra aussi s’exprimer à Paris. L’heure est ve-nue d’avancer, de regarder plus loin, d’agir, nous n’avons plus le choix.

Jules PLAT et Julien Toublanc

L’HEURE EST VENUE...

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MUSIQUE

Nicole Willis, Soul enivrante

FIDLAR: l’éternel renouvèlement

p.7

p.10

ACTU

La COP 21, le rendez-vous climatique décisif

Laudato Si: l’appel du Pape François

Surcroit de violence en territoires israélo-palestiniens

Michalak, le requin français

p.13

p.16

p.18

p.20

CINÉMA

Mathieu Amalric, un artiste surprenant

Asphalte de Samuel Benchetrit

Le clip vidéo: Du cinéma sur de la musique

p.24

p.30

p.32

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ART

LITTÉRATURE

INTERVIEW

Warhol: hommage au roi du Pop Art

Sauver la peau de Curzio Malaparte

Rencontre avec Nathan Soret

Vivian Maier: A Nanny’s Secret

Fiction: le scandale du lama génétiquement modifié

p.39

p.55

p.59

p.47

p.57

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TRIP Magazine n°21 Mars 20156

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MUSIQUE

NICOLE WILLIS,

Soul enivranteLa soul, genre plutôt méconnu du grand public, a bien du mal à se défaire de

sa réputation de musique lancinante, lascive, répétitive. Pourtant, depuis ces

dernières années, les nouvelles têtes d’affiche de ce milieu nous prouvent bien

qu’il est possible de profiter des chansons soul sur le dancefloor. Avec des groupes

comme Alabama Shakes - en plein boom avec un deuxième album détonnant - ou Lady

- les deux égéries de Truth and Soul records- nous avons la preuve que le groove ne

connaît pas la frontière du genre. Let’s dance !

C’est en effet dans cette dynamique que s’inscrit le dernier album de Nicole Willis, chanteuse black new-yorkaise, accompagnée par son backing-band de musiciens finlan-dais, the Soul Investigators. On ne pouvait rêver d’un nom plus expli-cite.

Vocaliste et choriste depuis 1984, l’artiste a baigné dans le milieu de la musique pendant de nombreuses années, côtoyant aussi bien The Curtis Mayfield. En 2000, elle décide de voler de ses propres ailes et réa-lise un premier album, Soul Makeo-ver. Puis, en s’associant avec The

Soul Investigators, elle sort l’album Keep Reaching Up en 2005, pre-mière pierre de l’édifice rétro-soul/funk. S’ensuivront trois autres opus, dont l’avant-dernier en date, Tor-tured Soul (2013), plutôt déroutant et très expérimental.

Après une grande tournée en Eu-rope et dans toute l’Amérique du Nord, Nicole Willis repart en studio, pour y composer Happiness In Every Style, dont les onze titres sont joués et produits à la perfection. Le single One in a Million, qui ouvre l’album, ne dépérit pas depuis sa sortie en août dernier, puisqu’il réutilise les

codes traditionnels du genre dans une optique joyeuse et énergique (Happiness, vous avez dit ?). Mais l’album recèle bien d’autres sur-prises et mêle différents styles, qui se confondent pour notre plus grand bonheur.

Let’s Communicate ou bien Vulture Player (mention spéciale à cette dernière, dont le riff de guitare à la wah-wah est superbement amené) ne sont pas sans rappeler le funk endiablé des débuts de Funkadelic, période Maggot Brain et Cosmic Slop. De même, le très aérien Thief In The Night, piste 9, entremêle soul

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et jazz ; nous découvrons même,

par moment, un esprit soul-rock

quasi-psyché, dans les claviers et la

basse rebondie de Angel, pépite de

l’album.

Nicole Willis est une véritable sty-

liste vocale, jouant en permanence

sur l’amplitude de sa voix rocailleuse,

passant parfois d’une ligne douce

et mélancolique à des arabesques

mélodiques puissantes. Pourtant

elle reste toujours mesurée dans

son travail, sachant parfaitement

alterner retenue et expressivité.

Ses textes forment un étonnant

contraste : nous trouvons dans l’al-

bum aussi bien des ballades roman-

tiques, comme Thief In The Night,

que des chansons engagées tels

que Together We Climb qui aborde

la question des droits civiques aux

Etats-Unis. En bref, l’album est une

compilation étonnante, pour ne pas

dire une véritable mosaïque. Qui a

dit que la soul était ennuyeuse ?

Happiness in Every Style est sorti

le 11 septembre. Willis et ses mu-

siciens mènent maintenant leurs

drakkars en direction de l’Europe,

pour une vague de concerts à ne

surtout pas rater. Alors pourquoi ne

pas sortir de chez soi, se rafraîchir

les oreilles (n’en déplaise à Bruno

Mars), et s’introduire à la soul en al-

lant voir chanter Nicole Willis ?

L’occasion rêvée pour se réchauffer

en musique en ce début d’hiver.

Eléonore Seguin

[email protected]

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MUSIQUE

FIDLARl’éternel renouvèlement

Fuck It Dog Life’s A Risk, ou bien FIDLAR pour les novices, à vous de voir. Le deuxième album des califor-niens rois du garage/punk made in L.A est sorti le 4 septembre dernier sans faire de vague, ce qui est plutôt un comble il faut l’avouer, sans doute parce que le chanteur guitariste et frontman est devenu

« clean » et que l’album le fait ressentir presque à chaque instant. Après un premier volume trash nous retrouvons ici quelque chose de plus aboutie, et surtout beaucoup plus adolescent. Après tout, le groupe a toujours revendiqué s’inspirer de Blink-182, mais jusque là ça n’avait jamais embêté personne. Zac est pourtant toujours aussi stupide, Brandon a toujours son bonnet, Max est toujours aussi roux. Peut-être à cause de la nouvelle coupe de cheveux d’Elvis ?

Pour faire poireauter les fans, le quatuor avait sorti un clip pour le morceau 40oz. On repeat qui sera le premier de ce nouvel album sobrement intitulé Too. J’étais au début sceptique et craignais de me ranger du côté des gros cons de la veine « c’était mieux avant ». Entêtant, la batterie et la guitare rebondissent au rythme de la voix d’un Zac bien débile. Parce que ce n’est pas complètement bête ça les mecs : « I thought that if I cleaned up my act It’ll help me understand exactly who I am But I hate to say that it just don’t work like that Cause I’m a special individual I don’t need no plan ». Dire l’inverse

serait pure mauvaise foie (non, le « e » n’est pas de trop).

Coup classique, ils enchaînent avec une reprise d’un morceau du premier album : Punks. Bon, en soit ils ont juste raccourci le truc et changé le mixage. C’est tout de même plus violent et les cris sont exacerbés. Entre les deux versions, choisis ton camp camarade! La subtilité selon FIDLAR. D’ailleurs, West Coast, le titre qui suit, est encore une reprise d’un morceau sorti sur Youtube il y a quelques temps déjà. Ultra blink-182, le nihilisme de ce qu’il nous raconte est entrecoupé de « aaaaaah

aaah aaaah aaaah ». Vous sentez venir l’arnaque ? Mais non, soyez patients.

Et pif paf pouf, Why Generation s’enchaîne et là on se marre. Brandon prend le micro. Un riff de guitare digne du générique de Bob L’éponge et un refrain que nous hurlerons à fond la caisse en concert le 19 novembre à Paris (vous venez avec moi ?). C’est fun, simple, efficace. Et après ça nous disons que ça ne ressemble plus à du FIDLAR ? Il est temps pour certains d’arrêter la bière, ou de recommencer à en boire.

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MUSIQUE

Sober résume le nouvel état d’esprit de Zac, et cela donne un sacret mélange ! Des couplets où il déclame un texte à la manière de la daube qui passe en boîte se mêlent à des refrains où il nous raconte que la vie, c’est de la merde quand on devient sobre. Le message est clair quant à ses passions ! Mais c’est jouissif, déluré et ça fait du bien d’oser ce genre de folie.

Leave Me Alone, ma préférée, est sans doute la plus adolescente des douze pistes. Un riff de guitare bien burné, un refrain presque emo (c’est la sœur de Zac qui le lui a dit), des couplets qui puent l’égotrip à 2000%. Une violence assez étonnante s’en dégage parce que sincère et pas si surjouée que ça. Le clip filme un rouleau de papier cul qui se déroule au fur et à mesure de la chanson avec toutes les paroles dessus. Ok ça contrebalance un peu.

Ce petit papier (pas cul cul cette fois, suivez un peu) commence à s’allonger, mais j’ai faim, alors je vais sauter celles qui ne servent à rien selon moi. Si vous n’êtes pas de cet avis, offrez-moi un sandwich et je referais mieux ma chronique. On va donc passer le tour des morceaux Drone, Hey Johnny et Bad Medicine.

Il en fait un paquet de fois des Overdoses le petit frontman et il nous en parle à cœur ouvert. C’est lancinant, sinueux et torturé, ça ne tape pas dans tous les sens. Ce n’est pas désagréable après le tsunami que l’on vient de se

prendre dans le nez. Quand le morceau touche à sa fin, tous les instruments pètent une veine et se déchaînent l’espace de quelques secondes, c’est l’overdose.

Bien adolescente une fois de plus, Stupid Decisions n’est pas la plus marquante mais reste chouette pour décompresser après un entretien d’embauche raté où après sa première inscription à Pôle Emploi. « Allez les gars, au pire si on a pas de boulot on a la drogue ». Pas mal.

On finira par Bad Habits, qui est celle qui divise le moins. Une petite introduction toute mimi où Zacounet déprime dans son coin parce que ses amis sont méchants avec lui. Lui veut boire et se droguer mais apparemment ce n’est pas bien le pauvre ! Mais il s’en fiche et la guitare part,

la batterie suit, il gueule. Il a de mauvaises habitudes, il a peur, mais ce sont les siennes et il vous emmerde tous. Il a bien raison !

Un album qui se lève comme le majeur au milieu d’une main tatouée à ceux qui refusent l’évolution d’un groupe. « Faire du FIDLAR » aurait voulu dire pour certains refaire le premier album. Mais les membres du groupe se sont pris des coups sur la gueule depuis, le disent haut et fort et ne veulent plus être une parodie d’eux-mêmes. Les gens changent, mais les mentalités pas tant que ça visiblement. Soyons bons joueurs, mettons définitivement ça sur le dos de la nouvelle coupe d’Elvis.

Baptiste [email protected]

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ACTU

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LA COP21 LE RENDEZ-VOUS CLIMATIQUE DÉCISIF

Voilà comment Nicolas Hulot ré-sume en trois mots la COP21. Du 30 novembre au 11 décembre 2015, Paris organise une conférence concernant les changements cli-matiques. C’est la vingt-et-unième « Conférence des Parties » au sein des Nations Unies, d’où le nom de COP21. On la nomme aus-si la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations Unies (CCNUCC), Paris 2015, ou encore Conference Meeting of the Parties 11 (CMP11). Mais peu im-porte les noms qui lui sont donnés : son intérêt porte surtout sur l’en-jeu crucial qu’elle représente.

En effet, quarante mille partici-pants, dont environ quinze mille délégués représentant les cent-quatre-vingt-quinze pays signa-taires de cette Convention cadre, se retrouveront sur le site de Pa-ris-le-Bourget afin d’arriver en deux jours à un accord universel sur le climat. Cet accord consiste à maintenir la température globale sur Terre en deçà d’un réchauf-fement de 2°C d’ici 2100. 2°C, car au-delà, les conséquences se-raient irrémédiables. Un objectif ambitieux, certes et contraignant car il oblige à agir.

« URGENCE, ESPOIR, AMBITION »

ENVIRONNEMENT

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Petit topo sur le dérèglement climatique...

Le réchauffement climatique de-vient pour beaucoup une illusion. On nomme les partisans de cette théorie les climatosceptiques. La fonte des glaces, la disparition de certaines espèces, la déserti-fication ou encore la montée des océans sont des phénomènes pourtant connus et admis par la plupart des personnes. Les cli-matosceptiques n’en voient pas l’impact dans leur vie quotidienne et les considèrent comme inexis-tants. 97 % des scientifiques affir-ment que ces changements pro-viennent de l’activité humaine : ce sont donc des faits irréfutables.

Aujourd’hui, environ vingt-six mil-lions de personnes sont déplacées à cause des catastrophes natu-relles, celles-ci étant sept fois plus nombreuses que dans les années 1960. Les victimes de ces aléas climatiques sont principalement les pays du Sud. Pourtant, ce sont aussi les moins responsables. La hausse de la température moyenne terrestre entraînerait donc une modification profonde de nos modes de vie. Les gestes écologiques quotidiens que nous sommes en devoir de pratiquer sont nécessaires mais ne suf-fisent plus. C’est pourquoi l’inter-vention des États est primordiale afin de conserver des conditions de vie soutenables pour notre pla-nète.

Comment aboutir à un accord ?

Tous les pays signataires se pré-parent à cette conférence mon-diale. A moins de cinquante jours

de la COP, cent-quarante-huit pays ont déjà rendu leur feuille de route. Cette feuille indique les objectifs que se sont fixés les États partici-pants afin de réduire les gaz à ef-fet de serre sur la planète. A partir de celle-ci, les États pourront donc former des coalitions en fonction de leurs intérêts communs. Celles-ci permettraient aux petits États de peser dans les débats. Diffé-rents groupes se sont déjà for-més, dont l’Union Européenne et le groupe Umbrella regroupant les pays industrialisés hors UE dont les États-Unis et la Russie.

Une alliance a même été créée entre les petits États insulaires du Pacifique et des Caraïbes, très tou-chés par la montée des océans. Les négociations ne sont pas fa-ciles pour autant. En effet, toute décision adoptée doit l’être par consensus, c’est-à-dire, à l’unani-mité. Les procédures de vote sont claires : un État a le droit à une voix.

Mais la difficulté majeure se trouve surtout dans les intérêts nationaux, fortement divergents. Les débats de la COP se retrouvent confrontés à la géopolitique de chaque État. Une cinquantaine de pays n’ont pas encore rendu leur feuille de route dont l’Iran, le Ko-weit, l’Oman, le Qatar ou encore l’Arabie Saoudite. Ces pays retarda-taires font partie des plus grands producteurs de pétrole et leur in-térêt se situe donc bien loin des négociations pour le climat.

Quant aux États-Unis, grands consommateurs de l’or noir, ils sont eux aussi très hostiles à la ratification de tout accord mondial sur le climat. Il faut le rappeler, la grande puissance n’a toujours pas signé le protocole de Kyoto malgré sa promesse de réduire de 26 à 28 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025. Le Japon, l’Austra-lie et le Canada ne cachent pas leur désaccord vis-à-vis d’une politique de décarbonisation qui pourrait

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porter préjudice à leur économie. Etonnement, la Chine a fait savoir en septembre qu’elle porterait sa contribution pour lutter contre les changements climatiques et s’engage à convertir 20 % de sa production énergétique en énergie renouvelable.

On pourrait se demander aussi comment les pays en développe-ment pourront s’engager finan-cièrement dans la baisse des GES (gaz à effet de serre). La dépen-dance Nord-Sud subsiste encore et toujours, même dans le domaine environnemental.

Beaucoup de pays n’hésitent pas à faire pression, tel que l’Indonésie, qui promet de réduire ses émis-sions de GES de 41 % d’ici 2030 à condition que la communauté internationale puisse lui apporter son aide financière et technique. Ce gros émetteur de carbone a bien précisé le montant nécessaire sur sa feuille de route pour accomplir ses objectifs. L’Inde n’hésite pas à rejeter la faute sur les pays dé-veloppés. Narendra Modi, premier ministre indien, parle de « justice climatique » et fait comprendre que si son pays occupe une telle activité industrielle, c’est bien pour répondre aux besoins des pays riches.

Face à ces négociations et pres-sions incessantes, le gouverne-ment français aura un rôle de conciliateur lors des débats. Un rôle important car responsable de la décision finale de cette COP.

La COP, ou le cimetière des pro-messes non-tenues ?

Les négociations sont constam-ment en cours mais aucun chan-gement ne se profile. Le Sommet de la Terre à Rio (1992), la COP1 de Berlin (1995), ou encore la COP3 de Kyoto (1997) n’ont abouti à rien de concret jusqu’à aujourd’hui. C’est pourquoi l’une des missions de la COP21 sera de vérifier la mise en œuvre des objectifs. L’autre avantage, c’est qu’elle s’appuie sur un cadre juridique, permettant une transparence et poussant les États à un travail plus rigoureux.

Compte tenu de l’état d’urgence actuel, nous ne pouvons pas aban-donner la lutte pour le climat. Si les gouvernements ne sont pas en état d’agir, les ONG, les scientifiques ou même des entreprises peuvent assumer leur part de responsabili-té. Une vidéo réalisée par Nicolas Hulot et des Youtubers connus a récemment circulé sur les ré-seaux sociaux. La légèreté de son ton pousse à la regarder jusqu’à la fin. Ces internautes connus pour

leurs sketches nous étonnent par leur sérieux. Leur but : nous faire signer une pétition visant à faire pression sur les chefs d’État. Cette initiative peut paraître naïve mais elle a l’avantage de sensibiliser la population efficacement.

Après quatre ans de préparation, la COP21 approche maintenant à grands pas. L’installation du site est presque finalisée : une capa-cité d’accueil de dix-huit hectares, un espace aussi énorme que les enjeux qui s’y préparent.

Inès [email protected]

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INTERNATIONAL

LAUDATO SIl’appel du Pape FrançoisLe 18 juin 2015, le Pape François publie Laudato si (Loué sois-tu), sa première encyclique entièrement consacrée à l’enjeu écologique et de la protection de la nature.

Comme le propose la coutume au Vatican, le Pape peut s’adresser à ses évêques

ainsi qu’à ses fidèles à travers une lettre solennelle, ou encyclique, qui a pour mission de rappeler la position de l’Église à propos d’une question d’actualité.

C’est une première dans l’histoire de la papauté : jamais un Pape n’avait consacré une encyclique entière aux questions environne-mentales. C’est la reconnaissance de l’écologie comme une question majeure pour l’humanité. Et il n’est pas anodin que ce texte fasse son apparition quelques mois avant la tenue de la COP 21 et peu avant le renouvellement des Objectifs du Millénaire pour le développement. Alors concrètement, comment le « Pape des pauvres » se posi-tionne-t-il sur une question aussi sensible qu’urgente que constitue la préservation de notre environ-nement ?

L’affaire de tous

Cette encyclique est d’autant plus inédite qu’elle s’adresse non seu-lement aux fidèles catholiques, mais bien au-delà, à « toute per-sonne qui habite cette planète ». Le Pape François estime ainsi qu’il est du devoir de tout être hu-main de se sentir concerné par la question écologique, qui interroge avant tout nos modes de vie, notre manière de gérer ce que la Terre nous offre. Il invite ainsi à « entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune ». En tant que représentant de la première force spirituelle du globe (1,2 milliard de catholiques), le Pape François n ‘oublie pas non plus de rappeler la responsabilité des croyants dans la protection de la Création, en utilisant un langage un peu plus théologique.

Il invite chacun à mener un che-min de conversion, de renouvelle-ment des relations avec le monde environnant, en compagnie de François d’Assise (à qui il doit son nom de Pape), Thérèse de Lisieux, Jean de la Croix, tous ces saints

qui apportent une lumière sur le sens d’une écologie intégrale : « une écologie intégrale implique de consacrer un peu de temps à re-trouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie, nos idéaux ». Le Pape Fran-çois appuie donc sur l’importance du défi éducatif, qui doit non seule-ment amener à une « citoyenneté », mais surtout à une réelle spiri-tualité écologique.

La démarche de François

La douceur et la sérénité de son discours contrastent avec le rude diagnostic qu’il pose: « ce qui se passe dans notre maison est sombre ». Pollution et change-ment climatique, perte de la biodi-versité, dégradation sociale....

Notre génération connaît bien la chanson : « nous n’avons jamais autant maltraité ni fait de mal à la Terre qu’en ces deux derniers siècles ». La faute à un modèle de développement basé sur la crois-sance, qui conduit à la dégradation

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INTERNATIONAL

de l’environnement et qui a des conséquences directes sur la vie des personnes, à commencer par les plus pauvres.

L’encyclique rappelle que nous ne sommes pas simplement face à une crise environnementale, mais devant une situation bien plus complexe, où les enjeux environ-nementaux, économiques, so-ciaux, culturels s’entrechoquent. La réponse apportée doit donc être globale, et non plus parcellaire : « une vraie approche écologique se transforme toujours en une ap-proche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres ».

La situation est urgente, et pour-tant, les choses évoluent d’une lenteur dramatique. A qui la faute ?

Le Pape pointe tout d’abord du doigt « les attitudes qui obstruent les chemins de solutions, allant de la négation du problème jusqu’à l’indifférence ou la confiance aveugle dans les solutions tech-niques ». La critique est d’autant plus sévère à l’égard de la com-munauté internationale, trop faible à son goût dans sa réaction poli-tique : « il y a trop d’intérêts par-ticuliers et très facilement, l’inté-rêt économique arrive à prévaloir sur le bien commun [...] L’alliance entre l’économie et la technologie finit par laisser de côté ce qui ne fait pas partie de leurs intérêts im-médiats ». A quelques mois de la conférence sur le climat (Cop 21), ces mots visent à mettre la com-munauté internationale face à ses responsabilités.

Mais le Pape François n’est pas un résigné. Porté par sa foi, il met à profit son statut pour diffuser

un message d’espérance : « Tout n’est pas perdu, parce que les êtres humains, capables de se dé-grader à l’extrême, peuvent aussi se surmonter, [...] se regarder eux-mêmes avec honnêteté, de révéler au grand jour leur propre dégoût et d’initier de nouveaux chemins vers la vraie liberté ». Et c’est avec une proposition concrète que le Saint Père initie ce chemin : le dialogue est la voie obligée pour apporter des réponses suffisamment com-plètes. Dialogues entre science et religion, entre politique et écono-mie, entre foi et raison, sont le dé-but de la solution. Car c’est avant tout refuser les postures idéolo-giques et la défense des intérêts particuliers qui importe. Le Pape le fait d’ailleurs dans son encyclique, où il laisse les données scienti-fiques interroger sa foi.

Et les jeunes dans tout ça ?

C’est une évidence, le monde de demain ne se fera pas sans les jeunes d’aujourd’hui. C’est pour-quoi l’évêque de Rome croit fer-mement au pouvoir des jeunes, et les exhorte à avoir le courage « d’aller à contre-courant ». Il s’est ainsi exprimé : « dans votre jeune cœur, il y a le désir de construire un monde meilleur. J’ai suivi avec attention les nouvelles relatives à tant de jeunes qui sont sortis sur les routes pour exprimer le désir d’une civilisation plus juste et fra-ternelle ». Par où commencer ? Le Pape nous donne sa réponse : « mettez le bazar, mais ensuite, ai-dez aussi à ranger ! ».

Aïda [email protected]

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TRIP Magazine n°23 Novembre 201518

INTERNATIONAL

Mercredi 30 septembre, devant l’Assemblée générale de l’ONU, le pré-sident palestinien Mahmoud Abbas «lâche une bombe», d’après cer-tains analystes. Il a proclamé la fin de certaines clauses des accords

de paix d’Oslo conclus avec Israël en septembre 1993 mais sans toutefois pré-ciser lesquels.

Ce discours a lieu alors que la situation sur le terrain est de plus en plus cri-tique : accélération de la construction des colonies, incursions répétées des colons escortés par les militaires israéliens sur l’esplanade des mosquées... Mahmoud Abbas, refuse catégoriquement que le peuple palestinien continue à vivre dans cette situation étouffante.

SURCROIT DE VIOLENCEen territoires israélo-palestiniens

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INTERNATIONAL

Depuis le discours d’Abbas, une ré-volte populaire a débuté. De fortes tensions ont eu lieu, provoquant de nombreux morts, surtout du côté palestinien, avec une majori-té d’adolescents. Ces derniers, qui semblent n’avoir plus rien à perdre, se lancent dans des confronta-tions quotidiennes.

La riposte israélienne, selon les observateurs de terrain, est sans commune mesure avec les actes des jeunes : au lieu de les maitri-ser, en particulier les quelques adolescents qui ont procédé à des attaques au couteau, ils sont tués. Les blessés sont également très nombreux : blessures par balles, à l’arme blanche, asphyxies. Ces confrontations ont abouti à un deuxième discours du président, le 14 octobre, accusant l’état israé-lien, dénonçant la violence de ses représailles et annonçant la pour-suite d’une lutte pacifique pour l’indépendance de la Palestine

De son coté, le premier ministre israélien Netanyahou, lors d’une réunion du cabinet de sécurité, alimente la colère à Jérusalem-Est en décidant de boucler les quar-

tiers palestiniens et la vieille ville de Jérusalem, annexée et occupée par Israël depuis 1967. De plus, les balles dorénavant utilisées par l’armée d’occupation doivent être réelles. Cette mesure ‘’d’urgence et de sécurité’’ ne fait qu’aggraver les tensions et alourdit le bilan des victimes..

Est-ce une troisième intifada qui débute ? Rien n’est encore sûr, mais la force des images est bien présente. La guerre ne se joue pas seulement avec des couteaux, elle touche également à travers les médias. Dans les territoires pales-tiniens comme dans Jérusalem, les pierres et grenades lacrymo-gènes volent dans tous les sens. Ces confrontations sont pour la plupart filmées et photographiées.

Cette documentation circule en-suite essentiellement sur inter-net, les réseaux sociaux et dans la presse. Un document audiovisuel a attiré l’attention : c’est celui du jeune palestinien Ahmed Manas-ra, âgé de 13 ans, accusé d’avoir poignardé un colon israélien. Dans la vidéo (contenu d’une violence insupportable), nous le voyons à

terre et nous l’entendons deman-der du secours dans l’indifférence des policiers israéliens. Une ambu-lance passe même, sans s’arrêter. Il a été battu et a été victime d’un tir de balles réelles. C’est la voix de celui qui filme, un colon, que nous entendons : ‘’ meurs sale fils de p**** ’’. Apres une minute de vi-déo, l’enfant tente de se relever. Il reçoit alors un coup de pied de la part d’un policier. Cette vidéo est représentative de la gravité de la situation. Il ne faut pas oublier que des violences ont également lieu à Gaza. Les punitions collectives se multiplient et la haine de part et d’autre ne fait que s’aggraver.

Face à cette situation exacerbée, le président se retrouve pris entre deux feux : il trouve légitime la ré-volte des jeunes mais souhaite qu’elle s’inscrive dans quelque chose de positif qui puisse mener à un accord. Car si la population palestinienne se révolte, c’est bien pour mettre fin à une vie qui est devenue de plus en plus insuppor-table.

Correspondant palestinien

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SPORT

MICHALAK,le requin français

Sélectionné lors de la dernière coupe du Monde (qui s’est clôturée le 31 octobre dernier), Fré-déric Michalak n’a pas connu une carrière fa-

cile. Oscillant entre un talent de buteur remarquable récompensé par plusieurs titres, une médiatisation hors du commun, en passant par des blessures à répétition, le Français demeure une icône du rugby national. Portrait.

Des débuts remarqués

Frédéric Michalak est né le 16 oc-tobre 1982 dans le quartier tou-lousain d’Ancely. Petit-fils d’un im-migré polonais et d’une Italienne, il découvre rapidement le ballon ovale. En effet, dès l’âge de quatre ans, il commence sous la houlette de son père à Ramonville en mini-poussins. C’est alors que, dès ses sept ans, le grand club du stade toulousain vient toquer à sa porte. Le petit Frédéric, issu d’une famille modeste devient peu à peu la fierté de ses parents. Le temps d’adapta-tion est d’une courte durée et les titres commencent à s’enchainer. Il remporte le championnat de France cadet puis crabos en 1999 et 2000.

Evoluant au poste d’ouvreur, il est pourtant replacé comme demi d’ouverture lorsque le monde pro-fessionnel lui tend la main. C’est donc en 2001 que le natif de la ville rose effectue ses débuts en tant que professionnel. Sous les com-mandes de Guy Novès (désormais

s é l e c t i o n n e u r de l’équipe de France). Il s’im-pose comme titu-laire tout au long de la saison. Il confirme son brio : lors de la finale face à Clermont durant laquelle il inscrit quatre pénalités de cinquante mètres et s’adjuge son premier titre en Top 14 dès sa première saison.

L’appel du coq

Il est donc tout à fait normal que Bernard Laporte lui fasse décou-vrir les joies du maillot bleu pour la première fois un soir de 2001. Un premier match relativement com-pliqué face à l’une des grandes nations du rugby mondial, l’Afrique du Sud, que la France remportera 20 à 10.

Malgré une prestation décevante lors du tournoi des six nations de 2002, il continue d’enflammer la pelouse du stade Ernest Vallon ce qui lui vaut un premier titre eu-

ropéen en 2003. Il s’envole cette même année vers l’Australie pour y disputer sa première coupe du Monde. Il réalise un excellent début de compétition avant de s’écrouler complètement en demi-finale face aux Anglais (futurs vainqueurs de la compétition). Un match durant lequel il manquera douze points au pied tandis que son homologue an-glais Johnny Wilkinson réalisera le match parfait.

Depuis ce match à Sydney, sa car-rière chez les bleus prend un autre tournant. Il joue en effet souvent le rôle de doublure jusqu’au tour-noi des six nations en 2006, rem-porté par la France et dans lequel il inscrit un essai et délivre une passe décisive. Hélas, il se blesse au genou la même année et est éloigné des terrains pendant six

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SPORT

mois. A son retour, ayant perdu la confiance de son entraineur, il ne figure pas dans le XV de départ.

L’exil sud-Africain

Il choisit donc l’exil chez les Sharks de Durban une première fois du-rant la saison 2007-2008. Une sai-son réussie pour lui avec un titre de Currie Cup à la clé et surtout un jeu retrouvé. C’est alors qu’il se dit qu’un retour chez lui à Toulouse se-rait de bon augure.

Malheureusement pour lui, le re-tour s’avère compliqué. En équipe de France, il est peu sélectionné à cause de plusieurs pénalités man-quées, dont celles face à l’Italie lors du tournoi des six nations en 2009. Il est pourtant rappelé lors de l’édition 2010. Particularité de cette dernière : elle est interrom-pue au bout des trois premiers matches. C’est pendant la ren-contre avec le Stade Français qu’un mauvais placage envoie Michalak au tapis. Résultat : rupture des li-gaments croisés du genou et neuf mois d’indisponibilité. « Le rugby est un sport collectif de combat, et Frédéric Michalak n’a jamais été épargné par les blessures » souli-gnait Christophe Lamaison. En ef-fet, son retour devient compliqué : il se blesse à nouveau en club puis avec la réserve et choisit donc de repartir en Afrique du Sud.

Un pays et un championnat qui lui réussissent bien. Lors de le la Cur-rie Cup 2011, il termine meilleur marqueur avec cent-quatre-vingt-treize points (dont trois essais). Malgré un passage rapide sur le

banc, il confirme sur le terrain et ses talents de buteur mènent les Sharks en finale du Super 15 en 2012.

Le retour en France à Toulon

Le retour à Toulon prend une autre saveur que celui à Toulouse. La concurrence y est rude en la per-sonne de Johnny Wilkinson. C’est pourquoi il est replacé demi de mêlée. Une bonne première sai-son pour lui avec un titre en H-Cup, une finale de Top 14 et même une nomination pour le titre de meil-leur joueur de l’année 2012 (fina-lement remporté par le néo-zé-landais Dan Carter).

En 2014, après la retraite de Wilk-inson, il alterne le poste d’ouvreur avec l’australien Matt Giteau. Une saison transparente pour lui : opé-ré deux fois de l’épaule et ayant

subi une fracture de la main droite, il ne dispute que six matches comme titulaire en Top 14.

Toutefois, il est appelé par Philippe Saint André pour sa troisième coupe du monde en 2015. Après deux éditions décevantes, l’une avec le match raté face à l’Angle-terre et l’autre où il fut remplacé par Lionel Beauxis au fur et à me-sure de la compétition, il revient plein d’envie.

Il est devenu le meilleur marqueur des bleus le 22 août dernier face à l’Angleterre en devançant Chris-tophe Lamaison. Comme un sym-bole il devient meilleur marqueur français de points en Coupe du monde de l’année 2015. Il a alors cent-trente-six unités après le match face au Canada (remporté 41-18) devançant l’ancien record-man Thierry Lacroix (124 points).

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SPORT

Une carrière hors des terrains

Depuis 2001, treize ans le sé-parent de sa première en bleu. Entre ces deux échéances, la carrière du Français a souvent connu des hauts et des bas. Dans un monde idéal, Marc Lièvremont l’aurait sélectionné en 2007 et Michalak aurait été dans l’avion français en 2007. Il en serait alors à sa quatrième coupe du monde et ferait peut être partie du cercle fermé des cinq joueurs, à avoir ins-crit plus de mille points en équipe nationale.

Seulement voilà, à cette époque-là, il prenait un autre avion, celui de Frédéric Lopez pour l’émission « Rendez-vous en terre inconnue » afin de rallier un village vietna-mien. Car si le Français est au-jourd’hui l’un des joueurs de rugby les plus connus, c’est parce que dans sa carrière, il a supporté un autre fardeau que les blessures : la médiatisation. Son ami Nicolas Du-rand en est conscient « En France, Frédéric a été la première star du rugby depuis la professionnalisa-tion de notre sport ».

Les marques s’emparent rapide-ment du physique du Français. C’est ainsi que la marque de fast-food Quick commercialise en 2007 le « Michalak Burger ». Plus récemment, la société de crédit Sofinco le fait apparaître dans ses publicités. Entre temps, il a connu des équipementiers (Nike, Le Coq Sportif) ou encore des produits cosmétiques (Biotherm). Ce qui le différencie d’autres rugbymen médiatisés (comme Sébastien

Chabal depuis la Coupe du Monde 2007), c’est qu’il fut sollicité dès ses vingt ans. Dans un entretien qu’il accorde au journal Le Monde, il affirme avoir compris tôt qu’il n’avait pas le droit à l’erreur : « j’ai pris des coups mais je suis tou-jours debout ».

L’entraîneur de Lyon, Pierre Migno-ni, qui a côtoyé le Français lorsqu’il était à Toulon, affirme que « plus jeune, Frédéric n’était pas assez mature » et que « tous ces enjeux autour de lui l’ont rendu fragile ». À un an de la fin de son contrat, le toulousain pourrait bien quitter le Var pour rallier l’Australie, pays où il rencontra sa femme en 2008 lors de son premier exil. En effet, après la défaite en quart de finale lors de la dernière coupe du monde contre

la Nouvelle-Zélande (62-13), le Français a annoncé mettre un terme à sa carrière internationale en sortant une nouvelle fois sur blessure.

On ne verra donc plus le toulou-sain sous le maillot bleu, pour lui « physiquement, ça devient trop dur de suivre ». Un poids de plus qui pourrait faire balancer le choix de Michalak vers cet exil australien dont tout le monde parle. Mais qu’il se rassure, même à l’autre bout de la planète, Frédéric Michalak reste et restera longtemps une icône du rugby français.

Bastien [email protected]

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INTERNATIONAL

CINÉMA

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CINEMA

MATHIEU AMALRIC,un artiste surprenant

Du 9 septembre au 25 octobre 2015, la Cinémathèque Fran-çaise a organisé une rétros-

pective en l’honneur de Mathieu Amalric, artiste pluriel, réalisateur acteur et même comédien. C’est cette pluralité que la Cinéma-thèque a voulu mettre en exergue.

Si Mathieu Amalric s’est toujours revendiqué comme un cinéaste, il admet que c’est le réalisateur Français Arnaud Desplechin qui «l’a inventé comme acteur». Une invention passionnante puisque Mathieu Amalric excelle. Il reste pourtant excentré et solitaire au sein du paysage cinématogra-phique français, ce qui lui vaut le titre «d’héritier actuel de la Nou-velle Vague en France» (Noël Sim-solo). On ne peut qu’être dubitatif et divisé devant cette parole : l’art et le savoir-faire d’Amalric sont difficilement comparables aux prestations de l’acteur Jean-Pierre Léaud ou au travail du réalisateur Jean-Luc Godard, des figures-clés de La Nouvelle Vague.

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CINEMA

Tenter de définir Amalric c’est avant tout comprendre que le « style Amalric » est indéfinissable : l’associer à un style établi et déjà pratiqué paraît hasardeux. Il reste pourtant certain que des traits en commun se dessinent avec d’autres artistes. Noël Simsolo se plaît à souligner cette évidence lorsqu’il revendique que la Nou-velle Vague symbolisait l’époque où «rigueur et liberté faisaient un mélange détonnant». En ef-fet, Amalric a souvent défendu un style très libéré en termes d’in-terprétation. Dans Rois et Reine, d’Arnaud Desplechin (2004), le personnage de Mathieu Amalric est au bord de la folie, ses excès de colère ou sa scène de breakdance complètement loufoque, forgent le déséquilibre du personnage. Amalric, d’ailleurs récompensé par un César pour son interpréta-tion, est vif, agité, et incontrôlable mais aussi très drôle dans ce film, et le mélange est en effet «déton-nant».

Si Amalric joue avec brio les per-sonnages loufoques, il ne laisse aucune place à la liberté d’inter-prétation : le jeu libéré et physique est plutôt associée à des acteurs comme Patrick Dewaerre. De plus, la carrière d’Amalric comporte des

rôles proches de la rigidité com-plète, que cela soit celui qui aborde la vie de Jean-Dominique Bauby, journaliste paralysé dans Le Sca-phandre et le Papillon (2007), ou le violoniste qui souhaite mourir dans Poulet aux prunes (2011). Face à ce constat, peut-on compa-rer ces personnages à ceux de la Nouvelle Vague ?

Des personnages oisifs, sans véri-table but, s’opposant au système... Qu’Amalric soit affranchi de toute contrainte ou muet dans ses rôles, jamais ses personnages ne se

calquent sur ceux de la Nouvelle Vague. La force de son jeu est vé-rifiée, impossible de remettre cela en cause, mais aucune démarche monolithique n’est entreprise dans son jeu. Si nous n’avons jusqu’ici parlé d’Amalric uniquement en tant qu’acteur, c’est que sa facette de réalisateur est elle aussi in-certaine : décidément, on ne sait à quoi s’attendre lorsque l’on va voir un film dans lequel Amalric est impliqué. Abordons désormais quelques nuances du personnage à travers plusieurs films :

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CINEMA

Rois et Reine (2004), par Arnaud Desplechin : Mathieu Amalric in-terprète Ismaël, un violoniste exubérant divorcé et interné de force dans un asile. Ismaël est l’archétype du névrosé, au bord de l’explosion à chaque instant. Il est à bout de nerfs, cherchant à prouver au monde entier qu’il n’est pas aliéné. Amalric s’est approprié avec justesse cette folie inavouée. Ismaël est à la fois drôle et tou-chant, et a marqué les mémoires cinéphiles françaises avec cette célèbre citation : “ Je vais vous dénoncer ma p’tite connasse !» aussi absurde que crédible dans la bouche d’Amalric, insultant la grande dame française qu’est Ca-therine Deneuve.

ROIS ET REINES

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CINEMA

Quantum of Solace (2008), par Marc Foster : Amalric ne se ré-duit pas à des films français, il a fréquenté les tournages de films outre-atlantiques, comme ceux de Steven Spielberg, de Sofia Coppo-la ou de Marc Foster. Il interprète alors l’ennemi de l’agent secret le plus connu de planète, James Bond. Quantum of Solace est loin d’être le meilleur des James Bond, mais la présence d’Amalric au casting est un point fort du film. Amalric joue Dominic Greene, un bad guy dont l’aspect dangereux n’est que suggéré et peu soup-çonné, et c’est ce qui fait sa force. Greene, est violent et cruel sans pour autant l’exprimer : il reste sobre et inexpressif, d’où son ca-ractère particulièrement inquié-tant. Impossible de savoir lorsqu’il va s’énerver et déclencher sa furie. Le flegme dangereux de Greene lui permet de s’intégrer dans l’odys-sée bondienne avec talent.

QUANTUM OF SOLACE

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Tournée (2010), par Mathieu Amalric : Maintenant, pen-chons-nous sur la figure du réali-sateur qui démontre sa variété de style, encore ! Tournée, qui dépeint la vie d’une troupe américaine du New Burlesque lors d’un périple dans les villes de France, reçoit le prix de la mise en scène à Cannes, des mains de Tim Burton, alors président du festival. Tournée se fait la défense d’un Amalric dé-chaîné, aussi bien chef d’orchestre de chanteuses de cabaret que pro-ducteur de spectacles au rythme effréné. Mathieu Amalric disait en 2011 : «Le travail était de cacher le travail», phrase qui résume à mer-veille l’objectif du film. Le specta-teur a par moment l’impression d’assister à un exercice d’impro-visation. Ce n’est pourtant qu’une illusion! Le travail d’Amalric a été gigantesque sur ce film et à des années lumières d’être improvisé, c’est bien ici que réside le charme indélébile de ce film.

TOURNÉE

CINEMA

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La Chambre bleue (2014), Ma-thieu Amalric : Pour conclure ce voyage, nous allons découvrir l’ov-ni d’Almaric, un film réalisé pour se différencier de ses compères. Plutôt que de choisir un cadre pa-noramique, Amalric opte pour un format carré, presque «vignette», très strict. Ce cadre est appuyé par l’aspect désaturé des images, à l’opposé complet de la palette de couleurs dont use Tournée, à l’instar de la veste rouge du per-sonnage d’Amalric dans le film. La Chambre bleue est sombre et aborde les thèmes du meurtre et du désarroi. Amalric dirige ses ac-teurs dans une ambiance morose, celle du doute et de la méfiance vis-à-vis de l’autre. Le coté mo-nochrome révèle l’état d’esprit du personnage principal, aux antipo-des des showgirls de Tournée, qui virevoltent tout au long du film.

LA CHAMBRE BLEUE

CINEMA

C'est donc avec fierté que nous comptons Mathieu Amalric dans les rangs du cinéma français. Le caractère imprévisible de son jeu est rafraîchissant, il sur-prend constamment, et émeut tout autant. Difficile de se lasser d'un homme, qui en plus d'être talentueux, se révèle modeste dans les interviews, ce qui ren-force sa personnalité attachante. Pareil à cette saveur dont on ne plus se lasser, Amalric laisse à chacun de ses films un charme unique et perpétuel.

Arthur [email protected]

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CINEMA

Asphaltede Samuel Benchetrit

C’est la « pépite cachée » des salles obscures ce mois-ci. Accueilli à bras ouverts par la cri-tique et le public, le cinquième long-métrage

de Samuel Benchetrit - le réalisateur du presque culte J’ai toujours rêvé d’être un gangster - se révèle être la très bonne surprise de cet automne.

Gare à ceux qui vous diront que c’est un film sur la ban-lieue : c’est faux. La banlieue n’est ici qu’une scène où six personnages, seuls et isolés, évoluent. Cet isole-ment est le fruit d’une condition difficile.

Certains sont handicapés, comme Gustave Kerven en fauteuil roulant après un accident de vélo d’apparte-ment, d’autres ont été abandonnés comme Jules Ben-chetrit, le fils du réalisateur, dont la mère est absente (un écho à la réalité, Marie Trintignant, la femme du ré-alisateur décédée) ou encore l’acteur Michael Pitt, qui atterrit par erreur sur le toit d’un HLM. Ces trois-là vont croiser la route de trois autres personnages tout aussi perdus.

Madame Hamida, une vieille dame marocaine jouée par Hassadit Mandi, va accueillir l’astronaute, Valerie Bru-ni-Tedeschi, qui joue ici une infirmière de nuit, devient la seule distraction du pauvre Kerven handicapé et Isabelle Huppert, une actrice sur la fin de carrière, ren-contrera un adolescent sans mère.

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CINEMA

Maintenant que les présentations sont faites, difficile d’imaginer que ce film est un simple mélodrame sur la cité ! La cité, dont l’ascen-seur est en panne (cela est très important) est un formidable lieu de poésie, presque un personnage à elle seule, une légende. Ces trois fables cinématographiques entre-mêlées, directement inspirées de trois nouvelles que le réalisateur a lui-même écrites dans le recueil .Les chroniques de l’asphalte, trouvent dans ce lieu une atmosphère pro-pice à leur développement.

Les personnages, aussi seuls, ma-ladroits ou renfermés soient-ils, ne sont jamais médiocres. Ils parlent peu et adoptent dans une certaine retenue, raison de plus pour ne pas utiliser de grands mots. Quand ils parlent, cela n’est jamais facile et quand ils se dévoilent, cela l’est encore moins. Ce que nous enten-dons est un bruit non-identifié : le bruit de la légende urbaine qui interroge tous les personnages

ayant une théorie sur celle-ci. Ce que l’on entend, c’est la magni-fique bande originale de Raphaël, jamais omniprésente et toujours plaisante.

Asphalte est donc un film à voir, à observer à contempler. Avec un sens du regard étonnant, un for-mat en 1:33, des couleurs parti-culières, un cadre soigné qui pro-voque le rire comme la tristesse et des mouvements de caméra utilisés intelligemment, il est im-possible que l’esthétique du film vous laisse indifférent. Dans une certaine mesure, il est même pos-sible de comparer l’art de Ben-chertrit à celui de Xavier Dolan dans le film Mommy : le kitsch et le bas de gamme sont fimés et su-blimés dans une totale objectivité.

Samuel Benchetrit explique : « Si je devais résumer le film, je dirais qu’il s’agit de trois histoires de chute. Comment peut-on tomber - du ciel, d’un fauteuil roulant ou de

son piédestal - et être récupéré ? ». Sachez le, vous avez fait beau-coup plus Monsieur Benchetrit ! C’est un film sur la solitude, la maternité, l’amitié, le fantasme, le langage, la frontière, la rencontre, l’adoption et même l’apprivoise-ment que vous avez créé! Oui, oui_! Tout cela Monsieur Benche-trit_! Demandez le à n’importe quel spectateur et voyez si vous ne re-cevez pas une réponse différente à chaque fois..

Et à vous, lecteurs qui n’avaient pas encore eu la chance de vous délecter de ce film, pour lutter contre la grisaille et la morosité automnale, courrez voir Asphalte! Une belle expérience de cinéma agrémentée par une leçon d’hu-manité.

Joaquim [email protected]

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CINEMA

LE CLIP VIDÉODu cinéma sur de la musique

Ce sont souvent des données négligeables qui dé-filent dans la fenêtre YouTube lorsque vous diffu-ser une musique en soirée. Parfois nous les voyons

passer sans même les regarder, notre attention occupée à ranger ou à discuter. Mais rares sont les fois où nous regardons les clips musicaux avec la véritable attention qu’ils méritent, en les prenant pour ce qu’ils sont : d’au-thentiques bijoux artistiques. Ils méritent pourtant une petite étude des spécialistes de TRIP MAGAZINE !

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CINEMA

Oui, je vous l’accorde, il y a les clips où nous voyons chanter un groupe avec des gros plans sur les visages, il y a le monde du rap où s’agitent chaînes en or et filles en maillot de bain... Tout cela n’a pas grand intérêt... Cela dit, songez désormais aux plus gros succès de la musique : les clips qui les ont accompagnés vous viennent directement à l’esprit. Thriller, Like A Prayer, I want to break free, Bloo-dy Sunday - et j’en oublie - tous ces succès le doivent en partie à leurs clips. Certains artistes en ont fait une partie intégrante de leur art : Michael Jackson, bien entendu, puis Madonna, Eminem ou dé-sormais Foals, dont les vidéos du nouvel album reflète parfaitement leur musique. Alors les clips sont-ils vraiment artistiques, voire ciné-matographiquement?

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CINEMA

L’une des formes les plus évi-dentes d’un clip est, après la sem-piternelle caméra bloquée sur le chanteur, celle qui consiste à créer une véritable histoire. Souvent le réalisateur choisit d’illustrer les paroles chantées, comme dans Just Another Brick in the Wall des Pink Floyd, où la narration ren-force le message de la chanson. Les courts-métrages sont rare-ment regardés par le grand public et seulement visionnés par les cinéphiles les plus curieux. Les chansons, elles, ont un potentiel de reconnaissance beaucoup plus important grâce à des moyens réputés (Spotify, Deezer, pubs, ra-dios...).

Ainsi se servir d’une musique permet de mettre en avant non seulement celle-ci, mais aussi les artistes qui ont travaillé dans cet effort visuel. Nous avons donc de véritables histoires, souvent ba-sées sur trois minutes mais qui racontent quelque chose, comme dans Time to Dance de The Shoes, qui met en scène un meurtrier joué par Jake Gyllenhaal. Le clip est une succession d’assassi-nats effrayants, renforcée par des scènes violentes. Le groupe n’est jamais véritablement visible et c’est presque comme si la musique passait au second plan, n’hésitant pas à calquer son rythme sur les péripéties. Autre exemple plus marketing : Judas. Ce long, très long clip de Lady Gaga, illustre une sorte de dispute au sein d’un gang. Cette fois-ci, la chanteuse est vrai-ment mise en avant, bien qu’elle interprète un rôle secondaire dans ce conflit.

Vous comprenez donc bien que plusieurs clips alternent entre deux styles : un interprète en train de s’égosiller tandis qu’une sorte de court-métrage se joue pendant ce temps. Il est donc rare qu’une place entière à l’histoire soit créée puisque...

LE CLIP UN COURT-MÉTRAGE DÉGUISÉ

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CINEMA

LA MUSIQUE EST LE SUJET, CONTRAIREMENT AU CINÉMA

Au sein du septième Art, la conven-tion veut que ce soit la musique qui accompagne l’histoire. Pour ce qui est des clips, c’est souvent l’in-verse. Ce qui doit avant tout être mis en avant est la qualité mu-sicale puiqu’il s’agit de l’essence même du tournage vidéo. Ce nou-vel équilibre est intéressant car il apporte de nouveaux défis au monde de l’audiovisuel.

Le montage épuise le rythme ou sur les accords. Une musique douce est donc plutôt accompa-gnée d’un clip fait de plans contem-platifs, alors que ceux de Muse, par exemple, auront un montage plus agressif. Si cette règle n’est pas suivie, un effet étrange se fera ressentir, comme une forme de gêne. La même règle s’exprime au cinéma, où la symbiose entre les deux arts est majeure. Seulement, dans ce cas présent, c’est la ma-tière visuelle qui se cale sur celle musicale, et non l’inverse.

C’EST UN GENRE AUDIOVISUEL À PART ENTIÈRE À VOIR COMME TEL

De nombreux réalisateurs en herbe s’essayent à l’exercice complexe qu’est le clip musical. Ce format présente des ressemblances avec le court-métrage (durée, rapidité de narration, importance d’attirer l’at-tention rapidement), mais possède bien ses propres caractéristiques. Le montage doit habiller la chanson tout comme la narration. Par ailleurs, il est possible de mettre en scène plus d’effets scéniques dans un clip que dans un film. Pensez à Only Girl in the World de Rihanna par exemple : ce travail possède une do-minante rouge très forte. Des innovations sont égale-ment possibles, comme avec les clips interactifs, qui sont de plus en plus répandus et attirent les vision-neurs. C’est le cas pour ceux d’ALB, un groupe français qui a créé une vidéo sous forme de virus informatique pour Whispers under the moonlight, ou Golden Chains, où les objets à l’image peuvent être achetés en ligne. Il en va de même pour le nouveau clip de Foals, Moun-tain at my Gates, qui a été filmé à 360 degrés. Toutes ces techniques sont impossibles à utiliser dans un film de deux heures mais peuvent parfaitement plaire sur un format plus petit, et qui plus est sur Internet.

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ÇELA PERMET D’EXPLICITER DES PAROLES, OU DE LUI OFFRIR UNE NOUVELLE DIMENSION

Autre atout du clip : il met en image les paroles d’une chanson et permet de la rendre plus compréhensible. Riptide de Vance Joy possède un texte quasi-surréaliste et c’est cet aspect qu’exploite son clip. Une alternance d’images esthétiques très étranges est donnée à voir, mais elle se marie parfaitement avec les expressions surréalistes qu’emploie le chanteur. Pensons également aux histoires racontées de manière plus explicites, telles que la chanson Addicted to You d’Avicii.

Plus original, donner une nouvelle résonance aux paroles est très inté-ressant, tel que dans Take Me to Church d’Hozier. Les paroles sont abs-traites mais il est possible de leur donner un sens aisément. Le clip, lui, met en scène un couple de jeunes hommes en fuite face à un groupe homophobe. Cette image n’est pas celle qui nous vient à l’esprit au mo-ment de l’écoute musicale, mais elle reste justifiable lorsque l’on prête attention aux paroles. Ce choix met une sensibilité différente en valeur et offre une nouvelle interprétation de la musique, cette fois-ci cinéma-tographique.

LE CLIP DONNE UN STYLE À UNE MUSIQUE, OU À UN ARTISTE

Michael Jackson est le chanteur qui a su utiliser avec brio le pouvoir du clip. Ses chansons sont marquées par l’allure incroyable de ses vidéos : Thriller en particulier mais aussi Smooth Criminal ou Billie Jean. Autre époque et autre style, Sia a fait de la danseuse de ses clips un symbole, étant donné qu’elle cache souvent son visage dans un désir d’anonymat. La petite fille est comme un leitmotiv à travers tous ses clips et confère à ses chansons une unité. Sa façon de danser est très contemporaine, presque mystérieuse et renforce alors l’atmosphère suave de son al-bum, lui-même mis en valeur par la propre réalisation de la chanteuse .

Foals, eux, sont symbolisés par des teintes très bleutés dans plusieurs de leurs clips, tel What Went Down, où la fureur de leur rock est transmise par la violence d’une poursuite au milieu de la mer. Les changements d’ap-parence également sont représentés par les vidéos : les nouveaux looks de Bjork ou de David Bowie sont annoncés à travers la mise en scène de leurs chansons. Certains en sont même véritablement dépendants, comme Lady Gaga dont le fond de commerce se base beaucoup sur des tenues accumulées toujours à outrance dans ses vidéos.

CINEMA

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CINEMA

LE CLIP RAPPORTE DE L’ARGENT, TOUT COMME LE CINÉMA

Néanmoins le principal objectif de la réalisation des clips ne réside pas dans l’éffusion de créativité. C’est avant tout un choix marketing qui se met en place. Un artiste ne va pas mettre en scène toutes les chansons de son album, il va choisir celle qui a le plus de potentiel visuel. Les sor-ties des nouvelles chansons se font au compte-goutte et par le biais des clips. On publie souvent celle qui va le plus plaire au public. Stromae a ainsi commercialisé Papaoutai dans un premier temps, Formidable et enfin Tous les mêmes, qui lance le départ des autres chansons. Vous re-marquerez que les plus célèbres sont celles qui ont eu droit à leurs clips et leurs abattages médiatiques (Papaoutai et Tous les mêmes ont donné lieu à des performances télévisuelles assez impressionnantes).

Grâce à YouTube, le visionnage rapporte directement à son producteur selon le nombre de clics. Ce fut le cas pour Gangnam Style, où Psy a fait un nombre incroyable de vues. Tous les plans sont mythiques et faits pour plaire à la communauté Internet. Ici il est difficile de voir une véri-table volonté artistique mais plutôt une façon d’attirer les yeux et créer un phénomène. Tout comme au cinéma, les règles de la vente existent encore. Ainsi, les placements produits Beats à moitié dissimulés font lé-gion, le plus bel exemple étant Blurred Lines, qui possède un autre poids pour faire de l’argent : la nudité. Il faut choquer pour que le public soit susceptible d’écouter la chanson. Cette loi est valable dans le monde du rap ou de la pop puisque des artistes comme Miley Cyrus n’hésite pas à se mettre nue ou à lécher tout ce qui lui passe entre les mains... Malgré toutes ces abbérances, elle est une artiste phare de notre époque...

Après ces quelques exemples, difficile de ne pas voir à quel point les chansons et leurs clips sont liés par de nombreux aspects. Ils donnent à voir l’univers d’un artiste et lui confèrent sa notoriété. Semblable au monde du cinéma, celui de la musique est une industrie faite pour diver-tir et rapporter, quitte à employer les pires astuces. Cet ensemble de res-semblances est encore une fois un bel exemple de ces deux arts qui ne cessent de s’unir, cette fois-ci en faveur de la musique qui n’est plus un simple accompagnement mais une possibilité de faire de belles vidéos valant la peine d’être regardées.

Maxime [email protected]

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ART

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ART

WARHOLHOMMAGE AU ROI DU POP ART

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ART

Warhol, vous le connaissez tous. Vous l’avez tous vu en photo, en peinture ou

en dessin. Si ce n’est pas le cas, vous connaissez sûrement ses Marilyn Monroe et ses zèbres multicolores en format carré. Ces toiles carrées, c’est à cela qu’on a longtemps réduit l’art d’Andy Warhol. Il est aujourd’hui considéré comme LE roi du Pop Art ! Cette année, l’Europe entière met une nouvelle fois à l’honneur son génie.

Le Musée d’Art Moderne (MAM) de la ville de Paris vous ouvre ses portes pour l’exposition ‘‘Unlimited’’, exposition que vous pourrez aller visiter du 2 octobre 2015 au 7 février 2016. Pourquoi une énième expo Warhol alors qu’il y en a eu tant d’autres au cours de ces dernières décennies ? Voici quelques raisons qui vous feront peut-être changer d’avis.

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‘‘SHADOWS’’

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Shadows, du jamais vu d’Andy ! C’est l’attraction même de l’exposition ! Présentée au public pour la première fois, cette œuvre se découvre par bribes, ou se parcourt distraitement.

Néanmoins les cent-deux toiles exposées ne se laisseront syn-thétiser en aucun cas. Il s’agit plutôt d’une balade dans un tunnel éclairé : un gigantesque fragment sans début ni fin. Ce que l’on en retient ? Son infinitude de motifs énigmatiques qui défilent sous nos yeux, telles une pellicule cinématographique. Il suffit de re-monter la bobine jusqu’à ses origines pour découvrir que cet en-semble de 1978 fut réalisé pour deux mécènes polonais et améri-cain : Heiner Friedrich et Philippa de Menil.

À l’origine, Warhol devait fournir cent exemplaires. Il en réalisa cent-huit et seulement cent-deux furent retenus et conservés à la Dia Art Foundation de New York. Pour ceux qui tenteront de les caractériser, « abstraits » est peut-être la meilleure définition que nous pouvons leur donner. Il semblerait que Warhol n’ait pas fait exprès de donner un grand coup de pinceau sur la toile. Pourtant, une observation plus précise de son travail met en lumière un réel travail d’impression où la matière est perceptible. À chacun d’inter-préter alors la symbolique de l’œuvre : flammes chatoyantes, vifs coups de rouge à lèvre ou encore pots de peinture dégoulinants... Warhol, lui, ne s’embête pas, il ne va pas chercher si loin : c’est en fait un décor de discothèque !

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New Religion, un concert presque live ! Andy et le groupe de rock new-yorkais Velvet Underground vous plongent dans une atmosphère de dis-cothèque miniature. Musique à fond, boule à facettes et stroboscopes multicolores, tout y est. Pour les plus âgés, vous connaissez déjà cette sensation hallucinogène du happening, ce moment où vous marchez dans le couloir sombre et étroit vers la lumière argentée du dancefloor. Et pour les plus jeunes, c’est le moment de vous y mettre !

L’initiation commence en petit comité puisque l’on regarde les vidéos de Lou Reed et de Sterling Morrison projetées sur les murs. Cette expérience multi-sensorielle et tout à fait révolutionnaire pour le public de 1966 ! Elle fait toujours de l’effet au XXIème siècle : le public en ressort « fracassé », à moitié sourd mais complètement conquis. Cette virée en fausse boîte de nuit change des œuvres murales traditionnelles et moins originales. « For once, a happening really happened » (LA Times), comprend qui pourra.

NEW RELIGION

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ART

Grâce à Étoiles filantes, vous avez rendez-vous avec les shooting stars. À travers ce qui semble être une recomposition de La Factory, atelier d’An-dy de 1862 à 1968, devenez artiste ! Vous êtes ici invités à rencontrer les plus grandes icônes des années 60 en utilisant des screen tests de quatre minutes, en noir et blanc et muets de surcroit. Le temps d’une bobine, vous immortalisez Niki de Saint-Phalle, Bob Dylan, Salvador Dalí ou encore Marcel Duchamp qui scrutent la salle d’un regard intimidant. Ces étoiles des sept Arts de l’époque impressionnent et fascinent : vous brûlez d’envie de les toucher puisque vous n’avez jamais été aussi près d’elles. Pourtant, en vous rapprochant, ce ne sont plus elles qui attirent votre attention mais les imperfections du film : flous, rayures, pous-sières... Cette texture de l’image brute perturbe et ce sont pourtant ces défauts qui rendent le regard de vos idoles vivant, vraisemblable et qui procure de l’émotion.

ÉTOILES FILANTES

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ART

Court circuit, American way of death, Maonotomie... L’exposition Un-limited est comme une machine à parcourir le temps. Vous connaissez peut-être déjà tout de Warhol, mais connaissez vous l’histoire de son art ? Savez-vous, par exemple, quel est le rapport entre la chaise électrique et le Pop Art ? Comment Jackie Kennedy a vécu après l’assassinat de son mari ? Ou encore le point commun entre Mao et Andy Warhol? Toutes les réponses se trouvent dans l’exposition car malgré ses interprétations à connotations comiques, Warhol a voulu mettre en avant des sujets brû-lants. En détournant la chaise électrique en objet de culte, en élevant Jackie au rang de « première dame médiatique » et en représentant Mao en modèle paradoxal du consumérisme, Warhol a souvent été qualifié d’insensible traitant indéfiniment du glamour, de la mort et de la répéti-tion. À force d’être entouré de chaises électriques et sur papier peint rose fluo à motif de tête de vaches qui nous ressemblent, le spectateur ressort perturbé, comme électrifié. Au moins, il ne risque pas d’oublier les faits historiques à défaut de ne pas retenir leur date !

COURT-CIRCUIT

Récapitulons : il n’y a que du bon et du nouveau qui vous attend. Alors tenez-vous prêts, première halte dans notre Paname bien-aimée. Même du fond de sa tombe, Andy continue de bouleverser nos attentes !

Anh-Lise [email protected]

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VIVIAN MAIERA Nanny’s Secret

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A

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PHOTOGRAPHIE

la fin de l’année 2007, une nourrice à la retraite se blesse en glissant sur une plaque de verglas et est hospitalisée à Chicago. Ne pouvant plus payer son loyer, ses affaires personnelles sont vendues aux enchères dans une salle de ventes de la ville.

John Maloof, jeune agent immobilier de 25 ans, assiste à la vente. Il rachète alors la majorité des biens de cette nour-rice inconnue et remporte le plus gros lot de la vente : 30 000 négatifs photographiques, des dizaines de rouleaux de pellicules et seulement quelques clichés développés. Un moyen pour lui d’éditer un livre de photographies sur la plus grande street photograher du XXème siècle : Vivian Maier.

En février 2009, après de nombreuses recherches et la nu-mérisation d’une centaine de milliers de négatifs, John Ma-loof apprend par un avis de décès que la mystérieuse photo-graphe Vivian Maier, est morte quelques jours plus tôt. Si la vie de Vivian Maier prend fin ici, son histoire ne fait que com-mencer. John Maloof publie d’abord un album puis réalise ensuite un documentaire, Finding Vivian Maier, présenté en France en juillet 2014. C’est à ce moment que le monde en-tier découvre une photographe visionnaire, auteur d’images singulières qui témoignent de cinquante années de déam-bulation dans les rues de New York, Chicago, Sanaa, Rome, Bangkok... et même Saint-Julien-en-Champsaur, le village français de son enfance. Autant de destinations dont elle ramènera des milliers de souvenirs photographiques qu’elle ne développera jamais, par manque d’argent.

Née en 1926, Vivian a passé son enfance à New York puis dans les Alpes françaises. C’est en côtoyant régulièrement Jeanne Bertrand, amie de sa mère et photographe recon-nue, que Vivian découvre la photo. À l’âge de 25 ans, elle commence une carrière de nourrice à Chicago et, avec ses premiers salaires, s’achète un Rolleiflex qu’elle gardera toute sa vie.

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PHOTOGRAPHIE

VIVIAN MAIERPHOTOGRAPHE DE GÉNIE

Cette passion pour la photo se transforme petit à petit en véritble obsession. Le

travail de Vivian est conséquent : elle consacre tout son argent et chaque minute de son temps libre à la photographie. On ne lui connaît ni amant, ni famille, ni amis.

Est-ce paradoxal ou logique que cette femme, si solitaire, réussisse d’une façon tellement magistrale à capturer la vie ?

Car voici effectivement ce qui nous frappe dans l’oeuvre de Vivian Maier : sa propension incroyable à convertir tout objet insolite en vé-ritable sujet. Chaque petite chose est digne d’intérêt et parmi les milliers d’images réunis, nous sur-volons tous les genres : portraits, autoportraits, paysages, natures mortes...

Les autoportraits sont nombreux. Vivian se photographie toujours de face, avec une apparence très ca-ractéristique : androgyne, les che-veux courts plaqués sur le crâne par une barrette, portant une large chemise et parfois un grand cha-peau. Elle se positionne devant un appareil ou choisit de prendre son reflet dans un miroir sans jamais

chercher à séduire ou à attirer le regard du spectateur sur son phy-sique.

C’est par ce procédé que l’on re-connaît sa silhouette, son ombre sur une pelouse, sur le béton d’un remblai ou encore sur les murs du métro couverts d’affiches de cinéma. Il est aussi possible de re-trouver son reflet des centaines de fois, sur des flaques luisantes, des vitrines laissées à l’abandon ou remplies de mannequins et chaus-sures, sur des miroirs de toutes formes...

C’est ici l’une des particularités de l’extraordinaire inventivité de Vivian. Elle utilise souvent les mi-roirs pour se mettre en abyme, le miroir la dédoublant à l’infini dans un effet hypnotisant, comme pour représenter une sorte d’introspec-tion.

Mis à part ces autoportraits, Vivian Maier est avant tout une street photographer et, par la rue et ses passants, ses prises de vue de-viennent en quelque sorte des photos de reportage, véritable témoignage de son époque. Les exemples les plus frappants se trouvent à travers quelques cli-

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chés des années 60. Vivian Maier montre la ségrégation en immor-talisant un gamin noir cirant les souliers d’un enfant de son âge, blanc. Comme pour se contre-dire, d’autres photographies dé-montrent que cette ségrégation trouve ses limites dans l’amitié : on y voit des enfants noirs et des enfants blancs jouant ensemble.

L’éventail des choix photogra-phiques de Vivian Maier est large et divers. En effet, Maier est pré-sente sur des scènes qui consti-tuent une réelle actualité : l’incen-die d’un immeuble de Chicago ou encore, dans un registre plus gla-mour, la photo vaporeuse d’Audrey Hepburn en pleine promotion pour le film My Fair Lady.

Les enfants que la photographe a gardés se souviennent d’une femme un peu rude, très solitaire, fervente féministe mais surtout extrêmement fantaisiste. Certains ont confié que leur nourrice aimait les emmener crapahuter dans les cimetières ou encore, qu’elle rap-portait des serpents morts pour qu’ils les examinent ensemble. Cela illustre bien l’étrangeté et la singularité de cette femme. Son travail présente des sujets que personne n’aurait songé à étudier : un chat mort écrasé sur le bitume, un bâtiment éventré par une ex-plosion, les fesses couvertes de boue d’un ouvrier, un chien blessé, les mains tendrement entrelacées d’un couple...

De la même manière, les sujets humains de ses images laissent transparaître la compassion dont elle était capable, sa sensibilité hors du commun mais aussi, et peut-être pour dédramatiser ces sujets, un sens de l’humour très présent. « Elle était un vagabond » écrit John Maloof dans son livre. Cela est perceptible à la simple vue des sujets qui animent son domaine d’activité, elle « magni-fie les laissés-pour-compte » : un clochard aveugle, un chien gal-leux, des enfants abandonnés, une concierge ornée de bigoudis, une vieille vendeuse de bretzels, un ouvrier couvert de suie... Les riches, au contraire, elle les cap-ture avec beaucoup de condescen-dance, presque méprisante, à la manière de Diane Arbus.

La photographie de Vivian Maier est électrisante de spontanéi-té, les regards, les émotions fu-gaces qu’elle saisit, les instants d’une tendresse ou d’une violence inouïes qu’elle capture, tout nous fige et nous transperce. C’est un peu l’ « instant décisif » de Cartier Bresson, cette fraction de seconde où un enfant en larmes relève la tête, où l’objectif accroche le re-gard d’une femme qui grimace, où un rayon de soleil fait scintiller une flaque d’eau...

On pourrait d’ailleurs facilement, si l’on osait, comparer son travail à celui de Cartier Bresson, considéré comme l’un des plus grands pho-

tographes de tous les temps. On remarque bien sûr le noir et blanc très contrasté que leurs clichés ont en commun, un cadrage extrê-mement précis ainsi qu’ un intérêt prononcé pour les lignes géomé-triques, les ombres et les reflets. Ce qui transparaît avant tout dans les images de Vivian Maier, c’est la pure street photography, cette idée d’un photographe qui erre, son appareil en bandoulière. C’est exactement ce que décrit Car-tier-Bresson dans la préface de son premier album :

« Je marchais toute la journée l’es-prit tendu, cherchant dans les rues à prendre sur le vif des photos comme des flagrants délits ».

Louise [email protected]

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SAUVER LA PEAU

Le seul éclaircissement qu’il fau-dra écouter est celui de Malaparte lui-même dans le texte explicatif qui précède son ouvrage. Il dé-crit les actes de sa vie qui l’ont conduit à pouvoir témoigner ici, et s’y présente comme un héros, lui, Malaparte, narrateur de sa propre histoire. Mais cela n’a rien de prétentieux ou d’idéalisé. Il est réellement Curzio Malaparte, l’étu-diant brillant qui à 16 ans s’engage dans l’armée française et, blessé, est décoré de la croix de guerre avec palme, celui qui adhère au parti fasciste et s’en désolidarise ensuite, pour dénoncer dans Tech-nique du coup d’état en 1931 le

Il y a d’abord un nom. Un nom que l’auteur s’est choisi et qui résonne déjà de sonorités étranges et de souvenirs indicibles. Curzio Mala-parte. Un nom de héros, d’aventu-rier, d’homme engagé.

Puis il y a un titre, La Peau, qui peut résumer à lui seul l’envergure du livre et qui contient en lui déjà toute la violence du propos.

C’est ainsi que se créé le premier lien avec ce livre, auquel il vaut mieux se présenter dénué de tout a priori, prêt à découvrir une étrange réalité qui oscille entre souvenirs, affabulations et ironie.

et l’absurdité de cette guerre et son impact indescriptible sur les êtres. Indescriptible, certes, pour-tant Malaparte y parvient à travers des scènes successives qu’il a vé-cues ou qu’il a inventées de toute pièce. L’ouvrage est marqué de cet ADN, de cette peau de dégoût, de corruption et de perte de toute di-gnité.

Au travers de ces chapitres dif-férents, qui pour l’un relate l’im-pact de l’arrivée des Alliés face au peuple napolitain, et l’atmosphère de corruption et de prostitution qui en découle, pour l’autre décrit un dîner diplomatique où l’on sert au

nazisme, celui qui, à cause de ses écrits est interdit de publication en Italie et en Allemagne et confiné aux îles Lipari pendant 5 ans, celui enfin qui témoigne de la Seconde Guerre Mondiale dans Kaputt et La Peau.

Il n’y a pas d’écriture comparable à celle de La Peau. Elle est surpre-nante d’abord, parce qu’elle traite d’un sujet des plus douloureux, celui de la libération de Naples par les Américains après la Seconde Guerre Mondiale, et use du ton de l’ironie. Peut-être n’y avait-il pas meilleur choix pour dépeindre avec la plus grande véridicité, l’horreur

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LITTERATURE

faux. Ce qui importe c’est la façon dont il le raconte ».

Lucie [email protected]

repas la sirène de l’aquarium de Naples, pour n’en citer que deux parmi tant, le propos de Malaparte est de dénoncer la violence d’une guerre où la valeur suprême n’est plus de sauver l’âme, et la dignité qui en découle, mais la peau, la seul enveloppe qui permet la vie terrestre. Ce passage résume en quelques phrases ce que l’on pour-rait retenir de Malaparte :

« C’est la civilisation moderne, cette civilisation sans Dieu, qui oblige les hommes à donner une telle importance à leur peau. Seule la peau compte désormais. Il n’y a que la peau de sûr, de tangible, d’impossible à nier. C’est la seule chose que nous possédions, qui soit à nous. La chose la plus mor-telle qui soit au monde. Seule l’âme est immortelle, hélas! Mais qu’im-porte l’âme, désormais ? Il n’y a que la peau qui compte. Tout est fait de peau humaine. Même les drapeaux des armées sont faits de peau humaine. On ne se bat plus pour l’honneur, pour la liberté, pour la justice. On se bat pour la peau, pour cette sale peau. »

Malaparte a souvent été critiqué pour entremêler dans ses livres, et particulièrement dans La Peau des souvenirs véridiques de la guerre et des inventions invraisemblables toutes sorties de son imaginaire. Pourtant, par ses mensonges, il révèle avec encore plus de force toute l’absurdité de la guerre et dénonce par ses mots crus ce que

nous avons voilé dans l’Histoire.

Mais qu’importe de résumer Ma-laparte ou de parler de lui : pour comprendre mon propos, il faut rentrer au cœur du texte et se plonger dans cette étrange ex-périence. Alors, il n’y aura qu’une chose à dire : « Qu’importe si ce que Malaparte raconte est vrai ou

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FICTION

SCANDALE DU LAMA GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉune victoire pour les écologistes

Après la révélation de la fraude massive de la firme « Le Lama démocratique » en matière d’émission de parti-cules fines, une multitude d’interrogations demeurent.

Depuis une dizaine d’années, les écologistes tentent de faire comprendre au grand public que l’alpaga est un véhicule fiable et respectueux de l’environnement. Toutefois, il n’a rencontré jusqu’à présent qu’un engouement très limité. Forts de leur succès, les lamas sont beaucoup plus nom-breux sur nos voies aériennes. Un lama consomme moins de granu-lés et tient mieux la route. Surtout, une option très populaire permet à tout utilisateur pressé d’écarter ses voisins à grand coup de cra-chats du sympathique animal.

Les écologistes accusent cepen-dant le meilleur ami de l’homme d’émettre trop de particules fines (en grande partie des paillettes), menaçant l’environnement. Cet ar-gument avait été réfuté et retour-né à son avantage avec brio par la firme « Le lama démocratique », qui avait présenté, il y a quelques années, ses modèles de lamas gé-nétiquement modifiés. A la pointe de la technologie, ces lamas volent plus longtemps - pour une très faible quantité de granulés - ils sont plus affectueux, sont mu-nis de trois vitesses et émettent

moins de particules fines. Telles furent les promesses de l’en-treprise et, sachez le, consommateurs et écologistes ont en été convaincus.

Pourtant, l’Agence de Sauvegarde de l’Environnement a souhaité vé-rifier l’authenticité d’une telle pro-messe. Alertée par d’inquiétants pics de pollution dans les villes où « Le Lama démocratique » avait le plus de succès, elle a mis en place de nombreux contrôles, jusqu’à incriminer le modèle phare de la firme. Le résultat de l’enquête est alarmant : Lam’art 3.4, vendu à plus de cinq millions d’exemplaires dans notre pays, s’est révélé être l’animal le plus pollueur du parc des camélidés. Un scandale qui n’aurait pas éclaté si « le Lama dé-mocratique » ne s’était pas autant vanté d’être l’ami des écologistes.

LE SCANDALE DÉCODÉ

La thérapie génique révolution-naire n’était en fait qu’une vaste supercherie : les gènes modi-fiés censés éliminer les particules fines sont en réalité responsables

de la sécrétion d’une molécule trompant les outils d’analyse clas-sique du taux de pollution. En clair, tous les Lam’art 3.4 ont, jusqu’à ce jour, répandu une multitude de paillettes sans que personne ne s’en aperçoive. Cela à l’aide d’un habile plan marketing et d’une technique bien rodée répondant au nom de « Green washing ». Le PDG du Lama démocratique s’est exprimé hier soir. Il s’est confon-du en excuses devant une presse ravie d’avoir quelque chose d’aus-si croustillant à se mettre sous la dent.

L’équipe de Trip Magazine a rencon-tré l’un des scientifiques à l’origine du développement des Lam’art 3.4. Désarmant de sincérité, il nous confie : « Nous essayons vraiment de détourner les gènes responsables de la forte émission des lamas, pour les rendre compé-titifs face aux alpagas. Mais notre équipe a trouvé par hasard un gène responsable de la création

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d’une molécule totalement nou-velle. Nous finissons toujours par produire des effets on ne sait trop comment avec la génétique, c’est ce qui est assez drôle ! La molé-cule trouvée masquait la présence de particules fines. Tout ça pour un moindre coût ! Économiquement, il y avait un avantage énorme pour la firme, c’est ainsi que cette solu-tion a été retenue. »

Le Lama démocratique, promis à une sévère peine infligée par la justice internationale, est désor-mais discrédité. Ce scandale a évidemment eu des répercussions immédiates sur le marché de l’al-paga, considéré par tous comme le véhicule du futur, « et en plus il est plus doux ».

UNE CRISE À ÉVITER

Face à ce scandale, les associa-tions de défense des animaux se sont mises sur le qui-vive. Que faire des millions de Lam’art abandonnés en masse ? Déjà, les habitants s’inquiètent des lamas errant dans les rues et des éven-tuelles agressions. Des mesures

d’urgence ont été prises par le gou-vernement : des champs ont été réquisitionnés pour stocker les animaux avant qu’une solu-tion en soit trouvée. Monsieur B, éleveur, est responsable de l’une de ces fermes de fortune : « Je me suis tout de suite engagé pour aider ces pauvres bêtes, nous confie-t-il. On ne pouvait pas les laisser comme ça, mais qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? On ne peut pas les abattre quand même ! J’ai entendu un gars à la télé qui disait qu’il faudrait les envoyer dans les pays pauvres, qu’ils ne se rendront compte de rien. Mais ce ne serait que déplacer le problème ! L’air il est à tout le monde. » En ef-fet, cet épineux problème est loin d’être résolu. Espérons que ces évènements ne déboucheront pas sur une crise sanitaire de grande ampleur.

Et les alpagas dans tout ça ? Ils se portent bien. Bientôt, vous ne passerez plus pour un hippie en en adoptant un. Un service d’alpa-ga en libre service va être mis en place dans une ville pilote et sera

étendu en cas de succès, ce qu’on lui souhaite. Le principe est simple : des boxes disposés aux quatre coins de l’agglomération permet-tront aux usagers d’emprunter un alpaga pour de courtes du-rées, pouvant aller partout - à l’excep-tion du tramway.

Toutefois rappelons que l’alpa-ga reste un animal polluant. Si le choisir améliore l’empreinte écolo-gique de son maître, elle ne l’efface jamais totalement. D’autant plus que les consommateurs auront tôt fait de l’oublier en découvrant les nouveaux modèles de la marque « AlpaGo », le concurrent direct du Lama démocratique. Parmi eux : l’Alpadou (rose et livré avec un produit adoucissant), l’Alpaswag (qui partage vos goûts vestimen-taires) et l’Alpaflem (modèle éco-nomique, mais il met du temps à démarrer).

Léna [email protected]

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INTERVIEW

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INTERVIEW

Rencontre avec

Co-fondateur de « YOUNG CHANGE MAKER »

NathanSORET

À tout juste 20 ans, le jeune belge Nathan Soret n’a jamais le temps de s’ennuyer. Animateur et community-manager à Ra-

dio Contact (première radio belge), il est depuis la rentrée, animateur à RTL TVI. Explications : Nathan a fondé avec ses potes Célestin de Wer-gifosse, plus jeune inventeur du pays et Darby Lubamba Bounjahi « Young Change Maker », « une organisation qui a pour mission de mettre en avant l’entreprenariat des jeunes européens via des conférences ».

C’est donc à Paris, en juin dernier, que nous avons rencontré Nathan afin d’en savoir plus notamment sur ce projet mais aussi sur son expérience au sein de Radio Contact, ses choix d’avenir et ses opinions sur l’entreprenariat et la jeunesse en général.

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INTERVIEW

- TM : Peux-tu nous briefer un peu plus sur « Young Change Maker » ?

NS : « Young Change Maker » est une organi-sation qui veut mettre en avant des jeunes qui entreprennent dans différents milieux. Nous essayons vraiment d’élargir le mot entrepre-nariat : nous considérons qu’un musicien, par exemple, qui fait tout son possible pour que sa musique soit connue est un entrepreneur.

Un jeune ayant un projet et qui met en place tout ce qu’il peut pour le développer est un en-trepreneur. Je ne veux pas être stigmatisant, ce pourquoi je préfère élargir le terme « entrepre-neuriat » mot aux jeunes qui sont motivés et qui ont leur projet.

- TM : Qu’en est-il du statut ?

NS : Pour l’instant, cela se présente un peu comme une association, il n’y a pas vraiment de structure mais tout cela va se construire pro-gressivement.

- TM : Combien êtes-vous à gérer le projet ?

NS : Nous sommes trois et nous n’avons pas be-soin d’être plus je pense ! À plusieurs, cela de-vient compliqué pour prendre les décisions. Il y a aussi des personnes qui s’occupent de filmer et de gérer la plateforme internet.

- TM : Concrètement, qu’est-ce que vous évo-quez pendant ces conférences ?

NS : Les intervenants commencent par rappeler leur parcours puis les freins et blocages que les jeunes ont pu rencontrer dans l’acheminement

de leur projet. Pour notre première conférence, nous avions la présence de Célestin qui est en-trepreneur, inventeur et CEO à Celever ainsi que de Valentin Reverdi, CEO de Dissemblances et moi-même.

Ces intervenants apportent des points de vue vraiment intéressants et différents par rapport aux adultes. Ils sont jeunes mais ont des expé-riences professionnelles concrètes que nous essayons de partager avec le public. Le but est de créer un déclic chez celui qui veut lancer son projet. Cela est nécessaire, un jeune qui hésite à devenir entrepreneur doit savoir ce qui est à faire - ou à ne pas faire - avant de monter son projet. À l’issu de la conférence, comme une cerise sur le gâteau, nous motivons le public en leur évoquant quelques citations : ces phrases, les invités pourront les garder en tête.

- TM : Vous misez alors sur deux ou trois inter-venants, pas plus ?

NS : Être de trop ne sert à rien. Je préfère que les gens retournent chez eux en ayant à l’esprit le discours deux ou trois intervenants : ils seront d’autant plus marqués.

- TM : Tout le monde peut participer à ces conférences ?

NS : Nous arrêtons une date et les inscriptions sont libres, il n’y a pas de sélection. Tu peux être le premier ministre, on s’en fiche. Nous attirons un public aux origines sociales divers, pas une une petite catégorie de la population mais un public de tout horizon.

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- TM : Le but, c’est de mettre en relation les jeunes, de faire du networking alors ?

NS : Oui et non, le but premier est de réussir à mettre en avant des jeunes qui ont créé leur projet pour qu’ils puissent à leur tour motiver d’autres jeunes. C’est ce qui est intéressant, ce ne sont pas des gens de quarante ans qui vous parlent d’entreprenariat mais des jeunes. Avec un peu d’ambition, n’importe qui peut foncer et réussir à construire quelque chose. Récupérer, puiser un maximum d’inspiration de ces confé-rences, c’est l’enjeu principal.

- TM : Pas de travail de suivi, d’accompagne-ment alors ?

NS : Pour l’instant, nous n’avons pas vocation à créer un travail s’accompagnement. Aider quelqu’un à créer son entreprise, cela prendrait trop de temps, d’autres le font mieux que nous. Pour le moment, nous cherchons seulement à créer des déclics dans le public et à prouver aux adultes que des jeunes aujourd’hui sont en mesure d’entreprendre, qui faut leur faire confiance.

- TM : Vous avez proposé une première confé-rence au parlement francophone bruxellois au mois de Mai, a-t-elle bien marché ? As-tu des anecdotes à nous faire partager ?

NS : Tout s’est très bien passé, cela nous encou-rage à continuer. Tout s’est déroulé extrême-ment vite pour cette conférence, deux derniers jours étaient intensifs, de plus nous étions moyennement prêts. Ce qui est plutôt cool, c’est le ralliement au projet de la « Claire Cha-zal bruxelloise » : Hakima Darhmouch quelques

jours avant le début de la conférence, elle est devenue notre marraine.

- TM : Avez-vous eu des retours positifs ?

NS : Oui ! J’ai reçu des messages d’encourage-ments de la part mon entourage ou d’autres personnes, tout comme Célestin ou Valentin. Des punchlines sont restés dans les têtes ! Ce qui serait une très grande fierté, serait que ces jeunes gens gardent à l’esprit cette conférence comme étant un tremplin pour leur projet, et que dans 10 ans, nous puissions en reparler avec eux.

- TM : Comment ça se passe pour les soutiens ? NS : Nous avons des soutiens médiatiques et c’est important. Quant au soutien financier, c’est un peu plus compliqué mais maintenant l’avan-tage avec ces conférences, c’est que nous pou-vons capitaliser les vidéos, les gens reviennent spontanément...

- TM : Est-ce que tu vois dans ce projet une ma-nière de rendre service à la communauté, de l’amener vers de nouvelles perspectives ?

NS : En fait oui, je suis dans une colocation vrai-ment très bizarre avec Célestin, qui apporte un certain letmotiv et Karim, mon deuxième colo-cataire, qui a un côté plus terre à terre. Tous les soirs, me demande de réfléchir à ce que j’ai ap-porté à ce monde. J’ai donc gardé cette phrase au-dessus de mon lit (rires) même si il faut plutôt essayer de réfléchir à une échelle plus locale, comme au sein de la ville.

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- TM : Tu es arrivé à Radio Contact il y a un an, peux-tu nous faire une brève présentation du média ?

NS : Il s’agit d’une radio très musicale, qu’on pourrait placer entre NRJ et Virgin Radio chez vous. Elle plaît beaucoup, c’est une marque vraiment belge pour le coup, qui trouve un bon public puisqu’elle est première pour le moment.

- TM : On te considérait comme « la nouvelle star » de Radio Contact lorsque tu es arrivé l’année dernière, tu prends ou pas ?

NS : Non, c’est parce que j’étais le seul nouvel arrivant en septembre dernier. C’est pour cela que de tels articles sont sortis Le fait que je sois jeune a aussi amplifié le phénomène.

- TM : Tu fais de l’animation en semaine avec David Antoine qui est l’animateur principal et le dimanche en solo, comment as-tu acquis toute cette formation ?

NS : J’ai fait pas mal de choses avant Contact : j’ai travaillé pendant deux ans dans une pe-tite radio locale urbaine qui peut faire penser à Skyrock, toute proportion gardée. J’ai alors vraiment appris. C’est comme cela que je suis arrivé à Contact il y a un an, mais tout était fi-nalement à réapprendre en arrivant car je suis passé d’une table de mixage avec deux, trois tranches à un véritable tableau de bord d’avion (rires).

- TM : À 19 ans, ils t’ont alors fait confiance tout de suite ?

NS : Oui, même moi je ne comprends pas, ils ne savaient presque pas ce que je valais en radio en plus. Ils m’ont laissé le dimanche en solo, ça allait car ce n’était pas un lundi matin, à une

heure de grosse écoute. J’ai aussi fait quelques erreurs au début mais heureusement, les gens sont hyper cools donc ils m’ont vraiment aidé mais c’est vrai qu’au départ, j’étais un peu jeté dans la fosse au lion.

- TM : Si on revient un peu plus en arrière, a 14 ans, tu bloguais déjà pour le Figaro, c’est as-sez fou non ?

NS : Oui c’était assez dingue, j’essayais de grat-ter quelques interviews par-ci par-là pour capi-taliser ce nom du figaro qui est assez énorme.

- TM : Tu as aussi travaillé pour Sud Presse puis pour RTL TVI en tant que community manager il y a trois ans mais tout ça sans expérience, sur le tas ?

NS : Oui, en fait à chaque fois j’essayais de ca-pitaliser l’expérience que j’avais acquise pour faire de nouvelles choses. Je pense que de toute façon, le milieu des médias et de la com-munication est un milieu où tu vas sans expé-rience. Ce n’est pas en lisant tes cours que tu vas apprendre à faire un bon article, ce n’est pas l’essentiel je pense.

- TM : Où en es-tu justement au niveau de tes études ?

NS : J’ai commencé des études de communi-cation il y a trois ans mais j’ai arrêté en janvier. C’est un choix personnel. Ce type de choix dé-pend de chaque personne, de sa manière de voir une carrière, ou des études. En ce qui me concerne, j’avais l’impression que ça faisait un peu double-emploi puisque je travaillais déjà dans la communication, autant faire quelque chose de complémentaire comme du marketing ou du droit par exemple.

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Chaque décision se discute, il m’a fallu du temps pour les assumer. J’ai quand même continué pour faire plaisir à mes proches, à mes patrons de Contact, jusqu’à ce que finalement je prenne cette décision. C’est horrible parce que tous les jours, il y a au moins cinq personnes qui viennent me voir pour en parler et il faut alors que je me justifie. J’ai tellement goûté à ce mi-lieu professionnel qu’il serait difficile pour moi de me remettre dans les bouquins. C’est une autre manière d’apprendre.

- TM : On te retrouve où alors plus tard ?

NS : C’est une question à laquelle je n’aurais pas pu répondre il y a encore un an, mais je commence tout doucement à y trouver une réponse… Dans dix ans, j’aimerais porter le « Young Change Maker », ou une autre organisa-tion, et côtoyer des jeunes au niveau européen et mondial. Je veux les coacher sur la meilleure façon de communiquer.

Peut-être que je continuerai dans les médias que ce soit à la radio ou la TV, mais je n’en fais pas une finalité. Pour l’instant ce sont des mo-ments sympas à passer mais je ne souhaite pas effectuer une carrière entière dans cet univers.

- TM : Si on te demande ton point de vue sur la jeunesse d’aujourd’hui, tu ne vas pas nous tenir un discours très pessimiste alors ?

NS : Oui et non. Il y a des jeunes qui ne font rien et bien sûr cela m’énerve alors qu’ils ont du po-tentiel mais ils ne le savent pas. C’est pour ça justement que nous essayons à notre échelle d’organiser des évènements comme cela pour motiver d’autres jeunes. Et même si il n’y a qu’une seule personne sur des centaines qui décide de se lancer dans son projet grâce à nous, ce sera déjà une belle satisfaction.

Après je ne veux pas avoir un avis négatif sur la jeunesse d’aujourd’hui, je pense que c’est une génération qui va un peu tout dégommer, cas-ser les codes ainsi que les hiérarchies au sein des entreprises. Ça va être très excitant à voir pour les cinq ans à venir. Je le constate déjà maintenant : dans l’entreprise pour laquelle je travaille, il y a vraiment des différences de pensées et de mentalités. Les réseaux sociaux, comme Snap Chat ou Twitter, participent aussi à bouleverser ces hiérarchies, ces codes.

- TM : Selon toi, le monde du travail est donc en train de changer ?

NS : Les jeunes, tu ne peux plus leur dire d’al-ler travailler de 8h à 18h tous les jours. Ils sont habitués à gagner de l’argent beaucoup plus vite maintenant. Sur internet, certains font des vidéos et gagnent trois mille, quatre mille ou cinq mille euros par mois. Je me rappelle avoir dit ceci à un caméraman qui avait une qua-rantaine d’années: « tout ce que tu as appris en trente ans, il y a des jeunes qui ont dix-huit ans et qui vont l’apprendre en deux ans. Ils vont te tuer ». Ma réflexion a mal été comprise, je pense que le cameraman ne pouvait pas vrai-ment comprendre cela. Nos techniques et mé-thodes de travail sont innovantes et les jeunes apprennent à travailler lus vite tandis que les plus anciens ont dû mal à s’adapter au chan-gement. Ce moment charnière va être très dur pour les entreprises. Oui, je pense vraiment que le monde du travail va changer dans les années qui viennent.

Julien Toublanc, Chloé Cénard, Aïda Delpuech.

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