UL CGT 2015 09 Combrexelle

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Analyse des rapports Combrexelle et Mettling remis au gouvernement Hollande/Valls

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  • Le 9 septembre, le Premier Ministre Manuel Valls a reu le rapport Combrexelle sur la ngociation collective, le travail et lemploi en dclarant : cest une tape majeure du quinquennat . Comme vous pourrez le constater en lisant ce dossier, les 44 propositions de ce rapport visent faire exploser le Code du Travail. Pour cela, une loi devra tre vote et le gouvernement a fix la date : ce sera avant lt 2016. LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DU RAPPORT Propositions n9 et 10 : des conventions et accords dure de quatre ans au plus, et non plus dure indtermine ! Le texte du rapport :

    Proposition n9 : Limitation lgislative dans le temps de la dure des accords dentreprise et professionnels de branche.

    Proposition n10 : Rforme des rgles de rvision des accords collectifs pour permettre des adaptations plus rapides.

    La proposition n9 prvoit que tout accord collectif est un accord dure dtermine et que, sauf mention explicite contraire laccord, cette dure ne peut excder quatre ans sans quil soit possible de contourner cette contrainte par une clause de tacite reconduction . Or, aujourdhui, lcrasante majorit des accords collectifs sont conclus dure indtermine sauf, bien sr, les accords dentreprise concernant les augmentations de salaires conclus dans le cadre de la ngociation annuelle. La conclusion dure indtermine est tellement ancre que le Code du Travail dispose que sauf stipulations contraires, la convention ou laccord dure dtermine arrivant expiration continue produire ses effets comme une convention ou un accord dure indtermine . Tous les accords dentreprise et de branche professionnelle seraient concerns sauf, ce stade (et donc demain, sans doute), les textes constitutifs de la convention collective de branche. Tous les quatre ans, maximum (!), on remettrait obligatoirement les compteurs zro ! Et, en plus, il est prvu (page 93) la possibilit dune clause annuelle de revoyure .

    Pourquoi ? Il faut, selon le rapport, sadapter une conomie moderne soumise aux exigences de vitesse et de rapidit dadaptation , alors que notre droit de la ngociation collective est mal laise pour accompagner les oprations de restructuration des entreprises . La convention, laccord dure indtermine, cest fini ! Ce qui tait conu comme une amlioration progressive de la situation des salaris, travers des dcennies de luttes, doit disparatre. Les droits des salaris seraient systmatiquement rviss au niveau des branches et au niveau des entreprises dans des domaines essentiels, automatiquement, tous les quatre ans, et en fait priodicit plus rapide si la comptitivit de lentreprise lexige. Bien sr, une convention peut aujourdhui tre dnonce par les patrons, mais cela obit un certain nombre de rgles : trois mois de pravis et subsistance de la convention pendant douze mois supplmentaires en cas de dsaccord. De plus, cela ouvre une priode de conflit social. Mais avec la proposition n9, tous les quatre ans au plus, on repartirait zro ! Dans cette voie, la commission Combrexelle, le gouvernement, le patronat qui en rve (on se souvient de la dclaration provocatrice de Laurence Parisot en aot 2005, alors chef du Medef : Lamour est prcaire, le Code du travail doit tre prcaire ), se heurtent une difficult : les droits individuels acquis . Cest pourquoi la proposition suivante (n11) vise les remettre en cause. Proposition n11 : en finir avec les avantages individuels acquis et le principe dgalit. Proposition n11 : Mise en place de deux groupes de travail sur :

    les conditions dans lesquelles il pourrait tre donn davantage de place la ngociation collective pour anticiper le statut des salaris transfrs et mieux dfinir le contenu des avantages individuels acquis ;

    lapplication du principe dgalit aux accords collectifs pour permettre leur volution dans le temps.

    Dfendons le Code du Travail !

    Analyse des rapports Combrexelle et Mettling remis au gouvernement Hollande/Valls - Septembre 2015

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    Dans loptique o les accords avaient vocation assurer la stabilit des droits des salaris, le Code du travail et la jurisprudence ont consacr le principe des avantages individuels acquis . Voici ce quen dit jusqu aujourdhui le Code du travail :

    Lorsque la convention ou laccord qui a t dnonc na pas t remplac par une nouvelle convention ou un nouvel accord () les salaris conservent les avantages individuels quils ont acquis (article L. 2261-13).

    Lorsque la convention ou laccord mis en cause (par suite dune fusion, dune cession, dune scission ou dun changement dactivit) na pas t remplac par une nouvelle convention ou accord dans les dlais prciss les salaris des entreprises concerns conservent les avantages individuels acquis (article L. 2261-14 du Code du travail).

    De plus, le juge considre que ces avantages individuels acquis sont de fait intgrs au contrat de travail des salaris. Cette construction de la jurisprudence constitue un obstacle de taille si lon veut pouvoir imposer que, tous les quatre ans au maximum (en ralit, ce sera encore plus court), on remette les compteurs zro. Il ne faudrait pas que les syndicats refusent de signer un accord de rgression afin de conserver ce qui avait t acquis prcdemment. Autre problme : lapplication du principe dgalit ( travail gal, salaire gal ) peut tre un frein au fait que, au gr des restructurations, il puisse coexister dans la mme entreprise plusieurs statuts. Comme il sagit dune question qui, comme le dit prudemment le rapport, est trs sensible du point de vue conomique et social , la commission Combrexelle (proposition n11), propose la constitution dun groupe de travail, compos de deux professeurs duniversit (la caution scientifique), pour, en fait, en finir avec la notion davantages individuels acquis et avec ladaptation du principe dgalit . Propositions nos 26, 27, 30 et 35 : chaque entreprise fait sa propre loi.

    Proposition n26 : Projet, moyen terme, cest--dire dans un dlai maximal de quatre ans, dune nouvelle architecture du Code du travail faisant le partage entre les dispositions impratives, le renvoi la ngociation collective et les dispositions suppltives en labsence daccord.

    Proposition n27 : Projet, court terme, cest--dire dans le courant de lanne 2016, dune

    modification du Code du travail concernant les conditions de travail, le temps de travail, lemploi et les salaires.

    Proposition n30 : Extension de la ngociation collective dans les champs prioritaires que sont les conditions de travail, le temps de travail, lemploi et les salaires (ACTES, Accords sur les conditions et temps de travail, lemploi et les salaires).

    Proposition n35 : Sous rserve de lordre public dfini par le Code du travail et laccord de branche, priorit donne laccord collectif dentreprise dans les champs prioritaires des accords ACTES. Un bilan de la mesure, pour apprcier lopportunit de son maintien, serait dress tous les quatre ans, loccasion de chaque nouveau cycle de la reprsentativit patronale et syndicale.

    Ce renversement complet de tout ce qui a fait la trame de lhistoire sociale en France, de ces dcennies et dcennies de luttes, devient explosif lorsquil est reli aux propositions n30 et 35, savoir tendre le champ de la ngociation aux conditions de travail, temps de travail, emploi et salaires (n30) et que, dans ce domaine, soit donne priorit laccord collectif dentreprise sur les conventions de branche et le Code du Travail (n35). Il sagit, ni plus, ni moins, dune machine de guerre infernale contre tous les droits des salaris. En matire de salaire, hors le SMIC, tout est ouvert, la hausse et la baisse et dans des proportions qui peuvent tre fortes. Dans lindustrie agroalimentaire, aux Etats-Unis, o de telles rgles existent, on a assist des baisses de salaires pouvant aller jusqu 30 %. Salaire, emploi, temps de travail et conditions de travail, restructurations : le champ dextension est gigantesque. Ds 2016, dans les domaines cits ci-dessus, les premires modifications doivent intervenir (proposition n27), et, dans les annes venir, au maximum quatre ans, tout renvoyer la prtendue ngociation et ne laisser dans le Code du Travail que des dispositions suppltives (en cas dabsence daccord) (propositions n 26). Propositions nos 21 et 33 : division par 7 du nombre de conventions collectives de branche, limitation des recours juridiques.

    Proposition n 21 : Encadrement dans le temps des conditions de recours judiciaire contre les accords collectifs avec application de rgles inspires du contentieux des actes rglementaires.

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    Proposition n33 : Dfinition, dans un premier temps pour un dlai de trois ans, dun mcanisme de fusion des branches qui reprsentent moins de 5 000 salaris avec une convention collective daccueil.

    Pour tre sr que ce corset de fer tiendra bon, la proposition n21 propose de limiter les possibilits de recours judiciaires contre des accords dentreprise. Cest pour cela aussi que le rapport insiste sur la rduction du nombre de branches professionnelles (n33), qui passerait de plus de 700 une centaine dans quelques annes, afin que rien ne puisse chapper ce bouleversement. Proposition n42 : au nom de la prservation de lemploi , une drogation permanente aux conventions collectives.

    Proposition n 42 : Institution dune rgle faisant prvaloir, dans lintrt gnral et lintrt collectif des salaris pour lemploi, les accords collectifs prservant lemploi sur les contrats de travail.

    A quelques exceptions prs, le droit applicable est aujourdhui construit sur une base pyramidale dont le sommet est la loi, ensuite laccord interprofessionnel, ensuite laccord de branche, ensuite laccord dentreprise et, enfin, le contrat de travail. Chaque source infrieure pouvait modifier la norme suprieure la condition imprative quelle soit plus favorable pour le salari (articles L. 2253-1 et L. 2254-1 du Code du Travail). Cela a le mrite dtre clair. Cest ainsi que, par exemple, les salaires dune catgorie donne de travailleurs dans une entreprise ne peuvent tre infrieurs un minimum conventionnel, dfini dans chaque branche. Cest cette situation que le rapport veut mettre fin, en proposant une drogation permanente aux conventions collectives, concernant les salaires, mais aussi les horaires, lemploi et les conditions de travail. Le rapport constate : Plus de 95 % des salaris sont ainsi couverts par un accord de branche en France, chiffre qui a peu dquivalent dans les autres pays. Une des raisons en est que les accords de branche sappliquent aux salaris du secteur et pas seulement aux salaris adhrant aux syndicats qui ont sign laccord. Cest ce quon appelle la convention collective. Cest ce qui fait la force du mouvement syndical confdr en France. Les accords de comptitivit, de maintien dans lemploi, les menaces de fermeture ou de dlocalisation

    conduisent des propositions daccords dentreprise visant rduire le salaire, soit en augmentant le temps de travail, soit en rduisant purement et simplement le salaire. Pour pouvoir sattaquer notamment aux minima salariaux conventionnels, il faut trouver une solution pour contourner le Code du Travail et la jurisprudence, et notamment son article L. 2254-1, qui stipule : Lorsquun employeur est li par les clauses dune convention ou dun accord, ces clauses sappliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables. Cest cela que veut faire sauter dfinitivement le rapport Combrexelle, qui explique, dans la prsentation de sa proposition n42 : A lvidence, le maintien dans lemploi doit imprativement tre regard par lensemble des juges comme un motif dintrt gnral et peut, en consquence, justifier une rgle drogatoire larticle L. 2254-1 pour les seuls accords collectifs qui se rattachent lemploi et la prservation de lemploi dans lentreprise (page 102). Donc, exit cet article du Code du Travail, exit les clauses plus favorables de laccord de branche ou de la convention collective ! Laccord dentreprise et le contrat individuel deviendraient prioritaires et la drogation la rgle, pour rduire drastiquement le cot du travail. En prime, prcise le rapport, tout salari qui refuserait doit pouvoir tre licenci et le rgime indemnitaire serait spcifique cette situation et devrait tre moins attractif que celui prvu par le droit commun en cas de licenciement pour motif conomique ! Proposition n31 : crer une zone de non-droit du travail dans lconomie numrique

    Proposition n31 : Ouverture la ngociation collective des nouveaux champs des relations du travail : responsabilit sociale des entreprises (RSE) et, avec un mandat de la loi, conomie digitale.

    Pour Jean-Denis Combrexelle, les responsables de lconomie digitale soulignent, de faon rcurrente, linadaptation, voire larchasme, de notre droit du travail . Il suggre donc de donner aux chefs dentreprise en pointe dans lconomie digitale la responsabilit, avec leurs salaris et syndicats, dinnover en la matire et dinventer, titre exprimental et drogatoire, de nouveaux modes de relations sociales. Les innovations, qui concerneraient tant la mthode que le fond, pourraient ensuite infuser dans de nombreux autres

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    secteurs o lutilisation du numrique se gnralise galement . Au nom des innombrables applications numriques qui inondent la vie conomique et en complment de ses propositions 26, 27, 30 et 35, le rapport Combrexelle propose que chaque entreprise puisse faire sa loi et droger au Code du Travail. Le rapport conclue dailleurs sur ce point avec une audace qui frle la dngation : il ne sagirait pas de crer une zone de non-droit du travail mais de mettre les volutions conomiques et technologiques ainsi que la ngociation collective au service du progrs social . Vraiment ? Le rapport Combrexelle nen dit pas plus, mais une ide plus prcise des innovations quil voque se dessine dans le rapport Mettling remis au Ministre du Travail le 15 septembre, sur la transformation numrique et la vie au travail. Ce nouveau rapport met 36 prconisations. Par exemple, la prconisation n11 : Adapter, pour les travailleurs du numrique concerns, le droit franais pour scuriser le forfait jours . Cr en janvier 2000 et assoupli en 2003 et 2008, le forfait jours couvre aujourd'hui 47% des cadres. Il substitue lobligation de moyens lie au contrat du travail tels la dure, le lieu et les moyens de travail, une obligation de rsultats fixe par des objectifs. Ainsi, le forfait jours supprime la notion dheures supplmentaires. Cest dailleurs une des raisons pour lesquelles le patronat veut le gnraliser lensemble des salaris, cadres et non cadres. En forfait jours, les salaris peuvent travailler jusqu 13 heures par jour et 48 heures par semaine. Le rapport Mettling reconnat dailleurs que le forfait jour a sans doute contribu laugmentation du temps de travail moyen des cadres concerns, qui atteint prs de 46,4 heures par semaine . Seulement, il y a un problme : en labsence de contrle effectif de la dure et de la charge de travail des salaris, la cour de cassation a censur le forfait jours dans dix conventions collectives de branche sur les douze ayant donn lieu des contentieux depuis deux ans . Il faut donc scuriser le forfait jours pour les employeurs en modifiant les articles L.3121-39 et L.3121-46 du Code du Travail. Les conventions collectives sont galement dans le collimateur. Au nom des nouvelles formes de travail non salari comme le statut dauto-entrepreneur, dont lINSEE indique quau bout de trois ans dactivit, 10% dentre eux parviennent dgager un salaire suprieur au SMIC , le rapport Mettling prconise (proposition n15) un socle de droits attachs la personne et transfrables dune entreprise lautre et/ou dun statut lautre, afin de lever les freins la mobilit . Pour que les choses soient bien claires, il prcise : les avantages dune telle volution seraient, pour les employeurs, dviter la notion de dlit de marchandage et de palier

    les problmes lis aux carts existants entre les conventions collectives et, pour les salaris ou les indpendants, de favoriser lvolution et la scurisation du parcours professionnel, y compris lors des priodes hors salariat . Il sagit bien den finir avec les conventions collectives de branche. Le rapport Mettling reconnat que la transformation numrique emporte souvent une intensification du travail et donc un risque en termes de qualit du travail et de qualit de vie au travail . Pourtant, voici les innovations qui devront, selon les auteurs de ce rapport, faonner le monde de demain et que nous voyons dj apparatre aujourdhui dans les entreprises, notamment pour les salaris en forfait jours : valuation des salaris par leurs collgues et par leurs pairs () au-del des diplmes et des parcours professionnels , rseaux sociaux dentreprise au sein desquels les salaris doivent veiller (assurer) leur propre visibilit , analyse des comportements des salaris travers leurs usages numriques afin damliorer lefficacit de lentreprise et permettre aux salaris (daccder) leurs donnes de travailleur tout au long de leur vie professionnelle pour connatre leur score demployabilit (page 58) !

    REACTIONS SYNDICALES MEDEF : le rapport Combrexelle est un bon point de dpart, dont nous attendons une transcription effective et rapide sur lensemble de ses propositions. Il est important que la rforme annonce permette aux entreprises, salaris et dirigeants, de discuter de tout, y compris de la dure du travail dans chaque entreprise ; Cest une opportunit historique . CFDT : Le rapport Combrexelle reprend notre analyse ; Le rapport Combrexelle propose une rflexion intressante sur les volutions du droit du travail ; Ne fermons pas la porte ce qui est finalement peut-tre un progrs pour la dmocratie sociale . Une ligne similaire est observe ct CFTC ou CFE-CGC. FO est favorable un accord drogeant la loi seulement sil sert amliorer ou organiser les rgles suprieures. Pour la CGT, le Code du travail est le socle minimal de garanties collectives . Il doit tre applicable tous. Les ngociations lentreprise doivent amliorer ces garanties, pas les fouler au pied ! .

    NON lclatement des droits ! Ensemble, dfendons le Code du Travail !