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projet � premier pôlede services en itinérance �
Étude statistiqueL'itinérance à Montréal
Août 2013
Réalisé par :
Guillaume Salha
Statisticien à la SDSVM
durant l'été 2013
Sommaire
1 Introduction générale 3
2 Caractéristiques générales des itinérants 4
2.1 Le sexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
2.2 L'âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
3 Analyse socioculturelle 8
3.1 Le lieu de naissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
3.2 La présence autochtone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
3.3 La langue maternelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
3.4 La citoyenneté canadienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
4 Analyse économique 14
4.1 La scolarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
4.2 La situation professionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
4.3 Les sources de revenu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
5 Situation familiale 22
5.1 Les enfants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
5.2 L'état matrimonial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
6 La santé 26
6.1 La santé physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
6.2 La santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
7 Délinquance 36
8 Conclusion 38
2
1 Introduction générale
Ce document présente les principaux résultats de l'étude statistique réalisée
durant l'été 2013 par la Société de Développement Social de Ville-Marie. Elle
tente de dresser un portrait de la population itinérante de Montréal, et
de faire ressortir, pour la première fois, certaines réalités a�n de mieux
comprendre ce phénomène et de le quanti�er. Les domaines en question
sont très variés, et vont d'une analyse socioculturelle aux problèmes de santé, en
passant par les aspects socioéconomiques.
Cette étude englobe les sept premiers mois du projet � Pôle de services en
itinérance � mis en place en décembre 2012. Il s'agit d'un projet micro. Pour
obtenir nos résultats, une collecte de données micro a été réalisée au contact direct
des itinérants de la Mission Saint Michael, le � Toit Rouge �, avec la distribution
de questionnaires. 147 itinérants ont ainsi été interrogés, un chi�re important
dans la mesure où 200 individus se rendent en moyenne chaque jour à la Mission,
qui existe depuis plus de 85 ans.
Nous prenons les travaux de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) de
1999 1 comme référence pour notre enquête. Dès que cela est possible, nous tentons
en e�et de savoir si nos résultats se rapprochent de ceux de l'ISQ ou si, au contraire,
nous obtenons des di�érences que nous tentons d'expliquer. D'autres études plus
récentes et reprenant partiellement le même thème sont également citées, lorsque
cela est pertinent.
1. Enquête auprès de la clientèle des ressources pour personnes itinérantes des régions de
Montréal-Centre et de Québec, Fournier, L. 1999, Québec, Institut de la statistique du Québec.
3
2 Caractéristiques générales des itinérants
Cette première partie a pour objectif de regrouper et mettre en avant des
caractéristiques très générales de la population itinérante de Montréal : le sexe et
l'âge. Pour chacune de ces caractéristiques, nous présentons les résultats obtenus
grâce à notre collecte de données à la Mission Saint Michael, le � Toit Rouge �.
Nous comparons également ces résultats avec ceux des études antérieures déjà
citées a�n de mettre en avant certaines conclusions communes ou, au contraire,
des di�érences que nous tentons d'expliquer. Après ce tour d'horizon général sur
les itinérants, nous pourrons entrer davantage dans le détail de l'analyse, découpée
en plusieurs thèmes.
2.1 Le sexe
Table 1 � Répartition des itinérants par sexe
Les hommes constituent la grande majorité des individus interrogés
lors de notre étude : à la Mission Saint Michael, ils représentent en e�et 94,44%
des itinérants. C'est un résultat plus élevé que celui de l'Institut de la statistique
du Québec qui montrait, quelques années plus tôt, que les hommes représentaient
83,5% des itinérants, et les femmes 16,5%.
Les valeurs obtenues par l'ISQ semblent, encore aujourd'hui, plus proches de
la réalité de la ville de Montréal que les autres. Cependant, les di�érences que
nous obtenons sont explicables, si nous prenons en compte les particularités de la
Mission Saint Michael. Le Toit Rouge est en e�et un lieu d'accueil mixte ;
or il existe à Montréal plusieurs centres réservés aux femmes. Les itiné-
4
rantes se dirigent en priorité vers ces centres : l'Auberge Madeleine, la rue
des Femmes et Chez Doris. Elles délaissent souvent les lieux mixtes lorsque cela
est possible, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les causes de l'itinérance fémi-
nine sont souvent di�érentes des causes de l'itinérance masculine : chez les femmes
sans-abri, l'abandon, la séparation, la violence physique ou sexuelle dans l'enfance
ou à l'âge adulte, à cause des hommes, contribuent à ce qu'elles se retrouvent à la
rue dans un état de grande vulnérabilité 2. Elles cherchent donc désormais à éviter
ces hommes, dont l'image est dégradée à cause de leur vécu. Ensuite, comme le
con�rment les membres de la Mission Saint Michael, le risque de violence envers
les femmes persiste dans certains centres d'accueil mixtes : en évitant ces centres,
les femmes évitent ce risque. Il n'est donc pas surprenant d'obtenir de tels résultats
au Toit Rouge.
Notons toutefois que, quels que soient les résultats que nous prenons, la conclu-
sion est la même : la population itinérante de Montréal est très largement
composée d'hommes. La part des hommes parmi les itinérants est, par ailleurs,
bien supérieure à la part des hommes dans la population en général. Il y a en e�et
presque autant d'hommes que de femmes au Québec : 51,5% de femmes, 48,5%
d'hommes 3.
Figure 1 � Répartition des itinérants par sexe
2. Plan d'action interministériel en itinérance 2010-2013, Gouvernement du Québec, 2009
3. Statistiques de la ville de Montréal : http ://ville.montreal.qc.ca/
5
2.2 L'âge
Table 2 � Répartition des itinérants par tranche d'âge
D'après notre étude, 18,89% des itinérants ont entre 18 et 29 ans et
presque la moitié entre 30 et 44 ans. Les itinérants âgés d'au moins
45 ans constituent le dernier tiers. La moyenne d'âge, parmi l'ensemble des
itinérants, est de 40 ans. Les 10% les plus jeunes ont moins de 23 ans, et les
10% les plus vieux ont au-delà de 57 ans. Cette fois-ci, pas de di�érence avec
l'ISQ : nous retrouvons des valeurs vraiment très proches. Outre ces statistiques
simples sur l'âge, il est intéressant de croiser cette variable avec d'autres variables
de notre étude. Plus loin, nous verrons en e�et que l'âge des itinérants est lié avec
leur capacité à accéder à une situation professionnelle stable, ainsi qu'avec leur
recherche de revenus.
En�n, il semble intéressant d'analyser l'âge des itinérants selon leur sexe. Nous
ne disposons pas su�samment de données sur les itinérantes pour obtenir des ré-
sultats �ables, du fait de leur faible nombre à la Mission Saint Michael. Néanmoins,
à titre indicatif, voici le résultat obtenu par l'Institut de la statistique du Québec.
Il apparaît que, si 45,6% des hommes ont entre 30 et 44 ans, les femmes
se répartissent de manière plus uniforme parmi les di�érentes tranches
d'âge, selon l'ISQ.
6
Figure 2 � Répartition des itinérants par tranche d'âge
Table 3 � Âge en fonction du sexe (ISQ)
7
3 Analyse socioculturelle
Dans notre étude, trois variables nous permettent de décrire les aspects so-
cioculturels et ethnoculturels des itinérants de Montréal : leur langue maternelle,
leur lieu de naissance et leur citoyenneté. Nous analysons également la présence
autochtone parmi les itinérants de Montréal.
3.1 Le lieu de naissance
Table 4 � Répartition des itinérants par lieu de naissance
Débutons par le découpage des itinérants en fonction de leur lieu de naissance.
Nous avons regroupé les itinérants en quatre catégories : ceux qui sont nés à
Montréal même, ceux qui sont nés au Québec hors Montréal, ceux qui sont nés
dans une autre province du Canada, et en�n ceux qui sont nés ailleurs dans le
Monde, dans un autre pays que le Canada. Il y a beaucoup de choses à dire
sur ces chi�res. Premièrement, il faut souligner qu'un itinérant sur trois de
la Mission Saint Michael est originaire de Montréal même. Au total, la
part des itinérants originaires du Canada s'élève à 71,21%, et celle des itinérants
originaire du Québec à 54,11%. Les itinérants qui viennent d'un autre pays
que le Canada constituent les autres 28,79%.
Ces résultats di�èrent de ceux de l'Institut de la statistique du Québec. La
population étudiée par l'ISQ qui est, rappelons-le, dé�nie comme étant la clien-
tèle des ressources pour personnes itinérantes, est essentiellement originaire du
Canada (92 %) et plus particulièrement du Québec (85 %). Il s'agit des résultats
8
de l'ensemble de l'étude ; si nous prenons en compte uniquement les montréa-
lais, la part de personnes itinérantes étant originaire du Canada s'élève alors à
88 %, un chi�re un peu moins élevé. Néanmoins, cette di�érence entre les résul-
tats de l'ISQ et les nôtres est explicable. En e�et Montréal, métropole du
Québec, a tendance à accueillir davantage d'étrangers, et leur nombre
s'agrandit encore plus pendant l'été. Or notre enquête a principalement été
réalisée au mois au juin. Ce phénomène est largement con�rmé par l'équipe de
la Mission Saint Michael ; il explique que, dans notre étude, nous retrouvions da-
vantage d'étrangers. Parmi les intervenants étrangers interrogés, il n'y a pas de
tendance qui ressort : nous retrouvons aussi bien des anglais, des français, que des
sud-américains ou des africains, sans véritable majorité.
Par ailleurs, nos résultats semblent en accord avec ceux des travaux de Marie-
Marthe Cousineau en 2005 4, réalisés en saison froide. Elle retrouve à la fois l'im-
portante part de montréalais, plus de 37%, et une part d'étrangers plus élevée
que l'Institut de la statistique du Québec, environ 20%. Ce résultat est plus faible
que notre pourcentage, obtenu en été : un e�et saisonnier est à nouveau évoqué,
et va dans le sens de notre étude.
Nous remarquons par ailleurs que le lieu de naissance, selon nos résultats,
n'est pas signi�cativement associé à l'âge des itinérants, à leur sexe
ou encore, d'après l'Institut de la statistique du Québec, au statut
domiciliaire (SDF ou non).
4. COUSINEAU,M.-M et al., 2005, Portrait de la clientèle fréquentant les refuges pour iti-
nérants en saison froide. Rapport de recherche, Centre international de criminologie comparée,
Montréal
9
Figure 3 � Répartition des itinérants par lieu de naissance
3.2 La présence autochtone
Parmi les itinérants originaires du Canada, nous retrouvons notamment les
autochtones, dont il est possible de noter la relativement forte pré-
sence parmi les individus de la Mission Saint Michael. Les autochtones
sont dé�nis par la Campagne mondiale pour les Droits de l'Homme comme étant
les descendants de ceux qui habitaient dans un pays ou une région géographique
à l'époque où des groupes de population de cultures ou d'origines ethniques di�é-
rentes y sont arrivés et sont devenus par la suite prédominants, par la conquête,
l'occupation, la colonisation ou d'autres moyens. Plus de 31% des itinérants
interrogés, en e�et, étaient des autochtones, par exemple des Inuits venant
du Nord du Québec. Ce chi�re est important, dans la mesure où ils représentent
moins de 1% de la population totale de Montréal 5.
5. Statistiques de la ville de Montréal, voir note 2
10
3.3 La langue maternelle
Table 5 � Répartition des itinérants par langue maternelle
Nous avons pris pour base le résultat de l'ISQ présent dans le tableau : une
proportion élevée des individus interrogés à Montréal, 79,7%, a le français comme
langue maternelle. Nettement en dessous, nous retrouvons l'anglais (11,6%) et
les autres langues (8,7%).
Qu'en est-il au Toit Rouge ? Lorsque l'individu interrogé a appris en même
temps deux langues, et notamment l'anglais et le français, c'est la langue la plus
utilisée qui a été retenue. Dans ces conditions, plus de 60% des itinérants
interrogés ont annoncé avoir pour langue maternelle le français. C'est
toujours une nette majorité, mais qui est néanmoins plus faible. Dans le même
temps, la catégorie � Autre � atteint 27,78% soit un résultat, au contraire, bien
plus élevé. Cela est peu surprenant, grâce à l'analyse sur le lieu de naissance
réalisée plus haut. La part relativement importante d'individus nés dans un autre
pays que le Canada, relevée dans cette partie, explique la présence d'autres langues
maternelles que les langues o�cielles.
Parmi celles-ci, notons tout d'abord la présence des langues autochtones, dont
l'inuktitut : les langues autochtones représentent en tout près de 13% du total.
Notons également la place de l'espagnol (quasiment 7% du total) due à une cer-
taine immigration d'Amérique Centrale et du Sud, et notamment de Porto Rico.
Diverses autres langues, comme l'arabe, le créole, ou encore l'italien apparaissent
ensuite à des niveaux plus bas. En�n, comme pour le lieu de naissance, il ne
semble pas y avoir de lien clair entre la langue maternelle et le sexe,
l'âge ou le statut domiciliaire des itinérants.
11
Figure 4 � Répartition des itinérants par langue maternelle
3.4 La citoyenneté canadienne
Table 6 � Répartition des itinérants par citoyenneté
L'étude de l'ISQ met en avant qu'une très large part des itinérants, 98,3%,
possède la citoyenneté canadienne. Nous pouvions nous y attendre, dans la me-
sure où presque 92% des itinérants étaient nés au Canada. Parmi les itinérants
que nous avons interrogé il y a davantage d'étrangers. Malgré tout, nous obte-
nons également un pourcentage de citoyens canadiens très élevé : plus de 92%
des itinérants interrogés à la Mission Saint Michael déclarent possé-
der la citoyenneté canadienne. Nous mettons aussi en avant le fait que trois
12
personnes non-nées au Canada sur quatre prétendent posséder cette
nationalité. Ce résultat est très élevé. Toutefois, les intervenants de la Mission
Saint Michael semblent con�rmer la cohérence de ce chi�re, tout comme les tra-
vaux de Marie-Marthe Cousineau en 2005 6.
Figure 5 � Êtes-vous un citoyen canadien ?
6. COUSINEAU,M.-M et al., voir note 3
13
4 Analyse économique
Nous analysons dans cette partie les variables liées à la scolarité des individus,
à leur situation professionnelle, et à leurs sources de revenu. Nous présentons,
une nouvelle fois, l'ensemble de nos chi�res, obtenus grâce à la collecte de don-
nées réalisée à la Mission Saint Michael, que nous comparons avec ceux de nos
références.
4.1 La scolarité
Table 7 � Répartition des itinérants par niveau scolaire atteint
Les résultats que nous obtenons montrent que le niveau de scolarisation
des itinérants est relativement faible, à peine 42,22% des itinérants ayant
terminé leur secondaire. À titre de comparaison, 62% de la population générale
est dans cette situation. 14,44% des personnes interrogées déclarent, par ailleurs,
avoir atteint un niveau universitaire.
Comparons nos chi�res avec ceux qui existaient déjà sur la scolarité des iti-
nérants. Les résultats que nous obtenons sont relativement proches de ceux de
l'Institut de la statistique du Québec, et les conclusions sont donc les mêmes.
L'ISQ con�rme que les itinérants de Montréal ont en moyenne atteint un
niveau d'études moins élevé que celui de la population générale : à peine
41,1% des itinérants avaient alors terminé leurs études secondaires. L'ISQ précise
de plus qu'au moment de son étude environ 15% de la population à l'étude avait
14
fréquenté l'école au cours des douze derniers mois, et que près des deux tiers des
itinérants (62 %) déclaraient détenir une formation professionnelle.
Notons que l'âge lors de la dernière année d'études ne semble corrélé avec
aucune autre variable de notre étude. C'est entre autre le cas pour les variables
liées à l'emploi et au chômage. Autrement dit, notre étude ne permet pas
de montrer que les itinérants ayant réalisé de plus longues études ont
une meilleure situation professionnelle que les autres, ni qu'ils ont plus
de facilités à retrouver du travail. Au contraire, ils semblent soumis
aux mêmes di�cultés que les autres, qui ont un niveau général d'études plus
faible.
Figure 6 � Âge lors de la dernière année d'études
En�n, un peu moins d'un itinérant sur cinq déclare qu'il aimerait à
nouveau étudier. Le plus souvent, la plupart des personnes interrogées refusent
cette éventualité, prétextant l'inutilité de ce retour aux études, un manque de
motivation, ou encore un âge trop avancé.
15
Table 8 � Aimeriez-vous retourner étudier ?
4.2 La situation professionnelle
Table 9 � Répartition des itinérants par situation professionnelle
L'étude de l'ISQ mentionnait dès 1999 que seuls 3,6% des itinérants interrogés
possédaient, au moment de l'entrevue, un emploi à temps plein, et 2,4% un emploi
à temps partiel. Au total, donc, 6% des itinérants uniquement avaient une réelle
activité professionnelle.
Nos résultats renvoient également vers cette réalité. D'après notre étude, seule-
ment 6,67% des itinérants travaillent actuellement : c'est un chi�re très
faible qui soulève un réel problème d'intégration professionnelle. À titre de compa-
raison, le taux de chômage au Québec au premier trimestre 2013 était de 7,4% 7.
7. D'après l'Institut de la statistique du Québec
16
De plus, nos chi�res font apparaître la présence d'un chômage de longue
durée, plus d'un tiers des itinérants n'ayant pas eu de véritable emploi depuis
au moins cinq ans. Il est en général reconnu 8 que le chômage de longue durée
est un phénomène particulièrement inquiétant et que, plus la durée du chômage
augmente, plus il devient di�cile de retrouver un emploi stable. En�n, 6,87%
des individus interrogés ont déclaré n'avoir jamais travaillé de leur vie.
Il s'agit principalement de jeunes, même si nous retrouvons également dans cette
catégorie deux personnes âgées de plus de 40 ans.
Figure 7 � Durée depuis le dernier emploi
Allons désormais plus loin dans l'analyse. Les individus sont-ils victimes de ces
situations de chômage de manière égale ? Nous montrons dans notre étude qu'au
contraire l'âge de l'individu a un impact sur sa situation professionnelle.
Représentons l'ensemble des itinérants étant au chômage et ayant déjà travaillé
sur le même plan, en indiquant sur un axe l'âge des itinérants, et sur l'autre la
durée en années depuis leur dernier emploi. Une tendance apparaît clairement sur
le nuage de points obtenu : ce sont les individus les plus vieux qui sont le plus
8. Par exemple dans le rapport Le chômage de longue durée, COE, déc 2011
17
souvent victimes du chômage de longue durée. Il est souvent utile de réaliser, sur
ce genre de nuage de points, une régression, soit la représentation du � trend �,
la droite passant au milieu du nuage et représentant la tendance générale de la
relation entre les variables des deux axes. Ici, le � trend � n'est pas une droite,
mais une courbe exponentielle, ce qui montre bien l'ampleur de la tendance. Le
lien entre l'âge des itinérants et la durée depuis le dernier emploi est
donc bien réel. En conclusion, un des grands dé�s des politiques de
réinsertion sociale et professionnelle sera de retrouver un emploi à ces
personnes plus âgées, qui subissent ce chômage de longue durée duquel
il est di�cile de sortir.
Figure 8 � Régression de la durée depuis le dernier emploi par rapport à l'âge
18
4.3 Les sources de revenu
Table 10 � Répartition des itinérants selon leur nombre de sources de revenu
Suite à notre collecte de données à la Mission Saint Michael, nous montrons que
70% des itinérants signalent posséder plusieurs sources de revenu, qui
correspondent en général à l'association d'aides sociales et de systèmes
de débrouille, légaux ou non. L'Institut de la statistique du Québec obtenait
des résultats plus faibles : la plupart a�rmaient n'avoir qu'une seule source de
revenu et environ le tiers des individus en déclaraient plus d'une. L'étude montrait
aussi que peu de personnes déclaraient n'avoir aucune source.
Figure 9 � Répartition des itinérants selon leur nombre de sources de revenu
19
Une étude à notre niveau n'est pas su�sante pour obtenir plus de détails sur
ces sources de revenu, les itinérants restant peu disposés à entrer dans les détails
de leur vie quotidienne. Plus particulièrement, il est très di�cile d'obtenir des
chi�res sur les systèmes de débrouille, notamment ceux qui sont illégaux. Voici
tout de même, à titre d'information, les résultats obtenus suite à l'étude de l'ISQ,
réalisée avec beaucoup plus de moyens et de temps :
Figure 10 � Nombre et catégorie de sources de revenu et emploi (ISQ)
20
Revenons à notre étude. Nous établissons un lien entre le nombre de sources
de revenu et l'âge des itinérants. En e�et, les itinérants jeunes déclarent
en moyenne plus de sources de revenu que ceux qui sont plus âgés.
Reprenons les tranches d'âge établies dans la partie 1. D'après notre enquête,
les 18-29 ans déclarent en moyenne 2,7 sources de revenu, contre 2,2 pour les
30-45 ans et 1,5pour les plus de 45 ans. De même, 11% des 18-29 ans n'ont
qu'une source de revenu, contre 18% des 30-45 ans et surtout 56% des plus
de 45 ans. Il apparaît également que les jeunes sont proportionnellement
moins nombreux à recevoir des transferts gouvernementaux et utilisent
davantage les revenus de débrouillardise. L'ISQ et l'étude de Cousineau en
2005 9 con�rment cette tendance que nous mettons en avant.
9. COUSINEAU,M.-M et al., voir note 3
21
5 Situation familiale
Cette partie permet de décrire la situation familiale des itinérants de la Mission
Saint Michael. Plus précisément, nous nous intéressons à leur état matrimonial
ainsi qu'à leur nombre d'enfants.
5.1 Les enfants
Table 11 � Répartition des itinérants par nombre d'enfants
Les itinérants de la Mission Saint Michael déclarent en légère majorité ne pas
avoir d'enfant : 55,56%. 18,89% des itinérants ont un enfant, 13,33% en ont
deux, 8,89% en ont trois et 3,33% en ont quatre. Tout de même, ils sont
44,44% à avoir au moins un enfant. Ces valeurs sont cohérentes avec celles
obtenues par l'ISQ en 1999, où 61,70% des personnes interrogées a�rmaient
alors ne pas avoir d'enfant. Pourtant, seuls 9% des itinérants qui ont des enfants
déclarent les voir au moins une fois par semaine. Un itinérant sur quatre n'a, par
ailleurs, plus de contact ou presque avec eux. De plus, même si le faible nombre de
données sur les femmes rendent di�ciles les conclusions, il est possible de reporter
le résultat de l'ISQ, selon lequel la proportion de femmes ayant déclaré
avoir un ou des enfants n'est pas signi�cativement di�érente de celle
des hommes.
22
Figure 11 � Répartition des itinérants par nombre d'enfants
En�n, nous trouvons assez naturellement que le nombre moyen d'enfants
augmente avec l'âge : cette moyenne vaut en e�et 0,29 pour les moins de 30
ans, 0,65 pour les 30-45 ans, et 1,46 pour les plus de 45 ans. De même, 76%
des moins de 30 ans a�rment de pas avoir d'enfant, contre 60% des 30-45 ans et
37% des plus de 45 ans.
Table 12 � Nombre d'enfants par tranche d'âge
23
5.2 L'état matrimonial
Table 13 � Répartition des itinérants selon leur état matrimonial
Notre étude et celle de l'ISQ semblent mettre en avant une réalité : la vie
avec un conjoint est di�cilement compatible avec l'itinérance. Il s'avère
en e�et que seuls 6,9% des individus déclarent la présence d'un conjoint
dans leur vie. L'ISQ, en 1999, obtenait un chi�re encore plus faible : 3,8%.
1,8% des itinérants était à ce moment mariés : à titre de comparaison, 36% de
la population de Montréal est actuellement mariée 10
En�n, reprenons un graphique fourni par l'étude de Cousineau (2005), qui
va plus loin dans ce sujet. Celui-ci met en avant que 26% des itinérants de
Montréal n'ont personne à contacter en cas d'urgence. Cette proportion
vaut 27% chez les hommes, et 16% chez les femmes. Le réseau social des hommes
semble donc moins important que celui des femmes puisque la proportion des
hommes signi�ant que � personne ne peut être considérée comme un parent proche
ou comme une personne à appeler en cas d'urgence � est supérieure à celle des
femmes. Parmi les itinérants ayant quelqu'un à contacter, voici la répartition de
ces personnes selon leur lien avec l'itinérant. La mère et la fratrie arrivent en tête,
chez les hommes comme chez les femmes :
10. Statistiques de la ville de Montréal, voir note 2
24
Figure 12 � Personnes à contacter, par sexe, d'après l'étude de Cousineau
25
6 La santé
Cette partie met en avant les questions de santé. Nous détaillons premièrement
l'état de santé physique des itinérants de Montréal, et nous attachant par exemple
à leur propre perception de cette santé. Puis nous cherchons à en savoir davantage
quant aux problèmes mentaux et aux consommations de drogues et d'alcool.
6.1 La santé physique
Table 14 � Répartition des itinérants selon la perception de la santé
26
Figure 13 � Répartition des itinérants selon la perception de la santé
Un itinérant sur deux déclare être en mauvaise santé ou en très
mauvaise santé : c'est une proportion élevée qui souligne la dureté de la vie d'un
itinérant. Dans le même temps, 34,44% des personnes jugent leur santé moyenne,
et moins de 18% la jugent bonne ou très bonne. À titre de comparaison, parmi la
population canadienne en général, près de 80% des individus considèrent être en
bonne santé. Dès le départ, il apparaît donc que les itinérants ont davantage
de problèmes de santé que les autres, résultat peu surprenant.
Il nous est di�cile d'obtenir davantage de précision avec une étude telle que
la nôtre, que ce soit pour la santé physique ou, dans la partie suivante, pour la
santé mentale. En e�et les itinérants ont souvent refusé de répondre d'entrer dans
les détails de leur situation personnelle lors du remplissage des questionnaires
écrits. De même, il était quasiment impossible d'aborder ces thèmes en communi-
quant oralement avec les itinérants. Nous disposons donc, hélas, de peu de détails
supplémentaires.
27
Néanmoins, il est toujours possible d'analyser la situation en reprenant les
résultats qu'ont pu obtenir les autres études, et notamment celle de l'Institut de
la statistique du Québec, réalisée avec davantage de moyens �nanciers, humains,
et davantage de temps que la nôtre. Nous nous limiterons donc à l'interprétation
de ces résultats. Même si ces chi�res ne sont plus les nôtres, il nous a semblé utile
de les joindre à cette étude a�n d'avoir une vision d'ensemble plus complète des
réalités de l'itinérance.
Table 15 � Prévalence des problèmes chroniques de santé physique (ISQ)
28
Table 16 � Prévalence des problèmes aigus de santé physique (ISQ)
29
Table 17 � Prévalence des maladies infectieuses (ISQ)
Les itinérants s'estimaient en moyenne en moins bonne santé que la population
en générale : les tableaux ci-dessus leur donnent raison. Leur mode de vie a
un impact net sur leur santé physique. L'extrême pauvreté, le manque d'hy-
giène ou encore l'absence récurrente de toit engendrent de nombreux problèmes.
Non seulement ils ont plus souvent des problèmes, mais ils ont souvent multiples.
Comme le précise Québec 11, � la vulnérabilité des personnes itinérantes sur le
plan de la santé physique a pour conséquence de limiter leur capacité à prendre
soin d'elles-mêmes et à demander de l'aide. Par ailleurs, les personnes itinérantes
ont tendance à demander de l'aide uniquement lorsque leurs problèmes de santé
se sont particulièrement aggravés. � L'étude de Cousineau (2005) relève la même
réalité, en séparant toutefois les chi�res selon l'âge et le sexe des individus inter-
rogés :
11. Dans le Plan d'action interministériel en itinérance 2010-2013, 2009
30
Figure 14 � Problèmes de santé, selon l'étude de Cousineau
Figure 15 � Problèmes de santé par sexe, selon l'étude de Cousineau
31
Figure 16 � Problèmes de santé par âge, selon l'étude de Cousineau
6.2 La santé mentale
Voici de même les résultats obtenus par l'ISQ :
Table 18 � Troubles mentaux, non liés à l'usage d'une substance (ISQ)
32
Table 19 � Prévalence de la consommation de drogues 1/2 (ISQ)
Table 20 � Prévalence de la consommation de drogues 2/2 (ISQ)
33
Table 21 � Proportion de consommateurs d'alcool (ISQ)
Table 22 � Prévalence des idées et tentatives de suicide (ISQ)
34
Parmi les itinérants, les troubles mentaux sont bien plus fréquents
que parmi le reste de la population. Pour l'ensemble de leur vie, très peu
d'itinérants ne présentent aucun des troubles évoqués dans l'étude. Les problèmes
de santé mentale peuvent être un facteur de vulnérabilité, qui conduit à une
rupture sociale. Ils peuvent aussi être une conséquence de la vie d'itinérant.
Il est également possible de retrouver fréquemment des problèmes d'alcoo-
lisme et de toxicomanie chez les itinérants. Ces problèmes peuvent être une
cause de l'itinérance tout comme une conséquence, selon les cas. Ils sont souvent
liés aux problèmes de santé mentale, les déclenchant ou les aggravant. Par ailleurs,
Québec précise aussi que � les drogues seraient consommées de façon abusive et
dans des conditions insalubres ; les personnes, particulièrement celles qui utilisent
des drogues injectables, sont plus à risque de contracter des maladies infectieuses,
sont le VIH, l'hépatite C ou des infections transmissibles sexuellement. En ce qui
concerne les jeunes de la rue, la majorité présente une consommation d'alcool
problématique ou des problèmes sérieux de consommation de drogues. Un jeune
sur deux a fait usage de drogues injectables, et c'est chez ces derniers que l'on
trouve un nombre supérieur de comportements d'injection à risque, d'où des taux
de prévalence supérieurs du VIH et de l'hépatite C. �
En�n, notons les résultats relativement élevés qu'il est possible d'obtenir en
analysant la prévalence des idées et tentatives de suicide. 56,2% des itiné-
rants ont en e�et des idées suicidaires, contre 4,5% de la population en général.
35
7 Délinquance
Voici en�n quelques données, obtenues par l'ISQ, concernant la délinquance
et les comportements criminels :
Table 23 � Contacts avec le système judiciaire 1/2 (ISQ)
36
Table 24 � Contacts avec le système judiciaire 2/2 (ISQ)
Table 25 � Type de délit ayant donné lieu au dernier emprisonnement (ISQ)
37
8 Conclusion
Après deux mois de travail auprès des itinérants de la Mission Saint Michael,
nous disposons désormais d'une solide quanti�cation de ce phénomène à Montréal,
et ce pour la première fois. Ce projet micro englobait les sept premiers mois du
projet � Pôle de services en itinérance �. Il permet de faire ressortir certaines
réalités : certaines sont des con�rmations de tendances ressenties sur le terrain,
d'autres sont plus surprenantes mais restent pertinentes a�n de mettre en avant la
problématique de l'itinérance. Par la mise en relation de nos résultats avec ceux
de l'Institut de la statistique du Québec, et d'autres études plus récentes mais
ne traitant que partiellement notre sujet, nous disposons également de références
permettant d'apporter une crédibilité supplémentaire à nos chi�res. À chaque
fois que nous obtenions des di�érences importantes avec ces études antérieures,
celles-ci étaient explicables et avaient du sens.
Nous avons réussi à obtenir des résultats intéressants dans de nombreux do-
maines. Les hommes constituent la grande majorité des individus interrogés. Un
itinérant sur cinq a moins de 30 ans, quand dans le même temps un sur trois
a plus de 45 ans. Par ailleurs, les itinérants les plus vieux ont en général da-
vantage d'enfants, moins de sources de revenu (et provenant relativement plus
souvent d'aides sociales que de systèmes de débrouille, contrairement aux jeunes),
et surtout subissent davantage le chômage de longue durée, duquel il est di�cile
de sortir. De plus, un itinérant sur trois est né à Montréal même, mais tout de
même 28% des itinérants sont nés dans un autre pays que le Canada. Les chi�res
concernant la citoyenneté canadienne sont toutefois élevés, 92% des individus dé-
clarant être citoyens. Cela signi�e que trois personnes non-nées au Canada sur
quatre ont obtenu cette citoyenneté par la suite. Les études sur la langue ma-
ternelle con�rment cette tendance, le français arrivant largement en tête. En�n,
soulignons à nouveau la très forte présence des autochtones parmi les itinérants
de la Mission Saint Michael.
D'un point de vue économique, nous avons mis en avant que les itinérants
avaient en général plusieurs sources de revenu, correspondant le plus souvent à
l'association d'aides sociales et de systèmes de débrouille, légaux ou non (la part
38
variant selon l'âge, comme précisé plus haut). Ils n'ont en général pas d'emploi
stable, voire n'ont jamais travaillé de leur vie. Seulement 7% des itinérants environ
travaillent actuellement. La durée depuis le dernier emploi peut être très élevée,
plus d'un tiers des individus n'ayant pas eu de véritable emploi depuis au moins
cinq ans. Par rapport à la population générale, il est également ressorti que le
niveau de scolarisation des itinérants est relativement faible, même si plus d'un
sur dix, dans le même temps, est allé à l'Université. Ceux qui ont fait des études ne
semblent pas, toutefois, avoir plus de facilités que ceux qui ont un niveau d'études
plus faible pour trouver un emploi stable.
Un peu moins de la moitié des itinérants a au moins au enfant, et 25% en ont
au moins deux, même si moins de 10% déclarent les voir au moins une fois par
semaine. Notre étude a mis en avant une autre réalité : la vie avec un conjoint est
di�cilement compatible avec l'itinérance. Il s'avère que seuls 7% des itinérants
déclarent la présence d'un conjoint dans leur vie, et moins de 2% sont mariés ;
à titre de comparaison 36% de la population de Montréal est actuellement ma-
riée. Par ailleurs, nous faisons également ressortir que beaucoup d'itinérants n'ont
absolument personne à contacter en cas d'urgence : 26%.
Sans surprise, il ressort également que les itinérants ont beaucoup de pro-
blèmes de santé, bien davantage que le reste de la population. Plus de la moitié
des itinérants se considèrent en � Mauvaise � ou � Très mauvaise � santé. Nous
mettons en avant une large répartition des itinérants selon les problèmes chro-
niques de santé, physique ou mentale. Parmi les itinérants, les troubles mentaux
sont en e�et plus fréquents que parmi le reste de la population. Nous retrouvons
également de larges problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie, ces problèmes pou-
vant être une cause de l'itinérance tout comme une conséquence. De plus, 56,2%
des itinérants ont des idées suicidaires contre 4,5% de la population en général.
En�n, nous avons analysé les rapports des itinérants avec le système judiciaire,
et la délinquance d'une manière plus générale. 40% des itinérants ont ainsi, par
exemple, été arrêtés, pour des délits très variés.
Cette large étude nous permet de dresser un portrait de la population iti-
nérante du centre-ville de Montréal, ce qui est une nouveauté. Ce travail vise à
sensibiliser. L'arrondissement Ville-Marie, où 45% du PIB québécois est créé, fait
39
face à d'importants problèmes de pauvreté et d'itinérance. Notre étude fait res-
sortir des réalités, des dé�s, et donc la nécessité d'agir. Au-delà de cette prise de
conscience, nous espérons aussi que notre quanti�cation permettra de mieux axer
les dispositifs d'aides, a�n de répondre d'une meilleure manière à ces dé�s, en
connaissant bien mieux la situation actuelle. Ce travail s'insère donc totalement
dans le cadre du projet � Pôle de services en itinérance � lancé en décembre 2012.
Les choix futurs en matière d'itinérance, dans ce qui constitue le coeur économique
et culturel du Québec, seront donc déterminants.
40