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1 Un cadre d’analyse de l’enseignement de l’entrepreneuriat en France N° 03-69 Azzedine TOUNÉS Université de Rouen IAE - CREGO - Centre de Recherche et d’Etudes en Gestion des Organisations Pôle universitaire du tertiaire Faculté de Droit, de Sciences Economiques et de gestion 3, Avenue Pasteur 76 186 ROUEN Cedex 01 France Mail : [email protected] 02.32.76.98.61

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Un cadre d’analyse de l’enseignement de l’entrepreneuriat en France

N° 03-69

Azzedine TOUNÉS

Université de Rouen IAE - CREGO - Centre de Recherche et d’Etudes en Gestion des Organisations

Pôle universitaire du tertiaire Faculté de Droit, de Sciences Economiques et de gestion

3, Avenue Pasteur 76 186 ROUEN Cedex 01

France Mail : [email protected]

02.32.76.98.61

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Résumé

Cette recherche élabore un cadre général d’analyse de l’enseignement de l’entrepreneuriat dans les établissements de gestion de l’enseignement supérieur en France. Celui-ci est construit sur des liens tissés entre les phases d’intervention de l’enseignement de l’entrepreneuriat, ses objectifs et les méthodes pédagogiques les plus répandus.

Nous nous appuyons sur le cadre d’analyse mis en œuvre par Béchard J.-P. (2000), sur les résultats des enquêtes de Béranger J. et aléa. (1998) et de Fayolle A. (1999, 2000), sur des expériences françaises présentées dans divers congrès et travaux, et sur notre propre investigation sur la totalité des DESS "gestion et management" français à dominante entrepreneuriat et création d’entreprise.

Cette recherche fournit un "inventaire" de l’enseignement de l’entrepreneuriat qui

conjugue ses différentes dimensions (phases d’enseignement, publics visés, objectifs poursuivis et pédagogies pratiquées). Elle nous servira notamment à fortifier et innover dans les pratiques pédagogiques les plus appropriées dans l’enseignement de l’entrepreneuriat en France.

Mots clés : Accompagnement et appui, Enseignement, Entrepreneuriat, Innovation, Pratiques pédagogies, Sensibilisation, Spécialisation.

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Abstract

A general analytical framework of entrepreneurship education in France

Our aim in this article is to build an overall theoretical frame of analysis of entrepreneurship education in higher education in France. To do so, we establish relations between the intervention steps of entrepreneurship education, its aims and the most widespread pedagogical methods.

We use the analytical framework of Béchard J.P. (2000), the surveys of Béranger J. et

alii (1998) and of Fayolle A. (1999, 2000), French experiments presented in various colloquia or research work. We also use our own analyses on all the French DESS1 specialized in entrepreneurship.

This research will provide an overall view of entrepreneurship education in its different

aspects (that is, the "teaching steps"/"progression", the audience who is aimed at, the purposes and the educational methods which are used). This research will strengthen and enrich the various French educational methods. Keywords : Support, Education, Entrepreneurship, Innovation, Educational Methods, Sensibilization, Specialisation.

1 DESS = Diploma of specialized higher education, approximate French equivalent for M.Phil.

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Introduction : l'entrepreneuriat peut-il s'enseigner ? En l’état actuel des connaissances, il est nécessaire d'éluder cette question fondamentale

que se posent beaucoup d’auteurs s'intéressant aux liens entre l'éducation et l'entrepreneuriat. C’est le cas de Béchard J.-P. (1998), Fayolle A. (2000), Saporta B. et Verstraete T. (2000) et Sénicourt P. et Verstraete T. (2000).

Pour savoir si l’entrepreneuriat peut faire l’objet d’un enseignement, Saporta B. et

Verstraete T. (2000), ainsi que Sénicourt P. et Verstraete T. (2000), notent qu'il faudrait au préalable se poser deux questions : qu'est-ce que l'entrepreneuriat ? Mais aussi qu'est-ce qu'enseigner ?

La "réponse" à la première question est largement débattue dans la littérature. Disons que

l'inexistence de consensus sur un objet, comme c'est souvent le cas en sciences sociales, n'exclut pas le développement de connaissances pouvant se décliner en enseignements théoriques et pratiques. Pour la seconde question, si l'on conçoit qu'entreprendre est un ensemble d’attributs qui s’expriment par des aptitudes, des attitudes, des perceptions, des motivations, des influences sociales, des valeurs, des intentions et des actes, alors le système éducatif, porteur et diffuseur des cultures, peut (doit) être le vecteur de ces diverses composantes de la culture entrepreneuriale.

Comme la plupart des champs et disciplines appartenant aux sciences humaines, et plus

précisément aux sciences de gestion, l'entrepreneuriat peut faire l'objet d'un enseignement académique et pratique (Béchard J.-P., 1998 ; Fayolle A., 2000 ; Sénicourt P. et Verstraete T., 2000).

Pour Katz J.-A. (1990, p. 17), l'enseignement de l'entrepreneuriat est l'une des formes les

plus évidentes préparant les individus pour accéder à la création d'entreprise. L'entrepreneuriat est un processus où certaines aptitudes et attitudes sont hautement exigées. Bon nombre d'entre elles peuvent s'acquérir en suivant des enseignements, des programmes ou des formations. Si l'acte d'entreprendre dépend du contexte, il n'en est pas moins de la formation des hommes, insiste Birley S. (1998, p. 14).

D'aucun ne dirait aujourd'hui qu'entreprendre est inné et naturel2. Le postulat de base de

cette recherche est que l'entrepreneuriat peut faire l'objet de formations, de programmes ou d'enseignements. L’entrepreneuriat est non seulement une pratique et un champ de recherche, mais aussi un domaine d’enseignement qui peut avoir des effets sur les attitudes, les normes et les perceptions des étudiants quant à leur choix de carrière (Tounés A., 2001).

Traiter de l’enseignement de l’entrepreneuriat exige de préciser ce que nous en entendons.

Il existe de multiples positions académiques, à l’instar de la diversité qui subsiste sur le concept d’entrepreneuriat3. A. Gibb et J. Cotton (2002, p. 5) suggèrent que l’entrepreneuriat dans un contexte éducatif est un ensemble de comportements, d’aptitudes et d’attributs exercés individuellement ou collectivement pour manager, des individus ou des organisations de toute sorte, pour créer des entreprises et innover dans des contextes de forte incertitude et complexité. Ces comportements, aptitudes et attributs sont des moyens d’accomplissement 2 Dans une analyse historique de l’entrepreneur et de l’esprit d’entreprise, il est surprenant de constater que Boutillier S. et Uzunidis D. (1999, p. 136) affirment que l’esprit d’entreprise est inné et qu'il ne peut être enseigné. 3 Voir à ce sujet Gibb A. et Cotton J. (2002, p. 5) et Laukkanen M. (2000, p. 26-27).

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personnel4. Selon M. Laukkanen (2000, p. 26-27), l’éducation entrepreneuriale peut être définie comme "quelque chose" qui facilite l’accès aux pratiques entrepreneuriales. Elle concerne le "que faire ?" et la façon de concrétiser celui-ci en étant personnellement impliqué5.

Pour notre part, nous considérons que tout enseignement de sensibilisation, de

spécialisation et d’accompagnement destiné à préparer et à développer les perceptions, les attitudes et les aptitudes entrepreneuriales, est qualifié d’"entrepreneurial".

Nous commencerons cette recherche par l’analyse des niveaux d’intervention dans

l’enseignement de l’entrepreneuriat en général et de la création d’entreprise en particulier, tout en mettant l’accent sur les pratiques pédagogiques les plus utilisées. Ensuite, sans une immersion profonde dans les sciences de l’éducation, nous montrerons la nécessité d’adopter des approches transversales dans l’enseignement de l’entrepreneuriat. Celles-ci trouvent un terreau favorable dans les pédagogies par projet. Avant de conclure, nous présenterons notre contribution qui tente d’éclairer et structurer la riche littérature sur l’enseignement de l’entrepreneuriat. En nous appuyant sur les travaux de Béchard J.-P. (2000), sur des études empiriques et sur nos propres investigations, nous avons élaboré un cadre général d’analyse de l’enseignement de l’entrepreneuriat en France. Celui-ci est un instrument qui peut aider des réflexions sur des innovations pédagogiques en tenant compte des phases d’intervention de l’enseignement, de ses objectifs et des méthodes pédagogiques en œuvre.

1. Des objectifs et des pédagogies à un triple niveau d'intervention La plupart des auteurs, notamment Béchard J.-P. (1998) et Gibb A. et Cotton J. (2002) et

Shieb-Bienfait N. (2000), privilégient, à quelques différences près, trois types de débats dans l’enseignement de l’entrepreneuriat :

- les finalités : que nous répartissons en trois groupes. La première consiste à sensibiliser à l'entrepreneuriat, c’est-à-dire stimuler des facultés de créativité, l’esprit d'initiative et développer l'autonomie. La seconde a pour objectif de spécialiser les étudiants dans les domaines d’activités de l’entrepreneuriat, de les inciter à la création d'entreprise. La dernière finalité de l’enseignement de l’entrepreneuriat est l’accompagnement et le suivi d’étudiants qui ont des projets de création d'entreprise. Dans la pratique, ces trois finalités sont complémentaires et peuvent se recouvrer ;

- les types de public : les besoins d’apprentissage, les niveaux de responsabilité et les attentes des individus se distinguent selon qu’il s'agisse d’étudiants, de jeunes créateurs ou d’entrepreneurs. Les premiers, comparativement aux deux derniers, manquent d'expérience et ont des ambitions spécifiques de carrière. Cependant, l’hétérogénéité des profils des étudiants peut être porteuse de riche partage d’expérience ;

4 “Behaviours, skills and attributes applied individually and/or collectively to help individuals and organisations of all kinds, to create, cope with and enjoy change and innovation involving higher levels of uncertainty and complexity as a means of achieving personal fulfilment”. 5 "Entrepreneurial education is as something concerned with learning and facilitating for entrepreneurship (what to do and how to make it happen by being personally involved) and less with studying about it (in a detached manner, as a social phenomenon among others)".

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- la conception des apprentissages : les méthodes pédagogiques pratiquées se distinguent selon les finalités et les publics en présence. Elles mobilisent des contenus, des ressources logistiques, didactiques et humaines variées. Les stratégies d’enseignement impliquent de définir au préalable les places et rôles de l’intervenant (universitaire, entrepreneur ou conseiller) et de l’étudiant.

Nous développerons dans les sections suivantes les niveaux d’intervention de

l’enseignement de l’entrepreneuriat tout en insistant sur les méthodes pédagogiques les plus répandues pour chacune d’elles.

1.1. Les enseignements d’éveil et de sensibilisation

A ce niveau d’intervention, l’individu ou l'étudiant n'a pas forcément connaissance d'une possibilité de carrière entrepreneuriale. S'il en est informé, c'est de façon large et floue. Cette "non-connaissance" ou méconnaissance peut s'expliquer par un "déficit" d'informations lié à la formation antérieure, à la famille ou aux médias.

Eveiller et sensibiliser, c'est stimuler la curiosité et l'intérêt d’un large public à l'égard de

la création d'entreprise et d’activité ; c’est valoriser l'entrepreneur et l’entreprise. Ceci est synonyme d'une préparation des attitudes et des perceptions à intégrer l’entrepreneuriat.

Il est question d’informer les individus qu’à un moment de leur carrière, ils seront

appelés à créer des entreprises ou à participer à la création d’activités, de leur faire comprendre que c’est stimulant et enrichissant sur les plans intellectuel et personnel. Il s’agit de fournir les connaissances nécessaires pour démystifier la création d’activités en général et d’entreprise en particulier. Il paraît indispensable d’informer d'une façon réaliste sur ce que sont les créations d'entreprise et d’activité (les difficultés de financement, les facteurs d'échec et de réussite, les statistiques sur la mortalité des entreprises,...), leurs mécanismes, leurs enjeux, les compétences et outils nécessaires, sans rien cacher des risques financier et social associés et des difficultés des démarches. Nous aurions compris que les enseignements de sensibilisation doivent répondre essentiellement aux questions : pourquoi entreprendre ? Quelles sont les finalités ? Quels bénéfices en tire-t-on ? Quels sont les facteurs influents ? Quels sont les risques et les enjeux ? Quelles sont les implications sur la vie du créateur et sur son cercle familial et amical ?

Les enseignements de sensibilisation sont généralement ponctuels, et utilisent plusieurs

méthodes pédagogiques. Celles-ci prennent la forme de cours théoriques destinés à aborder les différents concepts et thèmes de l'entrepreneuriat et de la création d'entreprise, de mini-projets, d'enquêtes et de monographies, de vidéos d'entrepreneurs liés à des constructions pédagogiques, de témoignages de jeunes créateurs, d'entrepreneurs et de professionnels de la création ou de la reprise d’entreprise6.

Les enseignements d’éveil et de sensibilisation sont les plus répandus par rapport aux

enseignements de spécialisation et aux formations diplômantes, parce qu’ils sont moins exigeants en termes de ressources humaines, logistiques et temporelles. Ils nécessitent peu de mobilisation en termes de compétences, de projets pédagogiques et de logiques d'action 6 Il nous semble particulièrement important d’insister sur ces témoignages qui peuvent être des supports psychologiques et émotionnels indéniables, et des modèles d’identification pour les étudiants. Rien ne vaut le témoignage d'un vécu entrepreneurial relaté par son propre auteur. Les lots de difficultés techniques, personnelles et familiales se vivent plus que ne s'apprennent.

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respectant des objectifs précis. 80 % des enseignements en entrepreneuriat dispensés dans les écoles d’ingénieurs sont de type sensibilisant. Près de 70 % et un peu plus de 60 % des enseignements en entrepreneuriat dispensés respectivement dans les écoles de commerce et les universités ont pour finalité la sensibilisation (Fayolle, 2000).

Plusieurs auteurs, notamment J. Béranger et aléa. (1998, p. 34), militent en faveur d’une

généralisation des enseignements d’éveil et de sensibilisation. Une stratégie éducative rendant "obligatoire" des cours d'entrepreneuriat dès le tronc commun du cycle supérieur, constituerait une innovation dans les contenus des enseignements7.

1.2. Les programmes et les formations de spécialisation

Le but essentiel d’un enseignement de spécialisation est de permettre à des étudiants souhaitant travailler dans les domaines de l’entrepreneuriat et de la création d’entreprise, d'approfondir leurs connaissances et leurs apprentissages, d'appréhender la diversité de l'entrepreneuriat et de leur donner un esprit entrepreneur. Il n’est donc pas seulement question de préparer des créateurs ou des repreneurs d'entreprise, mais aussi des individus qui à défaut de vouloir entreprendre, auront une bonne connaissance des formes et des problématiques entrepreneuriales. Ces derniers seront capables de travailler dans des activités annexes et connexes à l’entrepreneuriat et à la création d’entreprise (intraprise, salarié dans une TPE/PME, dirigeant, consultant ou conseiller en création ou reprise d’entreprise, …).

Dans cette phase intermédiaire, des moyens pédagogiques et humains conséquents sont

mobilisés au service d’une réelle stratégie de formation entrepreneuriale. Cette dernière suppose des ressources professorales impliquées, expertes et motivées. A travers des spécialisations diplômantes (DESS, Mastère Spécialisé, MBA) ou non (options, filières, unités de valeurs, majeures, dominantes, …), ces programmes et formations doivent répondre aux questions : comment opère-t-on ? Quels sont les apprentissages à réaliser ? Quels sont les méthodes et les outils spécifiques ?

Si l’on désire développer des aptitudes et des attitudes entrepreneuriales, et in fine des

comportements entrepreneuriaux, il faut nécessairement passer par un élargissement de l'offre des enseignements et par le développement de programmes spécifiques exigeant des pratiques pédagogiques élaborées. Celles-ci, en privilégiant une orientation de type auto-formatrice, tournent généralement autour d’études de cas réels, de montage de projets (fictifs ou réels) de création, reprise ou redressement d'entreprise, de conduite de projets de développement d'activités dans une TPE/PME, de missions d’appui et d’assistance à des porteurs de projets ou de jeunes créateurs, de participation à des concours de création d'entreprise, … Des pédagogies plus rares telles que des ateliers entrepreneurs-étudiants organisés autour de situations vécues, d'idées de création sont en œuvre dans certains établissements.

Les programmes et formations de spécialisation sont beaucoup moins présents par

rapport aux enseignements de sensibilisation. L’enquête de Fayolle A. (2000) révèle que 25 % des programmes ou formations en entrepreneuriat dispensés par les écoles de commerce sont de type spécialisant. Ce pourcentage se réduit à 20 % dans les universités et les écoles d’ingénieurs sont spécialisants. Les formations diplômantes se font encore plus rares : les

7 Des auteurs recommandent le mode optionnel en évoquant le fait que l’on ne peut forcer la "main" à des individus qui, à priori, ne manifestent pas d’intérêt pour l’entrepreneuriat.

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universités avec 16 % des enseignements en entrepreneuriat devancent de loin les écoles de commerce et d'ingénieurs (respectivement 6 % et 1,3 %).

1.3. Accompagnement et appui de porteurs de projets

La finalité de ce type d’intervention est d’accompagner par le soutien et le conseil des

étudiants qui ont des projets de création ou de reprise d'entreprise, ou qui participent à la mise en œuvre de tels projets. Dans un contexte d'éducation entrepreneuriale, il ne s'agit pas seulement de "faire acquérir" des connaissances intellectuelles et cognitives, mais surtout des compétences et des activités d'apprentissage qui guideront l'individu dans sa propre démarche entrepreneuriale (Carrier C., 2000, p. 152). Un programme de formation ne saurait prétendre l'expertise en formant les hommes dans le conformisme et la similitude des profils (Koenig C., 2000).

Les pédagogies à mettre en œuvre pour donner aux projets le maximum de chance de se

concrétiser sont pragmatiques, personnalisées et relèvent de la collaboration. Pour orienter et accompagner les porteurs de projets dans leurs parcours, il est nécessaire de développer des offres de cours centrés sur les besoins des projets. L’accompagnement et le suivi de projets nécessitent de grandes qualités d'écoute, des soutiens et conseils individualisés dans la réalisation des plans d'affaires, de la disponibilité avec un engagement de l'accompagnateur dans l'encadrement et le passage à l'acte.

Permettre à des projets une maturité nécessaire en vue de les valider ou de les refuser,

appelle aussi des apports pédagogiques qui tiennent à la mise en réseaux avec des partenaires extérieurs et à l’accès aux conditions matérielles pour se lancer en affaire8.

L'accompagnement, l'appui et le suivi, en intégrant une dimension prospective dans la

réflexion avec les étudiants sur leurs projets, permettront de répondre aux questions : comment formaliser un projet ? Peut-on le concrétiser ? Comment accéder aux différentes ressources et réseaux pour y parvenir ?

Face à de nouveaux comportements d’étudiants-porteurs de projets ou d’étudiants-

créateurs, induits notamment par la nouvelle économie, les établissements sont confrontés à réfléchir sur de nouvelles philosophies pédagogiques et de nouvelles stratégies d’enseignement9.

2. Vers des approches transversales déployant des pédagogies par projet

Les méthodes pédagogiques utilisées dans l’enseignement de l’entrepreneurait

présentent une grande variété qui s’explique par l’hétérogénéité des publics, des objectifs et

8 L'incubation est la forme d'accompagnement de projets la plus avancée et la plus originale en ce qu'elle offre des ressources matérielles, informatiques et documentaires. Les incubateurs sont un lieu de transition entre le milieu de l'éducation et le monde des affaires. 9 L’un des changements les plus importants est l’aménagement des emplois du temps et des cursus des étudiants. Bon nombre de ceux-ci ont des difficultés à suivre une scolarité "normale", car ils sont partagés entre leurs exigences de créateur et leurs études.

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des résultats escomptés des programmes et formations. Winslow E.-K. et aléa. (1999) ont identifié 11 pédagogies utilisées dans 209 écoles et universités américaines.

Nous exposerons tout d’abord l’intérêt des approches transversales qui dépassent les

clivages des approches fonctionnelles. Ensuite, nous examinerons une pédagogie récente qui trouve un terrain favorable dans l’enseignement et l’apprentissage de l’entrepreneuriat. Il s’agit des pédagogies par projet qui abordent les TPE/PE comme objet d’étude global, intégrant ces différentes fonctions (GRH, marketing, finance, ….).

2.1. De nouvelles approches d’enseignement : transversalité versus fonctionnalité

L'enseignement de l’entrepreneuriat est largement organisé et spécialisé autour d'un

découpage fonctionnel du projet et de l'entreprise. En "décloisonnant" un projet et une entreprise par grandes fonctions, les enseignants les présentent à leurs étudiants comme un ensemble d’indicateurs comptables et statistiques, plutôt que comme un projet global qui est l'œuvre d’un individu ou d’une équipe.

Cette démarche analytique n'est bien évidemment pas dénuée de rationalité et de

cohérence. Mais une présentation séquentielle, analytique et linéaire d’un projet ou d’une entreprise, occulte une pratique essentielle du monde des affaires : la vision globale. En outre, ce type de présentation n’est adéquat que pour les entreprises ayant une certaine taille et un certain volume d'activités, obligeant une organisation hiérarchisée et formalisée. Le processus entrepreneurial quant à lui, notamment dans ses phases naissantes et émergentes, est par nature transversal. Il ne convient donc pas à ce type d’approches. Son enseignement impose une "agrégation" des connaissances et des compétences dans la formalisation du projet et le démarrage de l'entreprise.

Les modèles français d'enseignement de l'entrepreneuriat s'appuient souvent sur des

approches fonctionnelles et beaucoup moins sur des approches transversales. Ces dernières intègrent une vision globale et non éclatée du projet ou de l’entreprise, prennent en compte les temps forts de la vie d'un projet et d’une entreprise en démarrage et imbriquent la dialogique individu/projet10.

La transversalité des approches renferme des voies d’association qui peuvent nous

économiser du temps et des moyens. Celles-ci contiennent une dimension "multi-établissements" (Albert P. et Marion S. 1998, p. 30 ; Béranger J. et aléa., 1998, p. 61), qui regroupe des étudiants aux compétences pluridisciplinaires (technique-management) dans des projets et des missions communes11.

10 Il n’en demeure pas moins que dans l'enseignement de l'entrepreneuriat, nous sommes convaincus qu'il y a complémentarité et compatibilité entre une large polyvalence dans les connaissances théoriques et instrumentales (savoirs-faire, aptitudes), qui donne une vision globale du projet et de l'entreprise, et une spécialisation par grandes fonctions de l'entreprise, qui peut nourrir des problématiques et des réflexions avancées chez les étudiants. 11 Ces voies d’association impliquent aussi une diffusion et un partage des connaissances, des savoirs-faire, des apprentissages, des outils et des méthodes pédagogiques et des brassages d'expérience entre les établissements français. Elles seront renforcées par la mise en place de programmes communs, de partenariats et de coopérations nationales et internationales, et l’insertion dans des réseaux de recherche académiques français et étrangers.

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Cette transversalité et les dispositifs d’enseignement de l’entrepreneuriat exigent la mobilisation de formes pédagogiques spécifiques qui s'éloignent notablement de celles où l'apprentissage ignore les dimensions processuelles de phénomènes divers et singuliers.

Les pédagogies par projet apparaissent, en l’état actuel des connaissances, comme des

pratiques répondant à la nécessité de la transversalité. Elles nous semblent être plus appropriées à l’enseignement et à l’apprentissage de la culture entrepreneuriale. Elles fournissent une compréhension du projet et de l'entreprise dans leur globalité.

2.2 Les pédagogies par projet axées sur les perceptions et les attitudes

L’enseignement de l’entrepreneuriat en France montre que l'on est le plus souvent au sein du paradigme pédagogique traditionnel. Les enseignements classiques de gestion d'entreprise (finance, fiscalité, marketing, …) sont privilégiés au détriment du développement de l'esprit d'entreprendre et d’entreprise. Carrier C. (2000) préconise l'abandon de ce paradigme où domine la transmission des connaissances par les méthodes pédagogiques qui perfectionnent la rationalisation, la maximisation et le cartésianisme.

Une solide formation aux connaissances et aux savoirs conceptuels demeure

indispensable, mais elle doit s'accompagner de situations pédagogiques qui permettent aux étudiants de se "pénétrer" de l'esprit d'entreprendre. La première est d'ordre cognitif, les secondes sont d'ordre pratique car elles s'acquièrent par l'expérimentation, l'incertitude, la prise de risque, la créativité, l'initiative et les essais-erreurs (Gibb A. et Cotton J., 2002).

L’enseignement et l’apprentissage de l’entrepreneuriat signifie donc, d'agir

simultanément sur les connaissances, l'expérience, les aptitudes et surtout les perceptions et les attitudes. Ce qui fait appel nécessairement à une pédagogie de l'action, qui est selon Gibb A. (1999), le mode didactique le plus approprié en la matière. Parmi les méthodes les plus utilisées dans les pédagogies de l’action, les pédagogies par projet (réel ou virtuel) sont les plus propices à l’innovation et l’aventure (Albert P., 1998).

Les pédagogies par projet permettent selon Schieb-Bienfait N. (2000, p. 139) un

"apprentissage réciproque". Celui-ci s’opère grâce à une forte dimension collective qui met en jeu des échanges entre étudiants, entre ceux-ci et le corps enseignant et d’éventuels partenaires impliqués dans les projets. Accéder aux compétences et aux ressources des autres, augmente de façon importante la valeur collective de l’apprentissage entrepreneurial.

3. Analyse de l’enseignement de l’entrepreneuriat dans les établissements de gestion de l’enseignement supérieur en France

Pour contribuer à la connaissance dans le domaine de l’enseignement de

l’entrepreneuriat, notre apport personnel consiste à élaborer un cadre général d’analyse dans les établissements de gestion de l’enseignement supérieur en France. A cet effet, nous combinons les phases d’intervention de l’enseignement de l’entrepreneuriat, ses objectifs et les méthodes pédagogiques pratiquées. Nous nous inspirons, entre autres, de deux études réalisées par Béchard J.-P. (2000) au Québec et dans 40 pays.

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3.1. Le cadre d’analyse de Béchard J.-P (2000)

Béchard J.-P. (2000) pose l'hypothèse que l’enseignement de l’entrepreneuriat se fait essentiellement à l’aide de trois catégories de méthodes pédagogiques : les méthodes pédagogiques de reproduction, de construction et de co-construction. Les premières sont centrées sur l'individu et se caractérisent par un contrôle de l'apprentissage par le formateur. Les méthodes utilisées sont les exposés, la documentation, les enseignements modulaires et les exercices répétitifs. Les secondes se définissent par leur organisation spatiale autour de l'individu qui a le contrôle de ses apprentissages. Il s'agit des méthodes de protocole, de la recherche guidée, de l'interview et du projet individuel. Les méthodes pédagogiques de co-construction sont centrées sur la classe et les sous-groupes à géométrie variable ; le contrôle des apprentissages est partagé entre le formateur et les apprenants. Les méthodes utilisées sont le travail d’équipe, les jeux de rôle, les simulations, les études de cas, les groupes de discussion, les ressources du milieu, …

Pour mettre à l'épreuve la robustesse de son cadre d'analyse, l’auteur a procédé à deux

études combinant les méthodes pédagogiques utilisées dans l'enseignement et l’apprentissage de l'entrepreneuriat avec la nature des programmes dispensés. La première étude explorait le programme "lancement d'une entreprise" dans 16 établissements de régions différentes du Québec. La seconde étude analysait 146 programmes de formation en entrepreneuriat et PME provenant de 40 pays dans les cinq continents.

Il ressort de la première étude que 3 établissements utilisent majoritairement les

méthodes de reproduction. 8 établissements pratiquent les méthodes de reproduction appuyées fortement par des méthodes pédagogiques de co-construction. 5 établissements associent les méthodes de co-construction appuyées par les méthodes pédagogiques de reproduction.

La deuxième étude indique que les méthodes pédagogiques de reproduction sont

présentes dans un quart (24 %) des programmes. Un peu plus de 40 % de ceux-ci utilisent des méthodes pédagogiques de reproduction appuyées par des méthodes de co-construction. Plus d'un tiers (35 %) des programmes font appel aux méthodes pédagogiques de co-construction appuyées par des méthodes de reproduction.

L'analyse croisée entre les méthodes pédagogiques et les programmes de formation

reflète davantage la réalité. 23 programmes sur un total de 34 (68 %) ont davantage valorisé les méthodes pédagogiques de reproduction dans la sensibilisation. Dans les programmes de création d'entreprise, 39 programmes sur 60 (65 %) ont mis l'accent sur des méthodes pédagogiques de reproduction appuyées par des méthodes de co-construction. Dans les programmes de développement de petite entreprise, 28 des 52 programmes (54 %) ont développé des méthodes pédagogiques de co-construction appuyée par des méthodes pédagogiques de reproduction.

3.2. Elaboration d’un cadre d'analyse de l’enseignement de l’entrepreneuriat en France

Contrairement aux Etats-Unis, où des recensements sur les programmes et formations en

entrepreneuriat sont régulièrement réalisés depuis vingt ans par Vesper K.-H, nous regrettons le manque en France, à l'image d’autres pays développés, d’études et de recensements sur l’enseignement de l’entrepreneuriat. Tandis que de nombreuses universités, écoles et instituts développent des dispositifs d’enseignement de l’entrepreneuriat, la connaissance que l’on a de

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ce phénomène reste encore réduite et amputée sur ces divers aspects, notamment les publics concernés, les objectifs poursuivis, les enseignements proposés, les méthodes et pratiques pédagogiques et les moyens déployés. Les données disponibles sont pauvres et dispersées12.

Il est difficile donc, d'entamer un travail qui veut structurer des connaissances

quantitatives, et encore moins qualitatives, sur l’enseignement de l'entrepreneuriat en France. Néanmoins, en nous appuyons sur le travail fourni par Béchard J.-P. (2000), sur les enquêtes de Béranger J. et aléa. (1998) et de Fayolle A. (1999, 2000), sur des expériences françaises présentées lors du premier congrès de l'Académie de l'Entrepreneuriat en 1999 et des VIIèmes Journées Scientifique du Réseau Entrepreneuriat en 2001, sur nos propres investigations lors d’une recherche ultérieure, et sur nos analyses qui ont associées les objectifs, les pédagogies et le triple niveau d'intervention de l’enseignement de l’entrepreneuriat, nous avons pu concevoir un cadre général théorique d’analyse de l’enseignement de l’entrepreneuriat en France qui se présente comme suit :

12 A ce jour, seules deux études ont été réalisées (celles de Béranger, J. et aléa. (1998) sur les ingénieurs, et de Fayolle, A. (1999, 2000) portant sur les universités, les écoles de gestion et d’ingénieurs).

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Un cadre général d'analyse de l’enseignement de l'entrepreneuriat en France combinant les phases d'intervention, les objectifs et les catégories de méthodes pédagogiques

Celui-ci associe les trois niveaux d’intervention de l’enseignement de l’entrepreneuriat,

ses objectifs et les méthodes pédagogiques les plus pratiquées. Les zones d’intersection indiquent le "degré" d’utilisation des catégories pédagogiques selon les phases d’intervention de l’enseignement de l’entrepreneuriat.

Les pédagogies de reproduction sont "largement" utilisées dans les enseignements de

sensibilisation et "peu" présentes dans les programmes ou les formations de spécialisation. De par leurs méthodes de travail, elles sont centrées en même temps sur l'individu et la classe. Le contrôle de l'apprentissage est à l’actif du formateur. Les pédagogies de co-construction appuyées par des pédagogies de reproduction sont "largement" présentes dans les programmes

Phase I Sensibilisation et information

Développement des connaissances générales sur l'entrepreneuriat

Public : large Objectifs : Pourquoi entreprendre ? Quelles sont les finalités ? Quels bénéfices en tire-t-on ? Quels sont les facteurs influents ? Quels sont les risques et les enjeux ? Quelles sont les implications sur la vie du créateur et sur son cercle familial et amical ?

Phase II Spécialisation

Développement d'attitudes et d'aptitudes Public : essentiellement individus souhaitant travailler dans les domaines de l’entrepreneuriat et de la création d’entreprise ; accessoirement, porteurs de projets Objectifs : Comment opère-t-on ? Quels sont les apprentissages à réaliser ? Quels sont les méthodes et les outils spécifiques ?

Phase III Accompagnement et appui

Développement de comportements entrepreneuriaux

Public : porteurs de projets

Objectifs : Comment formaliser un projet ? Peut-on le

concrétiser ? Comment accéder aux

différentes ressources et réseaux pour y parvenir ?

Pédagogies de construction appuyées par des pédagogies de co-

construction - Centrées sur l'individu et les sous-groupes - Partage du contrôle de l'apprentissage

Pédagogies de reproduction

- Centrées sur l'individu et la classe - Contrôle de l'apprentissage par le formateur.

Pédagogies de co-construction

appuyées par des pédagogies de reproduction

- Centrées sur les sous-groupes et l’individu - Partage du contrôle de l’apprentissage

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et les formations de spécialisation tout en étant "légèrement" intégrées dans les enseignements de sensibilisation. Elles sont centrées simultanément sur l'individu et les sous-groupes, avec un partage du contrôle de l'apprentissage de ceux-ci avec le formateur. Les pédagogies de construction appuyées par des pédagogies de co-construction sont "proportionnellement" utilisées dans les programmes et les formations de spécialisation, d’accompagnement et d’appui. Les méthodes de formation les axent simultanément sur les sous-groupes et l’individu, tout en permettant un partage du contrôle de l’apprentissage avec le formateur.

En l'état actuel des données, il faut avouer que les informations reconstituées pour

élaborer notre cadre d’analyse sont partielles. Nous pouvons seulement affirmer sans risque de nous tromper, suite à nos investigations dans une recherche qui a porté sur la totalité des "DESS gestion et management" à dominante entrepreneuriat ou création d’entreprise existant en France, que ce cadre est valide.

La validation empirique de ce cadre d’analyse dans le système éducatif supérieur

français se fera par une étude nationale qui recensera les enseignements, les programmes et les formations en entrepreneuriat, les méthodes pédagogiques adoptées, les publics concernés et les objectifs poursuivis. Deux typologies importantes doivent être mises en oeuvre, à savoir la répartition par type d'établissement (public, para-public et privé) et par type de formation (gestion et management, scientifiques, autres formations). Ce cadre global d'analyse, s’il vient à être confirmé, nous donnera une "cartographie" d’ensemble de l’enseignement de l’entrepreneuriat qui conjugue ces différentes dimensions13. Il nous permettra notamment de consolider et d’enrichir les différentes pratiques pédagogiques en France. Conclusion

L’enseignement de l’entrepreneuriat doit tenir compte des projets de vie des étudiants.

En dépassant les approches fonctionnelles, il doit construire des processus d'apprentissage qui permettront de faire découvrir le projet ou l’entreprise dans une perspective globale, tout en insistant sur les phases cruciales de leur naissance. Pour se faire, les pédagogies par projets sont aujourd’hui une des meilleures pratiques qui peuvent faire évoluer cet enseignement dans ses phases de spécialisation et d’accompagnement.

En présentant un cadre d’analyse de l’enseignement de l'entrepreneuriat dans le système

éducatif supérieur français, nous avons inventorié quelques pratiques pédagogiques en œuvre. L’enseignement de l’entrepreneuriat passe souvent par la mise en œuvre de pédagogies de reproduction, de construction et de co-construction.

Cependant, notre cadre d’analyse offre de nouvelles voies de recherche dans

l’exploration d’innovations pédagogiques. Ces voies peuvent être guidées par la triple composante ainsi que l’architecture d’ensemble qui constituent notre cadre.

L’une des voies qui nous semble propice d’investir relève du domaine psychosocial.

Quelles pédagogies pourrait-on mobiliser pour agir sur les attitudes et les perceptions en vue de déclencher des actes et des comportements entrepreneuriaux ? Les contingences dans le déroulement du processus entrepreneurial appellent des dimensions psychosociales, 13 Le changement majeur que peut connaître ce cadre d’analyse est un léger "glissement" des différentes catégories pédagogiques à l’intérieur des "cadrans" des niveaux d'intervention et des objectifs. Dans l’ensemble, nous pensons que les résultats de l’étude empirique respecteront sensiblement la "configuration" présentée ici.

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perceptives et attitudinales qu'il est difficile d'enseigner selon les méthodes pédagogiques établies.

Notre cadre d’analyse nous renseigne, comme dans bon nombre de domaines du champ

de l’entrepreneuriat, qu’un bon chemin est parcouru dans l’enseignement de l’entrepreneuriat, mais que des évolutions certaines restent à entreprendre. Cet enseignement n’a pas encore atteint son degré de maturité. Il cherche ses voies. Rares sont les expériences ayant beaucoup d’antériorité ; les gains en apprentissage sont importants. Il sera laborieux pour de longues années encore, en France et dans bien d'autres pays développés, d'enseigner l'entrepreneuriat. Bibliographie ALBERT P., 1998, "Pourquoi la France a du mal à produire des entrepreneurs", L’Entreprise,

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