20

Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2

Un J

our

Parti

culie

r

21.6 611444

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 282 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 21.74 ----------------------------------------------------------------------------

Un jour particulier

Dawoud Saadoun

Daw

oud

Saad

oun

Page 2: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 2

Page 3: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 3

Les œuvres d’un homme retracent souvent l’histoire de ses nostalgies ou de ses tentations, presque jamais sa propre histoire […]. Aucun homme n’a jamais osé se peindre tel qu’il est.

Albert Camus

Page 4: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 4

Page 5: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 5

À ma mère, À Paola, À Samad

Page 6: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 6

Page 7: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 7

Prologue

Ainsi, ils vécurent heureux et eurent… Non ! La princesse de ce récit ne recevra pas le

baiser de son prince charmant qui la sortira de son sommeil pour vivre heureuse et avoir beaucoup d’enfants. Cette histoire, mon histoire, n’est pas un conte de fées. À l’image du genre humain, elle n’est pas parfaite et, comme la vie, elle charrie son lot de bonheurs, de rires, de chagrins, de pleurs, de certitudes, de doutes, d’enchantements et de désillusions. C’est l’histoire d’une rencontre, une de celles qui lient les âmes à jamais, d’un couple qui s’est livré aveuglément au bonheur d’aimer, qui a vécu un rêve de jour, avant d’être brutalement réveillé par le destin – celui-là même qui avait fait se croiser leurs chemins et leurs cœurs. Car les songes n’ont jamais appartenu qu’aux divinités grecques, jalousement préservés dans les profondeurs de ce monde, aux portes du royaume d’Hadès.

Page 8: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 8

J’étais encore adolescent, lorsqu’un vieil homme au visage imprégné de rides, que son grand âge avait indéniablement accentuées, m’a humblement dit ces paroles qui résonnent dans mon esprit au moment même où je vis mes derniers instants : « La vie d’ici-bas n’est que le récit d’une histoire déjà écrite d’avance, et à laquelle chaque être humain prend part en bien ou en mal. »

Je ne sais pas si ce vieux sage avait raison, ou si sa sénilité avait simplement le visage de la sagesse, mais j’ai la certitude que mon rôle dans cette histoire « écrite d’avance » touche à sa fin, alors que défile à toute allure, devant mes yeux encore grands ouverts, tout un pan de ma vie amoureuse, tour à tour heureuse et douloureuse…

Page 9: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 9

The world is safer1.

Président Barack Obama

1 Le monde est plus sûr.

Page 10: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 10

Page 11: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 11

I Un jour particulier

Abbottabad, Pakistan Lundi 2 mai 2011

1 heure du matin

Dehors la nuit est étrangement calme. Au-dessus de la province de Khyber Pakhtunkhwa, quatre hélicoptères partis de Jalalabad en Afghanistan, dont deux Black Hawk modifiés, survolent presque silencieusement le territoire pakistanais. À leur bord, une vingtaine de membres des Navy Seals, les troupes d’élite de l’armée US. Leur mission : « déloger » un pensionnaire d’une résidence fortifiée d’Abbottabad – murs d’enceinte de plus de quatre mètres de haut surmontés de barbelés avec très peu de fenêtres donnant sur l’extérieur –, son nom de code, tout droit sorti de l’imagerie du Far West, est « Geronimo ».

Depuis les sous-sols de la Maison Blanche, dans la

Page 12: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 12

Situation Room, le Président des États-Unis et son équipe rapprochée assistent en direct au déroulement de l’Opération nommée Neptune Spear.

1 h 15

Un des deux Black Hawk, victime d’une panne, s’écrase sur le mur sud-ouest du complexe et vient rompre le silence de la nuit. Les occupants du deuxième débarquent sans problème au nord de la résidence. Le raid est lancé.

Le lourd portail métallique vole en éclats sous le poids de la charge explosive déposée par l’équipe d’intervention, s’ensuivent des échanges de tirs entre le commando et les hommes chargés de la sécurité de « Geronimo ». Quelques minutes plus tard, les troupes d’élite pénètrent dans la résidence, qui compte trois niveaux. Après avoir sécurisé les deux premiers étages, ils parviennent au troisième qui est totalement plongé dans le noir.

1 h 30

Lunettes de vision nocturne vissées sur le nez, un des membres de la Team 6 des Navy Seals pousse la porte d’une chambre à coucher. Il est tout autant surpris par la grande taille de l’individu qui lui fait face, que par sa maigreur ; l’homme désarmé porte une courte barbe, le sniper n’a aucun doute, il s’agit bien de sa cible principale, il appuie sur la gâchette à deux reprises… L’étique colosse s’effondre sur le sol.

Page 13: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 13

– « Geronimo EKIA », annonce le soldat pour signifier que l’ennemi a été tué pendant l’intervention.

1 h 45

L’opération Neptune Spear est achevée, tout comme « Geronimo » et sa légende écrite en lettres de sang, la SEAL Team 6 s’envole vers l’Afghanistan.

Le 1er mai 2011 à 23 h 35 (heure locale), depuis la Maison Blanche, Barack H. Obama annonce la mort d’Oussama Ben Laden.

* * *

New York Saint Nicholas Avenue, Manhattan Lundi 2 mai 2011

6 h 00 am

Au moment où David se réveilla ce matin-là, il était loin de se douter que ce Grand jour pour lui, était également un Grand jour pour la nation américaine. Justice has been done2 titraient les journaux du matin ou encore We got him ! Oui, ils l’avaient eu ! L’ennemi public n° 1, l’homme le plus recherché au monde était mort. L’annonce du décès de Ben Laden, le mariage du Prince William en

2 Justice est faite.

Page 14: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 14

Angleterre quelques jours plus tôt, on se serait cru tout droit sorti d’un bon vieux Disney. Le mariage du Prince, la mort du méchant…

Oui ! Un bon vieux Disney, pensa-t-il en apprenant la nouvelle qui tournait en boucle sur les chaînes d’infos.

Les télévisions du monde entier avaient une nouvelle fois les yeux rivés sur New York… presque dix ans après.

* * *

Il lui fallut encore près d’un quart d’heure pour s’extirper de son lit et se détourner de l’écran de télé. Il s’apprêtait à sauter dans la douche juste au moment où le bip strident de son smartphone retentit. Il se rua sur le téléphone, l’écran affichait un nouveau message :

Il attendait ce jour depuis tellement longtemps.

Dans quelques heures, la femme qu’il avait tant aimée et qu’il pensait avoir perdue à jamais, allait le rejoindre pour toujours… du moins le croyait-il.

Je suis dans l’avion, nous allons bientôt décoller. J’ai vraiment hâte d’être à tes côtés… dans 7 heures !

Je t’embrasse. Ta faiblesse♥♥♥

Page 15: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 15

Il ne tiendrait pas en place jusqu’à l’heure d’aller l’attendre à l’aéroport et décida qu’après le petit-déjeuner, il se rendrait sur Downtown. La ville tout entière semblait en liesse.

Pourquoi ne pas assister de plus près à cette page d’histoire, se dit-il.

D’autant qu’il n’était qu’à vingt-cinq minutes de « Ground Zero » en métro.

Une fois sous la douche, son esprit commença à vagabonder. Il n’avait pas été aussi heureux et enthousiaste depuis bien longtemps. Il imaginait déjà la scène des retrouvailles, la sensation qu’il ressentirait en la serrant dans ses bras, l’odeur de sa peau suave. Soudain, un détail, anodin sur le moment, le troubla et vint perturber ce petit paradis mental qu’il était en train de confectionner pensée après pensée.

Où étais-je ce tragique 11 septembre ? s’interrogea-t-il. Il avait beau être sur un nuage, le récent

événement frappa à la porte de sa mémoire. L’actualité de ce jour était malheureusement indissociable de ce tristement célèbre mardi 11 septembre 2001.

S’il est une chose que quasiment toutes les personnes dans le monde ont en commun, c’est le souvenir exact de ce qu’elles faisaient et où elles se trouvaient ce jour-là. Or, il semblait que la mémoire de David lui jouait des tours aujourd’hui. L’excitation, mêlée à l’impatience, devait en être la cause, et il ne se formalisa pas davantage.

Page 16: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 16

– Ça me reviendra plus tard, dit-il à haute voix comme s’il cherchait à s’en convaincre.

Il sortit de la douche, noua une serviette autour de sa taille et se dirigea vers le dressing de sa chambre. Il adorait le contact de ses pieds avec le parquet huilé en teck d’Asie. Le bois importé directement de Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il s’était autorisée en rénovant cet appartement. Ce dernier avait quelque chose de reposant, d’apaisant, une forme de quiétude palpable, capable de rasséréner n’importe quelle âme tourmentée.

Son trois-pièces sur Harlem n’avait certes rien de comparable avec les somptueux lofts de TriBeCa3, et ses voisins n’étaient assurément pas des Mariah Carey, Jay-Z ou autre Robert De Niro, mais il s’en moquait. Il avait décidé d’y rester, même après que la fortune et la réussite se soient offertes à lui.

Ce quartier avait une âme.

* * *

Devant sa psyché chromée au design contemporain, il passa en revue toute une série de complets. Indécis, il opta finalement pour un costume

3 Ancienne zone industrielle au sud de Manhattan, rénovée dans les années 90, devenue une zone résidentielle prisée où vivent de nombreuses célébrités. Quartier également connu pour son Festival du film.

Page 17: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 17

deux pièces Smalto noir cintré à petit col. Le pantalon en laine vierge sans pinces, avec ses larges poches américaines, lui donnait une allure à la fois chic et naturelle. L’effet seconde peau du vêtement lui conférait une totale liberté de mouvement.

J’ai vraiment l’impression de me rendre à un entretien d’embauche, pensa-t-il.

Ce n’était certes pas un entretien d’embauche, mais il tenait absolument à l’impressionner, de la même manière que lorsqu’on cherche à « se vendre » pour obtenir un job qui nous tient à cœur. Il voulait la séduire à nouveau, la faire succomber, lui faire revivre cette fameuse passion des premiers jours ; lorsque naïvement, on pense que cet état de grâce est sans fin.

* * *

Les premiers rayons de soleil perçaient à travers les larges fenêtres à guillotine, sans volets, à trois pans, qui s’articulaient en arc de cercle vers l’extérieur. Ces bay-windows, d’inspiration anglo-saxonne, agrandissaient la pièce et lui donnaient une incroyable luminosité ; de telle sorte que, chaque matin, ses yeux tentaient en vain de se frayer un chemin à travers les assauts incessants de lumière afin d’admirer le spectacle qu’offraient ces fenêtres ouvertes sur « le monde ».

L’été était en avance. David se persuada qu’il

Page 18: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 18

serait plus judicieux d’aller déjeuner à l’extérieur et de profiter de la clémence du temps, après le calvaire infligé par le glacial hiver qu’il venait de vivre.

D’un pas décidé, il entreprit de sortir avant de se raviser pour se regarder une fois encore devant la glace.

Mais oui ! Tu as la classe ! se dit-il comme s’il cherchait à se donner du courage.

Cet homme capable de tenir tête à n’importe quel grand patron de studio, devenait fébrile à l’idée d’aller retrouver une femme… sauf que, dans le cas présent, il ne s’agissait pour lui, pas d’une femme, mais de La femme ; la gardienne de ses jours et de ses nuits.

* * *

Arrivé devant l’ascenseur, il rencontra M. White, un voisin qui vivait au quatrième étage, et engagea la conversation.

– Bonjour, Monsieur White, comment allez-vous ce matin ?

Monsieur White, quel nom ironique ! songea-t-il. – Bonjour, petit ! Comme tu le vois, mes cannes

usées me portent encore, répondit le vieil homme d’une voix joviale en tapotant sur ses jambes.

David avait beaucoup de sympathie et de respect pour lui. Ils se croisaient fréquemment dans l’immeuble et une grande complicité s’était instaurée

Page 19: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 19

entre eux au fil des années. Cet Afro-Américain était un sacré monsieur, un vrai bonhomme qui n’avait jamais fui ses responsabilités. Il avait la simplicité de ces hommes dont la misère, les galères, l’époque pas si lointaine où il était dur d’être un « homme de couleur » dans ce pays, n’avaient jamais eu raison de sa joie de vivre. Il avait toujours le mot pour rire et adorait taquiner le jeune « frenchy » comme il se plaisait à l’appeler. Son faux air de Bill Cosby et son humour caustique, parfois même un peu cynique, ne laissaient jamais personne indifférent. On était très vite attendri par le personnage.

– Tu te rends à un enterrement, avec ton costume noir ?

– Non Monsieur, je vais chercher quelqu’un à l’aéroport.

– Combien de fois t’ai-je dit de ne pas me donner du « monsieur » ? Tout le monde m’appelle Otis, tu le sais depuis le temps, non ? À en juger par ton élégance, je parierais que c’est une femme, lui lança-t-il en fanfaronnant.

– Vous êtes perspicace ! lui répondit David de manière amusée.

– Tu sais ce qu’on dit, ce n’est pas au vieux singe…

– Je ne vous le fais pas dire ! Ils étaient déjà arrivés au rez-de-chaussée. Avant de

se séparer, David salua chaleureusement le vieil homme et se mit en route, lorsqu’il entendit dans son dos :

Page 20: Un Jour Particulier - decitre.di-static.com · Un bon vieux Disney, pensa-t-il en ... Birmanie était une des rares « excentricités » qu’il ... raviser pour se regarder une fois

2 20

– Hey le frenchy ! Fais quand même attention, garde-la bien à l’œil, à mon âge, j’ai encore beaucoup de succès avec ces dames ! s’esclaffa Otis dans un rire reconnaissable entre mille.

Toujours le mot pour rire…

* * *

Malgré son aisance financière, David aimait prendre le métro… vestige de son ancienne vie. Cette manière de mener sa barque lui permettait de toujours garder les pieds sur terre et de conserver l’humilité que lui avaient transmise ses parents, et qui le caractérisait. Il savait mieux que quiconque que la valeur d’un homme ne se mesurait pas à son compte en banque. Son défunt père lui disait souvent : « un homme fortuné peut acheter la crainte, mais pas le respect. » Il n’en comprit véritablement le sens que bien plus tard en grandissant. Il ne souhaitait à aucun prix devenir comme certains de ses riches clients, égocentriques, imbus d’eux-mêmes, et parfois totalement déconnectés du monde et de ses réalités. David Goldman, qui portait bien son nom, était agent de stars. L’un des plus convoités outre-Atlantique. Il avait le vent en poupe depuis qu’il avait redonné un second souffle à la carrière d’un acteur tombé en désuétude, et que tous les réalisateurs s’arrachaient à présent.