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PIERRE PREVOT Un quartier méconnu de Fleurus : le Vieux Campinaire Ou La mutation d’une zone forestière en zone industrielle au XIX eme siècle

Un quartier méconnu de Fleurus : le Vieux Campinaire Ou · La géographie A la fin de l’Ancien régime, le Vieux Campinaire marque la limite entre le plateau limoneux des campagnes

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Page 1: Un quartier méconnu de Fleurus : le Vieux Campinaire Ou · La géographie A la fin de l’Ancien régime, le Vieux Campinaire marque la limite entre le plateau limoneux des campagnes

PIERRE PREVOT

Un quartier méconnu de Fleurus :

le Vieux Campinaire

Ou

La mutation d’une zone forestière en zone industrielle au

XIXeme

siècle

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In memoriam : Marc Jaumotte (1960-2010) – comptable.

© Reproduction totale ou partielle interdite sans l’autorisation de l’auteur

Pierre PREVOT, 101 rue de Bon Secours, 6220 FLEURUS – A.E.S.S Histoire - Ulg

Du même auteur :

Souvenirs de la famille Gailly - Ce texte a été publié en première version dans le bulletin 17

de 1989 de la Société d’Histoire, Arts et Folklore des communes de Fleurus. Ce texte est une

seconde version en format PDF.

La fondation de la mutuelle Sainte Barbe. - L’article initial a été publié dans Société

d’Histoire, Arts et Folklore des Communes de Fleurus, bulletin n°17, pp.21 à 23 Ce texte est

une seconde version en format PDF.

L’hospice et les œuvres de bienfaisance à Fleurus ou Plaisirs et Charité Ce texte a été publié

en version originale dans le bulletin 25 de 1992 de la Société d’Histoire, Arts et Folklore des

communes de Fleurus. Ce texte est une seconde version en format PDF.

Les moulins de la famille Naveau : mythe et réalité, Seconde édition en format PDF.

Souvenirs de la famille Folie Seconde édition en format PDF.

Du moulin de Fleurus… aux moulins de sulfate de baryte, Seconde édition en format PDF.

Un vrai Fleurusien : Paul Vassart - Seconde édition en format PDF.

La brasserie Dubois Seconde édition en format PDF

Réédition du livre de Charles Jacquet : Souvenirs sur la petite ville de Fleurus sur la

révolution de 1830 (…) – présentation – commentaires et illustrations

Une querelle oubliée : la question de l’inhumation 2006

Gaston De Spandl : (1775 - 1836) - Maître de fosse- Régisseur financier du baron Philippe de

Néverlée. 2011 - Seconde édition en en format PDF.

La vente des biens nationaux à Fleurus - 2008

Le démembrement de l’abbaye de Soleilmont – 2010 (seconde édition)

Deux frères dans les biens noirs : les Derkenne - 2011

Un quartier oublié – le Vieux Campinaire à Fleurus – ou - la mutation d’un zone forestière

en zone industrielle au XIXeme

siècle (en cours d’élaboration).

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La géographie

A la fin de l’Ancien régime, le Vieux Campinaire marque la limite entre le plateau limoneux

des campagnes de Fleurus et les bois qui couvrent la pente vers la vallée de la Sambre. La

carte de Ferraris (1771 -1778) –maintenant accessible via internet1 – montre bien une zone

encore bien boisée même si elle a subi de défrichement régulier. Un des derniers de cette

époque est la closière Naveau, proche de l’actuelle cité. Les habitations y sont très rares ; on y

trouve une maison – servant de cabaret - tenue par la famille Godart, près de l’actuel rond

point et quelques masures éparses de bucherons, agriculteurs, voire de bergers.

Avant la construction de la chaussée de Charleroi, ce cabaret portait le nom « Le

Campinaire »2. Nous ignorons le pourquoi de ce nom mais il et clair qu’il a donné son nom au

lieu dit. Ce n’est que dans la seconde moitié du XIXème

siècle que l’on adjoint l’adjectif vieux

pour former le nom « le Vieux Campinaire ».

Les bois couvrent une large part de l’espace. La ville dispose comme bien propre d’une partie

du bois : c’est le bois communal dont le cadastre de 1834 évalue la superficie à 60 hectares3

Le reste appartient à des personnes privées et aux religieuses de Soleilmont dont l’abbaye se

trouve aux confins de Fleurus, Gilly et Châtelineau. Lors de l’annexion de nos contrées par la

France, les abbayes sont vendues comme biens nationaux, mais les bois seront le plus souvent

incorporés dans le Domaine national et ainsi préservés pendant quelques années. En 1825, le

roi Guillaume Ier

fit vendre bon nombre de ces bois qui tombèrent dans le domaine privé.

o Le bois de Soleilmont, situé sur les communes de Châtelineau et Fleurus, contient 161

bonniers. A l’époque, on y exploite une petite carrière de grès.

o Le bois du Roi sis sur la commune de Fleurus couvre 135 bonniers.

o Le bois de Ransart de 163 bonniers sur Ransart.

o Avec le bois dit de Lobbes sur Gilly de 97 bonniers,

Tous ces bois sont vendus pour le prix global de 152.500 florins aux frères Dooms, négociants

à Lessines, pour la première moitié et à la société de Dehults, Lefebvre et compagnie, de

Tournai pour l’autre moitié.4

1 Site Internet de la Bibliothèque royale de Belgique. Carte de Ferraris.

http://www.kbr.be/collections/cart_plan/ferraris/ferraris_fr.html 2 A.E.N., Etats de Namur, n°538, courrier du 31 mai 1783 du comte de Claiwez-Braint.

La carte de Ferraris indique aussi le cabaret « le Campinaire ». 3 A.E.M., Archives communales, Fleurus, deuxième versement, cadastre primitif de Fleurus,

4 A.E.M., Hypothèques de Charleroi, transcriptions, registre n°99, acte 1 du 17 décembre

1825. - Le notaire instrumentant est Clément Joseph Delbruyère de Charleroi, dont les actes

sont déposés aux A.E.M - Copie partielle dans mon article sur la brasserie Dubois sur ce

même site.

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La construction de la Chaussée de Charleroi

Afin d’aider le développement de Charleroi et de Gilly, les Etats de Namur décident la

construction d’une route pavée allant de Gilly Sart Allet à Sombreffe (carrefour du Docq) où

se joint à la route de Namur à Nivelles, mais peut se poursuivre vers Gembloux.

Les premières discussions pour le tracé de cette route remontent à janvier 1783. Les autorités

locales de Fleurus écrivent aux Députés des trois membres de l’Etat de la province de Namur

pour l’érection d’une chaussée pour Fleurus et ses environs pour l’exportation des productions

vers les provinces de Brabant (Wavre – Tiennen – Leuven) et Namur.

Cette chaussée permettrait l’exportation

o Des pierres de taille de première qualité pour la sculpture à Saint Amand et Ligny, ou

pour en faire des pavés en raison de sa dureté.

o Des pierres pour en faire de la chaux – si utile à nos agriculteurs.

o L’exportation du superflu des campagnes entourant Fleurus qui produit quantité de

grains de toutes espèces, lins, colza, garance, tabacs.

Elle faciliterait le transit des charbons, des bois sciés, fers de toutes les forgeries du Comté

d’entre Sambre et Meuse, manufactures de pots, le vin, les clous, le sel, le tabac, les cuirs, les

peaux pour les tanneries.

Elle autoriserait l’importation des cendres de Hollande5 si recherchées par les Agriculteurs.

Les multiples avantages de cette chaussée n’échappèrent à d’autres communes et seigneurs.

Ainsi Ransart essaya de faire passer la dite route sur ses terres et puis par Heppignies et Saint

Fiacre. Ce projet resta sans suite car ce tracé fut jugé trop proche de la chaussée existante

entre Charleroi et Bruxelles6.

Le 18 février 1786, Joseph II accorda aux Etats de Namur un octroi pour construire une

chaussée depuis Gilly – lieux dit : Sart Allet – par Fleurus à Sombreffe, où elle rependra celle

de Namur à Bruxelles.

Cet octroi comporte une série d’obligation tant pour le constructeur que pour les utilisateurs.

o Que le lit de cette chaussée pourra être de 60 à 70 pieds7 de largeurs, y compris les

chemins de terre et les fossés, non compris en ce, les talus nécessaires.

o Qu’ils pourront prendre les terrains nécessaires à cet effet, de même que pour la

construction des maisons à l’usage des tenants barrières, chaque avec un demi bonier

pour jardin et emplacement, de même que le sable et les pierres nécessaires à la dite

construction et entretien ; le tout parmi désintéressant les propriétaires de ces terrains

ensuite d’estimation à faire au dire d’experts.

o Que des terrains à prendre dans les biens communaux, il ne sera payé aucune

estimation.

5 Les cendres de Hollande : terreau humide très léger pour améliorer le sol.

6 On remarquera que c’est, en partie, l’actuel tracé de la fin du grand ring de Charleroi. Le

rond point final d’Heppignies pourrait, un jour, devenir un simple lieu de transit vers Saint

Fiacre et au-delà, Saint Amand et Ligny. 7 Le pied de Namur dit de Saint-Lambert (différent du pied de Liège dit de Saint-Lambert !)

fait 0,294763 m; 2294 verges x 20 pieds = 45.880 pieds à 0,294763 = 13.524 mètres par excès

(soit 13,5 km par défaut).

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o Qu’ils pourront aussi prendre gratuitement dans ces communes, le sable et les pierres à

pavé parmi remplissant les carrières et égalisant le terrain de ces communes où ce

sable et ces pierres auront été pris.

o Qu’ils pourront planter les bas chemins et talus de la dite chaussée.

o Que les vieux chemins pour autant qu’ils ne seront plus nécessaires aux passagers ou

aux habitants pour la culture de leurs biens ou autres besoins, demeureront au profit

des suppliants, qui pourront les vendre.

Il sera permis aux suppléants d’établir deux barrières sur la dite chaussée, à chacune

desquelles, ils pourront faire percevoir les droits suivants, savoir :

o D’un charriot à quatre roues attelées de quatre chevaux – trois sols

o D’une charrette attelée d’une ou deux chevaux – deux sols, de même qu’un tombereau

attelé de deux chevaux.

o Le double pour l’une ou l’autre de ces voitures si elles sont attelées d’un cheval de

plus.

o Le triple si elles sont attelées de deux chevaux de plus ; étant néanmoins défendu d’en

atteler davantage à peine de confiscation du cheval ou des chevaux excédents.

o D’un carrosse, chaise, berline, ou tombereau, attelé d’un cheval – deux liards par

cheval et un liard par roue.

o De chaque cheval, mulet, bœuf, taureau, vaches ou âne, deux liards

o De chaque cochon ou veau, un liard

o De chaque couple de moutons, un liard, pour un seul ou un surnuméraire, aussi un

liard.

Ces droits se lèveront sur les voitures à vides et à charge.8

Les habitants des villages contigus à la dite chaussées seront exempts des dits droits de

barrières pour tous passages et repassages, servant aux ouvrages d’agriculture et à recueillir

les grains et autres fruits et autres besoins intérieurs des dits villages. Le passage sera gratuit

aussi pour les militaires et leurs convois ainsi que ceux au service de l’Empereur, tous munis

d’un passeport particulier9.

Les archives générales du Royaume conservent le premier plan dressé par l’arpenteur juré

Beaulieu le 12 aout 178610

. Il en existe d’autres comme

o plan d’un nouvel alignement pour la partie de la chaussée de Namur à Charleroi et

Bruxelles, comprise entre l’endroit appelé le Campinaire, près de Lambusart et la

chaussée du Sart Allet, formé dans la seconde moitié du XIII siècle11

o plan et cordon d’un bras de chaussée projeté depuis le Sart Allet à Gilly jusqu’à la

chaussée de Namur à Bruxelles, entre le Point du Jour et la grande chapelle de

Sombreffe, en traversant la ville de Fleurus, levé ensuite des ordres des Etats de

Namur par l’arpenteur Antoine Joseph Simon en 1786 12

8 A.E.N., Etats de Namur, n° 541, copie de l’octroi du 18 février de Joseph II.

9 Les troupes d’invasion françaises ne paieront évidemment pas de droits de passage en 1792

et 1794. Le percepteur des barrières a sans doute préféré à chaque fois se mettre en sécurité

avec sa recette ! 10

AGR, Inventaires des cartes et plans manuscrits et gravés qui sont conservés aux archives

générales du Royaume, n°271 Cette carte a une hauteur 59 cm pour une largeur de 7 mètres 7

centimètres !!! 11

Ibidem, n 276, cette carte mesure une hauteur 63 cm et une largeur 1 m 16 cm. 12

Ibidem, n 263, ce plan mesure une hauteur 63 cm et une largeur 36 cm.

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o La même carte est reprise dans le livre de Marcel WATELET, Le terrain des

Ingénieurs, la cartographie routière en Wallonie aux XVIIIeme Siècle13

. Il a reproduit

l’exemplaire conservé aux archives de Vienne. La dite carte, bien que similaire, est

moins complète et signée par J.J.J. Crespin, géomètre, avril 1786.Le dénommé

Crespin semble avoir été un adjoint temporaire à Simon.

o Et enfin le plan et cordon d’un bras de chaussée projeté à établir du Vénérable à

Sombreffe, passant par la ville de Fleurus et ladite ville sur Gilly, levé par le géomètre

Antoine J. Simon en 1784.14

A partir de février 1788, on procéda à l’estimation des maisons et terres à exproprier. On

arriva à la somme totale de : 32.144 florins.

Parmi les maisons expropriées, celle des notaires Delvaux et Quarré, celle de la veuve Lesire

(près de l’ancienne cour Lesire, sise juste le tracé) la halle aux grains, la grange et les écuries

des héritiers de Charles François Wauthier (Cette grande grange se trouvait juste au coin de la

rue Sainte Anne et de la chaussée, en allant vers Charleroi), une grange appartenant au notaire

Pirot au Campinaire. On retrouvera la liste détaillée en annexe.

Antoine Simon est nommé par les Etats de Pays et Comté de Namur, comme Inspecteur

général de la nouvelle branche de chaussée entre Sombreffe et Gilly Sart Allet en passant par

Fleurus le 7 mai 178815

. Son appointement est de 100 florins par mois plus deux florins deux

sols par jour de mission16

.

Pour la fabrication des pavés, Antoine Simon a prix contact avec différents maitres de

carrières, dont l’exploitation était proche de la route à construire.

o La carrière de Potriau (situation) 17

o La carrière de Plomcot (limite de Fleurus et Ligny) qui dispose d’un four à chaux pour

approvisionner les agriculteurs de la région en chaux éteinte pour leurs champs.

o La carrière en face du château de Ligny18

o La petite carrière, toujours à Ligny 19

o Une carrière non localisée mais dirigée par Dieudonné Piton.

o La carrière du Bois du Roi (au Vieux Campinaire), mais la qualité des pierres est trop

mauvaise pour en faire des bons pavés.

Finalement, la plupart des pavés viendront de Potriau et Plomcot. Le sable viendra de la

sablière du Point du Jour à Sombreffe et de Plomcot à Fleurus.20

En aout 1788, la percée de Fleurus est terminée. Les maisons ont été toutes démontées, les

poutres et les briques et pierres ont été récupérées comme on le faisait fréquemment à cette

époque. Désormais, une chaussée en pavé de grès traverse le centre de Fleurus. Pendant tout

13

Livre paru à Namur-Bruxelles, 1995, page 110. 14

A.G.R., Cartes et plans, n°284. 15

A.E.N., Etats de Namur, n°540 – courrier du greffier Petitjean au 7 mai 1788. 16

A.E.N., Etats de Namur, n°540 – copie extraite du registre aux résolutions des deux

premiers membres du 20 mai 1789. 17

A noter que celle-ci utilise une visse d’Archimède pour épuiser ses eaux. 18

Cette carrière est exploitée par Guillaume Fichefet et deux nommés Bouffioux. 19

Cette carrière est exploitée par Jean Dutraix. 20

A.E.N., Etats de Namur, 540 – Rapport d’Antoine Simon rédigé à Fleurus le 13 mai 1788.

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le régime français, les actes notariés font mention du pavé, et non de la chaussée de Charleroi

à Namur.

Les barrières

Pour se rembourser les Etats ont dressé des barrières. Nous pouvons comparer ces barrières

aux péages sur les autoroutes françaises. Nous connaissons quelques barrières.

A l’entrée de Fleurus venant de Charleroi, au lieu dit : Pont Saint Joseph. C’est pour cela que

les anciens appelaient le bout de la rue de Châtelet, après la brasserie Dubois et la chapelle

Saint Joseph, le fond du pont qui est la contraction de « au fonds de la rue, près du pont Saint

Joseph ». Ce petit pont se trouvait au futur Faubourg Saint Bernard21

, appellation apparue

vers 1830. Il se trouvait juste aux actuels feux lumineux en venant de Charleroi Ce pont existe

toujours 186822

Par contre, en 1892, il semble avoir disparu à en croire un plan joint à la

vente d’une propriété appartenant à la fabrique de Fleurus au profit de Louis Wattiaux23

.

Finalement, la circulation est arrêtée au même endroit mais on ne paie plus de droit d’entrée !

Il y avait aussi une barrière au Vieux Campinaire, près de la closière Naveau et du cabaret,

tenu par la famille Godart. Actuellement, essentiellement le rond point du Vieux Campinaire.

En 1792, les Français désorganisent complètement les barrières. La route n’est plus

entretenue, ni terminée. Notre Antoine Simon a dû cacher le solde de l’argent des travaux.

Grâce à la victoire autrichienne de Neerwinden l’année suivante, il put remettre les fonds aux

autorités provinciales namuroises. Bel exemple de probité.

21 A.E.M., Notariat, n° 3543, Notaire Carpent, acte du 22 août 1833, n°4793.

Bernard De Reuser et son épouse Marguerite Modave, propriétaire et cultivateur, vendent à

Guillaume Wautelet et Marie Françoise Housse, son épouse, une maison composée de deux

places, cave et grenier, et deux ares 95 cent à Fleurus au faubourg Saint Bernard, tenant vers

nord à la Chaussée de Fleurus à Gilly, vers orient à François Collet, vers midi aux enfants

Flandre, vers occident aux vendeurs. Prix : 707 francs 48 cent.

A la moitié du XXeme

siècle, ce quartier était haut en couleurs. Certains anciens se

souviendront de François Delposen, mieux connu sous le sobriquet : la « malle des Indes ». 22

A.EM., Archives Communales, Fleurus, n°832, Plan du 2 décembre 1868 Demande de

construction d’un immeuble sur la chaussée par Désiré Cornil. 23

A.EM., Notariat, n°4937, Notaire Charles Ermel, acte du 25 aout 1892 – n°382. La fabrique

d’église possédait une terre dite Saint Joseph et Sainte Anne, à la section B, n°134 du cadastre

pour une superficie de 19 ares 46 centiares. L’acquéreur possédait déjà le terrain formant le

triangle entre la chaussée et la rue Brennet. En devenant propriétaire du terrain juste à coté, il

a obtenu une très belle parcelle à bâtir, à front de chaussée. Ainsi sont nées ce que les

Fleurusiens ont appelé « les casernes », c’est-à-dire, des maisons ouvrières formant un bloc

homogène, limité d’un côté par la rue Brennet et de l’autre par une prairie, sur laquelle mon

grand père maternel, Albert Genevrois, construisit une petite ferme aujourd’hui disparue.

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La bataille de Fleurus de 1794

Le 8 messidor de l’An II ou 26 juin 1794 a eu lieu dans nos plaines une partie de la bataille

dite de Fleurus. Drôle de bataille en vérité qui oppose les troupes de jeunes conscrits français

mal équipés d’une République française qui se cherche. C’est la Terreur à Paris et le régime a

besoin de victoires. L’armée du Nord doit définitivement écarter le danger que représentent

les Autrichiens. Saint-Just qui accompagne Jourdan se distinguera par un comportement sans

concessions, tant vers ses propres troupes françaises qu’autrichiennes. Point de fraternité,

mais le Salut ou la Mort24

.

Les Autrichiens occupent la forteresse qu’était alors Charleroi. En mai, l’armée française du

Nord commandée par Jourdan rentre à nouveau en Belgique. Les Autrichiens viennent au

secours de la forteresse de Charleroi, occupée par leurs troupes, et assiégées par les soldats

Français, ce qui explique le déploiement en arc de cercle des deux armées au tour de

Charleroi. La bataille aura lieu de la vallée du Piéton à celle de la Sambre. Les Français

tiennent une position intérieure, qui permet des plus courts déplacements de troupes, ce qui

constitue un réel avantage tactique. En plus, ils viennent de prendre la forteresse de Charleroi

la veille. Ils ne doivent plus craindre d’arrivée d’adversaires dans le dos. Enfin, le ballon

captif à Jumet énervera les Autrichiens qui ont le sentiment d’être constamment surveillés et

épiés. Mais l’apport du ballon captif fut nul aux yeux de l’état major français et l’expérience

ne fut plus jamais renouvelée pendant les guerres napoléoniennes. 25

Toute la zone de Baulet et de Lambusart est encore couverte de petit bois et de prairies avec

des haies qui se prêtent bien au combat d’arrêt, notamment à Stockizone, dans l’Avant

Spinois, le bois de Lambielbut. Le général Lefèvre est installé dans Lambusart, alors petit

village agricole, et attend son adversaire. Devant lui Marceau livre un premier combat

retardateur à Velaines, Wanfercée et Fleurus. Les troupes françaises de Marceau se débandent

en cherchant le salut en repassant la Sambre à Tergnée et Tamines ; Sur ordre de Soult,

Marceau va regrouper les plus braves et les ramener au champs de bataille sur Lambusart.

C’est alors au tour du général Lefèbvre de soutenir la poussée autrichienne dans les plaines de

Martinroux - Fleurjour jusqu’au bois de Lambusart. Plus en arrière, la ferme de Fontenelle est

transformée en camps retranché et une redoute est dressée un kilomètre en avant de la ferme.

Tout l’effort de la colonne autrichienne commandé par Beaulieu va porte sur l’axe du chemin

du Wainage afin d’envoyer des estafettes vers la forteresse de Charleroi qu’il pense encore

aux mains autrichiennes, voire le cas échéant, de coordonner leurs efforts pour se dégager des

troupes françaises.

Les combats dans Baulet, puis surtout dans Lambusart sont très violents. Les Français mettent

le feu tant au village que dans les champs de blé à maturité. La fumée va gêner les assaillants

(Les vents dominants d’Ouest poussent la fumée principalement vers les Autrichiens.).

Cependant, des cavaliers autrichiens passent au Wainage à Farciennes et descendent vers la

Sambre et de là, filent vers la forteresse de Charleroi.

24

Comportement excessif qui lui vaudra d’accompagner Robespierre à l’échafaud. 25

Le ballon se trouvait à Jumet où on a inauguré bien plus tard une place du ballon. On y

dressé un petit monument pour rappeler l’événement. Comme quoi un échec peut être

transformé et déformé par l’imagerie populaire et devenir un soi-disant grand moment

d’histoire…

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Les combats se portent maintenant sur la ferme de Fontenelle et sur le hameau du Campinaire,

où les Français sont en difficultés. Le général Lefebvre commande en personne les troupes qui

sont retranchées devant la ferme. Il laisse approcher l’ennemi à petite portée et donne le signal

d’une décharge générale qui décime les assaillants. La cavalerie légère française vient sabrer

les assaillants désorganisés.26

Au centre du champs de bataille, la colonne autrichienne commandée par Kaunitz va essayer

en pure perte de prendre la grande redoute française installée à Heppignies. Cette colonne

vient notamment des campagnes de Chassart dont la deuxième ferme brûlera. Du village d’

Heppignies, les Français tiennent sous la menace de leurs feux, la chaussée de Charleroi à

Gembloux, celle de Charleroi à Bruxelles, l’ancien chemin de Mons à Namur et l’antique

chaussée romaine. C’est le verrou de tout le dispositif français. Le général Jourdan y a massé

son artillerie et beaucoup de troupes. Les jeunes conscrits de la République repoussent toutes

les tentatives de l’adversaire.

Vers 17 h, les Autrichiens apprennent par leurs estafettes qui reviennent de Charleroi que la

forteresse est occupée maintenant par les Français. L’objectif principal de la bataille n’existe

plus pour les Autrichiens qui se retirent en bon ordre du champs de bataille. Le soir, Jourdan

entre victorieux dans Fleurus qui va être pillée, tant par la troupe que par les officiers 27

.

La République est sauvée, le régime de la Terreur va bientôt disparaitre et nos régions seront

françaises jusque 1814. Ce changement de régime va bouleverser toutes nos habitudes parfois

en bien, comme par exemple l’instauration du système métrique et monétaire décimal28

, le

code civil, les nouvelles divisions administratives; parfois en moins bien .Ainsi, Fleurus perd

sa belle fonction de chef lieu de bailliage qui est supprimé. Pire, elle bascule du comté de

Namur à la province de Hainaut avec laquelle elle n’avait aucune histoire profonde.

L’accrochage du 15 juin 1815

Le jeudi 15 juin1815, Napoléon envahit brusquement la Belgique. Il doit passer au plus la

Sambre aux ponts de Thuin, Marchienne-au-Pont, Charleroi et Châtelet. Vers midi, les

Français sont maitres des ponts sauf à Châtelet où le franchissement ne commencera que vers

16 H. Les Prussiens se contentent de livrer un combat de retardement à Ransart, Gilly, la zone

de l’abbaye de Soleilmont et le Vieux Campinaire, Fleurus, Farciennes et Châtelineau.

L’Empereur lance contre les Prussiens, commandé par Zieten, les cavaleries d’Excelmans et

Pajol et le corps de Vandamme.

26

Soult participa aussi à la bataille et eut 5 chevaux tués sous lui. Il était alors colonel

adjudant général. Il écrit notamment : « Parmi ceux dont l’attitude indomptable contribua le

plus au succès de la journée, j’aime à citer le général Lefebvre ». Mémoires du maréchal-

général Soult, duc de Dalmatie, première partie, Histoire des guerres de la Révolution, tome

1, partie 1, publié par son fils à Paris, 1854, pp. 160 à 172. 27

En 1989, on crut intelligent d’honorer ce général étranger en rebaptisant l’athénée royal de

Fleurus en athénée Jourdan. Sans doute, nos édiles locales de l’époque n’avaient-elles jamais

lu sa biographie et ainsi appris qu’il fut à la base de la conscription militaire, si honnie par nos

aïeux. 28

Le calendrier républicain, organisé en décades, fut un échec. Il fut abandonné par les

Français eux-mêmes.

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Les Prussiens, trop peu nombreux ne pourront résister longuement. Vers 18 h, ils sont chassés

de Gilly, Soleilmont et Châtelineau. Lors de cet accrochage, les Français perdent le général

Letort, mortellement blessé. Les troupes françaises débouchent hors du bois communal, sur le

début de la plaine de Fleurus mais dépassent pas Martinroux. Les troupes venant de Châtelet

arrivent trop tard sur le plateau de Farciennes – Fleurus pour couper la retraite aux Prussiens

vers Fleurus. Zieten a retardé au mieux les Français en cette journée du 15 juin. Le soir, il se

repose à Fleurus, puis très tôt, il va aller prendre position avec le gros des troupes prussiens

que Blucher concentre sur Sombreffe - Ligny.

Les Français ont installés des camps, au bois de Fleurus, à la ferme de Fontenelle, à

Farciennes, au lieu dit du Wainage et en arrière, notamment à Châtelineau.

« (…) la quantité d’hommes logés cette à Châtelineau est considérable ; les maisons, les

écuries, les granges en seront remplies. Il en campe dans les prairies et sur les places

publiques Tout ce qu’il a de vivres dans la commune est enlevé. Quelques habitants

parviennent à sauver un pain ou un jambon ; aussi le lendemain, la faim se fait-elle sentir

dans beaucoup de familles.

(…) 84 moutons sont pris au fermier Fontaine et 200 bouteilles de vin sont pillées chez

l’hôtelier Wautiez (…)29

On peut penser qu’il en fut de même le lendemain à Fleurus. Le 19 juin avec le retour des

Prussiens, la vie fut encore plus difficile pour tous les habitants.

La ferme de Fontenelle

Aux confins de Fleurus, mais sur le territoire de Farciennes, la ferme de Fontenelle

appartenait aux religieuses de l’abbaye de Soleilmont, toute proche. En 1793 et 1798, ces

religieuses louent la ferme et la basse cour à François Joseph Fontaine, tant pour lui que pour

ces six frères et sœurs.

Reconnue comme bien national, la ferme est saisie et expertisée. L’administration centrale du

département de Jemappes procède à la vente de la ferme du 23 au 28 pluviôse de l’an V (11

au 16 février 1798).

29

J. KAISIN, Annales historiques de la commune de Châtelineau, Farciennes, 1871, page 386.

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La ferme de Fontenelle sur la Carte de Ferraris (1771 -1778) Le trait orange indique la

limite entre le comté de Namur et la Principauté de Liège.

En la ferme de Fontenelle situé sur les communes de Farciennes et Fleurus composé d’une

maison, deux granges, écuries et 96 boniers tant terres labourables, prairies que pâtures en 11

pièces dont le détail suit :

1. Une maison de ferme en un état médiocre, composé d’une maison, deux granges,

écuries de toutes espèces, laquelle ferme est située sur quatre bonniers de pâtures sur

lesquelles trouvent cent arbres à fruits, laquelle ferme est très bien située sur le bien.

2. Soixante bonniers de terres appartenant à ladite ferme, tenant au chemin de Fleurus au

vinage (=Wainage30

) dans lequel passe le grand chemin de Fleurus à Namur, tenant au

baty des sorcières ; ladite pièce est entourée de chemins de tous côtés, un quart de la

pièce est médiocre et trois quart bon.

3. Vingt deux bonniers de terres situées sur le baty31

des sorcières, séparé en deux pièces

par un chemin, tenant au citoyen Becquevort et au ci devant duc d’Aremberg, citoyen

Posson, et citoyen Zualart et à la veuve Dupuis.

4. Trois bonniers tenant à De Zualart de cotés et au ci-devant duc d’Aremberg de deux

côtés.

30

Vinage ou Wainage – indique un ancien lieu de péage pour passer du comté de Namur au

duché de Brabant ou en Principauté de Liège. Une taxe était prélevée sur la marchandise

transportée. 31

Les bâtis sont de mauvais terrains demeurés longtemps en friche et servant à la

Communauté pour faire paître des moutons notamment. Ce terme désigne aussi, selon les

régions, un terrain ou pré banal non clôturé, une place vague à l’intersection de chemins, un

terrain raffermi par le piétinement du bétail, une terre foulée ou une place publique entourée

de maisons. Yves ROBERT, Contribution à l’histoire de Forchies-la-Marche sous l’Ancien

régime, premier cahier, 2008, page 29.

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5. 180 verges de terres sur Wangenies, tenant à Berger et à Tamenne et au bois du

citoyen Desandrouin.

6. Trois bonniers de terre mauvaise sur Fleurus, tenant au citoyen Becquevort et au

citoyen Mercier, au citoyen Delcambre et au curé de Lambusart.

7. Un bonnier de prairies sur Farciennes, tenant à la veuve Tasson et à la veuve Delvaux

Buddenbroeck.

8. Dix huit bonniers de terres vers le Campinaire, tenant à la nouvelle chaussée et à

Nicolas Reumont et au citoyen Fontaine et au chemin de Lambusart et à celui de

Chatelet.

9. Cinq bonniers de terre situés vis-à-vis Le Campinaire, tenant à la nouvelle chaussée et

au chemin de Lambusart et à la ferme de Martinroux et à celle de Chantraine.

10. Un bonnier enclavé dans la ferme de Martinroux, bien connu à l’acceptant tenant de

trois côtés aux terres de Martinroux.

11. Quatre bonniers de mauvaises terres situées vers la ferme de Martinroux, tenant au

sentier, à la veuve Bodart et au Personnat et à la chaussée ; bien connue

La ferme et les terres furent adjugées pour 150.000 livres à Charles Ghillenghien, qui est un

acquéreur parisien de biens nationaux.32

Au décès de Charles Ghillenghien, la ferme passe par

succession à Marie Sevelle, épouse Videl, qui décide de rapidement vendre la ferme à Jean

Baptiste Adolphe Parvillez-Renard33

, propriétaire, demeurant à Courcelles, pour le prix de

266.000 francs à verser au domicile de la vendeuse à Paris le premier mars 1834.34

Ledit Parvillez-Renard va tenter de rentabiliser doublement son investissement. Pour les terres

de cultures et en obtenant l’accord d’autres fermiers, il fait construire une sucrerie non loin de

la ferme, mais sur le coté Fleurus. (Ce sont les bâtiments actuels du restaurant « Les

32

A.E.M., Archives de l’administration centrale du département de Jemappes, 1795-1800,

Affiche 18 – article 27 - Commune de Farciennes et Fleurus – ci devant l’abbaye de

Soleilmont, dossier de vente et expertises, n°461. 33

Ledit Jean Baptiste Parvillez est aussi propriétaire de la ferme du Haut Bruard à Nalinnes,

ex bien national provenant de l’abbaye d’Aulne. – Ivan DELATTE, La vente des biens

nationaux dans le département de Jemappes, pages 94-95 et A.E.M., Notariat, n°1691,

notaire Delbruyère de Charleroi, acte du 17 avril 1829, n°48. 34 A.G.R., Administration des mines, 3 et 4 séries, portefeuille n°106. Copie de l’acte du

notaire Derfacqz d’Ath du 3 novembre 1833. La succession est décrite comme suit : ces biens

appartiennent à madame Marie Elise Victoire Sevelle, épouse de mr Adolphe Videl, du chef

des successions de demoiselle Julie Ferdinande Emmanuelle de Ghillenghien, sa sœur utérine

et de dame marie Anne Ferdinand Victoire de Bry, sa mère, épouse ne premières noces de mr

Charles Joseph Antoine Delghillinghien, décédée, épouse en secondes noces de mr Marie

André Firmin Sevelle. Ils ont été assignés à la dite dame Videl par le partage sus énoncé

passé à Ath devant le notaire Defacqz soussigné, en présence de mr le juge de paix du canton

d’Ath, le 12 octobre dernier, dûment enregistré. Ces mêmes biens étaient échus aux dites

demoiselles De Ghillinghien et dame Sevelle, née De Bry, par les décès dudit monsieur

Charles Joseph Antoine De Ghillinghien ; leur père et mari respectivement et de demoiselle

Victoire De Ghillinghien, leur et fille aussi respectivement. Et enfin mondit sieur De

Ghillinghien en état devenu propriétaire par acquisition faite de la République française

suivant procès verbal de l’administration du département de Jemappes en date du 19 ventôse

an V, enregistré à Mons le 28 messidor même année.

Une copie de l’acte se trouve aussi aux A.E.M., Hypothèques de Charleroi, bureau unique,

n°2511, acte 49.

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Tilleuls » le long de la route à quatre bandes reliant le rond point du Vieux Campinaire –

Fleurus à la route du Wainage à Farciennes et au-delà, à la route de la Basse Sambre). Le 11

avril 1835, il participe à la constitution d’une société dont les statuts sont rédigés par Philippe

De Haussy, avocat fontainois bien connu dans le milieu industriel de Charleroi35

.La société

appelée – société de Fleurus - dispose d’un capital social d’un million de francs, devant

donner annuellement 5% d’intérêt.

Selon la brochure publicitaire visant à lever les capitaux chez banquiers et agents de change,

on lisait :

« Le fonds social élevé à un million de francs, divisé en mille actions de mille francs chaque

est destiné, d’une part à concurrence de 500 mille francs à acheter la propriété de Fontenelle,

contenant 121 hectares, dont 4 à 5 seulement sont en nature de prairies. Le surplus forme une

vaste plaine de terre propre à la culture de la betterave, puisqu’elle produit des grains

excellents. Tout le matériel aratoire et d’exploitation de cette belle ferme sera également

acquis à la société, au moyen du capital ci-dessus36

Le sucre devait venir deux sources : d’achat fait directement aux fermiers ou de terres

annuellement reprise d’eux en location et de la culture de la ferme de Fontenelle. Cette société

avait obtenu de tous les fermiers voisins que la betterave serait fournie en abondance à la

fabrique. Selon le publiciste de la brochure sur la création de la société : « on sait que rien

n’améliore plus le sol que son appropriation à la culture de la betterave à cause de la qualité

des fumures dont on doit l’entretenir. C’est tellement vrai que dans tous les pays où des

établissements de ce genre ont été créés, les propriétés ont plus que doublé de valeur. »

Grossière erreur, les terres sont appauvries et la culture de la betterave s’inscrit dans le mode

triennale avec un apport d’engrais qui coûte et réduit le bénéfice.

Sur le capital social, il sera prélevé, en second lieu, une somme de 160.000 francs pour la

construction des bâtiments où sera établie l’usine, et pour l’achat des machines, appareils,

chaudières et autres ustensiles. Les deux fondateurs Parvillez-Renard et Brame-Danniaux

s’engagent comme garants envers la société, si le chiffre de 160.000 francs n’est pas suffisant.

Pour convaincre l’investisseur moyen, rien de tel que de grands noms dans l’actionnariat.

Ainsi les statuts prévoient un comité de surveillance composé de 5 commissaires auquel la

tutelle des intérêts généraux de la société se trouve confiée. Parmi eux, monsieur Jadot,

représentant, et monsieur l’avocat Vandievoet, étaient investis de cette fonction. D’autres

nomsconnus ont souscrit à l’affaire : monsieur Coghen, ex ministre des finances; Huisman-

d’Honssem, administrateur du trésor ; Pettre, conservateur des hypothèques à Bruxelles ;

Remi de Puydt, colonel du génie; Dugrati, conseiller à la Cour des comptes ; Tilmann,

banquier à Tournai, etc, …Les étrangers ont aussi voulu s’intéresser dans cette spéculation.

La maison de banque Heegman et fils de Lille, monsieur Riche et autres habitants du chef-lieu

du département du Nord, sont également au nombre des souscripteurs. Les gens du Nord

savent ce que peut rapporter une sucrerie. A cette époque, huit usines considérables sont

érigées dans l’arrondissement de Cambrai. » Voilà une belle affaire, juteuse à souhait…sur

35

Yves ROBERT, Michel MAIRIAUX, Christian DAUBIE, Un riche destin, Philippe De

Haussy, Fontaine l’Evêque, 1989, page 97. 36

L’auteur de la brochure omet deux détails importants : d’autres sucreries se trouvent à

Farciennes et Aiseau tout proche ; la ferme est située sur le bord du plateau de Fleurus,

dominant la vallée de la Sambre. Ainsi en raison des pentes où ne poussent que bruyères, de

nombreuses terres échappent à la culture. Les Dumont auront l’intelligence d’utiliser des

fermes complètement entourées de bonnes terres et en très grandes quantités.

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papier37

. Pourtant l’installation de la machine à vapeur fut fort retardée en raison d’un

mauvais montage. Les betteraves achetées aux fermiers leur furent revendues à vils prix pour

le bétail.38

En fin en 1837, on touchait au but ; l’affaire dégagea un beau bénéficie. En 1838, malgré les

bénéfices engendrés et restants à espérer, les fermiers refusèrent de poursuivre, de manière

définitive, de planter la betterave qui épuisait trop vite leurs sols. Comme les propriétaires et

leurs fermiers ne souhaitent plus cultiver la betterave, la sucrerie va manquer de matières

premières39. Ainsi dans un bail à ferme de mai 1840, Marie Catherine Houtain, veuve de Jean

Mathieu Lambotte, propriétaire, demeurant à Heppignies, interdit à son nouveau locataire de

« pouvoir cultiver et semer sur lesdites terres pendant les trois dernières années du bail des

chicorées betteraves ou autres plantes non portant pailles propres à engrais et connues pour

affecter le terrain »40

.

L’avocat de la société invoque aussi dans un courrier du 24 mars 1840 adressé au ministre

l’absence de lois protectristes, l’irrégularité des saisons et des accidents imprévus avaient

rendu la fabrication du sucre ruineuse pour la compagnie.41

Or l’usine avait été construite à grands frais et il lui fallait des produits en quantité si on

voulait l’amortir. Le travail dut être suspendu, faute de betteraves. La société perdit ainsi en

un an 50.000 francs. Dans ces conditions, pour éviter des pertes encore plus lourdes, la société

sucrière devait être liquidée au plus vite.

Par ailleurs, d’autres bourgeois se sont aussi lancés dans la production du sucre, afin de

suppléer à la disparition sur le marché belge du sucre hollandais provenant de Java. Une partie

des sucreries garde un coté artisanal ou familiale, par exemple, comme l’entreprise Dumont à

Saint Amand- Chassart. En Hainaut, on en compte pas moins de 18 entreprises en 1838.

D’autres ont carrément vu grand - voire très grand - en mobilisant d’importants capitaux via la

constitution de sociétés anonymes. Entre 1835 et 1838, on voit apparaitre dans toute la

Belgique les sociétés suivantes :

1. la raffinerie anversoise au capital de 1.000.000 francs crée le 28 décembre 1835 ;

2. la raffinerie péruwelzienne au capital de 350.000 francs crée le 1 janvier 1836 ;

3. la raffinerie de Péruwelz au capital de 180.000 francs crée le 1 janvier 1836 ;

4. les distilleries et raffineries de Lessines au capital de 1.000.000 francs crée le 1 janvier

1836 ;

5. la raffinerie nationale de sucre au capital de 4.000.000 francs crée le 1 janvier 183642

;

37

L’indépendance belge, le 4 septembre 1835, page 4 et le 17 septembre 1835, page 4. 38 L’indépendance belge, le 3 mai 1837, page 4. 39

A.G.R., Administration des mines, liasse 106, courrier adressé au Ministre le 23 février

1839. 40

A.E.M., Notariat, n°4860, Notaire Léopold Hubert Misonne, acte du 29 mai 1840, n°1330. 41

A.G.R., Administration des mines, liasse 106, courrier de l’avocat Colmant, fondé de

pouvoirs, adressé au Ministre le 24 mars 1840. 42

Les terrains agricoles se trouvaient sur le territoire de Rhode Saint Genèse et de Waterloo !

Le siège social se trouvait à Bruxelles, quai au foin n°31. Cette société est une émanation de

la Société de Commerce, En effet, on retrouve dans le conseil d’administration : Charles

Lecocq, ancien député et commissaire de la Société de Commerce, comme commissaire :

Victor Drugman et surprise, Philippe Vandermaelen, propriétaire de l’établissement

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6. la société Donceel pour la fabrication du sucre de betterave au capital de 200.000

francs crée le 1 mars 183643

;

7. la société de Bruges pour la fabrication du sucre de betteraves au capital de 1.000.000

francs, crée le 1 décembre 1836 ;

8. la société agricole de Frasnes en Buisenal , sucrerie, au capital de 400.000 francs, crée

le 30 novembre 1836 ;

9. la raffinerie prudence, ordre et activité, au capital de 60.000 francs, crée le 29 avril

1837 ;

10. la société de sucrerie du midi de Boussu au capital de 300.000 francs, crée le 1 mai

1838 ;

11. et enfin, la sucrerie de Farciennes et Tergnée au capital de 300.000 francs, crée le 1

mai 183644

. Soit tout à côté de la société de Fontenelle. Les membres fondateurs sont

notamment le thudinien Louis Troye, député, Jean-Baptiste Gendebien45

, les familles

Piton, Quarré et Scarsez46

Pour la réalisation de ce projet, la société dispose de la

ferme de Tergnée et de ses 75 hectares et de l’ancien château de Farciennes47

, de sa

ferme et de 131 hectares y attachés. Le siège social est installé au château et une partie

desdits bâtiments abritera désormais la sucrerie et une machine à vapeur de 12 CV. Le

directeur gérant en était le bourgmestre de Farciennes : Gaspard Piton-Quarré, aussi

intéressé dans la meunerie et l’exploitation houillère locale. L’affaire ne fut pas aussi

rentable que prévu pour les actionnaires et la société finit par être dissoute. 48

Pire encore, la famille Dumont vient aussi dans la production de sucre de betteraves avec les

deux grandes anciennes fermes de Chassart, ex biens nationaux dépendant de l’ancienne

abbaye de Villers-la-Ville. Auguste Dumont avait acquis la première Chassart de la famille

géographique. Copie des statuts imprimés de la société anonyme pour le raffinage des sucres,

sous le titre de Raffinerie nationale du sucre indigène et exotique. 43

J. LEFEBVRE, Essai sur la culture de la betterave et sur la fabrication du sucre qui en

provient, Liège, 1837. L’auteur est membre du conseil communal de Liège mais surtout

directeur de la fabrique de Donceel. Le livre donne un aperçu complet de la connaissance de

la culture et de l’exploitation des betteraves sucrières en 1837. 44

L. F. B. TRIOEN, Collection des statuts de toutes les sociétés anonymes et en commandite

par actions de la Belgique (…), tome 1, Bruxelles, 1839. 45

Jean Baptiste Gendebien, propriétaire, domicilié à Bruxelles, agit tant pour lui que comme

mandataire de madame la baronne Duvivier, née Victoire Gendebien, propriétaire et mr

Adrien Léopold Auguste Letellier, avocat, domiciliés à Mons. 46

Gabriel Joseph Scarsez est décédé à Mons en 1817 et son épouse Angélique Ghislain, aussi

à Mons en 1840. Leur fils Charles Auguste Scarsez est décédé à Mons le 5 juin 1863 ; il avait

épousé Olympe Marie Françoise baronne de Loen d’Onscêde. A.E.M., Hypothèques de

Charleroi, transcriptions, registre 1.517, acte 50 du 17 novembre 1890 – acte original passé

devant le notaire Bodson fils de Charleroi le 3 novembre 1881. 47

Trois vues et une description du château de Farciennes se trouvent dans le livre bien connu

des amateurs : SAUMERY, Les délices du Pays de Liège.(…) 1738 – 1744, 5 volumes -

Exemplaire numérisé disponible sur le site de la bibliothèque Moretius Plantin, livres

imprimés (page 327 et suivantes) 48

A.E.M., Notariat, n°1736, notaire Vandam de Charleroi, les actes des 3 juillet 1837 et 18

juillet 1837 - A.E.M. Notariat, n°23.811, acte du notaire Jean Nicolas Piérard de Gilly, le 23

février 1842, n°30 - J. KAISIN, Annales historiques de la commune de Farciennes, pp 391-

392.

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Derkenne. Dans le courant des années 1820, il commença à distiller de l’eau de vie,

commerce qui fut toujours très rentable dans notre région49

. Pendant de nombreuses années, la

petite goutte de Chassart assura une renommée certaine à l’entreprise. En 1836, Auguste

Dumont décide de lancer aussi dans la construction d’une sucrerie qui sera érigée à Saint

Amand le long de l’ancienne chaussée romaine50. Le 12 août 1839, l’administration des mines

autorise l’implantation d’une machine à vapeur pour la fabrication du sucre par les sieurs

Dumont51

.

Mais revenons à notre ferme de Fontenelle et à son propriétaire Jean Baptiste Parvillez.

Voyant la mauvaise tournure que prend l’entreprise sucrière et le manque de soutien du

gouvernement belge envers sa production nationale52

, il va essayer d’obtenir la concession des

mines de houilles gisant sous Fleurus, Lambusart, Farciennes, Wangenies, Heppignies en

justifiant de ses propriétés en surface. Il introduit une demande de concession le 5 avril 1837.

L’instruction préparatoire étant terminée, Jean Baptiste Parvillez sollicite le ministre pour

qu’il active sa demande car de gros capitaux sont immobilisés et plus le temps passe et le plus

cela coûte aux sociétaires53. Suite à cette intervention, l’administration des mines attira

l’attention des demandeurs qu’une partie des terrains convoités, principalement sous les

communes de Wangenies et Heppignies, avaient déjà été octroyés à d’autres sociétés.

La société civile du charbonnage de Fontenelle fut créée le 29 décembre 1839 devant le

notaire Van Bevere de Bruxelles Sa durée était illimitée et son siège est fixé à Fleurus. De

plus, la nouvelle superficie souhaitée, plus petite, longeait tout la partie droite de la chaussée

de Charleroi de l’actuelle Auberge du maréchal Ney jusque l’entrée du faubourg Saint

Bernard à Fleurus, et de là, partait en ligne droit jusque la ferme de Fleurjoux pour revenir

vers Lambusart et la ferme de Fontenelle, et puis enfin, à Auberge du maréchal Ney , point de

départ : soit une superficie de 360 hectares.

Les sociétaires sont alors :

1. Alphonse Marbais-Dugraty, conseiller à la Cour des Comptes, domicilié à Bruxelles ;

2. Albert Vanhoobrouck de Mooreghem, conseiller à la cour des Comptes, domicilié à

Bruxelles ;

3. Jean-Baptiste Jadot, propriétaire, domicilié à Saint Josse Ten Noode ;

4. Jean T’Serstevens, propriétaire, domicilié à Soignies ;

5. Auguste Vandivoet, avocat à la cour royale, domicilié à Bruxelles 54

.

49 A Fleurus, sous l’ancien régime, les familles Folie et Naveau fabriquèrent de l’eau de vie. 50 Sur la vente de la Cense dite Première Chassart, il faut se reporter à mon article sur les biens

nationaux et les frères Derkenne. 51

A.G.R., Administration des mines, Ancien Fonds, n°225, demande de Dumont de Saint

Amand – 1839. 52 Mémoire sur la question des sucres adressé à monsieur le Ministre des Finances, rédigé par

un certain L. VANDENBOSSCHE, Bruxelles, 1840. La publication comporte un intéressant

calcul détaillé sur le cout de la fabrication du sucre en Belgique aux pages 15 et 16. 53

AGR, Administration des mines ; troisième série, n° 106, demande d’instruction de mines

de houille – société de Fleurus et société charbonnière de Fontenelle. – copie de l’acte du 29

décembre 1839 du notaire Van Bevere. 54

A.GR., Administration des mines, troisième série, n° 106, demande d’instruction de mines

de houille – société de Fleurus et société charbonnière de Fontenelle. Copie du journal

Mémorial de la Sambre, jeudi 1 février 1838, page 3 - le Moniteur du Hainaut du mardi 16

mai 1837.

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Après l’avis positif du conseil des mines du 21 mai 1841, une concession d’une étendue de

115 hectares 53 ares sous Fleurus suivant le bornage au plan dressé le 22 avril 1840, fut enfin

octroyée à la société charbonnière de Fontenelle le 28 juillet 1841. On touchait enfin au but.

Après quelques recherches pour placer le puits d’exploitation, on allait lever les capitaux pour

entamer l’exploitation des veines recoupées.

Hélas, notre principal promoteur qui s’est tant démené pour faire aboutir le projet industriel :

Jean Baptiste Parvillez décède le 29 juillet 1842 à Pau55

(France). Il laisse trois enfants

mineurs : Emma, Lucie et Alfred Parvillez. Mais pour quelle raison notre homme d’affaires

s’est il rendu si loin en France à une époque où les voyages restent malgré difficile et très

long, en laissant derrière lui ses trois enfants sans leur mère. En effet son épouse, Cornélie

Mélanie Renard était déjà morte à Bruxelles le 18 avril 183956

. Il fallait que l’intérêt

économique fût à tout le moins puissant, à moins qu’il ne s’agisse d’un grave problème de

santé. Le climat de Pau se prête bien au traitement de la tuberculose.

La conséquence de sa mort fut la mise sous tutelle complète des enfants mineurs. Les affaires

en court sont bloquées par la justice de paix de Gosselies et puis par le tribunal civil de

Charleroi. Une série de biens sont vendus pour apurer une partie des dettes du défunt qui

semble être bien proche de la faillite. Dans le jugement, on autorise le conseil de famille à

procéder à la vente de toutes les actions du défunt dans la société civile du charbonnage de

Fontenelle, trois actions du chemin pavé de Gosselies au Roeulx, une partie du terrain

nécessaire à la création de cette route, la ferme de Miaucourt 57

et d’autres petites terres sises à

Courcelles dont certaines bâties, un hectare 50 ares de terre à Fleurus, derrière l’auberge de la

Bonne Femme, un demi hectare de terre à labour à Wangenies, un champs à Farciennes,

traversé par la route de Châtelet au Campinaire.

La disparition du principal promoteur du projet va modifier le projet industriel. Les associés

décident de récupérer leur mise en vendant à la fois les bâtiments de la sucrerie et la

concession de mines de houilles obtenue. Le 3 avril 1845, François Van Kessel-Renard,

propriétaire, demeurant à Bruxelles et Jean Baptiste Jadot, membre de la chambre des

représentants, demeurant à Saint Josse ten Noode, agissant avec l’accord de l’assemblée

générale des actionnaires de la société charbonnière de Fontenelle, ont vendu pour 33.000

francs à Augustin Tercelin-Sigart.(1793-1959)58, banquier demeurant à Mons,

55

Son décès est bien repris dans les tables décennales de la ville de PAU pour le 29 juillet

1842. Confer : http://earchives.cg64.fr/img-server/FRAD064003_IR0002/PAU-

VILLE/PAU-VILLE_TD_1833-1843/DECES/FRAD064012_5MITDPAU-

BOBINE1_0807.jpg.pdf?format=A4&x=249&y=0&w=4111&h=2784&r=0

Son décès est déclaré à l’état civil de Pau par Ferdinand François Cornélis Renard, rentier et

beau frère du défunt qui était âgé de 42 ans (né à Lille – département du nord). 56

A.E.M., Notariat, n °3492, Notaire Jean Louis Chaudron de Frasnes lez Gosselies, acte

du17 octobre 1843 et joint en annexe la copie du jugement du tribunal civil de Charleroi du 27

juillet 1843. - Le juge de paix est Jacques Emmanuel De Posson du canton de Gosselies. 57

La ferme de Miaucourt appartenait à l’abbaye de Bonne Espérance et comportait 60

bonniers de terres. Elle fut vendue comme bien national à Eugène Delpierre de Jumet. En

1830, elle appartient à la famille Parvillez. Confer Ivan DELATTE, La vente des biens

nationaux dans le département de Jemappes, Bruxelles, 1938, pp. 90 et 91. 58

A.E.Anderlecht., Notaire Guillaume Van Bevere de Bruxelles, acte du 3 avril 1845, n°77.

Et A.E.M., Administration du Cadastre à Mons, Mutations, farde 596, année 1843.

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1. Les bâtiments formant ci-devant la fabrique de sucre de betteraves de la S. A. de

Fleurus avec bascule, grange, terre, verger, bois, taillis, pièce d’eau et fontaine en

dépendances, le tout formant un bloc contenant avec le chemin de décharge, deux

hectares 67 ares, sis à Fleurus, le long de la chaussée du Campinaire à Châtelet59

Ces bâtiments appartiennent à la société pour les avoir construits sur des terrains

apportés par la société et plus particulièrement Jean Baptiste Parvillez, son directeur.

Par contre, la machine à vapeur de 15 à 20 CV avec les deux chaudières, les pierres et

bois sur lesquels elle se meut, a déjà été vendue le 5 février 1845 à Augustin Cornil,

propriétaire, domicilié à Gilly, pour le prix de 3.100 francs 60

.

2. La concession faite à ladite société de Fontenelle des mines de houille sous Fleurus

d’une superficie de 215 hectares 43 ares et autorisée par un arrêté royale du 29 juillet

1841. (Voir supra).

Ainsi se clôture la première tentative d’une sucrerie au Vieux Campinaire. Par contre, la

concession de charbon va être intégrer le groupe qui va donner naissance à la S.A. des

Houillères Unies. Les vieux Fleurusiens se souviennent ainsi des puits de Saint Auguste et du

Marquis.

Terminons avec la ferme de Fontenelle. Depuis 1976, l’exploitation agricole a cédé sa place à

un asile « La devinière », spécialisé pour enfants et personnes à forte débilité. Un film réalisé

par Benoit Dervaux leur a été consacré en 1999. La princesse Astrid est venu rendre visite à

ces enfants et à leurs éducateurs dévoués. Quant aux bâtiments de l’ancienne sucrerie, depuis

les années 1980, ils ont été transformé pour accueillir un restaurant de qualité : « Les

tilleuls ».

La construction de la route entre le Campinaire et Châtelet en 1838 61

La route, aujourd’hui portée à quatre bandes, entre le rond point du Vieux Campinaire et la

route du Wainage à Farciennes, s’intègre aujourd’hui dans l’axe reliant l’aéro-pole de

Gosselies-Heppignies à la route de la Basse Sambre. Pour beaucoup, elle semble toujours

avoir existé.

En fait, elle est de création récente. Le roi Léopold Ier

signa le 13 janvier 1838 un arrêté royal

autorisant la formation de la Société anonyme dite des routes réunies de Châtelet au

Campinaire, de Ligny à Denée, etc.

En décembre 1837, les membres fondateurs de la société sont :

1. Xavier Tarte, ingénieur civil, domicilié à Moustier les Dames,

Sur le banquier montois Tercelin, on lira J LEBRUN, Banques et crédit en Hainaut pendant

la révolution industrielle belge, in Histoire quantitative et développement de la Belgique aux

XIX et XX siècles, 1 série, tome II, volume 4a, Bruxelles, 1999, pp.119 à 126.

Ce banquier est déjà présent administrateur suppléant lors de la constitution de la société

civile du charbonnage des Ardinoises sous Gilly en 1837. (Le siège social est fixé à

Valenciennes car il y a de nombreux capitaux français dans ce charbonnage.) - Louis

TRIOEN: Collection des statuts de toutes les sociétés anonymes et en commandite par actions

de la Belgique, Tome II, Bruxelles, pp 144 à 148. 59

Un plan de propriété a été dressé par le géomètre Guianotte le 6 novembre 1840. 60

A.E.A., Notaire Guillaume Van Bevere, notaire à Bruxelles, acte du 5 février 1845, n°28. 61

Actuellement, cette route nationale porte le numéro 568.

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2. Auguste de Pierpont, propriétaire, domicilié à Auvelais

3. Charles Biourge, avocat, domicilié à Charleroi, représentant les successeurs du baron

Philippe de Néverlée à Baulet.

4. Adolphe Habaut, avocat domicilié à Charleroi,

5. Albert Franceschini, notaire, domicilié à Fosses,

6. Louis Brichaut, banquier domicilié à Charleroi.

La société anonyme doit construire six routes pour une longueur de 65 kilomètres pour le prix

estimé globalement à un total de 1.299.000 francs62

. Le tout se ventile comme suit :

1. route de Châtelet au Campinaire – soit 8 km au prix 200.000 francs ;

2. route de Floreffe - soit 8 km au prix de 50.000 francs ;

3. route de Ligny à Denée – soit 28 km au prix de 510.000 francs ;

4. route du Wainage à Mazy – soit 14 km au prix de 263.000 francs ;

5. route de Châtelet à Tamines par Aiseau et Oignies – soit 7 km au prix de 120.000

francs ;

6. route de Floreffe à Rhisnes – soit 8 km pour 147.000 francs.

Ces routes font l’objet d’une concession de la part de l’Etat. Le remboursement se fait via un

système de barrières. (On peut le comparer au système français des péages pour emprunter

l’autoroute). Comme la route de Châtelet au Campinaire passe juste devant la ferme et en

partie sur des terres appartenant à Jean Baptiste Parvillez, celui-ci a obtenu une indemnité

pour la perte de ces terrains, à savoir : la somme de 7.710 francs.63

La deuxième sucrerie – (1872 - ± 1896)

En 1872, Charles Lebeau, banquier à Charleroi et son beau fils Emile Balisaux, reprennent à

leur compte le projet avorté de 1836. Ils décident d’établir une sucrerie sur le site de l’actuelle

cité du Vieux Campinaire, sur le terrain formé par le coin entre la chaussée de Charleroi et la

rue conduisant au hameau de Bon Air à Wangenies.

Le 14 décembre 1872, une société anonyme pour la fabrication, le raffinage et la vente du

sucre de betteraves est constituée par acte reçu les deux notaires de Fleurus, Louis Soupart et

Léon Misonne. Outre Charles Lebeau (150 actions) et Emile Balisaux (180 actions),

promoteurs de la société, on y trouve des personnalités du monde des affaires de Charleroi,

comme le prouve la liste suivante :

1. Ludolphe Delcorde, propriétaire, bourgmestre de Velaine (grand propriétaire terrien et

pouvant apporter de nombreuses terres de culture pour les betteraves.)

2. Désiré Clerckx, directeur général de la S.A. des houillères unies du bassin de

Charleroi, domicilié à Gilly ;(société exploitant le charbonnage du Marquis tout

proche et fournissant le charbon nécessaire aux machines à vapeur)

3. Jules Audent, avocat, domicilié à Charleroi ;

4. Louis Xavier Busquin des Essarts, propriétaire, domicilié à Ransart ;

5. Nicolas Victor Quenne, notaire domicilié à Charleroi ;

62

A.E.M., Notariat, n°1737, Notaire Lothaire Vandam de Charleroi, acte du 19 décembre

1837. Il existe une copie complète dans L. F. B. TRIOEN, Collection des statuts de toutes les

sociétés anonymes et en commandite par actions de la Belgique (…), tome 1, Bruxelles, 1839,

pp.273 à 277. 63

A.E.M. Hypothèques de Charleroi, Transcriptions, registre 240, acte du 28 octobre 1837.

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6. Joseph Hanrez, constructeur mécanicien, domicilié à Monceau sur Sambre (pour la

construction et l’entretien des machines) ;

7. Emile Schmidt, employé, domicilié à Charleroi ;

8. Désiré Alexandre Van Bastelaer, pharmacien chimiste, domicilié à Charleroi (utile

pour les teneurs en sucre de la betterave et les compléments d’engrais chimiques à

apporter aux terrains de culture)

9. Auguste Puissant, industriel, domicilié à Merbes-le-Château (qui agit aussi pour Jean

Paul Piedboeuf, industriel, consul de Belgique, domicilié à Aix-la-Chapelle, Prusse et

Eugène Piedboeuf, industriel, aussi domicilié à Aix-la-Chapelle. (tous ensemble, ils

possèdent 350 actions et seront fort influents dans le conseil d’administration.) ;

10. Vital Losseau, fabricant de sucre, bourgmestre de Thuillies, y domicilié ;

11. Henri Ricard, banquier, domicilié à Fleurus ; et qui agit aussi pour son beau père

Auguste Binard, brasseur, membre du conseil provincial du Hainaut, domicilié à

Châtelineau ; (75 actions) ;

12. Grégoire Maisin, propriétaire, domicilié à Wangenies ;

13. Joseph Guyaux, cultivateur, domicilié à Wanfercée-Baulet ;

14. Ludolphe Minet, propriétaire, bourgmestre de Wangenies, y domicilié ; (la ferme

Minet) ;

15. Félix Van Camp, administrateur gérant de la S.A. de la banque de Charleroi, domicilié

à Charleroi ; agissant aussi pour Charles Dupret, docteur en médecine et échevin de la

ville de Charleroi, y domicilié ; Léopold Mahaux, comptable, domicilié à Marcinelle ;

Edouard Vaerwyck, secrétaire de la S.A. de la banque de Charleroi, domicilié à

Charleroi ;

16. Louis Quirini, propriétaire, domicilié à Fleurus ;

17. Léopold Gilbert, propriétaire et cultivateur, domicilié à Fleurus ;

18. Baron Julien de Cartier d’Yves, propriétaire, bourgmestre d’Yves, y domicilié ;

19. Auguste Cador, architecte, domicilié à Charleroi. On lui doit les plans de l’école

moyenne, l’hospice et la rénovation de l’église de Fleurus dans ces années 1865-1875

– sa participation n’est pas due à un simple investissement financier mais aussi à une

certaine collusion avec le monde politico financier local ;

20. Henri Leborne, négociant en charbons, domicilié à Charleroi ;

21. Marcellin Sevrin, propriétaire et cultivateur, domicilié à Fleurus ;

22. François Lecocq, directeur de charbonnages, domicilié à Gilly ;

23. Auguste Barbier, sous-directeur de la S.A. des houillères unies du bassin de Charleroi,

domicilié à Gilly ;

24. Gustave Février, industriel et cultivateur, domicilié à Sombreffe ;

25. Victor Vilain, directeur des charbonnages, domicilié à Montigny-sur-Sambre ;

26. Auguste Grosjean, propriétaire et cultivateur, domicilié à Wanfercée-Baulet ;

27. Gustave Bivort, brasseur et cultivateur, domicilié à Fleurus ; (rue de Châtelet)

28. Félicien Gallot, cultivateur, domicilié à Ligny ;

29. Jean Baptiste Detry, brasseur et cultivateur, domicilié à Saint Amand ;

30. Augustin Vassart, négociant, domicilié à Fleurus ; (frère de Paul Vassart)

31. Auguste Gailly, cultivateur, domicilié à Fleurus ; (ferme de la Tourette à Fleurus)

32. Jean Baptiste Genard, industriel, domicilié à Court Saint Etienne ;

33. François Joncret, entrepreneur, domicilié à Lobbes ;

34. François Ernst, rentier, domicilié à Henry-Chapelle.

La société a son siège à Fleurus et pour objet : la fabrication, le raffinage et la vente de sucre

de betteraves, ainsi que toutes les industries accessoires y ayant un rapport direct.

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Le capital social est d’un million de francs représenté par deux mille actions au porteur de

cinq cent francs chacune. Néanmoins, la société se constitue et commence ses opérations par

la souscription de seize cent actions. Le reste des actions, soit 400, ne sera émis qu’en vertu

d’une décision de l’assemblée générale spécialement convoquée à cet effet.64

En 1874, le banquier Henri Ricard de Fleurus, administrateur délégué, conclut un bail avec

Jean François Fontaine, propriétaire rentier au Vieux Campinaire, pour louer une maison avec

jardin et prairie et avec toutes dépendances, habitée présentement par les bailleurs, située au

Campinaire ; le tout d’une superficie d’environ 24 ares, tenant à la chaussée de Charleroi et au

Bois communal. Cette maison était destinée au logement des employés de la sucrerie dans un

premier temps. Le bail était conclu pour 9 ans et le prix de 800 francs par an. 65

La société est propriétaire des constructions de la sucrerie pour les avoir fait édifier et du

fonds pour l’avoir acquis partie de François et Auguste Gilbert, de Dour le 15 février 1873,

ainsi qu’un ancien terrain communal66

. Elle y a fait construire une fabrique de sucre avec son

matériel, quatre maisons, bureau, remise, atelier de bourrelier et terres – le tout sur 4 hectares

99 ou 92 ares de terrains 67

sis au lieu dit Bois communal, Bois du Roi, divisé en deux

endroits par le chemin de fer, joignant la route de Charleroi à Namur, Charles Mailly et la

commune de Fleurus, cadastrée section C, numéros 374t,(sucrerie), 374h, 374n, 374g et 375d

(maisons), 375o (bureau), 374p (remise), 374i (atelier) .

La demande d’autorisation de construire une sucrerie fut adressée à l’administration

communale de Fleurus en mai 1874. Celle-ci lança l’enquête commodo et incommodo en juin

suivant. La nouvelle société souhaitait construire une fabrique de sucre de betteraves avec

trois fours à carboniser les os, un four à chaux, quatre chaudières, neuf machines à vapeur,

dont six directement placées dans l’usine 68

et un gazomètre d’une capacité de 110 mètres

64 A.E.M., Notariat, n°3592, notaire Soupart père, acte du 14 décembre 1782, n°8723. 65 A.E.M., Notariat, n°4900, notaire Léon Misonne, acte du 20 juin 1874, n° 693. 66

A.E.M., Notariat, n°3593, notaire Soupart père, acte du 15 février 1873, A.E.M, Notariat,

n°3594, le 3 juillet 1873 -. Le terrain cédé par les Gilbert leur appartenaient tant par

successions de Pierre Gilbert et de Catherine Désirée Berger, conjoints, leurs père et mère,

qu’en conséquence du partages qu’ils avaient fait avec Léopold Gilbert de Fleurus, leur frère,

en leur qualité de seuls héritiers des dits époux Gilbert-Berger suivant un acte passé devant le

notaire Louis Soupart de Fleurus le 23 décembre 1872. Le couple Gilbert-Berger en était

devenu propriétaire en vertu de sept acquisitions constatées par actes passés devant le notaire

Carpent de Fleurus le 16 décembre 1825 – le 4 mars 1824 – 16 aout 1826 – le 5 novembre

1827 et 18 janvier 1835 - et devant le notaire Soupart père le 7 janvier 1843 et devant le

notaire Léopold Hubert Misonne de Fleurus le 21 septembre 1843. Quant au terrain vendu par

la commune de Fleurus, celle-ci en eu la possession continue et non interrompue, paisible,

publique, non équivoque et à titre de propriétaire durant plus de 100 ans.

A.E.M., Notariat, n°6696, notaire Soupart fils, acte du 27 septembre 1890 – n°2943. 67

Le Cadastre et l’arpentage réalisé par la société ne donnent pas la même superficie, ce qui

est hélas fréquent. 68

Une machine à vapeur de 50 chevaux pour la râperie ; une machine de 10 chevaux pour

cuire les os; une machine de 15 chevaux pour l’atelier du noir (animal) ; une machine de 10

chevaux pour la « cinte » (sic) ; une machine de 20 chevaux pour évaporation ; une machine

de 15 chevaux pour centrifuge ; deux machines de 4 chevaux pour l’alimentation ; une

machine de 20 chevaux pour l’extraction d’eau.

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cubes de gaz. Il n’y aura aucune opposition formulée. Toutefois, la ville impose des

conditions :

1. Les résidus liquides ou solides ne pourront être déposés dans les chemins vicinaux,

dans les fossés ou dans les ruisseaux ;

2. Il doit se soumettre à toute mesure de précaution que la ville pourrait lui imposer par la

suite ;

3. La société sera responsable envers les Tiers des dommages qu’elle pourrait provoquer.

Il est prévu de produire environ 18 millions de kilo de betteraves qui donneront environ

900.000 kilos de sucre. Le procédé retenu est celui de la fabrication de carbonation trouble69

.

En outre, Emile Balisaux, sénateur, administrateur délégué de la Société Anonyme La Banque

de Charleroi et Edouard de Waerewyck, administrateur gérant de cette société, tous deux

domiciliés à Charleroi, doivent déposer à la Banque Nationale, le 29 septembre 1877, 64

obligations belges à 3% dont 2 au capital nominal de 10.000 chacune, trois au capital de 2.000

fr et 59 de 1.000 francs. Ces valeurs sont destinées à servir de gage ou de cautionnement

envers et au profit de l’administration des contributions directes, douanes et accises, et

spécialement envers Jules Delhaye, comptable et receveur de la dite administration au bureau

des contributions à Fleurus, pour sureté et recouvrement de tout ce dont la S.A. La sucrerie de

Fleurus, est ou deviendrait redevable du chef des droits de douane et additionnels.70

En septembre 1882, le cautionnement est toujours versé par La Banque de Charleroi, avec

Emile Balisaux toujours comme administrateur délégué, mais cette fois il s’agit d’une somme

de 70.000 francs en numéraire.71

En 1887, Emile Balisaux effectue trois cautionnements pour

un montant global de 125.000 francs 72

.

Depuis 1878, Eugène Loze remplit les fonctions de directeur –gérant de la société73

.

Par acte du 27 septembre 1890, la société anonyme de la sucrerie décide de mettre ses biens

immeubles en hypothèques à titre de cautionnement jusqu’à concurrence d’une somme de

114.723 francs envers et au profit de l’administration des contributions directes, douanes et

accises, et spécialement envers Gustave Lamboy, comptable et receveur de la dite

administration au bureau des contributions directes et accises à Fleurus, , pour sureté et

garantie du paiement de tous les droits dont ladite société est ou deviendrait redevable à la

dite administration, au bureau précité, du chef de l’exercice continu de sa profession de

fabricant de sucre de betteraves indigène, du commerce qu’elle pourrait faire et à raison du

crédit qui lui est accordé pour les droits d’accises en principal d’additionnels. Elle règle ainsi

définitivement le problème récurrent du cautionnement exigé par les contributions et

douanes.74

69

A.E.M., Archives communales, Fleurus, n° , demandes et réponses de mai et juin 1874. 70

A.E.M., Notariat, n° 3602, notaire Soupart, acte du 29 septembre 1877, n°10.065. 71

A.E.M., Notariat, n° 6679, notaire Soupart, acte du 22 septembre 1882, n° 782. 72

A.E.M., Notariat, n° 6690, notaire Soupart, actes du 4 octobre 1887, actes n°270 – 271 et

272. 73

Arthur LAURENT, Double guide industriel, commercial et agricole de Charleroi et de

quarante villes et communes avoisinantes pour l’année 1879, Mons, page 58. Il siège au sein

du Comité des fabricants de sucre pour Charleroi créé le 28 janvier 1878 en compagnie

d’Emile Balisaux. 74 A.E.M., Notariat, n°6696, notaire Soupart, acte du 27 septembre 1890 – n°2.943.

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En 1892, malgré la demande expresse de la ville, une partie des eaux utilisées et rejetées par

l’usine s’écoulaient vers Soleilmont et Gilly, chargée de saletés et avec une odeur

pestilentielle. Les riverains du ruisseau finirent par se plaindre à la commission médicale de la

province du Hainaut.

Aussi, la sucrerie de Fleurus va utiliser les eaux provenant d’une galerie d’écoulement d’eau

de mine houillère (ou seuwe en wallon) et celles rejetées par le puits du charbonnage du

Marquis tout proche. Ces eaux étaient décantées et filtrées dans des bassins ad hoc. Ensuite

elles servaient à la condensation des vapeurs de jus dans les appareils d’évaporation. Le

mode d’extraction du jus de betteraves employés étant le procédé de diffusion ; les eaux

résiduaires de la fabrique se classent comme suit

o Les eaux de lavage des betteraves ;

o Les eaux de diffusion ;

o Les eaux de presses à cossettes ;

o Les eaux de lavage à l’acide carbonique et des filtres ;

o Les eaux de condensation des appareils d’évaporation.

Il n’est plus du tout fait usage du noir animal, ce qui permet d’éviter le rejet des eaux

putrides75

.

Le 28 février 1895, une assemblée générale extraordinaire des actionnaires – tenue devant le

notaire Charles Paul Marie Van Halteren, notaire à Bruxelles - est convoquée avec notamment

à l’ordre du jour « l’examen de la situation financière, mesure à prendre ». et « mise de la

société sous le régime de la loi de 1873 – 1886 sur les sociétés commerciales » 76

il est vrai

que le solde débiteur du compte de profit et pertes au 30 avril 1896 s’élève à 214.639 francs

51 centimes.77

En 1896 la société est en liquidation. Le compte « pertes et profits » affiche un solde de

276.537 francs 82 centimes. Les liquidateurs sont A Kaisin, E Vaerewycke et Auguste

Puissant78

.

Bien plus tard, pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands installeront un camps de

prisonniers russes qui devaient aller travailler dans les mines toutes proches. A l’armistice, ce

sont les Allemands, vaincus, qui remplacent les Russes.

Quelques années plus tard, lors de la bataille du charbon, des baraquements en tôle seront

installés et accueilleront les mineurs italiens. Puis une cité enfin plus décente fut érigée par les

autorités locales. Las ! Les charbonnages étaient condamnés et en train de tous fermer.

Ce n’est que progressivement que le zone industrielle de Fleurus-Farciennes commença à se

remplir de nouvelles sociétés industrielles et de services. Celle-ci accueillit en 1972 l’Institut

des Radio Elements. La coexistence entre le charbonnage du Roton – tout proche – et l’IRE

ne fut pas un long fleuve tranquille. Le premier poursuivant ses travaux miniers dans le sous

sol du zoning.

75

A.E.M., Archives communales, Fleurus, n° , courrier des 7 novembre et 20 décembre

1892 de l’inspecteur général des établissements dangereux à Bruxelles au Collège de la ville

de Fleurus. 76

Annexes au Moniteur Belge du 21 mars 1895, acte 733. 77

Annexes au Moniteur Belge du 5 juillet 1895, acte 2140. 78

Annexes au Moniteur Belge du 10 juillet 1896, acte 2510.

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Un second zoning a été créé entre Martinroux et l’actuel aéroport de Gosselies. Il accueille

notamment le centre de tri de Charleroi X.

A suivre…