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Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 91—97 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Tumeurs stromales digestives : rôle de la tomodensitométrie avant et après traitement Gastrointestinal stromal tumors: Role of computed tomography before and after treatment D. Bensimhon a , P. Soyer a,, J.-P. Brouland b , M. Boudiaf a , Y. Fargeaudou a , R. Rymer a a Service de radiologie vasculaire et viscérale, hôpital Lariboisière, AP—HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France b Service d’anatomie pathologique, hôpital Lariboisière, AP—HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France Résumé Les tumeurs stromales digestives (TSD) sont les tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes du tube digestif. Elles s’observent principalement dans l’estomac ou l’intestin grêle. Leur potentiel malin variable est évalué par leur taille et leur index mitotique. La grande majo- rité des TSD expriment la protéine c-kit. Cette expression est l’un de leur critère diagnostic majeur et permet, par ailleurs, un traitement ciblé par biologie moléculaire (imatimib). La tomodensitométrie (TDM) est la méthode d’imagerie de référence pour le diagnostic, le bilan d’extension et le suivi des TSD après traitement. Les TSD se présentent typiquement comme une masse à limites nettes, à développement exoluminal, à rehaussement hétérogène après injection intraveineuse de produit de contraste iodé, avec parfois des remaniements nécroti- cohémorragiques et sans adénomégalie. Leur extension à distance est principalement hépatique et mésentérique. Une grande taille, des métastases hépatiques ou péritonéales sont des cri- tères TDM de potentiel de malignité élevé. Après traitement par imatinib, la diminution de la taille et de la densité des lésions et la disparition des nodules rehaussés sont des critères TDM en faveur d’une réponse positive. L’apparition d’un nodule rehaussé au sein d’une lésion est un argument de progression de la maladie. La tomographie par émission de positon (TEP) peut être utile en cas de discordance entre la clinique et les aspects TDM. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Gastrointestinal stromal tumors (GIST) are the most frequent mesenchymal tumors of the gastrointestinal tract. They are generally located in the stomach or the small bowel and the potential for becoming malignant varies. Due to their expression of c-kit protein, a positive diagnosis as well as a specific targeted treatment by molecular biology (imatinib) are Abréviations: TSD, Tumeur stromale digestive ;GIST, Gastrointestinal stromal tumor ;TDM, Tomodensitométrie ;TEP, Tomographie par émission de positon. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Soyer). 0399-8320/$ — see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gcb.2007.12.015

Tumeurs stromales digestives : rôle de la tomodensitométrie avant et après traitement

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Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 91—97

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

MISE AU POINT

Tumeurs stromales digestives : rôle de latomodensitométrie avant et après traitementGastrointestinal stromal tumors: Role of computedtomography before and after treatment

D. Bensimhona, P. Soyera,∗, J.-P. Broulandb, M. Boudiafa,Y. Fargeaudoua, R. Rymera

a Service de radiologie vasculaire et viscérale, hôpital Lariboisière, AP—HP, 2, rue Ambroise-Paré,75010 Paris, Franceb Service d’anatomie pathologique, hôpital Lariboisière, AP—HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France

Résumé Les tumeurs stromales digestives (TSD) sont les tumeurs mésenchymateuses les plusfréquentes du tube digestif. Elles s’observent principalement dans l’estomac ou l’intestin grêle.Leur potentiel malin variable est évalué par leur taille et leur index mitotique. La grande majo-rité des TSD expriment la protéine c-kit. Cette expression est l’un de leur critère diagnosticmajeur et permet, par ailleurs, un traitement ciblé par biologie moléculaire (imatimib). Latomodensitométrie (TDM) est la méthode d’imagerie de référence pour le diagnostic, le biland’extension et le suivi des TSD après traitement. Les TSD se présentent typiquement commeune masse à limites nettes, à développement exoluminal, à rehaussement hétérogène aprèsinjection intraveineuse de produit de contraste iodé, avec parfois des remaniements nécroti-cohémorragiques et sans adénomégalie. Leur extension à distance est principalement hépatiqueet mésentérique. Une grande taille, des métastases hépatiques ou péritonéales sont des cri-tères TDM de potentiel de malignité élevé. Après traitement par imatinib, la diminution de lataille et de la densité des lésions et la disparition des nodules rehaussés sont des critères TDMen faveur d’une réponse positive. L’apparition d’un nodule rehaussé au sein d’une lésion est

un argument de progression de la maladie. La tomographie par émission de positon (TEP) peutêtre utile en cas de discordance entre la clinique et les aspects TDM. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Gastrointestinal stromal tumors (GIST) are the most frequent mesenchymal tumorsof the gastrointestinal tract. They are generally located in the stomach or the small boweland the potential for becoming malignant varies. Due to their expression of c-kit protein, apositive diagnosis as well as a specific targeted treatment by molecular biology (imatinib) are

Abréviations: TSD, Tumeur stromale digestive ; GIST, Gastrointestinal stromal tumor ; TDM, Tomodensitométrie ; TEP, Tomographie parémission de positon.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Soyer).

0399-8320/$ — see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.gcb.2007.12.015

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available. Computed tomography is the best imaging method for diagnosis, staging and follow-up of GIST. They appear as a well-defined exophytic mass with heterogeneous enhancementafter intravenous injection of iodinated contrast material. They may contain areas of necrosisand/or haemorrhage and enlarged lymph nodes are exceedingly rare. Most common metastaticsites are the liver and mesentery. Large tumour size and liver or mesenteric metastases arecomputed tomography criteria for a high malignant potential. After treatment, decrease intumour size, number and density of lesions and the disappearance of enhancing nodules suggesta positive response to imatinib therapy, whereas a new enhancing nodule within a mass is theusual pattern of recurrence. Positron emission tomography may be useful in specific cases whenc ia.©

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linical data are inconsistent with computed tomography criter2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ntroduction

vec une incidence d’environ 14 nouveaux cas annuels sur000 000 [1], les tumeurs stromales digestives (TSD) sont

es tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes du tubeigestif. Elles se développent le plus souvent à partir dea paroi de l’estomac (70 %), de l’intestin grêle (20 à 30 %)t, plus rarement, du colon, du rectum ou de l’œsophage.es localisations mésentériques, épiploïques, rétropérito-éales ou vésiculaires sont plus rares [2—5]. Alors que leséiomyomes, léiomyosarcomes et schwannomes, principalesutres tumeurs mésenchymateuses du tube digestif, pré-entent pour la plupart des signes histologiques patents deifférenciation musculaire lisse ou neurogène et un pronos-ic relativement bien défini, les TSD sont histologiquementoins bien définies et ont toutes un potentiel malin dont

’importance est variable selon les cas. Leur extension àistance est le plus souvent hépatique ou mésentérique.

Ainsi, les différentes tumeurs mésenchymateuses duube digestif ont longtemps fait l’objet d’une confusionémantique et diagnostique. La découverte récente de’expression par les TSD de la protéine c-kit (CD117), pro-uit du proto-oncogène KIT dont une mutation activatricest trouvée dans plus de 90 % des TSD [6], a permis d’isoleres tumeurs comme une entité à part entière. Elles ont pourrigine une cellule située à l’interface entre les myocytest les terminaisons des plexus nerveux du tractus digestifcellule interstitielle de Cajal). De plus, cette expression aermis le développement d’un traitement inhibiteur ciblée c-kit par l’imatinib mésylate.

Cet article a pour objectif d’illustrer les différentsspects tomodensitométriques des TSD primitives, selon leurocalisation et leur potentiel malin, et de leurs métastases,vant et après traitement.

pidémiologie et aspects cliniques

’âge moyen de survenue des TSD se situe entre 50 et 70 ans4,5,7—10], avec une prédominance masculine [8,11]. Laeurofibromatose de type 1 et la triade de Carney sont desacteurs favorisants [5]. Par ailleurs, des formes familialesnt été décrites [5].

La présentation des TSD est variable selon leur site’origine et leur agressivité. Ainsi, les TSD peuvent êtresymptomatiques et de découverte fortuite ou se manifesterar des hémorragies digestives, des douleurs abdominalesu, plus rarement, par des syndromes occlusifs ou des per-

mêpt

orations du tube digestif. La découverte de métastases,ajoritairement hépatiques [5,8,9,12], est un mode de

évélation plus rare.

natomie pathologique

ompte tenu du risque de dissémination péritonéale lors deiopsies transpariétales qui sont à proscrire et de la diffi-ulté à évaluer un grade histopronostique correct sur desrélèvements de petite taille, l’examen anatomopatholo-ique des TSD est le plus souvent réalisé sur des pièceshirurgicales.

Macroscopiquement, les TSD apparaissent comme desumeurs, naissant de la paroi du tube digestif et seéveloppant le plus souvent vers la cavité abdominale.énéralement assez bien limitées, recouvertes d’uneuqueuse parfois ulcérée, leur diamètre peut varier deuelques millimètres à plusieurs dizaines de centimètres7,12]. À la coupe, les TSD sont fermes avec un aspectncéphaloïde, blanchâtre, plus ou moins fasciculé. Desemaniements hémorragiques peuvent s’observer au seines tumeurs de grande taille [5,12].

Histologiquement, les TSD sont des tumeurs mésenchy-ateuses naissant des couches musculeuses et constituées

e plus souvent de cellules fusiformes ou épithélioïdesnchevêtrées. Elles peuvent s’organiser en faisceaux courtslus ou moins bien orientés, en palissades ou avoir unspect alvéolaire. Des zones de nécrose, d’œdème, deemaniements microkystiques et une vascularisation abon-ante peuvent être présents [2,5].

Hormis les cas les plus typiques, il n’existe aucun critèreistologique permettant de différencier les TSD des léio-yomes et des schwannomes, principales autres tumeursésenchymateuses du tube digestif. Ainsi, devant toute

umeur mésenchymateuse, une étude immunohistochi-ique s’impose, comprenant au moins les anticorps CD 117

c-kit), CD 34, antiactine musculaire lisse (AML) et antipro-éine S 100.

La positivité de l’immunomarquage d’une tumeur mésen-hymateuse par CD 117 permet d’affirmer le diagnostic deSD. L’expression des marqueurs musculaires lisses ou neu-ogène ne remet pas en cause le diagnostic mais prend toutea valeur si le CD 117 et le CD 34 sont négatifs (Fig. 1).

Si la présence de métastases permet d’affirmer la nature

aligne des TSD, en leur absence, la malignité ne peut

tre affirmée ou infirmée [2]. On ne peut qu’évaluer unotentiel malin, plus ou moins important. Pour cela, les cri-ères histopronostiques utilisés sont la taille et le nombre de

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Tumeurs stromales digestives et tomodensitométrie 93

Figure 1 Aspects anatomopathologiques des TSD de l’intestin grêle : macroscopiquement, la lésion est blanchâtre, fasciculée, sansremaniement nécrotique ou hémorragique et a un développement sous-muqueux (a). Histologiquement (HES, × 25), les TSD peuventprésenter un aspect fusiforme avec des cellules allongées s’organisant en courts faisceaux (b) et/ou un aspect épithélioïde avec descellules plus arrondies et sans organisation particulière (c). Après étude immunohistochimique avec CD 117 (ABC-peroxydase/DAB,× 10), les cellules tumorales présentent un vif marquage cytoplasmique (d).Pathological patterns of small bowel GIST: on gross examination the tumor is white with a fascicular pattern, without necrosis orhemorrhage and it has developed mainly in the submucosal layer (a). Histologically (HES, × 25), GISTs exhibit spindle-cell areas

lioid10)

nà ce jour.

Le pronostic des TSD est à moduler selon les critèrespronostiques précédemment cités. Avant l’avènement del’imatinib, on a pu observer que les TSD à faible potentiel

with elongated cells organized in short fascii (b) and/or epithe(c). Immunostaining of GIST for CD117 (ABC-peroxydase/DAB, ×(d).

mitoses, modulés par la localisation (20 à 30 % de malignitépour l’estomac, 40 à 50 % pour les autres sites) [2,5,13].Les TSD gastriques d’une taille inférieure à 5 cm avec moinsde cinq mitoses pour 50 champs à fort grossissement sontconsidérées comme de faible potentiel malin et celles d’unetaille comprise entre 5 et 10 cm, avec moins de cinq mitosespour 50 champs à fort grossissement, comme de potentielmalin intermédiaire. Les TSD du grêle sont considérées defaible potentiel malin quand elles mesurent moins de 2 cmavec moins de cinq mitoses et de potentiel malin intermé-diaire quand elles mesurent de 2 à 5 cm avec moins de cinqmitoses. Les autres cas sont considérés comme de potentielmalin élevé [14].

Traitement et pronostic

Le traitement des TSD repose sur la chirurgie d’exérèse enpremière intention, qui est le seul traitement curatif à cejour.

L’imatinib est indiqué depuis 2002 dans le cadre des TSDmétastatiques ou localement non résécables. Son utilisationà titre néoadjuvant ou adjuvant est en cours d’évaluation

de même que celle d’autres agents ciblés en cas de résis-tance initiale ou secondaire [14]. La tumeur primitive peutêtre opérée, même en présence de métastases, du fait d’unrisque hémorragique peu élevé mais potentiellement sévère(Fig. 2) [15].

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areas with more rounded cells and a less developed cytoplasm: tumor cells exhibit strong brown labelling of the cytoplasm

Les chimiothérapies conventionnelles et la radiothérapie’ont pas démontré leur efficacité et ne sont plus utilisées

igure 2 Algorithme de traitement des TSD.IST treatment algorithm.

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9 D. Bensimhon et al.

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Figure 3 TSD gastriques multiples chez un patient de 44 ansayant des douleurs abdominales : un nodule pariétal de lapetite courbure gastrique (flèche) prenant le contraste de faconhomogène est visible sur une coupe tomodensitométrique aprèsinjection intraveineuse de produit de contraste iodé.Multiple gastric GISTs in a 44-year-old man with abdomi-nal pain. Homogeneous enhancement of intramural nodule oftsc

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alin n’avaient aucune incidence significative sur la surviees patients [1]. En revanche, la médiane de survie était de0 mois en cas de tumeur à haut potentiel malin [1]. En effet,algré une résection complète dans 80 % des cas, la récidive

umorale dans les deux ans suivant la chirurgie est fréquente15]. La médiane de survie en cas de tumeur métastatiquetait, quant à elle, de 16 mois [1].

Depuis l’utilisation de l’imatinib, on observe 90 % de sur-ie à un an en cas de métastases ou de tumeur localementon résécable contre 30 % avant son utilisation. Soixante70 % des patients présentent une réponse objective en

omodensitométrie (TDM) ou en imagerie par résonanceagnétique après traitement par imatinib [6].

spects tomodensitométriques

echnique d’examen

ans le cadre d’un bilan de TSD avant ou après traitement,ne acquisition multiphasique devrait être réalisée (sans,uis après injection de produit de contraste iodé aux tempsrtériel et portal) afin d’objectiver, notamment, des méta-tases hépatiques hypervascularisées pouvant ne pas êtreisualisées sur un examen monophasique au temps veineux16]. Une opacification digestive par voie haute ou basseelon le site de la tumeur, à l’aide d’eau ou de produitadio-opaque, peut être utile pour l’évaluation locale et laecherche de métastases mésentériques.

ntérêt diagnostique et diagnostic différentiel

es TSD se présentent le plus souvent en TDM comme desasses à développement exoluminal et, plus rarement,développement endoluminal [7,16]. Elles ont généra-

ement des limites nettes. Leur densité est tissulaire,’homogénéité variable. Assez fréquemment, on observe unentre à densité liquidienne ou des signes de remaniementsémorragiques internes, se traduisant par la présence deones spontanément hyperdenses avant injection intravei-euse de produit de contraste iodé [16,17]. Une ulcératione la muqueuse est possible, se manifestant par le passageu produit de contraste oral dans la tumeur ou la présencee gaz au sein de celle-ci [16,17]. Rarement, un niveauiquide ou des calcifications sont visibles. Le plus souvent,a prise de contraste est hétérogène, notamment pour lesumeurs de grande taille, en raison de remaniements hémor-agiques et/ou nécrotiques [7,9,16].

L’envahissement vasculaire est rare [16]. Lorsqu’il estrésent, la TDM permet de l’évaluer grâce aux reconstruc-ions multiplanaires.

stomac’estomac est le site de développement préférentiel des TSDuisque 50 à 70 % d’entre elles s’y développent [5]. Deux à% des tumeurs gastriques sont des TSD [17]. Leur décou-erte est fréquemment fortuite lors d’une chirurgie, car la

umeur est le plus souvent de petite taille et asymptoma-ique [3,5]. En effet, les TSD sont moins agressives quandlles se développent à partir de l’estomac (20 à 30 % de TSDalignes) [5] que du grêle [9] où elles sont fréquemmentécouvertes à un stade avancé [13].

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he lesser curvature (arrow) of the stomach is seen on CTcan obtained after intravenous administration of iodinatedontrast material.

Les TSD gastriques peuvent se présenter sous la formee petits nodules muraux avec un rehaussement intense etomogène après injection (Fig. 3) [16]. Plus volumineuses,eur développement est le plus souvent exophytique et, par-ois, l’origine gastrique est difficile à affirmer, notammentans les formes pédiculées [17]. Cela peut mener à uneonfusion avec un pseudokyste ou une tumeur mucineuseu pancréas [16]. Le rehaussement des grosses tumeurs estrincipalement périphérique avec un centre souvent rema-ié et hypodense (nécrose, hémorragie. . .) [17].

Le diagnostic différentiel comprend, en premier lieu, lesutres tumeurs mésenchymateuses (léiomyomes et schwan-omes), plus rares et dont l’aspect tomodensitométrique estroche des TSD. Les tumeurs glomiques, dont le développe-ent est sous-muqueux et le réhaussement marqué après

njection de produit de contraste iodé, et les tumeurs carci-oïdes pouvant se présenter comme un nodule mural avec unehaussement intense, peuvent être envisagées. On citeragalement les lymphangiomes, rares et rehaussant peu, etes pancréas aberrants, souvent antraux et dont le rehausse-ent peut être similaire à celui du pancréas orthotopique.

es adénocarcinomes et les lymphomes, à considérer du faite leur fréquence, ont un développement plutôt intramu-al, circonférentiel ou endophytique et sont accompagnés’adénomégalies [7,17].

ntestin grêle’intestin grêle est le deuxième site le plus fréquemment

oncerné par les TSD (20—30 % d’entre elles) [3,5,12]. Vingtour cent des tumeurs du grêle sont des TSD. La malignité yst plus fréquente que dans l’estomac avec un risque estiméntre 40 et 50 % [5].
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Tumeurs stromales digestives et tomodensitométrie

Figure 4 TSD grêlique maligne chez un patient de 54 ansdécouverte au décours d’une péritonite : masse grêlique pel-vienne (flèche), mal limitée, rehaussant de facon hétérogènesur une coupe tomodensitométrique obtenue après injectionintraveineuse de produit de contraste iodé.Malignant GIST of the small bowel in a 54-year-old man withperitonitis: ill-defined and heterogeneouly enhanced pelvic

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usidevenir hypodenses au temps portal. D’autres métastases

mass (arrow) on CT scan after intravenous administration ofiodinated contrast material.

Les TSD apparaissent le plus souvent comme des massesde développement principalement exophytique, à contoursréguliers et à rehaussement hétérogène (nécrose, hémorra-gie, kystisation) (Fig. 4) [17]. Il peut être difficile d’éliminerune atteinte mésentérique primitive dans certains cas [17].

Une masse intraluminale ou un polype sont des aspectspossibles mais plus rares de présentation des TSD du grêle[17].

Les adénocarcinomes du grêle, exceptionnels, respon-sables d’une atteinte le plus souvent concentrique, ontun aspect généralement différent des TSD [16], contraire-ment aux lymphomes pouvant se présenter sous la formed’épaississements pariétaux avec dilatation anévrismalemais aussi de masses à extension mésentérique. La pré-sence d’adénomégalies sera toutefois un bon argumenten faveur du diagnostic de lymphome. À la différencedes tumeurs carcinoïdes, les TSD primitives forment desmasses volumineuses à contours réguliers, sans spiculationni indentation mésentérique [16] liées à une réactiondesmoplastique et généralement, sans calcification. Lesparagangliomes naissent le plus fréquemment du deuxièmeduodénum, avec un aspect de masse murale rehaussée defacon homogène. Les tumeurs mésentériques, envahissantla paroi du grêle, font également partie du diagnosticdifférentiel [7,17], ainsi que les métastases du grêle, quisont souvent multifocales [7].

Colon et rectumMoins de 10 % des TSD sont coliques ou rectales [3,5,8]. Le

rectum est, en fréquence, le troisième site de survenue,avec une prédominance masculine [8,12], l’atteinte coliqueétant rare [17]. Plus de 50 % des TSD colorectales auraientun comportement malin [8].

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L’aspect le plus communément observé en TDM corres-ond à une masse murale, à contours réguliers, pouvant’étendre aux organes adjacents [17].

Les adénocarcinomes colorectaux se différencient pares contours habituellement irréguliers et la présence’adénomégalies [17]. Les TSD étendues à l’étage inférieuru pelvis peuvent parfois être prises pour des tumeurs pros-atiques [17].

sophagees TSD œsophagiennes représentent moins de 5 % de’ensemble des TSD [3,5,11].

En ce site, les léiomyomes sont plus fréquents que les TSD75 % contre 25 %) mais leur diagnostic différentiel est impor-ant puisque, dans ce site, les TSD sont souvent malignes5,10,12,13].

Il existe peu de descriptions radiologiques des TSDsophagiennes dans la littérature. Les petites lésions parié-

ales sont le plus souvent des léiomyomes à l’opposé desésions hétérogènes et volumineuses, parfois extensives queeuvent former les TSD [17].

ésentère et épiploonomme pour l’œsophage, moins de 5 % des TSD sont primi-ivement localisées au mésentère et à l’épiploon [3], maisa malignité y est fréquente avec plus de 50 % d’incidenceans le mésentère [5].

L’aspect est généralement celui d’une masse volumi-euse et hétérogène (nécrose, kystisation, hémorragie), àontours réguliers [17].

Le diagnostic différentiel comprend les tumeurs des-oïdes fréquentes dans un contexte de polyadénomatose

amiliale, formant des masses à contours spiculés, lesumeurs carcinoïdes digestives hypervasculaires, dont’extension au mésentère est souvent le caractère prédo-inant avec un aspect spiculé et parfois des calcifications,

t les sarcomes du mésentère d’aspect proche des TSD [17].

utres localisations primitiveslus rarement, des TSD localisées à la vésicule biliaire ouans le rétropéritoine ont été rapportées.

étastasesa TDM permet de réaliser un bilan d’extension local maisussi hépatique et mésentérique, qui va moduler la conduitehérapeutique.

L’extension par voie ganglionnaire est possible maisare [5,17] et remet en cause le diagnostic, étant plutôtn faveur d’une lésion carcinomateuse ou lymphomateuse7,16]. La dissémination se fait principalement vers le foiet le péritoine [7,16]. Les atteintes pulmonaires ou osseusesont très inhabituelles [7,12].

Les métastases hépatiques doivent être recherchées parne acquisition multiphasique [16,18]. En effet, lorsqu’ellesont de petite taille, elles peuvent prendre le contrastentensément à la phase artérielle puis subir un « lavage » et

nt une prise de contraste moins intense et sont plus hété-ogènes, notamment les plus volumineuses [16].

Le deuxième site le plus fréquemment concerné par’atteinte métastatique est le mésentère, particulièrement

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96 D. Bensimhon et al.

Figure 5 Transformation kystique d’une métastase hépatique de TSD après traitement par imatinib chez le même patient quecelui de la Fig. 4 : sur des coupes tomodensitométriques avec injection de produit de contraste, il existe une masse hypodensedu segment VI avant traitement par imatinib (a) ; après traitement par imatinib, la masse prend un aspect kystique sans prise decontraste (b).Cystic transformation of a GIST liver metastasis in the same patient than in Fig. 4: on enhanced CT scan, a hypoattenuating massi inibe

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s present in segment VI before imatinib therapy (a); after imatnhancement (b).

ans les suites d’une résection de la tumeur primitive, pro-ablement par un phénomène de dissémination péritonéale.n y observe des nodules de petite taille, à contours régu-

iers et rehaussant faiblement après injection de produit deontraste iodé [16]. Cette extension est parfois difficile àettre en évidence. Pourtant, sa présence modifie forte-ent la prise en charge thérapeutique et le pronostic de laaladie.Les atteintes épiploïques, de même qu’un épanchement

ntra-abdominal sont plus rares [7,16].

rguments en faveur de la malignité

a TDM a un rôle pronostic. Ainsi, selon Tateishi et al., lesacteurs tomodensitométriques péjoratifs des TSD quant àa survie sont un diamètre supérieur à 11,1 cm, une surfacerrégulière, des limites floues, une invasion de la paroi duegment digestif ou du mésentère, une prise de contrasteétérogène, des métastases hépatiques et une dissémina-ion péritonéale [9].

spect post-thérapeutique

près traitement médical, la réduction de taille ete nombre des lésions est un argument en faveur de’efficacité du traitement, mais reste peu fiable à courterme pris isolément [18]. La diminution de densité paraîttre un meilleur indicateur, de même que la diminutionu nombre des vaisseaux intratumoraux et des nodulesehaussés [18,19]. Les autres critères évocateurs sont’homogénéisation [19], voire la transformation kystique desésions secondaires (Fig. 5) [20]. L’ensemble de ces critères

st à prendre en compte dans l’évaluation de l’efficacitéhérapeutique.

Il n’y a pas de critère formel de non-activité d’une lésion,uisque certaines lésions, d’allure liquidienne après traite-ent, manifestent une croissance secondaire [16].

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therapy, the mass shows cystic-like appearance with no visible

Les principaux critères d’évolutivité après traitementont l’apparition de nouvelles lésions et très fréquem-ent de nodules rehaussant après injection intraveineusee produit de contraste au sein d’une lésion ne rehaussantlus après traitement (aspect de « nodule dans le nodule »)19,21], ainsi que l’augmentation en taille des lésions.

Cependant, une augmentation de taille initiale desésions sous traitement est parfois suivie d’une régressionplus long terme ou associée à des indicateurs d’évolution

avorable [18—20]. Elle serait liée, dans ce cas, à des rema-iements myxoïdes ou hémorragiques. De même, peuventpparaître après traitement par imatinib des épanchementséritonéaux, pleuraux ou péricardiques qui ne sont pas indi-iduellement des critères péjoratifs [19]. Des calcificationseuvent également apparaître.

utres méthodes d’imagerie

a TEP est un examen très sensible pour l’évaluation dea réponse thérapeutique à l’imatinib mésylate, même àn stade précoce. Cependant, un examen préthérapeutiqueositif est nécessaire pour affirmer qu’il y a réponse auraitement et qu’il ne s’agit pas d’un rare cas de TSDpontanément TEP négative [18]. Du fait du manque deisponibilité de la TEP, la TDM reste l’examen de réfé-ence préthérapeutique, mais aussi post-thérapeutique. Leserformances des deux examens paraissent en effet compa-ables dans ce dernier cadre si l’on ne prend pas pour seulritère d’évaluation TDM le volume tumoral. En cas de dis-ordance entre clinique et tomodensitométrie, la TEP prendlors une place prépondérante [19].

L’échographie de contraste permet également une éva-uation précoce de la réponse à l’imatinib mésylate [22],

ais elle est également peu disponible.L’imagerie par résonance magnétique, quant à elle, pour-

ait être plus performante dans la recherche de métastasesépatiques que la tomodensitométrie mais moins dans cellee l’extension mésentérique [16].

Page 7: Tumeurs stromales digestives : rôle de la tomodensitométrie avant et après traitement

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Tumeurs stromales digestives et tomodensitométrie

Conclusion

Les TSD, bien que beaucoup plus rares que les carcinomes,sont les tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes dutube digestif. Leurs caractéristiques tomodensitométriquesdoivent être bien connues, du fait de leur rôle central dansle diagnostic, le bilan initial et le suivi après traitement.Un aspect bien délimité et un développement principa-lement extraluminal de la tumeur ainsi que l’absenced’adénomégalie permettent de différencier les TSD des car-cinomes et des lymphomes. La recherche attentive avec unprotocole TDM adapté des métastases hépatiques et mésen-tériques permet de moduler le pronostic et le traitementde la maladie. Après traitement, l’évaluation combinée dela densité, du nombre et de la taille des lésions avec larecherche de nodules rehaussés est l’indicateur principal del’efficacité thérapeutique. Les autres modalités d’imagerie,du fait de leur accès limité, peuvent être utilisées de faconcomplémentaire dans des situations spécifiques, notammenten cas de discordance entre la TDM et les aspects cliniques.

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