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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 1 Une multiplication alarmante des violations des droits humains en Ouganda et Tanzanie UN CAUCHEMAR NOMMe TOTAL

UN CAUCHEMAR NOMMe TOTAL - Amis de la Terre...quantes en raison de la convention fiscale entre les Pays-Bas et l’Ouganda »9. Un autre coup d’accélérateur à ces projets a été

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 1

Une multiplication alarmante des violations des droits humains

en Ouganda et Tanzanie

UN CAUCHEMAR

NOMMe

TOTAL

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 2

SOMMAIRE

03 INTRODUCTION

Chapitre I

04 UN PROJET PÉTROLIER TITANESQUE

Chapitre II

07 DE GRAVES VIOLATIONS & RISQUES DE VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS À L’ENCONTRE DES PERSONNES AFFECTÉES PAR LES PROJETS TILENGA ET EACOP

07 1. Des violations du droit de propriété et des atteintes aux moyens de subsistance

14 2. Une forte dégradation des conditions de vie des populations et de leurs moyens de subsistance

17 3. Une absence totale de consentement libre, informé, et préalable

20 4. Des évaluations erronées et l’absence d’un mécanisme indépendant de résolution des conflits

Chapitre III

22 DEs menaces aux arrestations : la multiplicité des pressions sur les défenseurs

22 1. Les libertés d’expression et de manifestation bafouées

24 2. Des alertes jusqu’au plus haut niveau

24 3. Le manque de réaction de Total

Chapitre IV

25 DEs risques de dommages irréversibles pour l’environnement et le climat

25 1. Rappels des principaux impacts des projets Tilenga et EACOP

26 2. Des études d’impact défaillantes

28 3. Des documents-clés toujours manquants

29 conclusion : des projets imposés malgré les alertes et les critiques

30 RÉFÉRENCES

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INTRODUCTIONEn juin 2019, les deux associations françaises les Amis de la Terre France et Survie, et les quatre ougandaises AFIEGO, CRED, NAPE/Amis de la Terre Ouganda et NAVODA, ont mis en demeure la multinationale pétrolière Total, consi-dérant que celle-ci ne respectait pas ses obligations légales de prévenir les violations des droits humains et les dommages environnementaux dans le cadre de son méga-projet pétrolier en Ouganda et Tanzanie.

Total rejetant en bloc ces accusations, nos associations l’ont assigné en justice en octobre 2019. Les Amis de la Terre France et Survie ont alors rendu public un premier rapport d’enquête révélant de façon détaillée les diffé-rentes violations en cours et alertant sur les risques de nouvelles violations imminentes causées par les activités des filiales et sous-traitants de Total. Cette action en jus-tice est la toute première sur le fondement de la nouvelle loi française sur le devoir de vigilance, qui oblige légale-ment les maisons-mères des multinationales établies en France à prévenir les violations des droits humains et dommages environnementaux liés à leurs activités dans le monde entier. En janvier 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre (tribunal civil) a jugé qu’il n’était pas compétent pour juger cette affaire, au profit du tribunal de com-merce. Nos associations, contestant cette interprétation, ont fait appel : l’audience aura lieu le 28 octobre 2020 à la Cour d’Appel de Versailles.

Un an tout juste après cette assignation en justice, et malgré nos alertes appelant à prendre des mesures urgentes pour faire cesser les violations et éviter qu’elles ne se reproduisent à plus grande échelle, la situation s’est aggravée en Ouganda. Il y a plus que jamais urgence à agir.

Ce sont maintenant plusieurs dizaines de milliers de per-sonnes qui sont impactées et qui ont commencé à perdre leurs moyens de subsistance avant même de percevoir la moindre compensation. C’est ce que révèle le présent rapport, fondé notamment sur une nouvelle enquête de terrain réalisée en juin et septembre 2020 dans différents districts impactés en Ouganda, recueillant de nombreux témoignages qui malheureusement concordent tous sur la gravité des violations subies.

Alors que nous avions déjà fait état des pressions que les communautés affectées dénoncent subir pour les forcer à céder leurs terres, la dernière année a aussi été marquée par la multiplication des menaces, intimidations et persé-cutions des leaders communautaires, des organisations de la société civile et des journalistes qui se mobilisent et dénoncent publiquement les impacts négatifs du dévelop-pement pétrolier en Ouganda.

Malgré ces alertes et une mobilisation croissante de la société civile ougandaise, tanzanienne et internationale, Total semble décidé à mener à bien ces projets et accé-lérer leur développement : la multinationale a annoncé que les décisions finales d’investissement pour les projets Tilenga (extraction du pétrole au cœur d’une aire natu-relle protégée) et EACOP (oléoduc géant) pourraient être prises dans les prochains mois.

Tant la gravité des violations des droits humains que les risques irréversibles pour l’environnement, la biodiversité et le climat exigent pourtant d’y renoncer.

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UN PROJET PÉTROLIERTITANESQUE

En 2006, de larges réserves de pétrole ont été découvertes sur la rive ougandaise du lac Albert, à la frontière avec la République Démocratique du Congo. Elles constituent les quatrièmes réserves plus importantes en Afrique sub-saharienne, estimées à près de 6,5 milliards de barils de brut, dont au minimum 1,4 milliard récupérable.

Depuis 2012, le groupe Total s’est positionné sur les gisements ougandais. La multinationale française, via sa filiale Total E & P Uganda (ci-après « Total Ouganda »), est aujourd’hui l’opérateur principal du projet Tilenga qui vise à extraire environ 200  000 barils de pétrole par jour. À ses côtés, la multinationale chinoise CNOOC est en charge du développement d’un second projet pétrolier appelé King-fisher, qui vise quant à lui à extraire 40  000 barils par jour.

Dans le cadre du projet Tilenga, Total prévoit de forer plus de 400 puits répartis sur 34 plateformes pétrolières. Dix de ces plateformes se trouvent dans la plus ancienne et grande aire naturelle protégée du pays : le parc natio-nal des Murchison Falls. Le projet comprend aussi des infrastructures associées situées entre le parc naturel et le district de Buliisa : une usine de traitement du pétrole (« Central Processing Facility », ci-après « CPF »), un réseau de pipelines totalisant environ 180 kilomètres de lon-gueur reliant les différents puits, le CPF et un système de prélèvement d’eau du lac Albert. Du CPF, le pétrole sera envoyé jusqu’à Kabaale, dans le district voisin d’Hoima, où le gouvernement ougandais prévoit la construction d’une raffinerie, qui sera le point de départ d’un oléoduc géant appelé EACOP, pour « East African Crude Oil Pipeline ».

Total est aussi le principal développeur, via sa filiale Total East Africa Midstream BV (TEAM), du projet EACOP. D’un coût estimé à 3,5 milliards de dollars américains (3,2 mil-liards d’euros), l’oléoduc fera 1 445 km de long et sera chauffé à 50 degrés, ce qui en fera « le plus long pipe-line de pétrole brut chauffé au monde »1. Il transportera le pétrole extrait aux abords du Lac Albert en Ouganda jusqu’au port de Tanga, situé sur la côte nord-est de la Tanzanie, au niveau de l’océan indien, d’où il sera exporté.

Ces deux projets impliquent des déplacements massifs de population. Le projet Tilenga provoquera le déplace-

ment de plus de 31 000 personnes, concentrées princi-palement dans le district de Buliisa, dont près de 27 % de la population est ainsi affecté2. Quant à lui, l’oléoduc traversera 178 villages en Ouganda et 231 en Tanzanie, provoquant le déplacement de plusieurs dizaines de mil-liers de personnes3. Le processus « d’acquisition des terres et réinstallation » des personnes affectées est effectué par des sous-traitants de Total, respectivement Atacama Consulting Ltd pour Tilenga, Newplan Ltd et Infra Consul-ting Services (ICS) pour la section ougandaise d’EACOP, et Digby Wells Consortium pour la section tanzanienne d’EA-COP. Le déroulé et les conditions de ces processus sont

Chapitre I

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détaillés pour chacun des projets dans différents « plans d’action de réinstallation » (« Resettlement Action Plan » ou « RAP »), correspondant aux différentes infrastructures et zones du projet. Ces documents sont difficilement acces-sibles et, pour la plupart des RAP, n’ont pas été rendus publics du tout. Le gouvernement ougandais a également signé avec les compagnies pétrolières un accord-cadre sur l’acquisition des terres (« Land acquisition and resettlement framework » ou « LARF »), détaillant les normes et stan-dards qu’elles s’engagent à respecter en la matière4.

Total a renforcé son implication en 2020, confirmant l’im-portance de ces projets pour l’entreprise. Fin avril 2020, après un long bras de fer fiscal avec le gouvernement ougandais qui avait mené Total à suspendre ses activités, la major française annonce avoir racheté l’ensemble des parts de la multinationale britannique Tullow Oil, ce qui lui permet de devenir l’actionnaire principal avec 66,66 % des projets Tilenga et EACOP. Il le devient aussi pour le projet d’exploitation Kingfisher, même s’il reste opéré par CNOOC, cette dernière possédant 33,33 % des parts dans les différents projets5.

Total a conclu un accord pour l’acquisition des parts de la junior britannique pour la somme de 575 millions de dollars américains6. C’est un montant très inférieur à ce qui était en négociation depuis 2017 : un premier projet d’acquisition portait sur le rachat d’une partie seulement (21,57  % des 33,3  %) des actions détenues par Tullow sur l’ensemble des blocs, pour une somme de 900 millions de dollars. Cet accord avait été annulé le 29 août 2019 suite au refus des deux compagnies pétrolières de payer une taxe sur les plus-values d’un montant de 167 millions de dollars7. Début 2020, un accord de principe a finalement

été trouvé entre Total et les autorités fiscales ougandaises concernant cet impôt, dont le montant ne s’élèverait fina-lement plus qu’à 14,6 millions de dollars8.

Plus largement, un nouveau rapport d’Oxfam France dénonce l’évasion fiscale pratiquée par Total et CNOOC en Ouganda : « Oxfam estime que le gouvernement ougan-dais passera à côté de 287 millions de dollars sur les 25 ans d’exploitation du projet (pour un seul des quatre blocs ou zones d’explorations du projet). Ce montant [...] est une estimation très partielle des recettes potentiellement man-quantes en raison de la convention fiscale entre les Pays-Bas et l’Ouganda »9.

Un autre coup d’accélérateur à ces projets a été donné le 11 septembre 2020 : Patrick Pouyanné, PDG de Total, s’est rendu en Ouganda pour signer avec le gouvernement ougandais l’accord de gouvernement hôte (« Host govern-mental agreement » ou « HGA ») qui gouvernera le projet EACOP. Selon Pierre Jessua, directeur de Total Ouganda : « Nous avons aujourd’hui atteint des étapes importantes qui ouvrent la voie à la décision finale d’investissement dans les mois à venir »10. Dans la foulée, le président ougandais Yoweri Museveni s’est rendu en Tanzanie pour rencontrer son homologue le 13 septembre 2020. Selon ses propos, « Nous avons convenu que nos gouvernements accélèrent l’harmonisation des questions en suspens dans l’esprit de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), que les accords restants soient accélérés, y compris le HGA tanzanien, et que nous réalisions rapidement la mise en œuvre du projet EACOP »11. La signature du HGA entre Total et le gouver-nement tanzanien devrait donc intervenir prochainement.

Une action en justice inédite lancée en France

En octobre 2019, les deux associations françaises les Amis de la Terre France et Survie, et les quatre ougan-daises AFIEGO, CRED, NAPE / Amis de la Terre Ouganda et NAVODA, ont assigné en justice Total S.A. en France sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre.

Il s’agit de la première action en justice utilisant cette nou-velle loi, pionnière au niveau mondial, bien qu’affaiblie sur certains points du fait d’un puissant lobbying patronal : elle permet enfin de poursuivre en justice en France les respon-sables économiques d’entités juridiquement distinctes, en s’attaquant à la problématique du voile de l’autonomie de

la personnalité juridique. Malgré des liens économiques et de contrôles évidents, les filiales et sous-traitants de multi-nationales sont en effet autant de personnes morales (des sociétés enregistrées dans d’autres pays) qui n’avaient jusque-là pas suffisamment de lien juridique avec les socié-tés mères pour que ces dernières puissent être poursui-vies en cas de violations des droits humains et dommages environnementaux causés par leurs activités, en France comme à l’étranger.

Pour plus d’informations sur la procédure en justice, voir la note des Amis de la Terre France et de Survie « Total Ouganda - Première action en justice sur le devoir de vigilance des multinationales : où en est-on ? », octobre 2020.

LIRE La note+

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 6

RAP 2 2 201

RAP 4 7 770

RAP 3B 6 002

RAP 5 13 834

buliisa

NWOYA

0 1 2 4 6 Km

RAP 3A 5 020

towards HOIMA / EACOP

RAP 1 4 473

Projet Tilenga

Infrastructures du projet et acquisition des terres

Certaines personnes sont affectées par plusieurs RAP, c'est pourquoi le cumul des personnes affectées par RAP est supérieur au nombre total de personnes affectées par Tilenga. Chaque plateforme pétrolière regroupera une douzaine de puits.

RAP : Plan d'action de réinstallation.

LÉGENDE

RAP 1

RAP 3A

RAP 3B

RAP 5

RAP 2

Murchison Falls National Park

Limites de zone humide Ramsar

Lac Albert

Plateformes pétrolières

District

Source : Tilenga Resettlement Action Plans (RAPs 2, 3a, 3b, 4 & 5) - Executive Summary, septembre 2020.

UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 6

Nombre de personnes affectées

RAP 4

OUGANDA

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DE GRAVES VIOLATIONS ET RISQUES DE VIOLATIONS DES DROITS HUMAINSÀ L’ENCONTRE DESPERSONNES AFFECTÉESPAR LES PROJETS TILENGA ET EACOPEn juin 2019, dans le cadre de notre mise en demeure sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance, nous avions interpellé le groupe Total et dénoncé les violations des droits humains en cours à l’encontre des personnes affectées par le projet pétrolier (« PAP »), notamment au niveau du premier plan de réinstallation (« RAP 1 »), qui correspond à la zone du futur CPF du projet Tilenga. Une description détaillée de ces violations est accessible dans notre rapport commun Manquements graves à la loi sur le devoir de vigilance : le cas TOTAL en Ouganda, publié en octobre 201912. Nous alertions alors sur le fait que sans mesures appropriées mises en œuvre de façon effective et urgente par Total dans le cadre de son devoir de vigi-lance, les violations se répéteraient à plus grande échelle au niveau des RAP 2, 3A, 3B, 4 et 5 du projet Tilenga, et tout au long des 1 445 km du projet EACOP. Comme le montre ce rapport, ce fut malheureusement le cas.

Alors que le RAP 1 du projet Tilenga avait déjà impacté 4 773 personnes selon les chiffres de Total13, le présent rapport montre que du fait des activités et pratiques du groupe Total au travers de ses filiales et sous-traitants, les violations des droits des personnes affectées par ses pro-jets perdurent et augmentent, concernant aujourd’hui plus de 100 000 personnes en Ouganda et en Tanzanie pour les projets EACOP et Tilenga.

La problématique d’accaparement des terres est au centre des violations subies par les communautés affec-tées, ces violations touchant de très nombreux droits : droit de propriété, droit à un niveau de vie suffisant, droit à l’alimentation, droit à l’éducation, droit à la santé, droit à

un logement décent, droit à la vie et à la sûreté, droit à la liberté d’expression, d’assemblée et d’association, et droit au consentement libre, préalable et informé.

1 Des violations du droit de propriété et des atteintes aux moyens de subsistance des populations

L’une des principales violations que nous avions documen-tée et dénoncée il y a plus d’un an, de laquelle découle les autres violations décrites dans les différentes sous-parties de ce chapitre, concerne les restrictions imposées aux communautés dans l’usage de leurs terres agricoles, dont elles dépendent pour survivre, et ce, bien avant d’avoir reçu leurs compensations.

Cette violation du droit de propriété va à l’encontre de différentes normes et standards internationaux que le groupe Total s’est engagé à respecter (notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et la norme de performance 5 de la Société Financière Inter-nationale (« SFI »), citées dans son plan de vigilance). Elle va également à l’encontre de la législation ougandaise, et en particulier de l’article 26 de sa Constitution14, de nom-breuses décisions de justice15, et de la jurisprudence de sa Cour suprême16 et celle de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples17.

Chapitre II

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Le processus d’acquisition des terres par Total : de la théorie à la pratique

Le processus d’acquisition des terres se déroule en plu-sieurs étapes : cela commence par une ou plusieurs visites d’évaluation des terres et cultures permettant de calculer le montant des compensations à verser à chaque PAP, puis la signature par les PAP de formulaires de compensation valant acceptation de l’évaluation et du montant, suivie du versement effectif des compensations, et enfin la réinstal-lation des populations déplacées.

Dans ce cadre, une fois l’évaluation complétée, les entre-prises fixent une « date limite d’éligibilité » pour chaque RAP, c’est-à-dire la date butoir à partir de laquelle plus aucune modification sur les terres, habitations et cultures des PAP n’est prise en compte dans le calcul de la compensation.

En outre, toute compensation doit être juste, c’est-à-dire suffisante pour améliorer ou tout au moins rétablir les moyens de subsistance et les conditions de vie des per-sonnes déplacées18, et elle doit être versée préalablement à la perte de jouissance des terres.

Ni l’un ni l’autre n’est réalisé dans le cadre des projets Tilenga et EACOP par Total. En effet, comme détaillé ci-après, les communautés affectées sont privées du libre usage de leurs terres pendant plus d’un ou deux ans avant même de percevoir la compensation due. De plus, dans le cadre du projet Tilenga, elles se plaignent de ne pas pou-voir avoir le choix du lieu où elles seront réinstallées et d’être contraintes pour le choix du mode de compensa-tion (monétaire plutôt qu’en nature), ainsi que d’évalua-tions incomplètes de leurs terres et cultures, et du faible

montant de ces compensations19. Pour le projet EACOP, elles soulignent les mêmes problèmes, et s’alarment de ne même pas avoir été informées du montant de leurs futures compensations.

Dans le cadre de son plan de vigilance, du LARF et des RAP20, Total s’est pourtant engagé à respecter la loi ougan-daise et indique même aller au-delà de ce qu’elle prévoit, en s’engageant à respecter les meilleurs standards inter-nationaux en la matière, principalement la norme de per-formance 5 de la SFI (« Acquisition de terres et réinstalla-tion involontaire »)21. Pourtant, dans la pratique, Total viole cette norme. Ainsi, il est très clairement indiqué dans le guide d’application de cette norme que :

« La mise en place de restrictions sur des activités telles que la construction, les activités agricoles et l’amélioration de l’habi-tat suite à la mise en place des dates butoirs peut représenter un risque de difficultés, modéré ou grave, pour les ménages et les communautés affectés. [...] Le délai entre la mise en place de la date limite d’éligibilité et l’indemnisation des personnes et des communautés déplacées doit être limité. Les pertes générées par la restriction liée à l’utilisation des terres doit être compensée par le client. Le client doit égale-ment examiner les moyens de réduire l’impact des restrictions dues à la date limite d’éligibilité telles que la planification des activités de développement, afin que les agriculteurs touchés puissent récolter les cultures avant le déplacement. En outre, un calendrier ferme doit être respecté ou le client doit être prêt à verser une indemnité de retard. Par exemple, lorsque les communautés ne plantent pas de cultures en prévision d’un déplacement et que celui-ci est ensuite retardé, les communautés pourront avoir besoin d’aide pour satisfaire leurs besoins alimentaires, en raison de l’absence de récolte cette année. » (note d’orientation n° 33)22.

8UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL

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9UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL

Malgré de nombreuses alertes, cette violation continue et se répète aujourd’hui à grande échelle au niveau de l’ensemble des plans de réinstallation du projet Tilenga, ainsi que dans les différents districts impactés par le pro-jet EACOP, tant en Ouganda qu’en Tanzanie. En effet, les communautés affectées se voient restreindre leur droit de propriété, au plus tard au moment de l’annonce de la date limite d’éligibilité, sans avoir reçu leurs compensa-tions. Pourtant, ces dates limites ont été annoncées pour la plupart il y a plus de deux ans.

Concernant le projet Tilenga, les dates limites d’éligibilité ont été fixées en mai 2017 pour le RAP 1, et entre août 2018 et février 2019 pour les suivants (voir graphique ci-dessus). Concernant le projet EACOP, en Ouganda les dates limites ont été fixées courant juin 2018 pour les aires dites « prio-ritaires », et entre avril et juin 2019 pour les autres. En

Tanzanie, les dates limites ont été fixées entre le 6 et le 21 mars 2018 pour les zones dites « prioritaires », et entre mai et septembre 2018 pour les autres.

Dans les formulaires de date limite d’éligibilité remis par Total ou par ses sous-traitants aux PAP, ainsi que sur des panneaux dans les districts touchés par les projets, il est indiqué que les PAP peuvent continuer à utiliser leurs terres jusqu’au moment de la phase de « mise en œuvre effective » du projet (« Implementation phase »). Cela veut dire que, même s’ils n’ont pas encore reçu de compensa-tion au moment de cette phase, les PAP ne pourront plus utiliser leurs terres. Cette disposition contrevient à la fois à la loi ougandaise23, qui dit bien que les personnes affec-tées par une expropriation peuvent continuer d’utiliser leurs terres jusqu’au moment où elles perçoivent leur compensation, mais aussi aux normes internationales

643 6671 051

1 607

296

601

4 4732 201

5 520 6 0027 770

13 834

RAP 1 RAP 2 RAP 3A RAP 3B RAP 4 RAP 5

16.O5.2O17

24.O8.2O18

18.O2.2O19

18.O2.2O19 BULIISA

22.O9.2O18 18.O2.2O

19

HOIMA

O9.11.2O18

foyers affectés personnes affectées date limite d’éligibilitéPopulations affectées par le projet Tilenga

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 10

(voir encadré p.8). Pour le RAP 1 par exemple, la date de « mise en œuvre effective » a eu lieu au mois de février 2018, soit bien avant que la majorité des PAP impactés par ce plan de réinstallation aient touché leur compensation.

Surtout, les nombreux témoignages que nous avons recueillis dans les différentes régions affectées par les pro-jets de Total indiquent clairement que les communautés ne sont en réalité pas libres d’utiliser leurs terres comme elles le souhaitent une fois l’annonce des dates limites d’éligibilité faite, et parfois même dès la date d’évaluation de leur terre. Cela a aussi été documenté et reporté par de nombreuses autres organisations, ainsi que par différents journalistes et médias, tant ougandais qu’internationaux24.

Les niveaux de restrictions d’utilisation des terres par les paysans peuvent varier à la marge suivant les régions impactées. Néanmoins on retrouve partout le fait que les populations ne peuvent plus utiliser librement leurs terres agricoles, au plus tard après l’annonce de la date limite d’éligibilité. De même, dans toutes les régions, les PAP considèrent que ces restrictions impactent très négati-vement leurs moyens de subsistance et par conséquent leurs droits à l’alimentation, l’éducation et la santé notam-ment, détaillés plus loin dans le présent chapitre.

Des violations constatées sur le RAP 1 qui auraient dû servir d’alerte à Total

Juste après l’annonce de la date limite du RAP 1 du pro-jet Tilenga, en mai 2017, les PAP rapportent avoir été contraints d’arrêter totalement de cultiver leurs terres.

Un PAP affecté par le RAP 1, dans le district de Buliisa, témoignait en août 2019 : « Le jour de l’évaluation de mes cultures, Atacama nous a empêchés [d’utiliser cette terre] de revenir sur nos terres et j’ai perdu toutes mes récoltes parce que je n’y suis jamais retourné. Plus aucune culture n’était autorisée là, et toute personne qui essaierait de réu-tiliser ces terres serait torturée. Le fait de ne pas pouvoir cultiver a conduit ma famille à souffrir de famine »25.

Un autre PAP expliquait :  « Lors d’une réunion à Kasinyi, Atacama nous a empêchés d’utiliser la terre. Ils nous ont dit qu’à partir d’aujourd’hui, vous ne devriez pas utiliser le terrain [à compter du] le 9 avril 2O17. Le paiement n’est intervenu qu’en 2O18, après une longue période de souf-france. La conséquence de la date limite d’éligibilité pour ma famille a été la famine dans mon foyer. Nous avons perdu une terre fertile. J’ai commencé à couper du bois de chauffage pour le vendre, à brûler du charbon de bois et à travailler pour les autres, c’est ainsi que [je suis resté] j’ai pu obtenir de l’argent pour survivre, c’est-à-dire par un travail misérable »26.

Après un certain temps, Total Ouganda et son sous- traitant Atacama ont commencé à changer de discours

concernant l’utilisation des terres du RAP 1, comme le rapporte un leader du village de Kasenyi, au niveau du district de Buliisa, impacté par le RAP 1 :  « Les PAP ont cessé d’exploiter leurs terres en mai 2017 lorsque Total et Atacama ont annoncé la date limite d’éligibilité. C’est à ce moment-là qu’ils nous ont dit que nous devions cesser d’uti-liser nos terres. Au début, ils nous ont empêchés de plan-ter des cultures et d’utiliser nos terres. Après une longue période, ils ont commencé à dire que c’était [possible] pour des cultures saisonnières mais même les rares PAP ayant essayé [de recultiver] ont été bloqués par Atacama. Ils ont même mis un poste de la police pétrolière et gazière pour nous bloquer et intimider les PAP pour qu’ils n’utilisent plus leurs terres ».27

L’un des rares PAP du RAP 1 ayant effectivement tenté d’uti-liser ses terres après la date limite d’éligibilité témoigne ainsi : « Tout le monde a cessé d’utiliser la terre parce qu’ils avaient peur. Et d’autres PAP m’ont dit qu’ils voulaient utili-ser la terre. Mais ils ont été menacés par l’équipe du RAP et les organes de sécurité. À un moment, Total a organisé une réunion à l’arbre du panneau de date limite d’éligibilité. [...] J’ai essayé d’utiliser mon terrain en octobre 2018 parce que la situation était très difficile pour moi et ma famille et j’ai reçu de nombreuses menaces de la part de l’équipe du RAP [Atacama] et du chef du sous-comté LC1 et du LC3 sous-comté de Ngwedo »28.

Interpellé sur le fait que les PAP du RAP 1 (aujourd’hui fina-lisé à plus de 90  %) aient arrêté de cultiver leurs terres, Total considère qu’il s’agissait d’un simple problème de communication : « Toutefois, à la suite de retours quant à une potentielle incompréhension du fonctionnement de la cut off date [date limite d’éligibilité], la Filiale a pris des mesures dans le courant de l’été 2O19 pour améliorer la communication sur la date limite d’éligibilité »29.

Des interdictions totales de cultiver qui se répètent dans de nombreuses régions impactées

Malgré ces actions « pour améliorer la communication », de nombreux PAP du district de Buliisa affectés par les RAP 2 à 5 du projet Tilenga témoignent qu’il n’est toujours pas possible en 2020 d’utiliser leurs terres, compte tenu des directives de Total et d’Atacama, qui n’ont en réalité pas changé depuis le RAP 1 :

« J’avais planté sur mes terres des cultures que Total E&P a saisies pour la construction d’une route dans le cadre du RAP 5. […] Les comportements de Total et d’Atacama sont les mêmes depuis le RAP 1 […] Total, par l’intermé-diaire d’Atacama, m’a empêché d’utiliser mes terres et pourtant ils ne nous ont toujours pas payés. Maintenant, je suis dans la souffrance totale. Je n’ai aucun moyen d’obtenir de la nourriture parce que ma principale source

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de nourriture était l’agriculture sur les terres qui m’ont été prises »30.

Une autre personne, affectée par le RAP 3A, témoigne dans le même sens :

« Lorsqu’Atacama a décidé de mettre en œuvre la date limite d’éligibilité en nous remettant le formulaire de date limite, ils m’ont empêché d’utiliser mes terres alors que je n’avais toujours pas été payé. Je n’avais aucune [autre] parcelle de terre à cultiver lorsque Atacama m’a empêché de cultiver mes terres et la famine est venue dans ma maison et il est devenu difficile pour moi de survivre»31.

Total est informé depuis bien longtemps de cette situa-tion, notamment via différentes pétitions qui lui ont été adressées par les communautés affectées. Ainsi, dans une première pétition adressée le 25 juillet 2019, 22 présidents de conseil local (LC1, équivalent à un maire en France) impactés par les différents RAP du projet Tilenga dans le district de Buliisa, ainsi que 43 leaders représentants des groupes de femmes, de personnes âgées ou de jeunes ont ainsi indiqué :

« Malgré le fait que le gouvernement et Total aient publié différents documents officiels et panneaux d’affichage qui expliquent la définition de la date limite d’éligibilité, le per-sonnel de Total et d’Atacama a dit aux PAP (principalement lors de discussions individuelles) de ne pas utiliser leurs terres après cette date limite. Ceci est contraire à l’article 26 de la Constitution qui leur garantit le droit d’utiliser leurs terres comme ils le souhaitent, ce qui a entraîné la famine et l’appauvrissement des PAP. Beaucoup de leurs enfants ont abandonné l’école ».

Ces réclamations ont été réitérées quelques mois plus tard dans une seconde pétition datée du 4 octobre 2019 et signée par 48 PAP impactés par les RAP 3A, RAP 3B et RAP 5 :

« Nous demandons à Total de mettre en œuvre des mesures pour atténuer les problèmes auxquels nous sommes actuelle-ment confrontés du fait de ses activités, en particulier ceux liés à la privation de nos droits d’utilisation de nos terres ».

Cette interdiction totale d’utilisation des terres n’est pas limitée au district de Buliisa dans le cadre du projet Tilenga. C’est ainsi qu’un président du conseil local (LC1) d’un village du district de Kikuube, affecté par l’EACOP, expliquait le 11 septembre 2020 :

« Au cours de la réunion de sensibilisation organisée par TOTAL et Newplan [...] on nous a dit de ne pas cultiver nos terres, mon peuple n’est pas heureux et il pense que le pro-jet devrait être déplacé dans une autre région parce que cela fait deux ans maintenant que les gens ne connaissent même pas la valeur de leurs biens »32.

Ces interdictions au niveau du projet EACOP ont d’ailleurs été relayées dans la presse ougandaise, comme dans un article intitulé « Les personnes affectées par le projet sont frustrées par les retards d’indemnisation », publié le 25 décembre 2019 :

« Katongole Joseph, une autre personne affectée par ce projet, a déclaré que “l’un des responsables de l’EACOP qui visitait le terrain après l’évaluation m’a vu en train de creu-ser des trous pour faire une plantation de bananes, et il m’a ordonné d’arrêter d’utiliser cette portion de terre parce qu’elle était réservée à l’oléoduc. Cela fait maintenant près d’un an, cette terre est en jachère parce que je ne peux plus rien y planter, et je n’ai pas reçu de compensation finan-cière. Ces gens devraient nous dire clairement la période à laquelle ils nous verseront notre compensation” »33.

Une « tolérance » pour des cultures saisonnières tout aussi impactante

Les restrictions d’utilisation des terres imposées par Total ne sont pas toujours les mêmes suivant les zones impac-tées par les projets, et peuvent évoluer avec le temps au sein d’une même région.

C’est ainsi qu’au niveau du district de Buliisa, Total, après avoir interdit aux PAP affectés par les différents RAP d’uti-liser leurs terres suite à l’annonce des dates limites d’éligi-bilité, a par la suite changé de discours en affirmant qu’il

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était en fin de compte possible pour les PAP de cultiver leurs terres, mais uniquement pour des cultures saison-nières, c’est-à-dire qui poussent en moins de trois mois. C’est ainsi que la multinationale a fait passer des annonces radios à partir de mi-août 2020 indiquant aux PAP qu’ils pouvaient continuer à utiliser leurs terres. Dans d’autres districts impactés par l’EACOP, cette «  autorisation  » accordée aux PAP de cultiver des plantations saisonnières a pu se faire plus tôt, mais toujours avec une interdiction pour les cultures pérennes.

Cette interdiction faite aux PAP de disposer librement de leur terre ne semble pas poser de problème à Total, bien que contrevenant totalement à la législation ougan-daise et aux normes et standards internationaux que Total affirme respecter. En effet, la compagnie a expliqué en juillet 2020 à Oxfam qu’« après les dates limites d’éligibilité, une personne ne doit rien ajouter à la terre ou l’améliorer, et la plantation de nouvelles cultures pérennes est considé-rée comme une amélioration »34. Cette interdiction de jouir librement de ses terres agricoles est pourtant une viola-tion flagrante du droit de propriété des PAP. D’ailleurs, dans leur rapport de septembre 2020, Oxfam et ses parte-naires notent que « de nombreuses personnes interrogées en Ouganda ont indiqué que le fait de perdre le contrôle de leurs terres, de ne pas pouvoir les utiliser comme bon leur semble et de se limiter à des cultures saisonnières au moment de l’annonce des dates limites d’éligibilité, consti-tue une privation de leurs droits et une menace directe à leurs moyens de subsistance »35.

Différents témoignages recueillis par nos soins en juin et septembre 2020 concordent avec ce constat  :  ainsi, un groupe de PAP interviewé dans le district de Kikuube affecté par l’EACOP s’est plaint du fait que Total restrei-gne, contre leur volonté, l’usage qu’ils peuvent faire de leurs terres.

Dans le sous-comté de Mpasana dans le district de Kaku-miro, également affecté par l’EACOP, un PAP rapporte que Newplan leur aurait expliqué, lors d’un meeting le 6 décembre 2018 : « qu’ils ne devaient pas utiliser les terres affectées pour des constructions, la plantation d’arbres, de

café, de bananes et de toute autre plante dont la récolte prend plus de trois mois ». Il poursuit : « Cela fait près de deux ans maintenant, il n’y a eu aucune compensation et pourtant nous ne pouvons plus utiliser librement nos terres pour les activités que nous souhaitons. Cela a affecté mes moyens de subsistance et mes revenus car j’ai cessé de m’oc-cuper d’une partie de la terre que j’utilisais pour faire paître mes vaches, et j’ai également arrêté d’utiliser la terre »36.

Il faut savoir que de nombreux PAP ne plantent en réalité même pas de cultures saisonnières, ce qu’ils expliquent par différentes raisons. Premièrement, et ce dans de nom-breuses régions, ces plantes ne poussent tout simple-ment pas, comme expliqué par les PAP lors d’un groupe de discussion réunit à Buliisa en septembre 2020 :

« Nous sommes contraints de cultiver des plantes saison-nières. Cela nous est défavorable en raison de la nature des aliments que nous mangeons, et des conditions climatiques qui ne permettent pas la culture des haricots, pommes de terre et maïs, contrairement au manioc et à la banane » (qui eux poussent mais sont des cultures pérennes interdites par Total).

De plus et comme le rappellent la FIDH et ses partenaires : « les entreprises [ont] fixé des dates limites d’éligibilité sans établir de calendrier précis pour la mise en place d’une compensation effective »37. Selon le rapport d’Oxfam, cela laisse les communautés dans « un état de spéculation », et en conséquence « beaucoup ont abandonné l’agriculture en raison de la publication des dates limites d’éligibilité par les évaluateurs ». Le phénomène en Tanzanie est le même :

« En Tanzanie, les personnes interrogées dont les terres seront acquises ont également expliqué qu’elles ne sont pas autorisées à cultiver des cultures de rente, mais uniquement des cultures saisonnières. Mais bien que les cultures saison-nières soient autorisées, certains répondants craignent que s’ils reçoivent un avis soudain les invitant à quitter leur pro-priété, ils pourraient ne pas pouvoir faire les récoltes et ne parviendraient pas à récupérer leur investissement à court terme. En conséquence, certains agriculteurs prennent la décision de ne pas planter »38.

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Durant notre dernière enquête de terrain, cette peur que les entreprises puissent venir et détruire les cultures plantées à tout moment, et cela avant d’avoir le temps de récolter, était omniprésente dans les témoignages des PAP à qui Total a « accordé » le droit de planter des cultures saisonnières. C’est ainsi que le PAP du sous-comté de Mpa-sana du district de Kakumiro (cité précédemment) nous a expliqué qu’il avait cessé d’utiliser sa terre parce que les entreprises lui avaient répété qu’aucune indemnisation ne serait versée pour tout ce qui se trouverait sur la terre après l’évaluation, et que « ces choses seraient détruites sans paiement ». Il explique avoir donc peur de gaspiller de l’énergie et de l’argent pour des cultures qui peuvent être anéanties du jour au lendemain. De tels discours de Total ou ses sous-traitants, considérés comme des menaces par les PAP, nous ont été rapportés dans toutes les régions où nous avons enquêté.

Les entreprises entretiennent cette croyance qu’elles vont procéder au paiement des compensations de manière immi-nente, ce qui implique donc que tout développement de cultures par les PAP sera détruit sous peu : « Cela fait un an et sept mois sans que nous soyons indemnisés. Il n’est pas pertinent pour moi de faire pousser pendant trois mois des cultures qui vont être détruites sans compensation, parce qu’ils continuent de nous promettre qu’ils vont bientôt revenir »39.

Un autre groupe de PAP impacté par l’EACOP expliquait début septembre que même avec l’autorisation des cultures saisonnières, ils ne sont pas sereins pour utiliser leur terre car « l’annonce est claire qu’aucune compensa-tion ne sera faite en cas de dommage ». La majorité des témoignages insiste sur le fait qu’ils vivent dans l’in-connu concernant la date de commencement des tra-vaux de construction et donc de la perte définitive de leurs terres. Ils disent vivre dans l’anxiété et n’avoir eu aucun contact avec Total et ses sous-traitants depuis la suspension du projet en septembre 201940.

Au niveau du projet Tilenga, un PAP ayant travaillé préala-blement pour Atacama et affecté par le RAP 4 dans le dis-trict de Buliisa explique : « Plus d’un an et demi s’est écoulé depuis l’annonce de la date limite d’éligibilité. Ils nous ont donné la possibilité de planter des cultures qui poussent en trois mois. La condition des trois mois nous fait peur, nous avons peur de planter et de perdre des récoltes qui seront détruites à chaque fois qu’ils [Total et Atacama] reviendront. Il n’y a personne qui utilise les terres touchées par le RAP 4 ici. [...] Les gens savent qu’à chaque fois qu’Atacama reviendra, leurs biens seront détruits »41.

Pire, des PAP affectés par l’EACOP expliquent que des sala-riés de Newplan leur ont demandé d’arrêter d’utiliser leur terre librement avant même l’annonce de la date limite

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d’éligibilité. Par exemple, un PAP provenant du sous-comté de Kiziranfumbi, au niveau du district de Kikuube, explique qu’il avait l’habitude de cultiver du tabac comme culture de rente. Les équipes de Newplan l’ont trouvé alors qu’il préparait sa pépinière pour le tabac en novembre 2018, soit cinq mois avant l’annonce de la date limite d’éligibilité d’avril 2019. C’est à ce moment que le sous-traitant de Total lui a dit de ne pas utiliser sa terre pour des cultures qui prennent plus de six mois, il a donc dû arrêter sa pépinière. Il témoigne : « Cela fait maintenant deux ans que je ne gagne pas d’argent pour ma famille, et même pour les frais de sco-larité de mes enfants ». Ces interdictions, dès l’évaluation des terres par Newplan, nous ont été rapportées dans diffé-rentes régions impactées par l’EACOP.

2 Une forte dégradation des conditions de vie des populations et de leurs moyens de subsistance

Le 15 septembre 2020, un collectif de 15 ONG a interpellé les présidents ougandais et tanzanien dans une lettre ouverte suite à la signature du HGA de l’EACOP : « Le fait de retarder l’indemnisation des personnes affectées par les projets tout en les empêchant d’utiliser leurs terres accroît la pauvreté des ménages, le taux d’abandon scolaire, les grossesses d’adoles-centes, la violence sexiste et d’autres effets négatifs »42.

Le rapport d’Oxfam décrit le même phénomène : « La limi-tation imposée aux ménages de ne cultiver que des cultures saisonnières, limitant leur capacité à faire des cultures plus lucratives et à contrôler réellement leurs terres, a eu un impact sur les moyens de subsistance des communautés, qui subissent une diminution de leurs revenus, ce qui affecte leur niveau de vie »43 ; de même que celui de la FIDH : « plutôt que d’améliorer ou de restaurer le niveau de vie des résidents, beaucoup ont vu leur qualité de vie se détériorer depuis le début des activités »44.

Ces alertes et les conséquences décrites sur les personnes affectées sont directement liées aux restrictions imposées par Total dans l’usage des terres agricoles décrites dans la partie précédente, situation sur laquelle nous alertions déjà lors de notre mise en demeure de Total en juin 2019. Il s’agit en effet bien plus qu’une atteinte au droit de propriété, cela bafoue les droits des communautés au développement, à l’alimentation, à l’éducation, à la santé et à un niveau de vie suffisant45.

Au cours de nos enquêtes, tant au sein des districts impac-tés par le projet Tilenga que par l’EACOP, la plainte la plus partagée par l’ensemble des PAP est celle de la perte de leurs moyens de subsistance et de la forte dégradation de leur niveau de vie du fait des restrictions d’accès à leurs terres imposées par Total, couplées aux délais extrême-ment longs pour recevoir leurs compensations. Leurs terres et cultures sont en effet à la fois leur source principale d’ali-mentation et de revenus.

De graves pénuries alimentaires provoquant des situations de famine

Les terres agricoles sont le principal moyen de production pour subvenir aux besoins alimentaires des familles affec-tées par les projets. De nombreux témoignages recueillis dans l’ensemble des districts où nous avons enquêté font part de leur difficulté pour pouvoir se nourrir correctement, ainsi que pour leur famille, et ce depuis que Total ou ses sous-traitants ont restreint l’accès à leurs terres il y a envi-ron deux ans.

Le maire d’un village (LC1) du sous-comté de Nabigasa, dans le district de Kyotera en Ouganda explique ainsi que sa famille comme d’autres de son village ont très peu de nourriture, et que certaines même plus du tout :

« Ce projet d’oléoduc n’a fait qu’apporter la famine dans nos foyers. Avant, nous avions assez de nourriture, mais mainte-nant, nous nous battons pour nourrir notre famille car nos terres ont été prises et cela fait maintenant presque deux ans que nous n’avons pas été payés »46.

Une mère de famille vivant dans le district de Lwengo rap-porte : « Mes enfants et moi avons du mal à prendre trois repas par jour. Je n’ai plus de sources de revenu en ce moment. Mon café était la seule source de revenus de ma famille et je ne peux plus cultiver de café maintenant »47.

Lors d’une discussion de groupe, à la question de savoir s’ils avaient vu des changements positifs depuis l’arrivée du pro-jet pétrolier dans leur vie, une participante répond : « Nous n’avons pas vu cela, si ce n’est la souffrance de ne pas avoir de quoi nourrir nos enfants parce que les terres affectées ont été bloquées pour tout nouveau développement »48.

Ces graves problèmes et violations ont aussi été dénoncés par d’autres organisations, comme Oxfam qui rapporte que : « Le délai entre la date limite et le paiement lui-même entraîne une perte de revenus pour les ménages qui sont confrontés à des limitations de ce qu’ils peuvent cultiver, ce qui provoque une insécurité alimentaire pour les ménages tou-chés par la relocalisation et affecte donc leur droit à un niveau de vie adéquat »49. Cette situation dramatique se retrouve aussi en Tanzanie : selon ce même rapport, « L’accessibilité et la disponibilité de la nourriture sont une préoccupation majeure pour les communautés affectées le long du tracé de l’EACOP. Les personnes interrogées dans les sept régions de Tanzanie qui ont été visitées pour la collecte de données s’inquiètent des graves pénuries alimentaires, en particulier depuis que des restrictions ont été imposées sur les cultures à long terme il y a deux ans et compte tenu des retards dans les paiements de compensation»50.

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 15UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL

Des délais interminables qui aggravent la situation

La logique de fixation d’une date limite d’éligibilité après laquelle plus aucun développement n’est pris en compte dans le calcul de la compensation ne tient que si la com-pensation est effectivement versée dans un délai rapide après cette date. Officiellement, deux évènements ont ral-longé les délais sur les projets Tilenga et EACOP : d’une part la suspension du projet en août 2019, décidée par Total suite au différend fiscal avec le gouvernement ougan-dais, et d’autre part la pandémie de coronavirus en 2020.

Dans les deux cas, cela a prolongé de façon inacceptable la période pendant laquelle les PAP attendent leur com-pensation : en Ouganda comme en Tanzanie, cela fait plus de deux ans qu’ils ne peuvent utiliser leurs terres avec les conséquences dramatiques détaillées dans la présente sec-tion. Dans ses échanges avec la FIDH, « Total a admis les difficultés et la confusion créées par le retard du projet » et a indiqué y répondre en « “communiquant beaucoup” pour dire aux familles de poursuivre l’exploitation agricole, notam-ment en diffusant des messages radio »51, une réponse ina-déquate comme nous l’avons expliqué (voir section II.1).

Il est pourtant du devoir de Total de pallier cette situation, surtout que la suspension du projet était de son fait. En effet, selon la norme de performance 5 de la SFI que Total s’est engagée à respecter : « Un soutien temporaire sera fourni, selon les besoins, à toutes les personnes déplacées économiquement, sur la foi d’une estimation raisonnable du temps nécessaire au rétablissement de leur capacité à gagner un revenu, de leurs niveaux de production et de leurs niveaux

de vie »52. Selon le guide d’application de cette norme, pré-cité, ce soutien temporaire comprend explicitement une « aide pour satisfaire leurs besoins alimentaires, en raison de l’absence de récolte cette année »53.

Pour le RAP 1 de Tilenga, ce n’est qu’un an et demi après la date limite d’éligibilité que Total a finalement accepté d’effectuer des distributions de nourriture. Cependant, de nombreux PAP avaient alors indiqué que la quantité de denrées distribuées, identique pour tous les PAP quelle que soit la taille du foyer, était insuffisante pour subvenir aux besoins des familles nombreuses.

Sur les RAP 2 à 5 de Tilenga et sur l’EACOP, la situation est pire puisqu’aucune distribution de nourriture n’a jamais été effectuée, malgré le fait que Total ait été alerté à maintes reprises par les PAP et la société civile en Ouganda, et dans le cadre de la procédure judiciaire en France.

Par ailleurs, ces délais ont également un impact sur le calcul du montant de la compensation. Comme l’explique la FIDH, selon la législation ougandaise, « Le moment de l’évaluation est l’un des éléments pris en compte pour déter-miner l’équité et l’adéquation de l’indemnisation ». Par consé-quent, « en raison des retards, les montants de l’évaluation doivent, conformément à la législation et à la jurisprudence ougandaises, être considérés comme nuls et être réévalués à la valeur de la date à laquelle la réinstallation a effective-ment lieu. En outre, les résidents devraient être indemnisés pour les dommages matériels et moraux causés par l’incerti-tude liée aux suspensions prolongées qui ont eu un impact sur leurs moyens de subsistance, le droit de leurs enfants à l’éducation et leur droit à la terre »54.

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Une perte importante des revenus des ménages

Les activités agricoles sont la principale source de revenu des communautés impactées55. Les restrictions concer-nant l’accès à leurs terres provoquent de fait une diminu-tion directe des revenus des familles. C’est ce que nous explique un groupe de PAP impacté par le RAP 4 du projet Tilenga : « Après avoir été empêchés de cultiver des planta-tions qui nous rapportent des revenus, notre situation éco-nomique s’est totalement dégradée. Nos revenus ont baissé dans nos foyers au point que nous ne pouvons plus nous permettre de lancer des activités comme le commerce de produits agricoles qui permet à la plupart d’entre nous de survivre. »56.

Les terres agricoles sont aussi une garantie afin d’obte-nir des crédits (notamment de la part de banques) pour les populations impactées. Ces crédits, principalement de courte durée, sont souvent nécessaires pour combler le manque de capital afin d’assurer certaines de leurs activi-tés commerciales.

Un PAP du sous-comté de Mpasana dans le district de Kakumiro, impacté par l’EACOP, témoigne ainsi qu’il avait l’habitude de « présenter son titre de propriété à la banque pour obtenir des prêts afin de payer les factures de sa famille et aussi pour acheter des vaches qu’il allait vendre ». Mais ces crédits ne sont plus accessibles, car il est aujourd’hui indi-qué sur son titre de propriété, du fait du projet pétrolier, « qu’une partie de la terre est entre les mains d’une autre personne ». Il a ainsi dû arrêter le commerce de bétail depuis que le projet a affecté ses terres il y a deux ans. Il rapporte ainsi :

« Je me considère floué parce que je ne peux plus utiliser librement ma terre et que je ne peux pas non plus planifier mon avenir de manière appropriée. Pourtant, aucune com-pensation n’a été versée, cette situation me blesse »57.

Un autre groupe de PAP impacté par le RAP 4 du projet Tilenga s’exaspère : « Nous voulons que Total/Atacama nous

paie à temps maintenant. Nous ne pouvons rien faire sur cette terre, et pourtant la vie et les dépenses quotidiennes continuent »58.

Une déscolarisation importante

Du fait de ces pertes importantes de revenus, de nom-breuses familles n’arrivent plus à continuer à payer les frais de scolarité de leurs enfants et se voient donc contraintes de les retirer de l’école.

« Cela fait maintenant un an et demi que je lutte pour payer les frais de scolarité de mes enfants. Au moment où le gou-vernement ré-ouvre enfin l’école [suite à la fermeture liée à la crise du Covid- 19], je ne sais pas où je trouverai l’argent pour ramener mes enfants à l’école » rapporte un PAP en septembre 2020 impacté par l’EACOP du sous-comté de Nabiga dans le district de Kyotera en Ouganda.

Une jeune PAP vivant dans le village d’Uduk 2 dans le dis-trict de Bulisa, impacté par le RAP 3A du projet Tilenga, témoigne en septembre 2020 :

« J’étais à l’école [collège] avant le début des projets pétroliers ; j’étais à l’école même après l’annonce de l’éva-luation et de la date limite d’éligibilité. Du fait du retard dans l’indemnisation, j’ai été obligée d’abandonner l’école. Le paiement des frais de scolarité est devenu un problème pour moi, car je n’ai plus les moyens puisque l’on m’a empê-ché de cultiver des plantes que j’avais l’habitude de vendre pour payer les frais de scolarité. […] Il m’est devenu très dif-ficile de poursuivre mes études et de prendre soin de mes petits frères et sœurs. […] Il n’y a pas que moi qui ai aban-donné l’école. C’est maintenant un problème général dans le district de Buliisa, dans le sous-comté de Ngwedo, où la plu-part des enfants ont abandonné l’école à cause des activités des projets pétroliers ».

Selon les témoignages, les filles sont encore plus impactées

16UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL

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que les garçons par ce phénomène de déscolarisation.

De graves difficultés d’accès aux soins

Outre le fait que la pénurie alimentaire et les situations de famine rapportées précédemment détériorent fortement l’état de santé général des populations affectées, les pertes importantes de revenus provoquent une diminution de l’ac-cès aux soins. En effet, les PAP ont à la fois plus de mal à payer les frais de santé (consultation, analyses, médica-ments), et à se déplacer jusqu’aux cliniques.

Comme le rapporte Oxfam, avant les annonces des dates limites, les terres pouvaient être vendues (ou gagées) afin de payer des frais de santé importants, par exemple pour des opérations chirurgicales : « Le droit de posséder et de bénéficier de mes biens m’a été retiré. J’ai besoin d’argent pour subir une opération médicale, mais je ne peux pas vendre le seul terrain qui a été pris par le projet » rapporte une PAP du district de Kakumiro en Ouganda59.

Les PAP les plus vulnérables, notamment les personnes âgées, expliquent craindre pour leur vie si cette situation se prolonge. C’est ainsi qu’Oxfam rapporte : « Une femme de 85 ans résidant dans le village de Sojo [Tanzanie] a déclaré qu’elle perdait ses trois acres de terre et craignait que le retard dans l’indemnisation ne menace sa vie en compromettant sa capacité à acheter de la nourriture et d’autres produits de première nécessité »60.

D’après certains PAP, cette situation aurait déjà coûté la vie à différentes personnes, notamment au niveau du district de Buliisa où certaines familles sont affectées par le projet depuis 2017 : « Depuis 2017 jusqu’à aujourd’hui, les mêmes problèmes se posent, ils ne se préoccupent pas de nous.[...] De nombreuses personnes sont mortes avant d’obtenir leur indemnisation en raison du retard »61.

Des habitations qui se détériorent

Nous avions déjà indiqué dans notre rapport de 2019 que les PAP vivant au niveau de la zone du futur CPF (RAP 1 du projet Tilenga) avaient été contraints de quitter leur habi-tation bien avant de toucher leur compensation, du fait notamment que Total et Atacama leur avaient interdit de réparer leur maison, qui pourtant nécessite des entretiens constants en raison des matériaux utilisés62. Cette situation s’est répétée depuis dans le cadre des autres RAP du pro-jet Tilenga et du projet EACOP, provoquant le désarroi des familles impactées.

C’est ainsi que le père d’une famille affectée par le projet d’oléoduc au niveau du sous-comté de Nabigasa, dans le district de Kyotera en Ouganda, explique qu’après que sa maison s’est effondrée, il s’est rapproché de Newplan. Le sous-traitant de Total lui a alors répondu qu’il ne pouvait pas construire une autre maison sur ses terres, alors que celui-ci n’a pas non plus reçu sa compensation afin de pou-voir en racheter de nouvelles :

« Je souffre simplement avec ma famille parce que je ne peux pas utiliser librement ma terre maintenant. Je ne suis pas un salarié et tout l’argent que je gagne vient du jardin. Imaginez que cela fait deux ans que je suis dans un dilemme à cause de ce projet. […] J’avais prévu de commencer la construction d’une autre maison, mais pour l’instant, je suis bloqué »63.

3 Une absence totale de consentement libre, informé et préalable

Au cours du processus d’acquisition des terres par Total, il est demandé aux PAP de signer différents formulaires. Plusieurs normes internationales, telles que la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux64, que la multinationale fran-çaise s’est engagée à respecter, disposent que le dépla-cement involontaire et la réinstallation des populations

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autochtones ne peut se faire sans leur consentement libre, informé et préalable. Il en est de même dans la législation ougandaise, qui indique que la signature d’un contrat n’est valable que si elle est apposée de façon « libre et éclairée », c’est-à-dire en l’absence de contrainte et précédée d’une information suffisante.

Un manque d’informations pourtant cruciales pour effectuer un choix éclairé

Aux dires de la multinationale française, « dès le début des projets, Total accorde une importance particulière à l’infor-mation, à la consultation des populations et à la prise en compte de leurs préoccupations, tant au niveau local que national. Leur implication est un facteur clé de la réussite de ces projets »65. Total se targue ainsi d’avoir organisé plu-sieurs milliers de réunions de « consultation » des commu-nautés tant pour le projet Tilenga que pour EACOP.

Pourtant, la très grande majorité des PAP rencontrés dans le cadre de nos enquêtes font part d’une méconnaissance flagrante tant des processus d’évaluation et d’acquisition des terres, des dates de début du projet (tant de l’EACOP que des différents RAP du projet Tilenga), des dates de versement effectif des compensations, que de leurs droits et des mécanismes de réclamation, et plus globalement des risques d’impacts négatifs des projets pétroliers.

Cela s’explique tout d’abord par le fait que, d’après de nombreux témoignages recueillis, les promoteurs du pro-jet pétrolier ne laissent pas assez de temps pour poser des questions durant les réunions, ou ne répondent pas à celles qui leur sont posées. La FIDH fait part du même constat : « Bien qu’ils aient participé à des réunions et des discus-sions, de nombreux membres de la communauté manquent d’informations et ne connaissent pas leurs droits, les procé-dures en place et les impacts du projet. […] Les membres des communautés [...] ont indiqué qu’il restait peu de temps pour les questions et que les réponses fournies étaient rarement satisfaisantes, et que le personnel local sur le terrain n’avait souvent pas les connaissances nécessaires pour répondre aux questions, ou ne tenait pas compte des préoccupations expri-mées par les membres des communautés »66.

Total, pour tenter de combler son manque d’explications sur le projet, a annoncé sur des radios locales que les PAP devaient s’adresser aux responsables des conseils munici-paux pour avoir plus d’informations. Mais différents res-ponsables et maires de villages (LC1) nous ont indiqué qu’ils n’avaient eux-mêmes reçu, de la part de Total, Ata-cama ou Newplan, aucune information complémentaire à transmettre aux communautés67.

Par conséquent, de nombreux PAP affirment avoir dû signer des formulaires sans en connaître le contenu, y compris parfois sans connaître la superficie exacte des terres qui sera réquisitionnée. Un leader communautaire

se situant dans le district de Kyotera, affecté par l’EACOP, affirme que « les formulaires d’évaluation n’indiquent pas la taille des terrains affectés » et que, dans son sous-comté, « 54 ménages ont été affectés et personne ne sait quelle proportion de ses terres a été touchée, ni même quelle sera l’indemnisation qu’ils recevront pour les biens impactés, y compris les terres »68.

La même problématique d’absence d’informations sur les formulaires concernant les plantations a aussi été rappor-tée dans d’autres districts en Ouganda, comme ceux de Buliisa, de Kiuube et de Kakumiro.

Cette problématique a également été couverte par la presse locale et nationale, comme lors d’un reportage de NTV - la principale chaîne de télévision ougandaise en termes d’au-dience -, le 12 juillet 2020 : « certains PAP ont été obligés de signer les formulaires d’évaluation, d’autres ont signé sans savoir ce qu’ils signaient [...] Ils ne pouvaient pas traduire pour eux dans leur langue locale. Et les autres, ils ont utilisé d’autres tactiques, [...] ils étaient pressés de signer»69.

Cette forte méconnaissance du processus d’acquisition de leurs terres est aggravée par le fait que dans de nom-breuses régions, les PAP n’ont qu’un faible accès aux organisations de la société civile. Ces dernières, qui ont pourtant un rôle clé pour accompagner les communautés affectées dans la défense de leurs droits, sont fortement entravées dans leurs activités : interdictions de réunions publiques, menaces d’arrestations et arrestations de membres d’ONG ou de PAP ayant participé à des réunions avec elles, etc. (voir chapitre III).

De même, des irrégularités auraient eu lieu au moment des élections des représentants des PAP au sein de cer-tains Comités de planification de la réinstallation (RPC) pour les RAP 2 à 5 du projet Tilenga, en juin 2019. Ces comités ont notamment pour fonction de transmettre les informations des promoteurs des projets aux PAP, et de faire remonter les problèmes rencontrés par ces derniers. Cependant, il nous a été rapporté qu’Atacama, sans aucun fondement légal, aurait empêché de nombreux leaders communautaires de se porter candidats aux élections des RPC, beaucoup ayant critiqué le projet pétrolier ou des pratiques de Total ou Atacama.

Enfin, lors d’une réunion organisée par AFIEGO et 350.org Africa en septembre 2020 réunissant toutes les ONG mobi-lisées sur le projet EACOP, les participants signalent : « Les comités de planification de la réinstallation, au sein desquels les membres de la communauté sont représentés, ont été mis en place pour des raisons de formalité. Ces comités ne sont pas indépendants, puisque c’est Total, le développeur du projet, qui les a mis en place. Les membres de la commu-nauté qui siègent au comité manquent également d’infor-mations et n’ont pas de pouvoirs »70.

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Des pressions importantes pour obliger les PAP à signer les formulaires

Les entretiens que nous avons réalisés avec les PAP laissent apparaître à la fois un climat de désespoir, lié aux souffrances provoquées par les restrictions d’usage de leurs terres agricoles, et un climat de peur, du fait des liens que Total et ses sous-traitants semblent entretenir avec les forces de sécurité (police et armée)71.

La perception de ces liens par les PAP vient tout d’abord du fait qu’ils se déplacent souvent ensemble : « Durant les premières démarcations, ils [Total et Newplan] se dépla-çaient avec les agents de sécurité et cela m’a fait peur [...]Je ne pouvais même pas poser beaucoup de questions », nous rapporte un PAP impacté par l’EACOP au niveau du sous-comté de Kassas dans le district de Kyotera. Selon les témoignages, les forces de sécurité sont aussi souvent présentes lors des réunions sur les projets pétroliers. Et à Buliisa, un poste de « police pétrolière » a été créé au prin-temps 2018, placé à l’entrée de la zone du CPF, juste à côté d’un poste du sous-traitant de Total, Atacama.

De plus, lorsqu’un PAP ou un leader communautaire se permet de se plaindre ouvertement des pratiques de Total, d’Atacama ou de Newplan, il n’est pas rare qu’il subisse des représailles de la part des forces de police, ou même directement du RDC (« Resident District Commis-sioner », l’équivalent du préfet en Ouganda72). Ainsi, dans le comté de Nabigasa dans le district de Kyotera, un PAP explique qu’après une intervention dans une radio locale où il s’est plaint des conséquences des activités pétro-lières pour lui et sa communauté, il a « été harcelé par le RDC et par des employés de Newplan qui sont venus » jusque chez lui73 (voir aussi le chapitre III).

Enfin, comme nous alertions déjà en 2019 concernant le RAP 1 de Tilenga74, de nombreux PAP, affectés tant par les autres RAP de Tilenga à Buliisa que par l’EACOP, nous ont

confié avoir subi de nombreuses pressions de la part de Total ou de ses sous-traitants pour les obliger à signer les formulaires d'évaluation. Ces accusations ont aussi été relevées par Oxfam au niveau de l’EACOP, dans la tota-lité des cinq districts échantillonnés pour son enquête : « Néanmoins, de nombreuses personnes interrogées ont déclaré que les sous-traitants du projet EACOP - New Plan Group et Infra Consulting Services (ICS) - [...] ont fait pres-sion sur eux pour qu’ils signent les formulaires d’évalua-tion » ; « pour aggraver les choses, plusieurs personnes inter-rogées ont déclaré qu’elles étaient souvent contraintes de signer ces documents au crayon »75. De même, la FIDH fait état de « menaces afin que les personnes signent les accords de compensation » au niveau du projet Tilenga76.

Comme pour le RAP 1, lors de notre nouvelle enquête, de nombreux PAP nous ont confié avoir signé par peur, car Total et / ou ses sous-traitants leur auraient dit que s’ils n’acceptaient pas de signer, ils devraient aller réclamer leur compensation devant un tribunal. Ceci constitue clai-rement une forme d’intimidation les contraignant à signer, car d’une part, les PAP n’ont pas les moyens financiers (et une connaissance suffisante de leurs droits) pour aller au tribunal, et d’autre part, la possibilité d’obtenir gain de cause devant un tribunal ougandais est quasi inexistante, comme le reconnaissent même les autorités77.

L’Ouganda est l’un des 12 pires pays au monde en termes d’état de droit et d’accès à la justice ; la Tanzanie n’est pas loin derrière78. C’est ce qu’explique aussi la FIDH : « Des irrégularités dans les procédures ainsi que des circonstances affectant l’indépendance des autorités judiciaires appa-raissent souvent. [...] Les recours judiciaires apparaissent davantage comme une menace que comme un outil per-mettant aux communautés de défendre leurs droits ». Elle attire aussi l’attention sur les lenteurs affectant l’accès effectif à la justice, mentionnant 2 000 affaires en instance à la Cour de Massindi : « La plupart des affaires passent entre cinq et sept ans au tribunal avant d’être réglées »79.

19UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL

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4 Des évaluations erronées et l’absence d’un mécanisme indépendant de résolution des conflits

Des compensations mal évaluées et insuffisantes

Les « erreurs » commises par les sous-traitants de Total lors de l’évaluation des terres et des cultures, que nous avions identifiées pour le RAP  1 de Tilenga80, se repro-duisent pour les autres RAP de Tilenga et pour l’EACOP.

Comme le décrit un PAP du RAP  4 de Tilenga, du village de Kabolwa, district de Buliisa : « lorsqu’Atacama est venu évaluer les cultures dans ce village, j’avais beaucoup de cultures ; pourtant, ils ne m’en ont comptabilisé que peu. Par exemple, mon coton, mes acacias et certaines de mes tiges de bananier n’ont pas été comptés »81. Même le pré-sident d’un Comité de planification de la réinstallation (RPC) dans le district de Kikuube, affecté par l’EACOP, atteste que sa terre n’a pas été proprement évaluée82.

Le taux de maturité des cultures (dont le montant de la compensation dépend) a également été mal évalué d’après de nombreux témoignages, tant de personnes affectées par Tilenga que par l’EACOP83. D’autres cultures ne font pas l’objet de compensation : « Les herbes que nous utilisons pour nous soigner de certaines maladies n’ont jamais été évaluées pour l’indemnisation. Atacama n’a jamais pris cela au sérieux, nous ne savons pas pourquoi », rapporte un PAP du RAP 4 dans le district de Buliisa84.

De plus, la distinction faite entre les résidences princi-pales et secondaires pose toujours problème. Dans le cadre du projet Tilenga, seules les personnes expropriées de leur habitation principale ont le choix entre une indem-nisation en nature (la reconstruction d’une habitation) et une indemnisation financière ; les autres ne peuvent qu’avoir une compensation monétaire85. Lors de l’évalua-tion, de nombreuses habitations dans lesquelles les per-sonnes vivaient de manière permanente ont été quali-fiées à tort de secondaires, car les PAP n’avaient pas été correctement informés de la distinction entre les deux86. En conséquence, certains membres de la communauté se sont donc vu refuser la possibilité d’obtenir une compen-sation en nature voire, dans certains cas, une indemnisa-tion financière, alors qu’ils y avaient droit.

Par ailleurs, un PAP du RAP 4 rapporte qu’alors qu’elles étaient propriétaires de terres, « de nombreuses per-sonnes ont été contraintes de signer en tant que [simples] usagères de la terre car Atacama leur a toujours dit que ceux qui signeraient comme usagers recevraient la compensation très rapidement, après qu’ils se sont rendus compte de la vulnérabilité de la communauté en termes d’activités géné-ratrices de revenus »87.

Enfin, les compensations en nature (land to land) n’ont été proposées qu’à une infime partie des personnes affectées, qui n’ont même pas pu choisir où elles démé-nageront. Un PAP du RAP 4 situé à Buliisa a témoigné qu’il n’avait pas pu choisir le lieu où sa future maison serait située, et qu’il avait donc été contraint de choisir l’indem-nisation financière à la place88. Les montants des compen-sations financières restent pourtant largement insuffi-sants selon les PAP, et ni les communautés ni les autorités locales n’ont été suffisamment impliquées dans la déter-mination des taux de compensation. Comme le résume la FIDH, « les partenaires de la joint-venture n’ont partagé que des informations minimes et n’ont pas utilisé une approche communautaire lorsqu’elles ont déterminé les taux de com-pensation»89.

La situation est la même en Tanzanie : les PAP « ont expli-qué que les montants cités ne couvriraient pas le coût de l’achat d’une propriété identique et adéquate » note Oxfam. Ils rajoutent que « l’évaluation proposée par les représen-tants de l’EACOP pour leur terrain et leur logement est infé-rieure au prix du marché »90.

Les PAP privés d’informations sur l’évaluation

Comme expliqué plus haut, une fois l’évaluation effec-tuée, les PAP doivent signer le formulaire d’évaluation sans connaître le montant de la compensation et / ou sans recevoir de copie du formulaire, ce qui les empêche de vérifier les informations, et donc, s’ils le souhaitent, de contester l’évaluation91. Par exemple, dans le cadre des RAP 2 et 4 du projet Tilenga, une copie des évaluations de février 2019 fut donnée aux PAP plus d’un an après, en mars 2020.

La même situation se reproduit également dans le cadre de l’EACOP. Un PAP du district de Kikuube explique : « Ils m’ont ensuite fait signer des formulaires d’évaluation, mais on ne m’a pas laissé de copie »92. C’est également le cas en Tanzanie, même si les PAP peuvent consulter le barème d’indemnisation93. Certains PAP rapportent aussi que, même s’ils n’étaient pas d’accord avec l’évaluation, on leur disait qu’ils devaient quand même signer le formu-laire d’évaluation, et se plaindre plus tard94.

L’absence de mécanisme indépendant de règlement des conflits

Alors que les mécanismes d’accès à la justice sont souvent utilisés comme une menace afin de faire taire les commu-nautés, l’accès à un recours efficace pour les violations liées au projet est essentiel. Pourtant, comme nous l’ex-posions déjà en 2019, les mécanismes mis en place par Total pour les projets Tilenga et EACOP ne sont ni sûrs, ni fonctionnels, ni indépendants95. Ces critiques sont mal-heureusement toujours d’actualité : les plaintes sont trai-

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tées par les sous-traitants de Total, c’est-à-dire la même entité à l’origine des violations des droits des PAP ; elle ne peut donc être considérée comme indépendante.

De plus, nos enquêtes montrent que ces plaintes restent souvent sans réponse. Comme le résume un PAP du RAP 4 du projet Tilenga, « Atacama a noté mes plaintes, et celles des autres, et ils ont même eu des lettres du sous-comté, mais ils n’ont jamais convoqué de réunion pour résoudre ces problèmes. Comme ils sont juges et partie, nous, on ne peut rien dire, on ne peut que les attendre ». Un PAP du village de Kabolwa, district de Buliisa, affecté par le RAP 4 dont les cultures n’ont pas été comptées par Atacama, raconte « je m’en suis plaint à eux de nombreuses fois, mais ils m’ignorent, jusqu’au jour d’aujourd’hui ».

Le simple fait de déposer une réclamation semble par-fois impossible. Ainsi, différents PAP rapportent qu’après les évaluations des terres réalisées par Newplan, les équipes de Total et de son sous-traitant ne sont jamais revenues dans leur village, et qu’ils ne savent pas où pour-raient se trouver leurs bureaux96. Cela explique peut-être pourquoi Total a rapporté à Oxfam n’avoir pas encore reçu de plainte sur les évaluations dans le cadre de l’EACOP ?97

Par ailleurs, Total communique souvent sur le nombre de «cas résolus ». Par exemple mi-septembre, Total expliquait que sur les 531 plaintes ouvertes dans le cadre du méca-nisme de résolution des conflits pour les RAP 2 à 5 du

projet Tilenga, 434 dossiers avaient été résolus. Pourtant, cela ne veut pas dire que les plaintes des communautés affectées ont été effectivement résolues.

Tout d’abord, la communication faite par Total à ce sujet porte sur le nombre de plaintes ouvertes. Or, beaucoup de personnes choisissent de ne pas déposer de réclama-tion en raison du manque d’indépendance du mécanisme : les PAP ne peuvent clairement pas dénoncer auprès des entreprises sous-traitantes chargées d’enregistrer les plaintes, des violations dont ces mêmes entreprises sont accusées (notamment la problématique des pressions pour forcer les PAP à signer les formulaires).

Par ailleurs, ces chiffres cachent le fait que le terme de « cas résolus » ne signifie pas forcément que la résolution de la plainte satisfait les PAP, ni que celle-ci est conforme aux standards internationaux. En effet, ce sont des employés du groupe Total ou de ses sous-traitants, éven-tuellement aidés d’une tierce partie, qui proposent une « solution » aux PAP concernés98. Selon les témoignages, si la « solution » proposée ne satisfait pas à la réclama-tion du PAP, mais que celui-ci ne la conteste pas (ce qui est souvent le cas en raison d’un découragement dû aux délais de traitement à chaque niveau de la procédure, des pressions ou du manque d’indépendance du mécanisme), le cas sera considéré comme « résolu » par Total.

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DES MENACES AUX ARRESTATIONS : LA MULTIPLICITÉ DESPRESSIONS SUR LESDÉFENSEURS 1 Les libertés d’expression et de manifestation bafouées

La Tanzanie et l’Ouganda font partie des pires pays au monde en termes de liberté d’expression99 et de liberté de la presse100. En Ouganda, les journalistes sont arrêtés, harcelés, intimidés et attaqués en représailles pour leur travail et les ONG, défenseurs des droits et activistes tra-vaillant sur les droits humains et l’environnement sont surveillés, harcelés, menacés, intimidés, arrêtés ou vio-lentés101. Récemment, plusieurs défenseurs des droits ougandais déclaraient qu’ils étaient l’objet d’attaques croissantes102. La situation est similaire en Tanzanie103. De nouvelles restrictions ont également été mises en place afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19, qui ont rendu les déplacements des associations d’un district à l’autre ainsi que les rencontres avec les communautés encore plus difficiles104.

Rien que sur les six derniers mois, de nombreux défen-seurs de l’environnement ont été mis en danger. Pour ne donner qu’un exemple, en juin 2020, sept avocats ont été arrêtés alors qu’ils enquêtaient sur les circonstances liées à l’expropriation forcée de plus de 35 000 personnes dans

le cadre d’un projet de plantations de canne à sucre dans le district de Kiryandongo105.

Cette situation est particulièrement préoccupante pour les personnes mobilisées contre les projets pétroliers. Les menaces, harcèlements et intimidations se multi-plient, comme le montrent les faits les plus récents. Le 23 août 2020, un groupe d’environ dix personnes affectées a été arrêté lors d’une réunion portant sur le projet EACOP organisée dans le district de Kakumiro par l’ONG Global Rights Alert, dont le représentant a été sommé de quit-ter les lieux106. Les 15 et 16 septembre, trois journalistes et six défenseuses et défenseurs de l’environnement ont été arrêtés à Hoima alors qu’ils étaient venus dénoncer la destruction d’une des plus grandes réserves forestières du pays et les risques posés par le développement pétro-lier dans l’ouest de l’Ouganda, dont les projets portés par Total : la police a indiqué qu’il s’agissait d’une arrestation « préventive » afin d’empêcher qu’ils ne manifestent107. Le 25 septembre, des militants écologistes de l’association Fridays for Future ont été arrêtés alors qu’ils se mobili-saient pour la défense de cette forêt lors de la journée mondiale d’action sur le climat108.

22UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL

Chapitre III

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Nos témoins et partenaires en danger

Depuis le lancement de la procédure judiciaire contre Total, les pressions et intimidations se sont accrues sur le terrain, en particulier pour les deux représentants des communautés affectées qui étaient venus témoigner en France en décembre dernier. Le leader communau-taire Jelousy Mugisha, et l’agriculteur Fred Mwesigwa, qui avaient déjà subi de fortes pressions la semaine précédant leur venue en France, ont été intimidés lors de leur retour en Ouganda. Jelousy fut arrêté et questionné par la police, tandis que des inconnus ont tenté de s’introduire dans le domicile de Fred deux nuits de suite et l’ont ensuite enfermé chez lui109.

Selon plusieurs témoignages, des employés de Total auraient dit aux communautés que les retards dans le paie-ment des compensations étaient causés par le procès en France et donc, rejeté la faute sur ces deux témoins. Cela a créé de fortes animosités à leur encontre, allant jusqu’à des jets de pierre contre eux. Ils ont dû quitter leur domi-cile à plusieurs reprises et ont bénéficié d’un programme de protection de l’Union européenne. Ils nous ont confié récemment vivre toujours dans la peur, et continuer de recevoir régulièrement des appels anonymes les mena-çant. Le 19 septembre 2020, au plein milieu de la nuit, deux inconnus en voiture sont venus dans le village de Kasinyi, recherchant Fred et un membre de notre association par-tenaire NAVODA, arguant que ceux-ci « trompaient les PAP ».

Ces pressions sont en effet aussi subies par les membres de nos associations partenaires, parties au recours en jus-tice contre Total en France. Ainsi, le directeur d’AFIEGO rapporte que leurs bureaux ont été cambriolés, et que la police et le gouvernement essaient de paralyser leur tra-vail, les empêchant d’aller voir les communautés affec-tées110. En effet, selon les associations, la police pétrolière dans le district de Buliisa les empêche régulièrement d’organiser des réunions publiques ou d’aller rendre visite aux communautés affectées pour les informer de leurs droits. De même, un membre de NAVODA, basé dans la zone pétrolière, est particulièrement menacé, et régulière-ment surveillé et intimidé par la police depuis plus d’un an : « J’ai dû quitter mon village après avoir vu plusieurs policiers m’attendre près de mon bureau. J’ai dû fuir mon village vers un autre district »111.

En septembre 2020, les communautés du district de Kaku-miro ont rapporté à nos enquêteurs des propos de la police, selon lesquels si des membres d’une ONG venaient pour les aider et les informer, ils seraient arrêtés. Les recueils de témoignages réalisés en 2019 et 2020, nourrissant nos rapports d’investigation et notre action en justice, ont en effet été particulièrement difficiles pour nos enquêteurs sur le terrain, qui ont dû se cacher de la police et d’em-ployés locaux de Total à plusieurs reprises.

23UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL

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2 Des alertes jusqu’au plus haut niveau

Le contexte répressif en Ouganda ainsi que les menaces constantes sur le terrain ont clairement un effet dissuasif sur celles et ceux qui souhaitent exprimer leurs critiques concernant les projets pétroliers, ou qui souhaitent sim-plement faire valoir leurs droits.

Nous ne sommes pas les seuls à nous alarmer de la situa-tion. En avril 2020, quatre Rapporteurs Spéciaux des Nations Unies ont interpellé Total, le gouvernement fran-çais et le gouvernement ougandais sur les pressions et intimidations dont ont fait l’objet les deux représentants des communautés affectées venus en France : « Nous crai-gnons en outre que le harcèlement dont ils font l’objet n’empêche d’autres personnes ougandaises touchées par le projet pétrolier de Total Uganda d’exercer leurs droits à la liberté d’opinion et d’expression ».

La délégation de l’Union Européenne en Ouganda a aussi exprimé ses préoccupations liées au traitement des défen-seurs des droits dans le pays, et particulièrement ceux travaillant sur les projets pétroliers. Elle a d’ailleurs mis en place un point focal pour les défenseurs des droits, avec qui nous avons été en contact112. La FIDH fait état de « craintes de dénoncer les impacts ressentis par les com-munautés sur le terrain » et constate que ces peurs sont justifiées au regard des nombreuses menaces, violences et harcèlement auxquels font face ceux qui osent s’expri-mer113. Oxfam explique qu’en Ouganda, durant l’enquête de terrain réalisée par ses partenaires, les réunions avec les communautés sur l’impact du projet EACOP ont été perturbées plusieurs fois par un des sous-traitant de Total, NewPlan : « en plus de retarder les consultations, ces intru-sions ont également affecté la capacité des membres de la communauté à s’exprimer librement »114.

3 Le manque de réaction de Total

Même si certaines violations sont commises par les forces de police ou autorités ougandaises, et que pour beaucoup d’autres il est difficile d’identifier l’auteur ou commandi-taire, il n’en reste pas moins que les atteintes sérieuses dont sont victimes les défenseur·se·s des droits sont liées à leur activisme à l’encontre des projets Tilenga et EACOP menés par Total. Il appartient à la multinationale de sus-pendre ses activités tant que les communautés affectées ne peuvent pas faire valoir leurs droits dans un contexte sûr, et que les associations qui les soutiennent ainsi que les journalistes qui couvrent leur combat ne peuvent pas opérer librement. Pourtant, les risques pour les défen- seur·se·s ne sont même pas identifiés dans le plan de vigi-lance de Total.

On distingue malheureusement une vraie contradiction entre ce que dit Total et la réalité sur le terrain. Lors

d’un entretien avec la FIDH, Total aurait reconnu que les mécanismes de plainte en place n’avaient pas nécessaire-ment été adéquats pour résoudre les plaintes déposées par ou pour les défenseur.se.s des droits, et aurait d’ail-leurs proposé d’établir un mécanisme d’alerte pour leur protection. Mais la FIDH rapporte également que, lorsque les problèmes auxquels font face les communautés et les défenseurs des droits sont portés à l’attention des agents de liaison avec les communautés de Total (« Community Liaison Officers » ou « CLO ») et des autorités, ces derniers sont « rapidement enclins à faire des remarques hostiles sur les membres des communautés qui tentent de faire valoir leurs droits, les décrivant souvent comme des men-teurs ou des spéculateurs tentant d’obtenir de l’argent au travers des mécanismes de compensation »115.

La FIDH s’alarme également du fait que Total leur a confié prévoir conclure un accord avec les autorités ougandaises concernant le déploiement de la police pétrolière, et ce, sans prendre la mesure des risques associés : « Les risques de violations des droits humains liés à ces accords ont été mis en évidence lors des échanges [avec Total] - et illustrés par des cas antérieurs d’abus par les forces de police ougan-daises - et sont identifiés par le Plan de vigilance de Total S.A., publié en mars 2020, comme l’un des risques liés à ses opérations en général. Mais l’entreprise n’a pas pu ou n’a pas voulu partager des informations sur les mesures qu’elle pré-voit de prendre pour prévenir ou atténuer des abus similaires à l’avenir, outre l’engagement de procéder à une « vérifica-tion juridique et sécuritaire » du contrat. De plus, les termes du protocole d’accord resteront confidentiels »116.

Total continue également de manquer de transparence. Tandis que le groupe affirme avoir diligenté une enquête interne au sujet des pressions subies pas nos deux témoins, concluant que ces faits ne peuvent être attribués à aucun de ses employés directs ni ceux de son sous-traitant, Ata-cama, aucun détail n’est donné sur ces investigations dont le résultat n’est pas public et donc invérifiable117.

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DES RISQUES DE DOMMAGES IRRÉVERSIBLESPOUR L’ENVIRONNEMENT ET LE CLIMAT 1 Rappel des principaux impactS des projets Tilenga et EACOP

Dans notre précédent rapport, nous avions réalisé une analyse détaillée des risques environnementaux des pro-jets Tilenga et EACOP118, que nous rappelons ici de façon résumée.

Total prévoit de forer plus de 400 puits dans le cadre du projet Tilenga, répartis entre 34 plateformes pétrolières. Un tiers de ces plateformes pétrolières – regroupant un total de 132 puits, et potentiellement 39 supplémen-taires - est situé à l’intérieur même du Parc National des Murchison Falls. Il est important de comprendre que même les puits se trouvant à l’extérieur du parc vont avoir indéniablement un impact sur sa biodiversité, de par leur proximité avec cette aire naturelle, protégée depuis 1926.

Parmi les 181 km de pipelines qui seront construits pour le projet Tilenga, une partie sera également dans le parc, dont un qui passera sous le Nil Victoria, nécessitant de grandes tranchées. Des routes seront aussi construites à l’intérieur du parc, et environ 600 trajets de poids lourds sont prévus chaque mois dans le parc lors de la phase de construction et plus de 2 000 trajets de véhicules par jour, soit 61 600 par mois, entre les différents puits lors de la

phase d’exploitation. Un système de pompage de l’eau du lac Albert sera également installé sur les berges du lac, dont plus de 9 millions de litres cubes seront prélevés chaque année pour l’injecter dans les réservoirs afin de maintenir la pression119.

Le projet Tilenga met donc en danger la biodiversité du Parc des Murchison Falls, les cours d’eau dont les commu-nautés dépendent pour leur quotidien, le lac Albert qui contient environ 30 % des pêcheries en Ouganda, ainsi que les sols dont les paysans dépendent pour l’agriculture, et l’air qu’ils respirent. Ces nombreux risques irréversibles pour l’environnement se rajoutent aux risques inhérents à toute activité pétrolière : fuites, fumées, rejet d’eaux usées et surtout réchauffement climatique. Ce seul dernier critère devrait conduire à l’abandon du projet : selon les travaux du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), 80 % des réserves fossiles déjà connues doivent rester dans le sol pour ne pas dépasser les 2°C de réchauffement. Cela veut dire concrètement renoncer à certains projets en cours, et n’exploiter aucun nouveau gisement, comme ici le projet Tilenga120.

L’oléoduc EACOP, quant à lui, traversera une région riche en biodiversité, et aura des impacts environnementaux désastreux (voir carte p.27). Il va ainsi passer par plusieurs

Chapitre IV

25UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 26

zones protégées et corridors fauniques121 et sera proche de nombreux sites protégés par la convention de Ram-sar122. En Ouganda, l’oléoduc traversera la rivière de Kabale ainsi que des zones humides. En Tanzanie, il traversera le lac Tanganyika et 35 autres cours d’eau. Il affectera éga-lement le lac Albert, source du Nil, et plus de 400 km du tracé traverseront le bassin du lac Victoria, le deuxième plus grand lac d’eau douce au monde dont des millions de personnes de cette région dépendent123.

L’écologiste américain renommé Bill Mc Kibben s’indigne ainsi dans le New Yorker : « L’itinéraire proposé semble presque dessiné pour mettre en danger le plus grand nombre d’animaux possible : les plateformes de forage se trouvent dans le parc national de Murchison Falls, en Ouganda, et l’oléoduc traverse la réserve forestière de Taala et empiète sur la forêt de Bugoma (qui abrite de grands groupes de chimpanzés) avant de traverser la Tanzanie et la réserve de Biharamulo, où vivent des lions, des buffles, des élans, des petits koudous, des impalas, des hippopotames, des girafes, des zèbres, des antilopes rouannes, des sitatun-gas, des sables, des oryctéropes et le singe colobe rouge. L’oléoduc parvient également à traverser la steppe de Wem-bere, un paradis saisonnier pour les oiseaux, et des centaines de kilomètres carrés d’habitat pour les éléphants. [...] Et, une fois l’oléoduc arrivé en Tanzanie, des navires pétroliers de la longueur de trois terrains de football tenteront de transpor-ter le pétrole à travers les mangroves et sur les récifs coral-liens, dans des eaux grouillantes de dugongs et de tortues de mer »124.

L’oléoduc menace donc l’accès à l’eau et à la nourriture de millions de personnes dans la région ; il traversera des forêts, des zones humides et des mangroves, par-ticipant à la déforestation, à la destruction de la biodi-versité et des moyens de subsistance des communautés locales, ainsi qu’au réchauffement climatique125.

Les projets Tilenga et EACOP se situent également dans une zone à forts risques sismiques, particulièrement autour du district de Bukoba, en Ouganda, ce qui augmente les risques d’accidents et de fuites.

2 Des études d’impact défaillantes

Malgré ces risques, les études d’impact social et envi-ronnemental réalisées par Total sont clairement défail-lantes, tant en termes de processus – les communautés et la société civile ne sont pas réellement consultées – qu’en termes de contenu. En effet, les risques ne sont pas proprement identifiés et les mesures d’atténuation des risques et impacts résiduels manquent, comme nous l’indiquions dans notre précédent rapport et comme l’ana-lysent de nombreux rapports126. En outre, l’ESIA sur la par-tie tanzanienne du projet, qui a déjà été approuvée par le gouvernement, n’a pas fait l’objet d’audiences publiques

pour consulter les populations affectées, la législation tan-zanienne ne prévoyant pas cette possibilité127.

Pour un projet pétrolier d’une telle envergure (environ 200 000 barils de pétrole par jour), il est très étonnant de voir que dans l’ESIA, l’entreprise estime que « l’importance de l’impact des émissions de GES (gaz à effet de serre) a été jugée comme étant insignifiante à modérément négative »128.

Le groupe de consultants E-Tech, spécialisé dans les impacts environnementaux des industries extractives, a analysé à la fois l’ESIA de Tilenga, et celui d’EACOP (pour la section tanzanienne).

Tilenga

En ce qui concerne le projet Tilenga, E-Tech alerte de façon préoccupante :  « l’aire centrale de la potentielle réserve de biosphère de l’UNESCO (le Parc National des Murchison Falls) serait altérée de manière irréversible » par le projet129. Malgré cela, de nombreux manquements sont identifiés dans l’étude, qui décrit le choix de la méthode d’extraction du pétrole de Total au sein du parc comme « une approche de coût minimal, impact maximal sur la sur-face » contrevenant aux meilleures pratiques internatio-nales que Total se targue pourtant de respecter.

L’étude note que l’ESIA ne contient pas d’analyse de l’im-pact des puits sur la vie sauvage ni de mesures de miti-gation. L’étude note également que l’ESIA n’explique pas pourquoi les bonnes pratiques du milieu en termes de ges-tion des déchets et eaux usées n’ont pas été suivies, et dresse un constat alarmant : « Il n’existe pas, dans l’histoire de l’Ouganda, de gestion de décharge de déchets dangereux réussie, à un niveau nécessaire pour traiter les déchets liés au forage dans le cadre du projet Tilenga »130.

E-Tech conclut donc que « Total EP Uganda a fait le choix d’un modèle de développement à faible coût et à fort impact pour le projet Tilenga, compte tenu des risques que représente ce projet en matière de rentabilité »131.

EACOP

La même conclusion s’applique au projet EACOP. Alors qu’il est essentiel de s’assurer que les impacts de l’oléoduc soient le plus réduits possible, Total a choisi la méthode de construction la moins chère et la plus impactante, c’est-à-dire la méthode en tranchée à ciel ouvert (Open cut trenching), pour la majeure partie du tracé de l’oléoduc, dont la quasi-totalité des cours d’eau en Tanzanie et Ouganda. Le projet EACOP entraînera également la destruction de biomasse dans l’emprise de 30 mètres autour de l’oléoduc, puisqu’un corridor sera creusé lors de sa construction. Même si Total affirme que le corridor sera ensuite restauré, il est certain que les dommages causés à la biomasse autour

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 27

LÉGENDE

seront irréversibles. En outre, les meilleures pratiques de l’industrie recommandent que ce corridor soit de seulement 15 mètres, voir 10 dans les zones protégées132.

Selon plusieurs associations, l’ESIA ne contient pas de plan de gestion des déchets, notant que Total indique que celui-ci sera développé plus tard133. La gestion des déchets extraits des opérations pétrolières est pourtant

une source de pollutions importante : s’ils sont brûlés, les fumées endommageront la faune et la flore locales et causeront une pollution de l’air ; s’ils sont enfouis, alors les sols mais aussi les nappes phréatiques seront pollués. En raison de la haute dépendance des communautés à l’agri-culture, une contamination des sols aura indéniablement des effets désastreux sur leur santé134.

Projet EACOP : principaux écosystèmes menacés

Frontières nationales

Plans d'eau

Projet d'oleoduc

Zones humides Ramsar

Aires protégées

Zones de conservation menacées

Plans d'eau menacés

Zones importantes pour la biodiversité

Source : SEI/IGSD, East African Crude Oil Pipeline Risks, 2020 (à paraître)

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 28

Le constat de l’étude d’E-Tech est encore une fois alar-mant : « des fuites de pétrole vont avoir lieu au long de la durée de vie du projet »135. Malgré le caractère incontrôlable de ces fuites - qui ont lieu même dans des pays où les règles sont encore plus strictes136 - l’ESIA de Total les considère comme un risque faible, alors même que certaines fuites ont déjà eu lieu en amont (upstream)137. Dans sa réponse au rapport d’Oxfam, Total déclare ainsi qu’« il est peu pro-bable qu’un déversement majeur se produise compte tenu du type de pétrole » et reconnaît qu’aucun plan d’intervention en cas de fuites pétrolières n’a encore été rendu public, mais qu’ils seront « finalisés avant la mise en service de l’oléo-duc lorsque les hydrocarbures seront introduits dans le sys-tème »138. Ces plans devraient pourtant être rendus publics et soumis à consultation bien avant toute approbation de la construction de l’oléoduc.

L’ESIA ne contient pas non plus de mesures de prévention visant à limiter l’impact sur les réserves forestières ni de mesures de sécurité visant à prévenir les feux ou autres accidents. La question de l’impact de la construction d'une partie de l’oléoduc dans des zones humides et rivières, notamment sur le débit de l’eau et sur les communautés vivant en aval des cours d’eau n’est pas non plus discutée. Enfin, l’impact de l’oléoduc sur le climat est minimisé dans l’ESIA, dont les calculs ne comprennent pas les émissions de gaz à effet de serre indirectes résultant de l’utilisation des 10,9 millions de tonnes de pétrole qui seront transportées dans l’oléoduc, quand elles seront brûlées – cela équivaut à 34,3 millions de tonnes de CO2 par an entre 2025 et 2029139, soit bien plus que les émissions combinées de l’Ouganda et de la Tanzanie.

3 Des documents clés toujours manquants

Des documents clés liés à l’impact environnemental des projets et mentionnés dans les ESIA n’étaient (et pour cer-tains, ne sont toujours) pas publics, malgré les demandes répétées de la société civile ougandaise. En particulier, aucune des ESIA ne contient les plans de gestion sociale et environnementale (PGES). Il est ainsi impossible d’ana-lyser la suffisance des mesures d’évitement, de réduction et de compensation des risques.

Pour le projet Tilenga, ceux-ci furent finalement partagés avec un cercle restreint d'associations en juillet 2020, soit plus de deux ans après la publication de l’ESIA et près d’un an et demi après son approbation alors qu’ils devaient en faire partie intégrante. Malgré ce retard, les organi-sations de la société civile n’ont eu qu’une quinzaine de jours pour revoir les 1774 pages des 28 plans de gestion. Le 7 août 2020, plusieurs organisations ougandaises ont écrit à NEMA, l’autorité environnementale, lui demandant de résoudre les illégalités et irrégularités de la consul-tation publique portant sur ces PGES140. Malgré le délai inacceptablement court qu’elles ont eu, les organisations ont remarqué que des éléments clés manquaient, notam-ment un descriptif des risques (« statement of risk »), une liste des parties prenantes et de leurs rôles en lien avec les risques identifiés, et surtout, un calendrier de mise en œuvre des mesures de mitigation. En ce qui concerne les PGES de l’EACOP, lors d’une réunion avec les parties pre-nantes, le directeur de projet, Mr Marchenko, notait que ceux-ci seront appliqués si l’ESIA est approuvée141. L’étude E-Tech recommande de façon évidente que ceux-ci soient revus et approuvés par des audits indépendants avant que la construction ne commence142.

Un recours en justice en Ouganda pour faire annuler le certificat environnemental

Le processus de consultation concernant l’étude d’im-pact social et environnemental (ESIA) du projet Tilenga fait l’objet d’un recours en justice déposé en mai 2019 par notre partenaire AFIEGO, contre l’autorité nationale pour la gestion de l’environnement (NEMA) ainsi que l’autorité pétrolière d’Ouganda (PAU) devant la Haute Cour de Kam-pala (high court)143. L’association affirme que le processus d’approbation de l’ESIA du projet ne respecte pas le droit ougandais et demande donc que le certificat d’évaluation environnementale accordé au projet en avril 2019 soit annulé.

Le recours est intenté en raison de nombreuses irrégula-rités dans la tenue des audiences publiques. Notamment,

tous les documents relatifs au projet (notamment les RAP) n’ont pas été communiqués au public en amont, alors qu’ils forment partie intégrante de l’ESIA sur laquelle les com-munautés devaient s’exprimer. De plus, il est allégué un conflit d’intérêt contraire à la loi ougandaise, puisque la personne qui présidait ces consultations publiques, Fred Kabagambe Kaliisa, était à l’époque conseiller du Président Museveni sur les sujets liés au pétrole, après avoir été Secré-taire permanent au Ministère de l’énergie et des mines.

La dernière audience au tribunal a eu lieu en novembre 2019, et une autre était prévue pour juin, mais la procé-dure ne cesse d’être retardée. Une audience est prévue pour le 27 octobre 2020, lors de laquelle les plaignants ainsi que les fonctionnaires de NEMA et PAU seront enten-dus. Si le recours est couronné de succès, le certificat sera annulé, et les autorités devront faire machine arrière, organiser de nouvelles audiences publiques et collecter les commentaires du public.

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CONCLUSION : DES PROJETS IMPOSÉSMALGRÉ LES ALERTES ET LES CRITIQUESNos organisations ont lancé l’alerte en France il y a plus d’un an : le méga-projet pétrolier mené par Total en Ouganda et Tanzanie est en train d’entraîner des violations des droits humains dramatiques, et ses conséquences à venir sur les populations, l’environnement et le climat font craindre le pire. Nous appelions à agir d’urgence pour faire cesser ces violations et empêcher qu’elles ne se répètent en touchant davantage de familles.

Notre action rejoignait celles de nos partenaires ougan-dais déjà mobilisés depuis plusieurs années dans leur pays, et qui n'avaient eu de cesse d’interpeller la multinationale pétrolière sur les risques environnementaux à venir et sur la dégradation des conditions de vie des communautés affectées avant même que le projet ne commence. Alors qu’en 2019 nous dénoncions le fait que quelques milliers de personnes avaient perdu leurs moyens de subsistance, notre dernière enquête et celles d’autres associations montrent que ce sont aujourd’hui des dizaines de milliers de personnes qui attendent une compensation depuis plus de deux ans, et se retrouvent totalement démunies, souffrant de l’accaparement de leurs terres, dont leur sur-vie dépend pourtant, du fait des projets Tilenga et EACOP.

Ces terres sont saisies et ces projets sont imposés en l’ab-sence totale de consentement préalable, libre et informé des communautés, dans un contexte où les intimidations et le harcèlement des défenseur.se.s des droits, et de toute voix critique du développement pétrolier, se multiplient.

Afin de faire face, le mouvement contre les projets Tilenga et EACOP grossit. Les ONG locales et internationales ainsi

que les journalistes continuent d’enquêter et de documen-ter les violations, et d’attirer l’attention du public et des dirigeants de Total. En à peine un mois, les signatures de plus d’un million de personnes ont été réunies au niveau mondial, demandant au PDG de Total, Patrick Pouyanné, d’annuler d’urgence la construction de l’EACOP et de cesser le projet Tilenga144.

Malgré cette mobilisation croissante et cette longue liste de violations dont l’entreprise a bien connaissance, Total fait la sourde oreille. Au contraire, la multinationale estime que « les conditions sont en place pour l’accélération des activités du projet et, en particulier, [qu'elle va] reprendre les acquisitions de terres en Ouganda tout en respectant les meilleurs standards de droits humains »145. Elle continue son projet à marche forcée, essayant encore une fois d’échap-per à ses responsabilités malgré ses obligations légales imposées notamment par la loi française sur le devoir de vigilance.

Une vaste campagne sur les « bénéfices » qu’apporteraient la production de pétrole à l’Ouganda est en place jusqu’en novembre146. La France, par le biais de son ambassadeur en Ouganda, participe activement à cette campagne, en contradiction avec son discours en faveur des droits humains et de l’écologie147.

Les coûts humains, climatiques et environnementaux du méga-projet pétrolier de Total sont inacceptables, nos associations considèrent donc qu’il doit simplement être mis à l’arrêt, et qu’une réparation doit être apportée aux communautés affectées.

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RÉFÉRENCES1 Voir notamment le site internet dédié au projet EACOP.

2 Tilenga Resettlement Action Plans (RAPs 2, 3a, 3b, 4 & 5) Executive Summary, septembre 2020, p. 138.

3 D’après les informations données par Total à Oxfam les 21 juillet et 17 août 2020, le projet EACOP provoquera le déplacement d’en-viron 14 000 familles. Les statistiques sur la taille moyenne d’une famille variant entre 4,5 (à partir d’une enquête démographique par district réalisée en 2014) et 6,5 personnes par foyer (à partir des chiffres fournis par Total pour les plans de réinstallation du projet Tilenga), on estime entre 63 000 et 91 000 le nombre de personnes affectées par le projet EACOP, dont plus des deux tiers en Tanzanie.

Total fait la distinction entre les personnes « physiquement dé-placées » (qui vont perdre leur logement et les terres où elles ré-sident), et les personnes « économiquement déplacées » (qui vont perdre des biens (y compris des terres) ou l’accès à des biens, en-traînant la perte de sources de revenus ou de moyens de subsis-tance). Voir Total East Africa Midstream BV, Social and Resettlement Services for the East African Crude Oil Pipeline, Tanzanian Section Re-settlement Policy Framework, septembre 2018, pp. 23-24.

4 Pour plus de détails sur le LARF, voir Amis de la Terre France et Survie, Manquements graves à la loi sur le devoir de vigilance : le cas TOTAL en Ouganda, octobre 2019, pp. 9-13 (ci-après « Rapport Amis de la Terre France et Survie »).

5 À noter que la compagnie pétrolière nationale ougandaise (UNOC) possède un droit de préemption de 15 %.

6 En plus des 575 millions de dollars, « seront en outre versés à Tullow des paiements conditionnels, indexés sur la production et sur le cours du pétrole dès que les prix du Brent seront supérieurs à 62 dollars le baril ». Voir le communiqué de presse de Total, « Total ac-quiert l’intégralité des parts de Tullow dans le projet du lac Albert en Ouganda », 23 avril 2020.

7 Oxfam France, L’argent du pétrole - Le jeu trouble des Pays-Bas en Ouganda : lumière sur une convention fiscale qui prive le pays d’une juste part de ses revenus pétroliers, octobre 2020, p. 19.

8 Communiqué de Total du 23 avril 2020, op. cit. ; « Tullow Oil : agrees sale of its entire stake in the Lake Albert Development Pro-ject in Uganda to Total for US$575 million in cash plus post first oil contingent payments », in Marketscreener, 23 avril 2020.

9 Oxfam France, op. cit., p. 4.

10 « Total signe un accord pour un oléoduc de 3,5 milliards de dol-lars en Ouganda », in Dow Jones, 14 septembre 2020.

11 Message du président Museveni sur Twitter, 13 septembre 2020.

12 Rapport Amis de la Terre France et Survie, op. cit.

13 Tilenga Project, Resettlement Action Plan 1 (RAP 1), janvier 2018 (ci-après « RAP 1 »), p. 40 : « Le nombre total de ménages touchés est de 601, pour une population totale de 4 773, soit une moyenne de 7,9 personnes par ménage ».

14 Article 26 de la Constitution de la République d’Ouganda (1995) : « la prise de possession ou l’acquisition forcée de biens est faite en vertu d’une loi qui exige - (i) le paiement rapide d’une indemnisation juste et adéquate, effectuée préalablement à la prise de possession ou à l’acquisition des biens ». Disponible ici. Pour plus de détails, voir également Rapport Amis de la Terre France et Survie, op. cit., pp. 19-21.

15 Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et Foundation for Human Rights Initiative (FHRI), New Oil, Same Bu-siness? At a Crossroads to Avert Catastrophe in Uganda, septembre 2020 (ci-après « Rapport FIDH »), pp. 45-52 et 65. Ce rapport cite plusieurs références dans la jurisprudence ougandaise, tel que Sheema Cooperative Ranching Society & 31 Ors v Attorney General

[2013] High Court Of Uganda, Civil suit: No. 103 of 2010, 23 février 2013.

16 Advocates for Natural Resources Governance and Development, Irumba Asumani, Peter Magelah vs. Attorney General Uganda and National Roads Authority, Constitutional Petition No. 40 of 2013 : la Cour constitutionnelle a annulé l'article 7, paragraphe 1, de la loi sur l'acquisition de terres, le jugeant incompatible avec l'article 26, paragraphe 2, de la Constitution ougandaise de 1995, dans la mesure où la loi ne prévoyait pas le paiement préalable d'une in-demnisation avant que le gouvernement n'acquière ou ne prenne possession de manière forcée des biens d'une personne, cité dans Rapport FIDH, op. cit., p. 65.

17 Rapport FIDH, op. cit. p. 50 : « Dans l’affaire Endorois, la Commission africaine a estimé que l’indemnisation devait être complète, rapide, équi-table et juste. Le critère clé pour évaluer l’équité de l’indemnisation était la libre acceptation par les victimes ».

18 RAP 1, op.cit., p.14 : « L’acquisition de terres et la réinstallation de-vraient être conçues comme une opportunité d’améliorer les moyens de subsistance et le niveau de vie des PAP ».

19 Voir une description détaillée des problèmes afférents au mode de compensation, à la méthodologie utilisée pour l’évaluation et aux taux d’indemnisation des terres, des habitations et des cultures dans Rapport Amis de la Terre France et Survie, op. cit., pp. 11-19. Voir également Rapport FIDH, op. cit., p. 60.

20 Voir également l’annexe 2 du Rapport FIDH (op.cit) : « Comple-mentary elements on the institutional and legal framework on the right to land in Uganda ».

21 SFI, Normes de performance en matières de durabilité sociale et environnementale, 2012.

22 SFI, Notes d’orientation sur les normes de performance en ma-tière de durabilité environnementale et sociale, 2012, p. 17.

23 Voir les références citées dans les notes 14 à 17.

24 Voir les sources citées dans le rapport Amis de la Terre et Sur-vie, op. cit., ainsi que deux rapports récents, fondés sur deux ans d’enquête :- Rapport FIDH, op. cit.- Oxfam America, Global Rights Alert (GRA), Civic Response on En-vironment and Development (CRED) et Northern Coalition on Ex-tractives and Environment (NCEE), Empty Promises Down the Line ? A Human Rights Impact Assessment of the East African Crude Oil Pi-peline, septembre 2020, ci-après « Rapport Oxfam ».Leurs constatations, résumées dans Pétrole en Afrique de l’Est : les communautés en danger, sont le résultat de deux ans de re-cherches indépendantes complémentaires mais propres à chaque organisation.

25 Témoignage recueilli dans le village de Kisomere, district de Buliisa, le 7 août 2019.

26 Témoignage recueilli dans le village de Kisomere, district de Buliisa, le 7 août 2019.

27 Témoignage recueilli dans le village de Kasinyi, district de Bulii-sa, le 24 août 2019.

28 Témoignage recueilli dans le district de Buliisa, le 31 mai 2019.

29 Total, Compte-rendu de mise en œuvre du plan de vigilance, in Document Universel 2019, p. 112.

30 Témoignage d’un PAP affecté par le RAP 5, recueilli le 12 juin 2020 dans le district de Buliisa.

31 Témoignage d’un PAP affecté par le RAP 3A, recueilli le 12 juin 2020 dans le district de Buliisa.

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 31

32 Témoignage recueilli le 11 septembre 2020.

33 « Project Affected Persons frustrated over delayed compensation », in Oil in Uganda, 25 décembre 2019 (traduction française).

34 Rapport Oxfam, op. cit., p. 106, note 331: Total/EACOP, réponse aux questions supplémentaires d’Oxfam, 21 juillet 2020.

35 Rapport Oxfam, op. cit., p. 60.

36 Témoignage recueilli en septembre 2020.

37 Rapport FIDH, op. cit., p. 63.

38 Rapport Oxfam, op. cit., pp. 31 et 59.

39 Témoignage d’une femme affectée par le projet Tilenga et vi-vant dans le village d’Uduk 2, dans le district de Buliisa, recueilli en septembre 2020.

40 Différents témoignages recueillis en septembre 2020 ; Réunion organisée par AFIEGO et 350.org Africa les 21 et 22 septembre 2020 à Kampala.

41 Témoignage recueilli en septembre 2020.

42 « Champion environmental conservation and community liveli-hoods over the EACOP », lettre ouverte aux présidents ougandais et tanzanien signée par 15 ONG, 15 septembre 2020 (traduction fran-çaise).

43 Rapport Oxfam, op.cit, p. 69.

44 Rapport FIDH, op.cit, p. 92.

45 Pour une description détaillée de ces violations et des normes nationales et internationales qui ne sont pas respectées par Total, voir Rapport Amis de la Terre France et Survie, op.cit., pp. 8-28.

46 Témoignage recueilli dans le sous-comté de Nabigasa, dans le district de Kyotera, en septembre 2020.

47 Témoignage d’une PAP affectée par l’EACOP, recueilli dans le sous-comté de Lwengo du district de Lwengo, première quinzaine de septembre 2020.

48 Témoignage recueilli lors d’une discussion collective organisée dans le sous-comté de Kisiita, dans le district de Kakumiro, affecté par le projet EACOP, durant la seconde quinzaine de septembre 2020.

49 Rapport Oxfam, op.cit, p. 58.

50 Rapport Oxfam, op.cit, p. 60.

51 Rapport FIDH, op.cit, p. 64.

52 SFI, Normes de performance en matières de durabilité sociale et environnementale, 2012, p. 8.

53 SFI, Notes d’orientation sur les normes de performance en ma-tière de durabilité environnementale et sociale, 2012, p. 17.

54 Rapport FIDH, op.cit, pp. 49 et 72.

55 Selon les propres statistiques utilisées par Atacama, de 93 à 99 % des PAP des RAP 2 à 5 de Tilenga vivent de l’agriculture. Voir la pré-sentation réalisée par Atacama en septembre 2020, p. 41.

56 Discussion de groupe réalisée la première quinzaine de sep-tembre dans le district de Buliisa.

57 Témoignage recueilli en septembre 2020.

58 Groupe de discussion impacté par le RAP 4, réuni la seconde quinzaine de septembre 2020.

59 Rapport Oxfam, op. cit, p. 60.

60 Rapport Oxfam, op.cit, p. 42.

61 Témoignage recueilli en septembre 2020.

62 Rapport Amis de la Terre France et Survie, op.cit., p. 21.

63 Témoignage recueilli en septembre 2020.

64 Convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, articles 7 et 16.

65 Total, « Informer et impliquer les populations et les acteurs

locaux », octobre 2019

66 Rapport FIDH, op.cit., p. 53.

67 Témoignages recueillis en septembre 2020.

68 Témoignage recueilli en septembre 2020.

69 « Oil pipeline compensation, hundreds face an uncertain future », reportage de NTV Ouganda, 12 juillet 2020.

70 Communiqué des ONG participantes à l’issue de la réunion or-ganisée par AFIEGO et 350.org Africa les 21 et 22 septembre 2020 à Kampala.

71 Témoignages recueillis en juin et septembre 2019 ; Rapport FIDH, op.cit., p. 73.

72 Le RDC est nommé par le président ougandais, et le représente ainsi que le gouvernement à l’échelle du district.

73 Témoignage recueilli en septembre 2020.

74 Rapport Amis de la Terre France et Survie, op. cit., pp. 13 & 25.

75 Rapport Oxfam, op.cit., po. 35 et 38.

76 Rapport FIDH, op.cit., p. 69.

77 Rapport FIDH, op.cit., p. 43.

78 Indice de l’état de droit du World Justice Project 2020 : l’Ouganda est classé 117 sur 128 ; la Tanzanie, 93 sur 128.

79 Rapport FIDH, op.cit., p. 43.

80 Rapport Amis de la Terre France et Survie, op. cit., pp. 11-19.

81 Témoignage recueilli durant la deuxième semaine de septembre 2020, district de Buliisa.

82 Témoignage recueilli le 11 septembre 2020 dans le sous-comté de Kiziranfumbi, district de Kikuube.

83 Rapport Amis de la Terre France et Survie, op. cit., pp. 16 et 18 ; Témoignages recueillis en juin et septembre 2020 dans tous les districts couverts par notre enquête en Ouganda.

84 Témoignage recueilli durant la deuxième semaine de septembre 2020, district de Buliisa.

85 Rapport Amis de la Terre France et Survie, op. cit., p. 14.

86 Rapport FIDH, op. cit., pp. 53-54, voir aussi note 61.

87 Témoignage recueilli en septembre 2020, district de Buliisa.

88 Témoignage recueilli durant la deuxième semaine de septembre 2020, district de Buliisa.

89 Rapport FIDH, op. cit., p. 54.

90 Rapport Oxfam, op. cit, p. 42.

91 Rapport FIDH, op. cit., p. 52 ; Rapport Oxfam, op. cit., p. 38.

92 Rapport Oxfam, op. cit., pp. 38-39.

93 Rapport FIDH, op. cit., p. 52 ; Rapport Oxfam, op. cit., pp. 38-39.

94 Rapport Oxfam, op. cit., p. 40.

95 Rapport Amis de la Terre France et Survie, op. cit., pp. 25 et 41.

96 Témoignages recueillis dans les sous comtés de Lwengo rural et Ndagwe, du district de Lwengo, septembre 2020.

97 Rapport Oxfam, op. cit., p. 40.

98 RAP 1, op. cit., p 107.

99 Selon le classement des libertés dans le monde, par l’associa-tion Freedom House (Global Freedom Status), l’Ouganda est classé comme « non libre » et la Tanzanie comme « partiellement libre », Freedom in the world 2020.

100 RSF, Classement mondial de la liberté de la presse 2020, où la Tanzanie est classée 124 et l’Ouganda, 125 sur 180.

101 Page du site de Freedom House sur l’Ouganda ; African De-fenders, « Uganda: human rights in peril as Covid-19 escalates in

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UN CAUCHEMAR NOMMÉ TOTAL 32

the face of the 2021 elections », 29 septembre 2020 ; Albertine Watchdog, « Environmental human rights defenders in the Alber-tine region under attack: the Tilenga oil development project raise these threats », 24 janvier 2020.

102 « Rights activists decry increasing attacks », reportage de NTV Uganda, 15 septembre 2020.

103 Page du site de Freedom House sur la Tanzanie ; Human Rights Watch, « Tanzania: Freedoms Threatened Ahead of Elections », sep-tembre 2020 ; Page du site de Defend Defenders sur la Tanzanie ; « Tanzania to build Stiegler’s Gorge dam in a wildlife reserve and Unesco site », in Lifegate, 9 janvier 2020.

104 Rapport FIDH, op. cit., p. 70.

105 African Defenders, « Uganda: human rights in peril as Covid-19 escalates in the face of the 2021 elections », 29 septembre 2020.

106 Selon le témoignage d’un des PAP qui fut arrêté, recueilli en septembre 2020.

107 Communiqué des Amis de la Terre France, Avocats Sans Fron-tières, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (un partenariat FIDH-OMCT) et Survie, « Ouganda : Libéra-tion immédiate pour les 9 journalistes et défenseurs arrêtés », 16 sep-tembre 2020 ; NTV news broadcast, 16 septembre 2020.

108 Message twitter de Fridays For Future, 26 septembre 2020

109 Amis de la Terre France, « Deux défenseurs en danger », 26 décembre 2019.

110 Interview de Dickens Kamugisha, publiée en septembre 2019 dans La Baleine 197, revue des Amis de la Terre France.

111 Interview dans Libération, « Projet pétrolier de Total en Ouganda : “J’ai dû fuir mon village” », 16 avril 2020.

112 Rapport FIDH, op. cit., p. 38.

113 Rapport FIDH, op. cit., p. 34, 3.

114 Rapport Oxfam, op. cit., p. 20. Le partenaire d’Oxfam a alerté les représentants de Total/EACOP à Kampala, et les interruptions se sont finalement terminées après trois intrusions.

115 Rapport FIDH, op. cit., p. 39.

116 Rapport FIDH, op. cit., p. 35.

117 Rapport FIDH, op. cit., p. 38.

118 Rapport Amis de la Terre France et Survie, op. cit, pp. 30-37.

119 Tilenga Project, Environmental and Social Impact Assessment, février 2019, (ci-après « ESIA Tilenga ») Vol. I, Tableau p. 200 (4-19) (puits JBR 01 à JBR 10), p. 270 (4-86) ; Vol. II, p. 475 (10-83)" ; E-Tech, Tilenga Project - Review of Adequacy of Mitigation in Environmental and Social Impact Assessment by Total Exploration and Production B.V. Uganda, 8 décembre 2019 (ci après, « Étude E-Tech ESIA Tilen-ga »), pp.1, 11, 18.

120 Oil Change International, Big Oil Reality Check, assessing oil and gas company climate plans, septembre 2020.

121 Parc National des Murchison Falls, aire ouverte de Talawai, zone protégée pour animaux de Kitwai et Handeni, et la forêt pré-servée de Ruiga River forest preserve.

122 Dont les zones humides de Murchison Falls-Albert Delta, du lac Mburo-Nakivali, de Nabajjuzi, du Lac Nabugabo, de la baie de Mabamba, et de Lutembe Bay.

123 Rapport Oxfam, op. cit., pp. 18 et 71 ; Rapport FIDH, op. cit., pp.94-95 et 114-131 ; CSO Memorandum presenting weaknesses and gaps in the EACOP ESIA Report and recommendations to NEMA for ac-tion, 26 août 2019 ; E-Tech, Review of Adequacy of Environmental Mi-tigation in the ESIA for the Tanzania Section of the East Africa Crude Oil Pipeline – Commissioned by Oxfam, 25 juin 2019 (ci-après « Étude E-Tech ESIA EACOP »), p. 6; AFIEGO et Banktrack, « Why is Standard Bank embroiled in the financing of the potentially disastrous East Africa oil pipeline? », in Daily Maverick, 18 juin 2020.

124 Tribune de Bill Mc Kibben dans The New Yorker, « With a New Pipeline in East Africa, an Oil Company Flouts France’s Leadership

on Climate », 10 septembre 2020.

125 « Champion environmental conservation and community live-lihoods over the EACOP », lettre ouverte aux présidents ougandais et tanzanien signée par 15 ONG, 15 septembre 2020 (traduction française) ; Rapport Oxfam, op. cit., p. 73.

126 Commission néerlandaise pour l’évaluation environnementale et sociale (NCEA), Review of the Environmental and Social Impact Assessment Report for the Tilenga Project, Uganda, 26 july 2019; Civil Society Coalition on Oil and gas (CSCO) Review of the environmental and social impact assessment report of the Tilenga Project, Civil So-ciety Organizations’ Comments and Recommendations Submitted to The National Environment Management Authority (NEMA), novembre 2018; CSO Memorandum of proposals to the NEMA on the Tilenga Project ESIA, 9 novembre 2018.

127 AFIEGO, Compte-rendu résumé de la réunion entre les OSC et l’équipe développement de l’EACOP, février 2020, p. 6, rappor-tant les propos du directeur de projet, Mr Marchenko (ci-après « Compte-rendu AFIEGO ») (original en anglais).

128 ESIA Tilenga, op. cit., Vol. II, p. 109 (6-102).

129 Étude E-Tech ESIA Tilenga, op. cit., p. 2.

130 Étude E-Tech ESIA Tilenga, op. cit., pp. 5 et 15-16; voir aussi ESIA Tilenga, Vol. II, p. 699 (12-40).131 Étude E-Tech ESIA Tilenga, op. cit., p. 1.132 Rapport Oxfam, op. cit., p. 71 ; Compte-rendu AFIEGO, op. cit., p. 5 ; Étude E-Tech ESIA EACOP, op. cit., pp. 1 et 5-6.133 « Champion environmental conservation and community live-lihoods over the EACOP », lettre ouverte aux présidents ougandais et tanzanien signée par 15 ONG, 15 septembre 2020 (traduction française); EACOP Environmental and Social Impact Assessment, août 2019, Vol. I, pp. 2-64.134 Rapport Oxfam, op. cit., p. 72.135 Étude E-Tech ESIA EACOP, op. cit., p. 13.136 Voir par exemple l’oléoduc de Keystone aux États-Unis qui a eu deux énormes fuites en deux ans, la dernière causant le déverse-ment de 1 449 808 litres (383 000 gallons) de pétrole, « Keystone Pi-peline leaks 383,000 gallons of oil in second big spill in two years », in Washington Post, 1 novembre 2019.137 Rapport Oxfam, op. cit., p. 72 ; « Oil spill scare causing panic in Hoima District », in Daily Monitor, 4 avril 2020.138 Réponse de Total au rapport Oxfam, 10 septembre 2020.139 Étude E-Tech ESIA EACOP, op. cit., p. 17 ; CSO Memorandum pre-senting weaknesses and gaps in the EACOP ESIA Report and recom-mendations to NEMA for action, 26 août 2019, p. 4; Compte-rendu AFIEGO, op. cit., p. 4. 140 CSO concerns regarding irregular and illegal Tilenga ESMPs review process by Total E&P (U) B.V, 5 août 2020 (traduction française)141 Compte-rendu AFIEGO, op. cit., p. 5.142 Étude E-Tech ESIA EACOP, op. cit., pp. 1 et 14-15.143 High Court of Uganda, AFIEGO v. NEMA & PAU, Miscellaneous Case No. 140 of 2019.144 Pétition d’Avaaz « Arrêtons cette folie Total(e) ».145 « Uganda, Tanzania agree to build long heated oil pipeline », in AP News, 13 septembre 2020 (traduction française)146 Message Twitter de NBS Television lançant la campagne #90DaysOilandMining, 26 août 2020.147 Message Twitter de l’ambassade de France en Ouganda, 29 septembre 2020.

Page 33: UN CAUCHEMAR NOMMe TOTAL - Amis de la Terre...quantes en raison de la convention fiscale entre les Pays-Bas et l’Ouganda »9. Un autre coup d’accélérateur à ces projets a été

La fédération des Amis de la Terre France est une asso-ciation de protection des droits humains et de l’envi-ronnement, à but non lucratif, indépendante de tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste fran-çais et à la formation du premier réseau écologiste mon-dial – les Amis de la Terre International – présent dans 75 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents.

Les Amis de la Terre France Mundo M 47 avenue Pasteur 93100 Montreuil +33 (0)1 48 51 32 22 [email protected]

Créée il y a 35 ans, l’association Survie décrypte l’ac-tualité franco-africaine et se mobilise contre la Fran-çafrique, qu’elle a fait connaître. Elle dénonce toutes les formes d’intervention néocoloniale française en Afrique et milite pour une refonte réelle de la politique africaine de la France. Elle rassemble les citoyens et citoyennes qui désirent s’informer, se mobiliser et agir.

Survie, via ses groupes de recherche, produit une ana-lyse régulière de la politique française en Afrique, publie des brochures et des livres, interpelle les élu.e.s et agit en justice. Elle compte plus de 1300 adhérent-e-s et une vingtaine de groupes et relais locaux dans toute la France.

Survie 21 ter rue Voltaire 75011 Paris +33 (0) 9 53 14 49 74 [email protected]

Rédaction Thomas Bart (Survie), Léa Kulinowski et Juliette Renaud (Amis de la Terre France)

Enquête : Maxwell Atuhura (NAVODA), Christopher Mahoi

Maquette Zelda Mauger

Crédits photo Lambert Coleman (pp. 3, 8, 22 et 33) ; Les Amis de la Terre (Couverture, pp. 9-21 et 23-29).

Nous remercions pour leurs contributions nos partenaires ougandais AFIEGO, CRED, NAPE / Amis de la Terre Ouganda et NAVODA, ainsi que nos avocats Me Louis Cofflard et Me Céline Gagey.

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survie.org

Rapport publié par les Amis de la Terre France et Survie en octobre 2020.