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Annales de pathologie (2014) 34, 149—152 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com HISTOSÉMINAIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANC ¸AISE DE PATHOLOGIE Tumeurs rares du rein. Cas n o 4. Angiomyolipome épithélioïde atypique Rare renal tumors. Case no. 4. Atypical epithelioid angiomyolipoma Xavier Leroy Institut de pathologie, centre de biologie-pathologie, CHRU, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille, France Accepté pour publication le 6 evrier 2014 Disponible sur Internet le 16 mars 2014 Renseignements cliniques Homme de 62 ans. Découverte fortuite scanographique d’une tumeur du rein droit de 3 cm vascularisée. Néphrectomie partielle. Diagnostic Angiomyolipome épithélioïde atypique. Description histologique Il s’agit d’une tumeur bien limitée n’infiltrant pas le parenchyme rénal mais non encapsu- lée. La tumeur est densément cellulaire. Elle est composée de cellules de grande taille, fusiformes en faisceaux et de cellules épithélioïdes ovalaires, rondes ou polyédriques au cytoplasme abondant éosinophile parfois vacuolisé ou clarifié (Fig. 1—3). Les noyaux sont volumineux irréguliers, hyperchromatiques, atypiques parfois fortement nucléolés (Fig. 4). On identifie quelques inclusions intranucléaires. Des mitoses sont observées sans mitoses anormales. Il n’est pas vu de nécrose. On note également la présence de vaisseaux étirés anguleux à la paroi épaisse parfois hyalinisée. Quelques rares adipocytes sont présents. Il n’existe pas d’embole intravasculaire. Adresse e-mail : [email protected] 0242-6498/$ see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.02.006

Tumeurs rares du rein. Cas no 4. Angiomyolipome épithélioïde atypique

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Annales de pathologie (2014) 34, 149—152

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

HISTOSÉMINAIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PATHOLOGIE

Tumeurs rares du rein. Cas no 4.Angiomyolipome épithélioïde atypique

Rare renal tumors. Case no. 4. Atypical epithelioidangiomyolipoma

Xavier Leroy

Institut de pathologie, centre de biologie-pathologie, CHRU, avenue Oscar-Lambret, 59037Lille, France

Accepté pour publication le 6 fevrier 2014Disponible sur Internet le 16 mars 2014

Renseignements cliniques

Homme de 62 ans. Découverte fortuite scanographique d’une tumeur du rein droit de 3 cmvascularisée. Néphrectomie partielle.

Diagnostic

Angiomyolipome épithélioïde atypique.

Description histologique

Il s’agit d’une tumeur bien limitée n’infiltrant pas le parenchyme rénal mais non encapsu-lée. La tumeur est densément cellulaire. Elle est composée de cellules de grande taille,fusiformes en faisceaux et de cellules épithélioïdes ovalaires, rondes ou polyédriques aucytoplasme abondant éosinophile parfois vacuolisé ou clarifié (Fig. 1—3). Les noyaux sontvolumineux irréguliers, hyperchromatiques, atypiques parfois fortement nucléolés (Fig. 4).On identifie quelques inclusions intranucléaires. Des mitoses sont observées sans mitosesanormales. Il n’est pas vu de nécrose. On note également la présence de vaisseaux étirésanguleux à la paroi épaisse parfois hyalinisée. Quelques rares adipocytes sont présents. Iln’existe pas d’embole intravasculaire.

Adresse e-mail : [email protected]

0242-6498/$ — see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.02.006

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igure 1. Tumeur rénale densément cellulaire composée de cel-ules fusiformes et polyédriques éosinophiles.enal tumor composed of fusiform or polygonal tumor cells.

igure 2. Cellules fusiformes éosinophiles atypiques.typical eosinophilic tumor cells.

L’étude immunohistochimique montre une négativité desarqueurs épithéliaux (pancytokératines, EMA, p63), de larotéine S100. En revanche, on note positivité hétérogèneytoplasmique des cellules tumorales avec les anticorpsnti-HMB45 et anti-Melan-A (Fig. 5).

igure 3. Cellules rondes et polyédriques épithélioïdes.ound or polygonal epithelioid tumor cells.

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X. Leroy

igure 4. Cellules épithélioïdes avec noyaux hyperchromatiques,rréguliers et nucléolés.pithelioid cells with severe nuclear atypia.

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’angiomyolipome est la tumeur conjonctive la plus fré-uente du rein. Cette tumeur peut être sporadique oue développer dans le cadre d’une sclérose tubéreuse deourneville [1]. La grande majorité des angiomyolipomesont diagnostiqués de manière fortuite sur un examen’imagerie. Les formes classiques riches en graisse pré-entent au scanner un signal hypodense très caractéristique,e qui permet le diagnostic préopératoire et la surveillancees lésions lorsqu’elles sont de petite taille (< 4 cm). Laariante épithélioïde est plus rare correspondant à moinse 10 % de l’ensemble des angiomyolipomes [1—5]. Il s’agitlors très souvent de patients atteints de sclérose tubéreuseéanmoins des formes sporadiques existent. L’âge moyen deécouverte est de 40 ans avec des extrêmes de 14 à 70 ans1—4,6]. La découverte est souvent fortuite, néanmoins, lesML épithélioïdes sont souvent plus volumineux et multifo-aux que les formes conventionnelles. Les AML épithélioïdeseuvent se rencontrer également dans le foie, le rétropé-itoine, les ganglions, l’utérus ou l’os. Ils appartiennent àa famille des Pecomes pour perivascular epithelioid cells1—3]. Cette famille de tumeur PEC comprend les AML,a lymphangioléiomyomatose, les tumeurs sucres pulmo-aires et extrapulmonaires, les tumeurs à cellules claires

igure 5. Immunomarquage cytoplasmique granuleux avec’anticorps anti-Melan A.mmunostaining with antibody to Melan A.

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piques peuvent être observées. De la nécrose peut être

Tumeurs rares du rein. Cas no 4. Angiomyolipome épithélioïd

Figure 6. Plages et massifs pseudocarcinomateux de cellules épi-thélioïdes.Carcinoma-like appearance with sheets of epithelioid cells.

du ligament large [2]. La particularité des AML épithélioïdes

est d’avoir, par rapport à la forme classique, un potentield’évolutivité de récidive ou de métastase.

Aspects anatomopathologiques

Les AML conventionnels ont un aspect triphasique caracté-ristique avec des vaisseaux tortueux épais, des adipocytes etdes cellules PEC à différenciation myoïde. L’angiomyolipomeépithélioïde présente un contingent adipocytaire souventréduit voire absent ce qui peut compliquer le diagnostic.Nese et al. ont décrit deux types : une forme purement épi-thélioïde pseudo-carcinomateuse faite de nids, plages decellules polygonales avec un cytoplasme abondant éosino-phile dont les noyaux sont irréguliers hyperchromatiqueset nucléolés (Fig. 6) [4]. Le second type est une tumeurcomposée de cellules épithélioïdes et de cellules fusi-formes volumineuses comme dans notre observation. Lescellules épithélioïdes ont un cytoplasme granuleux ou cla-rifié vacuolisé et les cellules fusiformes sont éosinophilesvolumineuses organisées en amas et faisceaux. (Fig. 7) [4,5].Dans les formes atypiques, les cellules peuvent être trèspléomorphes avec des atypies sévères, des cellules multi-nucléées ou d’allure ganglioneurale (Fig. 8). Une activité

Figure 7. Cellules épithélioïdes et fusiformes atypiques.Atypical plump spindle and epithelioid cells.

ypique 151

Figure 8. Cellules épithélioïdes géantes multinucléées.Giant multinucleated epithelioid cells.

mitotique > 2 mitoses/50 CFG et rarement des mitoses aty-

présente ainsi qu’une infiltration de la graisse péri-rénale.Le contingent adipeux souvent réduit ou inexistant estcomposé d’adipocytes matures parfois vacuolisés mimantdes lipoblastes. Les vaisseaux en revanche sont toujours pré-sents, avec une paroi épaisse hyalinisée sans composanteélastique (Fig. 9). Pour retenir le diagnostic d’AML épi-thélioïde, le pourcentage de la composante épithélioïdenécessaire est discuté : 10 % pour certains, mais la majo-rité des auteurs s’accordent sur plus de 50 % de cellulesépithélioides [4—7].

Immunohistochimie

L’étude immunohistochimique est capitale pour le dia-gnostic différentiel. Les AML sont typiquement marqués parles anticorps anti-HMB45 et Melan A mais le marquage estparfois très focal, limité à quelques cellules tumorales enparticulier autour des vaisseaux sauf dans les secteurs épi-thélioïdes où le marquage est diffus (Fig. 10). Les marqueursépithéliaux (cytokératines, EMA) sont négatifs ainsi que laprotéine S100. Les AML peuvent exprimer d’autres mar-queurs comme MITF, le CD117, l’actine lisse ou la desmine[1].

Figure 9. Vaisseau à paroi épaisse hyalinisée au contact des cel-lules épithélioïdes.Large and thick vessel with epithelioid cells.

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[1] Mete O, Van Der Kwast TH. Epithelioid angiomyolipoma. A

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igure 10. Marquage intense et diffus des cellules épithélioïdesvec l’anticorps anti-HMB45.trong and diffuse immunostaining of epithelioid cells with anti-ody to HMB45.

iagnostic différentiel

utant les formes conventionnelles ne posent pas de pro-lèmes, autant les AML épithélioïdes sont une sourceotentielle d’erreur importante car pouvant mimer un car-inome rénal, un sarcome, un mélanome, une GIST ou unorticosurrénalome [1].

Le diagnostic différentiel avec un carcinome à celluleslaires à composante éosinophile se fait par l’identification’un contingent classique de carcinome à cellules clairesur des prélèvements multiples échantillonnés, l’aspectes vaisseaux et surtout l’étude immunohistochimique avecMB45 et Melan A [3]. Les carcinomes à translocation TFEBeuvent mimer un AML épithélioïde d’autant qu’une expres-ion d’HMB45 est possible. Le marquage avec l’anticorps antiFEB et les études moléculaires (cytogénétique, FISH, RT-CR) permettront de redresser le diagnostic.

Un sarcome peut être également confondu en particuliervec un léiomyosarcome, un liposarcome dédifférencié ou

n sarcome pléomorphe. C’est à nouveau le couple HMB45 etelan A qui permettra le diagnostic différentiel [1—3].

Une tumeur de la surrénale sera écartée sur le contextelinique, l’imagerie et les marqueurs (inhibine A, calréti-ine, synaptophysine, chromogranine, SF-1), en se méfiantependant de la Melan A qui est positive dans les tumeursurrénaliennes.

volution-pronostic

l est important d’identifier les AML épithélioïdes par rap-ort aux AML conventionnels compte-tenu d’un risque’agressivité potentiel. En effet, même si le pronostic estiscuté dans la littérature, les AML épithélioïdes peuventécidiver localement voir métastaser dans le foie, les gan-lions, les poumons ou l’os [4,5]. Le pourcentage d’évolutionéfavorable est cependant très variable dans la littéra-ure [4,5,7]. Les facteurs de risque identifiés sont : uneaille tumorale supérieure à 7 cm, une morphologie épi-hélioïde à plus de 70 %, une activité mitotique > 2 mitosesour 10 grands champs, la présence de mitoses atypiques,’extension extra-rénale ou de la nécrose [4,5]. Nese et al.nt défini un système de grade avec 5 critères : association

une sclérose tubéreuse ou angiomyolipomes multiples,

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X. Leroy

écrose tumorale, taille > 7 cm, extension extra-rénale ou la veine rénale, aspect pseudocarcinomateux. Le risquevolutif était élevé s’il existait 4—5 critères, risque intermé-iaire si 2—3 critères et bas risque si 0—1 critère. La dernièreonférence de consensus de l’ISUP recommande de préci-er en cas de diagnostic d’angiomyolipome épithélioïde s’ilrésente ou pas des atypies et d’en évaluer le pronostic [8].

POINTS IMPORTANTS À RETENIR

• L’angiomyolipome épithélioïde est une tumeurrare qui pose des problèmes de diagnosticdifférentiel.

• Un contexte de sclérose tubéreuse de bournevilleest très fréquemment observé.

• La tumeur est composée de cellules polygonalesou fusiformes, au cytoplasme éosinophile avec,régulièrement, des atypies cytonucléaires, parfoisdes mitoses nombreuses et de la nécrose.

• Le diagnostic différentiel se fait avec uncarcinome rénal, un sarcome, un mélanome.

• L’étude immunohistochimique est indispensable(HMB45, Melan A) avec mise en évidence del’expression de marqueurs mélanocytaires.

• L’évolution est plus péjorative avec un risquede récidive ou de métastase en particulier si latumeur est volumineuse, avec de la nécrose, unindex mitotique > 2 mitoses/10 CFG.

éclaration d’intérêts

’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits’intérêts.

éférences

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