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Comment réaliser pendant l’épidémie de Covid 19 une IVG médicamenteuse par télémédecine en limitant le recours à l’échographie de datation? Dr Philippe Faucher & Dr Danielle Hassoun (Relu et validé par le CA de REVHO le 21/04/2020) 1) Contexte - La situation épidémique actuelle nous amène à limiter les déplacements et les contacts entre patients et soignants. L’échographie pelvienne de datation habituellement recommandée avant une IVG médicamenteuse peut dans le contexte de la télémédecine ne pas être systématique - En effet de nombreuses études ont montré qu’une IVG médicamenteuse peut se réaliser en toute sécurité sans échographie pelvienne systématique. Néanmoins un examen clinique est pratiqué dans ces études, ce qui est impossible lors d’une consultation par télémédecine - On rappelle aussi que si l’échographie pelvienne est recommandée dans le cadre d’une IVG, elle n’est pas indispensable (Recommandations CNGOF 2016) et ne doit pas retarder la pratique de l’IVG (OMS) 2) Recommandations anglaises et américaines sur l’IVG médicamenteuse en période de Covid 19 Les anglais recommandent de procéder à l’IVG médicamenteuse sans dosage d’HCG plasmatique ni échographie pelvienne sauf dans les cas suivants : Si la femme est incapable de donner une date des dernières règles précise Des antécédents ou des symptômes de grossesse extra utérine : - Douleur pelvienne unilatérale ou métrorragies - DIU en place - Antécédent de GEU - Antécédent de pathologie tubaire ou de ligature de trompes https://www.rcog.org.uk/globalassets/documents/guidelines/2020-04-09-coronavirus-covid-19-infection-and-abortion-care.pdf

une IVG médicamenteuse par télémédecine en …revho.fr/wp-content/uploads/2020/04/IVG-sans-echo-def.pdf6. Dans une revue de la littérature de 2014 sur l’estimation de l’âge

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Comment réaliser pendant l’épidémie de Covid 19

une IVG médicamenteuse par télémédecine en limitant le recours à l’échographie de datation?

Dr Philippe Faucher & Dr Danielle Hassoun (Relu et validé par le CA de REVHO le 21/04/2020)

1) Contexte

- La situation épidémique actuelle nous amène à limiter les déplacements et les contacts entre

patients et soignants. L’échographie pelvienne de datation habituellement recommandée

avant une IVG médicamenteuse peut dans le contexte de la télémédecine ne pas être

systématique

- En effet de nombreuses études ont montré qu’une IVG médicamenteuse peut se réaliser en

toute sécurité sans échographie pelvienne systématique. Néanmoins un examen clinique est

pratiqué dans ces études, ce qui est impossible lors d’une consultation par télémédecine

- On rappelle aussi que si l’échographie pelvienne est recommandée dans le cadre d’une IVG,

elle n’est pas indispensable (Recommandations CNGOF 2016) et ne doit pas retarder la

pratique de l’IVG (OMS)

2) Recommandations anglaises et américaines sur l’IVG médicamenteuse en période de Covid

19

Les anglais recommandent de procéder à l’IVG médicamenteuse sans dosage d’HCG

plasmatique ni échographie pelvienne sauf dans les cas suivants :

Si la femme est incapable de donner une date des dernières règles précise

Des antécédents ou des symptômes de grossesse extra utérine :

- Douleur pelvienne unilatérale ou métrorragies

- DIU en place

- Antécédent de GEU

- Antécédent de pathologie tubaire ou de ligature de trompes

https://www.rcog.org.uk/globalassets/documents/guidelines/2020-04-09-coronavirus-covid-19-infection-and-abortion-care.pdf

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Les américains proposent de faire une IVG médicamenteuse sans dosage d’HCG, sans

échographie pelvienne et sans examen clinique dans les cas suivants :

Date des dernières règles inférieure à 10 SA

Certitude la DDR à plus ou moins une semaine

Absence d’un des signes suivants :

- Métrorragie ou spotting depuis une semaine

- Douleur pelvienne unilatérale ou bilatérale depuis une semaine

- Antécédent de GEU

- ATCD de ligature de trompes ou de chirurgie tubaire

- DIU en place

NB : Par ailleurs des consignes strictes sont données par écrit à la femme pour savoir quand

consulter en cas lors du déroulement de l’avortement ; ces consignes comprennent les

recommandations classiques (signes d’hémorragie ou d’infection) mais également des signes

évoquant la rupture d’une grossesse extra utérine.

https://www.contraceptionjournal.org/article/S0010-7824(20)30108-6/fulltext

3) Recommandations dans le contexte français

Le contexte français se caractérise par :

- L’autorisation de faire des IVG médicamenteuse jusqu’à 9 SA par télémédecine sans

consultation présentielle (décret du 14 avril 2020)

- Les recommandations du CNGOF sur l’IVGM en période COVID simplifient la procédure mais

recommandent une consultation présentielle avec quand c’est possible une échographie de

datation (mars 2020)

- L’absence d’expérience de la pratique de l’IVG médicamenteuse par télémédecine

- La difficulté d’accès à l’échographie de datation dans certains territoires

- L’absence de développement en routine du test urinaire de faible sensibilité pour suivre

l’efficacité de l’avortement médicamenteux

C’est pourquoi nous proposons une conduite plus sécurisée qui permettra de rassurer les

professionnels dans leur pratique. La limitation à 7 SA avec une DDR précise et par un dosage des

HCG pour une IVG en télémédecine et sans échographie préalable permet d’éviter d’administrer les

médicaments à une femme dont le terme est supérieur à 9SA et pour laquelle le protocole

administré sera moins efficace. Le contrôle précoce de la chute du taux des HCG plasmatiques

permet de diagnostiquer précocement une éventuelle GEU méconnue (stagnation du taux d’HCG) et

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d’éliminer une grossesse évolutive intra utérine persistante. Le rôle de l’échographie de datation à

partir de7 SA est donc essentiellement de vérifier que le terme est bien inférieur à 9 SA.

Conditions pour faire une IVG médicamenteuse

par télémédecine sans échographie de datation

- Date des dernières règles inférieure à 7 SA

- Patiente certaine de la DDR à plus ou moins une semaine

- Dosage des HCG inférieur à 70 000 UI

- Absence d’un des signes suivants :

• Métrorragie ou spotting depuis une semaine

• Douleur pelvienne unilatérale ou bilatérale depuis une semaine

• Antécédent de GEU

• ATCD de ligature de trompes ou de chirurgie tubaire

• DIU en place

Par ailleurs :

- Un dosage d’HCG plasmatique doit être pratiqué au bout de 7 jours afin de

confirmer une décroissance de 90 % du taux d’HCG

- Une feuille d’information doit être remise précisant les signes cliniques invitants la

femme à consulter rapidement (voir un modèle en fin de ce document)

Quand doit-on impérativement demander une échographie avant de faire une IVG

médicamenteuse ?

- La DDR est supérieure à 7 SA

- La femme n’est pas certaine de la DDR à une semaine près

- Le taux d’HCG est supérieur à 70 000 UI

- Il existe un des signes suivants :

Métrorragie ou spotting depuis une semaine

Douleur pelvienne unilatérale ou bilatérale depuis une semaine

Antécédent de GEU

ATCD de ligature de trompes ou de chirurgie tubaire

DIU en place

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Si une échographie de datation a été réalisée, le suivi de l’efficacité de la méthode se

fera de préférence 15 jours après par autotest urinaire ou par dosage plasmatique

d’HCG. En effet la GEU ayant été éliminée par l’échographie, un taux inférieur à 1000 UI

signera le succès de l’avortement. La prescription d’une échographie de contrôle de la

cavité utérine n’est pas recommandée

4) Références et extraits de la bibliographie validant ces propositions

1. La rupture d’une grossesse extra utérine méconnue (cornuale, tubaire ou abdominale) ou associée à une grossesse intra utérine ( grossesse hétérotopique) est une cause possible mais exceptionnelle de syndrome hémorragique pendant ou dans les suites d’une IVG médicamenteuse ou instrumentale. White K, Carroll E, Grossman D. Complications from first-trimester aspiration abortion: a systematic review of the literatureContraception. 2015 Nov;92(5):422-38

2. Dans le cadre de l’IVG médicamenteuse, une revue de littérature conduite en 2004 montre dans les études publiées une fréquence de 2 GEU pour 10 000 IVG médicamenteuses Shannon C, Brothers LP, Philip NM, Winikoff B. Ectopic pregnancy and medical abortion Obstet Gynecol. 2004 Jul;104(1):161-7

3. Aux USA une revue de 233 805 IVG pratiquées en 2009-2010 dans les centres d’orthogénie montre une incidence de 7 GEU non di agnostiquées avant la prise des médicaments pour 100 000 IVG (dont 1 cas mortel ) Cleland K, Creinin MD, Nucatola D, Nshom M, Trussell J. Significant adverse events and outcomes after medical abortionObstet Gynecol. 2013 Jan;121(1):166-71

4. Aux États-Unis, dans une étude plus récente sur plus de 4000 femmes bénéficiant d’une IVG médicamenteuse, une équipe a comparé l’évaluation de l’âge gestationnel sur la DDR, par l’examen clinique et avec l’échographie (9). Le critère de jugement principal était la proportion de femmes avec un terme estimé ≤ 9 SA sur l’évaluation de la date des dernières règles combinée à l’estimation clinique, mais dont l’âge gestationnel mesuré à l’échographie était > 9 SA. Cette discordance de terme était retrouvée chez seulement 1,6 %des femmes. Pour les auteurs, l’étude de la DDR et l’examen physique seul, sans l’utilisation systématique de l’échographie, apparaissaient donc efficaces pour la détermination de l’admissibilité des femmes à une IVG médicamenteuse Bracken H, Clark W, Lichtenberg ES, Schweikert SM, Tanen-haus J, Barajas A, et al. Alternatives to routine ultrasoundfor eligibility assessment prior to early termination ofpregnancy with mifepristone-misoprostol. BJOG Int J Obs-tet Gynaecol 2011;118:17—23

5. Dans une étude multicentrique, prospective respectivement menée en Inde et aux États-Unis, 97,7 % des femmes à Atlanta et 86,5 % sur à Pune (Inde) pouvaient donner une estimation de l’âge gestationnel de leur grossesse. La plupart (85,4 % à Atlanta ; 93,6 % à Pune) de ces estimations étaient comparables à celles réalisées par les cliniciens (à plus ou moins 2 semaines) Au vu de ces résultats, les auteurs concluaient que les femmes pouvaient sans intervention médicale donner une estimation du terme de leur grossesse rendant l’avortement non médicalisé possible avec des conditions de sécurité satisfaisantes Ellertson C, Elul B, Ambardekar S, Wood L, Carroll J, Coyaji K.Accuracy of assessment of pregnancy duration by women see-king early abortions. Lancet 2000;355:877—81

6. Dans une revue de la littérature de 2014 sur l’estimation de l’âge gestationnel en vue d’une IVG, Schonberg et al. ont identifié 318 articles dont 5 présentaient une méthodologie satisfaisante. Les femmes connaissaient la date de leur DDR dans 90,5 à 99,1 % des cas. Le nombre de femmes sous-estimant leur grossesse était de 1,8 à 14,8 % avec des taux plus bas pour les grossesses plus précoces (inférieure à 9 SA). Schonberg D, Wang L-F, Bennett AH, Gold M, Jackson E. Theaccuracy of using last menstrual period to determine gestatio-nal age for first trimester medication abortion: a systematicreview. Contraception 2014;90:480—7

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7. Si la réalisation d’une échographie de datation doit être encouragée, pour les femmes déclarant bien connaître la date de leurs dernières règles et/ou la date du rapport sexuel à risque, et pour lesquelles un examen clinique par un professionnel de santé formé est possible, l’absence d’accès à l’échographie de routine ne devrait donc pas être un frein à la programmation de l’IVG demandée (accord professionnel). En cas de grossesse intra-utérine d’évolutivité incertaine, ou de grossesse de localisation indéterminée, sans symptômesparticuliers, la patiente doit pouvoir bénéficier de la réalisation d’une échographie endova-ginale pour augmenter la précision du diagnostic (grade B) Wylomanski S, Winer N. Quelle place pour l’échographie dans la pratique de l’IVG ? J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016) Dec;45(10):1477-1489.

8. Les valeurs « cut-off » d’HCG plasmatiques pour une gestation de 42 et 49 jours étaient de 23 745 mUI / ml (sensibilité, 96%; spécificité, 91%; valeur prédictive positive, 68%; valeur prédictive négative, 99%) et 71 160 mUI / mL (sensibilité, 95%; spécificité, 62%; valeur prédictive positive, 76%; valeur prédictive négative, 91%), respectivement. Creinin et al Accuracy of serum beta-human chorionic gonadotropin cutoff values at 42 and 49 days' gestation Am J Obstet Gynecol. 2001 Oct;185(4):966-9

9. Etude sur 59 femmes. La gestation moyenne au jour 1 était de 49 jours et l'hCG de base moyenne était de 72 332 UI. Cinquante-sept sujets (97%) ont subi un avortement médicamenteux complet sans autre intervention. Le déclin moyen de l'hCG sérique chez les sujets ayant subi un avortement médicamenteux complet était de 70,0 ± 10,6% [intervalle 36,9-98,6%] le jour 3 et 91,4 ± 4,4% [intervalle 68,4-97,7%] le jour 5. .Pocius KD, Bartz D, Maurer R, Stenquist A, Fortin J, Goldberg AB.Serum human chorionic gonadotropin (hCG) trend within the first few days after medical abortion: a prospective study.Contraception. 2017 Mar;95(3):263-268

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5) Exemple de feuille d’information à envoyer à la patiente

Appelez votre médecin/sage femme si vous avez l'un des éléments suivants:

• Vous vomissez dans les 15 premières minutes après avoir pris de la mifépristone.

• Vous avez une fièvre de 38° plus de 24 heures après avoir pris le misoprostol.

• Une semaine après avoir pris du misoprostol, vous présentez l'un des symptômes suivants:

- Vous n'avez pas eu de crampes et de saignements plus longs que vos règles

- Votre saignement ne devient pas plus léger

- Vous n'avez pas l'impression d'avoir expulsé la grossesse

- Vous ne sentez pas que vos symptômes de grossesse (comme les nausées et la sensibilité des seins)

disparaissent

• À tout moment, vous présentez un des symptômes suivants:

- Une augmentation de la douleur / des crampes ou des saignements plus de 24 heures après la prise de

misoprostol

- Douleur ou crampes intenses qui ne s'améliorent pas avec des analgésiques, du repos ou une bouillotte

- Assez de saignement pour imprégner 2 maxi serviettes par heure pendant plus de 2 heures

- Expulser des caillots de sang plus gros qu'un citron pendant plus de 2 heures

- Vertiges ou vomissements durant plus de 2 heures.

- Faiblesse, nausée ou diarrhée durant plus de 24 heures

Faites un dosage plasmatique d’HCG (prise de sang)

5 à 7 jours après la prise des médicaments

et communiquer le résultat à votre médecin/ sage femme