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1 / 12 UNE BRÈVE HISTOIRE DE L'AUTODÉFENSE POUR FEMMES Irene Zeilinger mai 2018

UNE BRÈVE HISTOIRE DE L'AUTODÉFENSE POUR FEMMES · sont pas en reste. En 1906, l'Anglaise Emily Watts publiaitThe Fine Art of Jujutsu, osant écrire non pour un public féminin,

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UNE BRÈVE HISTOIRE DE L'AUTODÉFENSE POUR FEMMES

Irene Zeilingermai 2018

SOMMAIRE

UNE BRÈVE HISTOIRE DE L'AUTODÉFENSE POUR FEMMES

1.1. L'émergence de l'autodéfense pour femmes 3

Parenthèse : les premières manuels d'autodéfense pour femmes 5

1.2. La traversée du désert des deux guerres 6

1.3. L'autodéfense renaît de ses cendres 7

Bibliographie 11

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UNE BRÈVE HISTOIRE DE L'AUTODÉFENSE POUR FEMMES

A travers les âges, les femmes confrontées àla violence ont tenté de s'en protéger.Légendes et chroniques, articles de journauxet procès-verbaux des tribunaux témoignentde la capacité des femmes à résister à laviolence. Beaucoup de ces exemples d'auto-défense avaient lieu – et ont lieu encoreaujourd'hui – en dehors d'une pratiquecollective, intention-elle et préméditéedemandant de l'entraînement. Dans peu decas, des femmes semblent être des fonda-trices ou des pratiquantes principales d'artsmartiaux, comme le wing tsun en Chine ou lenaginatado au Japon (Ohms 1997). Cepen-dant, avec l'apparition du mouvement desfemmes et la conscience croissante desviolences faites aux femmes en tant queproblème social et politique autour de 1900,l'Occident a vu le début d'une pratiquenouvelle et rapidement mondialisée, l'auto-défense pour femmes.

1.1. L'émergence de l'autodéfense pour femmes

Un ensemble unique de circonstances a préparéle chemin pour que les femmes puissentapprendre à se défendre (Looser 2010). A la findu XIXe siècle, une mode tient les publicsoccidentaux en halène, le japonisme. Un desnombreux biens culturels exportés lors de lacolonisation du Japon étaient ses arts martiaux,surtout le jujitsu et le judo, qui étaientenseignés par des instructeurs japonaisémigrants (Looser 2010) ou des Européensayant appris l'art au Japon et le rapportant aveceux à la maison (Godfrey 2013). Ces pratiquesreçurent une impulsion par deux jeunesmouvements qui s’articulaient et se renfor-çaient: le mouvement de la culture physique etle mouvement des femmes (Looser 2010). Parconséquent, les femmes étaient impliquées dansla pratique et dans la transmission de ces artspratiquement dès le début.

Les pays anglo-saxons furent les premiers àaccueillir les arts martiaux japonais. A l'èrevictorienne, l'urbanisation et l'industrialisation

causèrent non seulement une augmentationde la pauvreté, des crimes violents et de lasurveillance d'État, mais aussi des change-ments des normes sociales. L'utilisationd'armes et de violence brute était considéréeindigne d'un gentleman, et la nouvelleinjonction sociale pour les hommes de labourgeoisie et de la noblesse était dedévelopper les ressources nécessaires pourse défendre de manière autonome etmesurée contre les crimes violents (Godfrey2009). Les arts martiaux japonais étaientperçus comme égalisateurs entre adversairesinégaux et pour cette raison, ils attiraientbeaucoup l'attention du gentleman victoriennon armé – et des femmes. La classemoyenne et supérieure de Londres acceptal'autodéfense pour femmes comme moyen depréserver la mobilité des femmes dansl'espace public et de défendre leur honneurdans un contexte de décadence moraleperçue (Godfrey 2013).

La première participation des femmes dansles arts martiaux japonais est documentée enGrande Bretagne. Les premiers cours pourfemmes commencèrent en 1899 avec EdwardW. Barton-Wright, l'inventeur du bartitsu1

(Godfrey 2013). En 1903, un groupe defemmes des classes moyennes et supérieures,parmi lesquelles Edith Garrud, une instruc-trice de gymnastique, entamèrent l'entraîne-ment avec l'instructeur japonais SadkazuUyenishi. Deux ans plus tard, Garrud ouvritson propre dojo2 et organisa des coursd'autodéfense pour femmes. Garrud étaitimpliquée dans plusieurs organisationsféminines et soutint le mouvement pour lesuffrage des femmes (Looser 2010). Labranche radicale du mouvement suffragisteadopta l'autodéfense comme moyen d'éman-cipation, et à partir de 1909, Garrud enseignaaux activistes le jujitsu afin qu'elles puissent sedéfendre contre les violences policières et

1 Le bartitsu est la réinterprétation des artsmartiaux que Barton-Wright apprit pendant unséjour de quatre ans au Japon. Le bartitsuinclut non seulement des techniques à mainsnues, mais aussi l'utilisation d'une canne. Lepratiquant le plus célèbre, mais fictif, dubartitsu était Sherlock Holmes.

2 Lieu réservé à la pratique des arts martiaux japonais (littéralement : lieu où on cherche la voie).

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anti-féministes. En plus des manifestations, levandalisme et les grèves de la faim, “le jiu-jitsuoffrit une manière supplémentaire d'utiliserleurs corps comme méthode de dénoncerl'oppression physique et politique du corpsféminin. […] En 1913, les leaders de laWSPU3 annonçaient en public que toutes lesfemmes dans le mouvement étaient entraî-nées à l'autodéfense.” (Rouse & Slutsky 2014:489) Garrud développa l'aspect performatifde son art à travers des scénarios écrits, desreprésentations théâtrales, du film et de laphotographie et fit aussi des efforts pourinclure les femmes de la classe ouvrière(Looser 2010).

De l'autre côté de l'Atlantique, au moins àpartir de 1889, des clubs de sport féminins àLos Angeles proposaient des cours d'auto-défense, probablement basés sur la lutte et laboxe (Rouse & Slutsky 2014). Autour de1905, des publicités pour des cours spéci-fiques pour les femmes apparurent dans lesjournaux US (Freedman 2013); cependant,

ces pratiques étaientprésentées surtoutcomme bénéfiquespour la santé et lefitness des femmes,plutôt que commem o y e n s d e l e u rsécurité et de leurémancipation.Quelques femmes desclasses supérieuresr e c o n n u r e n t l e s

implications politiques d'apprendre à sedéfendre. Quand en 1904, l'instructeur dejudo Yamashita Yoshiaki visita les Etats-Unis,Martha Blow Wadsworth, une riche héritière,organisa sur la pelouse de la Maison Blancheun cours pour femmes et filles animé parl'épouse de Yamashita, Fude (Rouse & Slutsky2014). Certaines de ces femmes étaientactivement impliquées dans le mouvement deréforme sociale de l’Ère progressiste, parexemple Jessie Ames, une activiste pour leplanning familial. « Cette nouvelle générationde femmes adopta le judo non en tantqu'entraînement physique ou pour seprotéger contre des harceleurs dans l'espace

3 Women's Social and Political Union, l'asso-ciation anglaise la plus radicale luttant pour lesuffrage des femmes

public, mais comme moyen d'acquérir deslibertés plus larges pour elles-mêmes et leursfilles. » (Rouse & Slutsky 2014: 485). FudeYamashita continua à former des femmes etdes filles et participa à des représentationsthéâtrales pour faire de la publicité pour sonart, tout en défiant des stéréotypes sexisteset racistes (Looser 2010). L'instructrice US laplus connue de cette période, Wilma Berger,qui avait appris le judo sous Tomita Tsunejiroà New York, forma ses élèves femmes àColorado Springs et Chicago. Elle étaitégalement connue pour s'être défendue avecsuccès contre un violeur (Rouse & Slutsky2014).

Bientôt, les écoles, groupes de scouts,universités et paroisses états-uniens organi-saient des cours d'autodéfense pour lesfemmes et les filles. Pour les femmes avecmoins de moyens, des cours par correspon-dance et des articles de journaux rendirent lesavoir d'autodéfense plus largement acces-sible. Cependant, les instructeurs hommescomme experts et l'insistance sur les dangersde l'espace public dominaient ce mouvement.La diffusion de l'autodéfense pour femmescomme moyen de se réapproprier l'espacepublic allait de pair avec des paniques moralesautour du harcèlement sexuel dans l'espacepublic qui motivèrent la police de New Yorket de Chicago à former des agentes de police,entre autres au combat à mains nues(Freedman 2013). « A partir de 1920, desagentes de police femmes travaillaient en civilpour identifier et arrêter des hommes quiharcelaient les femmes dans les rues. »(Rouse & Slutsky 2014: 481)

Pendant cette période, l'autodéfense pourfemmes devint visible aussi dans la culturepopulaire, mais on l'associa à la violenceconjugale seulement par boutade. Des articlesde journaux célébrèrent les femmes quirésistèrent avec succès contre la violencecommise par des inconnus, succès qui étaientreprésentés comme résultat de leur savoir-faire en arts martiaux. Des auteurs écrivirentdes pièces de théâtre (par exemple The TitleMart par Winston Churchill) et romans (parexemple Ann Veronica par H. G. Wells), et lesthéâtres de vaudeville montrèrent descombat de lutteuses. L'actrice néo-zélandaise

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Quelques femmesreconnurent les

implicationspolitiques

d'apprendre à sedéfendre.

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Parenthèse : les premiers manuels d'autodéfense pour femmesL'autodéfense pour femmes n'est pas seulement une pratique ; dès les débuts, les instructeurs.tricesd'autodéfense produisirent des manuels pour leurs étudiantes et pour faire connaître plus largementleurs méthodes. Ces publications s'inscrivaient dans une tradition de conseils de sécurité pourfemmes qui avait majoritairement existé, avant l'arrivée de l'autodéfense pour femmes, dans deuxtypes de publications, à savoir les manuels de savoir-vivre et les romans. Les deux genres se basaientsur des inquiétudes autour de la sécurité des femmes liées à des normes sociales changeantes. Lesfemmes dans l'espace public, surtout dans un environnement urbain, étaient souvent perçues commeobjets sexuels ; alors que le discours dominant acceptait ceci pour les femmes racisées et de classeouvrière, cela menaçait la réputation de la femme blanche respectable (Rouse & Slutsky 2014). Lesconseils de sécurité visaient donc le maintien de la respectabilité des femmes blanches. Deuxmessages principaux étaient véhiculés : ne pas attirer l'attention et n'avoir besoin de personne(Hickey 2011). La motivation sous-jacente était de pouvoir profiter de l'espace public librementsans importuner d'autres gens Des manuels victoriens de savoir-vivre conseillaient aux femmes derester aussi invisibles que possible, de porter des couleurs sombres, de marcher avec détermination(Looser 2010) et d'ignorer des hommes irritants (Godfrey 2010).Viennent ensuite les manuels d'autodéfense pour femmes. Le premier, Meine Selbsthilfe: Jiu Jitsu fürDamen du Suisse Cherpillod, un élève de Barton-Wright, (1901; traduit en français en 1907)proposait la défense physique comme stratégie de sécurité. Le premier manuel en anglais visant unpublic féminin, Physical Training for Women by Japanese Methods (Hancock 1904), par contre,présentait les arts martiaux pour femmes comme un projet de corps lié à la santé et à la beauté.Pour Hancock, la nouvelle place des femmes dans la société était exemplifiée par des femmes quimontraient qu'elles n'étaient pas faibles. Défendez-vous, Mesdames! (Pherdac 1909) devint une sortede best-seller en France; dans son édition de 1912, la Comtesse d'Abzac écrit dans l'avant-propos:« Il s'agit d'apprendre à nous défendre. C'est aujourd'hui le seul art qui nous manque, la seule cordedont notre arc soit dépourvu. » Cependant, elle ne comprenait pas l'autodéfense féminine commemoyen d'émancipation, au contraire: « Plus la femme se sentira forte, plus s'exaltera en elle l'instinctde sacrifice et de dévouement [...] Messieurs rassurez-vous ! En apprenant à se défendre, la femmene refuse pas à se donner. » (cité dans Brousse 2005: 281)Même si ces premiers manuels étaient rédigés par des hommes pour des femmes, les auteures nesont pas en reste. En 1906, l'Anglaise Emily Watts publiait The Fine Art of Jujutsu, osant écrire nonpour un public féminin, mais pour les deux sexes (Godfrey 2013). Elle distinguait entre lestechniques de jujitsu générales et celles moralement inadéquates pour les femmes (la lutte au sol),mais faisait la démonstration des deux types dans de nombreuses photographies. Pour cela, ellearticulait les standards de modestie féminine de l'ère edwardienne avec la nécessité pédagogique demontrer la silhouette de ses jambes pour que les lectrices.teurs apprennent les mouvements. Uneautre manière innovatrice de transmettre du savoir-faire d'autodéfense aux femmes était The Lifeand Adventures of Miss Florence Le Mar (Le Mar 1913), un roman pseudo-autobiographique rédigé parune actrice et formatrice d'autodéfense néo-zélandaise incluant de nombreuses scènesd'autodéfense. Dans le pays d'origine de ces techniques, au Japon, la pratique des arts martiaux était réservéepresqu'exclusivement aux hommes. De même, les manuels techniques étaient rédigés par deshommes pour des hommes. En 1914, la Ligue des femmes pour l'autodéfense publie le livret deNohata Showa, Fujiin Goshin Jutsu (Autodéfense pour femmes). L'auteure se présente comme unehistorienne des femmes et rappelle nombre de femmes dans l'histoire japonaise qui ont manié desarmes et combattu aux côtés des hommes. Elle explique qu'après une expérience où elle a pu sedéfendre contre un « scélérat », elle a collecté des techniques avec lesquelles les femmes peuventse défendre contre des hommes irrespectueux en « les retenant ou en les jetant dans l'air » (Showa1914 : 13). L'argumentaire s'appuie sur la chasteté des femmes et la décadence morale des jeuneshommes et fait le choix de démontrer dans les illustrations des techniques, soit deux hommes, soitdeux femmes en combat pour éviter la mixité de genre immorale. La Ligue des femmes pourl'autodéfense promet un prix à toutes les lectrices qui auraient utilisé les techniques avec succès.Comme les autres auteures, elle doit trouver un équilibre entre la capacité d'action et larespectabilité des femmes.

Florence Le Mar était formée au jujitsu parson mari et voyagea pendant huit ans danstout le pays avec un spectacle de vaudeville,jusqu'après la Première guerre mondiale(Looser 2010). Son spectacle consistait en unscénario d'autodéfense, une compétition avecle public et un atelier d'autodéfense pour lesspectatrices uniquement. Mais comme contred'autres activités sportives, une forterésistance émergea, de l'Eglise, des expertsd'éducation et autres moralisateurs, contre laboxe et le jujitsu pour femmes, justement àcause de leur potentiel de défier les normesde genre qui étaient perçues comme l'ordrenaturel des choses (Rouse & Slutsky 2014).Cette résistance était, bien sûr, présentéecomme nécessaire pour protéger, physique-ment et socialement, le sexe faible.

1.2. La traversée du désert des deux guerresLa Première guerre mondiale stoppa lemouvement suffragiste et l'autodéfense pourfemmes en Grande-Bretagne et aux Etats-unis. L'autodéfense féminine survivait, bienque mal, dans des institutions sans perspec-tive féministe, comme la police, l'armée ou lesorganisations sportives. Des femmes dans cesinstitutions continuaient à pratiquer l'auto-défense et participaient occasionnellement àdes démonstrations publiques, comme parexemple à la Foire mondiale de New York en1939/40, selon les photographies disponiblesen ligne à la Manuscript and Archives Divisionde la New York Public Library.

Ida Simonton peut être citée comme unexemple de réappropriation de l'autodéfensedans une perspective problématique (Rich2010). Tandis que Simonton subvertit desattentes de conformité au genre en seprésentant comme experte sur l'Afrique,après un voyage au Gabon en 1906/07, elle nes'allia jamais au féminisme. Pendant laPremière guerre mondiale, elle créa et menaune unité d'autodéfense pour femmes à NewYork dans la continuité de son projet impériald'une « nouvelle génération de femmesendurcies qui défendent la nation blanchecontre la menace des ennemies raciaux etnationaux » (Rich 2010: 324). Cette milice, laAmerican Women's League for Self-Defense,

survécut seulement un an à titre autonome,mais « servit d'exemple pour des groupessuccessifs de former et mobiliser les femmes.[…] Au lieu d'être des victimes passives, lesfemmes blanches avaient une obligation de sebattre. » (Rich 2010: 334) McCaughey (1997)décrit deux manuels publiés par desinstructeurs pendant la Deuxième guerremondiale, à effet similaire. Ils y encouragentles lectrices à des stratégies de défensephysique assez drastiques, même contre desconnaissances, car, selon ces auteurs,« l'agression des femmes envers les hommesest acceptable quand elle est nécessaire parnationalisme. » (ibid. 51)

En Europe continentale, les arts martiauxjaponais évoluèrent plus tardivement. Lesfemmes qui se battaient étaient associées auvaudeville où des boxeuses et lutteusesavaient des numéros populaires (Svinth 2001).En Suède, l'instructrice de gymnastique EsterCronholm, qui s'entraînait au jujitsu avec sonmari Viking, débutades démonstrationspubliques de son arten 1918 et proposades classes d'auto-défense (Malmstedt1995). La France etl'Allemagne voyaientles premières fem-mes dans les artsmartiaux dans lesannées 1920 et 30.En Allemagne, lesarts martiaux japo-nais étaient pratiqués depuis les années 1920et diffusés plus largement dans les années1930 à cause de l'alliance entre les nationaux-socialistes et l'empire japonais (Brousse2005). Les femmes participèrent avecenthousiasme dans les années 1920, avec despremières démonstrations publiques par LiloRahn (Bauer 2001), mais les arts martiauxétaient considérés comme une entreprisevirile, et l'implication des femmes mal vue,sous l'idéologie de genre national-socialiste.

Pour cette raison, en combinaison avec laréticence générale de permettre aux femmesl'accès à des sports virils par peur que leursfonctions reproductives en pâtissent, lesfemmes étaient largement sous-représentées

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L'autodéfénse féminine survivait dans des institutions non-féministes, comme la police, l'armée ou les organisations sportives.

dans les arts martiaux après la Premièreguerre mondiale. Brousse (2005) estime quedans les années 1940, 1,5-2,5% des judokasfrançais.es étaient des femmes; la plupartd'entre elles obtenaient un accès aux clubsgrâce à leur statut d'épouse, fille ou soeur depratiquants hommes. Au Japon comme enEurope, beaucoup d'instructeurs limitaient lapratique des femmes à la kata, un type depratique sans contact physique, et si descompétitions étaient organisées pour elles,c'étaient des événements rares.

Outre-Atlantique, la situation était légère-ment meilleure. Dans les années 1920, la« nouvelle femme » adopta l'autodéfense avecautant d'enthousiasme que les pantalons, lescheveux courts et l'indépendance écono-mique; « l'association entre des femmesphysiquement fortes et politiquement capa-bles était évidente. » (Rouse and Slutsky2014: 499) En général, les US-Américain.e.sconsidéraient le judo et la lutte plus adaptéspour les femmes que la boxe, et entre lesdeux guerres, les arts martiaux étaientpratiqués dans les écoles secondaires pour

filles et les organisationsféminines comme la YWCA, àtout le moins dans les grandesv i l les (Sv inth 2001) . LaDeuxième guerre mondialemot iva des nombreusesfemmes aux Etats-unis et enGrande-Bretagne à pratiquerle judo comme part de leurformation d'auxiliaires mili-taires (Svinth 2001). Tou-tefois, même aux Etats-Unis,

les femmes ne participèrent pas aux artsmartiaux sur pied d'égalité avec les hommes,les instructrices étaient une rareté etl'autodéfense pour femmes manquait deperspective politique.

Les manuels d'autodéfense de cette périodeexemplifient comment l'autodéfense « fémi-nine » - proposée la plupart du temps par desinstructeurs venant des arts martiaux et desforces de l'ordre - produit et perpétue lesnormes genrées de la féminité respectable.Les manuels pour femmes des années 1960,par exemple, se focalisent sur la seule défensephysique sans aucune contextualisation desattaques et font croire que les corps des

femmes sont vulnérables et faibles de manièreinhérente et doivent être entraînés pourdévelopper suffisamment de force pour sedéfendre (Beaton 2015). Depuis, ce discoursn'a guère changé dans les publicationsmainstream, mise à part la multiplication desscénarios de défense pour des situations deplus en plus spécifiques (mais pas pour autantplus représentatives des violences que lesfemmes vivent par des proches). Par contre,ces manuels con-tiennent souvent de longueslistes de stratégies d'évitement qui limitent laliberté des femmes (McCaughey 1997). Desidées convenues et genrées sur le risque, lapudeur et la capacité d'action sont perpé-tuées et confèrent ultimement aux femmes laseule responsabilité des agressions sexuelleset simultanément, une incompétence pour sedéfendre. Certains de ces manuels n'incluentpas de techniques physiques qui mettentréellement en danger un agresseur homme(Hasday 2001). Comme les femmes sontconsidérées comme incompétentes pour sedéfendre physiquement, les manuels mettentl'accent sur des comportements qui doiventpermettre aux femmes d'éviter, quitter oumanipuler des situations d'agression (Hickey2011). Cette représentation de la sécuritédes femmes pourrait avoir été une réactioninconsciente et non-coordonnée à la deu-xième vague féministe, afin de maintenir lesfemmes dans leur position sociale sub-ordonnée (Faludi 1991).

1.3. L'autodéfense renaît de ses cendresL'autodéfense changea radicalement avecl'émergence du mouvement de libération desfemmes à la fin des années 1960 et, dans sonsillon, de l'autodéfense féministe. Le premiergroupe d'autodéfense féministe documentéétait Cell 16, un collectif de rédaction defemmes à Boston (Dunbar-Ortiz 2001).Après quelques rencontres hostiles pendantdes actions directes dans l'espace public, legroupe se rendit compte qu'elles devaientapprendre à se défendre. Elles suivirent descours de taek won do chez un instructeurhomme, mais quittèrent son dojo à cause deson attitude paternaliste pour créer ungroupe non-mixte d'entraînement qui, plustard, organisa des ateliers d'autodéfense pour

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L'autodéfense« féminine »

produit etperpétue les

normes genréesde la féminité

respectable.

d'autres femmes. Dans d'autres cas, desfemmes féministes et pratiquant un artmartial développèrent leur propre curriculumd'autodéfense, souvent basé sur la compré-hension que le monde des arts martiaux étaitaussi sexiste que le reste de la société et neproposait pas d'espace de sécurité où ellespouvaient apprendre des techniques réalisteset efficaces de défense, par exemple SunnyGraff en Allemagne (Graff 1997) ou PyBateman (Bevacqua 2000) et Helen GroomStevens (Searles & Berger 1987) aux Etats-unis. La réappropriation féministe deméthodes d'arts martiaux/d'autodéfensedominées par les hommes se répéta àplusieurs reprises, n'en citons que le ModelMugging aux Etats-unis (Jackson 1993) et leWendo au Canada. Les raisons de cesschismes étaient souvent les attitudes sexistesdes instructeurs et les conceptions diffé-rentes de la violence, de la résistance et desobjectifs politiques.

Pendant les années 1970, l'autodéfenseféministe « devenait le symbole de la quêteféministe pour la libération » (Rouse &Slutsky 2014: 472). Des magazines féministesd'art martiaux étaient publiés pour faciliter leréseautage et l'information. Les lignesd'écoute et centres d'accueil pour lesvictimes de viol intégrèrent des coursd'autodéfense féministe dans leurs activités,souvent dès leur fondation. La demande pourles cours d'autodéfense était telle qu'il fallaitformer de nouvelles formatrices (Law 2011)et gérer de longues listes d'attente (Cautaert1999). Les pamphlets et livres féministesincluaient systématiquement des informationssur l'autodéfense. Les premières publicationssur le viol présentaient toutes l'autodéfenseféministe comme une stratégie importantecontre le viol (Medea & Thompson 1974;Brownmiller 1975; Russel 1975), au pointqu'un auteur contemporain (Brodsky 1976) laqualifiait d'omniprésente.

Dans les années 1980, plusieurs évolutionseurent lieu en parallèle. La consciencecroissante des différentes expériences de viedes femmes mena à une diversification desactivités d'autodéfense féministe; des coursspécifiques émergèrent pour les filles, leslesbiennes, les femmes en situation dehandicap, les femmes racisées, les femmes

travaillant ou plus âgées. Au même moment,le besoin de former de nouvelles formatrices,de se distinguer de l'autodéfense conventio-nnelle et d'obtenir la reconnaissancenécessaire pour une survie continue de lapratique menèrent à une conceptualisation del'autodéfense féministe avec de premiersmanuels (Searles & Berger 1987). Ils avaientcomme projet de libérer les femmes de leurspeurs et d'augmenter leur autonomie, tout ense distanciant des instructeurs d'autodéfensenon-féministes.

Les pratiquantes et formatrices d'autodéfenseféministe avaient aussi une orientation assezinternationale, ce qui se ressentait dansl'exportation de méthodes à d'autres pays. LeWendo en est un bon exemple. Un transfertnord-nord introduit le Wendo en Europe à lafin des années 1970 et, plus tard, un transfertnord-sud installades groupes deWendo par exem-ple au Brésil; untransfert plus tardifouest-est mena à laformation de for-matrices dans plusi-eurs pays d'Europede l'Est. Un autreaspect de cetteconceptualisation etmondialisation de l'autodéfense féministe étaitle besoin d'échange qui s'est manifesté dans lacréation de camps comme le FeministInternational Summer Training aux Pays-bas.Certains de ces camps d'échange et d'entraî-nement existent encore aujourd'hui.

Plusieurs facteurs causèrent une diminutiondans la demande et le soutien pour l'auto-défense féministe – tandis que l'auto-défenseféminine continuait sa croissance – à la fin desannées 1980 / au début des années 1990:

• un glissement dans la pensée etl'action féministes concernantle corps : tandis que les féministesde la deuxième vague « voyaient lecorps femelle comme symbolecorporel et tangible de la révolte, lamanifestation ultime que 'le personnelétait politique' » (Fahs et al. 2015:387), la pratique féministe actuelleignore le corps le plus souvent,

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Les pamphlets et livres féministes incluaient systématiquement des informations sur l'autodéfense.

hormis des considérations théo-riques, ce qui « mène à moins d'insis-tance aujourd'hui sur la modificationdes relations de pouvoir inscritesdans les corps des femmes » (387) oul'aliénation des femmes de leurscorps. L'autodéfense féministe oeuvreà « situer les corps des femmesdirectement dans le paysage social etpolitique du temps » (392) et, pourcela, utilise une approche différenteet marginalisé par rapport à d'autresmodes d'action féministes mieuxétablis.

• le conflit intra-féministe surl'autodéfense pour femmes : ausein du mouvement féministe contrela violence, des voix critiques émer-gèrent, ayant pour conséquence quel'autodéfense féministe était « négli-gée et/ou mal vue par de nombreusesféministes » (Gavey 2005: 220). Enplus de positions essentialistes quivoyaient l'utilisation de la violence pardes femmes comme intrinsèquementproblématique. (Dorlin 2017), troiscritiques majeures étaient formulées:l'autodéfense culpabiliserait desvictimes (Gavey 2005); l'autodéfensesignifierait l'individualisation et ladépolitisation de la violence et de larésistance (Bevacqua 2000); l'auto-défense rendrait les femmes respon-sables de prévenir les violences etdéresponsabiliserait les hommes. Bienque chacune de ces critiques aientété réfutées maintes fois (Cahill 2009 ;Hollander 2009), le conflit a eu pourconséquence de marginaliser l'auto-défense féministe au sein du mouve-ment féministe contre la violence(McCaughey 2013). Par conséquent,l'autodéfense féministe a souffert etsouffre toujours d'un manque desoutien, de visibilité et de finan-cement.

• l'opposition anti-féministe auxprogrammes non-mixtes : bienque, ou parce que, l'action positive aété officiellement reconnue commeun moyen légitime d'atteindre l'égalitéentre les femmes et les hommes, lesmesures favorisant les femmes ontconnu des attaques anti-féministes.

Ce n'est pas différent pour l'auto-défense pour femmes qui a été viséede manière répétitive à cause de sonformat de non-mixité. Par exemple,en 1993, l'université de Stanford aaboli les cours d’autodéfense fémi-niste par « concordance volontaire »(von Lohmann 1995: 180) quand unétudiant a porté plainte pourdiscrimination. Toutefois, il a étédémontré que l'autodéfense féministeest un moyen légitime d'actionpositive (von Lohmann 1995).

• l'instrumentalisation du dis-cours féministe par l'industriede la sécurité : le mouvementféministe contre la violence investitbeaucoup d'efforts pour initier undébat public sur les violences faitesaux femmes, et avec succès. Cela arendu le sujet accessible pour desacteurs qui capitalisent sur la con-science accrue des femmes qu'ellesrisquent de vivre de la violence enproposant des cours, vidéos, manuelsetc. qui utilisent un langage dépolitiséd'empowerment. Comme ces acteursne font pas partie d'un mouvementpolitique – mouvement qui, danscertains cas, tente de maintenir laconfidentialité des techniques d'auto-défense féministe – et, au mêmemoment, profitent de leur positionsociale avantagée par rapport à leurgenre et d'autres identités, ils consti-tuent une concurrence sérieuse pourl'autodéfense féministe.

Mis à part ces évolutions générales, l'auto-défense pour femmes – et l'autodéfenseféministe en particulier – a évolué demanières très différentes à travers le monde.En Amérique du nord, des enquêtes dansdifférentes universités démontrent qu'unnombre significatif d'étudiantes ont suivi uneformation d'autodéfense (Brecklin 2004; Sennet al. 2015), et l'autodéfense féministe a étéintégrée dans certains cours (Cermele 2004).Au Canada francophone (Québec et Onta-rio), l'autodéfense féministe est intégrée dansun réseau plus large de services et organi-sations opérant selon les principes de l'inter-vention féministe (Coderre & Hart 2003).Aux Pays-Bas, le gouvernement reconnaît un

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diplôme de formatrice d'autodéfense (Seith &Kelly 2003). En Autriche, l'autodéfenseféministe a été poussée de côté par des coursd'autodéfense gratuits proposés par la police.En France, l'autodéfense féministe étaitpresque éteinte autour du tournant dumillénaire, et des activistes devaient suivredes formations à l'étranger pour assurer lacontinuité de la pratique. En Flandre, la seuleorganisation d'autodéfense féministe a dûfermer boutique en 2003 à cause deproblèmes de financement et de nonrenouvellement de l'équipe, et c'est seule-ment en 2017 que la province d'Anvers afinancé la formation d'une nouvelle géné-ration de formatrices. Une évolution similairea été décrite pour les Etats-unis où desorganisations et des formatrices d'auto-défense féministe rencontrent des difficultéspour survivre économiquement, et certainesont dû mettre la clé sous la porte(McCaughey 2013).

A travers sa longue histoire et à de nom-breux endroits de la planète, l'autodéfenseféministe a dépendu et dépend toujours del'engagement (et souvent du sacrifice)personnel de formatrices individuelles et doit,pour cela, toujours être considérée commeune pratique précaire. Tandis qu'unedescription systématique de l'autodéfenseféminine et féministe de la première moitiédu XXième siècle est actuellement en cours,beaucoup reste à faire pour sauvegarder etanalyser les sources primaires – archives ettémoignages personnelles – de l'autodéfensede la deuxième vague des mouvementsféministes. Les pionnières des années 1960 et70 n'avaient plus aucun souvenir, aucun lienavec leurs prédécesseuses et ont du réin-venter la roue, se heurtant parfois auxmêmes obstacles. En vue du caractèreprécaire de l'autodéfense féministe, il y aurgence pour cette historiographie afin quenous apprenions de celles qui, avant nous, ontcru en la capacité des femmes de prendreleur sécurité en main et de se défendrecontre les violences.

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