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Une étude expérimentale du degré individuel et
collectif d’aversion au risque
Nathalie Colombier (*), Laurent Denant-Boèmont (**),
Youenn Lohéac (***), David Masclet (****)
A paraitre économie et prévision
Résumé : L’objet de cet article est d'étudier expérimentalement les processus individuels et collectifs de décision vis-à-vis du risque. Ainsi les équipes prennent-elles plus de risque que les individus ? Quels sont les déterminants des choix collectifs? Cette étude s'inspire des travaux de Holt et Laury (2002) et de Baker et al. (2004). A l'instar de ces auteurs, les participants à notre expérience doivent prendre plusieurs décisions, chacune consistant à choisir entre deux loteries de niveaux de risque différents. Dans un premier traitement appelé traitement "individuel", les participants prennent leurs décisions seuls. Au contraire, dans le traitement "collectif", les participants prennent leurs décisions au sein de groupes de trois personnes. Enfin dans un troisième traitement, les participants peuvent choisir entre prendre leurs décisions individuellement ou collectivement. Nos résultats montrent que les groupes ont des attitudes plus prudentes que les individus pris isolément. Une explication possible de ce résultat est que les individus plus risquophiles que la moyenne du groupe sont généralement disposés à accepter de prendre moins de risque afin de converger vers une décision commune plus prudente. Un autre résultat intéressant de notre étude est que les participants les plus risquophiles sont ceux qui sont disposés à payer les montants les plus élevés pour pouvoir prendre leur décision seuls. Enfin, nos résultats montrent que si le degré d'aversion au risque est influencé par le contexte, il reste en grande partie déterminé par les caractéristiques individuelles. ---------------------------------------------------- (*) Nathalie Colombier : GATE, Université Lyon 2 , [email protected] (**) Laurent Denant-Boèmont : CREM, Université Rennes 1, [email protected] (***) Youenn Lohéac : FLAVIC (INRA-Dijon et ENESEAD) et Centre d’Economie de la Sorbonne, Université Paris 1 et CNRS, [email protected] (****)David Masclet : CREM, Université Rennes 1, [email protected]. Nous exprimons ici toute notre gratitude à Glenn Harrison pour ses précieux commentaires et ses encouragements ainsi qu'à Charles Holt pour ses conseils lors du "North American Meeting of the Economic Science Association", à Tucson, 2005. Nous sommes également redevables à Claude Montmarquette, Louis Lévy-Garboua et Marie-Claire Villeval pour leurs précieux conseils. Nous tenons également remercier les participants des 7ème Journées d’Economie Expérimentale à Rennes. Nous remercions aussi le Pôle des Créateurs d’Entreprises de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Rennes et plus particulièrement Pierre-Jean Richard, dirigeant d’EGERIX, société de conseil en création d’entreprise. Nous tenons à remercier Elven Priour pour la programmation et la réalisation des expériences. Enfin nous remercions les deux référés anonymes pour leurs rapports. Nous assumons seuls la responsabilité du contenu de cette recherche.
2
Introduction
La plupart des décisions économiques sont généralement prises de manière collective, au sein
d'équipes, de conseils ou d'unités de production. Dès lors, une étude visant à déterminer comment se
prennent les décisions en équipe, revêt une importance fondamentale en économie. Il existe cependant
très peu de travaux à ce sujet. Si la question de l’agrégation des préférences individuelles, notamment
en matière de risque, a fait l’objet de développements dans le domaine de la théorie du choix social
d’un point de vue normatif (Arrow, 1973 ; Rawls, 1974 ; Harsanyi, 1955), elle reste encore rarement
abordée d’un point de vue purement empirique en économie, ce qui est un peu surprenant tant la
portée de tels résultats parait évidente1. Nous pouvons toutefois citer les études récentes en économie
expérimentale réalisées à partir de différents jeux, parmi lesquels le jeu de don contre-don, le jeu
d’ultimatum ou le jeu du centipède, qui tendent à montrer que les décisions collectives sont
généralement plus rationnelles que les décisions individuelles et conduisent en moyenne à des gains
plus élevés (Bornstein et Yaniv, 1998; Bone et al., 1999 ; Rockenbach et al., 2005 ; Cooper et Kagel,
2005). D’autres travaux comme ceux de Kocher et al. (2005) dans le cadre d'un jeu de "beauty
contest" ont cherché à endogénéiser le choix du processus de décision en proposant aux individus de
choisir entre prendre leurs décisions seuls ou en équipe. Les auteurs observent que 60% des individus
choisissent d'être en équipe, et que les équipes gagnent significativement plus que les individus isolés.
Par ailleurs, à partir d'un questionnaire post expérimental, Kocher, Straub et Sutter (2005) mettent en
exergue les principales motivations des choix en équipe versus individuel. Ainsi, parmi les
participants ayant choisi le processus de décision collectif, la grande majorité explique cette décision
par une attente de gains plus élevés en raison d’une meilleure décision collective. A l’opposé, les
choix individuels sont guidés pour 75% d'entre eux par une volonté de s’affranchir des décisions des
autres participants et de pouvoir ainsi faire ses choix de façon autonome.
L’objectif de notre article est de comparer les processus de décision collectif et/ou individuel vis-à-vis
du risque, et de déterminer si les équipes ont un comportement vis-à-vis du risque différent des
individus. Une autre question abordée dans cette étude est celle de la relation entre le degré d'aversion
pour le risque et la préférence pour la décision individuelle. Les individus qui prennent le plus de
risque sont-ils ceux qui choisissent de prendre leurs décisions seuls ? La méthodologie utilisée pour
répondre à ces questions est l’économie expérimentale qui offre, dans un environnement contrôlé, des
outils appropriés à la mesure du risque. Plus particulièrement, nous utilisons la méthode développée
par Holt et Laury (2002) qui permet des mesures pertinentes et précises du degré d'aversion au risque.
A l’instar de ces auteurs, les participants à notre expérience sont amenés à prendre plusieurs décisions,
chacune consistant à faire un choix entre deux loteries de niveaux de risque différents. Nos traitements
expérimentaux diffèrent par le mode de décision mis en œuvre (individuel ou collectif) et par le
processus de décision, c'est-à-dire par la possibilité donnée aux participants de choisir
3
individuellement ou en équipe (endogène ou exogène). Dans le cas où le processus de décision est
endogène, les participants décident du prix à payer afin de pouvoir prendre leur décision
individuellement.
Cette étude s’inspire des travaux Baker et al. (2004) qui ont également cherché à comparer les
préférences individuelles et collectives vis-à-vis du risque. Leur traitement de référence est le
traitement "choix individuels avec gain élevés" de Holt et Laury (2002) qui permet d’obtenir une
mesure des préférences individuelles vis-à-vis du risque. Dans ce traitement, chaque participant doit
prendre dix décisions présentées simultanément dans un tableau, chaque décision consistant à choisir
une loterie parmi deux de niveaux de risque différents. Dans un deuxième traitement, les participants
sont confrontés aux mêmes décisions que dans le traitement précédent, mais ils sont réunis par
groupes de trois personnes pouvant communiquer entre elles. La décision est donc collective dans la
mesure où le groupe doit converger vers une décision commune pour chacune de ces dix décisions. En
cas de désaccord, la règle de la majorité est appliquée. Baker et al. (2004) observent que les groupes
seraient davantage averses au risque que les individus pris isolement lorsque les loteries sont très
risquées.
Notre étude se distingue toutefois de ces travaux sur un certain nombre de points. Ainsi, contrairement
au processus collectif de décision de Baker et al. (2004) qui repose sur du "cheap talk"2, notre
protocole expérimental consiste en un processus collectif de décision décontextualisé où l’anonymat
des membres du groupe est respecté. En effet, chaque membre du groupe doit indiquer à l’aide de son
ordinateur l’option qu’il choisit. Une fois que les trois membres du groupe ont fait leur choix, chaque
joueur peut observer les choix des autres membres de son groupe. Si les trois joueurs ont choisi la
même option, alors celle-ci est validée. Si, au contraire, il n’y a pas unanimité sur la décision, les trois
membres du groupe sont alors invités à annoncer de nouveau un choix d’option. Chaque groupe peut
répéter ce processus cinq fois pour converger vers une décision commune. Une deuxième différence
de notre protocole expérimental avec celui de Baker et al. (2004) est que le processus de choix
collectif ne porte pas sur l’ensemble des dix décisions présentées simultanément mais sur chacune de
ces dix décisions. Cela offre l'avantage d'obtenir une mesure plus précise des préférences collectives
pour chacun des niveaux de risque. Enfin, une autre originalité de notre étude est d'endogénéiser le
processus de décision en demandant aux participants d’indiquer leur consentement à payer pour
prendre leurs décisions seuls. Dans cette perspective, nos travaux se rapprochent de ceux de Kocher et
al. (2005). Cependant si l’étude de Kocher et al. (2005) a le mérite d’identifier les principaux facteurs
des processus de prise de décision à partir d'un questionnaire post-expérimental, elle ne propose pas
de mesure de ses déterminants mais uniquement l’expression des motivation de ce choix. Au
contraire, notre étude offre une mesure de la préférence pour la décision individuelle en demandant
aux participants quels est leur consentement à payer afin de pouvoir prendre leurs décisions seul.
4
Une autre originalité de notre étude est de recourir à des populations variées. En effet, la plupart des
études expérimentales ont recours à une population étudiante qui offre de nombreux avantage mais
présente l'inconvénient d'être très homogène. Or, certaines caractéristiques individuelles comme, par
exemple, l'âge ou le statut professionnel peuvent être fortement corrélées avec le niveau de risque.
Pour cette raison, nous avons composé notre échantillon non seulement d'étudiants mais également de
salariés et de travailleurs indépendants qui sont susceptibles d'avoir un degré d'aversion pour le risque
différent de celui des autres populations ainsi qu'une préférence pour les décisions individuelles
versus collectives différente3.
Les résultats expérimentaux obtenus indiquent sans ambiguïté que les groupes prennent
significativement moins de risque que les individus qui les constituent pris isolément. Une explication
possible de ce résultat est que les individus plus risquophiles que la moyenne du groupe sont
généralement disposés à changer leur attitude vis-à-vis du risque et consentent à adopter une attitude
plus prudente afin de converger vers une décision commune. Au contraire, les participants plus
risquophobes que la moyenne du groupe font preuve d’une certaine inertie lorsqu’il s’agit de réviser
leur décision et sont généralement peu enclins à accroître leur niveau de risque pour arriver à une
décision collective unanime. Par ailleurs, nous observons que les individus les plus risquophiles sont
ceux dont les consentements à payer pour prendre leur décision seuls sont les plus élevés. Enfin, si
nos résultats ne laissent aucun doute quant à l’impact des variables contextuelles sur le degré
d’aversion au risque, nous observons que les caractéristiques individuelles des participants sont
également des facteurs explicatifs forts de ce degré d'aversion pour le risque. Ainsi, au-delà des
variables relatives à l’âge ou au sexe de l’individu, nous observons que les individus exerçant une
profession de travailleur indépendant prennent significativement plus de risque que les salariés et que
leur consentement à payer pour prendre leurs décisions seuls est plus élevé.
La section 2 de cet article présente une brève revue de la littérature des travaux existants sur le risque
en économie expérimentale. Le protocole expérimental est présenté dans une section 3. La section 4
donne les principaux résultats statistiques et économétriques de notre étude. Enfin, la section 5 résume
et conclut cette étude.
2. Une revue de la littérature sur le risque en économie
expérimentale
L’aversion pour le risque est un des éléments fondamentaux de la théorie de la décision (Bernoulli,
1738 ; Von Neumann et Morgenstern, 1947 ; Pratt, 1964 ; Arrow, 1965) et a donné lieu à de
5
nombreux travaux empiriques. Ainsi, à partir de données d'expériences de terrain, Binswanger (1980)
observe que les individus ont une aversion au risque relativement élevée qui s’accroît avec le montant
des gains joués. L’économie expérimentale a également permis de générer des données originales sur
l’aversion au risque dans le cadre d’un environnent contrôlé (Kachelmeier et Shehata, 1992 ; Smith et
Walker, 1993 ; Holt et Laury, 2002). En effet, le problème de l’attitude face au risque est un champ
traditionnel d’investigation en économie expérimentale, notamment dans le cadre de la théorie de
l’utilité espérée (UE) de Von Neumann – Morgenstern. A cet égard, le paradoxe de Allais (1953)
représente la première remise en cause factuelle de l’axiome d’indépendance impliqué par la théorie
de l’UE. De nombreux travaux ont ensuite suivi, notamment ceux de Kahneman et Tversky (1979) qui,
à partir de comparaison entre une loterie risquée et une loterie sans risque, ont montré la faible
pertinence du modèle d’utilité espérée pour représenter l’attitude individuelle face à des choix risqués.
On trouve une revue extensive de ces travaux dans Camerer (1995). Un certain nombre d'études
expérimentales ont également cherché à comparer les différentes théories alternatives à la théorie de
l'UE (Camerer, 1999; Battalio et al. 1990; Wu et Gonzalez, 1996; Abdellaoui, 1998). Starmer, (2000)
propose une revue exhaustive de cette littérature.
L’économie expérimentale permet d’aborder la notion de risque dans des domaines aussi variés que la
théorie des contrats, l’assurance, les enchères ou l’évaluation des actifs. Dans les jeux d’enchère, une
surenchère par rapport à l’équilibre de Nash est généralement attribuée à de l’aversion au risque
(Harrison, 1989 ; Smith et Walker, 1993). Une autre façon de mesurer le risque est de considérer la
possibilité d’acheter ou de vendre des loteries. Dans cette perspective, les travaux de Kachelmeier et
Shebata (1992) mettent en lumière l’aversion au risque et rapportent une augmentation significative
de celle-ci avec le montant des loteries. Ils observent des comportements très disparates selon les
individus, révèlant ainsi une grande hétérogénéité des degrés d'aversion au risque. Charness et Gneezy
(2003) proposent quant à eux une mesure fondée sur le choix d'investissement entre une loterie
risquée et un investissement avec un gain fixe. Les auteurs observent qu'il n'existe pas de relation
simple entre la préférence pour une loterie donnée et la fraction investie dans cette dernière. Dans une
étude récente, Holt et Laury (2002), en s'inspirant de travaux précédents, ont élaboré une mesure
expérimentale du degré d’aversion au risque à l’aide de choix binaires entre loteries et en faisant
varier l’échelle des gains. Ils soulignent ainsi que l’aversion au risque augmente de façon considérable
avec les gains associés aux loteries.
D’autres travaux ont cherché à étudier l’attitude vis-à-vis du risque d’individus prenant leurs décisions
au sein d’un groupe partageant les gains (Bone, 1998 ; Bone et al., 1999; Shupp R. et Williams A.,
2003; Baker et al., 2004 ; Rockenbach et al., 2005). Bone (1998) montre que, d’un point de vue
théorique, dans une situation où les membres d’un groupe partagent le risque (le montant de la
rémunération aléatoire étant divisé entre les membres) et où l’accord au sein du groupe se fait à
6
l’unanimité, les choix collectifs sont plus cohérents vis-à-vis de la théorie de l’UE si les individus ont
une fonction d’utilité de type CARA (Constant Absolute Risk Aversion) et si le groupe partage de
manière efficiente ce risque4. Bone et al. (1999) quant à eux n’observent pas expérimentalement une
amélioration de la cohérence par rapport au modèle d’UE du fait d’une décision collective. D'autres
travaux, comme ceux de Shupp et Williams (2003) ont comparé les décisions vis-à-vis du risque selon
qu’elles sont prises en équipe ou de façon individuelle. Ces auteurs observent que les équipes prennent
moins de risque que les individus. Enfin, Rockenbach et al. (2005) observent que les équipes prennent
des décisions qui les conduisent à accumuler davantage de gain5. Ces travaux montrent ainsi que les
décisions collectives sont généralement plus rationnelles que les décisions individuelles et que les
groupes obtiennent des gains plus élevés.
3. Présentation du protocole expérimental
Réalisation des sessions
L’expérience a été réalisée à l'université de Rennes entre Mars et Mai 2005. Nous avons utilisé le
logiciel Z-Tree développé par Urs Fichbacher. Au total, 72 participants ont été recrutés entre
Septembre 2004 et Mai 2005 dont 40 étudiants de premier cycle dans plusieurs disciplines (économie,
informatique, droit, médecine, lettres et beaux arts), 14 salariés issus pour moitié du secteur public et
pour l'autre moitié du secteur privé et 18 travailleurs indépendants (artisans, dirigeants d'entreprises,
professions libérales). Notre échantillon se compose à 48% d'hommes. L'âge moyen des travailleurs
indépendants est de 37 ans, celui des salariés est de 40 ans et de 20 ans pour les étudiants. Les
travailleurs indépendants ont été recrutés via la Chambre de Commerce et d'Industrie de la ville de
Rennes et le Pôle des Créateurs d’Entreprises. Aucun participant n’avait joué à une expérience
semblable auparavant. 18 personnes issues des trois populations ont participé à chacune des sessions.
L’expérience a duré en moyenne 1h30 et la rémunération individuelle moyenne est de 40 euros (tous
les gains étaient calculés en euros).
Présentation des traitements6
Dans le traitement "individuel", les participants sont amenés à prendre dix décisions successives,
chacune consistant à faire un choix entre deux loteries de niveaux de risque différents. Ces décisions
sont présentées dans le tableau 1. Ce traitement est identique au traitement "gain élevé" de Holt et
Laury (2002) à l'exception du fait que les dix décisions ne sont pas présentées de façon simultanée
7
sous forme d'un tableau (voir tableau 1) mais, au contraire, de façon séquentielle. En effet, l'ordre
dans lequel apparaissent les dix décisions est choisi de façon aléatoire par l'ordinateur. Dans ce
traitement, les décisions sont prises de façon individuelle. Les décisions d'un individu n'affectent donc
pas les gains des autres participants.
[Tableau 1]
A chaque décision, le participant est confronté à un choix entre deux options. Une fois les
choix effectués, l’ordinateur tire au hasard une des dix décisions. Il tire ensuite au hasard un chiffre
entre 1 et 100 afin de déterminer le gain réalisé pour cette décision selon l’option choisie. Ce gain
n’est communiqué au participant qu’à la fin de l’expérience. Supposons, par exemple, que l’ordinateur
tire la première décision au hasard. L’option A rapporte 40 euros si le chiffre tiré au hasard par
l’ordinateur est entre 1 et 10, et 32 euros si le chiffre tiré au hasard est entre 11 et 100. L’option B,
quant à elle, rapporte 77 euros si le chiffre tiré par l'ordinateur est entre 1 et 10, et 2 euros si le chiffre
tiré est entre 11 et 100. Si l’option A a été choisie pour cette décision et que l'ordinateur tire le chiffre
1 au hasard, alors le gain du participant pour ce traitement est de 40 euros. Si nous nous référons à la
première décision, la probabilité d’obtenir un gain élevé est de 1/10 pour les deux options. De fait,
seul un individu extrêmement risquophile devrait choisir l’option B. Pour cette première décision, la
différence de gain espéré entre l’option A et l’option B est en faveur de A. Lorsque la probabilité du
gain élevé augmente, la différence de gain espéré entre les deux options se réduit jusqu’à s’inverser en
faveur de l’option B. Un glissement progressif des choix de l’option A vers l’option B au fur et à
mesure des décisions devrait donc être observé, et ceci plus ou moins rapidement selon le degré
d’aversion pour le risque du décideur. Par exemple, une personne neutre au risque devrait choisir
l’option A pour les quatre premières décisions puis l’option B pour les six dernières. Il est important
de noter que même une personne extrêmement risquophobe devrait choisir l’option B pour la dernière
décision puisqu’elle offre une alternative entre deux loteries certaines. Les tirages se font une fois que
les dix décisions sont prises et le gain n’est communiqué au participant qu’à la fin de l’expérience.
Afin d'étudier les décisions collectives vis-à-vis du risque, nous avons réalisé un traitement "équipe"
dans lequel les participants sont regroupés en équipes de trois joueurs et doivent se coordonner afin de
prendre une décision collective. Ce traitement est identique au traitement précédent si ce n’est que
chaque participant ne décide plus seul du choix des options mais au sein d’un groupe de 3 personnes.
Dans ce traitement, les participants doivent donc se coordonner sur chacune des dix décisions qui
apparaissent de façon séquentielle et dans un ordre aléatoire. Ainsi, la décision d’un individu affecte
les décisions des autres membres du groupe et, réciproquement, est affectée par les leurs. Afin d'éviter
des effets de réputation, les participants sont informés que la composition du groupe changera après
chaque décision.
8
Comme nous l'avons mentionné plus haut, ce traitement se distingue de celui de Baker et al. (2004)
sur plusieurs points. Ainsi notre processus de "négociation collective" ne repose pas sur du "cheap
talk" comme c'est le cas chez Baker et al. (2004) mais sur un processus d'annonces successives où
chaque membre du groupe indique à l’aide de son ordinateur l’option qu’il choisit. Une fois que les
trois membres du groupe ont fait leur choix, chaque joueur observe les choix des autres membres de
son groupe. Si les trois joueurs ont choisi la même option, alors cette option est validée. Si au
contraire, il n’y a pas unanimité sur la décision, les trois membres du groupe sont invités à annoncer
de nouveau un choix d’option. Ce choix peut être identique ou différent du précédent. Ce processus
d'annonce est répété cinq fois. Si au bout de la cinquième fois, les joueurs ne sont pas arrivés à un
accord unanime, l’option est choisie au hasard par l’ordinateur.
Enfin dans un dernier traitement, appelé traitement "choix", le choix du processus (équipe ou
individuel) est endogénéisé. Dans ce traitement, les participants ont la possibilité d'exprimer leur
préférence entre décider seul ou en équipe en annonçant leur disposition à payer pour prendre leur
décision seul. Ceux qui remportent l'enchère peuvent prendre leurs décisions seuls tandis que les
autres participants sont regroupés en équipe. Comme dans les traitements précédents, les participants
sont amenés à prendre leurs décisions de façon séquentielle. Par ailleurs, chaque séquence se déroule
en deux étapes. Dans une première étape, chaque participant reçoit une dotation de 10 unités et doit
proposer un montant entre 0 et 10 unités qu’il consent à payer afin d’avoir la possibilité de faire son
choix seul. Si le montant proposé est parmi les trois montants les plus élevés de la session pour cette
décision parmi l’ensemble des participants à la session composée de 18 personnes, alors l’individu
pourra choisir seul. En cas d’égalité entre les montants les plus élevés, trois participants parmi ceux
ayant misé ces montants sont choisis au hasard. Le processus d'enchère retenu est une enchère au
deuxième ordre. Autrement dit, le montant que devront payer les trois vainqueurs de l’enchère
correspond au quatrième montant le plus élevé. Les participants n’ayant pas remporté l’enchère sont
regroupés en équipes de trois personnes et prennent une décision collective identique au traitement
"équipe".
Paramètres de l’expérience et conditions d'information
Les participants sont informés que l’expérience est composée de traitements successifs. Toutefois, ils
ne connaissent pas les règles du jeu de l’ensemble des traitements au début de l’expérience, les
instructions étant distribuées au début de chaque traitement. Pour l’ensemble des sessions, l’ordre des
traitements est identique. Deux raisons expliquent ce choix. La première est que l’ordre des sessions
suit une logique de complexité progressive, ce qui évidemment disparaîtrait si nous inversions l'ordre
des traitements. La seconde raison est que la réalisation de nouvelles expériences avec inversion de
9
l’ordre aurait nécessité un nombre considérable de sessions supplémentaires, compte tenu du nombre
élevé de combinaisons de traitements possibles. Nous pouvons nous demander si les décisions
individuelles peuvent être influencées par l’ordre dans lequel les traitements ont été joués. Holt et
Laury (2005) ont cherché à étudier l'existence d'éventuels effets d'ordre. Ainsi contrairement à leur
étude précédente où l'ordre des traitements est identique dans toutes les sessions, Holt et Laury (2005)
ont réalisé de nouvelles expériences dans lesquelles les participants ne jouent qu’à un seul traitement à
la fois. Les auteurs obtiennent des résultats similaires à ceux qu’ils avaient observés précédemment et
n’observent aucun effet d’ordre significatif. Ce résultat peut donc nous conforter quant à la robustesse
de nos résultats7.
Par ailleurs, nous devions nous prémunir dans cette expérience de l'existence éventuelle d'un "effet
revenu". Pour répondre à cette contrainte, nous avons fait en sorte, à l’instar de Bone et al. (1999), que
les participants ne soient informés de leurs gains pour chacun des traitements qu’à la fin de
l’expérience. Ainsi le gain total est constitué du gain tiré au sort par l’ordinateur parmi les différents
traitements. Le gain individuel moyen pour l’expérience est de 40 euro. Toutes les décisions ont été
traitées de façon anonyme et recueillies au travers d’un réseau informatique.
4. Analyse des résultats Les déterminants du niveau de risque
Quels sont les déterminants du choix de l’option A, c’est-à-dire l’option la moins risquée ? On
observe que, pour l’ensemble des traitements, la majorité des participants choisit l’option A lorsque la
probabilité associée au gain élevé est faible, puis choisit l’option B lorsque cette probabilité augmente.
A l’instar de Holt et Laury (2002), le nombre total d’options A choisies est utilisé comme un
indicateur d’aversion au risque8. Le tableau 2 nous donne ainsi un indicateur de l’aversion au risque
pour chaque traitement en fonction du nombre d’options A choisies.
[Tableau 2]
Le tableau 2 montre que, dans tous les traitements, la plupart des participants choisissent entre 5 et 7
fois l’option A et que le nombre d’options A choisies varie fortement selon les traitements. Ainsi, en
moyenne les individus choisissent 6,6 fois cette option dans le traitement "individuel" et
respectivement 7 et 7,2 fois dans les traitements "équipe" et "choix". Par ailleurs, le nombre des
participants qui choisissent 7 fois l’option A (qui correspond au niveau médian pour le traitement
"individuel") est plus élevé dans les traitements "équipe" et "choix" que dans le traitement
"individuel" (respectivement 46%, 46% et 28%). Le graphique 1 indique la proportion d’options A
10
jouées pour chacune des dix décisions du tableau 1. L’axe horizontal indique le numéro de la décision,
correspondant à la probabilité d’occurrence du gain élevé. L’axe vertical indique la fréquence du
choix de l’option A pour chacune des 10 décisions (chacune des 10 probabilités). La courbe en
pointillé indique les options A choisies par un individu sous l’hypothèse de neutralité vis-à-vis du
risque. La probabilité de choisir l’option A est alors de 1 pour les quatre premières décisions puis de 0
pour les décisions suivantes.
[Graphique 1]
Pour l’ensemble des traitements, la fréquence du choix de l’option A diminue avec l’augmentation de
la probabilité d’obtenir le gain élevé. Par ailleurs, les courbes pour l’ensemble des traitements sont au-
dessus de la courbe de neutralité au risque, ce qui souligne que les individus sont globalement plutôt
averses au risque. Le graphique 1 montre également que le nombre d’options A jouées est plus élevé
dans le traitement "équipe" que dans le traitement "individuel". Ainsi, nous observons que 38 % des
participants augmentent leur choix d’options A comparé au traitement "individuel" et 26% réduisent
leur nombre d’options A, les autres participants conservent le même comportement. Concernant le
traitement "choix", l’observation indique que les individus en groupe prennent relativement moins de
risque que les individus qui ont remporté l’enchère afin de jouer individuellement. Ainsi, les individus
en groupe choisissent en moyenne 7,23 fois la loterie A dans le traitement "choix" contre 6,8 fois
lorsqu’ils sont seuls.
Afin d'obtenir une mesure plus précise des déterminants des choix de loterie selon le traitement joué, le
tableau 3 présente les résultats d’un Probit à effets aléatoires où la valeur observée prend 1 lorsque le
participant choisit l’option A et 0 sinon. Deux spécifications sont retenues. La première spécification ne
retient que les variables contextuelles. La deuxième ajoute aux variables contextuelles des variables de
caractéristiques individuelles pour expliquer certaines différences dans les comportements des
participants ainsi que le statut professionnel des participants (salariés ou travailleurs indépendants).
L’état de référence est le statut étudiant. Notons que la variable "groupe" est une variable dichotomique.
Il en va de même pour les variables de contrôle de caractéristiques individuelles à l’exception de la
variable "Niveau d'étude" qui nous informe sur le nombre d’années d'étude du participant et de la
variable "âge". La variable "proba1" prend la valeur de la probabilité de réalisation du gain élevé. Par
ailleurs, à l'instar de Baker et al (2004), nous avons également intégré une variable d'interaction entre
"groupe" et "proba" afin de mesurer si les comportements collectifs varient selon les probabilités
associées aux loteries. Les spécifications (1) et (2) ne retiennent que les traitements "individuel" et
"équipe" afin d'isoler l'effet de choix collectif sur les décisions tandis que les spécifications (3) et (4)
considèrent l'ensemble des données. Pour toutes les spécifications, seuls les choix de loterie de groupe
non contraints sont retenus. Autrement dit, les choix aléatoires de loteries dans le cas où les membres du
11
groupe ne seraient pas arrivés à un accord unanime sur le choix d'une loterie au bout de la cinquième
itération ne sont pas pris en compte.
[Tableau 3]
Les résultats économétriques confirment les résultats observés dans le graphique 1. La variable "proba1"
qui prend la valeur de la probabilité de réalisation du gain élevé a un impact négatif très significatif sur
la probabilité de choisir l’option A. Ce résultat implique que plus la probabilité de percevoir un gain
élevé augmente, plus la probabilité de choisir la loterie la moins risquée diminue. Le tableau 3 confirme
également l’existence d’un effet "groupe" significatif. Les résultats indiquent que les groupes prennent
significativement moins de risque que les individus pris isolément, ce qui est conforme à ceux de
Rockenbach et al. (2005), Bone et al. (1999) et Baker et al. (2004). Une explication possible avancée par
Zajonc et al. (1968) est que l’agrégation des préférences du groupe conduirait à plus de prudence dès
lors que le votant médian est plus prudent que la préférence moyenne du groupe. A l'instar de Baker
(2004), on observe également que la variable "interaction" a un coefficient négatif et très significatif.
Cela signifie que, pour les loteries les plus risquées, la différence d'aversion au risque entre les groupes
et les individus est accentuée. Enfin, les trois dernières spécifications confirment l’existence de ces
effets en considérant l’ensemble des traitements. Certaines variables relatives aux caractéristiques
individuelles sont significatives dans certains traitements mais le message associé à l'effet des variables
contextuelles sur les prises de décisions reste inchangé. Ainsi le coefficient associé à la variable "travail
indépendant" est négatif et significatif, ce qui indique que les travailleurs indépendants seraient plus
risquophiles que les étudiants. Les salariés, quant à eux, ne sont pas significativement différents des
étudiants. Nos résultats montrent également que les femmes seraient plus averses au risque que les
hommes, ce qui rejoint un certain nombre d'études précédentes comme celle de Eckel et Grossman
(2005). En résumé, les résultats montrent bien que la dimension contextuelle de la prise de décision
importe sur le degré d'aversion au risque mais révèlent également une grande hétérogénéité des
préférences individuelles vis-à-vis du risque.
Déterminants des choix collectifs
Cette section a pour objet d’étudier le processus de décision collective afin de comprendre pourquoi
les individus au sein d’une équipe sont incités à prendre moins de risque que lorsqu’ils prennent leurs
décisions seuls. Les graphiques 2a et 2b indiquent, respectivement pour les traitements "équipe" et
"choix", le pourcentage de désaccords observés en fonction de la probabilité d’occurrence du gain
élevé (décision) et de l’itération de vote (de 1 à 5). Les décisions sont numérotées de 1 à 10 en
respectant la numérotation définie dans le tableau 1.
12
[Graphique 2a et 2b]
Les graphiques 2a et 2b montrent qu’il n'existe pas de désaccord lorsque les probabilités associées au
gain élevés sont extrêmes c’est-à-dire soit très faibles (décisions 1 à 3) soit très élevées (décision 10).
Au contraire, la plupart des désaccords sont observés pour les décisions intermédiaires, (les décisions
6, 7 et 8). Ainsi on observe 75% de désaccords en première itération de vote pour la décision 7 dans le
traitement "équipe" (respectivement 65% dans le traitement "choix"). Les graphiques 2a et 2b
montrent également que le niveau de désaccord diminue avec le nombre d’itérations lié au processus
de négociation. Il existe donc une convergence des décisions vers une décision commune au cours des
itérations successives. Si le nombre de désaccords diminue au cours des itérations, on peut
s’interroger sur le résultat de cette convergence vers un accord collectif. Autrement dit, une décision
collective conduit-elle à plus de prudence ou au contraire à une prise de risque plus forte ?
Nos résultats indiquent que le nombre de choix de l’option A passe de 66% en premier vote à 71%
lors de la dernière itération. Comment alors expliquer que le processif collectif de décision conduise
les individus à adopter des décisions plus prudentes vis-à-vis du risque ? Pour répondre à cette
question, nous pouvons étudier les raisons qui conduisent les participants à changer de loterie entre
deux itérations. Le graphique 3 indique la probabilité de changer de loterie entre deux itérations en
fonction du degré d’aversion au risque relativement aux autres membres du groupe. Le premier
intervalle, à gauche du graphique, correspond aux participants qui ont voté pour l’option B tandis que
les 2 autres membres du groupe ont choisi l’option A. Le deuxième intervalle correspond aux
participants qui ont voté pour l’option B tandis qu’un seul des autres participants a voté la loterie B.
Le troisième intervalle correspond au cas où l’individu a choisi l’option A tandis qu’un seul des deux
autres membres du groupe a choisi l’option A également. Enfin, le dernier intervalle correspond au
cas où le participant a choisi l’option A tandis que les deux autres ont choisi l’option B.
[Graphique 3]
Le graphique 3 indique que la probabilité de changer de vote entre deux itérations est fonction de
l’écart entre le vote de l’individu à l'itération précédente et celui des deux autres membres du groupe,
i.e. de l’éloignement par rapport à la moyenne du groupe. Ainsi, on observe dans plus de 50% des cas
qu’un individu qui a choisi l’option B en vote 2 choisit l’option A en vote 3 lorsque les deux autres
avaient choisi A en vote 2. A l’inverse, lorsque l’individu a choisi l’option A en vote 2 alors que les
deux autres membres de son groupe ont choisi l’option B, il changera pour l’option B dans seulement
10% des cas. Le graphique traduit donc une certaine inertie dans les choix lorsqu’il s’agit de glisser
vers une loterie plus risquée. A l’inverse, un individu consent davantage à changer de choix lorsqu’il
s’agit de glisser vers une loterie moins risquée. Le tableau 4 confirme les résultats du graphique 3.
13
[Tableau 4]
Le tableau 4 présente les résultats d'un Probit à effets aléatoires sur la probabilité de changer de
loteries entre deux itérations de vote. La variables "plus risquophile que le groupe" est une variable
dichotomique qui prend la valeur 1 si l’individu a choisi l’option B alors que les autres membres du
groupe ont choisi au moins une fois l’option A et 0 sinon. Le coefficient associé à cette variable, est
interprété par rapport à la variable omise "plus risquophobe que le groupe". Ce coefficient est positif
et significatif, ce qui signifie que la probabilité de changer de vote est plus élevée lorsque l’individu a
choisi de prendre plus de risque que le groupe, c'est-à-dire lorsqu'il avait choisi la loterie B. Ce
résultat confirme le fait que les participants peu averses au risque acceptent de changer de loterie et de
choisir une loterie moins risquée s’ils avaient auparavant choisi l’option B. A l’opposé, les individus
averses au risque sont moins enclins que les autres à faire des concessions, c’est-à-dire à glisser vers
une loterie plus risquée. Ainsi un résultat intéressant est que plus de 65% des conflits en cinquième
vote proviennent du refus d'un participant ayant choisi A de modifier son vote. Autrement dit, les
désaccords sont majoritairement des conflits où deux participants ont choisi B et un troisième a choisi
A et refuse de changer de vote.
Relation entre risque et préférence pour la décision individuelle On observe que la disposition moyenne à payer est de 1,9 unités sur l'ensemble des participants et la
disposition à payer médiane est de 1 unité. Existe-t-il une relation entre le consentement à payer pour
prendre sa décision seul et le niveau d'aversion au risque ? Cette section a pour objet d’étudier la
relation existant entre le montant misé par les participants et leur prise de risque. Cette relation n’est
pas triviale, car deux effets peuvent jouer en sens contraire. En effet, les participants les plus
"prudents" pourraient miser des montants élevés afin de se prémunir de l’incertitude inhérente aux
décisions des autres membres du groupe. A contrario, on peut tout autant soutenir que les participants
les plus risquophiles pourraient miser afin de prendre davantage de risque que le groupe dans la
mesure où le groupe tend à prendre des positions plus prudentes comme l'ont montré les résultats
précédents.
On observe également une relation négative entre aversion au risque et préférence pour la décision
individuelle. Ainsi, plus un individu choisit d’options A, moins il mise un montant élevé pour décider
seul. Ceux qui choisissent 10 fois l’option A sur l’ensemble des traitements misent en moyenne 5,32
unités contre 6,7 unités pour ceux qui n’ont jamais choisi l’option A. Ce résultat est confirmé par le
tableau 5 qui présente les résultats d'un Tobit sur le montant misé avec un point de censure à gauche afin
de tenir compte de la concentration des observations à 0. La variable "aversion au risque" correspond au
14
nombre total d’options A choisies par un individu sur l’ensemble de l’expérience. La variable "vote
aléatoire en t-1" indique si le participant a subi un vote aléatoire à la période précédente. Elle constitue
une indicatrice du niveau de désaccord possible au sein du groupe auquel il appartenait précédemment.
[Tableau 5]
La variable "vote aléatoire en t-1" n’est pas significative, ce qui indique que le fait d’avoir été confronté
à un vote aléatoire en période précédente n’a aucun impact sur le montant misé pour être autonome. Les
résultats du Tobit montrent que le consentement à payer diminue avec l’aversion au risque. Ainsi il
existerait une relation négative entre l'aversion pour le risque et le goût pour l'autonomie. L’introduction
des caractéristiques individuelles nous indique que les hommes enchérissent moins que les femmes. Par
ailleurs, la variable "âge" est positive et significative. Enfin, la variable "travailleur indépendant" est
positive et très significative, indiquant que les travailleurs indépendants sont davantage disposés à payer
afin de pouvoir prendre seuls leurs décisions vis-à-vis du risque.
5. Résumé et conclusions
L’objectif de cette étude expérimentale était de mesurer l’influence de variables contextuelles sur la
prise de risque des individus et de déterminer dans quelle mesure un processus de décision collectif
conduisait à une prise de risque plus ou moins importante de la part du groupe. A partir de la
méthodologie basée sur des choix de loteries proposée par Holt et Laury (2002), nous avons obtenu
une mesure des préférences individuelles et collectives vis-à-vis du risque au sein de populations
variées incluant des travailleurs indépendants et des salariés de secteurs d’activité divers.
Les résultats obtenus ne laissent aucun doute quant à la sensibilité du degré d'aversion au risque par
rapport à différentes variables contextuelles. Ainsi, les résultats expérimentaux montrent que les
participants prennent significativement moins de risque lorsqu’ils sont en groupe que lorsqu'ils
décident seuls dès lors que la décision collective est une décision à l’unanimité avec processus de
négociation à plusieurs itérations. Une explication possible de ce résultat est que les individus plus
risquophiles que la moyenne du groupe sont généralement disposés à changer leur attitude vis-à-vis du
risque en acceptant de prendre moins de risque afin de converger vers une décision commune plus
prudente. Au contraire, les participants plus risquophobes que la moyenne du groupe sont
généralement peu enclins à accroître leur niveau de risque pour arriver à une décision collective
unanime plus risquée. Pour autant, si cela leur est permis, les participants les plus risquophiles sont
ceux qui consentent à payer les montants les plus élevés afin de se soustraire à la "pression" du groupe.
15
Enfin, nos résultats montrent que si le degré d'aversion au risque est influencé par l'environnement, il
reste en grande partie déterminé par les caractéristiques des individus. Ainsi au delà des variables
relatives à l’âge ou au sexe de l’individu, il apparaît que le fait d'être travailleur indépendant a un effet
positif et significatif sur la prise de risque.
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17
Tableau 1: Décisions sur les choix d’options
Tableau 2 : Classification de l’aversion au risque
Option A Option B Proba Gain Proba Gain Proba Gain Proba Gain
10% 40 euro 90% 32 euro 10% 77 euro 90% 2 euro 1 20% 40 euro 80% 32 euro 20% 77 euro 80% 2 euro 2 30% 40 euro 70% 32 euro 30% 77 euro 70% 2 euro 3 40% 40 euro 60% 32 euro 40% 77 euro 60% 2 euro 4 50% 40 euro 50% 32 euro 50% 77 euro 50% 2 euro 5 60% 40 euro 40% 32 euro 60°% 77 euro 40% 2 euro 6 70% 40 euro 30% 32 euro 70% 77 euro 30% 2 euro 7 80% 40 euro 20% 32 euro 80% 77 euro 20% 2 euro 8 90% 40 euro 10% 32 euro 90% 77 euro 10% 2 euro 9
10 100% 2 euros 0% 32 euro 100% 77 euro 0% 2 euro
Nombre de choix non risqués
Classement relatif de l'aversion au risque
1( ) (1 )
rxU x r−
= −
Classement des préférences pour le risque
Trait. "indiv"
Trait. "equipe
Trait. "choix"
0-1 r<-0,95 Fortement « risquophile » - - - 2 -0,95<r<-0,49 Très « risquophile » - - - 3 -0,49<r<-0,15 « risquophile » - 0,02 - 4 -0,15<r<0,15 Neutre au risque 0,11 - - 5 0,15<r<0,41 Assez risquophobe 0,11 0,02 0,04 6 0,41<r<0,68 Risquophobe 0,25 0,23 0,14 7 0,68<r<0,97 Très risquophobe 0,28 0,46 0,46 8 0,97<r<1,37 Fortement risquophobe 0,08 0,22 0,28 9-10 1,37<r Très fortement risquophobe 0,17 0,05 0,08
18
Tableau 3.- Probabilité de choisir l’option A
(Modèle de type Probit)
(1) (3) (4) (6)
Proba -0.057*** -0.058*** -0.058*** -0.060*** (0.004) (0.004) (0.004) (0.004)
4.620*** 3.483*** 6.104*** 4.271*** Groupe (0.755) (0.610) (0.711) (0.529)
-0.058*** -0.043*** -0.076*** -0.053*** Interaction : groupe*proba (0.010) (0.008) (0.009) (0.007)
0.008 0.008 Age (0.012) (0.012) Niveau d'étude 0.123* 0.086 (0.069) (0.065)
-0.320* -0.413** Homme (0.188) (0.187)
-0.618** -0.584* Travailleur indépendant (0.306) (0.302) Salarie -0.241 -0.290 (0.348) (0.346) Constante 4.046*** 3.896*** 4.155*** 4.242*** (0.279) (0.388) (0.264) (0.378) Observations 1401 1440 2079 2079 Nombre d'individus
72 72 72 72
Log vraisemblance -339.05 -362.93 -421.66 -478.66 :
19
Tableau 4.- Changement de loterie dans l’équipe
(1) (2) Constante -.6113***
(.087) -1.085*** (.240)
Plus risquophile que le groupe
.6016** (.2922)
.6244** (.294)
Age .0278 (.0114)
Homme -.1522 (.1436)
Niveau d'étude Travailleur indépt
-.3109 (.2098) -.2310 (.2738)
Salarié -.5209 (.333)
Obs 476 476 Log likelihood -292.323 -289.022 Sigma_u Écart type
.3471 (.1065)
.286 (.117)
Rho Écart type
.1075 (.0588)
.0757 (.0576)
Tableau 5.- Tobit sur le montant misé
(1) (2) Constante 4.766***
(1.6598) 4.736*** ( 1.313)
Aversion pour le risque
-.0897* (.05138)
-.1623*** ( .0383)
Vote aléatoire en t-1 .2011 (.2297)
.5231 (.380)
Age .0438*** (.0149)
Homme -.831** ( .321)
Niveau d'étude Travailleur indpt Salarié
-.0250 ( .179) 1.44*** (.4694) .5350 (.480)
Nb. Obs 720 720 Sigma u 1.8818 2.792 sigma_e 1.4373 2.069 Rho
.631550
.64548
20
Graphique 1 Proportion de choix non risqués à chaque décision
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Décision
Pro
babi
lité
de c
hois
ir A
trait. Individu trait. Collectif trait. Choix Neutralité au risque
Graphique 2a. Evolution des désaccords en fonction de la probabilité (décision) traitement "équipe"
1 2 3 4 5 6 78
910
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
Fré
quen
ce d
e dé
sacc
ord
Décision
vote5 vote4 vote3 vote 2 vote1
21
Graphique 2b. Evolution des désaccords en fonction de la probabilité (décision) traitement
"choix"
12
34
56
78
910
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
Fré
quen
ce d
e dé
sacc
ord
Décision
vote5 vote4 vote3 vote2 vote1
Graphique 3 . Changement de vote selon le degré d’aversion au risque relatif au sein du
groupe
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
Cha
ngem
ent d
e lo
terie
Bcp plus risquophile plus risquophile plus risquophobe bcp plusrisquophobe
Degrée d'aversion au risque relatif
changement entre les itérations 1 et 2 changement entre les itérations 2 et 3
changement entre les itérations 3 et 4 changement entre les itérations4 et 5
22
1 Les travaux dans le domaine de la psychologie sont plus importants, comme le soulignent Shupp et Williams (2003) et comme le prouve la revue extensive de Kerr et al. (1996). 2 Le face-à-face offre l’avantage de calquer au mieux les prises de décision de la vie réelle. Toutefois, ce mode de communication a l’inconvénient de rendre plus difficile le contrôle de l’environnement expérimental. Par ailleurs, il ne respecte pas la condition d’anonymat. Voir, pour plus de précision, les études expérimentales relatives aux effets de la communication et du cheap talk (Hand Book of Experimental Economics). 3 La population étudiante constitue dans cette expérience la population « benchmark ». En effet, la participation des étudiants aux sessions expérimentales est généralement le standard retenu en économie expérimentale et cela pour plusieurs raisons. Toutefois, les expérimentalistes s’accordent généralement pour reconnaître l’intérêt de recourir à d’autres populations dès lors que cela est possible et/ou afin d’étudier des problèmes d'ordre plus spécifique. Ainsi certaines expériences ont été réalisées avec des populations "non étudiantes" afin de répondre à des problématiques particulières (Smith, Suchanek et Williams, 1988 ; Cummings, Harrison et Rutström, 1995 ; Montmarquette, Rullière, Villeval et Zeiliger, 2005 ; Blondel, Lohéac et Rinaudo, 2005). 4 Un partage efficient du risque se fait, d’après Bone (1998), lorsqu'on alloue aux membres du groupe un paiement composé en premier lieu d’une part fixe indépendante des paiements contingents et fonction du coefficient absolu d’aversion au risque et en second lieu d’une part variable fonction du coefficient absolu d’aversion au risque de chaque individu et des paiements contingents aux états de la Nature (voir Bone, 1998, p 314). 5 Contrairement à Rockenbach et al. (2005), Kerr et al. (1996) observent que le choix du groupe tend à être plus risqué que la décision moyenne des membres du groupe. Ainsi, Wallach et al. (1964) avancent l'explication suivante « a presumed tendency of group members to use the group for ‘hiding’ from their responsibility et taking exaggerated risks ». Toutefois, l’ensemble des travaux relatifs aux préférences des groupes versus préférences individuelles montre qu’il n’existe pas de résultat consensuel sur le fait que les groupes seraient plus ou moins averses au risque que les individus. 6 Au préalable, les participants étaient amenés à participer à deux traitements additionnels (qui ne sont pas présentés dans cette étude) visant à répliquer les traitements "gains faibles "et "gains élevés" de Holt et Laury (2002). Dans le premier traitement, appelé "traitement individuel avec gains faibles", les participants devaient prendre dix décisions simultanées, chacune consistant à faire un choix entre deux loteries de niveaux de risque différents. Dans le second traitement, appelé "traitement individuel avec gains élevés", les montants des gains associés aux loteries étaient multipliés par 20. Nos résultats confirment les résultats précédents de Holt et Laury (2002). En effet, ils montrent que le nombre d’options A jouées est plus élevé lorsque les gains associés aux loteries augmentent. L'objet de ce présent article étant l'étude des choix individuels et collectifs, ces traitements ne font pas ici l'objet d'une présentation détaillée. 7 Une autre question suggérée par les travaux de Baker et al. (2004) est la persistance de l’effet "équipe" dans les décisions individuelles subséquentes. En effet, Baker et al. (2004) ont réalisé une expérience en faisant jouer successivement aux mêmes individus un traitement "individuel", un traitement " équipe" et de nouveau un traitement "individuel" (comparaison "within treatments"). Les auteurs s’interrogent alors sur la persistance de l’effet "équipe" sur les décisions prises dans le traitement individuel subséquent. Autrement dit, le fait d’avoir joué en équipe affecte-t-il les comportements lorsque les individus reviennent à un traitement "individuel" ? Baker et al. (2004) observent que le fait d'avoir joué le traitement " équipe" affecte les comportements du dernier traitement. Nous ne disposons pas d’information nous permettant de comparer les décisions dans le traitement individuel avant et après un traitement équipe. Toutefois, une façon d'approximer cet effet est de comparer les choix individuels du traitement "individuel" (avant le traitement "équipe") avec ceux du traitement "choix" (après le traitement équipe) pour les individus qui, ayant remporté l’enchère, jouent en individuel. Pour cela, nous avons réalisé sur ces observations un probit à effets aléatoires sur la probabilité de choisir une option A. La variable indépendante intitulée " a joué en groupe auparavant" est une variable dichotomique indiquant si l’individu a précédemment participé à un traitement "équipe". Le coefficient associé à cette variable est positif (0,421) et significatif à 10% (t=1,67) mais n’est plus significatif (1,62) dès lors que l’on ajoute des variables relatives aux caractéristiques démographiques de l’individu (âge, sexe, niveau d’étude). En résumé, ces résultats ne nous permettent pas de conclure à l’existence d’un effet très significatif du traitement groupe sur les décisions individuelles subséquentes. 8 Pour l’ensemble des traitements, seulement 10 participants sont passé au moins une fois de l’option B à l’option A sans que l’on observe de différences significatives entre les traitements. Toutefois, même pour ces individus, on observe clairement un point de retournement de A vers B.