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JANE PORTER Un fiancé à séduire

Un fiancé à séduire · Un fiancé à séduire JANE PORTER Traduction ... Nic avait brisé son jeune cœur en rejetant sans ménagement ses avances. Heureusement, elle n’était

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JANE PORTER

Un fi ancé à séduire

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Un fiancé à séduire

JANE PORTER

Traduction française deÉLISA MARTREUIL

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HARPERCOLLINS FRANCE83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75646 PARIS CEDEX 13Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47

www.harlequin.fr

ISBN 978-2-2803-6902-2 — ISSN 0993-4448

Titre original :THE ITALIAN GROOM

Si vous achetez ce livre privé de tout ou partie de sa couverture, nous vous signalons qu’il est en vente irrégulière. Il est considéré comme « invendu » et l’éditeur comme l’auteur n’ont reçu aucun paiement pour ce livre « détérioré ».

Collection : Azur

© 2000, Jane Porter.© 2017, HarperCollins France pour la traduction française.

Ce livre est publié avec l’autorisation de HARLEQUIN BOOKS S.A.

Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de tout ou partie de l’ouvrage, sous quelque forme que ce soit.Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence.

Le visuel de couverture est reproduit avec l’autorisation de :

Image : © FOTOLIA/S2ARTSTUDIO - STOCK.ADOBE.COM/ ROYALTY FREE

Tous droits réservés.

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1.

— C’est à désespérer ! s’exaspéra Niccolo Dominici avec son léger accent, ses lèvres sensuelles déformées par la colère. Dix ans que nous ne nous sommes pas vus et tu n’as pas évolué d’un pouce. Tu n’en as toujours fait qu’à ta tête et…

— Écoute, Nic, le coupa Meg, je ne te demande pas de divulguer un secret d’État.

— Tu oses plaisanter ? s’emporta-t-il.Dominant sa fatigue et son estomac chaviré, Meg décida

de ne pas envenimer la situation — à quoi bon se disputer ? Pour qu’il ait le dernier mot, comme d’habitude ?

— Il a toujours été entendu que chacun gardait une clé de la maison de l’autre, en cas d’urgence. Cela n’a jamais posé problème auparavant et je ne comprends pas pourquoi tu en fais toute une histoire aujourd’hui.

— Tout simplement parce qu’il ne serait pas prudent que tu ailles dormir chez tes parents en leur absence. Le ranch est isolé et je mettrais au moins dix minutes à m’y rendre si quelque chose t’arrivait.

— Rien ne m’arrivera.— Maggie, tu sais bien que tu attires les ennuis comme

le pollen les abeilles, répliqua-t-il d’une voix crépitante de mépris. Je t’ai tirée du pétrin plus souvent que…

— Je ne te l’ai jamais demandé !— Effectivement. Cela dit, heureusement que je n’ai

pas attendu que tu m’appelles au secours pour intervenir.

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— Tu n’as aucune idée de ce dont j’ai besoin, Nic. Mais ça te fait plaisir de croire que tu le sais.

Si seulement elle n’avait pas égaré son trousseau de clés de la maison de ses parents, elle n’aurait pas été contrainte de passer ici et se serait épargné les fameux sermons de Niccolo Dominici !

Ce dernier semblait aussi agacé qu’elle. Il marmonna quelque chose en italien, un recours à sa langue maternelle que Meg savait de mauvais augure.

— Qu’est-ce que tu dis ?— Que je devrais te laisser te débrouiller et arrêter de

vouloir t’aider.Elle se redressa, indignée. Venant de quelqu’un qui

l’avait détruite autrefois, la remarque ne manquait pas d’ironie. Nic avait brisé son jeune cœur en rejetant sans ménagement ses avances. Heureusement, elle n’était plus une adolescente naïve.

— Je t’en prie ! Je peux très bien me débrouiller seule !À la brève crispation de sa mâchoire, Meg sut qu’elle

avait fait mouche. Sa pique l’avait atteint dans son amour-propre démesuré de macho italien.

Il la fixa entre ses paupières mi-closes.— Tu as de la chance que nous soyons de vieux amis.— Des amis, vraiment ? ironisa-t-elle. En fait, tu es

bien la dernière personne que je considérerais comme tel.Il serra de nouveau les dents et, sans rien répondre,

scruta son visage, qu’elle garda délibérément de marbre. Lui laisser voir l’effet qu’il continuait à produire sur elle ? Elle n’allait certainement pas lui donner ce plaisir.

— Les clés, s’il te plaît.— Non.— Mes parents savent que je vais loger chez eux. Je leur

ai envoyé un message par l’intermédiaire de la compagnie de croisières.

— Tu ne peux pas rester là-bas toute seule.— Mais j’ai l’habitude ! Je vis seule à longueur de temps.Les sourcils froncés, il croisa les bras sur sa poitrine

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au risque de faire craquer sa veste de sport. La lumière de la lune, qui entrait par les portes-fenêtres ouvertes sur la douce nuit californienne, l’éclairait dans un halo.

— Ce qui n’est pas raisonnable. New York grouille d’hommes tordus à l’affût de jeunes femmes sans défense.

L’image de Mark, le père de son bébé, surgit inopinément devant les yeux de Meg. Quelle était l’expression déjà ? Un loup déguisé en agneau ?

Mais elle ne voulait pas penser à Mark. Elle voulait oublier qu’elle s’était amourachée de lui en partie parce qu’il lui rappelait Niccolo. Dire que même au bout de dix ans, elle était toujours attirée par des hommes comme Nic ! Certes, il était terriblement séduisant, mais aussi d’un autoritarisme insupportable.

En fait, elle s’était assez vite aperçue que Mark et Nic ne se ressemblaient pas. Notamment, Nic avait un sens moral aigu dont Mark, lui, était totalement dépourvu.

La preuve : il n’avait pas hésité à la séduire, alors qu’il avait une femme et trois enfants quelque part dans une petite ville huppée du Connecticut. En apprenant que Meg était enceinte, il avait insisté pour qu’elle se débarrasse du bébé — le cœur de Meg se souleva à ce souvenir — et avait même pris rendez-vous dans une clinique. Mais elle avait refusé et profité de ce désaccord pour rentrer en Californie et se lancer dans sa nouvelle activité : la création de jardins.

Son estomac se mit à gargouiller, lui rappelant que la journée avait été longue et que la nuit commençait à peine. À quatre mois et demi de grossesse, elle n’en avait pas encore terminé avec les nausées. Elle avait l’impression d’être grippée en permanence et était exténuée.

— Je ne suis venue que pour quelques jours, plaida-t-elle. J’ai programmé des réunions avec mes clients jusqu’à jeudi et je rentrerai à New York dès le lendemain.

— Même pour une seule nuit, c’est dangereux.Meg soupira avant de répondre.— Je m’enfermerai à clé.— Non.

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— Écoute, Nic, tu n’es ni mon père ni Jared.Niccolo demeura un moment muet de stupeur. Puis un

petit muscle se contracta de nouveau dans sa mâchoire, signe qu’il s’efforçait de contenir sa fureur.

— Ah bon ? Première nouvelle.Meg oublia d’un coup sa colère, horrifiée par ce qu’elle

venait de dire. Bien sûr que Nic n’était pas son frère. Il avait été le meilleur ami de ce dernier. Jared et Nic avaient été inséparables jusqu’à ce 24 décembre tragique où Jared s’était écrasé contre un arbre en voiture.

Comment avait-elle pu lancer une pareille horreur à Nic ? De honte, et de peur aussi, elle recula d’un pas. Pourquoi sortait-elle aussi facilement de ses gonds ? Elle en arrivait par moments à envier le sang-froid de Niccolo.

— Je suis sincèrement désolée, Nic.Nic accepta ses excuses d’une inclinaison de tête, ses

lèvres sensuelles serrées. Un jour, elle l’avait taquiné en lui disant que Michel-Ange aurait adoré son visage. Ce à quoi il avait répliqué qu’il aurait préféré être peint par Léonard de Vinci. Un échange insipide. Mais Niccolo, lui, avec sa beauté époustouflante, était tout sauf insipide.

Penaude, elle regarda Nic, un goût amer dans la bouche. Elle avait enfreint la règle fondamentale qu’elle s’était fixée : interdiction absolue d’évoquer Jared et l’accident.

— Je n’aurais pas dû dire ça à propos de Jared…— Ce n’est pas grave. Tu es fatiguée et il est tard.Au lieu de la soulager, l’indulgence de Nic aiguisa encore

sa mauvaise conscience.— Je n’ai pas envie de me disputer avec toi, Nic.

Donne-moi simplement la clé. S’il te plaît.— Plusieurs ranchs et établissements viticoles — neuf

pour être précis — ont récemment été cambriolés dans le coin. La dernière fois, une femme âgée a même été blessée. Je ne peux pas te laisser courir ce risque.

Les épaules de Meg s’affaissèrent, une partie de sa colère s’était envolée. Des actes de délinquance avaient

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été perpétrés dans la région et Nic avait peur pour elle. Il essayait de la protéger. Comme autrefois.

Elle tourna la tête vers le panorama grandiose qui se déployait devant la terrasse dallée de la demeure Dominici. Sous les rayons de la lune, les rangs de vignes striaient de vert les flancs arrondis des collines.

Rien ne semblait avoir changé pendant ses dix ans d’absence. Ni le vignoble ni le beau et orgueilleux Niccolo. Meg était bien sûr revenue ici quelques fois, mais elle s’était toujours arrangée pour que ses visites coïncident avec les déplacements de Nic. Nic, Jared et le passé se mêlaient tant dans son esprit qu’il lui était trop douloureux de retourner dans la ville de son enfance, où ses parents élevaient du bétail et cultivaient des céréales. Nic leur avait proposé un jour de leur acheter au prix fort leurs hectares de bonne terre. Mais devant le refus courtois mais ferme du père de Meg, il n’avait jamais remis le sujet sur le tapis.

— Qui était cette vieille dame ? s’enquit Meg en conti-nuant à contempler le paysage.

— Mme Anderson.Son ancienne professeure de piano. Une femme adorable.— Voilà pourquoi je ne peux pas te laisser aller t’ins-

taller chez tes parents.Nic la dominait de toute sa hauteur. Même en tenue

décontractée — veste de sport verte et pantalon kaki —, il exsudait l’autorité.

— J’ai promis de surveiller l’exploitation de tes parents pendant leurs vacances et je sais qu’ils m’approuveraient.

— Certainement, concéda Meg de mauvaise grâce.Il était tard et elle était fatiguée. Que n’aurait-elle donné

pour se glisser sous le couvre-lit pelucheux de sa chambre d’autrefois ? Elle aurait alors sombré dans un sommeil paisible en oubliant ses craintes face à l’avenir, pour être de nouveau la petite Maggie.

Mais la petite Maggie n’existait plus depuis longtemps. Elle avait quitté Healdsburg pour une université de la côte

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Est dix ans plus tôt, déterminée à se bâtir une nouvelle vie avec des gens qui ignoraient son histoire.

À la fin de ses études, elle avait été embauchée dans une grosse société paysagiste de Manhattan, où elle avait peu à peu gravi les échelons : elle avait fini par être chargée de concevoir des écrins de verdure nichés à l’abri des regards, dans les hôtels particuliers de la Cinquième Avenue.

Consciente de posséder un don dans ce domaine, elle avait travaillé d’arrache-pied. Et c’est ainsi qu’elle avait atterri dans l’opération Hunt. « Atterri » n’était en fait pas le terme approprié, car elle s’était battue pour décrocher ce contrat. L’aménagement du jardin des Hunt représentait un travail de longue haleine — plusieurs années — et consti-tuerait le joyau de sa couronne. Avec cette expérience, elle pourrait créer sa propre entreprise.

Résolue à donner son temps et le meilleur d’elle-même aux Hunt, elle avait donc mis de côté ses appréhensions à la perspective de revenir à Napa.

Elle suivrait sa voie. Elle serait son propre patron. Et une maman irréprochable aussi.

Mais la suée provoquée par sa nausée grandissante entama sa confiance.

— OK, dit-elle avec tout le détachement dont elle était capable. Je vais prendre une chambre à l’hôtel pour ce soir.

— C’est ridicule. Reste dormir ici.Son front était de plus en plus moite. La question n’était

plus de savoir si elle allait vomir, mais quand.— Je ne veux pas t’embêter. Il y a un bon hôtel pas loin.Elle se hâta de descendre les marches aux dalles bleu-

tées du perron et de gagner sa voiture en se concentrant sur chaque pas.

Avance. Un pied devant l’autre. Ne sois pas malade ici.Elle entendait Niccolo qui la suivait. Elle essaya d’accé-

lérer, courant pratiquement sur les derniers mètres. Au moment où elle atteignait sa voiture, Nic la saisit par le bras et la tourna vers lui.

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— Arrête ! ordonna-t-il d’une voix vibrante d’émotion. Arrête de fuir.

Un spasme souleva l’estomac de Meg.— Le moment est mal choisi, Nic.Il resserra son emprise.— Nous n’avons pas échangé un seul mot en dix ans.

Nous ne nous sommes pas vus depuis le jour où tu as fui. Pourquoi faut-il que les choses se passent de cette façon ?

— Nic…— Quoi ?— Je vais vomir.

Penchée au-dessus du lavabo de la salle de bains des Dominici, Meg, les mains tremblantes, accepta avec grati-tude le gant humide et frais que Nic lui tendait.

— Merci, dit-elle en l’appliquant sur sa tempe.— Tu aurais dû me dire que tu te sentais mal.Nic, au summum de la compassion ! réussit à s’amuser

Meg devant son ton bourru.— Ça va, souffla-t-elle en dissimulant derrière le gant

le sourire qui n’aurait pas manqué d’exaspérer Nic. Je suis crevée, c’est tout.

— Cela ne te ressemble pas.Elle leva légèrement la tête vers lui et l’absence totale

de douceur dans ses yeux dorés la dérouta.— Le voyage a été long, tu sais. En plus, je n’ai quasi-

ment rien avalé de la journée.Impossible de lui dire que l’odeur même de la nourriture

lui donnait presque systématiquement des haut-le-cœur et que les appels téléphoniques incessants et de plus en plus agressifs de Mark lui avaient ôté le peu d’appétit qui lui restait. Il la harcelait parce qu’elle refusait d’avorter. Pour lui, tout était très simple : elle interrompait sa grossesse et le problème était résolu.

Meg en frémissait encore de rage. Interrompre sa

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grossesse, et puis quoi encore ? Comme s’il s’agissait d’annuler un rendez-vous !

— Quand es-tu arrivée à Napa ? demanda Nic, les sourcils sévèrement froncés.

— J’ai atterri à San Francisco ce matin. Le vol a été retardé à cause du brouillard. Alors, à la descente d’avion, j’ai sauté dans une voiture de location pour être à l’heure à mon rendez-vous.

— Tu n’as pas appelé ton client pour lui dire que tu devais déjeuner avant votre entretien ?

— J’ai acheté un sandwich à l’aéroport.— De la grande cuisine.La jolie bouche de Nic s’arqua en une moue railleuse et

Meg se redressa, fascinée comme autrefois par le dessin de ses lèvres. Le souvenir du baiser qu’elle lui avait donné des années auparavant restait vivace dans sa mémoire. Il embrassait exactement comme elle l’avait imaginé. Avec fougue. Avec passion. Pas du tout à la façon des garçons de son âge à elle.

— Francesca te prépare un en-cas, poursuivit-il. Il lui restait des tomates et des crevettes grises. Elle s’est rappelé que tu aimais bien ça.

Des crevettes grises ? Le ventre de Meg protesta. Jamais elle n’arriverait à en avaler.

— Ce n’est pas la peine, je t’assure, Nic.Le visage de Nic s’assombrit.— Ne dis pas ça à Francesca. Elle a trois marmites

sur le feu et chante en italien. On jurerait qu’elle organise une réception.

Il s’appuya contre le chambranle de la porte.— Elle a toujours eu un faible pour toi. Tu fais partie

de la famille.— Même quand je fais la morte pendant dix ans ?Nic soupira.— Je t’ai appelée, cara, fit-il d’un ton doucereux. Je t’ai

même écrit. À la résidence universitaire. Et puis quand tu as pris ton premier appartement en ville. Et même l’année

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que tu as passée à Londres comme apprentie paysagiste chez Hills and Drake.

Elle sentit ses jambes se dérober sous elle et elle s’assit lourdement sur le bord de la cuvette des toilettes.

— C’est vrai. Tu m’as écrit. Des pages et des pages… d’une dureté inimaginable.

Elle avait été blessée, profondément blessée, par ses critiques.

— Tu n’as jamais répondu.— Pourquoi l’aurais-je fait ? Tu étais d’une cruauté…— Je n’ai jamais été cruel avec toi.— Tu m’as humiliée, Nic !— Tu t’es humiliée toute seule. Je ne comprends

toujours pas ce qui t’a pris de t’asseoir à califourchon sur mes cuisses comme une… Une…

— Vas-y ! Dis-le !— Peu importe.Meg frémissait maintenant de rage. De rage contre ce

Nic à l’étroitesse d’esprit inconcevable. Contre ce jeune homme si comme-il-faut à qui l’on avait appris à considérer les filles comme des créatures sans défense.

— N’attends pas d’excuses pour ce qui s’est passé ce soir-là, prévint-elle, le visage écarlate. Jamais je ne m’excuserai. Je n’ai rien fait de mal.

— Cara, tu ne portais même pas de culotte !Malgré le feu qui lui brûlait les joues, elle inclina la

tête dans une attitude de défi. Elle avait été éperdument amoureuse.

— Je pensais que c’était sexy.— Tu étais encore lycéenne !— J’avais dix-sept ans.— Seize.— Presque dix-sept.— Et tu portais…— Un porte-jarretelles.— Un porte-jarretelles blanc en dentelle et pas de

culotte. Qu’étais-je censé en déduire ?

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De toute évidence, il était toujours aussi désarçonné. Pour lui, Meg demeurait une gamine. Il continuait à ne voir en elle que la petite sœur de Jared.

— Que tu me plaisais, Nic. Que j’avais le béguin pour toi et que je cherchais à t’impressionner.

Elle se leva et lui lança à la figure le gant… qu’il attrapa au vol.

— Tu ne m’as pas impressionné, asséna-t-il avec une dureté dont il n’avait pas conscience.

Et c’était exactement pour cette raison qu’elle n’avait pas répondu à ses lettres.

Niccolo avait grandi dans une riche famille aristocrate italienne qui lui avait inculqué des valeurs vieux jeu auxquelles il adhérait toujours. Il continuait à estimer que le bien le plus précieux d’une jeune fille était sa vertu. Par conséquent, loin d’être flatté par les avances de Meg, il avait été atterré. Atterré et révulsé.

Alors qu’elle se levait, Meg s’aperçut dans le miroir. Des cernes bleuâtres lui mangeaient les yeux. Des boucles noires échappées de son chignon encadraient son visage blême.

Elle se détourna de son reflet sans remettre ses cheveux en ordre. Elle était trop lasse.

— Laisse-moi aller à l’hôtel, Nic. Francesca comprendra.Il la saisit par la main alors qu’elle essayait de passer,

emprisonnant son poignet entre ses doigts. Il la tenait serrée contre lui, exactement comme lorsque, plus jeune, elle avait cherché du réconfort après la mort de Jared.

— Francesca peut-être, mais pas moi, murmura-t-il. Ce qui nous est arrivé m’échappe. Pourquoi m’en veux-tu tellement ? Tu ne peux même pas m’adresser la parole sans mépris.

Elle ne l’entendait pas. Elle ne sentait que sa chaleur. Elle avait oublié comme il éveillait ses sens, comme son contact l’étourdissait. Il était peut-être le meilleur ami de Jared, mais il ne lui inspirait vraiment rien de fraternel !

Le cœur de Meg cognait dans sa poitrine et, l’espace

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d’un instant, elle fut prise de l’envie d’enlacer Nic, d’être enveloppée dans la chaleur rassurante de ses bras.

Avant que Meg n’ait le temps de répliquer quoi que ce soit, Francesca, l’intendante au service des Dominici depuis trente ans, fit irruption.

— Le dîner est prêt, annonça-t-elle, la mine radieuse, en s’essuyant les mains sur son tablier blanc. Suis-moi, Maggie. J’ai préparé spécialement à ton intention des pâtes fraîches, très légères. Je crois que tu vas te régaler. Allez ! Viens à table, s’il te plaît.

La cuisine fleurait l’huile d’olive et l’ail. Francesca avait placé deux assiettes sur la table en pin brut près de l’impo-sante cheminée en pierre, où un feu crépitant dispensait une chaude lumière à laquelle venait s’ajouter celle des grosses chandelles au centre de la table.

— Ça sent bon ! s’exclama Meg, surprise que l’odeur d’ail et d’oignon ne lui retourne pas l’estomac.

Elle flaira de nouveau l’air, redoutant de trouver des relents de poisson ou de crevettes, mais rien ne la dérangea. En fait, son ventre criait famine et Francesca avait toujours été un fin cordon-bleu.

Meg s’assit sur la chaise que Niccolo lui tenait.— Tout est frais ou fait maison, répéta Francesca en

emplissant des bols de pâtes qu’elle disposa devant ses convives. Je me suis rappelé que tu aimais les olives et celles-ci sont de premier choix. Douces. Sans la moindre amertume.

Nic ouvrit une bouteille de Dominici rouge de sa propre réserve et ils mangèrent dans un silence quasi total, n’échan-geant que quelques banalités sur la météo et les vins de la région. Et Meg, dont la migraine s’estompait, remercia intérieurement Nic de ne pas aborder de sujets personnels.

Au cours du repas et en dépit de l’heure tardive — presque minuit —, le téléphone sonna dans le vestibule. Francesca alla répondre.

— C’est le papa, annonça-t-elle en revenant.

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— Excuse-moi, Maggie. C’est mon père, je dois prendre l’appel.

— Pas de problème, assura Meg en croquant dans un petit pain croustillant.

Elle savait que les Dominici possédaient des établis-sements vinicoles à la fois en Italie et dans le nord de la Californie — ces derniers étant gérés par Niccolo, les autres par son père et son frère cadet. Le décalage horaire entre Florence et Napa obligeait Nic à travailler tard le soir.

Francesca attendit que Nic soit parti pour s’approcher de Meg. Elle la dévisagea longuement. Mal à l’aise, Meg tenta de se soustraire à cet examen. Sans résultat.

— Qu’y a-t-il, Francesca ? finit-elle par demander en posant son pain sur son assiette.

— Tu es enceinte, n’est-ce pas ?— Non.Un démenti automatique, instinctif. Meg n’avait même

pas envisagé d’admettre la vérité.— Tes parents sont au courant ? demanda Francesca

en secouant la tête.— Ils sont en vacances.— Donc, tu es enceinte.Francesca croisa ses mains sur son ventre.— Tu as frappé à la bonne porte, ajouta-t-elle. Niccolo

va bien s’occuper de toi.— Non ! Non, Francesca. Surtout pas. Nic et moi…

Non. Absolument hors de question.— Qu’est-ce qu’il a, mon Niccolo ? s’offusqua Francesca.

Qu’est-ce que tu lui reproches ?— Rien, mais ce n’est pas son problème. Et je n’ai pas

besoin d’aide.— Mais tu n’es pas mariée.— On peut avoir un enfant sans être mariée.Francesca ne cacha pas sa réprobation.— Tu ne connais rien aux bébés. Le métier de mère

n’est pas facile. Crois-moi.— J’apprendrai.

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Meg poussa sa chaise en arrière.— J’ai toujours voulu avoir des enfants. C’est une bonne

nouvelle pour moi. Je n’ai pas honte.— Alors pourquoi ne veux-tu pas lui dire ?— Me dire quoi ? s’enquit Nic sur pas de la porte.Il s’assit à sa place et regarda tour à tour Francesca et Meg.— Que devrais-je savoir ?— C’est à propos de mon nouveau travail pour les Hunt,

répondit Meg en relevant le menton.Nic interrogea brièvement du regard Francesca qui,

dans un haussement d’épaules, s’éloigna.— Ton travail ?— Oui, les Hunt veulent revoir l’aménagement de leur

jardin.Des casseroles se mirent à s’entrechoquer bruyamment

dans le profond évier en fonte. Meg dut élever la voix.— C’est un domaine centenaire.Le bruit s’accentua.— Ça fait un an que je les courtise. C’est une occasion

que je…— Francesca !Le vacarme cessa et l’intendante changea d’activité.— Je t’en prie, finis ton histoire, cara.— Ce n’est pas vraiment une histoire. C’est juste mon

boulot.Et la chance d’une vie.— Tes parents m’ont raconté que les Hunt ont contacté

six paysagistes. C’est donc toi qu’ils ont retenue.— De quoi être flattée, non ? dit-elle sans cacher sa

fierté et son plaisir. Le jardin des Hunt compte parmi les plus beaux de Californie. Je suis aux anges. Ce n’est pas juste un travail, c’est un rêve qui se réalise. Cette propriété me fascine depuis que je suis toute petite. Je me souviens que je me faufilais à travers les haies pour aller me cacher dans l’ancien labyrinthe. Pour moi, c’était un domaine magique et maintenant, la chance m’est offerte d’en devenir la magicienne !

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— C’est avec eux que tu avais rendez-vous aujourd’hui ?— Oui. Et d’autres rencontres sont prévues pendant les

mois à venir. Je vais devoir faire la navette entre New York et ici. Le projet s’annonce de longue haleine.

— À toi, cara, dit Nic en levant son verre de vin. Bravo ! C’est une sacrée réussite.

Ils trinquèrent. Puis, au lieu de porter la coupe en cristal à ses lèvres, Meg la posa sur la table et prit une bouchée de pâtes.

— Tu ne bois pas ?Elle aurait dû s’attendre à ce que Nic remarque ce genre

de détail.— Je dois me lever tôt et avoir les idées claires, expliqua-

t-elle sous le regard inquisiteur de Nic.— Oui, je comprends.De son poste à l’évier, Francesca se tourna soudain

vers eux.— Je vais te préparer à manger pour demain midi,

Maggie. Un petit pain, des fruits, de la viande et du fromage. Tu aimes les yaourts, n’est-ce pas ? J’en mettrai un.

Meg se remémora les pique-niques concoctés par Francesca quand ils étaient enfants. Des régals !

— Merci, Francesca, dit-elle, touchée par tant de prévenance. Mais je ne voudrais pas te déranger.

— Tu ne me déranges pas. Tu fais partie de la famille. À jamais.

Les mêmes mots que ceux de Niccolo.Cette fois, cette déclaration déclencha une telle vague

de nostalgie que les larmes lui montèrent aux yeux. Lui revinrent brusquement pêle-mêle en mémoire les années heureuses d’autrefois, ainsi que la douleur qu’ils avaient partagée à la mort accidentelle de Jared, dont Maggie avait assumé la responsabilité. Pendant une fraction de seconde, elle rêva de remonter le temps pour retrouver l’époque « d’avant ». Mais Jared était parti pour toujours et l’amitié qu’elle avait nouée avec Niccolo n’avait plus jamais été la même.

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— Merci, Francesca, répéta-t-elle doucement. Bonne nuit.— Le simple fait de te revoir la rendra bonne.

Meg eut beau protester, Niccolo l’accompagna jusqu’à sa voiture pour chercher sa valise.

— Tu n’as quand même pas peur que je m’enfuie ?Les lèvres de Nic se retroussèrent en une moue ironique.— Non, c’est moi qui ai les clés de chez tes parents,

dit-il en palpant la poche de sa veste.— Tu ne me fais pas confiance ?— Je devrais ?— Je porte une culotte, je te promets.— Je ne te trouve vraiment pas drôle.Se hissant sur la pointe des pieds, elle lui tapota la joue.

Il sentait les agrumes et le bois de santal. Typiquement romain. Il faisait d’ailleurs fabriquer son parfum spécia-lement pour lui sur le vieux continent. Un autre luxe qu’il prenait comme allant de soi.

— Je ne t’ai jamais fait rire, Nic. Je t’ai toujours horri-pilé, même quand j’avais onze ans.

Les yeux dorés de Nic brillaient dans la lumière de la lune. Il paraissait troublé, presque triste. De sa haute taille — il dominait Meg d’une bonne tête —, il la dévisageait.

Niccolo avait beau habiter en Californie, il était resté italien jusqu’au bout des ongles.

— Tu es maigre, finit-il par dire. Tu suis un régime ?— Tu ne sors qu’avec des sacs d’os, Nic. Comment

peux-tu me trouver trop maigre ?La bouche de Niccolo s’arqua, conférant à ses traits une

beauté qui dépassait l’imagination. Avait-il conscience de l’effet ravageur de son sourire ? Oui, inévitablement.

Elle essaya de le visualiser en train de peaufiner son sourire devant une glace. Pourtant, elle était sûre que son charme s’exerçait de lui-même. Il portait sa force et son pouvoir de séduction avec la même élégance et le même naturel qu’un de ses costumes Armani.

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— Mais toi, tu es Maggie, répliqua-t-il en effaçant son sourire de ses lèvres. Tu n’es pas censée être un sac d’os.

Meg retint un soupir. Il n’avait toujours pas compris qu’elle avait grandi. Il continuait certainement à voir la petite rebelle de seize ans quand il la regardait.

— J’ai vingt-huit ans, Niccolo, et je ne m’appelle plus Maggie mais Meg.

— Non.— Si. Meg ou Margaret, au choix.— Jamais je ne t’appellerai Margaret. Ce n’est pas

toi. Quant à Meg… On dirait un nom de sauce. Je préfère Maggie. Ce nom te va bien. Tu es vive, jolie, imprévisible. Ma Maggie.

Une émotion douce-amère envahit Meg.— Tu me trouves jolie ?Il hésita un instant avant de lui relever la tête pour étudier

son visage à la lumière de la lune. Elle s’arrêta de respirer, paralysée par l’intensité de son regard.

— Plus jolie que tu ne devrais, après tout le chagrin que tu m’as causé.

— Moi, je t’ai causé du chagrin, à toi ?Elle sentit son cœur se distendre d’espoir et de douleur.

Ce n’était pas humain d’être ainsi soumise à des émotions aussi complexes ! Elle avait changé et pourtant, elle était toujours aussi attirée par Niccolo.

Il posa sa paume sur la joue de Meg qu’il se mit à caresser du pouce.

— Plus que tu ne le sauras jamais.

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JANE PORTER

Un fi ancé à séduire« Je te défi e de me faire l’amour. » Meg peine à croire qu’elle a pu prononcer ces mots. Mais qu’a-t-elle à perdre, après tout ? Dix ans plus tôt, Niccolo Dominici a refusé ses avances alors qu’elle s’offrait à lui. Et aujourd’hui, tandis qu’elle n’est plus l’adolescente timide d’autrefois et qu’ils vont se marier, que risque-t-elle à faire preuve d’un peu d’audace ? Certes, Nic ne l’épouse que par devoir, pour donner un nom à l’enfant qu’elle a conçu avec un autre. Pourtant, elle a encore le droit d’espérer le séduire, pour qu’il partage un jour ses sentiments…

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