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Actualités pharmaceutiques n° 478 Octobre 2008
Décrétée comme
grande priorité
nationale par le
président Nicolas
Sarkozy, la recherche
contre la maladie
d’Alzheimer semble
avoir franchi un grand
pas. C’est cependant
une équipe écossaise
et une société
de biotechnologies
de Singapour
qui s’illustrent
en découvrant
une molécule
ciblant directement
les protéines Tau.
Les résultats de ces
recherches ont été
présentés à l’occasion
de la Conférence
internationale sur la
maladie d’Alzheimer
qui s’est tenue fin
juillet à Chicago.
La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégé-nérative responsable de
démence qui touche près de 860 000 personnes en France et, selon une estimation datant de 2006, 26,6 millions dans le monde. Nul doute qu’avec l’allongement de l’espérance de vie et le vieillis-sement des populations occiden-tales – l’Organisation mondiale de la santé (OMS) prévoit que plus d’un milliard de personnes auront plus de 65 ans en 2050 –, sa prévalence ne va cesser de croître, l’OMS tablant même sur
un doublement du nombre de sujets atteints tous les 20 ans. Les efforts à accomplir sont donc considérables, d’autant qu’actuel-lement, à peine 30 % des malades sont traités en France.
Décrite depuis plus d’une décennie, mais encore mal connueLa maladie fut décrite dès 1907 par le docteur Aloïs Alzheimer mais sa pathogénie exacte, caractérisée par un déclin progressif de la mémoire, de l’idéation, de la compréhen-sion, du calcul, du langage, de la capacité d’apprendre et du jugement, n’est pas encore clairement élucidée. Néanmoins, l’intervention d’un certain nom-bre de mécanismes (dépôt de substance bêta-amyloïde, dégénérescences neurofibrillai-res constituées de protéines Tau hyperphosphorylées, mécanis-mes inflammatoires et oxydatifs, apoptose cellulaire...) est à ce jour identifiée.L’agrégation des protéines Tau est une cible fondamentale pour le contrôle de la maladie d’Alzheimer. Bien que leur rôle ne soit pas exactement connu, c’est justement vers ces agrégats de protéines Tau qu’un nouveau traitement est ciblé. Il est sim-plement supposé que ces pro-téines Tau hyperphosphorylées forment des enchevêtrements fibrillaires dans le système ner-veux central des patients atteints d’Alzheimer, avant de détruire les cellules nerveuses.
Une thérapeutique actuelle en mal d’efficacitéDeux types de traitements sont actuellement commercialisés, les anticholinestérasiques et
les antagonistes des récepteurs NMDA au glutamate. Il faut reconnaître que ces traitements ne sont pas satisfaisants pour les malades et leur entourage, en proie à des situations de grande détresse. En effet, les inhibiteurs de l’acétylcholines-térase, indiqués dans les formes mineures de la maladie comme les antagonistes des récepteurs glutamatergiques plutôt réser-vés aux formes sévères ne font que légèrement retarder l’évolu-tion inéluctable de la maladie.
De nouvelles études prometteusesLe professeur Claude Wischik et ses collègues de l’Univer-sité d’Aberdeen en Écosse ont identifié, en collaboration avec la société TauRx Therapeutics, basée à Singapour, des molé-cules capables de dissoudre les protéines Tau agrégées. L’une de ces molécules au mécanisme original de pre-mière génération, le chlorure de méthylthioninium, testée sous le nom de Rember®, pourrait à la fois diminuer les effets de la maladie mais également en pré-venir les symptômes. Le chlorure de méthylthioninium est une petite molécule bio- disponible qui, d’une part, blo-que la formation d’oligomères Tau et leur polymérisation en hélices filamenteuses, et qui, d’autre part, a une capacité à solubiliser ou à dissoudre les oligomères Tau et les filaments en hélices en monomères tron-qués stables. Une fois réduits, ces monomères Tau sont sensi-bles aux protéases et sont sus-ceptibles d’être éliminés par le protéasome.Un essai clinique de phase II a comparé l’effet de Rember® à la
dose de 60 mg versus placebo chez 321 patients de Grande-Bretagne et de Singapour, pré-sentant des troubles légers ou modérés. Durant les 19 mois de l’étude, les patients du groupe ayant reçu le chlorure de méthyl-thioninium ont vu les symptô-mes de la maladie (estimés par les capacités cognitives et des radiologies cérébrales) rester quasiment stables alors qu’ils s’aggravaient chez les patients sous placebo. L’équipe estime ainsi que ce médicament réduit la progression de la maladie de 81 %. Des scanners cérébraux montrent même que Rember®, qui évite l’accumulation de la protéine Tau dans le cerveau, est efficace dans les localisa-tions les plus touchées par les amas de protéines Tau.
Recherche
Un espoir pour les patients atteints d’Alzheimer ?
© B
SIP
/SG
O
Maladie d’Alzheimer. Scanner.
9 actualités
Actualités pharmaceutiques n° 478 Octobre 2008
Bien que les tests préliminaires de ce nouveau traitement soient pour le moment prometteurs, il faut maintenant mener des essais à plus grande échelle pour confir-mer – ou non – l’intérêt et l’inno-cuité de ce nouveau médicament, et savoir dans quelle mesure il pourrait bénéficier aux milliers de personnes atteintes de cette maladie encore incurable. TauRx envisage donc de mettre en place, d’ici le deuxième trimestre de l’année 2009, un essai clinique de phase III, c’est-à-dire mené sur un grand nombre de patients volontaires. Si les résultats sont positifs, Rember® pourrait être commercialisé à l’horizon 2012. La compagnie TauRx prévoit de lancer un autre essai concernant le chlorure de méthylthioninium, mais, cette fois, dans la maladie de Parkinson. Il semblerait en effet que la molécule ait une activité sur les fibres de synucléine.
De nouvelles pistesSachant que l’AAA (American Alzheimer’s Association) pré-voit que plus de 100 millions de personnes seront atteintes de la maladie d’Alzheimer en 2050, et donc qu’une personne sur 85 vivra avec la maladie, l’espoir suscité par Rember® est colossal.
Mais déjà une seconde généra-tion d’inhibiteurs de l’agrégation des protéines Tau est en déve-loppement préclinique avec le LMT-X, également utilisable par voie orale, et qui a montré des effets puissants sur des modèles animaux transgéniques.D’autres pistes contre l’Alzhei-mer sont à l’étude, reposant en particulier sur un diagnostic précoce, un vaccin ou encore la thérapie cellulaire. Ces recher-ches se basent essentiellement sur une autre protéine toxique, la bêta-amyloïde, qui joue un rôle fondamental dans le développe-ment de la maladie. �
Sébastien Faure
Maître de conférences des Université,
Faculté de pharmacie, Angers (49)
RéférencesMukaetova-Ladinska EB, Harrington CR,
Roth M, Wischik CM. Biochemical and
anatomical redistribution of tau protein
in Alzheimer’s disease. Am J Pathol
1993; 143(2): 565-78.
International conference of Alzheimer
disease. Chicago, 26-31 juillet 2008.
http://www.alz.org/icad/
Rapport de l’Organisation mondiale
de la santé sur la maladie d’Alzheimer.
http://www.who.int/mediacentre/news/
releases/2007/pr04/fr/index.html
Compagnie tauRX Therapeutics Ltd.
http://www.taurx.com
L’Organisation mondiale de la santé envisage, en raison du vieillissement de la population, un doublement du nombre de sujets atteints par la maladie d’Alzheimer tous les 20 ans.
Les traitements
combinés
antirétroviraux ont
permis de réduire
considérablement
la morbidité et la
mortalité liées au
VIH. Cependant,
ces thérapies
sont associées à
des perturbations
métaboliques.
L’objecti f de l ’étude menée par l’équipe de De Wit1 était de déter-
miner l’incidence du diabète parmi les patients inclus dans la cohorte D:A:D (Data collec-tion on Adverse Events of anti-HIV Drugs). Il s’agit d’une étude observationnelle prospective regroupant 11 cohortes sui-vies dans 212 centres situés en Europe, États-Unis, Argen-tine et Australie.Sur les 33 389 patients VIH concernés, 952 avaient un dia-bète à l’entrée dans l’étude et n’ont pas été pris en compte ; 744 ont développé un dia-bète, soit une incidence de 5,72 pour 1 000 personnes-années. L’incidence du dia-bète augmentait avec la durée du traitement combiné antiré-troviral. La prise en compte de l’âge, du sexe, du mode de transmission du VIH, de l’eth-nie, de l’indice de masse cor-porelle (IMC), du tabagisme, de la durée de l’infection par le VIH et du décompte des
CD4 ne modifiait pas cette association.Parmi les antirétroviraux, c’est la stavudine qui était la plus for-tement associée à la survenue d’un diabète mais l’exposition à la zidovudine et au didano-sine augmentait également ce risque. Les autres facteurs significativement associés à la survenue du diabète étaient l’augmentation du taux de cho-lestérol total et de triglycérides, la diminution du taux de HDL-cholestérol et l’existence de lipodystrophies.Le lien physiopathologique entre les analogues des nucléosides et le risque de diabète repose sur l’implication de ce traite-ment dans l’insulinorésistance, les lipodystrophies et la dys-fonction mitochondriale.Les études ayant analysé anté-rieurement la relation entre le risque de survenue d’un dia-bète et les traitements anti-rétroviraux avaient mis l’accent sur les effets métaboliques du traitement par antiprotéases ; la cohorte D:A:D retrouve une incidence du diabète plus faible et un risque cumulatif lié aux analogues de la thymidine. �
Laurence Du Pasquier
© jim.fr
Note1. De Wit S et coll. Incidence and risk
factors for new-onset diabetes in HIV-
infected patients: the Data collection
on Adverse Events of anti-HIV Drugs
(D:A:D) study. Diabetes Care 2008; 31:
1224-9.
Effets secondaires
Risque de survenue
d’un diabète au cours
des traitements antirétroviraux
© B
SIP
/Photo
take/M
enashe