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Un programme d’intervention sociologique pour comprendre les mutations de l’intervention sociale : l’exemple de l’accompagnement social des bénéficiaires du revenu de solidarité active en Seine-Maritime Manuel Boucher

Un projet de recherche visant la coproduction du changement par l’analyse

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U n programme d’intervention sociologique pour comprendre les mutations de l’intervention sociale : l ’exemple de l’accompagnement social des bénéficiaires du revenu de solidarité active en Seine-Maritime Manuel Boucher. Un projet de recherche visant la coproduction du changement par l’analyse. - PowerPoint PPT Presentation

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Page 1: Un projet de recherche visant la coproduction du changement par l’analyse

Un programme d’intervention sociologique pour comprendre les mutations de

l’intervention sociale :

l’exemple de l’accompagnement social des bénéficiaires du revenu de solidarité active en Seine-Maritime

Manuel Boucher

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Un projet de recherche visant la coproduction du changement par l’analyse

Un programme d’« intervention sociologique » pour comprendre les mutations de l’intervention sociale : l’exemple de l’accompagnement social des bénéficiaires du RSA

► A la demande de la direction de l’action sociale du Département de Seine-Maritime, il s’agit de mettre en œuvre une démarche de réflexion participative portant sur les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux en matière d’accompagnement social des personnes bénéficiaires du revenu de solidarité active (BRSA).

Le RSA : entre droits et devoirs

► Le Revenu de Solidarité Active (2008) est un dispositif de lutte contre la pauvreté qui est une extension du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) et de l’Allocation Parent Isolé (1988). Ce dispositif souhaite privilégier « l’individualisation des parcours d’insertion ».

► Il s’agit d’une allocation de subsistance qui peut être cumulée, dans une certaine mesure, avec des revenus d’activité.

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Le RSA : entre droits et devoirs

► Un allocataire du RSA entre dans le champ des « droits et devoirs » si les revenus de son ménage sont inférieurs à un montant forfaitaire, s’il est sans emploi ou dispose d’un revenu d’activité professionnelle inférieur à environ 500 €/mois.

► Les « droits et devoirs » impliquent la signature d’un « contrat d’insertion » dans lequel le bénéficiaire et l’institution qui l’accompagne s’engagent à effectuer un certain nombre de démarches pour faciliter « l’accès » ou le « rapprochement » de l’emploi. Dans cette perspective, il est accompagné par un « référent unique » désigné au sein de l’organisme assurant son « suivi » : pôle-emploi s’il est considéré comme « employable », les services d’un conseil général, d’un CCAS ou d’un organisme compétent s’il est considéré que ses difficultés font obstacle à son insertion professionnelle.

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Le RSA : entre droits et devoirs

► Alors que l’instauration de la protection sociale s’appuyait sur le principe de l’inconditionnalité de la solidarité, notamment depuis l’après deuxième guerre mondiale, le RSA s’inscrit dans un nouveau paradigme, inspiré du workfare (une forme d’incitation/obligation pour les pauvres de travailler) : le paradigme de l’activation.

► Selon cette logique, il s’agit de mettre en œuvre « le mot d’ordre « d’activer les dépenses passives » pour déboucher sur une « société de pleine activité » ».

► D’après Robert Castel, « à la place de la prééminence d’une solidarité collective qui fait de la protection sociale un édifice de droits, s’impose un exigence de responsabilisation personnelle qui reporte sur l’individu une part croissante de la charge de se tirer d’affaire».

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Un programme d’« intervention sociologique » pour comprendre les mutations de l’intervention sociale : l’exemple de l’accompagnement social des bénéficiaires du RSA

► En fait, la conception du RSA correspond à une philosophie néo-conservatrice de la solidarité (actifs méritants/assistés non-méritants ; culpabilisation/moralisation des pauvres), dans un contexte de développement des situations de « hors-travail ».

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Un programme d’«intervention sociologique» pour comprendre les mutations de l’intervention sociale : l’exemple de l’accompagnement social des bénéficiaires du RSA

La démarche de recherche

► Notre démarche privilégie la mise en œuvre d’un travail collaboratif et participatif engageant conjointement des sociologues et des praticiens de l’intervention sociale, afin d’amener progressivement les participants à réfléchir de manière distanciée sur le sens de leurs actions, les significations de leurs pratiques et de leurs positionnements au sein du dispositif RSA.

► Il ne s’agit donc pas d’un travail d’évaluation, ni d’expertise, mais de construction de connaissances avec et pour les professionnels (cadres intermédiaires, travailleurs sociaux et personnels administratifs de première ligne) : l’objectif est d’accroître les capacités réflexives et d’action des acteurs engagés dans la recherche.

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La démarche de recherche

► Dans la perspective d’une sociologie de l’action, l’inscription des membres du groupe dans le dispositif RSA est étudiée à partir de deux niveaux :

Celui du « système » (la politique sociale « RSA » et les « théories » implicites qui la sous-tendent);

Celui de « l’acteur » (le travail concret au sein du dispositif et les représentations de l’action sociale (finalités, déontologie, etc.))

► L’objet de la recherche-action porte précisément sur les acteurs : la compréhension des tensions entre le travail concret au sein du dispositif RSA et les représentations de l’action sociale dont les intervenants sociaux professionnels sont porteurs.

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La démarche de recherche

Une démarche inductive et qualitative

► Pour parvenir à identifier les pratiques, les motivations, les raisons d'agir et les représentations des intervenants sociaux, nous partons d’abord des préoccupations des équipes professionnelles.

La constitution d’un groupe et l’animation de séances inspirées de la méthode de l’intervention sociologique

► Dispositif d’analyse de l’« auto-analyse » ayant pour but de produire de la connaissance tout en augmentant les capacités d’action des acteurs étudiés. Dans l’intervention sociologique, les chercheurs exposent leurs hypothèses aux acteurs, se confrontent à leur approbation, leurs scepticisme, voire leur refus.

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La démarche de recherche

► C’est donc une option nécessaire pour que les acteurs du champ social révèlent les enjeux, les significations et les contradictions de leurs propres actions, représentations et positionnements. En effet, « le but (de l’intervention sociologique) est de produire de l’analyse par la rencontre et la confrontation, et d’amener progressivement les participants à la recherche à réfléchir sur leur situation, sur le sens de leur engagement et de leur action en s’extrayant de la rhétorique et de l’idéologie. »

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La démarche de recherche

Des « phases » dans l’intervention sociologique :

Phase 1: Analyse de la situation (« groupe figure »)

Objectif : Faire apparaître les rapports sociaux et les processus de domination (institutions, usagers, intervenants sociaux)

Démarche : Analyser la vie et l’histoire du groupe pour identifier des conflits significatifs des rapports sociaux entre intervenants sociaux agissant dans le cadre du RSA et « figures d’opposition ».

Phase 2 : Etablissement de « configurations d’opposition » (« groupe analyste »)

Objectif : Révéler l’enjeu social, culturel et politique du conflit central lié au dispositif RSA Démarche : le groupe est mis en situation d’intervenir comme représentant d’une lutte réelle.

Phase 3 : Interprétations (« groupe mixte d’auto-interprétation »)

Objectif : Faire apparaître aux acteurs leurs plus hautes capacités d’action sociale, historique et culturelle pour leur permettre d’élever le niveau de projet (personnel, professionnel et institutionnel)

Démarche : Le groupe mène son auto-analyse : il remplace l’action par l’analyse de la situation d’action reconstituée par l’intervention sociologique ; il s’agit de favoriser les échanges entre analyse et interprétation.

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Pôle militant Pôle normatif

Pôle clinique

Des pôles(J-F. Gaspar, Tenir! Les raisons d’être des travailleurs sociaux, La Découverte, 2012)

Relation de service

Relation singulière

Contrôle social

L’expérience des travailleurs sociaux(F. Dubet, Le déclin de l’institution, Seuil, 2002)

Opposition Totalité

Identité

Le triangle IOT(A. Touraine, La voix et le regard, Seuil, 1978)

Une recherche visant la coproduction du changement par l’analyse

Des cadres d’interprétation

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Un projet de recherche visant la coproduction du changement par l’analyse

Propositions d’analyses

L’espace IOT du groupe

Identité (valeurs et pratiques énoncées, revendiquées)

La réparation sociale, l’accompagnement social, opérateurs de socialisation, articuler action sur l’individu et sur le « collectif », analyse stratégique de situations complexes auprès d’individus et/ou de groupes, recomposer du lien social (le lien social comme moyen de limitation des risques de « responsabilisation » des personnes assistées : limiter l’isolement, le repli sur soi, etc.)

Opposition (valeurs et pratiques dénoncées)

La logique systémique de « l’emploi d’abord », le cloisonnement des attributions des professionnels impliqués dans le dispositif RSA, un système d’orientation « déshumanisé », la logique  « gestionnaire », la marchandisation de l’action sociale

Totalité (valeurs et pratiques méta-sociales partagées)

Le principe de l’empowerment (pouvoir d’agir/appropriation du pouvoir) - activation, le principe de contrepartie et de conditionnalité de l’assistance

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Propositions d’analyses

Un élément central de l’identité du groupe : la volonté d’articuler l’action sur l’individu et sur le « collectif »

► Comme l’ont montré Piven et Cloward en 1971, en période de chômage de masse, la fonction principale du dispositif d’assistance est de réguler les risques temporaires de désordre civil : le pauvres sont considérés comme devant être secourus parce que victimes de conditions socioéconomiques déplorables.

► Le paradoxe, c’est qu’aujourd’hui, en période de multiplication des situations de « hors-travail », l’opinion pourrait être portée à considérer que les BRSA sont d’abord victimes de l’injustice. Or, la philosophie du RSA tend toujours à exiger des personnes en situation de « hors travail » ou de « travail assisté » (Castel e& Duvoux, 2013) qu’ils y accèdent quand même, en prenant le risque d’être sanctionnés s’ils ne montrent pas leur « bonne volonté ».

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Propositions d’analyses

Un élément central de l’identité du groupe : la volonté d’articuler l’action sur l’individu et sur le « collectif »

► Des professionnels restent concentrés sur une dynamique dite de « social de compétition » (Donzelot, 2008). Même s’ils sont conscients des fortes tensions sur le marché de l’emploi, néanmoins, ils continuent prioritairement d’inciter les « usagers » à s’inscrire dans une dynamique de travail. Cette posture produit alors des effets sur ces professionnels : isolement, frustration, sentiment d’inutilité, découragement, etc.

► Prenant acte du fait que le principe implicite du RSA (« l’emploi d’abord ») est inadapté, voire anachronique, d’autres professionnels tentent de dépasser cette inadaptation. Ils contrent ou contournent le risque de « déni de reconnaissance », d’« hyper-responsabilisation », voire de « mépris » des « usagers » inscrits dans le fonctionnement « individualisé » du dispositif, en constituant des espaces d’« action collective » principalement tournés vers la restauration de l’estime de soi des « usagers ».

► En effet, Selon G. Simmel (1908), ce qu’il y a de terrible lorsque l’on est pauvre, c’est l’impossibilité d’être définit autrement que par le fait d’être pauvre. Dans cette optique, S. Paugam souligne que « le fait même d’être assisté assigne les « pauvres » à une carrière spécifique, altère leur identité préalable, et devient un stigmate marquant l’ensemble de leurs rapports avec autrui » (Paugam, Duvoux, 2013 : 17-18)

► Bien que toujours inscrits dans une logique d’activation, ils concentrent leurs activités sur le maintien du lien social (actions collectives de valorisation de soi, etc.). Du côté des professionnels, ce contournement a alors des répercussions : sentiment de plaisir au travail, engagement, etc.

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Propositions d’analyses

Des pratiques d’« empowerment » dé-radicalisées et le développement de la responsabilité des individus

► Finalement, la mobilisation puis l’institutionnalisation de la notion d’« empowerment » dans le monde de l’intervention sociale signifie que « les pratiques dites d’« empowerment » se détachent progressivement d’une perspective de transformation sociale. » (Ibid : 22) En effet, Bacqué et Biewener soulignent que « la plupart des approches actuelles du travail social ne retiennent que la dimension individuelle, voire thérapeutique, de l’« empowerment’. Le succès de la notion s’accompagne de sa réduction au profit d’une approche individuelle, délaissant les dynamiques collectives et surtout les perspectives politiques initiales. » (Ibid : 41)

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Propositions d’analyses

Des pratiques d’« empowerment » dé-radicalisées et le développement de la responsabilité des individus

► La plupart du temps, les utilisations professionnelles de la dynamique d’« empowerment » s’incluent dans des modèles socio-libéral, voire néolibéral : « Ce glissement des approches dites d’empowerment vers une rhétorique de la responsabilisation et de la motivation débouche sur une injonction faite aux individus de se prendre en main et de s’impliquer. » (Ibid : 50-51)

► Comme l’indique Bernard Wallerie (Interventions sociales et empowerment, 2013), « sous couvert de qualité de service et de respect du droit des usagers, les intervenants sociaux tendent à organiser leurs pratiques selon des modes individualisants, provoquant des effets délétères sur les personnes concernées par les interventions; et ce, au détriment des actions sur les contextes ou les institutions (…). Délaisser les éléments contextuels dans l’élaboration et la mise en œuvre du changement, c’est faire reposer sur la seule personne ou collectivité concernée par la situation la responsabilité des obstacles rendant la situation délétère. »

► Dans le travail social, le principe de « responsabilité » (être responsable de ses actes) a plusieurs visages et peut, en fonction des contextes, soit tendre vers la production de plus de devoirs et de contraintes culpabilisatrices pour les individus (responsabilisation : être responsable de ce qui nous arrive), soit tendre vers le développement de plus de droits et de capacités d’action et d’émancipation individuelle et collective.

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Du devoir d’agir au pouvoir d’agir

Subjectivation

Emancipation

Individu

Environnement social, politique et

économique

Individu : - Agir sur les défaillances, les carences personnelles et

familiales (handicap, déviance, etc.) ; - Permettre la correction des carences par l’acquisition de

compétences individuelles et collectives spécifiques.

Environnement social, politique et économique:- Contextualiser les modes d’intervention en fonction

de l’environnement; - Agir sur les opportunités de l’environnement (communauté,

quartier, etc.).

Subjectivation/émancipation :- Permettre aux individus et aux groupes de

conscientiser/conflictualiser les éléments personnels, familiaux, structurels et conjoncturels qui détériorent/améliorent une « situation problème »;

- Développer les capacités de réflexion et d’action des individus et des groupes.

Usager - Citoyen

Des logiques d’action au service de la transformation sociale