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N°3SEPTEMBRE 1998LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENTET LA COOPÉRATION
Eine WeltUn solo mondoUn seul monde
La Bosnie et la paix
La vie des rapatriés, la recherche d’une réconciliation nationale,
l’engagement de la Suisse
Portrait de la PalestineLe rêve d’une patrie
La Suisse, un produit d’exportation?Un Ghanéen et
deux Suisses en débattent
Sommaire
Au bout de la rue, l’écoleLes enfants de la rue en Albanie
21A la barbe des embargosPourquoi l’aide humanitaire ne tient pas compte desembargos
22DDC interne
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La Suisse – un produit d’exportation?Un débat entre Wolf Linder, Ebenezer Mirekuet Peter Vollmer
24Carte blanche : Michel Bühler raconte deuxphilosophies de l’aide, sur la base d’une expériencevécue
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Nuruddin, Bessie, Tayeb et les SuissesLa littérature du Sud gagne du terrain en Suisse
28Editorial 1Périscope 2Au fait, qu’est-ce que le «gender »? 23Service 31Agenda 33Impressum et bulletin de commande 33
«Un seul monde» est édité par la Direction du développement etde la coopération (DDC), agence de coopération internationaleintégrée au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).Cette revue n’est cependant pas une publication officielle au sensstrict. D’autres opinions y sont également exprimées. C’estpourquoi les articles ne reflètent pas obligatoirement le point devue de la DDC et des autorités fédérales.
Un seul monde N° 3/Septembre 1998
DOSSIER
DÉVELOPPEMENT ET COOPÉRATION SUISSE
BOSNIERetour vers la précaritéDans un pays déchiré, les rapatriés tentent de retrouverune vie normale
4Vivre malgré ses souvenirsPlusieurs projets psychosociaux aident les Bosniaques à effacer les séquelles de la guerre
10Journalisme contre la haineLe paysage médiatique en Bosnie
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La Palestine, rêve et réalitéLili Labib Feidy parle de sa patrie
14«Vous penserez que je suis folle…»La Palestine et sa lutte pour un avenir
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Responsabilité à l’égard des pauvresLe directeur Walter Fust s’exprime sur l’aide audéveloppement et les essais nucléaires
19Et vogue le petit leasingAu Pakistan, une société de leasing soutient les petits entrepreneurs
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DES PAYS ET DES GENS CULTURE
FORUM
1Nous en avons ressenti le besoin urgent. Le besoin de parler de paix. Cette valeur incommensurablequi constitue le fil, tantôt rouge, tantôt transparent, qui traverse cette édition de « Un seul monde ».
Une paix durable est l’objectif que la communauté internationale veut atteindre en Bosnie-Herzégovine, là où l’odeur âcre de la poudre blesse encore les narines. La Suisse, d’emblée enpremière ligne, fournit une contribution importante à la reconstruction politique, économique etsociale du pays : 123 millions de francs en l’espace de seulement deux ans depuis fin 1995, date dela signature des accords de Dayton. Cependant, une paix solide et durable ne dépend pasuniquement des stratégies, des programmes, des actions, de l’argent. Elle dépend surtout de lavolonté politique des ex-belligérants. Or, qu’ils le veuillent ou non, la seule alternative au retour à labarbarie aveugle n’est autre que la réconciliation nationale et la cohabitation multiethnique.Dans notre dossier Bosnie, à partir de la page 4, l’auteur met aussi en évidence l’écart existant entrel’intervention de la Suisse, sans précédent dans l’histoire, et la dure réalité locale.
Quant à la rubrique « Des pays et des gens », elle est consacrée à la Palestine. Plutôt qu’un pays, ils’agit de morceaux de pays et d’une diaspora nombreuse, qui végète en partie dans les camps deréfugiés. Depuis cinquante ans. Des gens dont la frustration ancestrale est exacerbée par un espoirde paix, né après les accords d’Oslo et qui se meurt peu à peu. A cause d’extrémismes antago-nistes, de certaines faiblesses de l’Autorité palestinienne et d’un gouvernement, celui d’Israël, quitend à prêter davantage l’oreille aux faucons qu’aux hommes politiques clairvoyants et courageuxqui l’ont précédé.Un portrait et un témoignage vous sont présentés à partir de la page 14.
S’il est un antidote aux prévarications, aux dominations, aux discriminations, aux marginalisations, etdonc une garantie de paix, c’est bien la démocratie. La vraie, celle qui permet à tous de participerréellement aux processus de décision. A travers le monde, nombreux sont ceux qui nous envientnotre démocratie directe et notre fédéralisme.Notre modèle est-il exportable ? C’est là le sujet du débat que nous publions en page 24.
Bonne lecture !
Marco Cameroni, Chef médias et communication DDC(De l’italien)
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Ed itor ia l
brouillard » a été développéepar des scientifiques canadienset chiliens. Elle permet derécolter dans l’atmosphère de l’eau potable qui sertégalement pour l’irrigation. Lerendement de ces immenses «filets de volley-ball » est tel queles villages de la côte peuvent ànouveau cultiver fruits etlégumes, et augmenter leurproduction agricole. Sans parlerde l’excellente eau potable queles habitants « pompent » ainsidans l’air. Des experts estimentque ce système de filets àbrouillard pourrait procurer del’eau potable dans les régionsarides d’une trentaine d’autrespays, améliorant ainsiconsidérablement la situationsanitaire. Tiré de «Entwicklung + ländlicherRaum», 1/98
Succès desguérisseurs En Ouganda, où beaucoup demaladies sont assimilées à dessortilèges, un projet réunit desguérisseurs, des médecins àl’occidentale et des instancesofficielles dans une luttecommune contre le sida. Lapremière année d’expériences’est déroulée à Kampala, où vit30 pour cent de la populationséropositive. Huit guérisseusesde Kampala ont administré àdes sidéens des décoctionsd’herbes destinées à soulagercertains effets de la maladie telsque diarrhées chroniques etzona. Simultanément, un autregroupe a été traité par lamédecine classique. Lesrésultats ont été bons pour lesdeux groupes, mais lesguérisseuses ont eu nettementplus de succès dans letraitement des névralgiesconsécutives au zona. Il estmaintenant prévu d’explorer lesméthodes de cette médecinetraditionnelle pour d’autresmaladies telles que le diabète,
Tourisme contre la misèreL’idée de l’hôtelier égyptienMoustafa El Gendy est simple,évidente et plus actuelle quejamais en raison du massacre deLouxor, bien qu’elle ait étéconçue longtemps avant cedrame : les hôtels égyptiensversent deux dollars par nuit etpar client dans un fonds consacréà la lutte contre la pauvreté. Cet argent doit financer desinfrastructures sociales (écoles,centres de santé ou services devoirie). Les hôteliers doivents’engager à prélever cettecontribution sur leur marge, sansla répercuter sur la clientèle ou le personnel. Cela leur permetd’arborer le label «Tourismagainst Misery », qui témoigneainsi de leur engagement social.Moustafa El Gendy espère queson idée sera reprise par d’autrespays – Afrique du Sud, Inde ouBrésil par exemple – qui sontconfrontés à des problèmesanalogues.Tiré de «Arbeitskreis Tourismus und Entwicklung », 2/98
Les filets à brouillarddu ChiliLes précipitations sont trèsfaibles sur la côte Pacifiqueseptentrionale du Chili, mais unépais brouillard ne quitte jamaisle flanc des montagnes côtières,qui culminent à 800 mètresd’altitude. Une techniquesimple mais raffinée de « filets à
l’asthme et les troublespsychiques.Tiré de «Südwind-Magazin »,4/98
Hammams voracesPour que les visiteurs puissent selaver et se reposer dans des sallespleines de vapeur, les hammamsmarocains ont besoin de grandesquantités d’eau chaude. Leurréputation dépend d’ailleurs de latempérature élevée de l’eau. Or,ces bains publics traditionnelssont équipés de systèmes dechauffage souvent archaïques.Chacun des 2500 hammams dupays consomme en moyenneune tonne de bois par jour,contribuant ainsi à la diminutionalarmante des réserves forestières.Un projet pilote a permis demettre au point une chaudièreplus efficace et de réduire lespertes d’énergie, notamment enaméliorant l’isolation. Lespropriétaires de hammams deMarrakech ont déjà manifesté ungrand intérêt pour ce nouveausystème.Tiré de «Développement etCoopération », 3/98
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Dakar raffole des «CTO »A Dakar, de nombreux ateliersde cordonnerie se disputent unmarché réel, mais capricieux : lademande reste tributaire desfêtes et les clients préfèrents’acheter des chaussuresimportées lorsqu’ils en ont lesmoyens. Privés de touteinfrastructure, les artisans sedébrouillent avec des outils
rudimentaires. Ils se procurentdes matières synthétiquesprovenant d’Espagne oud’Italie. Un ébéniste localfabrique des talons en chêne.Pour satisfaire les goûts de laclientèle, les cordonnierscopient des modèles qui sont à la mode en Europe. Une fois la chaussure terminée, ilsn’hésitent pas à lui apposer untampon « Made in Italy ». En ce moment, la mode est aux « CTO ». C’est ainsi qu’ondésigne au Sénégal cespérilleuses chaussures à semellescompensées, parce qu’ellespeuvent provoquer une chutenécessitant une hospitalisationau Centre de Traumatologie etd’Orthopédie (CTO).Tiré de «L’Autre Afrique », avril 98
Lueur d’espoirLa lutte contre la pauvreté n’estpeut-être pas complètementperdue. Sur la base de donnéesextrêmement fragmentaires etdatant parfois de plusieursannées, l’Organisationinternationale du travail a tout demême tenté d’évaluer l’efficacitédes mesures mises en œuvre dansle Sud. Elle a noté des signesd’amélioration dans certains paysd’Amérique latine et d’Afrique.Au Ghana, par exemple, lapauvreté a diminué de 1984 à1986 dans les zones rurales et elle
a sensiblement régressé en milieuurbain de 1981 à 1991. AuKenya, un léger mieux a étéenregistré dans les campagnes de1982 à 1992, tandis que lasituation empirait dans les villes.Tiré de «Développement etCoopération », 2/98
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Retour vers
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la précarité
Le délai de départ pour les réfugiés bosniaques a expiré finaoût. Beaucoup étaient déjà rentrés et leurs expériences ne
sont pas très encourageantes pour les nouveaux arrivants. LaSuisse tente, par une multitude de projets divers et un enga-gement exceptionnel, de favoriser le retour à une vie normaledans ce pays ravagé par la guerre. Gabriela Neuhaus a fait ceprintemps un reportage en Bosnie.
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«C’est merveilleux de seretrouver chez soi. Lamaison avait étécomplètement incendiée.Pendant la guerre, nousvivions dans une maisonserbe, un peu plus loin dufront. Mais cette maisonn’était pas la nôtre. Nousn’y étions pas à l’aise. Surnotre terre, nous cultivonsun peu de légumes, nousavons deux vaches,quelques moutons et despoules ; cela nous suffitpour vivre avec nosquatre enfants. Ceux quireviennent de l’étrangeront l’avantage d’avoir unpeu d’argent en poche.Mais le principal, pourmoi, c’est d’être denouveau à la maison. »Sakiba Kolus, Dubravica
Méfiance et incompréhensionCeux qui repartent cet été le font poussés parl’échéance qui leur a été imposée. Mais beaucoupont déjà quitté la Suisse en 1996 et 1997, par exempleLejla Ibrahimovic, 20 ans, qui a eu plus de chancequ’Azra : après plus de quatre années d’exil dans lecanton de Zurich, elle a pu revenir vraiment chezelle, dans son village et sa maison. Elle aurait pu res-ter en Suisse, puisqu’elle avait l’autorisation d’ypoursuivre ses études. Mais quand sa mère et sonfrère ont rejoint son père, elle n’a pas voulu resterseule. Elle est donc de nouveau là depuis août 1997,quoique avec des sentiments mitigés : «La ville achangé, les gens aussi. Pour moi, une vie tout à faitnouvelle a commencé». Il y a une cassure entre lespersonnes qui ont passé la période de guerre en sé-curité à l’étranger et celles qui sont restées au pays.On est aimable avec elle, dit Lejla, mais l’anciennefamiliarité a disparu. « Il y a certaines choses que lesgens ne comprennent pas ; ils regardent ailleurs enpensant que nous avons maintenant les pochespleines. »Cela n’est peut-être pas entièrement faux : la plupartdes Bosniaques qui étaient à l’étranger avaient la pos-sibilité de gagner un peu d’argent. Pendant la guer-re, ils ont aidé leurs parents et amis restés au pays.Aujourd’hui, ceux qui reviennent de Suisse reçoi-vent en outre une aide financière de la Confé-dération (voir encadré). Lejla a eu en plus la chan-ce de trouver un travail bien rémunéré selon lesnormes bosniaques : elle travaille à 100 pour cent aubureau des rapatriés de la Direction du développe-ment et de la coopération (DDC), à Sarajevo. Celafait vivre toute sa famille, car elle est seule à bénéfi-cier d’un revenu régulier.DEZA - Biro za povrednike. Cet écriteau à la JosipaStadlera, au centre de Sarajevo, désigne le bureau deLejla. C’est là que passent tous les rapatriés de retourde Suisse, qui tentent un nouveau départ dans leurpatrie d’origine. Lejla et ses collègues sont quoti-diennement à l’écoute des histoires affligeantes etsouvent tragiques de leurs compatriotes. La joie derentrer, l’euphorie initiale se transforment vite enfrustration et en résignation. «Quand les gens vien-nent chercher la première tranche de leur argent, ilssont pleins d’idées, d’enthousiasme», dit Aida Kazic,une employée temporaire de la DDC, également re-venue de Suisse. «Quand ils reviennent après sixmois toucher leur seconde tranche, on les voit tristeset frustrés. Ils n’ont pas de logement digne de cenom, ne trouvent pas d’emploi et n’ont aucune pers-pective. L’argent donné par la Suisse a peut-être servià payer quelques réparations urgentes, le reste estparti pour les besoins quotidiens. »
Sarajevo, un vendredi soir. Azra Rizvanovic, 19 ans,a retrouvé ses amis. Elégants, décontractés, mo-dernes, ils se baladent à travers la ville. Musiquebruyante et cohue dans les bars et les discos, l’airest chargé de parfums pénétrants. La vie bat sonplein, là où naguère régnait la terreur. Guerre etdestructions appartiennent à un autre monde.Vraiment ? Les mêmes rues, le matin suivant : unvieil homme à canne blanche est assis sur le borddu trottoir, avec quelques briquets à vendre. Prèsdu marché aux légumes, des hommes et des femmessurvivent en offrant à des prix dérisoires des T-shirts, des sacs en plastique et des vêtements de leurpropre confection. Ils se volatilisent à l’approched’un uniforme.La guerre a aussi laissé des traces indélébiles dans lavie quotidienne d’Azra. La jeune femme vit depuisoctobre 1997 à Sarajevo, dans un quartier qui n’apas encore été reconstruit et nettoyé comme lecentre. Une bonne partie de Dobrinja reste trufféede mines. Mais des enfants jouent entre les ruines,la vie reprend ses droits. Des gens s’installent dansdes maisons retapées à la hâte, abris de fortune àpeine habitables. Azra vit ici avec son oncle. Sesparents et son frère sont encore en Suisse. « Avecmon permis F de réfugiée, je n’avais aucune chan-ce de trouver une place d’apprentissage. Ici aumoins, je peux continuer ma formation », dit-ellepour expliquer son retour, seule, dans la patriequ’elle avait quittée à l’âge de 12 ans. Sa famillevient d’un village du Sud de la Bosnie, mais il n’estpas question d’y retourner, du moins pour le mo-ment : cette région appartient à la République serbeet les Bosniaques musulmans ne s’y risquent pas. La famille d’Azra n’est pas un cas exceptionnel, bienau contraire : beaucoup de ceux qui reviennent del’exil restent des réfugiés dans leur propre pays, carleur village ou leur ville appartient désormais « àl’autre partie » de l’Etat. De nombreux Bosniaquescroates et musulmans sont originaires de localitésqui se trouvent aujourd’hui dans des zones serbes.A l’inverse, des Bosniaques serbes ont leurs racinesdans des régions qui font partie de l’actuelleFédération croato-musulmane. Les statistiques in-diquent 1,5 million de réfugiés internes et on éva-lue à un autre million les Bosniaques qui vivent àl’étranger. Nombre d’entre eux devront rentrercette année encore au pays, car les pays d’Europeoccidentale – Suisse comprise – en ont décidé ainsi.On compte qu’il y aura 100 000 à 150 000 rapa-triés rien que depuis l’Allemagne ; en Suisse,quelque 12 300 personnes se sont annoncées pourle programme d’aide au retour offert par laConfédération.
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Dernier espoir : émigrerFerid Salja vient de recevoir la seconde tranche deson subside au bureau de la DDC. Il est rempli decolère et d’amertume. Sa femme, Enisa, dit sa dé-ception : « Je m’en doutais un peu, mais maintenantnous avons vraiment compris que nous ne sommespas les bienvenus ici. Il est définitivement impos-sible de trouver du travail. » L’argent reçu leur aservi à réparer la maison abîmée par des obus. Ilsn’ont bientôt plus rien et ne voient aucun avenirpour eux-mêmes et leur enfant à Sarajevo. Ils en-visagent de faire une demande d’émigration vers leCanada ou l’Australie.Fahrudin et Stana Meskovio ont déjà déposé leurspapiers pour l’Australie. C’est sans fioritures queStana, 31 ans, raconte son histoire : son mari a com-battu près de quatre ans dans l’armée bosniaque,
tandis qu’elle vivait réfugiée à Bjelina avec sa fille.Les deux frères de Fahrudin étant morts à la guer-re, il fut libéré du service militaire en tant que der-nier fils survivant de sa famille. Il s’enfuit en Suisseet y déposa une demande d’asile, puis il fit venir safemme et son enfant à Dietikon. La famille revintchez elle à Tuzla peu après la fin de la guerre. « Onnous avait dit que cela allait beaucoup mieux etnous espérions pouvoir recommencer une nouvel-le vie avec le subside de retour donné par la Suisse »,explique Stana. Elle regrette aujourd’hui cette dé-cision. Elle a un petit rire nerveux : « Non, cela neva pas très bien ici. » Les Meskovio n’ont pas en-core pu retourner dans leur maison, occupée enleur absence par des réfugiés d’une autre partie dupays. « Ils pourraient rentrer chez eux, mais préfè-rent rester à Tuzla, en ville », dit Stana. Elle et son
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Keystone
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«Dans ce pays il te fautun grand SMILE poursurvivre. »Lejla Ibrahimovic, 20 ans,Sarajevo
«On ne peut pas envoyerdes gens ici. Vous voyez à quel point c’est détruit.Durant les trois premiersmois de cette année,nous avons trouvé àDobrinja 49 mines et 125 obus non éclatés sur20 000 mètres carrés. »Jan Kölbel, expert endéminage, Sarajevo
«En Suisse, je me suispréparéepsychologiquement auretour : je savais qu’ici jemanquerais souventd’électricité et d’eau, queje ne recevrais pasd’argent le premier dumois et que le cheminpour aller chez le médecinserait pénible. »Fikreta Hadzimusic, 60 ans, Sarajevo
«Je suis rentrée de Suissel’été dernier, car jevoudrais mourir dans mapatrie. »Munira Alhumbabic, 72 ans, Tuzla
mari ont tout essayé, ils sont allés à la commune,au Haut Commissariat des Nations Unies pour lesRéfugiés (HCR) et à l’International Police TaskForce (IPTF). On les a renvoyés d’instance en ins-tance. Pour finir, cette grosse somme d’argent suis-se – « un cadeau », souligne Stana – s’est dissipée enfrais de justice et pour couvrir les besoins de la viequotidienne. Car malgré tous leurs efforts, ni Stanani Fahrudin n’ont trouvé d’emploi jusqu’à présent.Ils étaient pourtant prêts à accepter n’importe queltravail.
Une denrée rarePresque personne ne trouve un emploi parmi lesgens qui rentrent au pays. Ce qui n’a rien d’éton-nant avec un taux de chômage de 60 pour cent dansla Fédération, et encore plus élevé en Républiqueserbe. Les rares postes à repourvoir sont attribués àdes candidats restés au pays durant la guerre. Il nese passe pas grand-chose du point de vue écono-mique, le pays ne produit presque rien. Lesquelques grandes entreprises qui fournissaient desemplois avant la guerre dans la Bosnie rurale n’ontpas repris leurs activités. Des investissements ur-gents restent bloqués du fait que l’Etat n’a pas en-core privatisé ce qui devait l’être. Les organisationsinternationales mettent des crédits à la dispositiondes petites entreprises, la DDC participe au pro-gramme de crédit de la Banque mondiale. Pouren profiter, il faut de bons projets et une volontéde fer. C’est beaucoup demander, car monter uneaffaire dans les conditions qui règnent actuellementen Bosnie, cela n’est pas à la portée de n’importequi. «Je suis un bon mécanicien, je travaille bien et jepourrais faire beaucoup de choses », assure MladenVukelic, qui a quitté Lucerne au printemps 1997pour retrouver sa ville de Banja Luka. Même danssa profession de base – électrotechnicien – il n’atrouvé aucune place. Il ne peut que rêver de sapropre entreprise avec quelques employés, parcequ’il faut « au moins 50 000 DM » pour démarrer.Bien qu’un an après son retour, il n’ait toujours pasde perspectives concrètes, le jeune père de famillereste optimiste : « C’est notre patrie et nous devonsrepartir à zéro. Il nous faut simplement plus de cou-rage. Il n’y a que le premier pas qui coûte. »Comme Mladen, Branko appartient à la partieserbe de la population bosniaque. Il avait quitté lepays dès le début de la guerre : « Cette guerre nem’a jamais intéressé. Tout ce nationalisme. Je suisSerbe, mais je n’ai jamais vu de raison de tirer surqui que ce soit », dit-il pour justifier sa fuite enSuisse. Après une année dans des centres de tran-sit, il a trouvé à Sempach un emploi et un loge-ment. C’est là qu’il a fait la connaissance de sa
femme Dragica, elle aussi Bosniaque serbe qui avaitfui la guerre. Leur fils Aleksander avait tout justequatre mois quand la mère et l’enfant ont reçul’ordre de quitter la Suisse.
Entre l’espoir et la résignationAprès avoir épuisé les moyens de recours, la jeunefamille a quitté en octobre 1997 son nouveau logisoù elle se sentait bien. Elle ne pouvait pas s’instal-ler à Vitez, la ville de Branko, car il est encore im-possible pour un Serbe de vivre dans cette partiede la Fédération : « On m’en a déjà chassé une fois,je ne veux pas que cela recommence. » Ils ont tentéun recommencement à Svodna, la localité de safemme. Mais là aussi, ils ont été chassés, Branko aété traité de déserteur qui avait abandonné son paysau moment où on avait besoin de lui. Ils vivent maintenant à Brcko, où il a fallu des pots-de-vin pour obtenir leurs papiers d’établissement.« Nous nous débrouillons maintenant avec un peude marché noir. J’achète n’importe quelles ciga-rettes ou d’autres choses, que je revends sur le mar-ché. Un commerce parfaitement illégal. » Avant laguerre, Branko tenait en été un café au Monté-négro, il vivait bien. Il a aujourd’hui 34 ans, safemme 27. Chassés de leur exil, sans avenir dansleur ancienne patrie, ils songent à émigrer. «Beaucoup de nos jeunes sont résignés, ils n’ont pasd’espoir, leur horizon est bouché », remarqueMiodrag Zivanovic, professeur de philosophie etjournaliste à Banja Luka. « 20 000 demandes d’émi-gration ont été déposées rien que dans laRépublique serbe. C’est la fleur de notre popula-tion, des étudiants, des gens de classe moyenne âgésde 20 à 40 ans, qui cherchent à partir pour laNouvelle-Zélande, l’Australie ou l’Amérique. »Miodrag Zivanovic conserve tout de même uneétincelle d’optimisme. Le temps cicatrisera lesplaies, dit-il, et verra naître une nouvelle société.Mais ce sera très long. Il faudra avancer avec cir-conspection. L’important est que les gens retrou-vent leur place au pays. Surtout les réfugiés de l’in-térieur, et ensuite seulement ceux de l’étranger. « Nous avons besoin de temps, répète Zivanovic,j’espère que la communauté internationale nousl’accordera. A nous et aux réfugiés en Occident,qu’il vaudrait mieux ne pas tous renvoyer cetteannée déjà. Nous ne sommes pas encore prêts. »
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Un engagement sansprécédentLa Suisse s’est engagée à hauteur de 61 millionsde francs (paiements) dans la reconstruction de laBosnie. Mis à part cet apport financier sans précé-dent, on assiste à une collaboration particulière-ment étroite entre les organisations concernées :sous la conduite de la DDC, nombre d’instances
versée à l’arrivée et la seconde après six mois. Pouren bénéficier, ils doivent s’annoncer au bureau de laDDC de leur région et attester de leur lieu dedomicile.Un montant du même ordre que celui de cette « aide au retour volontaire » (30,5 millions de francsjusqu’ici) finance des projets d’aide structurelle. Oncrée ou rebâtit ainsi des écoles, des hôpitaux et deshabitations dans les communes qui accueillent lesrapatr iés de Suisse, ce qui représente unecontribution très utile à la reconstruction de ce paysravagé par la guerre. C’est aussi un moyend’atténuer les inégalités de traitement entre lesgens qui sont restés au pays et ceux qui reviennentde l’exil.D’autres projets visent la reconstruction politique, lesoutien des élections, l’encouragement des médiaset la promotion des droits de l’homme. Il y a aussiles projets psychosociaux pour aider les invalidesde guerre à réintégrer la société (voir page 10). Desprogrammes de création d’emplois, dans l’agri-culture en particulier, ainsi que la participation àl’octroi de petits crédits, contribuent à améliorer lasituation sur le marché du travail.
(De l’allemand)
fédérales et d’ONG travaillent au coude à coudedans des secteurs très divers, de sorte que l’onpeut parler d’un véritable programme global de laSuisse en Bosnie. Il inclut notamment le soutien àl’ instauration d’une société démocratique,l’amélioration des infrastructures, la création delogements et d’emplois, ainsi qu’un accès facilité àl’éducation et à la santé.Une forme particulière de soutien est « l’aide auretour volontaire » : quelque 30 000 réfugiés ont reçuchez nous un accueil provisoire durant la guerre etdoivent rentrer chez eux. La Suisse les aidefinancièrement pour le difficile recommencementd’une nouvelle vie dans leur patrie d’origine : lesadultes reçoivent 4000 francs par personne, lesenfants 2000 francs, à quoi s’ajoute une sommeunique de 1000 francs par famille ou personneseule, pour sa subsistance. Les rapatriés touchentcet argent en Bosnie : une première tranche est
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L’horreur a laissé des traces indélébiles dans les mémoires.Détresse, désespoir face à un monde dans lequel on ne seretrouve plus. Depuis 1996, la DDC soutient dans toute laBosnie différents projets destinés à soulager les séquellespsychosociales de la guerre. Deux exemples.
«S’ils nous avaient aussituées, beaucoup dechoses nous auraient étéépargnées. »Ireta Alihodzio, Simin Han
(gn) Les ruines de l’ancienne Bibliothèque natio-nale, à Sarajevo, doivent rester un témoignage del’inconcevable. Des marques rouges sur l’asphalted’un centre commercial rappellent le souvenir desvictimes. Ecriteaux, couronnes, bougies, lumièrespartout... Ireta Alihodzio n’aura jamais besoin deces rappels. Elle vit avec 21 autres femmes et 56enfants dans un centre situé à Simin Han, dans labanlieue de Tuzla. Elle y apprend lentement àvivre avec le souvenir de ce qui est arrivé, à sup-porter cette réalité et à construire une nouvelleexistence. Si c’est possible. Elle fait partie des mil-liers de femmes de Srebrenica dont les maris et lesfils sont portés disparus depuis l’été 1995.Probablement morts, massacrés, mais Ireta n’en apas encore la certitude. Elle espère toujours, sûre-ment à tort. « Quand je pense à ce qui s’est passé,je me rends compte que je ne supporterais pas celaune seconde fois », dit une autre femme qui a fuiSrebrenica avec Ireta et vit aussi à Simin Han. « Tules regardes emmener ton mari, tes fils et tu ne peuxrien faire. » Après tout ce qu’elles ont vécu, elles nesont plus des êtres humains normaux, ajoute Ireta :« Il aurait mieux valu qu’ils nous tuent tout desuite. »Ce centre est cofinancé par la Croix-Rouge Suisse(CRS) et la DDC. Les pensionnaires disent avoirbeaucoup apprécié l’aide du psychiatre, du tra-vailleur social et surtout de la directrice. La pre-mière année, le psychiatre était employé à pleintemps par le centre et avait quotidiennement descontacts avec chacune d’elles. Le but du projet étaitde créer les bases d’une nouvelle vie dans un envi-ronnement et des rôles sociaux différents. Lesfemmes de Srebrenica vivent effectivement une si-tuation difficile : « Elles ne connaissaient que leurvie de paysannes, se définissaient à travers leur mariet leur famille. Et les voilà tout à coup seules avecleurs enfants, sans mari, plongées dans un milieu ur-bain », observe Michaela Dzendo, collaboratrice dela CRS. La seconde phase du projet prévoitd’ailleurs leur réinsertion progressive dans une viequotidienne où elles ne seront plus dépendantes desinstitutions. Cela devrait en principe être réalisé fin1998, moment où l’aide suisse est censée arriver àson terme.
Le centre organise des cours pour la fabrication detapis à points noués et un apprentissage de coiffeu-se. Bien que les pensionnaires y prennent part ac-tivement et montrent beaucoup d’intérêt, la plu-part d’entre elles sont encore très loin de pouvoirassumer leur vie quotidienne sans aide extérieure.« Si elles étaient aujourd’hui livrées à elles-mêmes,elles retomberaient probablement dans l’étatqu’elles ont péniblement surmonté au cours desdeux dernières années », craint Michaela Dzendo.Elle n’ose pas imaginer ce qu’il adviendra des fem-mes du centre si le projet s’arrête effectivement àla fin de l’année.
Démobilisés et désemparésDe nombreux Bosniaques sont aujourd’hui déra-cinés, déstabilisés, torturés par des souvenirs trau-matisants. Même ceux qui n’ont pas vécu deschoses aussi graves que les réfugiés de Srebrenicaont de la peine à surmonter les séquelles de laguerre. Différentes institutions et organisationsproposent une aide psychosociale. Les soldats dé-mobilisés constituent une catégorie particulière-ment vulnérable. Pour nombre d’entre eux, la si-tuation est aujourd’hui plus difficile que durant laguerre. Le psychologue Salih Rasavac parle d’un« traumatisme de la paix » : ces soldats souvent trèsjeunes avaient mis leur vie au service d’un but quin’a jamais été atteint et ils se sentent maintenantfloués. Beaucoup avaient abandonné leur forma-tion, leurs études et ils n’ont plus rien, tandis queles rapatriés ont au moins financièrement lesmoyens d’un nouveau départ. Ceux qui retour-nent dans leur famille découvrent que tout est dif-férent : la femme, qui s’est occupée de tout pen-dant l’absence de son mari, a gagné en assurance.Les soldats démobilisés sont sans travail, sans pers-pective d’avenir. « Le taux de suicides a énormé-ment augmenté ces derniers temps », dit SalihRasavac, « et l’alcoolisme prend des proportionsdramatiques ». Rasavac dirige le projet Corridorréalisé par une psychiatre et des psychologues, quioffrent une assistance psychosociale aux ancienssoldats, soit sous forme de thérapies individuelles,soit en groupes. Souvent, on y intègre l’épouse outoute la famille.
Vivre malgré se
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«La situation estaujourd’hui plus difficileque pendant la guerre :à l’époque nous savionsau moins d’où venait ledanger. Maintenant, nous vivons dansl’incertitude et ne savonspas comment nous enprotéger. »Salih Rasavac, Corridor,Sarajevo
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Retrouver une vie quotidienne plus ou moins nor-male est extrêmement difficile. La situation éco-nomique et sociale telle qu’elle se présente actuel-lement laisse peu d’espoir de recommencer quelquechose. Il est donc impératif que ces projets psy-chosociaux redonnent un sens à des existencesanéanties. Ils devront accompagner de façon in-tensive et durable les personnes les plus touchées.
Et cela dans un pays qui commence tout juste à seremettre des atrocités de la guerre.
(De l’allemand)
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Les médias qui se consacrent à la réconciliation nationale sontpeu nombreux en Bosnie. Reste à savoir s’ils ont un public ous’ils prêchent dans le désert.
(gn) Musique et variétés. Rien d’indigeste et surtoutpas de politique. On a tôt fait d’être au clair sur ceque la majorité de la population attend de la radioet de la télévision : du divertissement. «Une réactioncompréhensible après tout ce que nous avons vécu»,observe Rale Tatarevic, directeur technique de lachaîne privée Nezavisna televijzja, à Banja Luka. Iln’est pas contredit par Andrej Smudis, chef des pro-grammes à Radio FERN. Même s’il sait bien que peude gens écoutent sa radio, il a choisi en toute luci-dité d’adopter une autre ligne : ici, on met l’accentsur l’information politique et on diffuse des émis-sions de fond sur des thèmes d’actualité comme ladémocratisation, les droits de l’homme, la recons-truction ou les réfugiés.
Un projet suisseFERN est le sigle de Free Election Radio Network.Elle a été lancée en un temps record grâce à uneinitiative helvétique, avec des apports financiers etpersonnels venus de Suisse également. Elle émetdepuis le 15 juillet 1996. Son objectif initial : desinformations impartiales et donnant si possible la
parole aux trois parties en présence (Croates,Musulmans et Serbes) en vue des élections de sep-tembre 1996. Les élections locales ayant été repor-tées à l’automne 1998, la DDC a décidé, d’enten-te avec l’Organisation pour la sécurité et la coopé-ration en Europe (OSCE), de prolonger le projetRadio FERN. C’est la seule station qu’on peut cap-ter dans pratiquement tout le pays, aussi bien sur leterritoire de la Fédération croato-musulmane qu’enRépublique serbe. « Il est important d’émettre desinformations objectives et préparées de façon pro-fessionnelle. » Andrej Smudis justifie ainsi l’exis-tence de Radio FERN, dont les taux d’écoute nefigurent certainement pas au hit-parade des in-nombrables stations qui ont vu le jour en Bosniedepuis la guerre. Il suffit qu’un public intéressé etde qualité sache que Radio FERN diffuse des nou-velles fiables, estime son directeur. Ainsi, cetteradio électorale devrait donc survivre aux pro-chaines élections. On souhaite en confier la res-ponsabilité à une direction bosniaque d’ici à la finde l’année. A plus long terme, Radio FERN devraitêtre privatisée.
Journalisme
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Pénurie de journalistesLe manque de journalistes professionnels constitueun gros problème pour Radio FERN comme pourla plupart des autres médias du pays. Les rédacteursen chef se plaignent : beaucoup de gens compétentssont partis à l’étranger, beaucoup d’autres sont morts.Un seul média n’est pas confronté à ce problème :le célèbre quotidien Oslobodenje (Liberté), qui estparu durant toute la guerre jour après jour (1367 nu-méros publiés dans Sarajevo occupée) et dans les pirescirconstances. Aujourd’hui, l’équipe rédactionnellen’a pas changé et Oslobodenje continue de diffuser desarticles politiques indépendants en provenance detout le pays. Mais la situation reste difficile : le jour-nal est lourdement endetté par suite de la guerre, letrou dépasse 4 millions de DM et les salaires n’ontpas été payés depuis trois mois. Son rédacteur en chefMehmed Halilovic a toutes les raisons de craindreun prochain tarissement du journalisme profession-nel dans sa rédaction. La question de la propriétén’ayant pas été clarifiée, le problème ne peut pas serésoudre par une vente. La situation est dramatique,souligne Mehmed Halilovic, qui nourrit tout demême l’espoir d’une solution prochaine pour le plusancien journal du pays.
Prêchent-ils dans le désert ?Journaux et magazines ne manquent pas, surtoutdans les villes importantes. C’est aussi le boom desmédias électroniques, avec quelque 150 radios et 76chaînes de TV pour un peu plus de trois millionsd’habitants. Sans compter les médias internationauxtels que Radio Free Europe et BBC, ainsi que les sta-tions d’Etat et nationalistes de la Croatie et de laRépublique de Yougoslavie voisines. Mais rares sontceux qui, comme Radio FERN ou Oslobodenje, pra-tiquent la pondération politique et se préoccupentd’améliorer la situation. Il en va de même enRépublique serbe. Miodrag Zivanovic, rédacteur enchef du premier hebdomadaire indépendant créé àBanja Luka durant la guerre, explique qu’il tente decalmer les esprits surchauffés. Son journal Novi pre-lom a pour devise : dialogue et tolérance pour un ave-nir normal. Cela paraît simple, mais MiodragZivanovic relativise : «Dans l’état actuel de notre so-ciété, il est très difficile de se faire entendre. Pourfaire passer son message, on est obligé de raconterdes histoires populistes. »Zoran Kalinic, fondateur et directeur de la Nezavisnatelevijzja, ne connaît pas ce genre de problème. Sachaîne est très regardée. Elle a déjà contribué à écri-re l’histoire. Par exemple, lorsqu’elle a diffusé en di-rect durant des heures une manifestation populairecontre le gouvernement de la République serbe. Elle
filmait l’événement depuis le bâtiment de sa rédac-tion, situé sur la place où se déroulait la manifesta-tion. Autre exemple : Kalinic a invité sur son pla-teau l’opposant de l’époque Milorad Dodik, au-jourd’hui chef du gouvernement de la Républiqueserbe. Le rédacteur en chef a failli perdre ainsi sonautre gagne-pain, à la tête d’une compagnie d’assu-rance. Mais c’est le genre de risques que ce com-battant de la paix est prêt à prendre : «Nos émissionsdoivent évoquer ouvertement les problèmes poli-tiques. Je suis conscient de ma responsabilité enversles téléspectateurs. Nous devons regarder vers l’ave-nir et faire en sorte que les gens de notre pays se ré-concilient et ne vivent plus dans des ghettos. » C’estpourquoi il a signé un contrat de collaboration etd’échange de programmes avec une chaîne TV deSarajevo. Une démarche courageuse dans la situa-tion actuelle. Kalinic note qu’il n’a guère reçu de fé-licitations pour cela. Mais son partenaire de laFédération non plus. La route est encore longue...
(De l’allemand)
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contre la haineBosnie
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Lorsqu’elle doitindiquer sa nationalité,Lili Labib Feidy écrit :«Palestinienne avecpasseport jordanien etcarte d’identité deJérusalem. » Docteur en linguistique, elle a étédurant huit ansprofesseur-adjoint àl’Institut de langue et de culture anglaises de l’Universitépalestinienne de Bir Zeit,en Cisjordanie. Depuis1996, elle est directricegénérale des relationsinternationales etculturelles au Ministèrepalestinien del’éducation supérieure, à Ramallah.
J’avais treize ans lors de la guerre de 1967, quandIsraël a occupé la Cisjordanie et la bande de Gaza.Il était alors difficile de comprendre pourquoi etcomment nous avions été vaincus. Les adultes neparvenaient pas à répondre à nos questions. Leurs ré-ponses étaient toujours ambiguës, comme s’ilsavaient honte d’admettre ou de confesser qu’ilsavaient connu deux défaites au cours de leur vie, en1948 et en 1967.En tant que génération montante, nous avons prissur nous d’achever ce que la génération précédenten’avait pas pu réussi à faire. Pour nous, la Palestineest devenue à la fois un rêve et une réalité. Ce rêvede patrie devait se réaliser. Et il devait être exprimépar nous-mêmes. Si nous avons connu l’échec, c’esten partie parce que nous, Palestiniens, avons toujoursété observés, analysés et représentés par d’autres.Quels que soient les domaines, les formes et lesmodes d’expression, on nous a toujours nié le droitde nous représenter nous-mêmes. Il existait, et ilexiste encore, un besoin de créer un espace, un ter-ritoire où nous pourrons vivre et nous exprimer li-brement, dans un pays capable de se défendre poli-tiquement et culturellement contre la dominationétrangère.La Palestine existe en tant que rêve et en tant queréalité. Elle s’exprime. Malgré toutes ces décenniespendant lesquelles la justice a été bâillonnée et nosdroits bafoués, la vérité, les faits sont restés les mêmes.Et notre rêve est intact. Les faits sont là, il faut leurfaire face ; nul ne peut les changer ou les ignorer. Sil’on change la réalité, devient-elle irréelle pour au-tant ? Si la vérité est un fait, devient-elle mensongelorsqu’elle n’en est pas un?Il est très pénible de penser que la Palestine est à lafois un rêve et une réalité, alors que la majorité desPalestiniens sont réduits au silence et vivent toujours
dans des camps. Comment puis-je / pouvons-nous/ peuvent-ils prétendre représenter cette réalité quiest pourtant la nôtre? «Rois » sans royaume, nous ris-quons d’être l’objet de tous les marchandages et denous laisser acheter par le patriarcat dominant, parl’ancien et le nouvel ordre mondial. Le discours dunouvel ordre mondial, qui décrit notamment laconquête de l’Est, rend la compréhension des chosesencore plus malaisée. Or, il est déjà fort difficile dereconnaître les acteurs de ce feuilleton politique «au-delà du bien et du mal ».Nous devons être très prudents pour avancer surcette voie étroite sans tomber dans un piège. Nousdevons redoubler de vigilance, favoriser la créativi-té, l’inspiration, le désir et la critique, afin de jeterle discrédit sur le discours de l’ordre dominant. Lapremière chose à faire est de proposer d’autres fa-çons de voir et de dire. Pour beaucoup, c’est là uneactivité culturelle et politique. Elle devrait éveillerla conscience de chaque Palestinien et l’inciter àjouer un rôle actif dans l’exposé de la vérité ou laréalisation du rêve.
(De l’anglais)
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La Palestine, c’est tout d’abord le rêve d’un peuple sans avenir.Car il faut se demander ce qu’est la Palestine, ou plutôt où elleest . Et surtout à qui appartient quelle Palestine ? Pour tenterde répondre à ces questions, il est utile de reconsidérer lepassé et d’analyser le présent. De Diego Yanez.*
«Dieu soit avec toi », dit la vieille femme en invitantl’étranger à entrer dans sa pauvre hutte. Ses doigtsnoueux farfouillent dans un coffret plein de souve-nirs douloureux, des lettres, des documents officiels,des photos jaunies. Il y a surtout une clé, une clé trèslourde qui ne mesure pas moins de 20 centimètres.«Regarde, étranger!», dit-elle en brandissant cette cléqui symbolise mieux que tout au monde son destinindividuel et celui de son peuple. « Je me souvienstrès bien. Les bombes pleuvaient, les maisons s’ef-fondraient... La mort était partout. Un long moment,j’ai pensé que mon tour était venu. Puis il y a eu unegrosse explosion. Une des maisons voisines avait sansdoute été touchée. Je devais partir sur le champ, maispas sans fermer ma maison à clé. Voilà la clé », dit-elle d’un ton presque solennel.C’était il y a 50 ans, pendant la première guerre is-raélo-arabe. Cette Palestinienne était alors une jeunemère de famille. Les Israéliens ont détruit son petitvillage, au nord d’Ashkelon. Depuis lors, elle vit àJabalia, un camp de réfugiés dans la bande de Gaza.Elle est aujourd’hui entourée de ses enfants et pe-tits-enfants. Ici, où l’exil est un traumatisme collec-tif, nombre de réfugiés rêvent de retourner dans leursvillages, tous situés à l’intérieur des frontières que lacommunauté internationale reconnaît à Israël. Sonhistoire, elle l’a déjà racontée des milliers de fois, enfinissant toujours par la même phrase : «Vous pen-
serez peut-être que je suis folle, mais un jour je re-tournerai dans ma maison. J’ouvrirai la porte et jedirai : me voilà, je suis revenue. »Elle parle de son village, mais omet de dire qu’il n’exis-te plus depuis 50 ans. Là où se dressait sa maison pous-sent aujourd’hui des eucalyptus. 400 autres villages ontsubi le même sort, ils ont tout simplement été rasés.Ces destructions et l’exode de centaines de milliersde personnes sont le lourd tribut que les Palestiniensont payé à la création de l’Etat d’Israël.
La « catastrophe » de 1948En évoquant l’anéantissement de leur patrie, quicoïncide avec la naissance d’Israël, ils parlent de «Nabka », la catastrophe. Seuls ceux qui ont vécu la«Nabka» peuvent comprendre ce que Palestine veutdire et essayer de définir sa réalité géographique.Aujourd’hui, la Palestine est avant tout un rêve col-lectif sans contours précis, car les Palestiniens ne sontplus un peuple uni depuis longtemps. Les 800’000Palestiniens qui vivent en Israël ont peu de chosesen commun avec ceux de Cisjordanie et deJérusalem-Est, au nombre de 1,7 million. De même,les liens entre les 900’000 Palestiniens de la bandede Gaza et les 4,7 millions dispersés un peu partoutdans le monde se relâchent d’année en année. Lerêve d’un Etat indépendant devient le plus petit dé-nominateur commun.
Palestine
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Mais à quoi ressemble donc cette Palestine ? Oùcommence-t-elle ? Quelles sont ses frontières ? Lavieille femme de Jabalia répondrait sans hésiter : «LaPalestine est là où ont vécu nos ancêtres. » Cette dé-finition correspond à la Palestine d’avant 1948, alorssous mandat britannique. Mais c’est une vision ro-mantique sans aucun lien avec la réalité. Là où lesmaisons palestiniennes tiennent encore debout, ellessont habitées par des Juifs venus du Yémen, de NewYork ou de Pologne et ce sont les tracteurs des kib-boutz qui labourent les champs.Avec ses frontières actuelles, Israël s’étend sur les troisquarts de la Palestine originelle. Au mieux, il ne resteaux Palestiniens qu’un quart de ce territoire, un quartformé par la Cisjordanie et Gaza. Et encore, rienn’est sûr, car Israël rechigne à évacuer complètementces territoires, arguant de sa propre sécurité et de laprésence de plus de 150’000 colons juifs.Aujourd’hui, les Palestiniens n’administrent de ma-nière autonome que 30 pour cent des territoires oc-cupés par Israël (Cisjordanie et Gaza). Yasser Arafatet son Organisation de libération de la Palestine(OLP) contrôlent ainsi bien moins que 10 pour centde la Palestine originelle. Et ce n’est pas tout : les ter-ritoires palestiniens autonomes sont comme des frag-ments éparpillés en Cisjordanie et dans la bande deGaza. Pour se rendre de Ramallah à Naplouse ou deBethléem à Hébron, on est donc obligé de traver-ser une partie du territoire occupé par Israël. Lorsquel’Etat d’Israël estime que sa sécurité l’exige, il ver-rouille les territoires ou restreint la circulation.Résultats : les produits agricoles pourrissent avant depouvoir être exportés ; les horticulteurs nourrissentles chèvres avec les glaïeuls et les roses destinés aumarché européen, car les frontières sont closes ; leschantiers de construction sont paralysés parce que leslivraisons de ciment et de briques ne parviennent pasà destination. Ces mesures frappent de plein fouetl’agriculture et la construction, les deux piliers del’économie palestinienne qui fournissent la plupartdes emplois.La survie des Palestiniens dépend donc de plus enplus de l’aide internationale. La majeure partie de cetargent est investie dans les infrastructures et dans lesprojets sociaux. Si l’aide s’arrête, tout s’effondre, avecdes conséquences incalculables pour l’ensemble dela région.
Espoirs déçusCe qui vaut pour les produits et les matières pre-mières vaut aussi pour les habitants. Ils ne peuventse rendre de Gaza en Cisjordanie sans une autorisa-tion des Israéliens. Même les déplacements à l’inté-rieur de la Cisjordanie ne sont possibles que s’ils sonttolérés par l’occupant. Dans ce contexte, les terri-toires autonomes palestiniens sont d’immenses ghet-
tos où le niveau de vie baisse tandis que le chôma-ge augmente (40 à 50 pour cent). Cette situation ades conséquences catastrophiques : elle renforce laposition des radicaux opposés aux accords de paix.Le Hamas islamiste alimente ouvertement la polé-mique contre le dialogue avec Israël et torpille cequi reste du processus de paix par de meurtriers at-tentats à la bombe. La défaillance de leurs propreschefs ne fait qu’accroître la frustration des Pales-tiniens. Il est depuis longtemps oublié le jour oùYasser Arafat, revenant de son exil à Tunis, avait étéaccueilli en héros et en libérateur.Dans les villes aujourd’hui autonomes, les anciennesprisons militaires israéliennes sont à nouveau pleinesà craquer. Les gardiens palestiniens ont remplacé lesgardiens israéliens. La différence? Les nouveaux fontpreuve de plus de mépris et de brutalité que leursprédécesseurs. Un ancien détenu atrocement mal-traité explique : «Quand c’est un Israélien qui te tor-ture, tu en es presque fier. Tu racontes à tout lemonde : regardez, ils m’ont fait ça et ça. Mais quandc’est ton propre frère qui te torture, tu ne pourrasjamais plus oublier la douleur. »En voyant les libérateurs d’hier devenir les oppres-seurs d’aujourd’hui, nombre de Palestiniens ontabandonné tous leurs rêves d’un avenir meilleur etont plongé dans une profonde dépression. A l’épo-que de l’Intifada, il n’y avait que nous (lesPalestiniens) et eux (les Israéliens), blanc d’un côté,noir de l’autre. Chacun nourrissait l’espoir que lescombats de rue de la jeunesse palestinienne finiraientpar libérer le pays et conduiraient, un jour ou l’autre,à la création d’un Etat indépendant en Cisjordanieet dans la bande de Gaza. Aujourd’hui, il n’y a ninoir, ni blanc, il n’y a plus que du gris. Seul le Hamas,avec ses vues extrémistes, parvient encore à secoueret à enthousiasmer les foules. Un bien mauvais pré-sage pour la Palestine.
(De l’allemand)
* Diego Yanez est rédacteur au magazine d’informationtélévisé «10 vor 10». Jusqu’à fin 1997, il était corres-pondant de la télévision alémanique DRS à Jérusalem.
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« Vous penserez que je suis folle… »Faits et chiffres(La Palestine actuelle : Cisjordanie,y compris Jérusalem-Est, et bandede Gaza)
Superficie6170 km2
Population2,7 millionsJeunes de moins de 15 ans : 44%Croissance démographique : 5%par anDensité de population :370 habitants par km2
(Gaza : 4152 habitants par km2)
Mortalité infantileEnviron 33 décès sur 1000 naissances
Taux d’analphabétismeEnviron 25%
Répartition de la population50% dans les zones rurales36% dans les villes et lesagglomérations 14% dans les camps de réfugiés
ReligionIslam : 97%Christianisme : 3%
EconomieRevenu par habitant:1800 dollarspar an
Population activeAgriculture : 35%, Construction : 13%, Administration : 11%Industrie : 7%, Autres : 34%
Exportations : 270 millions de dollars en 1996 Importations : 1094 millions de dollars en 1996
Jordanie
Palestine(Cisjordanie)
Méditerranée
Tel Aviv
Jérusalem
Gaza
Egypte
Syrie
Liban
Israël
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(bf) Lors de son voyage au Proche-Orient en maidernier, Flavio Cotti, président de la Confé-dération, s’est aussi rendu dans les territoires pales-tiniens autonomes. La Suisse y réalise un program-me quinquennal lancé en 1993. Il s’étend jusqu’àfin 1998 et coûtera au total 60 millions de francs.Il devrait d’ailleurs être reconduit dans un cadre si-milaire.La DDC possède un bureau de coordination surplace, qui est plutôt un bureau de liaison avec lesautorités palestiniennes autonomes. D’entente avecelles, des secteurs prioritaires ont été définis et desprojets identifiés. La visite de Flavio Cotti a contri-bué à consolider ce travail, à répartir les projets dansdes domaines précis (réfugiés, eau, environnement)et à les intégrer dans un programme régional ainsique dans un processus de paix multilatéral.Voici les points forts de la coopération suisse au dé-veloppement en Palestine :- Coopération avec l’Autorité palestinienneautonome. En collaboration avec l’Union euro-péenne (UE), la Suisse gère un programme de ré-intégration professionnelle pour les anciens déte-nus politiques. Ce projet doit permettre à quelque20’000 Palestiniens de retrouver leur place dans lasociété. D’autres projets concernent la formationprofessionnelle, la statistique démographique, l’ap-provisionnement en eau et l’assainissement, la pro-tection de l’environnement et les centres de jeu-nesse.- Coopération avec la Banque mondiale. LaSuisse soutient différents programmes : finance-ment d’experts techniques qui préparent et réali-sent des projets, garantie de la couverture des dé-penses courantes durant la phase initiale de ces pro-jets et amélioration des infrastructures, donc desconditions de vie de la population palestinienne.- Programme d’ONG pour la promotion desdroits de l’homme. La Suisse entretient depuis desannées une collaboration fructueuse avec des orga-nisations palestiniennes dans les domaines des droitsde l’homme, de la coopération technique et de l’ai-de humanitaire. L’objectif prioritaire est de déve-lopper une société pluraliste.- Projets régionaux multilatéraux. Dans le cadredu processus de paix multilatéral entamé dans la ré-gion, la Suisse finance un plan d’action qui a pourbut de lutter contre la désertification (Palestine,Jordanie, Israël). La Suisse ayant été chargée d’in-suffler les valeurs propres à la « dimension humai-ne » dans les groupes de travail existants, la Divisionpolitique IV du Département fédéral des affairesétrangères s’efforce de définir des projets dans cesens.
(De l’allemand)
Nombreux projets suissesintégrés au processus de paix
Historique
63 av. J.-C.-
324 apr. J.-C. Domination romaine.
324 - 638 Domination byzantine.
636 Début de la conquête arabe de la Palestine.
1099 Les croisés conquièrent Jérusalem et s’installent
dans de grandes régions de la Palestine.
1265 Les mamelouks pénètrent en Palestine et com-
mencent à réprimer les croisés.
1516 La Palestine est occupée par les Turcs et rattachée
à l’Empire ottoman ; elle forme une partie de la
province impériale de «Syrie ».
1882 Première vague d’immigration juive en Palestine.
1904-1914 Deuxième vague d’immigration juive en
Palestine.
1917 Démembrement de l’Empire ottoman ; la
Palestine est administrée par les Britanniques
sous mandat de la Société des Nations.
1919-1948 L’immigration juive, majoritairement illégale,
s’accroît.
1936 Soulèvement de la population arabe de Palestine
contre les immigrants juifs.
1947 L’Organisation des Nations Unies propose de
partager la Palestine en deux Etats, arabe et juif.
Tandis que les Juifs acceptent ce plan à une faible
majorité, les Arabes le rejettent nettement.
1948 David Ben Gourion proclame l’Etat d’Israël en
Palestine. Début de la première guerre israélo-
arabe. Israël ressort de cette guerre avec ses
frontières actuelles, désormais reconnues par la
communauté internationale. La Cisjordanie et
Jérusalem-Est sont annexées à la Jordanie, la bande
de Gaza à l’Egypte.
1967 Guerre des Six Jours. Israël occupe Jérusalem-Est,
la Cisjordanie, la bande de Gaza, les hauteurs du
Golan et le Sinaï.
1973 Guerre du Yom Kippour.
1987 Début de l’Intifada.
1993 L’OLP et Israël se reconnaissent mutuellement
dans le Traité dit d’Oslo. Début du processus de
paix.
1994-1997 Des terroristes islamistes s’opposent au processus
de paix et commettent des attentats à la bombe
contre des civils israéliens. Des portions de la
bande de Gaza et de la Cisjordanie deviennent des
territoires autonomes palestiniens.
1995 Un fanatique juif assassine Itzhak Rabin pour
mettre fin au processus de paix.
1996 Benjamin Netanyahou promet d’empêcher la
création d’un Etat palestinien et remporte les
élections israéliennes.
Thom
as K
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/Loo
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L’objet de tous lesjoursLe keffieh, symbole dela rébellion etaccessoire de modeQui ne connaît pas lekeffieh, cette coiffe detissu à damiers noirs etblancs, qui appartient àl’image de Yasser Arafatautant que sa barbeclairsemée? Chez nous,le keffieh est devenu dansles années 70 unaccessoire de modepolitiquement correct. EnPalestine, il est bien plusqu’un simple foulard.Porter un keffieh, c’estaffirmer fièrement sesorigines. Nous noussouvenons tous desphotos de l’Intifada : desenfants armés de pierres,la tête emmitouflée dansleur keffieh, s’opposaientaux soldats israéliens au péril de leur vie. Ils ontfait de ce carré de tissuun symbole de larébellion. Jeunes et vieux,en ville et à la campagne,d’innombrablesPalestiniens continuentaujourd’hui de porter lekeffieh, aussinaturellement que nousune écharpe.
Opinion DDC
L’aide publique au développement doit-elle être ac-cordée à des pays dotés d’armes nucléaires ? Cettequestion se pose depuis les essais atomiques effec-tués par l’Inde et le Pakistan en mai. Une chose estclaire : les fonds d’aide au développement ne doiventen aucun cas être détournés à des fins militaires. Surce point, le soutien de la Suisse bénéficie des garan-ties nécessaires. Pour le reste, notre décision de pour-suivre la coopération avec ces deux Etats s’appuiesur les réflexions suivantes.
Il faut tout d’abord se souvenir que la pauvreté restelancinante aussi bien en Inde qu’au Pakistan. Unepersonne sur trois vit dans une pauvreté absolue.Si l’aide étrangère était coupée, cela toucherait es-sentiellement des gens dont la situation ne laisseguère espérer des jours meilleurs. C’est particuliè-rement vrai pour la coopération suisse, dont 90pour cent vont à des organisations privées au ser-vice des défavorisés ou à des projets gérés par lesautorités régionales. Un retrait complet de la Suissene pénaliserait ni les gouvernements centraux ni lesmilitaires, mais les populations les plus démunies.
D’autre part, les contribuables des pays industriali-sés, dont la solidarité est destinée à soulager la pau-vreté, ont le droit d’exiger des gouvernements par-tenaires qu’ils fassent preuve de responsabilité àl’égard des catégories sociales défavorisées. La com-munauté internationale doit leur rappeler constam-
ment ce devoir et adapter ses efforts à leur volontéd’assumer cette responsabilité. La Suisse s’y emploievigoureusement.
Ces considérations expliquent la décision du Conseilfédéral, qui a réduit d’environ 3 millions de francsl’aide au développement octroyée à l’Inde en 1998-1999 et de 1,5 million le montant destiné auPakistan. Par ailleurs, la DDC et l’OFAEE réexa-minent les objectifs de leurs programmes et n’adop-tent pour le moment aucun nouveau projet avec lesgouvernements centraux. Nous adressons ainsi unmessage à ces gouvernements, tout en offrant à lasociété civile des possibilités d’élargir à long termesa base démocratique. Dans ce domaine, nous tra-vaillons en étroite collaboration avec d’autres payset avec les institutions internationales. Interromprela coopération au développement ne saurait être uneréponse suffisante pour résoudre des problèmes liésà la politique de sécurité dans une région. Ce genrede situation requiert une approche plus diversifiée,un dialogue international et une grande force de per-suasion. La responsabilité à l’égard des pauvres – as-sumée par nos partenaires aussi bien que par nous-mêmes – reste le moteur de la coopération au dé-veloppement.
Walter Fust, Directeur de la DDC(De l’allemand)
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Responsabilité à l’égard des pauvres
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Une société pakistanaise de leasing s’est lancée sur le cré-neau apparemment risqué des petites et micro-entreprises.Elle a fait ses débuts en 1995 dans le port de Karachi, où ellea financé l’achat de bateaux de pêche. Avec l’aide de la DDC,elle étend ses activités dans le nord du Pakistan. De Jane-Lise Schneeberger.
(jls) Après les pêcheurs de Karachi, Network LeasingCorporation (NLC) a passé des contrats avec 500autres petits entrepreneurs dans la région de Karachi.Parmi eux, Jahanzeb avait besoin d’une moto pouraller vendre ses outils d’occasion de marché en mar-ché. Javaid s’est offert un frigo pour conserver le laitindispensable à son petit stand de thé. Tariq, lui, apu remplacer le vieux tour, à bout de souffle, de sonatelier de mécanique. NLC a fait un effort particu-lier en faveur des femmes entrepreneurs. Ainsi, Salmaa pu ouvrir un salon de beauté et de coiffure enlouant l’équipement de base et les meubles. Et Jamila,qui tient une épicerie, s’est procuré un frigo dans le-quel elle stocke des denrées périssables et des médi-caments.Le Pakistan ne connaît le leasing que depuis onzeans et 33 sociétés ont déjà été créées. Presque toutesse méfient des petits contrats, trop coûteux en fraisadministratifs et apparemment trop risqués. NLC adémontré qu’une société pouvait être viable en tra-vaillant avec des clients très modestes. Son taux deremboursement dépasse 98 pour cent.Cette société veut aussi renforcer un secteur vital del’économie. La plupart des petits entrepreneurs sontillettrés, ils n’ont pas de formation technique et leursrevenus sont dérisoires. Pourtant, ils fournissent desbiens, des services et des emplois à une vaste majo-rité de la population, constate NLC dans son rap-port annuel.
Traditionnellement, les petits entrepreneurs en quêtede financement s’adressent à des prêteurs privés, aurisque de devoir payer jusqu’à 180 pour cent d’in-térêts par année. Ils n’ont pratiquement aucune chance auprès desbanques commerciales qui ne s’intéressent pas aumicro-crédit. Elles exigent des garanties financièresque ce type de clientèle est incapable de fournir.En 1996, la DDC a accordé à Network LeasingCorporation un prêt de 750 000 francs et un dondestiné à une assistance technique. «Le soutien à unesociété privée est très novateur », remarque Jean-Marc Clavel, de la DDC. «Nos premières expé-riences avec NLC sont très encourageantes. Nousavons décidé de renouveler cette collaboration pourles trois ans à venir, afin d’aider NLC à étendre sesactivités vers le nord du Pakistan. » A la DDC, onsonge déjà à répéter l’opération dans d’autres pays.
Et vogue le petit leasing
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Les équipes de Tdh s’efforcent de scolariser ces en-fants, tout en aidant leur famille. Si les parents s’en-gagent à envoyer leur enfant tous les jours à l’éco-le, ils reçoivent régulièrement de la nourriture, demême qu’un soutien matériel, psychologique et so-cial. «Nous faisons en sorte qu’ils redeviennent desparents debout », explique la déléguée. Des classesde rattrapage accueillent les enfants trop âgés ou tropen retard pour être replacés directement dans l’en-seignement normal.La DDC a mis à disposition un crédit de 490 000 francspour les années 1996 à 1998. Elle financera ensuite du-rant deux ans le travail de la fondation «Pour la sau-vegarde des enfants», qui reprend cette année la res-ponsabilité de l’ensemble du projet. Le passage du té-moin a eu lieu en août. «Moi, je m’assieds sur unepierre et eux continuent leur chemin», commenteMarie-Thérèse Steffens, avant de regagner sa Belgiquenatale, en emportant le souvenir du millier d’enfantsqu’elle a arrachés à la rue.
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Des milliers de petits Albanais traînent toute la journée dans larue au lieu d’être à l’école. Certains ont été abandonnés,d’autres doivent subvenir aux besoins de leur famille. Ilsmendient ou font de petits boulots, quand ils ne tombent pasdans la délinquance. Un projet suisse aide les parents les pluspauvres à assumer leurs tâches.
Au bout de la rue, l’écoleA
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(jls) « Sous l’effet de la crise économique qui a suivila chute du communisme, des familles totalementdémunies, voire clochardisées, sont contraintesd’abandonner leurs enfants », constate Marie-Thérèse Steffens, déléguée de Terre des hommes(Tdh) en Albanie. A Korça, un programme géré parla fondation locale «Pour la sauvegarde des enfants »combat ce phénomène.Tout est mis en œuvre pour que les parents puis-sent garder l’enfant avec eux. On leur fournit de lanourriture, des vêtements, des semences s’ils ont uneparcelle de terre, on les aide à trouver un logement,on les conseille en matière de soins aux bébés, deplanning familial, etc. Au besoin, l’enfant est placépour une courte période dans une famille d’accueil. Dans les villes de Korça, Elbasan et Berat, un autreprojet est consacré aux enfants de la rue. Ceux-làne sont pas abandonnés : «Le soir, ils rentrent chezeux. Même si c’est une pièce de 2 mètres sur 3, oùdorment huit personnes », explique Mme Steffens.«Mais la nourriture manque. Les habits, les chaus-sures ne sont pas remplacés. Et l’école n’est plusqu’un rêve. » Leur travail fait parfois vivre toute lafamille. Ils cirent des chaussures, lavent des voitures,vendent des sacs en plastique ou des graines grillées.Certains sont happés par les filières clandestines quienvoient de petits Albanais en Grèce et en Italie, oùils doivent mendier, se prostituer, voler ou tra-vailler au noir.
L’Aide humanitaire de la Confédération ne tient pas comptedes embargos. Elle est présente en ex-Yougoslavie et enCorée du Nord. Elle soutient des organisations partenaires enIrak, en Iran, à Cuba et en Birmanie. Tous ces pays ont encommun d’être soumis à des sanctions internationales.
(jls) La sanction est un instrument prévu par laCharte des Nations Unies, afin de pousser un Etat àadopter un comportement acceptable par la com-munauté internationale. Elle peut viser de multiplesdomaines (économique, commercial, céréalier,technologique, aérien, sportif…), avant de débou-cher sur des frappes militaires si l’Etat n’obtempèrepas. Ces dernières années, l’ONU a voté des sanctionscontre l’Irak après l’invasion du Koweit, contre laRépublique fédérale de Yougoslavie (RFY) impli-quée dans la guerre en Bosnie et contre les militairesputschistes en Haïti. L’embargo peut aussi être uti-lisé par des organisations régionales ou par un seulpays. Les Etats-Unis y ont recouru notammentcontre l’URSS, Cuba, la Corée du Nord, l’Iran puis,en mai dernier, contre l’Inde et le Pakistan.Longtemps allergique à ces boycotts, la Suisse ne lesjuge plus incompatibles avec la neutralité. Elle s’estassociée aux sanctions contre l’Irak et la RFY. Maiscette évolution n’a rien changé pour l’Aide huma-nitaire, par définition neutre et apolitique. Ses ex-perts sont présents en RFY, où ils construisent desabris pour les réfugiés, et en Corée du Nord, où ilsapportent de la nourriture, des engrais et des se-mences à une population sévèrement affectée par lesintempéries. Elle finance des organisations parte-naires dans d’autres pays sous embargo. Ainsi, unprojet de production de médicaments a été lancé à
Cuba, tandis qu’une aide alimentaire et médicale estacheminée en Irak. Selon la loi fédérale de 1976, l’Aide humanitaire doitcontribuer « à la sauvegarde de la vie humaine lors-qu’elle est menacée et au soulagement des souf-frances ». Elle est accordée lorsqu’il existe une situa-tion d’urgence et s’adresse exclusivement aux vic-times. «Les décisions politiques sur des embargos necomptent pas pour nous. S’il y a des victimes, nousintervenons de toute façon, peu importe le pays »,affirme Franklin Thévenaz, membre de l’état-majorde la Division Aide humanitaire de la Confédération,une des divisions de la DDC. C’est en découvrant le drame des pénuries en Irakque le monde a pris conscience de l’effet pervers dessanctions. «Avant, on ne mesurait que leur impactfinancier, économique ou militaire », rappelle M.Thévenaz. «Aujourd’hui, on se préoccupe aussi desconséquences sur la population, et en particulier surles segments les plus fragiles de la société : les enfants,les femmes, les démunis et les vieillards. »
A la barbe des embargos
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La coopération suissede 1999 à 2002(km) Lors de ses prochaines
sessions, le Parlement examinera le
nouveau message concernant la
coopération technique et l’aide
financière de la Confédération en
faveur des pays en développement,
ainsi que celui relatif à la
coopération avec les Etats
d’Europe de l’Est et la
Communauté des Etats
indépendants (CEI). En effet,
gouvernement et Parlement
doivent se prononcer tous les
quatre ans sur la poursuite de cet
engagement, principalement pour
débloquer des moyens financiers.
Les deux messages offrent par
ailleurs un aperçu du travail
accompli, fournissent des
informations sur la destination des
futurs moyens et définissent les
orientations de ce grand domaine
d’activité de la politique étrangère
suisse.
Sept nouveaux visages(rm) La Commission consultative
du Conseil fédéral pour le
développement et la coopération
s’est étoffée. La coopération avec
les pays d’Europe de l’Est et de la
CEI s’étant beaucoup intensifiée
ces dernières années, le
gouvernement a été obligé
d’élargir le mandat de la
commission. En toute logique, on
devait aussi augmenter le nombre
de ses membres. Six personnalités
supplémentaires des milieux
parlementaires, de l’économie, de
l’enseignement et de la recherche,
ainsi que des organisations non
gouvernementales, siégeront donc
au sein de la commission : Trix
Heberlein (conseillère nationale,
ZH), Franco Cavalli (conseiller
national, TI), Branco Weiss
(entrepreneur), Friedrich K. von
Schwarzenberg (milieux
bancaires), Stephan Kux
(Université de Bâle), Jürg
Krummenacher (Caritas). Les
médias seront désormais
représentés par Flavia Baciocchi
(Radio della Svizzera Italiana), qui
remplace Eric Hoesli (Le Temps).
Institut roumain récompensé(vor) Le New Europe College
(NEC) de Bucarest a reçu le 9 juin
le prix Hannah Arendt doté de
300’000 DM. Fondé en 1992, le
NEC est un institut destiné aux
spécialistes des lettres et des
sciences sociales de Roumanie.
Son objectif est de faciliter leurs
contacts avec la communauté
scientifique internationale. Chaque
année, il offre la possibilité à dix
scientifiques roumains de se
consacrer pendant une année
entière à un projet de recherche
précis. Le prix récompense
l’interdisciplinarité du NEC et la
qualité des travaux de recherche
financés. La DDC et la Fondation
Landis & Gyr soutiennent depuis
des années cet institut de grand
renom qui est cofinancé par
diverses fondations en Allemagne,
en France, aux Pays-Bas, en Suède,
aux Etats-Unis et en Suisse.
Au fait, qu’est-ce quele «gender»?(vgu) Le mot anglais «gender», utilisé dans le domaine du dé-veloppement, ne signifie pas seulement «sexe» ou appartenan-ce à l’un des deux sexes. Il se réfère aux relations et aux rôlessociaux des hommes et des femmes, fixés avant tout par lecontexte économique, social, politique et culturel. Con-trairement au déterminisme de la biologie, ces rôles et relationschangent selon l’évolution de l’organisation sociale et des va-leurs culturelles en vigueur. Le «gender» fait donc partie du sys-tème social et constitue, tout comme les couches sociales et l’âge,un facteur important qui détermine les rôles, les droits, les ac-tivités, les responsabilités et les chances des femmes et deshommes. Dans la plupart des sociétés, les femmes bénéficienten général d’un accès plus restreint aux ressources, leurs chancessont plus limitées et elles ont moins de possibilités de participeraux décisions. Le concept de «gender-balanced development»(développement équilibré entre hommes et femmes) vise à mo-difier cette situation et à garantir que femmes et hommes par-ticipent dans la même mesure au processus de développement.La DDC considère ce concept comme une condition indis-pensable à un développement durable et efficace, au même titreque le respect des besoins des deux sexes dans tous les domaineset à tous les niveaux. Elle se fonde sur la justice sociale et sur lefait que le maintien des femmes dans une position inférieurenuit au développement. Les principes de cette approche figu-rent dans la politique de la DDC pour un développement équi-libré hommes-femmes.
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En 150 ans, la Suisse est devenue une société économiquementforte, politiquement stable et d’une capacité étonnante à gérer lesconflits. Alors que les tensions inter-étatiques ou internesoccasionnent encore beaucoup de misère ailleurs, pourquoin’exporterions-nous pas notre modèle de démocratie? «Un seulmonde» a discuté cette possibilité avec Ebenezer Mireku (1),conseiller économique et entrepreneur ghanéen, Wolf Linder (2),professeur à l’Institut de Science politique de l’Université deBerne, et Peter Vollmer (3), conseiller national et membre de laCommission de politique extérieure. Débat dirigé par MarcoGehring.
Un seul monde: Professeur Linder, connaissons-nous suffisamment notre pays pour pouvoir dire cequi a fait son succès ?
Wolf Linder : Nous nous considérons volontierscomme un cas particulier en pensant au fédéralismeet à la démocratie directe. Je rétorque chaque fois quenous ne sommes pas un cas particulier, mais que notredémocratie est particulière : une démocratie duconsensus et de la négociation qui donne la parole àtoutes les minorités, qu’elles soient linguistiques, cul-turelles ou régionales. On l’oppose en général au mo-dèle de démocratie majoritaire des Anglo-Saxons.Mais il ne faut pas oublier que la Suisse est multicul-turelle par essence. Lorsque l’Etat fédéral fut créé en1848, la nation suisse n’existait pas, nous avons dûcommencer par nous entendre. D’autres pays conti-nuent de se baser sur une entité culturelle homogè-ne, avec la même langue, la même religion ou lesmêmes traditions. Mais ce modèle engendre parfoisun nationalisme à tous crins. La Suisse est au contrai-re une nation née d’une volonté politique.
Peter Vollmer : Je mettrais l’accent sur d’autreséléments. La Suisse est un petit Etat, créé dans uncontexte plutôt hostile. C’est cela qui me paraît
vraiment caractéristique. Au XXe siècle, nousavons connu la prospérité qu’il s’agissait de dé-fendre ensemble contre l’extérieur. Cette situa-tion n’a fait que renforcer notre cohésion poli-tique.
Ebenezer Mireku : J’aimerais faire deux ré-flexions : d’une part, les différents groupes compo-sant cet Etat n’étaient pas viables séparément etd’autre part, des raisons historiques spécifiques sontà l’origine de la prospérité. A supposer qu’on sou-haite tirer un enseignement de cette expérience his-torique pour un pays comme le Ghana, on doitcommencer par se demander si ce pays réunit desconditions initiales similaires.
Un seul monde : Monsieur Mireku, que pen-sez-vous de la Suisse ? Comment l’avez-vousconnue ?
Mireku: Pour moi, la Suisse reste un phénomène.Un petit Etat sans conflits territoriaux, où l’on par-vient vraiment à réunir un large consensus. D’ailleurs,la participation aux votations le prouve. C’est sur-prenant ! Les gens ne vont pas voter parce qu’ils pen-sent que tout ira forcément pour le mieux.
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La Suisse -un produit d’exportation ?
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La promotion des grandsprincipes démocratiquesconstitue aujourd’hui unobjectif fondamental de lacoopération internationalede la DDC, que l’onretrouve aussi bien dansles programmes quedans les projets. Unesérie de mesurespermettent de poursuivrecet objectif : aide directelors d’élections, soutien àdes groupes faisantl’objet de discriminations,dialogue politique avecles gouvernements, parexemple dans le domainedes droits de l’homme,etc. Dans ses activités, laDDC s’appuie sur lesconseils et les recherchesd’organismes suisses.Pour le thème «Etat dedroit et décentralisation»,elle utilise ainsi lesressources de l’Institut dufédéralisme de l’Universitéde Fribourg.
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Linder : Notre chance, c’est que personne n’a ja-mais eu un grand intérêt à détruire la Suisse. Laprospérité a pu se développer. Reste à savoir quel-le expérience nous avons à offrir. Il y a quelquesannées déjà, j’ai essayé de vendre la Suisse commeune solution exemplaire et efficace pour résoudredes tensions multiculturelles. De tels conflits mar-queront la prochaine décennie et il s’agira princi-palement de conflits internes, provoqués parfoispar de grands mouvements migratoires. On oublietrop souvent que la démocratie majoritaire detype anglo-saxon n’est pas conçue pour résoudrece genre de tensions. Une incapacité qui a desconséquences désastreuses, comme le prouve la si-tuation en Irlande du Nord et en Afrique. La co-existence pacifique de plusieurs cultures dans unmême pays constitue un défi pour la démocratie.A cet égard, la Suisse est un bon modèle, avec sonsystème basé sur le partage du pouvoir et sur le fé-déralisme.
Vollmer : C’est une position complètement idéa-liste ! Je pense que nous ne pouvons rien « vendre »du tout. Notre petit Etat, notre démocratie, sontapparus dans des conditions bien définies et je merefuse à penser que nous ayons quelque chose à ex-
porter. Nous pouvons peut-être offrir des connais-sances et des moyens, mais pas un modèle suisse.Je n’idéalise pas notre société multiculturelle : il estvrai que c’est une caractéristique de la Suisse, maisnotre pays n’est pas plus multiculturel que laHollande ou les Etats-Unis, par exemple. Noussommes aussi hélas une société xénophobe. Les as-pects multiculturels demeurent très, très modesteset se limitent principalement aux régions linguis-tiques et aux communautés vivant sur les deux ver-sants des Alpes.
Linder : Je partage partiellement votre avis. Cepen-dant, avant 1848, la Suisse a aussi connu quatreguerres de religion. Nous n’avons guère fait autrechose que les peuples de l’ex-Yougoslavie. Non, ilne s’agit pas d’exporter un modèle suisse, mais leprincipe du partage du pouvoir, d’une démocratiede la concordance. En Afrique du Sud, c’est unHollandais qui s’est basé sur la démocratie de son payspour proposer un système de partage du pouvoirentre les Blancs et les Noirs, afin d’apporter une so-lution pacifique au conflit. Nous aussi pouvons of-frir ce type d’aide à d’autres Etats. Nous le faisonsd’ailleurs déjà dans le cadre de nombreux projets enEurope de l’Est et également au Népal.
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«Si nous sommesparvenus à undéveloppementpolitiquement très civilisé,c’est surtout grâce ànotre prospérité. On nepeut donc nullementtransposer le modèlesuisse ailleurs dans lemonde. Il exploserait !En observant les pays du Sud, nous pouvonscependant découvrircomment une culture auxressources limitéesparvient à se développer.Nous aussi avonsbeaucoup à apprendre. »Peter Vollmer, conseillernational
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Vollmer : D’autres pays peuvent malheureusementse permettre d’exclure certains groupes ethniquessans risquer pour autant un démantèlement.
Linder : Bien sûr, mais il y a des pays à qui notreexpérience est utile. C’est ce qui importe.
Mireku: Le Libéria, par exemple, a deux cultures,mais une langue commune, l’anglais. On devrait se de-mander si la mise en place d’une institution comme leConseil des Etats peut être utile dans d’autres pays.
Vollmer : Nous aussi avons copié notre système fé-déraliste bicaméral sur celui des Américains. Cheznous, il a ensuite bien fonctionné.
Linder : Nous avons fait certaines expériences his-toriques. Nous devrions réfléchir à la forme qu’ellespourraient prendre ailleurs. Dans la société tribaleafricaine, les palabres constituent une manière
efficace de trouver un consensus. Mais commenttransposer cette institution au niveau d’un Etat ?
Un seul monde: Monsieur Mireku, les Lignes di-rectrices Nord-Sud du Conseil fédéral souhaitentaussi promouvoir la démocratie et l’Etat de droit dansdes pays politiquement instables. Du point de vueafricain, cette volonté a-t-elle des effets ?
Mireku: La première chose qui me vient à l’esprit,en tant que Ghanéen, c’est la décision du Parlementsuisse d’accorder une aide financière à mon pays (cequi n’est pas l’objet de notre discussion).
Un seul monde: Qu’est devenue cette aide finan-cière ?
Mireku: L’argent a été versé directement au bud-get de l’Etat. Je sais aussi que nous avons par exemplebénéficié d’un soutien pour organiser les électionsde 1996.
Vollmer : C’est juste, j’ai déjà participé personnel-lement à ce genre d’actions en Afrique.
Mireku: De plus, des parlementaires africains sontinvités en Suisse pour venir y observer le fonction-
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nement des institutions. C’est une bonne idée. Il ya donc des choses qui se font.
Linder : On m’invite souvent à présenter notre dé-mocratie du consensus, mais je constate ensuite queles contacts ainsi établis ne sont pas suffisamment en-tretenus. En fait, nous ne savons pas nous-mêmesque nous avons des idées – non pas des produitsd’exportation – susceptibles d’être utiles à d’autres,autant que de l’argent. La coopération au dévelop-pement pourrait aussi être basée sur des prestationset des contre-prestations. Les Américains échangentdepuis longtemps déjà le respect des droits de l’hom-me contre des dollars. Un tel travail requiert toute-fois une bonne collaboration entre la diplomatie (ycompris la diplomatie commerciale), les experts dudéveloppement, les universités et les spécialistes dela politique. Cette stratégie de maintien de la paixet de négociation n’interviendrait pas seulement unefois que la catastrophe est déjà là, comme en Bosnie !
Vollmer : Oui, la pratique tend nettement à ren-forcer la société civile. A quoi servent de magni-fiques projets de construction de puits au Rwandasi l’on ne voit pas la poudrière sociale dans le pays ?Mais c’est plutôt une large coopération internatio-nale qui est nécessaire, capable de faire intervenirl’expérience de tous les pays démocratiques. Ce tra-vail commun prend toujours plus d’importance.Nous pouvons, nous aussi, profiter des précieusesstructures qui existent déjà, notamment dans les paysscandinaves.
(De l’allemand)
«Nous parlons ici dedéveloppementinstitutionnel. Un tel travailexige des spécialistesdisposant de la formationet de l’expériencenécessaires. Mais nousn’en avons pas. Il y a cinqans, j’ai suggéré que l’onorganise un cours sur ledéveloppement, maisl’Université a estimé,malgré l’intérêt desétudiants, que ce n’étaitpas prioritaire. Seulesquelques rares institutionsen Suisse sont en mesured’aborder les problèmesdu développement demanière professionnelle. »Wolf Linder, auteur dulivre «Swiss Democracy.Possible Solutions toConflict in MulticulturalSocieties », The MacmillanPress Ltd, 1997
«En Afrique, il est presqueimpossible d’évaluerd’emblée les avantages etles inconvénients de cequi nous vient du Nord. C’est pourquoi il est siimportant que davantaged’étudiants africainsviennent se faire une idéedu contexte suisse surplace, afin de se forgerune opinion. »Ebenezer Mireku,conseiller économique,Ghana
A 53 ans, Michel Bühlerest une des grandesfigures de la chansonromande. Depuis sonpremier disque, qui datede 1969, il a enregistré 13 albums. Cet artisteengagé mène en parallèleune carrière d’écrivain.Auteur de cinq livres et deplusieurs spectacles decabaret-théâtre, il anotamment reçu le prix « Lipp-Genève» en 1988 pour son roman «LaParole volée ».
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Il y a quelques années, l’ONG suisse NouvellePlanète et la Radio Suisse Romande m’avaientchargé d’accompagner en Haïti de jeunes Suisses quiallaient partager leur expérience professionnelle avecde jeunes Haïtiens. Je me suis donc retrouvé duranttrois mois dans les «Ateliers Ecoles» de Camp Perrin,à 250 km au sud de Port-au-Prince. Il s’agissait d’ai-der à la reconstruction de bâtiments qui avaient étéemportés par une crue de la Grande Ravine du Sud.Il s’agissait également pour les maçons, les mécani-ciens, les peintres en bâtiment venus de nos cantons,d’échanger des connaissances et des techniques avecles apprentis haïtiens.La question s’est posée à la fin de cette expériencede savoir qui avait le plus appris grâce à ces contacts :ce qui est certain, c’est que la plupart de nos com-patriotes sont revenus transformés de leur court sé-jour dans ce pays d’extrême pauvreté, ils ont parta-gé la vie d’un monde de misère et de survie dont ilsne soupçonnaient pas l’existence.Pour ma part, j’ai découvert à cette occasion deuxphilosophies, deux approches de l’aide, deux che-mins possibles vers le développement d’un pays.La première voie est suivie par les «Ateliers Ecoles ».Leur fondateur, le Belge Jean Sprumont, est partide la constatation, au début des années 70, qu’iln’existait pas de petite industrie en Haïti, notam-ment dans le domaine de la métallurgie, et que parconséquent tous les produits manufacturés, mêmeles plus élémentaires, devaient être importés dansl’île. Jean Sprumont a donc racheté en Europe, dansles innombrables usines qui ont fermé ces dernièresannées, des machines encore performantes, qu’il ainstallées dans l’enceinte de ses Ateliers.Après une vingtaine d’années d’existence, son en-treprise emploie environ trente personnes et pro-duit une quantité d’objets allant des boulons auxcharpentes métalliques, en passant par les pelles, lesbrouettes, les pompes, les moulins et les foyers so-laires. Une production indigène solide, fiable, quise trouve malheureusement parfois en concurrencedéfavorable avec des produits d’importation demoins bonne qualité.En ce qui concerne le côté « école » de ces Ateliers,chaque employé est considéré comme un apprentiqui devra, dans l’idéal, quitter l’entreprise lorsqu’ilaura acquis suffisamment de savoir-faire. Plutôt quede lui délivrer un diplôme, ce qui n’équivaudraitqu’à mettre sur le marché du travail un chômeur deplus, les Ateliers Ecoles vont lui fournir un atelier,de l’outillage, des matériaux : le moyen de créer dansson village sa propre entreprise. Certains ont doncouvert au fond des montagnes leur forge ou leurmoulin.
Création d’une industrie propre au pays et répon-dant aux besoins directs de la population, démarcheinscrite dans la durée, aide à l’artisanat : le cheminindiqué par Jean Sprumont m’a paru intelligent etefficace.Tout aussi intelligente et évidente m’est apparue uneseconde voie. Elle m’a été indiquée par un «hou-gan», un sorcier vaudou…Nous étions devant sa maison dans les «mornes », lesmontagnes qui dominent Camp Perrin et la plainedes Cayes. Après avoir parlé de choses et d’autres,je lui ai demandé quelle aide, à son avis, nous autresEuropéens pouvions apporter à son pays. Le «hou-gan» a souri, il a montré de la main quelques sacsrebondis au pied d’un manguier :- Tu vois, là dedans, c’est du café, que nous pro-duisons sur nos collines. Il y a dix ans, on me payaitdouze dollars pour chaque sac. Aujourd’hui, on nem’en donne plus que cinq dollars. Payez-nous notrecafé comme il y a dix ans, et nous nous débrouille-rons seuls, sans plus avoir besoin de votre aide ou devotre charité !…Que dire de plus ? A l’évidence, le «hougan», avecson simple bon sens, parlait d’or. Instaurer un com-merce plus juste, ne serait-ce pas le moyen le plussûr de contribuer au développement du TiersMonde?
Michel Bühler
Carte blanche
PatrickBen
ArunTayeb SalihNé au Soudan en 1929, TayebSalih vit aujourd’hui en Grande-Bretagne et compte parmi les plusgrands auteurs du monde arabe.Sa renommée repose avant toutsur son roman «Saison de lamigration vers le nord », paru dansles années 60. Le livre doit sonsuccès au style éblouissant utilisépar Salih pour décrire l’un desprincipaux thèmes de la littératurearabe : la rencontre d’intellectuelsarabes avec l’Europe et l’influencede l’Occident sur l’Orient.Tayeb Salih, Saison de lamigration vers le nord, Actes Sud,collection Babel, 1998.
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Nuruddin, Bessie, TayeMarginales il y a une vingtaine d’années encore, lesœuvres littéraires du Sud commencent à s’imposer enSuisse et en Europe. Cette littérature s’est débarrasséede son image tiers-mondiste et de son arrière-goût decoopération. Elle est de plus en plus reconnue dans lesmilieux littéraires. Par Fridolin Furger *.
« The Empire writes back to theCentre. » Ce mot de SalmanRushdie, qui a marqué lesannées 80, est la formule la pluspercutante et la plus célèbrepour qualifier une tendanceirrésistible : la place croissanteque les auteurs des pays du Sudoccupent dans la littérature deleurs anciens colonisateurs. Cephénomène prend une tournurespectaculaire lorsqu’on décerneun grand prix littéraire, françaisou anglais, à des auteurs commePatrick Chamoiseau(Martinique), Ben Okri(Nigeria) et Arundhati Roy(Inde), ou lorsque le Prix Nobelest attribué au Nigerian WoleSoyinka (Nigeria, 1986), à
l’Egyptien Najib Mahfudh(1988) ou au poète antillaisDerek Walcott (1992). Qu’en est-il en Suisse deslittératures africaine, asiatique etlatino-américaine ? Bénéficient-elles de la reconnaissancequ’elles méritent ? Notreperception de ces œuvres a-t-elle évolué depuis les années 80? On peut se poser une autre question : est-ce que la littérature a quelquechose à voir avec la politique dedéveloppement?Lucien Leitess, des éditionsUnionsverlag, est sans doutel’un des grands spécialistes dugenre. Au début des années 80,il a lancé la collection « Dialog
Dritte Welt » en collaborationavec les éditions Peter Hammeret Lamuv, donnant ainsi unessor important à la littératuredu Sud. Aujourd’hui, la maisond’édition zurichoise peuts’enorgueillir de posséder uncatalogue international uniqued’œuvres éditées en langueallemande. Aux côtés de grandsconteurs tels que NajibMahfudh et Yasar Kemal(Turquie), on y découvre denouveaux auteurs de talent.
Un tournant historiqueEn y repensant, Lucien Leitessparle d’un tournant historique :«Au début, beaucoup de gens sedemandaient s’il existait vraiment
Tayeb Salih Nuruddin Farah Patrick Chamoiseau
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une littérature arabe ou africaine.Aujourd’hui, c’est une évidence.Nous ne luttons plus seulementpour faire admettre sonexistence, mais pour qu’ellejouisse d’une reconnaissancelittéraire. » D’aucuns continuentcependant de penser que lesœuvres en provenance d’autrescultures ont quelque chosed’ethnologique et l’horribleexpression « littérature du TiersMonde» sévit encore.Ce sont surtout de petitesmaisons d’édition qui ont mis àdisposition du lecteurgermanophone un vaste choixlittéraire provenantprincipalement du monde arabe,d’Afrique et d’Amérique latine.Bien sûr, il subsiste des lacunes :l’Inde et la Corée du Sud, parexemple, brillent encore parleur absence. Mais il fautconstater que les auteurs du Sudne sont pas seulement traduits,ils sont désormais appréciés d’unlarge public. Pour n’en citer quedeux, prenons Najib Mahfudhou le Soudanais Tayeb Salih,
dont le roman « Saison de lamigration vers le nord » (voir ci-contre) a même été propulsédans le clan des best-sellers pardes comptes rendusenthousiastes.Il peut paraître surprenant quela littérature d’autres culturessuscite plus d’intérêt en Suissequ’en Allemagne par exemple.Une des raisons réside dans letravail de pionnier accompli pardes maisons d’édition suisses.Ainsi, Lenos, à Bâle, édite lacollection de littérature arabe laplus renommée et la plusattrayante. Dans le catalogued’Ammann, on trouve desauteurs aussi célèbres que WoleSoyinka, Nuruddin Farah et,depuis peu, Adonis, le poètearabe le plus connu aujourd’hui.La collection pour enfants « Baobab », publiée chez Nagel& Kimche, ajoute une noteparticulière à l’ensemble.
La chance des RomandsLa situation est bien différentedans les régions francophone et
italophone de la Suisse.L’impact de la littérature du Suddépend ici largement deséditeurs italiens ou français. LesRomands bénéficient en outred’un avantage certain : ils n’ontpas besoin de traductions pouraccéder à la littérature del’Afrique francophone, duMaghreb et des Antilles. Deplus, l’édition française accordeune grande place aux œuvresd’autres cultures, comme entémoigne le fabuleux cataloguedes éditions Actes Sud.Les éditions Zoé sont laprincipale exception en Suisseromande. En 1994, elles ontlancé la collection « Littératuresd’émergence », dont les vedettesont été jusqu’ici la Sud-Africaine Bessie Head et leSomalien Nuruddin Farah. Lacollection publie des auteursd’autres cultures qui écriventdans une langue européenne,explique Marlyse Pietri-Bachmann, de Zoé. Pour elleaussi, le choix se fondeessentiellement sur la qualité
littéraire. Elle relève d’ailleursque ces œuvres se distinguentsouvent par une grande vivacitédu langage.Outre l’engagement des maisonsd’édition, d’autres acteurs ontcontribué à l’essor de lalittérature du Sud. Par exemple,la Société de promotion de lalittérature d’Afrique, d’Asie etd’Amérique latine, fondée en1984 et dont le siège se trouve àFrancfort. En collaboration avecla Déclaration de Berne, elleétablit une liste d’ouvragesméritant d’être traduits,administre le « AndereLiteraturklub » (l’autre clublittéraire) et accorde, avec ProHelvetia, un soutien financier àdes traductions. Selon LucienLeitess, cette aide est vitale, carle « coût de la traduction est unevéritable guillotine lorsqu’ils’agit de calculer les prix ».Grâce à ses collections trèspopulaires « Literatur der Welt »et « Die Welt erzählt », quipublient des textes isolés dansdifférentes langues, la section
eb et les Suisses28
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Ben Okri Arundhati Roy Fridolin Furger 5Keystone 4
Derek Walcott
Bessie HeadElle est, avec Nadine Gordimer, la principale femme écrivaind’Afrique. En 1964, Bessie Head a fui l’Afrique du Sud pour seréfugier au Botswana, où elle estdécédée en 1986. Les éditionsZoé viennent de publier latraduction de son premier roman,«La Saison des pluies » («WhenRain Clouds Gather »), qui a pourthème l’exil d’Afrique du Sud versle Botswana et la création d’unecoopérative agricole. Par ailleurs,le livre «Maru », qui traite depréjugés racistes entre Africains,est récemment paru en allemand.De son troisième roman «Question de pouvoir »(«A Question of Power »), danslequel l’auteur décortique soneffondrement psychique auBotswana, on peut dire que c’estle roman africain le plussurprenant. Il est aussi disponibleen allemand et en anglais.Bessie Head, La Saison despluies, éditions Zoé, 1998.
alémanique de la Déclaration deBerne a fait connaître en Suisseces dernières années unemultitude d’auteurs de tous lescontinents. Cela a permis aupublic de se frotter à des formeslittéraires peu usuelles cheznous, aux traditions du conteoral et à la poésie-performancequ’affectionnent les poètesantillais. Si les collections ontsu garder leurs distances parrapport aux préoccupations dela politique de développement,c’est surtout parce qu’ellesorganisent leurs spectacles etleurs manifestations dans desmaisons de la culture bienétablies.
Un dialogue culturel plein de promessesLes Journées littéraires deSoleure témoignent aussi de lareconnaissance croissante dontjouissent les écrivains du Sud.En 1993, Patrick Chamoiseau etGuillermo Cabrera Infante ontété les invités d’honneur decette manifestation. Ce fut le cas
de Wole Soyinka en 1996 et deTayeb Salih cette année. Al’initiative de la Déclaration deBerne et avec la collaborationde la Fondation Culture etDéveloppement (financée par laDDC), les Journées de Soleureont, pour la première fois en1997, aussi attiré l’attention surles nombreux auteurs étrangersqui vivent en Suisse et écriventdans leur propre langue.L’anthologie « Küsse und eiligeRosen », récemment parue auxéditions de la Limmat, permetde se faire une idée de cetteautre littérature suisse.Faut-il contester aux littératuresdu Sud leur rôle d’intermédiaireculturel sous prétexte qu’ellesbénéficient d’une grandeestime ? Absolument pas. Letournant décrit ouvre justementla voie à un véritable dialogueculturel basé sur le respectmutuel. Pour citer encore unefois Lucien Leitess, « cettelittérature peut très biencontribuer à nous ouvrir l’esprit,à nous rapprocher de l’étranger
et à nous faire apprécier ladifférence ». Son contenu esttout aussi fascinant que saforme, une qualité d’ailleursrequise de toute littérature et detoute culture.
(De l’allemand)
* Fridolin Furger est journalisteindépendant et critique littéraire àZurich.
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Najib WoleBessie
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Films pour un seul monde(bf) Le groupe de travail MédiasTiers Monde et la CommissioncinématographiqueKEM/EPER/PPP unissent leursefforts depuis le début de l’annéeet offrent leurs prestationsensemble. Le nouveau service «Films pour un seul monde»poursuit le travail des œuvresd’entraide dans ce domaine; ildonne des renseignements et desconseils sur le matériel à utiliserpour traiter de sujets «TiersMonde» et sur les films enprovenance du Sud.Service «Films pour un seulmonde», Monbijoustr. 31, case postale 6074, 3001 Berne, tél. 031 398 20 88 fax 031 398 20 87
Compilation dans une boîteà cigares(gnt) Cuba est à la mode, cela nedate pas de la visite de FidelCastro en Suisse ! Cette vaguemusicale révèle une profondenostalgie européenne de sonoritéssimples et de virtuositéauthentique. L’île reste un vivierde la musique afro-américaineaux yeux des connaisseurs. LesCubains lancent maintenant leurstrésors sur des CD de compilationréalisés en partenariat avec lestudio du peuple Egrem. Clind’œil, les quatre CD de «Cuba – I am time» sont livrés dans une
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Zézé(bf) Le gamin, le couvercle decasserole et la favela : commentvous imaginez-vous unemégalopole telle que São Paulo,avec ses 17 millions d’habitants et1200 favelas ? A votre avis,comment des enfants peuvent-ilssurvivre dans de pareilsbidonvilles ? Un film vidéo et undépliant en quadrichromieprésentent Zézé, un petit garçonqui habite une favela de SãoPaulo, au Brésil. Ce thème «difficile » est abordé sous unjour un peu différent, plus positifque d’ordinaire. L’histoire estamusante et permet d’expliqueraux élèves différents aspects de lavie des enfants dans une favela.Renseignements et commande :Fondation éducation etdéveloppement, av. de Cour 1, case postale 164, 1000 Lausanne 13, tél. 021 612 00 81fax 021 612 00 82 Existe en français et en allemand
Mondialisation pour les ados(bf) «Une journée ordinaired’Anne et de Roger » est undossier pédagogique destiné aux écoles secondaires. Il leuroffre une base de réflexion surdes thèmes divers comme lamode, les loisirs, la musique, lesconflits avec des étrangers, lapopulation, l’alimentation, etc. Il incite les jeunes à jonglerpositivement avec les chancesoffertes par la mondialisation, àse demander quels liens il peut yavoir entre leur vie quotidienneet le vécu des gens du Sud, et ceque veut dire au fond «développement durable ». Renseignements et commande :Stiftung Bildung und Entwicklung,Monbijoustr. 31, 3001 Berne, tél. 031 382 80 80 fax 031 382 80 82 Existe seulement en allemand
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boîte à cigares. Le contenu faitrêver, avec de superbes extraits desmeilleurs artistes appartenant auxquatre grands genres des 30dernières années – musique dedanse, jazz, chants et musiquerituelle.On peut aussi s’acheter un survolanalogue pour moins cher:«Santeros y Salseros», duproducteur bâlois StephanWitschi, révèle magnifiquement lamultiplicité et les imbrications desstyles actuels – rumbas, mambos,boléros et sons – issus de formesafricaines, espagnoles ou françaises.Et tout cela cohabite paisiblement,comme si le temps s’était arrêté sur l’île de la canne à sucre. Sous le même label, le SeptetoNacional Ignacio Piñeiro, quipasse pour une «institution» du son cubain, signe un CD intitulé «Soneros de Cuba». Les septmusiciens jouent des morceauxtraditionnels et des compositionsplus récentes dans leur styleinimitable, plein de feu et deraffinements musicaux.«Cuba - I am time»(Blue Jackel / RecRec)«Santeros y Salseros »(Real Rhythm / COD)Septeto Nacional Ignacio Piñeiro :«Soneros de Cuba»(Real Rhythm / COD)
Un fleuve de musiquesahélienne(gnt) Habib Koité a faitbeaucoup parler de lui auprintemps dernier. Il passaitd’une scène à l’autre. Il apparaissait régulièrement dans les colonnes des journaux.Ce Malien de 40 ans, issu d’unefamille de griots, est en train dedépasser en célébrité ses frères et sœurs de la musique africaine.Sa recette est la même que celledes Cubains : elle est faite despontanéité et de musicalité, les effets techniques sophistiquésn’y ont pas leur place. Le dernierCD de Habib Koité s’intitule «Ma Ya» (humanité). Ses douze
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chants ont de quoi nous fairetomber en extase. Ils sont d’uneprofondeur et d’une intensitételles que l’on redoute presquede se noyer dans ce fleuveensorcelant de mélodies. Habib Koité : «Ma Ya»(Contre-Jour / Rec Rec)
Toute une année en un volume(bf) Vous désirez approfondir vos connaissances des relationsbilatérales et multilatérales de laSuisse avec l’Afrique, l’Asie,l’Amérique latine ou les pays del’Est ? L’Annuaire Suisse-TiersMonde est l’outil qu’il vous faut.Des auteurs suisses (dont PaulEgger, de la DDC) et étrangerss’expriment sur le dossier «Propriété intellectuelle : quelsenjeux pour les pays endéveloppement ? ». La partie «Revue» présente les multiplesfacettes des relations entre laSuisse et les pays en développe-ment au cours de l’année 1997.Enfin, des statistiques sur lecommerce, les flux financierset l’aide publique suisse audéveloppement complètentutilement cet ouvrage bienstructuré et riche en informa-tions.Annuaire Suisse-Tiers Monde1998, IUED Genève
Apprentissage de l’autonomie(vor) Mandatée par la DDC,l’Union des villes suisses asoutenu durant huit ans desadministrations communaleshongroises, polonaises etslovaques. Il en est résulté desinstitutions de formation
Y’a des crocodiles partout (vgo) «L’enfant et le pangolin aupays des crocodiles » est écritpour les jeunes de 8 à 11 ans. Ilest doté d’un petit cahier depistes de réflexion et d’un CD.Ce conte prépare de façonpassionnante à comprendre lapersonnalité cachée et les valeursd’un futur réfugié en Suisse.Lumina, le jeune Africain, nepeut plus supporter de voir sonpeuple affamé par le groscrocodile et sa famille. Aidé parson cher ami le pangolin, il vatrouver le crocodile et l’accused’affamer son peuple. Outré,celui-ci le met en prison. Lepangolin le tire d’affaire et lui
donne un billet d’avion pour fuirle pays. Et voici Lumina dans unpays européen où il est accueilliplutôt froidement. L’homme quil’interroge ressemble au groscrocodile. Il en a peur. Mais unegentille personne s’occupe de luiet c’est le happy end.«L’enfant et le pangolin au pays descrocodiles », Ed. Zoé, Genève 1996
continue pour les administrationset leurs associations. Désormais,celles-ci peuvent mieux défendreleur point de vue face à lacapitale. L’autonomiecommunale – par exemple sur lemodèle helvétique – s’apprend etse conquiert. Une brochure quiclôture le projet et illustre lesprogrès réalisés sera publiée le2 septembre à Berne, un jouravant la Journée des villes suisses.La brochure peut être obtenue auprèsde l’Union des villes suisses,Florastrasse 1, 3000 Berne 6, tél. 031 351 64 44fax 031 351 64 50
Châteaux d’eau au 21e siècle(sbs) «Mountains of the World,Water Towers for the 21stCentury » : tel est le titre d’unebrochure de 32 pages qui met enrelief l’importance des régions demontagne pourl’approvisionnement en eau del’humanité, un des problèmesmajeurs du prochain millénaire.Des Alpes à l’Himalaya, enpassant par le mont Kenya et lesAndes, des études très concrètesrévèlent les fonctions vitales de la montagne pour notrealimentation en eau potable. La brochure a été publiée avec lesoutien de l’Institut degéographie de l’Université deBerne et de la DDC.Cette publication peut être obtenue,pour 10 francs plus les frais de port,à l’adresse suivante : MountainAgenda, c/o Geographisches Institutder Universität Bern, Hallerstrasse 12, 3012 Berne, e-mail : [email protected]
Mandela en BD(vgo) La bande dessinée «Mandela, une vie, un combat »connaît un bon succès en Suisseromande. Comme pour Tintin,on peut dire qu’elle intéresse leslecteurs de 7 à 77 ans. Chacun,selon son âge, y trouve soncompte. Cependant, pour biencomprendre et apprécier cette
BD, il est nécessaire de connaîtrel’histoire sud-africaine, lescultures noire et boer, ainsi queles expressions linguistiquestypiques, ceci malgré un glossaireexplicatif à la fin. Parfois on peutse demander ce qui a poussé lesauteurs à choisir un aspect oul’autre de la culture noire et del’histoire sud-africaine. La BDretrace la jeunesse de Mandela, sa vie d’étudiant, ses premiersengagements politiques. Ses 27 années de prison sontillustrées par des « tableaux» de lavie politique et sociale à cetteépoque. Le livre se termine parsa sortie de prison et son électionà la présidence de l’Afrique duSud. Comme complément, onlira avec profit le livre écrit parson gardien de prison, James (unBoer), «Le regard de l’antilope ».«Mandela, une vie, un combat »,édité par la Déclaration de Berne1997
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Impressum :«Un seul monde » paraît quatre fois par année, enfrançais, en allemand et en italien.
Editeur :Direction du développement et de la coopération(DDC) du Département fédéral des affaires étrangères(DFAE)
Comité de rédaction :Marco Cameroni (responsable) Catherine Vuffray (vuc)Andreas Stuber (sbs) Maya Krell (km)Reinhard Voegele (vor) Stefan Kaspar (kst)Marco Rossi (rm) Beat Felber (bf)
Collaboration rédactionnelle :Beat Felber (bf–production) Marco Gehring (mg) Gabriela Neuhaus (gn) Jane-Lise Schneeberger (jls)
Graphisme :Laurent Cocchi, Lausanne
Photolithographie : City Comp SA, Morges
Impression : Vogt-Schild / Habegger AG, Soleure
Reproduction :Une reproduction partielle ou intégrale peut être faite,avec mention de la source. L’envoi d’un exemplaire àl’éditeur est souhaité.
Abonnements :Le magazine peut être obtenu gratuitement auprès de :DDC, Section médias et communication, 3003 Berne, Tél. 031 322 34 40Fax 031 324 13 48E-mail : [email protected] : www.sdc-gov.ch
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Jeunes artistes cubains Cuba n’est pas seulement une terrede musique. Les arts plastiqueségalement y ont un grand avenir.Une nouvelle génération d’artistescubains crée des œuvres trèsremarquées sur la scène interna-tionale. Elles seront exposées pour la première fois en Suisse grâce à ladivision Nord-Sud de Pro Helvetia.Des artistes cubains feront eux-mêmes connaissance avec notre pays :Sion en a invité deux pour un stagede longue durée.Hôtel de Ville (Stadthaus) de Zurich, du 2 septembre au 30 octobreMusée des Beaux Arts de La Chaux-de-Fonds, du 7 novembre au 3 janvier 1999
Palais du MondePour son cinquantième anniversaire,la fondation indépendante pour ledéveloppement SWISSAID fait unetournée en Suisse, sous une tente enforme de spirale. Ce Palais duMonde, réalisé avec l’appui de laDDC, présente une exposition et unriche programme culturel. Il inviteà regarder, jouer, s’étonner etparticiper. Il offre en même tempsun espace de rencontres, d’échanges,d’informations, de plaisirs et dedécouvertes. Ses visiteurs auront parexemple l’occasion de se glisser dansd’autres peaux, afin d’observer desmondes étrangers dans leur propreville et de faire des expériencessurprenantes.
Lucerne, du 3 au 6 septembre, Zurich, du 10 au 13 septembre, Brigue, du 17 au 20 septembre.Lausanne, du 24 au 27 septembre,Lugano, du 1er au 4 octobre
Forum cinfo 98Cherchez-vous un emploi, unepossibilité de formation ou deperfectionnement, un travail devolontaire dans la coopérationinternationale et l’aide humanitaire ?Le centre d’information etd’orientation dans ce domaine senomme cinfo. Le Forum cinfo 98réunira les stands d’information de40 organisations. Il présentera desprogrammes vidéo, des conférenceset la possibilité de surfer sur Internet.Maison des congrès de Bienne,5 septembre, de 10 à 17 heuresEn outre, deux journées d’informationsont organisées, le 31 octobre en allemandet le 28 novembre en français. Elles ontlieu au siège biennois du cinfo (Rue centrale 121, Case postale, 2500 Bienne 7, tél. 032 365 80 02)
Forum 98 BrigueEthique et responsabilité globaleseront au centre du «Forum 98Brigue », organisé par la société civilepour le 150e anniversaire de l’Etatfédéral. Ce vaste forum bénéficie du soutien entre autres de laCommunauté de travail des œuvresd’entraide, de la DDC en colla-boration avec la Division politiqueIV du DFAE et du canton du Valais.
Au programme: des exposés, desateliers et des tables rondes. Le forumentend montrer qu’en Suisse, lasociété civile aborde l’avenir dans unesprit d’ouverture et de solidarité,qu’elle est disposée à identifier lesproblèmes fondamentaux et àchercher des solutions tant éthiquesque pratiques.Brigue, 18 et 19 septembre
Journée mondiale de l’alimentationL’Organisation de l’ONU pourl’alimentation et l’agriculture (FAO)a été fondée un 16 octobre.Traditionnellement, c’est la dateà laquelle on diffuse un bilan de lasituation alimentaire mondiale, afinde rendre attentif le grand public.Cette année, la journée aura pourthème « les femmes nourrissent lemonde». A Berne, différents groupesorganiseront des actions, des débats,des discussions, etc. Ainsi, despaysannes mettront en évidence lacontribution des femmes dans cedomaine, notamment en tant queproductrices de denrées alimentaires.Différents groupes organiseront parailleurs des débats, des discussions etd’autres actions.Bärenplatz à Berne, 16 octobre
Cinéma du monde à ThusisC’est déjà la huitième édition de cesjournées grisonnes du cinéma dumonde, consacrées à la problé-matique Nord-Sud. On y présentera
comme de coutume une bonnevingtaine de films asiatiques, africainset latino-américains. Il y aura enoutre des discussions entre cinéastesd’ici et d’ailleurs.Cinéma Rätia à Thusis, du 4 au 8 novembre
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