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Un challenge au jour le jour : le point de vue du patient The daily challenge of psoriasis: the patient’s point of view Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Annales de dermatologie (2009) 136, supplément 8, S467-S471 UNE MALADIE COMPLEXE : LE PSORIASIS D’après la communication de Madame Dalila Sid-Mohand Association Pour la Lutte Contre le Psoriasis, Hôpital Saint-Louis, Pavillon Bazin, 1 avenue Claude Vellefaux 75010 Paris, France Résumé Les objectifs de cette étude observationnelle étaient de connaître le vécu des patients présentant un psoriasis, dans le but d’améliorer l’information des patients, des médecins, des pharmaciens et des autorités sanitaires pour une prise en charge plus efficace de cette maladie, et d’évaluer l’impact économique des traitements pour la société et les patients. Quatorze mille questionnaires anonymes contenant 20 questions et explorant 5 dimensions de la maladie ont été envoyés au mois de décembre 2008 aux adhérents de l’Association Pour la Lutte Contre le Psoriasis (APLCP). Au total, 2 487 questionnaires ont été reçus et analysés. La population différait un peu de celle de la population française par une légère sous-représentation des hommes et une sur-représentation des personnes de plus de 55 ans. Environ 30 % des patients avaient un sentiment d’isolement. Quatre-vingt huit pour cent des patients déclaraient traiter leur psoriasis mais 60 % des patients trouvaient leurs traitements contraignants ; la contrainte de temps étant la plus fréquemment exprimée. Plus de 400 substances ont été citées alors qu’à peine une vingtaine de traitements a montré une réelle efficacité. La moitié des patients déclarait dépenser plus de 20 euros par mois pour des traitements non remboursés. Les sources d’information les plus fréquentes étaient de très loin les magazines de santé, la télévision, Internet et les forums sur Internet. Venaient ensuite, et avant les dermatologues, les associations de patients. Les patients ressentent en effet fortement un manque d’information et un manque d’éducation qui ne pourra être comblé que par une collaboration étroite entre le patient, son médecin et les associations de patients atteints de psoriasis. Ils souhaitent également sur le plan thérapeutique des traitements plus efficaces, d’action plus rapide, plus pratiques à utiliser notamment en termes de gain de temps et de texture et permettant des rémissions plus longues. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. MOTS CLÉS Psoriasis ; Qualité de vie ; Association

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Page 1: Un challenge au jour le jour : le point de vue du patient

Un challenge au jour le jour : le point de vue du patient

The daily challenge of psoriasis: the patient’s point of view

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected]

© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Annales de dermatologie (2009) 136, supplément 8, S467-S471

UNE MALADIE COMPLEXE : LE PSORIASIS

D’après la communication de Madame Dalila Sid-Mohand

Association Pour la Lutte Contre le Psoriasis, Hôpital Saint-Louis, Pavillon Bazin, 1 avenue Claude Vellefaux 75010 Paris, France

RésuméLes objectifs de cette étude observationnelle étaient de connaître le vécu des patients présentant un psoriasis, dans le but d’améliorer l’information des patients, des médecins, des pharmaciens et des autorités sanitaires pour une prise en charge plus efficace de cette maladie, et d’évaluer l’impact économique des traitements pour la société et les patients. Quatorze mille questionnaires anonymes contenant 20 questions et explorant 5 dimensions de la maladie ont été envoyés au mois de décembre 2008 aux adhérents de l’Association Pour la Lutte Contre le Psoriasis (APLCP). Au total, 2 487 questionnaires ont été reçus et analysés. La population différait un peu de celle de la population française par une légère sous-représentation des hommes et une sur-représentation des personnes de plus de 55 ans. Environ 30 % des patients avaient un sentiment d’isolement. Quatre-vingt huit pour cent des patients déclaraient traiter leur psoriasis mais 60 % des patients trouvaient leurs traitements contraignants ; la contrainte de temps étant la plus fréquemment exprimée. Plus de 400 substances ont été citées alors qu’à peine une vingtaine de traitements a montré une réelle efficacité. La moitié des patients déclarait dépenser plus de 20 euros par mois pour des traitements non remboursés. Les sources d’information les plus fréquentes étaient de très loin les magazines de santé, la télévision, Internet et les forums sur Internet. Venaient ensuite, et avant les dermatologues, les associations de patients. Les patients ressentent en effet fortement un manque d’information et un manque d’éducation qui ne pourra être comblé que par une collaboration étroite entre le patient, son médecin et les associations de patients atteints de psoriasis. Ils souhaitent également sur le plan thérapeutique des traitements plus efficaces, d’action plus rapide, plus pratiques à utiliser notamment en termes de gain de temps et de texture et permettant des rémissions plus longues. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

MOTS CLÉSPsoriasis ; Qualité de vie ; Association

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S468 D’après la communication de Mme D. Sid-Mohand

SummaryThe objectives of this study were to determine the point of view of patients presenting psoriasis so as to improve information to patients, physicians, pharmacists, and health authorities to provide more effective management of this disease and to evaluate the economic impact of treatments for society and patients. In December 2008, 14,000 anonymous questionnaires containing 20 questions exploring five dimensions of the disease were sent to members of the anti-psoriasis support group (Association Pour la Lutte Contre le Psoriasis, APLCP). A total of 2,487 questionnaires were returned and analyzed. The population differed slightly from the general French population by a slight under-representation of men over 55 years of age. Approximately 30 % of the patients felt isolated. Eighty-eight percent of the patients reported that they treated their psoriasis, but 60 % of them found their treatments inconvenient; time considerations were the most frequently expressed. More than 400 substances were cited, whereas only around 20 were truly effective. Half of the patients reported spending more than 20 euros per month for nonreimbursed treatments. The most frequently cited information sources were by far health magazines, television, internet, and internet forums. Patient support groups came next, before dermatologists. Patients felt strongly that there was a lack of information and education that could only be fulfilled in close collaboration between the patient, doctor, and support groups of psoriasis patients. They also expressed a need for more effective, faster-acting treatments that were more practical to use, notably in terms of time savings and texture, and providing longer remission periods. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Matériel et méthode

Quatorze mille questionnaires anonymes ont été envoyés au mois de décembre 2008 aux adhérents de l’APLCP. Le ques-tionnaire comprenait 20 questions explorant 5 dimensions : les caractéristiques sociodémographiques des patients, l’évaluation de leur maladie (ancienneté, forme clinique de psoriasis, surface corporelle atteinte, localisations, nombre de crises, durée des crises…), l’évaluation des traitements utilisés médicaux et autres, l’évaluation des coûts et des médicaments non remboursés par la sécurité sociale et des autres substances utilisées, l’évaluation des connaissances de la maladie et des sources d’information. Les patients renvoyaient leur questionnaire dans une enveloppe T jointe. L’analyse descriptive était planifiée en mars 2009 après saisie des résultats par huit personnes.

Résultats

Au total, 2 487 questionnaires ont été reçus et analysés. Les pour centages étaient calculés sur le nombre de répondants à chaque question.

Caractéristiques des patients

Parmi les répondants, les hommes étaient légèrement sous-représentés (45 %) par rapport à la population générale française (48,4 %). La tranche d’âge des plus de 55 ans était sur-représentée (56 %) par rapport à la population générale

Introduction

Le point de vue du patient est présenté à partir d’une enquête observationnelle réalisée par l’Association Pour la Lutte Contre le Psoriasis (APLCP) auprès de ses adhérents en collaboration avec les Laboratoires Genévrier. L’APLCP a été créée en 1983 ; elle est membre de l’International Federation of Psoriasis Associations (IFPA) et de la fédération européenne EUROPSO ; elle est accréditée depuis 1999 par les autorités françaises. L’APLCP regroupe 15 000 patients atteints de psoriasis et compte 18 délégués régionaux bénévoles et 6 points jeunes. Elle propose des conférences régionales d’information, des ateliers d’éducation (avec psy-chologues, coachs, dermatologues, infirmières, maquilleuses, rhumatologues), un accès à un site Internet (www.aplcp.org) et à une « hotline » téléphonique. Elle participe à des actions de communication grand public comme la Journée Mondiale du Psoriasis, à l’élaboration de brochures gratuites intitulées « Apsolu » et « la Malpeau » et à des programmes de recherche afin de faire progresser la prise en charge globale du psoriasis et suggérer les attentes des patients sur le plan thérapeutique mais aussi relationnel avec les médecins. L’APLCP est organisée autour d’un comité scien-tifique composé notamment de 20 dermatologues alors que l’association travaille également avec une centaine d’autres dermatologues hospitaliers ou libéraux.

Les objectifs de cette étude observationnelle étaient de connaître le vécu des patients présentant un psoriasis dans le but d’améliorer l’information des patients, des médecins, des pharmaciens et des autorités sanitaires pour une prise en charge plus efficace de cette maladie, et d’évaluer l’impact économique des traitements pour la société et les patients.

KEYWORDSPsoriasis; Quality of life; Lay-group

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(27 %). Les employés et ouvriers répondants n’étaient que 16 % contre 30 % dans la population française au profit des retraités qui étaient plus nombreux (55 %).

Caractéristiques de la maladie psoriasique

Ancienneté

Quatre-vingt pour cent des patients avaient un psoriasis depuis plus de 10 ans et 58 % vivaient avec leur psoriasis depuis plus de 20 ans.

Formes cliniques

Le psoriasis en plaques était la forme clinique la plus fréquente (77 %). Venaient ensuite le psoriasis en goutte (10 %), le psoriasis pustuleux (3 %) et l’arthrite psoriasique (0,1 %). Les formes cliniques multiples représentaient 9 % des patients.

Extension des lésions

La surface corporelle atteinte était inférieure à 2 % chez 24 % des patients ; entre 2 et 5 % chez 32 % des patients ; entre 5 et 10 % chez 19 % des patients ; supérieure à 10 % pour 25 % des patients.

Localisation des lésions

Les localisations les plus communes de la maladie étaient le cuir chevelu (75 %), les membres inférieurs (58 %), les genoux (52 %), les oreilles (50 %) et les membres supérieurs (48 %). Moins de 5 % des répondants étaient atteints aux ongles, au visage, aux parties génitales ou aux mains. De plus, 83 % des patients déclaraient avoir des zones bastions résistantes aux médicaments (42 % déclaraient avoir au moins 4 plaques bastions).

Notion de crise

Pour 64 % des patients, une crise s’arrête à la disparition du prurit et de la douleur. Soixante-trois pour cent des patients déclaraient être en crise en permanence (plus de 8 crises par an) et logiquement 54 % des répondants déclaraient avoir des crises d’une durée supérieure à 4 semaines. Les patients ayant une atteinte génitale et/ou périnéale étaient plus nombreux à souffrir de crises en permanence.

Relations sociales

Environ 30 % des patients avaient un sentiment d’isolement et un quart pensait être considéré comme malade par son entourage, qu’il soit proche ou professionnel. Ce sentiment d’isolement augmente avec les poussées de psoriasis. Contrairement à ce qui est habituellement décrit dans la

littérature, dans cette étude, les personnes ayant un niveau d’étude supérieur avaient un sentiment d’isolement plus important que les employés ou les retraités. Ce sentiment était plus marqué avec les relations professionnelles. Quatre-vingt-dix pour cent des patients estimaient qu’il est difficile de vivre au quotidien avec un psoriasis. Ils éprouvent des sentiments de gêne, de honte avec les collègues, les amis et même avec leur famille la plus proche. Lorsque la maladie est en rémission, ils déclarent changer leurs habitudes de vie, « ils se sentent revivre ». Ils se mettent à acheter de nouveau des vêtements, sortir ou faire du sport.

Traitements

Quatre-vingt-huit pour cent des patients déclaraient traiter leur psoriasis mais 60 % des patients trouvaient leurs traite-ments contraignants ; la contrainte de temps étant la plus fréquemment exprimée (Fig. 1). Plus de la moitié d’entre eux avait un traitement d’une durée supérieure à 10 jours. La fréquence des crises et la durée des traitements liées à la lenteur de l’efficacité sont des facteurs de mauvaise observance. L’ancienneté du psoriasis est également un facteur de moins bonne observance thérapeutique. Avec le temps, les patients sont fatigués, désespérés et effrayés par les effets secondaires des médicaments et particulièrement des corticoïdes.

Coûts

La difficulté de vivre avec un psoriasis est illustrée par la multitude des produits listés pour le traitement du psoriasis au cours de cette étude. Plus de 400 substances ont été citées alors qu’à peine une vingtaine de traitements a mon-tré une réelle efficacité. La moitié des patients déclarait dépenser plus de 20 euros par mois pour des traitements non remboursés (Fig. 2). Les produits dont la publicité fait appel à la rapidité d’action sont habituellement les plus attirants quelle que soit leur origine. Les patients atteints de psoriasis depuis plus de 20 ans étaient les plus enclins à dépenser mensuellement plus de 50 euros par mois pour des produits non remboursés (Fig. 3). Le comportement des patients récents était plus erratique.

Connaissances et information

À peine 5 % des patients déclaraient obtenir leur information auprès du dermatologue. Les sources d’information les plus fréquentes étaient de très loin les magazines de santé, la télévision, Internet et les forums sur Internet. Venaient ensuite et avant les dermatologues, les associations de patients (Fig. 4).

Cependant plus de 60 % des patients ignoraient que de nouveaux traitements étaient disponibles depuis les cinq dernières années. Il semblerait donc que l’information des grands médias ne soit pas suffisamment pertinente ou com-prise par les patients. La validation des informations par le dermatologue reste donc indispensable pour aider le patient à faire le tri dans la masse des informations disponibles.

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S470 D’après la communication de Mme D. Sid-Mohand

13%

16%

19%

19%

29%

5%

0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35%

Plus de 50 €

30 à 50 €

20 à 30 €

10 à 20 €

Moins de 10 €

0 € *

* = réponse spontanée

Figure 2. Produits non remboursés : dépenses mensuelles.

35 %

30 %

25 %

20 %

15 %

10 %

5 %

0 %

9% 9%

18%

27%

9,1 %

27,3%

22%

17%17%

10,9%

8%

2%

20%

23%22%

19%17%

12,3%

8,9% 5%

27%

20%

18%

13%

10,9%

6,7%

5%

23%

18%19%

16%

13,4%

6%6%

Moins de 1 an 1 à 5 ans 5 à 10 ans 10 à 20 ans Plus de 20 ans

0 * Moins de 10 10 à 20 20 à 30 30 à 50 Plus de 50 NR

36,1 % 47,9 % 48,3 % 41,9 % 48,4 %

Figure 3. Produits non remboursés : dépenses mensuelles et ancienneté du psoriasis.

Contraignant

Prend beaucoup de temps

Efficace

Pratique

Non efficace*

60 %

26 %

26 %

21 %

3 %

0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 %

En pourcentageNombre de questionnaires : 2487 Nombre de répondants : 2151 Non réponse : 336 % calculé sur la base du nombre de répondants

Figure 1. Opinion à l’égard des traitements actuels – plusieurs réponses possibles. Le premier reproche fait aux traitements actuels est la contrainte liée à l’application. Seul 1 répondant/4 considère son traitement efficace, opinion sans doute liée au caractère chronique du psoriasis.

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Conclusion

Quelles sont finalement les attentes des patients ? Ils souhaitent nouer une relation plus étroite avec le médecin responsable de la prise en charge de leur psoriasis afin de l’aider à avoir une meilleure compréhension de leurs problèmes et de leurs besoins. Les patients ressentent en effet fortement un manque d’information et d’éducation qui ne pourra être comblé que par une collaboration étroite entre le patient, son médecin et les associations de patients atteints de psoriasis. Ils sou-haitent également sur le plan thérapeutique des traitements plus efficaces, d’action plus rapide, plus pratiques à utiliser notamment en termes de gain de temps et de textures et permettant des rémissions plus longues.

Ce qu’il faut bien garder à l’esprit, c’est qu’aussi petite que soit une plaque de psoriasis, elle doit être pleinement prise en considération par le médecin si celle-ci représente une gêne importante pour le patient. La sévérité n’est pas liée uniquement à l’extension des lésions mais aussi et surtout au vécu du patient.

Conflits d’intérêts

Conférences : invitations en qualité d’intervenant (IBSA-Genévrier).

5%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%

2%

4%

5%

8%

10%

39%

50%

59%Magazines de santé

Emissions médicales à la TV

Internet via les moteurs de recherches sur la maladie

Internet via les forums de discussions

APLCP, Associations de malades

Dermatologue

Médecin généraliste

Bouche à oreille

Conférences médicales

Figure 4. Sources d’information.