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#21 Mars 2015 TRIP MUSIQUE ACTU CINÉMA ART LITTÉRATURE INTERVIEW INTERVIEW INTERNATIONAL ART Rencontre avec Jessica 93 Boko Haram : bad luck for Jonathan Quand le street art rend hommage à Dali www.magazinetrip.fr

TRIP Magazine n°21 - Mars 2015

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Au programme ce mois-ci une interview de Jessica 93, qui se cache derrière ce pseudonyme androgyne ? INTERNATIONAL : Boko Haram : bad luck for jonathan. MUSIQUE : retour sur le premier album d’Exuma. CINEMA : Inarritu, l’artiste polymorphe. ART : quand le street rend hommage à Dali. LITTERATURE : La dystopie : entre obsession et exutoire. Et bien d’autres sujets ! Bonne lecture !

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#21Mars 2015

TRIPMUSIQUEACTUCINÉMAARTLITTÉRATUREINTERVIEW

INTERVIEW

INTERNATIONAL

ART

Rencontre avec Jessica 93

Boko Haram : bad luckfor Jonathan

Quand le street art rend hommage à Dali

www.magazinetrip.fr

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Lancé en septembre 2012 par 2 jeunes bretons de 16 et 17 ans, TRIP Magazine fondé et géré par des jeunes pour des jeunes est un webzine rassemblant des passionnés de journalisme en France et à l’étranger.

TRIP Magazine donne l’opportunité aux 16-20 ans, aspirant au journalisme ou souhaitant être impli-qué dans un projet mené de A à Z par des jeunes, de pouvoir informer et parfois même coacher. Le contenu s’articule autour d’une équipe dyna-mique, motivée et venant de tous les horizons.

Bien plus qu’une simple publication, c’est aussi un appel à l’engagement de la jeunesse.

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EDITO

RIAL

NE FERMONS PAS LES YEUXEntouré de ses homologues venus du monde entier, Goodluck Jonathan participait le 11 janvier dernier à la marche historique en hommage aux victimes des attentats de Paris. Le Nigeria aux côtés des français dans la douleur, quelle belle image du triomphe de la solidarité internationale ! L’image est forte, tout comme l’amnésie qui semble désormais frapper les pays occidentaux. Car si la France participe timidement à la lutte contre Boko Haram au sein d’une cellule de renseignement internationale basée au Tchad, encore plus timides sont l’émotion et l’indignation de l’opinion publique face au massacre de milliers de civils.

Alors que nous rédigeons cet édito, l’armée nigériane annonce avoir libérée la ville-martyre de Baga au Nord-est du pays. Ce port de pêche situé sur les rives du Lac Tchad avait été le théâtre du plus important massacre jamais réalisé par le groupe terroriste ; on estime à 2000 le nombre de victimes civiles. La victoire de Baga, qui intervient à quelques semaines des élections législatives et présidentielles qui se tiendront le 28 mars prochain, profite largement au président sortant Goodluck Jonathan. Celui-ci s’est d’ailleurs immédiatement rendu sur place et en dépit du fait qu’il affirme que «le vent tourne pour Boko Haram», le groupe islamiste ne semble pas prêt à déposer les armes. Pour preuve, au même moment 2 attentats-suicides causaient la mort de 35 personnes dans le Nord du pays.

Le 28 Mars, on trouvera ou pas une solution au problème Boko Haram mais n’oublions pas de nous indigner, nous devons dénoncer cette barbarie et ne surtout pas l’assimiler à la normalité. Que retiendrons-nous des 2000 morts estimés de Baga ? De cette fillette de 11 ans forcée à se faire exploser sur un marché ? Des 40 morts de Maiduguri ? Des 30 morts de Chibok ? Des 11 morts de Biu ? Des 6 morts et 11 blessés de Kasuwar Awara ? Cette liste macabre n’est pas exhaustive. Ne fermons pas les yeux.

Jules PLAT et Julien Toublanc

EDITO

RIAL

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MUSIQUE

« A nous Paris » : un festival aux multiples sonorités

Son et lumière : harmonie parfaite

H-Burns : Night Moves

Exuma : un premier album émouvant

p.7

p.18

p.8

p.14

ACTU

La chevauchée sanglante de Boko Haram prendra-t-elle fin ?

Inde : le triomphe du « Parti de l’Homme ordinaire »

Sport : 5 clés pour comprendre une candidature olympique

p.23

p.28

p.30

CINÉMA

Alejandro Gonzalez Inarritu : l’artiste polymorphe

Jupiter : Le Destin de l’univers

Oscars et Césars

p.34

p.46

p.51

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ART

LITTÉRATURE

INTERVIEW

La fondation Henri Cartier-Bresson

La dystopie : entre obsession et exutoire

Rencontre avec Jessica 93

Contact de Philippe Decouflé : de la beauté au divertissement

One Day Thoughts

Dali fait le mur : le street art rend hommage à Avida Dollars

p.56

p.68

p.74

p.60

p.71

p.64

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MUSIQUE

MUSIQUE‘‘À NOUS PARIS’’

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MUSIQUE

‘‘À NOUS PARIS’’

UN FESTIVAL AUX

MULTIPLES SONORITÉSÀ nous Paris Fireworks, est un festival

qui s’est déroulé le mois dernier. Une multitude d’artistes se sont produits

sur le devant de la scène. La particu-larité de cet événement, ce sont les

différents lieux comme le Trianon, l’Olympia, Trabendo, ...

Tout a débuté le 14 Février, les festivaliers ont pu passer la St Valentin en compagnie

de la talentueuse JESSIE WARE. Cette musicienne s’est faite notamment connaître par le titre Wildest Moments. Le son a une résonance d’électro soul. Rapidement, elle conquit un public de plus en plus grandissant. Le magazine Clash, la qualifie comme étant «le lien manquant entre Adèle, Sade et SBTRKT». C’est pour cet artiste un privilège de désormais apparaître avec de grands noms de la musique.

Le lendemain, le rendez-vous était pris à la maroquinerie où

se produisait JAPE. Ce groupe irlandais assez méconnu du grand public a étonné le public. En effet, ce dernier était venu défendre son dernier opus « This Chemical Sea ». Jape trouve ses influences au travers de David Bowie mais aussi des Raconteurs. Dès le

second titre, le public était adepte de la musique. Ils attendaient avec impatience chaque morceau. Le seul petit hic a été la courte durée du groupe sur scène. Pour beaucoup de personnes, Jape a été qualifié de coup de cœur de la soirée !

TWIN PEAKS ont, quant à eux, un style tout à fait différent. Du haut de leurs vingt ans, ils ont présenté leur deuxième album Wild Union. Le jeune groupe impose leur vision rock’n roll insouciant mais sans aucune vulgarité. Le son bref mais intense a convaincu la salle pleine à craquer. Vous laisserez-vous tenter à votre tour ?!

DJ SHADOW et CUT CHEMIST se sont réunis dans le cadre de la tournée en hommage à Afrika Bambaataa. Lorsqu’ils ont été invités à étudier les vinyles du “master of records », ils ont

confié : « On est tombés sur des versions inédites de hip hop old school, des titres de disco avec des breaks effarants dont on n’avait jamais entendu parler. Ce mec était tellement en avance sur son temps, c’était hallucinant », raconte DJ Shadow. De plus, travailler ensemble pour eux, a été facile, ils avaient déjà collaboré tous les deux.

Grand Blanc, Citizen, RY X, Phoria, ... et pleins d’autres ont enflammé les scènes parisiennes. Comme vous pouvez le constater, le festival offre une multitude d’artistes. Pourquoi ne pas réserver certaines soirées au mois de février prochain pour se rendre au festival ?!

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En signant un opus à la rencontre de la profondeur de la folk, la sensibilité de la

pop et l’électricité du rock, le Français H-Burns s’envole vers la grâce, la poésie… et la renommée.

N IGHT M O V EH-BURNS

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De son vrai nom RENAUD BRUSTLEIN, le musicien forme son premier groupe Don’t Look Back à Valence, dont il est le guitariste. Formation qui se définit comme post-rock, elle

se caractérise par son énergie et son efficacité, fils rouges des 2 albums qu’elle produira : «Drunk in your arms», en 2003, puis «Brighter», 2 ans plus tard. Après la séparation de Don’t Look Back, en 2005,

Renaud décide de prendre le micro et de voler de ses propres ailes.

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H-Burns publie le 26 janvier un nouveau concept-album, son cin-quième en solo. Celui-ci se penche sur le temps, avec les thématiques du voyage et de la recherche de l’identité ; une grande poésie des paroles mais aussi du son se dé-marque de «Night Moves ». En-registré cette fois à Los Angeles avec Rob Schnapf (producteur de Beck et d’Elliot Smith), l’album est un petit bijou de spleen moderne.

Dès « Radar », le premier titre, on sent une vibration à la fois aé-rienne et profonde. Comme son confrère Talisco, H-Burns a le se-cret des refrains tenaces à oublier, pourtant loin de la pugnacité des hits de variété (n’en déplaise à Carly Rae Jepsen ou Bruno Mars). « Wolves », lui aussi, a tout d’un hymne hybride que l’on a bien du mal à s’ôter de la tête.

Plus « californien », « exotique » selon certains, on peut bel et bien considérer, au regard de l’œuvre complète du musicien, qu’il s’agit là d’une synthèse efficace de ses expériences.

H-Burns n’abandonne pas l’inten-sité de la formule classique du rock, qui lui vient de ses débuts avec Don’t Look Back ; il ajoute des éléments venus de la folk, dans ses mélodies inspirées et ses pa-roles lyriques, style qu’il maîtrise impeccablement depuis le début de son envolée en solo. Le côté pop, quant à lui, est présent dans

les synthétiseurs, discrets, ainsi que dans le chant travaillé du mu-sicien.

On reconnaît nombre d’influences anglo-saxonnes sur l’artiste : H-Burns, tout comme les Kills ou Baxter Dury, est à la frontière des styles, il est comme tiraillé entre ses lignes instrumentales accro-cheuses et sa voix monocorde aux accents nostalgiques. C’est là tout le talent de l’artiste : dégager la dé-licatesse en restant mesuré, sans tomber dans la facilité du douce-reux - hélas bien trop présent sur la scène folk actuelle.

H-Burns démontre, avec « Night Moves », qu’il n’est pas nécessaire d’abuser des pédales d’effets et d’accélérer le tempo pour se dé-marquer : à quoi bon chercher le re-nouveau du rock avec obstination, quand les formules traditionnelles s’appliquent si bien ?

La critique est unanime sur « Night Moves », tout comme elle l’a été sur « We Go Way Back » et « Songs from the Electric Sky ». À vous de découvrir H-Burns, un talent à part - pour une fois venu de l’Hexagone !

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Ayant accumulé des dizaines de chansons influencées par Johnny Cash, le musi-

cien Léonard Cohen, ou encore Jason Molina, décide tout bonne-ment d’en faire un premier disque : en découlera « Songs from the Electric Sky » (2006), joyau acoustique aux textes empreints de mélancolie.

Lorsqu’on le questionne sur ses paroles, pour lesquelles il a fait le choix audacieux de l’anglais, H-Burns répond qu’il s’agit d’une évidence : « Je n’arrive pas à écrire en français, sans doute que les origines de mes influences ne sont pas francophones non plus, que ce soit dans le domaine de la chanson, de la littérature ou bien encore du cinéma. Il est vrai aus-si, en ce qui me concerne, que la musicalité de la langue anglaise colle beaucoup plus à la folk. »

Au fil des ans, H-Burns enchaîne les opus, qui portent toujours sa patte, malgré une certaine électri-sation du son : «We go way back» (2009), est marqué par le rock indépendant des années 90, avec des artistes allant de Neil Young à Nirvana, en passant par Bruce Springsteen.

Mais cette évolution, qui pourrait passer pour un changement radi-cal de style, montre que le musi-cien se renouvelle sans jamais se renier. La qualité est constamment au rendez-vous.

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EXUMA : UN PREMIER ALBUM ÉMOUVANT

EXUMA. Cet homonyme vous est certainement in-connu et ne vous sentez pas idiot, c’est normal. Tony McKay, musicien originaire des Bahamas, a sévi sous ce nom mysté-rieux de 1962 à 1997.

Accompagné par sa troupe de musiciens, il fut un des instigateurs de l’expansion culturelle de son pays et reçut même une médaille d’honneur de la part de la reine Elizabeth II, rien que ça.

Son univers ? Entre folk, musique tribale et reflets psychédéliques imprégnés de la culture vaudou. Bienvenue chez Exuma.

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Le titre qui ouvre l’album pose d’emblée les bases plus que riches puisque Exuma, The

Obeah Man vous conte comment Tony McKay est devenu Exuma et par Extension l’Obeah, c’est à dire l’incarnation du « sorcier », réfé-rence culturelle de la lutte contre l’esclavage. Musicalement ce n’est pas le plus riche, mais c’est un bon présentoir pour le reste de l’album, on a ici un morceau folk riche en sonorités exotiques et autres sons plus chamaniques les uns que les autres.

DAMBALA suit ensuite et c’est à partir de là que l’œuvre prend son envol. La voix de Tony est alors

plus posée, si sensible qu’on pour-rait presque la toucher du bout des oreilles. Dambala fait référence à l’esprit vaudou de la connais-sance, associé à Saint Patrick dans notre culture. Des chœurs féminins s’ajoutent progressive-ment, accentuant cette honnêteté musicale et humaine. Un tambour martèle de temps à autre, en ar-rière fond, donnant une profon-deur insoupçonnée à ce qui aurait pu être un morceau de folk assez classique, mais qui est très loin d’en être un.

La déferlante MAMA LOI, PAPA LOI arrive alors pour asséner ce qui sera une de mes plus grosses

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claques musicales à ce jour. Sur le thème vaudou des zombies, Mc-Kay usera ici de tout son potentiel vocal pour bouleverser jusqu’au plus profond de nos tripes, pous-sant sa voix tellement loin que le matériel de l’époque ne suivait pas, le rendu étant totalement sa-turé. Les tambours se posent pro-gressivement jusqu’à explosion de nos frêles petits cœurs. Un refrain qui se retient en une écoute et qui deviendra vite indispensable au bonheur des auditeurs. « I see fires in the dead man’s eyes... »

JUNKANOO, piste centrale et entiè-rement instrumentale, fait office de transition. Le junkanoo étant le carnaval des Bahamas, les instru-ments sont ici très traditionnels et festifs, couplés à de nombreuses sonorités locales et folkloriques. Pas essentiel ni révolutionnaire non plus, un morceau qui fait bien son boulot.

SEANCE IN THE SIXTH FRET entame la deuxième partie de l’album sur un ton tout autre. Bizarre, touchant au malsain, les cloches qui tintent

prennent ici un autre sens. McKay hurle, pleure, supplie. Le gong as-somme pendant qu’un homme déclame des noms de personnes avec des dates de naissances et de morts. J’ai voulu chercher pour vous ce que cela pouvait vouloir dire, mais la réponse de Google fut « Certains résultats peuvent avoir été supprimés conformément à la loi européenne sur la protection des données. ». Affaire à suivre...

Heureusement pour les esprits YOU DON’T KNOW WHAT’S GOING on calme le jeu avec une petite ballade relativement classique, mais d’une efficacité diabolique. On peut penser à une chanson d’amour, mais avec Exuma ça ne doit pas être aussi simple que cela. Le refrain se chantonne avec plai-sir et mélancolie, la voix de McKay et de ses musiciens s’amusant à tirer sur la corde sensible une fois de plus. Une ballade, certes, mais avec ce petit quelque chose de plus.

Enfin THE VISION conclue en dou-ceur musicale, bien que les paroles

parlent des sept anges annoncia-teurs de la fin du monde. Un titre dans la lignée de ce qui a précédé la voix de McKay, la guitare folk, le tambour et toutes les autres sono-rités ethniques qui font la richesse de cet univers à part entière.

Si ce premier album est symp-tomatique de l’ensemble de leur carrière on en reprendrait bien tous les jours tellement l’ensemble est cohérent, beau et surtout touchant. Il s’en dégage quelque chose de vrai, d’honnête, on a l’im-pression de connaître personnel-lement Tony Mckay et de l’accueil-lir comme un vieux pote à chaque écoute. Alors merci Tony, on se voit de l’autre côté.

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SON & LUMIÈRE HARMONIE PARFAITEUn film sans musique, c’est

comme un chef d’orchestre sans baguette, il manque

quelque chose... Imaginez les « Dents de la Mer » sans ses mythiques violons prévenant du danger. Vous ne seriez pas à vous mordre les doigts, à vous enfoncer dans votre fauteuil de cinéma, à vous cacher les yeux, à vous dire dans votre tête : « oh non, que va-t-il se passer ? » Mais plutôt à attendre sagement que quelque chose vous surprenne, et cela serait dommage !

Voilà tout le but des bandes origi-nales des films : que l’adrénaline monte, que l’émotion vous enva-hisse. Le scénario, les images, le montage ne font pas tout. Pour qu’un film soit un « blockbuster » (comme on dit dans le jargon ci-nématographique), la musique en est le principal vecteur. Jouant sur les sonorités, les nuances, les rythmes, les basses, les aigus, les compositeurs s’accordent avec les réalisateurs pour donner au film une dimension que seule la mélodie peut faire naître.

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Le cinéma a toujours été associé à la musique. Au tout début, des fan-fares et des hommes-orchestres jouent à l’extérieur des salles pour attirer les passants. Puis, lors de projections de films, un musicien est présent dans la salle, un pia-niste notamment. Le succès est tel qu’ils sont prénommés « ta-peurs », devant improviser sur des thèmes diverses : ils passent du burlesque au dramatique, de l’historique au documentaire.

Petit à petit, le piano disparaît des salles, laissant place au Wurlitzer, cet orgue d’une incroyable com-plexité mais pouvant donner une multitude d’effets sonores selon les situations. Le répertoire s’élar-git, et les orchestres prennent de plus en plus de place, montrant ainsi que la musique d’accom-pagnement est indispensable à l’image. Le visuel et l’audio ne font qu’un, si bien que l’image accom-pagne la musique.

Qu’elle soit écrite avant ou après le scénario, avec ou sans le vision-nage des images, indépendam-

ment ou strictement surveillée par le réalisateur, une bande originale fonde le film. Fellini laissait libre court à l’imagination de Nino Rota qui n’avait pas vu le film, et Charlie Chaplin n’hésitait pas à écrire ses musiques et allait même jusqu’à les diriger ! Ni règles ni recettes, la musique de film naît de belles ren-contres.

LES AMÉRICAINS EN TÊTE

Il n’est pas étonnant de retrou-ver les Etats-Unis en tête de lice dans le domaine de la musique de film. Ils regroupent la plupart des grands couples compositeurs-ré-alisateurs. Steven Spielberg et John Williams, forment un de ces couples, et pas le moindre : c’est le couple de tous les records. Tous les deux possèdent une grande connaissance de la musique et ont la même conception de l’apport de la musique à l’image. La musique de Williams, qui vous transporte, qui vous fait transpirer, qui vous fait claquer des dents, qui vous fait rêver, a « littéralement transcen-dé et transformé chacun de mes

films » annonce Spielberg

Hans Zimmer est aussi le com-positeur le plus demandé ! Après avoir composé les plus grandes musiques de films tels que Pirates of the Carribean, Inception, Gladia-tor, Da Vinci Code le voilà de retour en collaboration avec le réalisateur Christopher Nolan. Interstellar, sorti en novembre dernier, est un nid à musique « Zimmerienne ». « Pour moi, la musique est un élé-ment fondamental, pas quelque chose qu’on vient saupoudrer à la fin du repas.

Je n’aime pas utiliser de musiques temporaires, c’est pourquoi j’ai appelé Hans avant même de tra-vailler sur le film. Il a compris que je voulais retourner le processus habituel en libérant son instinct musical et émotionnel, de sorte que la création du score fusionne avec les premières étapes de création de l’histoire » explique le réalisateur à Cinézik. Hans Zim-mer n’écrit pas comme les autres ; aucun papier, tout est sur l’ordina-teur. A partir d’enregistrements, il

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Desplat se retrouve nominé aux oscars et peut maintenant « mar-cher dans les pas de Georges De-lerue et de Michel Legrand ». Rêve de gosse devenu réalité, il est au-jourd’hui la nouvelle coqueluche des américains. Le scénariste et réalisateur N. T. Binh note alors que « cela prouve l’adaptabilité de nos musiciens, mais aussi l’image positive de la musique française à l’étranger, notamment aux Etats-Unis où l’on pense que les compo-siteurs français sont moins dans l’illustration ».

Quelle soit française, américaine, ou de tout autre pays, la musique de film transcende et est le moteur de l’émotion. C’est de la tension entre deux ego que naît les plus belles musiques de film.

SERAIT-CE LA FIN ?La musique de film en tant que mélodie serait-elle en train de

s’éteindre ? Vous pensez que non ; c’est pourtant ce que semble affirmer certaines personnes critiquant les nouveaux « block-busters ». L’industrie musicale est en mutation et en phase avec son temps : il n’est donc pas im-probable que la mélodie, autrefois réalisée par les orchestres sym-phoniques, change d’aspect et soit remplacée par du sound-de-sign. Pour remarquer la différence, il faut juste tendre l’oreille. Vous vous doutez bien que le Super-man de 1978 composé par John Williams est différent de celui de Hans Zimmer réalisé 34 ans plus tard ! La mélodie instrumentale laisse place aujourd’hui à des sons synthétiques, où les basses et les percussions jouent le rôle princi-pal. La musique de film n’est pas morte, elle a simplement changé de nature... Et peut être parfois utilisée à des fins commerciales, comme ce fut le cas lorsque le

peut les triturer, les synthétiser à sa manière afin de procurer au film une dimension obscure et mélancolique. L’orgue de la cathé-drale de Salisbury, en Angleterre, a été principalement sollicité pour ce film, un « petit caprice » de Hans pour donner une impression angoissante, sombre, inconnue, mais aussi curieuse. Grâce à In-terstellar, Hans a su conquérir à nouveau Hollywood et la planète entière, donnant au cinéma en-core une fois sa magie première.

MAIS QU’EN EST-IL DE LA FRANCE ?

N’allez pas croire que la France ne possède pas son industrie de mu-sique de film ! Elle compte aussi son lot de dinosaures de la com-position. Après avoir produit les musiques de « blockbusters » tels que Twilight, les derniers Harry Potter, les Monuments Men de George Clooney ou Argo, Alexandre

MUSIQUE

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groupe DJ Rebel reprend la bande originale de Pirates of the Carri-bean (avec des legos en prime) pour en faire un tube façon électro.

Alors pour ceux qui croient que la musique de film, mélodique, riche, et finement conçue, devient de plus en plus une utopie, rassu-rez-vous ! Car la contre-attaque est lancée : Danny Elfman, Alexandre Desplat, Michael Giacchino, Howard Shore, Dario Marianelli, Marco Bel-trami, Alberto Iglesias... Autant de compositeurs qui sortent leur plus belle plume, tentant d’échapper à cette nouvelle industrie où l’attrait économique est séduisant. Le septième art continue d’exister, et la musique aussi !

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MUSIQUE

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ACTU

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INTERNATIONAL

LA CHEVAUCHÉE SANGLANTE DE BOKO HARAM PRENDRA-T-ELLE FIN ?

Les élections législatives et présidentielles reportées au 28 mars pour des raisons de

sécurité suite aux agissements du groupuscule islamiste Boko Haram ont intégré la nécessité d’en finir avec la secte islamiste, une crise transnationale qui sera par ailleurs un enjeu majeur du

scrutin. Seulement, la réalité semble nous rattraper, le groupe islamiste ne semble pas prêt à renoncer pour autant à ses objec-tifs initiaux et continue à semer la terreur particulièrement dans le Nord-Est du Nigéria, devenu le fief des insurgés depuis 2002. Décryptage.

DE MOHAMMED YUSUF À ABUBA-KAR SHEKAU, LE MONSTRE PREND SON ENVOL.

Le groupe est né en 2002 sous la coupe de Mohammed Yusuf dans le nord-est du Nigéria. Mouvement religieux crée parmi tant d’autres dans cette zone majoritairement musulmane, Yusuf a puisé son inspiration dans un melting-pot de courants radicaux tels que des groupes salafistes ou d’autres groupes sous influence des Frères

Musulmans par exemple. Selon le politologue Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Boko Haram se si-tuerait à la « confluence des mou-vements salafistes et islamistes républicains ». Les membres du groupe prônent un islam radical et souhaitent la naissance d’un Etat Islamique reposant sur l’applica-tion stricte de la Charia. « Ils s’op-posent à une occidentalisation de la vie nigériane qui inclut l’éduca-tion » propose comme explication Cédric Jourde, professeur à l’Ecole

d’études politiques de l’Universi-té d’Ottawa. C’est avec l’arrivée en 2009 d’Abubakar Shekau que le groupe islamiste Boko Haram a pris un virage inquiétant. Ce der-nier qui menait des actions essen-tiellement contre les chrétiens et les autorités sous Mohammed Yu-suf règle dorénavant ses comptes à coup d’attentats-suicides ciblés au Nigéria, au Tchad avec des piro-gues, mais aussi en organisant des assauts terrestres au Niger, au Ca-meroun et au Nigeria.

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UN BOKO HARAM SOCIALISTE POUR RENFLOUER SES EF-FECTIFS ?

INTERNATIONAL

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Pour justifier ses actes déli-bérés, Boko Haram s’appuie certes sur un discours reli-

gieux mais aussi sur des revendi-cations sociales, il dénonce préci-sément un fossé entre le Nord du pays sous-développé et un Sud qui s’enrichit de plus en plus. « Il y

a une tentative de la part de Boko Haram de démontrer que les élites au pouvoir ont tout détourné à leur seul profit, et que les gens du Nord n’ont accès à rien » souligne Cédric Jourde. Jouant donc sur le mécontentement d’une population désabusée par des conditions so-

ciales et économiques en rupture avec le Sud du pays, Boko Haram cherche à renflouer ses effectifs et met dans son viseur de prédilec-tion les jeunes qui n’arrivent pas à trouver du travail.

INTERNATIONAL

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Lance-roquettes, blindés, ca-nons, mortiers... Boko Haram a

l’air d’avoir plus d’une arme dans son sac pour continuer à faire pâ-lir ses “ennemis“. Depuis 2009, comme Cédric Jourde nous l’ex-plique, soit la secte a continuel-lement cherché à amasser des outils de combat en allant les récu-pérer la ou les militaires nigérians ont failli pendant des opérations

de détachement, c’est à dire direc-tement sur le terrain, soit en ache-tant les armes. C’est pourquoi les autorités tchadiennes et camerou-naises sont sur le qui-vive depuis des mois pour contrôler toute infil-tration de Boko Haram mais éga-lement pour surveiller tout transit d’armes en provenance de Libye et à destination des islamistes.

UN ARSENALNON IDENTIFIÉ

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GOOD LUCK GOOD LUCK JONATHAN !

Le président sortant Goodluck Jo-nathan a du pain sur la planche s’il souhaite voir son quatrième man-dat renouvelé le 28 mars prochain. Le combat contre Boko Haram est désormais devenu plus que tout un enjeu majeur pour le scrutin final depuis que la population a vu ses élections repoussées au 28. Exaspérée, frustrée par ce choix de la commission électorale, elle attend beaucoup de Goodluck Jo-nathan, 57 ans et chrétien origi-naire du sud.

Dans un contexte qui on l’espère sera le plus démocratique possible (on peut avoir quelques doutes sur la tenure que prendra le vote dans le nord du pays à l’approche des élections) la population nigériane fera sans doute peser la balance vers lui ou son plus sérieux rival :

Muhammadu Buhari, 72 ans, an-cien général et qui a déjà dirigé le pays pendant 20 mois, de 1983 à 1985.La lutte contre Boko Haram semble être appréhendée comme une ligne directrice au sein des campagnes électorales, dans la plus grande ville du pays (Lagos) on peut trouver par exemple des affiches placardées sur des bus publics aux titres on ne peut plus clair : “The power to change Nigeria is on your hands (...) We will defeat Boko Haram“.

Néanmoins, malgré toute la volon-té de l’armée nigériane et de ses pays voisins engagés avec elle dans la coalition militaire africaine (Niger, Tchad, Cameroun, Nigeria, Bénin), réussir à remédier à l’in-surrection dans les dernières se-

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maines qu’ils restent alors qu’en 6 ans, le gouvernement de Jona-than n’y est pas parvenu, le pari semble culoté et impossible pour les moins optimistes. Il suffit de regarder les chiffres : déjà 13 000 morts depuis 2009 et 1,5 millions de déplacés.

Abubakar Schekau a fait savoir le mardi 17 février, dans une vidéo publiée par le groupe islamiste sur Twitter qu’il fera tout pour em-pêcher la tenue des élections le 28 mars. On aurait été étonné du contraire.

Julien [email protected]

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INDE : LE TRIOMPHE DU « PARTI DE L’HOMME ORDINAIRE »

INTERNATIONAL

C’est un scrutin particulier qui s’est déroulé le 7 fé-vrier dernier à Delhi, en Inde: les habitants de la capitale se sont rendus aux urnes afin d’élire leur

nouvelle assemblée législative. Plus qu’une élection locale, ce vote incarne la tendance politique du pays. Le bilan est sévère pour le parti au pouvoir, le BJP: sur les 70 sièges, il n’en a remporté que 3, les 67 autres raflés par le jeune parti AAP, dit de l’homme ordinaire, créé en novembre 2012.

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INTERNATIONAL

L’ATTRAIT DES DÉFENSEURS DE LA CAUSE POPULAIRE.

L’Aam Aadmi Party semble au-jourd’hui incarner le renouveau de la classe politique, tant il a « balayé » d’un revers de bras les élections législatives de Delhi. Par convention, ils ont choisi l’em-blème du balai pour représenter leur volonté de proposer des al-ternatives aux partis nationaux, de « faire le ménage dans la poli-tique ». Issu de la société civile, ce jeune parti se présente comme le porteur du message d’une socié-té grandissante, composée d’une classe populaire majoritaire aux besoins bien éloignés des préoc-cupations d’une classe politique élitiste. Ainsi, ils sont les premiers à manifester contre la hausse du prix de l’électricité, à dénoncer le viol d’un enfant, à soutenir les mi-norités religieuses, et à promettre l’accès à l’eau et à l’éducation pour tous.

Le Parti de l’Homme ordinaire se pose donc comme le représentant des oubliés indiens, les exclus d’une société de classes. Celui qui n’était considéré il y a tout juste un an que comme un parti anar-chiste, contre la mondialisation et ses effets sur les populations, vient de devenir le principal oppo-sant au pouvoir, tenu par le parti

BJP, dont le leader, Narendra Modi est le premier ministre Indien. L’AAP n’hésite pas à s’attaquer à ce parti nationaliste, dénonçant la corruption dans ses rangs, un mal qui ronge toute la politique indien. De telles convictions ne pouvaient laisser indifférents les douze mil-lions d’électeurs de Delhi: ils ont ainsi voté en masse, donnant une très large majorité à ce jeune parti qui a su leur parler.

DE NOMBREUX DÉFIS À RELEVER.

Si l’AAP a séduit les pauvres et la classe moyenne, ce n’est que le début d’un long chemin pour Ar-vind Kejriwal, leader du parti et ministre en chef de Delhi depuis les élections. Comment parvenir à réunir les intérêts d’une société si divisée?

Les besoins des pauvres diffèrent énormément de ceux d’une classe moyenne. Alors que les premiers souhaitent des accès aux néces-sités de base comme un logement correct, un accès l’eau, à l’éduca-tion et aux soins médicaux, l’AAP a su séduire la classe moyenne uniquement grâce à son engage-ment anti-corruption et parce qu’il représentait l’une des seules alter-natives sérieuses aux partis natio-nalistes, gérés par les grands ma-gnats de l’immobilier. S’il souhaite gagner une place légitime dans

tout le pays, et non seulement dans la capitale, ce jeune parti de-vra donc remettre en cause ses convictions contre la mondialisa-tion, au risque de perdre sa propre identité.

Cette élection législative de Delhi marque un pas dans la classe po-litique indienne. C’est l’expression de tout un peuple au travers d’un parti qui incarne une politique de l’espoir, la marque d’une volonté de changement. Pourtant, si c’est un triomphe qu’a connu le parti de l’homme ordinaire à Delhi, les grands partis nationalistes hin-dous comme le BJP restent au pouvoir. Il ne tient maintenant qu’à eux d’entendre le cri émis par cette population lors de ces élections et d’écouter leur revendication.

Pauline [email protected]

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SPORT

POUR COMPRENDRE UNE CANDIDATURE OLYMPIQUE.5 CLÉS

LE COMITÉ INTER-NATIONAL OLYM-

PIQUE.

PROCESSUS DE CANDIDATURE

DE 2 ANS.

Le CIO est l’organisation créée par le baron Pierre de Coubertin pour ré-instaurer les jeux antiques. Aujourd’hui, c’est l’organisme principal dans le processus de désignation de la ville hôte des Jeux Olympiques. Il est

composé de 115 membres : des athlètes actifs ou retraités, des responsables du haut niveau dans des fédérations, des présidents d’organisations interna-tionales.

Les villes qui souhaitent organiser les Jeux doivent faire parvenir au Co-mité International Olympique un dossier intitulé « Demande de candi-dature », qui contient les réponses à un questionnaire préparé par le CIO.

Ce dossier est ensuite présenté à un groupe nommé par le CIO et composé de représentants des différentes instances olympiques : les Fédérations Internationales, les Comités Nationaux Olympiques et la commission des athlètes du CIO. Une analyse des risques et des avantages présents dans les dossiers entraîne l’édition d’un rapport détaillé : il sera utilisé pour sélection-ner les villes officiellement candidates.

Après des années de planification et d’organisation, une ville peut se lan-cer dans un processus de candidature à l’organisation des Jeux Olym-piques. Sur une période de 2 ans, les villes qui souhaitent accueillir cet

évènement vont être départagées en deux phases qui sont les suivantes.

PHASE DE REQUÊTE DE

CANDIDATURE.

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SPORT

PHASE DE CANDIDATURE.

ELECTION DE LA VILLE HÔTE.

Le début de la deuxième phase est constitué de la réponse à un nouveau questionnaire beaucoup plus détaillé que le précédent ainsi que de la ré-daction d’un dossier de candidature. D’autres documents y sont ajoutés

comme des lettres de garanties juridiques. Le dossier de candidature traite de toutes les composantes des Jeux : le village olympique, le transport, la sécuri-té, l’hébergement, les installations sportives, l’environnement et le marketing.

Une commission d’évaluation prend connaissance des différents dossiers et les confronte. Ce groupe de représentants du mouvement olympique rend vi-site à chaque ville et remet à tous les membres du CIO un rapport traitant des forces et faiblesses de chaque candidature.

Le responsable de la candidature présente de nombreuses fois son projet jusqu’à la présentation finale. Elle a lieu le jour de l’élection, devant l’en-semble des membres du CIO.

Les membres du CIO procèdent alors au vote et élisent la ville hôte des Jeux Olympiques qui se tiendront 7 ans plus tard.

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ET LE PROJET PARISIEN DANS TOUT ÇA ?

Si la candidature française n’est pas encore officielle, elle est por-tée par plusieurs figures politiques et la population y est globalement favorable (62% des français « favo-rables » à l’organisation de l’évè-nement par la France selon un sondage IPSOS pour L’Equipe).

Le président de la République François Hollande a toujours ap-porté son soutien à la candidature. Le Ministre de la Jeunesse et des Sports Patrick Kanner a plusieurs fois déclaré que « la France est capable d’organiser les Jeux ». La Maire de Paris Anne Hidalgo n’est pas aussi enthousiaste mais son opinion semble être en train de changer : elle sort de sa prudence et met à profit le temps d’observa-

tion qu’elle s’est octroyé pour se positionner de plus en plus vers un soutien.

L’exemple de Londres 2012 a ap-pris à la France que c’est le mou-vement sportif qui doit porter le projet, et que la candidature doit être menée par une ou plusieurs personnes à temps plein. Ainsi, le triple champion olympique de canoë Tony Estanguet et Bernard Lapasset, principal acteur de l’ar-rivée du rugby à 7 au programme olympique, rempliront ce rôle pour la France.

La force de la candidature pari-sienne est de reposer sur des ins-tallations déjà construites ou déjà programmées. Le réseau de trans-port déjà présent sera rénové, allongé, et complété. La capitale et ses alentours possèdent déjà

: un stade olympique pour l’athlé-tisme et les cérémonies (le Stade de France), un vélodrome (Saint Quentin-en-Yvelines), des salles de grandes capacités d’accueil et d’une polyvalence appréciable (Pa-ris-Bercy, Coubertin...), des courts de tennis mythiques (Roland-Gar-ros), une base nautique, etc. Des évènements sportifs pourraient également avoir comme théâtre des lieux exceptionnels comme le Grand Palais (escrime), le Châ-teau de Versailles (cyclisme), la Tour Eiffel (marathon, triathlon), le Champ de Mars (tir à l’arc, tir à la carabine), etc.

Martin [email protected]

SPORT

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CINÉMA

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ALEJANDRO GONZALEZ

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L'A RT I S T E P O LY M O R P H E

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ALEJANDRO GONZALEZ

I N A R R I T U

L'A RT I S T E P O LY M O R P H Ex

Quoi de plus valorisant que d’introduire le réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu par son dernier film Birdman nommé aux Oscars ?! Birdman est à ce jour la dernière œuvre du réalisateur qui achève son cinquième long-métrage. De cette

filmographie talentueuse et auréolée de succès, on ne peut qu’être frappé d’un optimisme béat pour la suite du parcours d’Inarritu.

Néanmoins, malgré ces cinq œuvres, il est difficile de dresser un portrait général du style du mexicain, tant il se diversifie aussi bien dans ses thématiques que dans sa mise en scène. Inarritu adopte plusieurs formes, il revêt des capes de réalisation très éloignées, ce qui donne à son cinéma un aspect presque schizophrénique de par ses multiples facettes. Les quelques ressemblances qui parcourent l’ensemble du travail d’Inarritu comme cette tendance au film choral regroupant multiples tranches de vie restent néanmoins minimes et non représentatives de Alejandro Gonzalez Inarritu en particulier.

Prenons l’exemple du film choral, trois des œuvres d’Inarritu appartiennent à ce genre, et pourtant des réalisateurs comme Guy Ritchie ou Quentin Tarantino ont déjà fait preuve de leur adresse dans ce genre, bien avant Inarritu. Face à cette mosaïque divergente, analysons plutôt chaque œuvre d’Inarritu dans sa singularité au détriment d’un œil plus en recul.

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AMOURS CHIENNES (2000)La première œuvre du réalisateur mexicain se penche sur la notion philosophique des extrêmes à travers trois histoires : un homme quittant sa femme pour un top model, un tueur à gages que la vie dégoûte, et un jeune homme par-tant avec la femme de son frère. Ici, Inarritu impose déjà son goût au public pour les fresques aux personnages nombreux. Mais ce qui a marqué le public, c’est plutôt sa vision pessimiste de l’humani-té, rattachée aux pensées du phi-

losophe Thomas Hobbes. Hobbes considérait que l’homme n’était pas sociable par nature, mais par accident : or, dans Amours Chiennes, les liens entre tous les personnages découlent d’un acci-dent de voiture. Inarritu délivre un message froid et défaitiste mais parfaitement contrôlé, ajusté par une réalisation classique mais ef-ficace tout comme un choix des acteurs plus que juste, chaque per-sonnage étant sincère et réaliste.

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21 GRAMMES (2004)Inarritu persiste à dépeindre à nouveau une série de caractères, unie cette fois-ci par le poids de leurs actes sur leur avenir. Le réalisateur mexicain franchit la frontière de la langue espagnole au profit d’un casting plus améri-canisé, composé de têtes comme Sean Penn ou Naomi Watts. Ce film synthétise la montée en force d’Inarritu, perçu comme un artiste dont l’art transcende les cultures et invite au respect. La réalisation classique est délaissée pour don-

ner pleine mesure à une nouvelle forme de réalisation, plus rebelle et libre dans l’usage de la camé-ra à l’épaule. Cette réalisation épouse l’environnement de la mort développé dans le film, puisque 21 grammes est selon le médecin MacDougall le poids perdu lors de la mort, le poids de l’âme selon lui. Si 21 grammes paraît être léger et inconséquent, ce n’est cependant pas les mots pour qualifier l’im-pact de cette deuxième œuvre, 21 Grammes.

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BABEL (2006)La trilogie du film choral d’Inarritu va s’achever avec Babel, qui reste à mon avis l’œuvre la moins maî-trisée du réalisateur. Cherchant encore à conquérir des cultures nouvelles, Inarritu va étendre son style jusqu’à un casting internatio-nal. La vision de Hobbes habite tou-jours le cinéma d’Inarritu dans sa volonté de poser comme base du scénario un accident aux consé-quences multiples. La réalisation varie d’univers en univers, de la caméra frénétique des danses mexicaines à l’œil remué de la

ville asiatique en mouvement, en passant par le cadre spacieux et imposant du désert marocain. Cependant, l’essentialité d’un film choral repose sur son rythme, ce qui manque cruellement à Babel, qui se perd dans des épisodes à la durée interminable et qui dé-bute véritablement à la moitié du film. Babel reste pour moi le film le moins séduisant de la carrière d’Inarritu et un tournant dans sa carrière puisque il abandonne le film choral après 2006.

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BIUT IFUL (2010)La beauté suggérée par le titre est bien méritée, puisque Biuti-ful symbolise un nouveau départ réussi pour le mexicain. Aussi bien dans l’abandon du film choral que dans le retour à l’espagnol, Biutiful marque le début d’une nouvelle forme du cinéma d’Inarritu qui se renouvelle sans cesse, abordant ce coup-ci la décomposition psy-chologique d’un homme en chute libre, magistralement interprété par Javier Bardem. Le regard fata-liste d’Inarritu s’illustre dans une

critique des vices et de la dégé-nérescence de nos sociétés ac-tuelles, ce qui invite à leur recons-idération. L’étude de caractère conduit à une nouvelle personna-lité de mise en scène, accentuée sur la proximité du cadre pour sou-ligner l’introspection et la tension du personnage, âpre et mélanco-lique. La blague est redondante, mais il n’empêche que le retour du mexicain Inarritu est biutiful.

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B IRDMAN (2015)Voilà à ce jour le dernier long-mé-trage de Alejandro Gonzalez Inar-ritu et, pour moi, son meilleur. Mé-langeant la présence de seconds rôles nombreux sans négliger la profondeur psychologique de son personnage principal superbe-ment joué par Michael Keaton, Birdman est à mon sens l’équilibre parfait pour ce qui compose les deux classes de long-métrages qui parcourent la carrière d’Inarri-tu. Birdman est une ode au métier d’acteur, une leçon de réalisation avec ces plans-séquences ahuris-sants, une réflexion maîtrisée sur la vieillesse, et une critique viru-lente du cinéma blockbuster. Un oscar du meilleur film, du meilleur acteur et du meilleur réalisateur ne seraient que des récompenses à la hauteur de cette œuvre. Birdman est un chef-d’œuvre, une expé-rience unique dont on en ressort transporté et ému. Monsieur Inar-

ritu, chapeau bas, car cette œuvre d’art demeure à ce jour la plus aboutie que vous ayez réalisé.

Alejandro Gonzalez Inarritu est donc un être polymorphe, qui transpose sa réalisation d’œuvre en œuvre, pour s’adapter à l’envi-ronnement où se situe le film. Il existe deux types de réalisateurs de génie : ceux qui ont un style unique parfois redondant comme par exemple Tim Burton, et les se-conds, sont ceux qui ne se laissent jamais surpasser par la nouveau-té et le risque. Ainsi, la peur de s’aventurer dans de nouveaux chemins leur est étrangère, ils af-frontent cette peur avec courage, et Alejandro Gonzalez Inarritu en est le plus beau des exemples.

Arthur [email protected]

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JUPITER: LE DESTIN DE L’UNIVERS

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Dimanche soir, communément appelé «soir du désespoir», je me suis décidé à sauver la mise d’un week-end plutôt médiocre grâce à une séance de cinéma. Et alors que mon esprit de L légèrement orgueilleux al-lait se tourner vers un film norvégien de comique absurde, j’ai pourtant arrêté mon choix sur un blockbuster de science-fiction, Jupiter, créé par le duo Wachowsky, auteurs notamment de Matrix (que je n’ai pas vu, oui vous avez le droit de me jeter des pierres !). Pourtant assez peu enclin à ce genre de film qui me parait bourrin rien qu’à la vue de l’affiche dans le métro, j’ai de prime d’abord été séduit par une esthétique qui me paraissait grandiose.

Une fois confortablement as-sis et les lunettes 3D vis-sées sur le nez, le film va

vous faire entrer dans un monde où l’homme n’est qu’une espèce parmi tant d’autres, voire même, l’une des moins évoluées. Au des-sus de nous se trouvent plusieurs extraterrestres dont une dominée par une famille royale, possédant la planète Terre tel un vulgaire hé-ritage.

Jupiter (jouée par Mila Cunis), simple jeune fille pauvre, va alors apprendre qu’elle fait l’objet d’un grave conflit entre trois membres de cette famille, qui se disputent le contrôle de notre planète. Cela peut paraitre assez tiré par les cheveux sur le papier mais comme tout film de SF, c’est bien sûr tou-jours plus réaliste à l’écran (un jeune orphelin qui souhaite mettre fin au règne totalitaire de son père grâce à l’entraînement d’un nain vert, je vous rappelle que c’est le pitch de Star Wars).

Malgré cet aspect assez simplet il nous apparaît un monde gran-diose et donc plutôt réaliste. Les créatures sont classiques mais impressionnantes, tout autant que les vaisseaux spéciaux, les planètes ou la technologie et il faut avouer que le monde inventé par les scénaristes tient la route et a le mérite de fasciner par ses coups de maîtres.

C’est donc un vrai bijou de SF et rien que pour cela, j’espère que d’autres films tourneront autour de cet univers car il serait bien bête qu’un concept comme ce-lui-ci ne soit utilisé que pour deux heures. Par ailleurs, ces idées sont honorablement servies par des décors et des costumes rappelant le style du Cinquième élément ou encore de Hunger Games. Visuel-lement parlant, le film vous mettra parfois quelques belles claques même si l’utilisation de la 3D est dérisoire (quelques particules de cendres qui flottent, une vitre bri-

sée, tant d’utilisations dont on a abusé dans le monde du cinéma). C’est donc un véritable univers inventé par les auteurs avec son propre fonctionnement,

C’est donc tous ces principes ba-teaux et dont on nous gave à lon-gueur de blockbusters qui vont remplir le film, faisant passer à la trappe tout ce qui est poten-tiellement bon : les personnages, les concepts de science-fiction... Ainsi, vous apercevrez, et cela en ayant assez de temps pour y goû-ter, des idées brillantes mais n’au-rez que partiellement le temps de les apprécier, rattrapés par l’action et toujours l’action qui, il faut le dire, n’est pas forcément le point fort de Jupiter.

C’est donc le problème de ce film, il veut jouer sur son physique alors qu’il a une véritable beauté inté-rieure. Il ne fait que survoler ses propos. Sauf problème émotionnel de ma part, il est quasiment im-

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possible de craindre la mort d’un personnage, sauf peut être celle de Sean Bean, l’acteur ayant pas-sé la moitié de sa carrière à crever sur grand et petit écran, si bien qu’on finit par se méfier. Ce stress émotionnel aurait pu être créé par des scènes vraiment émouvantes entre Jupiter et Cane, qui a part lui avoir sauvé la vie n’a pas mon-tré de réel intérêt pour elle. La si-tuation est toujours sauvée à la dernière seconde, l’héroïne prend le temps d’embrasser son héros alors qu’une seconde de perdue est une seconde de perdue pour s’enfuir de l’explosion qui va tuer tout le monde sauf eux (et je ne crois pas trop vous spoiler en vous disant cela).

Les scénaristes ont emprunté des chemins faciles et le scénario en vient même à répéter les mêmes schémas d’actions tant il manque d’inventivité de ce côté là. D’ail-leurs toutes ces péripéties au-raient pu être facilement évitées en donnant un foutu pistolet-laser à l’héroïne principale (mais du coup, le prince charmant ne sert plus à rien voyez vous, donc elle va courir en attendant d’être sau-vée à la fin du décompte). Triste fonctionnement prévisible où la tension est presque aussi faible qu’un épisode de Julie Lescaut. L’histoire est montée sur des rails en ligne droite et ne semble pas vouloir s’arrêter, accélérer ou faire quelques virages surprenants. Le rythme du film est bancal mais est heureusement sauvé et peut être ignoré encore et toujours grâce à

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la richesse de ce monde peuplé d’extraterrestres en tout genre.

Car malgré cette touche négative, j’ai bel et bien été ébloui par Jupi-ter, parce que le monde qu’il nous dévoile et l’intelligence dont il fait preuve vaut le détour.

On sort agréablement surpris du cinéma et on a réfléchi de manière réelle aux interrogations qu’il pose sur l’origine de notre espèce et sa place dans l’univers, thème clas-sique de la science fiction mais abordé de façon plutôt novatrice. Le film rappelle alors ce qu’est de la vraie SF, quelque chose qui vous emmène avec lui afin de vous faire adopter un regard nouveau, dans un monde fantastique qui vous fait voir le réel de manière différente.

Hélas, tel la bimbo qu’est le block-buster, le film va sombrer dans les recettes faciles américaines et vous faire regretter chaque mo-ment d’intelligence qu’il a offert. C’est donc une sensation de trop peu qu’on supportera après ces deux heures, comme si on n’avait pu que goûter un plat qui pourtant avait l’air délicieux. Malgré tout, Jupiter parfois si précis qu’il pour-ra dérouter les sceptiques, par son nombre de concepts et son voca-bulaire.

Mais ce qui est assez étonnant pour quelqu’un qui partait avec des apriori comme moi, c’est le message que veut faire passer ce film. En effet les Washowsky et Matrix sont eux mêmes cités dans les livres de philosophie car

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ils savent utiliser le genre SF pour poser de réels problèmes. Et ici, ils ne ratent pas le coche. Jupiter va aborder des thèmes complexes de manière très fine sans trop forcer le trait : certains vont ap-paraître de manière explicite tels que la perception que l’homme a de lui-même, sa conception de son identité au sein de son espèce, et, bien sûr, au sein de l’univers, puis la génétique et les dérives qu’elles pourront entraîner et, de manière très dissimulée, la consommation et l’élevage en batterie des ani-maux.

C’est ce que touche Jupiter très intelligemment, avec la multipli-cation de symboles tels que celui de l’abeille ou le principe d’avan-cée génétique (du don d’ovocytes jusqu’aux codes ADN chambou-lés). En cela le film réhabilite le but premier de la SF : faire changer le regard du spectateur par une échelle différente, une plus grande qui fera se regarder l’homme de manière plus objective.

À travers un monde étendu on ap-prend alors à se voir en tant qu’es-pèce. Je ne vous en dirai pas plus, il vaut mieux explorer cela de par soi-même.

Seul petit hic dans tout ça : c’est que l’on ne fait que survoler ces sujets. La plupart du temps ces belles interrogations sont tuées par de subites scènes d’actions, parfois beaucoup trop longues et qui gâchent le plaisir d’exploration du spectateur. Alors qu’un person-

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nage explique des détails de l’his-toire ou délivre des précisions sur le fonctionnement de l’univers, une sorte de bestiole méchante et violente va forcément débarquer pour réinjecter de l’action, comme si on était incapable de suivre quelque chose un tant soit peu sérieux. Ce qui va aussi envenimer ce bon départ va être les grosses ficelles que le film va utiliser, et qui perturberont pourtant les ma-gnifiques finesses des messages philosophiques. Les rebondisse-ments sont rares, les méchants sans personnalité et destinés à servir le rôle scénaristique qu’on leur a attribué et les codes du ci-néma américain basiques seront utilisés et usés à tour de bras. L’héroïne est à la limite d’être une sacrée cruche qui attend son prince charmant pour la sauver in extremis et dont elle est tombée

amoureuse en quasi une minute trente, montre en main. Ce person-nage, joué par Channing Tatum, a beau avoir l’air très intéressant, on n’attachera qu’assez peu d’impor-tance à son vrai caractère. Néan-moins, pour les intéressés, sachez qu’il passe au moins 40 minutes torse poil à tirer sur des méchants pas très sympas...

Jupiter est un film à voir et à consi-dérer comme une œuvre qui a du sens et qui a quelque chose à dire derrière sa dose d’action qui nous pousse presque jusqu’à une triste overdose.

Maxime [email protected]

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&OSCARSCESARS

Il y a de cela quelques semaines, les cérémonies des Oscars et des Césars ont eu lieu et ont ré-compensé chacun des films qui selon les jurys avaient le plus de mérite. Comme toujours, et ce dès les sélections, voire même jusqu’aux dernières remises de prix, les choix ont été contestés, raillés, déplorés et ont provoqué la déception de certains. Comme toujours, certains auraient dû faire partie de la danse tandis que d’autres n’auraient même pas dû fouler le tapis rouge. Ce genre de manège a lieu en permanence et

ce dans toutes les cérémonies, de la Berlinale à Cannes.

Mais alors qu’est-ce qui fait d’un film, d’une performance ou d’une réalisation une œuvre «oscari-sable» ou du moins, pouvant au moins être nommée ? Pourquoi certains succès n’ont même pas eu le droit d’être émis si bien que certains artistes semblent être boudés par ces cérémonies ? Lançons nous dans une petite analyse neutre afin de bien com-prendre comment on devrait sé-lectionner des nommés.

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ON NE PEUT PAS MÉLANGER LES TORCHONS ET LES SERVIETTES

Pour commencer, soyons clairs : tous les films ne peuvent pas être nommés et ce pour plusieurs rai-sons. Au delà du principe évident qu’un documentaire ne pourra pas concourir à un festival de courts-métrages ou que le festival de l’Alpe d’Huez ne récompensera jamais Un prophète ou Le pas-sé, c’est réellement un principe de genre qui va s’établir, et ce au sens le plus précis du terme. Par exemple les blockbusters sont ra-rement représentés aux Oscars sauf en de rares exceptions.

En effet, pour qu’ils puissent posséder la qualité de véritables

œuvres cinématographiques il faut qu’ils dépassent leur statut de divertissement pour franchir la frontière de l’art (vaste débat au-quel je ne préfère pas me confron-ter plus longtemps).

Non, High School Musical ou Fast and Furious ne seront jamais pré-sentés pour la simple raison que le jeu des acteurs, la musique, la réalisation passe au second plan pour ces travaux. La chose la plus importante pour ceux qui les ont crées sera de coller le spectateur à son siège, ou, pour résumer de manière un peu simpliste, que ça soit un succès commercial qui fasse au moins rire ou plaisir. Les exceptions sont pourtant très fréquentes car certaines œuvres

peuvent être des blockbusters mais aussi des chefs d’œuvres, comme on a pu le voir avec des os-carisés comme Star Wars, Alien ou encore Le Seigneur des Anneaux («Le Retour du Roi» ayant reçu onze Oscars). Car il est impos-sible de le nier, ces trois films ont su avoir des identités artistiques fortes.

Et ceci est transposable à l’échelle française. En effet, certaines per-sonnes se sont plaintes que des films tels que supercondriaque ou Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu ? ne soient pas présents dans la sé-lection de cette année. Mais heu-reusement que non ! Sans pour autant rabaisser le travail des réa-lisateurs, acteurs et autres de ces

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xfilms, nous nous devons tout sim-plement de dire que ces films, aus-si réussis soient-ils, ne peuvent pas vraiment concourir pour cette cérémonie, tout comme Les Bron-zés ne le pouvait pas, ou encore La Cité de la Peur ! Mais ils peuvent très bien être choisis par des aca-démies récompensant l’humour telles que le Festival de l’Alpe d’Huez justement, qui existent mais sont moins médiatisées. On remarquera par ailleurs que le nombre de comédies est souvent rare dans des sélections telles que celles des Oscars et des Césars, car il est moins facile d’écrire une comédie intelligente et fine qu’un drame bien gros et larmoyant. Les cérémonies les plus importantes sont censées, du moins sur le pa-pier, récompenser les films qui ont marqué le cinéma cette année, et cinéma au sens artistique et non industriel.

UN SYSTÈME DE SÉLECTION QUELQUE PEU INJUSTE

Tout d’abord il faut se rendre compte de la façon dont les films sont sélectionnés : pour les Césars par exemple, ce sont les membres du cinéma français qui choisi-ront. Professionnels confirmés au nombre de 1 225, ils se répar-tissent en douze collèges tels que acteurs, réalisateurs, techniciens… Chacun peut voter pour toutes les catégories, qu’il soit attaché de presse ou technicien. Afin d’offrir un panel de nominations variées, l’Académie, composée d’un cercle encore plus confidentiel que celui des votants, va établir une sélec-

tion de films dits éligibles. Cela va donc créer dès lors l’impossibilité de certains choix, certainement élus, tout d’abord par les règles des nominations, puis certaine-ment sélectionnés par des cri-tères de qualités

C’est là que les votants peuvent, munis des DVD de certains films, voter et établir les nominations. Au second tour, ils pourront choisir ceux qui meriteront les statuettes. Les Oscars fonctionnent à peu près pareil sauf que les votants ne peuvent participer que pour leur domaine.

L’Académie a par ailleurs fait l’ob-jet de critiques cette année par de nombreux américains qui préten-dait que la sélection cette année était très masculine et surtout, très blanche, alors que des films tels que Selma, qui retrace une partie du combat de Martin Luther King, n’a aucun acteur nommé, tous majoritairement noirs. On peut toute fois placer cela sous le signe du hasard de sélection plu-tôt que sur un réel choix raciste, étant donné que l’an dernier des acteurs tels que Lupita Nyong’o ont reçu des prix.

Néanmoins on peut constater, et ce en dépit de cette polémique, une certaine fermeture d’esprit au sein des votes puisque certaines personnes du milieu cinémato-graphique seront plus amenées à voter pour ses connaissances que pour un travail qui n’a aucun lien avec lui. Qu’il s’agisse d’une élec-tion de délégués de classe ou de

celle d’un film, certains facteurs restent les mêmes. Les relations que nous avons avec les autres changeront sûrement la donne, positivement ou négativement. De plus, la sélection n’est évidem-ment pas conditionnée par le goût populaire, ce qui pourrait être une critique mais qui est tout compte fait quelque chose d’appréciable. Je vous laisse imaginer l’état des Oscars ou des Césars si on laissait le choix au spectateur moyen… Tout serait encore plus biaisé que d’ha-bitude car leurs connaissances en cinéma sont parfois peu étendues et que la plupart d’entre nous choi-sirait selon ses propres goûts et non selon la qualité d’une œuvre. Démarche qui est parfois difficile à éviter, même pour certains vo-tants.

«OSCARISABLE» : UN CONCEPT ABSTRAIT POURTANT TRÈS RÉA-LISTE

Il n’est pas rare d’entendre cela pour certains rôles et certains films qui sont définis comme pro-bablement nommés dès leurs sor-ties en salle. En vérité l’expression «rôle» ou «film à Oscars» peut très bien être transposée à toutes les cérémonies possibles : un ac-teur qui a minci jusqu’à faire peur pour un rôle (Adrian Brody dans Le pianiste), qui a donné de lui dans des scènes de sexe un peu crues (La Vie d’Adèle), des costumes ou des décors historiques (Ben Hur)… De nombreux facteurs vont donc faire de certains films des «nom-més avant l’heure».

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xDe plus, certains sujets jugés sen-sibles vont provoquer des impres-sions plus rapides chez les votants comme la guerre, la ségrégation, la maladie, le deuil...C’est pourquoi Timbuktu a en partie été nommé. Car en plus d’être un bon film, il fait écho dans l’actualité.

Par ailleurs, une histoire de couple en train de divorcer aura du mal à disputer une nomination face à l’histoire d’une petite fille afghane pendant la guerre qui meurt d’une overdose (ne cherchez pas, ce film ce n’est que pure invention...), tout simplement car le second sera certainement plus poignant. Ça ne fera pas tout mais ça aide-ra. Le meilleur exemple est sans doute Titanic qui reste l’un des films les plus oscarisés, et sa ro-mance tragique a forcément joué dans la balance d’une manière ou d’une autre. Au delà de cela, cer-tains films ne peuvent tout sim-plement pas concourir car trop «spéciaux» Ce n’est pas pour rien que cette année Under the Skin ou des films de ce genre ne sont pas présents dans la sélection. C’est pourquoi le festival de Cannes dis-pose de compétitions parallèles tels que «Un certain regard», qui récompense les films dits un peu étranges mais qui, en attendant, les rend encore plus marginaux qu’ils ne le sont.

En fin de compte, la sélection des films est toujours quelque chose de très abstrait mais qui est régi par des principes très importants. Ce n’est pas pour autant que les choix vont forcément être justi-

fiables car de nombreux facteurs vont pousser un film au dessus d’un autre. Encore cette année, l’absence de Mommy aux Oscars est tout simplement incompréhen-sible. Car si les élus nous semblent parfois facilement choisis, c’est parce qu’on voit selon nos propres goûts très souvent, et les votants risquent d’être des spectateurs parmi tant d’autres. Cela ne nous met donc pas à l’abri de certaines fautes et de décisions très hié-rarchiques, laissant le soin aux petits festivals de récompenser les autres. Il en va de même pour le Goncourt, les victoires de la musique et toutes autres récom-

penses. Car le problème réside bien là, peut-on vraiment récom-penser un film, et ceci selon des critères communs à tous ? On tente encore et toujours de ré-pondre oui mais il semblerait que certaines erreurs nous prouvent le contraire, et que l’Académie se fourvoie un peu, comme avec la présidence de Danny Boon cette année, qui, il faut le dire, n’est pas connu pour ses rôles «à césars»...

Maxime [email protected]

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ART

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Dans une impasse discrète du XIVème arron-dissement de Paris, une belle maison d’artiste consacrée à la photographie présente, à côté

d’expositions temporaires, une quinzaine des plus beaux clichés d’Henri Cartier-Bresson : en noir et blanc, petit format et encadrés très simplement dans des cadres en bois.

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LA FONDATION

HENRI CARTIER-BRESSONHAUT LIEU DE LA PHOTOGRAPHIE.

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LA FONDATION

Ouverte en mai 2003 selon la vo-lonté de l’artiste, de sa femme la photographe Martine Franck et de leur fille Mélanie, la Fondation Henri Cartier-Bresson conserve les archives du photographe et de son épouse. La fondation ac-cueille également (au moins) trois expositions temporaires par an et présente une collection perma-nente d’une quinzaine des plus grands clichés de Cartier-Bresson. En quelques années, en exposant de grands photographes tels que Robert Doisneau, Inge Morath ou encore plus récemment August Sander, la fondation est devenue un des hauts lieux parisiens de la photographie.

Construit sur trois niveaux, l’im-meuble présente deux grandes salles consacrées aux expositions temporaires. Au dernier étage, sous une grande verrière, sont exposées quelques photos de Cartier-Bresson. Cette salle est surplombée d’une mezzanine des-tinée à informer les visiteurs sur la photographie de l’artiste.

L’ARTISTE

Henri Cartier-Bresson (1908-2004) est sans aucun doute l’un des plus grands photographes de l’histoire, et peut-être même le plus grand photographe du XXème siècle. Pour beaucoup, l’artiste est parmi l’un des témoins les plus importants de son époque, « l’œil du siècle », pour le journaliste Pierre Assouline.

Cartier-Bresson a, tout au long

de sa vie, contribué à pratiquer la photographie et le photorepor-tage avec de nombreux concepts novateurs, en particulier ce qu’il a nommé «l’instant décisif», dé-fini comme l’instant exact où le photographe presse le déclen-cheur et donc l’instant où une image devient unique. En plus de sa contribution à la technique photographique, Cartier-Bresson a également contribué de manière considérable à l’expansion du pho-tojournalisme, notamment lors-qu’il couvrait la guerre d’Espagne dans les années 30 ou encore avec ses travaux sur le sacre de George VI à Londres.

C’est donc un travail colossal que laisse Cartier-Bresson derrière lui, qui inspire tous les photographes. Avec son art de la composition incroyable qui lui vient sûrement de sa formation de peintre, sa manière unique de capturer, qu’il a peut-être apprise chez les sur-réalistes qu’il a côtoyés pendant un moment, et sa façon inégalable de gérer l’ombre et la lumière, Car-tier-Bresson est un artiste com-plet et très atypique.

LOUISE [email protected]

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Contact de Philippe Decouflé

DE LA BEAUTÉ AU DIVERTISSEMENT

Au temple de la danse du théâtre national Chaillot, Philippe Découflé a présenté avec sa joyeuse compagnie son dernier spectacle : Contact.

Philipe Découflé, c’est cet artiste metteur en scène et chorégraphe aux multiples facettes et diverses influences. Dans ses créations, il combine la danse, le cirque, le théâtre, la vidéo...

Il créé sa compagnie DCA (Diversité, Camaraderie, Agilité) en 1983 et signe avec celle-ci plusieurs grandes mises en scènes pour des événements importants tels que la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques d’Albertville en 1992 mais aussi des spectacles qui partent en tournée dans de grands théâtres ou centres de danse. Philippe Découflé est donc un metteur en scène reconnu pour signer des chorégraphies visuelles fortes et divertissantes.

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CONTACT, UN SPECTACLE TOTAL

En allant voir Contact, les specta-teurs n’ont pas été déçus par la ré-putation de Philippe Découflé : en effet, ce dernier signe une création qui éblouit les yeux de tout un cha-cun (ou, plus familièrement, qui en met plein la vue) !

Le spectacle peut être qualifié de « total » car il fait appel à de nombreuses formes d’art. Tout d’abord, la musique est présente grâce aux deux musiciens placés à cour et à jardin : Nosfell et Pierre Bourgeois. Ceux-ci ponctuent avec enthousiasme la partition choré-graphique de leurs instruments et de leur voix.

Les 14 autres artistes présents sur scène effectuent des numéros en tant que danseurs, acrobates et acteurs. Les membres de la compagnie DCA font ressortir un engagement collectif et physique. Le spectacle est essentiellement dansé avec quelques numéros d’acteurs comiques au début, à la fin et parfois pendant le spectacle entre chaque nouveau numéro. La scénographie est constituée d’un grand cadre scénique qui s’ouvre et se referme. Un grand écran en fond de scène est déployé et les

effets vidéo sont exploités tout le long de la représentation. Les costumes très colorés et ex-centriques (veste à paillettes, coiffures dignes de Lady Gaga…) participent à faire surgir des uni-vers visuels loufoques et singu-liers. Les lumières jouent aussi leur rôle : elles permettent de des-siner l’espace en des formes géo-métriques.

En bref, un spectacle total au croi-sement de la musique, danse, vi-déo, acrobatie, jeu d’acteurs...D’un point de vue technique, tout est parfaitement maîtrisé et Contact atteint une beauté visuelle sophis-tiquée digne d’un grand choré-graphe.

UN PUR DIVERTISSEMENT

Si l’on peut effectivement parler de spectacle « total » sur le plan visuel et technique, il reste quand même un point obscur au tableau : le manque de fond. Pendant le spectacle, j’ai eu l’impression de regarder des clips aux univers sin-guliers où la parole serait absente, où l’on entendrait seulement l’ins-trumental mais sans sens derrière. De manière générale, l’esthétique d’un spectacle vient souligner et accompagner un propos. Pour

Contact, il n’y avait aucun propos : l’esthétique n’accompagne qu’elle-même. Contact est un spectacle purement divertissant. Ce diver-tissement se marque par les ap-plaudissements du public après chaque numéro terminé. Les spectateurs s’enthousiasment des prouesses techniques et visuelles qui lui sont montrées à voir.

Et si les lieux de spectacle peuvent être sources de divertissement, le contact pour moi n’a pas tout à fait pris. J’ai en effet passé un bon moment à regarder cette beauté fabriquée de toutes pièces mais j’ai déploré le manque de réflexion. De plus, Philippe Découflé plonge le public dans un flot d’images incessant mais pour moi, aucun tableau n’a été particulièrement frappant. Parfois, il faut s’en tenir à une image forte et remarquable plutôt que de perdre le spectateur en voulant lui administrer du di-vertissement visuel à outrance. En somme, un trop plein d’imageS… peut tuer l’image !

JULIETTE [email protected]

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Dalí fait le mur :Le street art rend hommage

à Avida Dollars

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UN ESPACE PRIVILÉGIÉ

UN HOMMAGE AU ROI DE LA PROVOCATION

Sur les hauteurs d’un Montmartre touristique se trouve, au détour d’une petite rue escarpée, non loin de la place du Tertre, l’espace Dalí. Fondé en mai 1991, ce musée est

entièrement dédié au maître du surréalisme. En effet, l’espace Dalí contient plus de 300 œuvres originales de l’artiste et pré-sente parfois des expositions temporaires, à l’image de « fait le mur ».

« Pensez vous qu’un peintre de votre style appartienne à notre ère atomique ? » questionne un pe-tit papier blanc en-dessous d’une photo de Dalí. « Bien sûr, je fais personnellement des explosions atomiques » indique la réponse. C’est tout du long de l’escalier qui mène à la boutique du musée que l’on trouve, dans des petits cadres dorés, des questions similaires. Une ironie plutôt déstabilisante qui caractérise si bien le personnage. Un homme haut en couleurs qui ai-mait l’argent et qui disait incarner le surréalisme même. Pourtant, après tant de controverses dont il a fait l’objet, il reste, sans ques-tionnement possible, l’un des plus grands peintres du XXème siècle.

De nombreux hommages lui ont déjà été rendus mais celui-ci est novateur. Ici, on s’attarde sur la virulente passion de Dalí à sortir des murs pour s’approprier l’es-pace public. L’exposition regroupe une vingtaine de street artists dont les œuvres du créateur des montres molles évoquent bien plus que ce que l’on ne pense. Tout un dialogue se forme alors autour d’œuvres originales de l’artiste.

Chacun a créé une œuvre qu’il met en parallèle avec l’univers surréa-liste de Dalí tout en respectant les codes de l’art urbain. Peinture, sculpture, son, pochoir, dessin, lumière, c’est un univers varié et extraordinaire dans lequel nous

déambulons. L’installation reprend un effet d’optique nommé « l’ana-morphose » (les formes sont dis-tordues de telle manière qu’elles ne reprennent leur configuration véritable qu’en étant regardée sous un angle particulier) que l’ar-tiste utilisait souvent. Sur les murs et les sols se trouvent des bandes blanches qui permettent de re-lier les œuvres entre elles tout en jouant de l’effet d’optique.

L’exposition est courte mais vaut le détour ! Vous avez jusqu’au 15 mars prochain pour gravir la butte Montmartre et aller observer l’hommage du street art à Avida Dollars.

CHLOE CENARD chloe.cenard@

laposte.net

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LITTÉRATURE

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LITTÉRATURE

LA DYSTOPIE : entre obsession et exutoire

On a vu, ces dernières an-nées, paraître à foison des romans jeunesses dans la

veine très à la mode de la dysto-pie. Déjà Georges Orwell avec 1984 ou Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 initiaient ce genre qui rem-plit désormais les rayons ados. On peut en citer de nombreux : la série des Hunger Games, Diver-gent, Le Labyrinthe, Le Passeur,… Souvent adaptés en films, ils sont l’apanage des jeunes en quête de rêve et d’identification.

Ce qu’ils révèlent surtout, c’est une sorte d’obsession pour la ré-volte. Oui, tous ont en commun une même trame : un monde fu-tur, pacifié en apparence, unifié et catégorisé très souvent, où l’un considère que l’ordre établi n’est pas juste et qu’il faut le boulever-ser. Cela vire presque à la mono-manie dans tous ces romans, alors que par ailleurs, nous sommes des peuples endormis. La récur-rence de ce thème en littérature

jeunesse serait-elle un exutoire à notre incapacité de nous révolter dans la vie réelle ?

Stéphane Hessel disait « Indi-gnez-vous ! » car nous sommes une génération de résignés. Nous attendons l’assassinat de 17 per-sonnes pour nous réunir enfin vrai-ment sous des principes que nous ne faisions qu’ânonner jusque-là:Liberté, Egalité, Fraternité.

La comparaison est sûrement bancale, mais lorsque Katniss Everdeen se dresse contre le Ca-pitole, c’est parce qu’elle vit et connaît la barbarie. Elle atteint ce point de non-retour où la vie sans certains principes est inconce-vable parce qu’elle s’est aperçue du pire.

Nous sommes des générations d’épargnés car nous n’avons pas connus la guerre. Nous ne sa-vons pas ce qu’est de vivre dans la haine, et ne nous apercevons

pas que ces principes sont à dé-fendre sans cesse et non dans des moments d’histoire comme la résistance ou les attentats. Cela ne devrait pas être une lutte ex-ceptionnelle mais un acte au quo-tidien.

Ces romans semblent être parfois comme l’incarnation de nos peurs sociétales les plus profondes. Nous qui avons choisis le prin-cipe de la liberté avant celui de l’égalité, nous étonnons devant les obligations qui régissent par exemple les vies des personnages de Divergent de Veronica Roth où la vie est conditionnée par une com-munauté dont on ne peut sortir et où la survie est due au fait d’y appartenir et d’y adhérer entière-ment. Pourtant, dans une moindre mesure, c’est bien cela que nous vivons dans la réalité, au travers des contraintes sociales que nous subissons implicitement ou des groupes sociaux auxquels nous appartenons.

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Dans Divergent, comme dans Le Passeur de Loïs Lowry, ce qui ap-paraît comme prééminent c’est la défense de la diversité des êtres et des expériences. Le Passeur conte l’histoire d’un monde où les êtres n’auraient plus de sentiment, ni de rêves, ni d’émotions ou de souvenir de ce qu’ils avaient été, de ce que nous nous sommes au-jourd’hui. Ici, c’est la diversité qui fait peur et qui constitue un dan-ger. Les différences des hommes, qui provoquent parfois la violence et souvent la richesse, ont été sup-primées.

Ces ouvrages, que l’on peut criti-quer en de nombreux points, par

leur style ou leur manque d’ori-ginalité parfois sont à mon sens d’un grand enseignement dans la mesure où ils nous permettent de prendre du recul sur notre société et de voir ce qui est essentiel et pour quelles choses universelles, dans n’importe quel cadre, régime et temps nous serions capables (bon, plus ou moins, ne sombrons pas non plus dans le mélo) de nous battre.

Et toujours, c’est la même figure qui revient : le jeune homme ou la jeune femme, droit, courageux, humble et dur, fidèle à ses idéaux, de même qu’il constitue un idéal pour nous. Peut-être un peu trop

parfaits dans leur intégrité, ils contrastent sans aucun doute avec le peu de foi que nous avons en nos leaders, et le manque de héros dont souffre notre siècle.

Lucie Truchetetlitté[email protected]

LITTÉRATURE

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ONE DAY THOUGHTS

« The sharing economy », comme ils le disent si bien, est déjà très en vogue dans les pays anglo-saxons. À l’image de ce suc-cès, le site « www.if-U-broke-U-pay.gb » ouvert seulement le 30 février dernier, totalise déjà un million de visites hebdomadaires et envisage d’étendre son activité de l’autre côté de la manche. Ce ne sera pourtant pas chose aisée, tant les Français semblent réticents à cette pratique.

Trop matérialistes ? Trop râleur et ne faisant pas assez confiance ? Peut-être, mais c’est surtout le nombre de plainte croissant lié à cette économie du partage qui inquiète les consommateurs. Ils ont testé, ils désapprouvent. Oubliées, rêveries communautaires et économies d’énergies. « One day thought » a déniché pour vous les mécontents de l’économie du futur.

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Les laissés pour compte de l’économie du partage

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Emblème de la société de consom-mation, la voiture est l’une des pre-mières victimes de l’économie du partage. Jean P., encouragé par ses proches, s’est inscrit sur un site de co-voiturage en décembre dernier. Trois mois plus tard, il té-moigne : « Au début, j’ai adoré. J’ai pu rencontrer des gens intéres-sants, ai fait des économies et je me sentais moins coupable quand je voyais les pubs pour le dévelop-pement durable à la télé. »

Pourtant, comme l’a montré une étude récente, les dommages psy-chologiques liés à la perte du lien affectif automobile sont considé-rables. Jean l’avoue volontiers : « Je ne me sens plus en parfaite adéquation avec ma voiture. C’est plus pareil entre nous. » Ainsi, les psychologues ont constaté que la mise en commun d’objets af-fectifs peut entrainer une perte de repères, allant de la déprime passagère aux graves troubles de la personnalité. Plus anecdotique mais tout aussi drôle, monsieur B. a déposé une plainte contre le site « Ubeurre » lorsque le chauffeur de taxi qu’il avait commandé est venu le chercher avec sa propre voiture, prêtée le matin même.

Pas assez surveillés et réglemen-tés, c’est la principale critique lan-cée contre les leaders du secteur. Des voix s’élèvent : « C’est une dictature de la confiance ! », « J’exige la mise en place d’une ap-

VROUMvroum

plication pour que je puisse suivre ma voiture quand je la prête ! », ou encore « On se croirait chez les hippies ! C’est quoi la prochaine ? Le communisme ? ». Peut-être pas, mais l’économie du partage, pourrait bien changer les stan-dards de consommation dans les prochaines années. Si les vieux râles, les jeunes s’adaptent. Mais pas forcément pour le mieux.

Jocelyn C., assistant maternel, est aux premières loges pour observer les graves répercussions de l’éco-nomie du partage chez les jeunes enfants. « Déjà qu’on a dû bazar-der toutes nos dinettes et nos pe-tites voitures après ces histoires de théorie du genre, on nous de-mande maintenant de supprimer tous les jeux individuels. J’en peux plus, ça va nous coûter une for-tune ces histoires. » Si les jeux so-los sont abandonnés, ce n’est pas à cause d’une nouvelle tentative de modernisation de l’éducation nationale, mais bien à cause d’un profond désintérêt des enfants. Les petits veulent faire comme les grands. « Ma fille me réclame un petit frère pour pouvoir partager avec lui » déplore une mère.

La nouvelle génération annonce-t-elle la mort d’une mentalité ? Des chercheurs en science du langage ont analysé le discours d’une cen-taine d’enfants de milieux diffé-rents pendant trois ans. L’expression « À moi » enregistre

OuinOUIN

une chute de -40%. Jocelyn est pourtant optimiste : « C’est une question d’éducation, c’est encore rattrapable. Je propose qu’on ins-taure une heure de Monopoly heb-domadaire. »

Quelque soit le débat soulevé, des citoyens répondent présent quand il s’agit de défendre des opprimés. Ainsi, les oubliés de l’économie du partage ont créé le collectif Boucle D’Or. Le président s’explique : « C’est une référence au conte. Lâ-chement arnaqué par Boucle D’Or, une famille d’ours se retrouve sans soupe, sans chaise et avec une squatteuse. Notre association défend les « Ours », toutes les personnes victimes de l’écono-mie du partage. Nous défendons la consommation et l’individualisme. Le jour où ce sera la guerre, si on laisse faire, on aura plus que des assistés sur le dos, incapables de se débrouiller seuls ! ». Le teint rougissant et la moustache fémi-nisante, Roger R. nous apprend que l’association compte déjà près de 200 membres.

Tout ça avait l’air bien intéressant, malheureusement, lorsqu’on leur a demandé si, par hasard, créer une association contre l’entraide et le partage, c’était pas un peu para-doxal, les représentants du col-lectifs Boucle D’Or nous a mis à la porte. Qui sait, peut-être trouvent-ils que partager l’information, c’est déjà trop ?

Léna [email protected]

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ONE DAY THOUGHTS

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INTERVIEW

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InterviewJESSICA

93Jessica 93 (prononcer « neuf-trois »), c’est le projet emmené par Geoffroy Laporte, qui livre depuis 2010 des chansons qu’on croirait tout droit signées de Robert Smith (période Pornography). Après un premier album, « Who Cares ? », sorti en 2013, Jessica confirme son talent et sa patte avec Rise, suite impeccable et mystique toute en rebondissements dark et hypnotiques.

En vrai conquérant de la scène indé, Geoffroy, qui a formé une multitude de groupes depuis la banlieue parisienne, accède peu à peu à la reconnaissance avec son one-man-band au nom déconcertant, aux accents définitivement shogaze et cold wave. Mais qui se cache derrière les odys-sées musicales envoûtantes, le pseudonyme androgyne et les clips déroutants ? Du manège enchanté de « Asy-lum » au kebab de « Poison », on a affaire, aux premiers abords, à un olibrius difficile à cerner. Éclaircissements sur l’homme et la musique.

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InterviewJESSICA

INTERVIEW

TRIP : Tu as joué dans plusieurs groupes en ban-lieue parisienne, comment décrirais-tu ton che-minement et ton parcours dans ce milieu ?

JESSICA 93 : Ça s’est un peu fait à l’arrache, parce que justement, je venais de banlieue. Je n’ai jamais été très fan des organisations municipales et des structures de l’Etat concernant la musique, donc j’ai tout monté de mon côté.

J’ai appris à jouer de la guitare tout seul, j’ai com-mencé à former des groupes assez rapidement, dès le lycée. On répétait dans des caves, des ga-rages... J’étais quelqu’un d’assez timide, donc j’ai mis un certain temps avant de me lancer dans les concerts. Je restais beaucoup chez moi à travail-ler le truc. Plus tard, j’ai commencé à vouloir faire du live : les seuls endroits où je me voyais jouer, et là où j’ai débuté, c’étaient les concerts « Do it yourself » dans les bars. En jouant de plus en plus comme ça, j’ai commencé à traîner dans Paris, à multiplier les concerts.

J’ai rencontré les organisateurs de ces spectacles, et j’ai découvert un milieu que j’ai directement ado-ré. C’était très large en style musicaux, ça pouvait allait du garage à la folk. Et ça m’a vraiment plu, je suis resté là-dedans pas mal d’années, à organi-ser mes propres concerts par la même occasion. Un jour, j’ai monté Jessica, un peu par hasard... Et voilà, de fil en aiguille, j’en suis là aujourd’hui.

TRIP : Il t’arrive de jouer avec d’anciens projets, ou tu te concentres exclusivement sur Jessica

93?

JESSICA 93 : J’ai arrêté pas mal de projets à cause de Jessica, mais j’en ai gardé un, Missfits. Je

continue ce groupe-là, en sachant qu’on n’a jamais vraiment joué beaucoup ensemble, on crée une musique très particulière. Mais maintenant, étant donné que j’ai beaucoup plus de temps, je com-mence à former quelques projets, dont un groupe qui est peut-être en train de se remonter...

TRIP : Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans cet univers ?

JESSICA 93 : Eh bien, je ne sais pas trop (rires). Quand j’étais au lycée, je ne me posais pas trop la question, comme si c’était quelque part une évidence. Une fois que je suis tombé sur le punk, quelque chose m’a dit que c’était là que j’avais tou-jours eu envie d’être.

C’était vraiment quelque chose de libre, dans le sens où on pouvait se passer des adultes pour faire ce qu’on voulait vraiment. C’est ce qui m’a directement séduit, cette notion de « je peux ap-prendre à jouer de la guitare tout seul, je peux me débrouiller tout seul pour acheter ma guitare, mon ampli, je peux trouver une cave pour jouer avec mes potes ». Tout ça, ça comptait beaucoup pour moi quand j’avais 16 - 17 ans.

Je me suis vite rendu compte que c’était le seul truc qui m’intéressait. Quand j’ai eu un travail, ça m’a beaucoup moins plu ! Les règles des jobs, être à l’heure quand il faut, ça a renforcé cet aspect de liberté dans la musique, où on est vraiment libre de faire ce qu’on veut, et où on est son propre pa-tron.

TRIP : À part le punk, quelles ont été tes in-fluences majeures ?

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JESSICA 93 : Quand j’ai mentionné le punk, je parlais plus d’un état d’esprit que d’un style musi-cal. Bien sûr, j’ai écouté beaucoup de groupes punk comme les Bérurier Noir, mais quand je dis « punk », c’est vraiment au sens large de « liberté ». Ce truc-là, le punk, c’est tout faire soi-même, et avoir ce caractère un peu antisystème. À part ça, j’ai eu des influences musicales très variées. J’aime bien la cold wave, j’aime bien le métal, j’adore le rock en général. Mais je suis aussi un grand fan de Dead Can Dance, par exemple, qui n’est pas du tout un groupe de rock !

TRIP : Est-ce que ta musique peut être consi-dérée comme un reflet de toi-même, de la façon dont tu t’es construit au fil du temps ?

JESSICA 93 : Hm...Oui, peut-être. Après, le fait de jouer en solo est venu un peu par hasard, donc ce n’était pas vraiment voulu ! On m’avait dit, à l’époque, que je devrais me cloner et faire un groupe à moi tout seul parce que j’étais quelqu’un d’assez chiant sur la musique, j’avais une idée bien précise de ce que je voulais. Peut-être que c’était écrit comme ça, qu’il fallait que je joue tout seul pour arrêter de saouler les autres (rires).

TRIP : Est-ce que ton son a évolué, sur scène ou en studio ?

JESSICA 93 : J’ai commencé à jouer avec une loop station, sur scène, mais ça limitait un peu mes possibilités de jeu. Au départ, je ne pouvais enre-gistrer qu’un riff, et je montais progressivement l’intensité et l’atmosphère en rajoutant des élé-ments dessus, de 10 minutes en 10 minutes. Puis j’ai commencé à travailler sur mon équipement, j’ai trouvé une boîte à rythme, puis une basse, ça

m’a permis d’élargir mes horizons de composition. Avec ça, je pouvais faire des vrais couplets et des vrais refrains. Tout ça, c’est venu sur le long terme, à force de jouer.

TRIP : Pour ce qui est de ton image, quel lien éta-blis-tu entre tes clips et ta musique ?

JESSICA 93 : Le décalage entre les deux est fait exprès. J’aime bien prendre le contre-pied, dans mes clips, de ce que la musique dégage. Je sais que les chansons sont plutôt dark et ne respirent pas vraiment la joie de vivre, donc réaliser des clips qui font sourire les gens, c’est une volonté de ma part. Ça permet de montrer que je fais de la musique assez sérieuse, mais que je ne me prends pas trop la tête. Ça reste juste de la musique, après tout. Il faut voir tout ça avec du recul... Les clips sont un bon moyen d’apporter quelque chose en plus à l’image de Jessica.

TRIP : Pourquoi ce nom, Jessica 93 ?

JESSICA 93 : Au départ je voulais plus un nom de scène qu’un nom de projet. J’ai eu plein de noms débiles, je choisissais à chaque fois les pires pseu-donymes possibles. J’ai fini par prendre Jessica, parce que m’a mère m’aurait appelé Jessica si j’avais été une fille. Ça m’a toujours fait rire, parce que je m’appelle Geoffroy, et je n’avais pas trop de succès à l’école avec ce nom là (rires). Ça m’amu-sait de me dire que j’aurais été très populaire au lycée avec un nom comme Jessica. 93, c’est tout simplement parce que je viens du 93, et que tous mes potes me le font assez remarquer (rires). Du coup, on a associé les deux, en rigolant un soir, et j’ai trouvé ça assez pathétique pour un trente-naire, Jessica 93. C’est pour ça que je l’ai gardé !

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TRIP : Est-ce que tu touches un public en par-ticulier, ou bien tu as affaire à une mixture des genres ?

JESSICA 93 : J’ai l’impression que les gens qui m’écoutent viennent d’horizons assez variés. J’ai toujours évolué dans des milieux assez différents, donc plein de gens me connaissent des petites scènes de Paris. Finalement, maintenant que le projet s’est répandu, je remarque que beaucoup de gens peuvent venir du métal comme de la pop ou de la cold wave, et qu’ils apprécient tous ma mu-sique. Je trouve ça mortel !

TRIP : Aujourd’hui, arrives-tu à vivre de ta mu-sique ?

JESSICA 93 : Disons que maintenant, je touche des cachets plus conséquents qu’avant, mais j’ai toujours un peu vécu de ma musique... ce qui fait qu’au départ, je ne vivais pas de beaucoup ! Il y a 5 ans, je vivais avec 50€ par mois. Je pouvais m’acheter des pâtes et du beurre ; maintenant, je peux m’acheter du ketchup et un steak haché en plus (rires).

TRIP : Après le succès de ton album, Rise, est-ce que tu t’attendais à ce que ça marche à ce point ?

JESSICA 93 : Non, pas du tout, surtout avec Jes-sica 93. Je misais beaucoup plus sur les groupes que j’avais avant ! Jessica, c’était pour passer le temps, pour combler mon emploi du temps. Main-tenant il s’avère que c’est devenu mon activité principale... C’est un peu une surprise, quand on y réfléchit.

TRIP : As-tu des projets en particulier pour la suite ?

JESSICA 93 : Pour le moment, je laisse un peu le projet aller, le disque vient de sortir, les tournées vont arriver. Je laisse un peu Jessica vivre, ce qui va me permettre de me consacrer à mon autre groupe Missfits. C’est une manière de faire une pause. Mais je suis déjà en train de penser au pro-chain album de Jessica 93, qui sera apparemment différent dans le son.

TRIP : Des conseils à donner à des jeunes mu-siciens ?

JESSICA 93 : Je pense qu’il faut faire ça pour s’éclater avant tout. Il faut jouer avec passion, c’est le plus important. Il faut faire ça dans son coin, aller dans les petits bars et s’inspirer des petits groupes qui y jouent. J’aime bien l’idée d’une gé-nération qui crée sa propre histoire. Il suffit juste de prendre sa guitare et d’écrire sa chanson.

Propos recueillis par Eléonore Seguin

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