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Diagnostic pas à pas Images en Dermatologie • Vol. I • n° 3 • juillet-août-septembre 2008 92 Vésicules • Pustules • Nou- veau-né. Vesicles • Pustules • Neonate. Légendes Figures 1 et 2. Éruption diffuse constituée de lésions vésiculeuses ombiliquées évoluant vers des pustules et des croûtes. Cas clinique Une éruption vésiculo-pustuleuse du nouveau-né A newborn girl with vesicles and pustules S. Barbarot (Service de dermatologie, CHU de Nantes) U n nouveau-né de sexe féminin âgé de 18 jours est adressé par le médecin généraliste pour une éruption cutanée vésiculo-pustuleuse diffuse. Les lésions ont débuté au deuxième jour de vie. Il s’agit de vésicules sur une peau saine. Certaines lésions sont ombiliquées. Les vésicules évoluent en quelques jours vers des pustules puis vers des croûtes jaunes. Il existe également quelques éléments micropapuleux érythémateux (figures 1 et 2). Les lésions touchent le tronc et le cuir chevelu. Il n’y a pas de lésions dans les plis. Le nouveau-né est en bon état général, apyrétique, sans adénopathie ni organomégalie. Il s’agit du premier enfant d’un couple sans antécédents familiaux. La grossesse s’est bien passée. Le nouveau-né est né à terme (40 SA, 3 105 g). Il n’y a pas de signe d’infection materno-fœtale en dehors de plusieurs épisodes de candidose vaginale pendant la grossesse. La mère n’a jamais eu la varicelle. Étape 1 : reconnaître une dermatose pustuleuse bénigne transitoire Cette première étape est uniquement clinique. Trois diagnostics sont possibles. L’érythème toxique néonatal est une éruption très fréquente qui survient au cours des 4 premiers jours de vie. Il s’agit le plus souvent de papules érythémateuses urticariennes d’une taille de 1 à 3 cm, nombreuses, diffuses, épargnant les paumes et les plantes, dispa- raissant spontanément en 4 jours. Les lésions sont parfois pustuleuses (30 % des cas). Rarement, l’éruption apparaît tardivement, après 10 jours de vie, et peut être récurrente jusqu’à 6 semaines de vie. L’érythème toxique semble plus fréquent chez le nouveau-né mature et à partir de la deuxième grossesse. L’état général est toujours conservé. La pustulose mélanique transitoire est considérée le plus souvent comme une forme clinique d’érythème toxique, plus fréquente chez les nouveau-nés à peau noire. Cliniquement, il s’agit d’une éruption pustuleuse localisée surtout au tronc et aux fesses évoluant en quelques jours vers une pigmentation maculeuse persistant quel- ques semaines, recouverte d’une squame facilement détachable. Le début est très précoce, souvent dès la naissance. La pustulose céphalique bénigne transitoire : Bien que d’origine fongique, cette éruption est classée dans les dermatoses bénignes transitoires. Elle apparaît après 7 jours de vie. Elle est monomorphe, constituée de pustules de petite taille non folli- culaires sur base érythémateuse siégeant sur la face, parfois sur le cuir chevelu et la partie haute du thorax. Cette affection, probablement assez fréquente, était autre- fois confondue avec les autres pustuloses néonatales transitoires (érythème toxique, pustuloses éosinophiliques du cuir chevelu, miliaires) ou décrite comme une forme clinique d’acné néonatale, cependant il n’existe ni comédon ni microkyste. L’iden- tification de levures de type Malassezia furfur ou Malassezia sympodialis dans les pustules et l’efficacité habituelle du traitement antifongique local (imidazolé ou ciclo- piroxolamine) suggère que cette dermatose est d’origine mycosique. Référence bibliographique Minkov M, Prosch H, Steiner M et al. Lange- 1. rhans cell histiocytosis in neonates. Pediatr Blood Cancer 2005;45(6):802-7. Synthèse de l’étape 1 – Arguments pour une dermatose bénigne transitoire : état général conservé ; – Arguments contre une dermatose bénigne transitoire : durée de l’éruption, absence de lésions urticariennes, présence de vésicules ombiliquées et de croûtes. Le diagnostic n’est pas établi lors de l’étape 1, il est donc nécessaire de passer à la deuxième étape.

Une éruption vésiculo-pustuleuse du nouveau-né · Diagnostic pas à pas Images en Dermatologie † Vol. I † n° 3 † juillet-août-septembre 2008 93 1 2 Éruption vésiculo-pustuleuse

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Diagnostic pas à pas

Images en Dermatologie • Vol. I • n° 3 • juillet-août-septembre 200892

Vésicules • Pustules • Nou-veau-né.

Vesicles • Pustules • Neonate.

Légendes

Figures 1 et 2. Éruption diff use constituée de lésions vésiculeuses ombiliquées évoluant vers des pustules et des croûtes.

Cas clinique

Une éruption vésiculo-pustuleusedu nouveau-néA newborn girl with vesicles and pustulesS. Barbarot (Service de dermatologie, CHU de Nantes)

U n nouveau-né de sexe féminin âgé de 18 jours est adressé par le médecin généraliste pour une éruption cutanée vésiculo-pustuleuse diff use. Les

lésions ont débuté au deuxième jour de vie. Il s’agit de vésicules sur une peau saine. Certaines lésions sont ombiliquées. Les vésicules évoluent en quelques jours vers des pustules puis vers des croûtes jaunes. Il existe également quelques éléments micropapuleux érythémateux (fi gures 1 et 2). Les lésions touchent le tronc et le cuir chevelu. Il n’y a pas de lésions dans les plis. Le nouveau-né est en bon état général, apyrétique, sans adénopathie ni organomégalie.Il s’agit du premier enfant d’un couple sans antécédents familiaux. La grossesse s’est bien passée. Le nouveau-né est né à terme (40 SA, 3 105 g). Il n’y a pas de signe d’infection materno-fœtale en dehors de plusieurs épisodes de candidose vaginale pendant la grossesse. La mère n’a jamais eu la varicelle.

Étape 1 : reconnaître une dermatose pustuleuse bénignetransitoire

Cette première étape est uniquement clinique. Trois diagnostics sont possibles.L’érythème toxique néonatal • est une éruption très fréquente qui survient au cours des

4 premiers jours de vie. Il s’agit le plus souvent de papules érythémateuses urticariennes d’une taille de 1 à 3 cm, nombreuses, diffuses, épargnant les paumes et les plantes, dispa-raissant spontanément en 4 jours. Les lésions sont parfois pustuleuses (30 % des cas). Rarement, l’éruption apparaît tardivement, après 10 jours de vie, et peut être récurrente jusqu’à 6 semaines de vie. L’érythème toxique semble plus fréquent chez le nouveau-né mature et à partir de la deuxième grossesse. L’état général est toujours conservé.

La pustulose mélanique transitoire • est considérée le plus souvent comme une forme clinique d’érythème toxique, plus fréquente chez les nouveau-nés à peau noire. Cliniquement, il s’agit d’une éruption pustuleuse localisée surtout au tronc et aux fesses évoluant en quelques jours vers une pigmentation maculeuse persistant quel-ques semaines, recouverte d’une squame facilement détachable. Le début est très précoce, souvent dès la naissance.

La pustulose céphalique bénigne transitoire • : Bien que d’origine fongique, cette éruption est classée dans les dermatoses bénignes transitoires. Elle apparaît après 7 jours de vie. Elle est monomorphe, constituée de pustules de petite taille non folli-culaires sur base érythémateuse siégeant sur la face, parfois sur le cuir chevelu et la partie haute du thorax. Cette affection, probablement assez fréquente, était autre-fois confondue avec les autres pustuloses néonatales transitoires (érythème toxique, pustuloses éosinophiliques du cuir chevelu, miliaires) ou décrite comme une forme clinique d’acné néonatale, cependant il n’existe ni comédon ni microkyste. L’iden-tifi cation de levures de type Malassezia furfur ou Malassezia sympodialis dans les pustules et l’effi cacité habituelle du traitement antifongique local (imidazolé ou ciclo-piroxolamine) suggère que cette dermatose est d’origine mycosique.

Référence bibliographique

Minkov M, Prosch H, Steiner M et al. Lange-1. rhans cell histiocytosis in neonates. Pediatr Blood Cancer 2005;45(6):802-7.

Synthèse de l’étape 1 ▶– Arguments pour une dermatose bénigne transitoire : état général conservé ;– Arguments contre une dermatose bénigne transitoire : durée de l’éruption, absence de lésions urticariennes, présence de vésicules ombiliquées et de croûtes.Le diagnostic n’est pas établi lors de l’étape 1, il est donc nécessaire de passer à la deuxième étape.

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Éruption vésiculo-pustuleuse du nouveau-né

Étape 1 : reconnaître une dermatose pustuleuse bénigne transitoire

Étape 3 : évoquer une pustulose non infectieuse rare

Étape 2 : rechercher une cause infectieuse

Examen clinique

Biopsie cutanée

Prélèvements– virologiques– bactériologiques– mycologiques

• Érythème toxique néonatal • Pustulose mélanique transitoire • Pustulose céphalique bénigne transitoire

• Histiocytose langheransienne • Génodermatose – Incontinentia pigmenti – Syndrome HyperIgE

• Infection herpétique • Varicelle néonatale • Septicémie bactérienne • Syphilis congénitale • Impétigo néonatal • Candidose

Cas clinique

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Cas clinique

Étape 2 : rechercher une cause infectieuse

Les causes infectieuses doivent être rapidement et activement recherchées devant une éruption pustuleuse du nouveau-né en raison de leur fréquence et de leur gravité potentielle. Les prélèvements adéquats doivent être réalisés et un traitement anti-biotique ou antiviral doit être instauré au moindre doute. Par ordre de gravité, on doit éliminer différents diagnostics.

Une infection herpétique •

L’herpès néonatal est rare mais grave du fait des complications neurologiques et viscérales possibles. La contamination, due à HSV-2 dans deux tiers des cas, est le plus souvent liée à un contact direct avec les muqueuses maternelles lors de l’accou-chement. Le risque est plus élevé en cas de primo-infection maternelle, symptoma-tique ou non, dans le mois précédant l’accouchement. La contamination fœtale peut plus rarement être due à une transmission transplacentaire du virus au cours d’une primo-infection maternelle avec virémie, ou à une transmission postnatale, parfois nosocomiale. Dans les deux tiers des cas d’herpès néonatal, aucune infection herpé-tique génitale maternelle n’est retrouvée. Les signes cutanés apparaissent à partir du cinquième jour de vie, il s’agit de vési-cules ou de pustules regroupées en bouquet. Les signes extracutanés doivent être recherchés activement car ils conditionnent le pronostic : signes neurologiques (méningo-encéphalite), ophtalmologiques (kérato-conjonctivite) et hépatiques. Les formes cutanéo-muqueuses pures ont un bon pronostic.Le diagnostic est confi rmé par la recherche d’antigènes d’HSV par immunofl uores-cence sur les prélèvements cutanés (réponse en quelques heures) et par culture virale. Les sérologies n’ont pas d’intérêt. Des prélèvements viraux ophtalmologiques et pharyngés sont réalisés systématiquement à 48 et 72 heures. Le traitement antiviral doit être précoce, instauré au moindre doute, sans attendre les résultats des prélèvements. L’acyclovir est administré par voie intraveineuse à la dose de 60 mg/kg/j pendant 14 jours pour une forme cutanéo-muqueuse localisée. Si l’évolution et les résultats du bilan virologique infi rment le diagnostic, le traitement est interrompu. Les nouveau-nés doivent être surveillés étroitement dans les mois qui suivent l’infection, et il faut rechercher des signes de rechute.

Une varicelle néonatale •

Elle est due à une primo-infection fœtale à VZV acquise le plus souvent au cours d’une varicelle maternelle après 20 semaines d’aménorrhée. Le délai d’incubation est de 15 jours. Le tableau clinique peut être grave en cas de contamination périnatale (de 5 jours avant l’accouchement jusqu’à 48 heures de vie) associant broncho-pneumopa-thie, méningo-encéphalite et hépatite. La varicelle postnatale est moins sévère ; elle survient entre le 10e et le 28e jour de vie. Les lésions cutanées sont des papules érythémateuses diffuses évoluant vers des vésiculo-pustules à centre ombiliqué. Il existe des éléments d’âges différents. Le diagnostic est confi rmé par la recherche d’antigènes viraux par immunofl uorescence sur prélèvement cutané. Le traitement doit être administré précocement, par voie intraveineuse : acyclovir, à la dose de 20 mg/kg toutes les 8 heures. Il est recom-mandé de traiter le nouveau-né systématiquement en cas de varicelle maternelle apparue entre 5 jours avant l’accouchement et 48 heures après l’accouchement.

Une septicémie bactérienne •

– Septicémie à Listeria monocytogenesL’incidence des infections néonatales à Listeria est actuellement de 1 %. Listeria monocytogenes est un bacille Gram positif aérobie présent dans les viandes ou certains fromages à pâte crue contaminés. Les signes cliniques de l’infection mater-nelle sont peu spécifi ques : syndrome pseudo-grippal, éruption cutanée fugace. Les cas sont le plus souvent sporadiques mais de petites épidémies sont possibles. Sur le

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Cas clinique

plan dermatologique, le diagnostic d’infection néonatale à Listeria monocytogenes est évoqué devant l’apparition de maculopapules parfois purpuriques puis de pustules de petite taille sur base érythémateuse, diffuses, dans le contexte d’une infection materno-fœtale plus ou moins grave. Les lésions peuvent apparaître plusieurs jours après la naissance en cas de contamination materno-fœtale tardive, compte tenu du délai d’incubation (environ 3 semaines). Un prélèvement bactériologique sur le contenu d’une pustule met en évidence le germe à l’examen direct. L’antibiothérapie (amoxicilline et aminoside) par voie intraveineuse doit être instaurée d’urgence.

– Septicémie à streptocoque BLes septicémies à streptocoque B sont souvent responsables d’un sepsis sévère chez le nouveau-né.

Une syphilis congénitale •

La syphilis congénitale est due à une contamination transplacentaire par Treponema pallidum à partir du quatrième mois de grossesse. La contamination pernatale à partir d’un chancre génital maternel est rare. Les lésions cutanées, comme chez l’adulte, sont polymorphes. Des vésicules ou des bulles palmo-plantaires sont évocatrices, associées à un coryza purulent, des lésions papuleuses du tronc, des fi ssures péri-buccales. Les signes extracutanés sont une hépato-splénomégalie, un décollement épiphysaire des os longs et des signes neurologiques. Le diagnostic est confi rmé par la sérologie, en particulier le FTA-Abs IgM. En cas de doute sur l’interprétation de la sérologie, il est préférable de traiter le nouveau-né par pénicilline. L’augmentation récente de l’incidence de la syphilis en Europe doit conduire à une vigilance accrue en termes de dépistage et de traitement précoce des femmes enceintes atteintes.

Un impétigo néonatal •

L’impétigo néonatal est une dermo-épidermite aiguë bactérienne non immunisante et très contagieuse due à Staphylococcus aureus. La co-infection par le streptocoque A β-hémolytique semble moins fréquente chez le nouveau-né que chez le nourrisson et l’enfant. Les infections staphylococciques sont souvent nosocomiales.Le diagnostic doit être évoqué devant une éruption pustuleuse ou bulleuse néo natale. Les pustules siègent sur une base érythémateuse et peuvent se regrouper. Elles évoluent vers des croûtes méllicériques avant la guérison sous traitement, sans séquelle. Les bulles peuvent s’associer aux pustules ou être isolées. Elles sont fragiles (certains groupes phagiques de Staphylococcus aureus, essentiellement groupe II, isotypes 55 et 71, produisent des toxines exfoliantes capables d’induire un clivage intraé-pidermique), facilement rompues par le moindre traumatisme et évoluent rapidement vers une érosion postbulleuse recouverte d’une croûte. Les localisations préférentielles de l’impétigo néonatal sont les plis, la région du siège, la région péribuccale et la région périombilicale. L’état général est conservé. On doit systématiquement rechercher un foyer infectieux locorégional (omphalite, conjonctivite) ou général (ORL, pulmonaire, osseux). La diffusion des toxines exfoliantes à distance du foyer infectieux initial, par voie hématogène, explique l’extension rapide des bulles au cours de l’impétigo néonatal, réalisant au maximum le tableau d’épidermolyse aiguë staphylococcique.L’examen direct et la mise en culture du contenu d’une pustule ou d’une bulle permettent souvent de confi rmer le diagnostic par la mise en évidence de Staphylococcus aureus. Une antibiothérapie locale (mupirocine ou acide fucidique, x 2/ j pendant 8 jours) n’est indiquée qu’en cas de lésions localisées et sous surveillance stricte des critères de guérison. Dans tous les autres cas et chez le prématuré, une antibiothérapie générale probabiliste active sur les cocci Gram positif (β-lactamines de type oxacilline, macrolides ou vancomycine en fonction de l’antibiogramme) est indiquée pour une durée de 7 jours.

Une candidose •

Candida albicans est responsable de 90 % des infections mycosiques néonatales. La contamination est le plus souvent materno-foetale prénatale (par voie ascendante

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Cas clinique

à partir d’un foyer vaginal ou, rarement, par voie hématogène transplacentaire), per natale ou postnatale. Elle est parfois nosocomiale, particulièrement chez les prématurés. On décrit 2 formes cliniques différentes chez le nouveau-né à terme.

– Candidose néonatale localiséeIl s’agit de la forme la plus fréquente et la moins grave. La contamination est per natale ou postnatale. Les lésions apparaissent entre 7 et 15 jours de vie sous forme d’un muguet buccal et d’une dermite périanale érythémateuse pour s’étendre secondairement aux plis inguinaux et axillaires et parfois à la région périombilicale. Des pustules de petite taille sont souvent observées en périphérie des lésions. Le diagnostic est confi rmé par l’examen direct du contenu d’une pustule et la mise en culture sur milieu de Sabouraud. Le traitement est local : imidazolés topiques ou cyclopyroxolamine pendant 2 semaines, souvent associés à un traitement digestif de type nystatine (40 000 UI/ kg x 3/ j pendant 21 jours).

– Candidose congénitaleLe mode de transmission est ici prénatal. L’éruption cutanée est inconstante, elle débute dès la naissance par des macules érythémateuses évoluant vers des vésiculo-pustules touchant le tronc, les paumes et les plantes et parfois les ongles avec périonyxis associé. La région du siège et les muqueuses sont souvent épargnées. Le pronostic dépend des atteintes viscérales associées : neurologique (20 à 60 % des cas), rénale (50 % des cas), rétinienne (25 à 50 % des cas), pulmonaire (25 % des cas). Les facteurs de risque de candi-dose disséminée sont la prématurité, la présence d’un corps étranger intra-utérin, une antibiothérapie à large spectre, une corticothérapie maternelle ou fœtale, l’utilisation de sondes endotrachéales ou de cathéters centraux. Certains signes biologiques sont évoca-teurs : hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles > 30 000/mm3 avec myélémie, thrombopénie, CRP normale. Le traitement est urgent et repose sur l’amphotéricine B par voie intraveineuse associée au 5-fl uorocytosine relayé par le fl uconazole seul.

Étape 3 : évoquer une pustulose non infectieuse rare

Cette étape nécessite une biopsie cutanée. Deux groupes de causes possibles doivent être évoqués à ce stade.

Une histiocytose langheransienne •

Le pronostic des histiocytoses langerhansiennes de l’enfant dépend du nombre d’ organes atteints par la prolifération clonale. Les formes néonatales localisées à la peau sont d’excellent pronostic car l’involution spontanée des lésions est fréquente (1).

Synthèse de l’étape 2 ▶Le nouveau-né est hospitalisé aux urgences. Les paramètres vitaux sont normaux. Le bilan biologique ne retrouve pas de signes de sepsis bactérien (hémoculture négative, paramètres infl ammatoires normaux ; hémogramme, fonction rénale, bilan de coagulation, glycémie et bilan hépatique normaux). Une ponction lombaire et un prélèvement urinaire sont réalisés. On demande également des prélèvements bactériologiques et virologiques recto-vaginaux chez la mère. L’absence d’antécé-dent de varicelle chez la mère et le tableau clinique font suspecter une varicelle néonatale ou une infection herpétique. On réalise alors des prélèvements viraux (HSV, VZV) par frottis d’une vésicule pour immunofl uorescence directe et un trai-tement par acyclovir i.v. est entrepris. Des prélèvements bactériologiques et myco-logiques sont également effectués sur le contenu d’une pustule. On décide de commencer une antibiothérapie probabiliste par voie i.v. malgré l’absence de signes infectieux (amoxicilline, gentamycine). Vingt-quatre heures après l’admission, les prélèvements viraux, bactériologiques et mycologiques sont négatifs chez l’enfant et la mère. Le nouveau-né est toujours en excellent état général. Il est décidé d’in-terrompre les traitements antiviraux et antibiotiques. Le diagnostic n’est toujours pas établi, il est donc nécessaire de passer à la troisième étape.

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Cas clinique

– L’histiocytose congénitale de Hashimoto-Pritzker (forme cutanée auto-involutive). Le tableau clinique est polymorphe : il s’agit souvent de multiples papulo-nodules rouge sombre prédominant sur la partie supérieure du corps apparaissant dans les premiers jours de vie et évoluant en quelques semaines vers l’ombilication et la nécrose, puis la disparition spontanée. Des lésions vésiculo-pustuleuses sont souvent associées. Aucun traitement n’est nécessaire. Les cellules de l’infi ltrat expriment les marqueurs des cellules langerhansiennes (protéine S100, CD1a), et la microscopie électronique retrouve des granules de Birbeck : ces caractéristiques ne permettent pas d’éliminer une prolifération histiocytaire langerhansienne maligne de type maladie de Letterer-Siwe localisée : le diagnostic de certitude ne peut donc être posé qu’après la disparition complète des lésions, et la surveillance clinique doit être prolongée chez ces enfants. – La maladie de Letterer-Siwe, ou histiocytose langheransienne disséminée, est une affection maligne caractérisée cliniquement par des intertrigos chroniques érosifs et un aspect de dermite séborrhéique atypique du cuir chevelu. La lésion élémentaire est une petite papule kératosique brun clair, parfois purpurique : le diagnostic repose sur l’immunomarquage de l’infi ltrat cellulaire cutané et impose un bilan d’extension à la recherche de localisations viscérales qui conditionneront le pronostic. Rare chez le nouveau-né, elle touche plus souvent le nourrisson.

Une génodermatose •

– L’incontinentia pigmenti

L’incontinentia pigmenti (IP) est une affection génétique de transmission autoso-mique dominante liée à l’X due à des mutations du gène NEMO. L’IP touche presque exclusivement les fi lles. Le phénotype est variable selon les individus, associant des manifestations cutanées fréquentes et précoces à des anomalies neurologiques, ophtalmologiques, stomatologiques et squelettiques. Les lésions cutanées apparais-sent le plus souvent au cours des 15 premiers jours de vie. Il s’agit de macules puis de papules érythémateuses évoluant rapidement vers des vésiculo-bulles persistantes recouvertes de croûtes. La topographie des lésions est linéaire car elle suit les lignes de Blaschko. Ces lésions régressent lentement sur une période de 6 mois et précèdent l’apparition de lésions verruqueuses linéaires inconstantes puis d’une hyperpigmenta-tion qui persiste jusqu’à l’âge adulte. Le pronostic est lié aux atteintes neurologiques (convulsions, retard mental), qui surviennent dans 10 à 25 % des cas, et aux atteintes ophtalmologiques (strabisme, microphtalmie), dans 40 % des cas.

– Le syndrome hyperIgELe syndrome hyperIgE est un défi cit immunitaire touchant l’immunité innée. Il se manifeste en période néonatale par des candidoses à répétition et une éruption vésiculopustuleuse chronique. Plus tard s’installent un syndrome dysmorphique, un eczéma sévère et des infections staphylococciques cutanées et viscérales.

Synthèse de l’étape 3 ▶Le tableau clinique est ici compatible avec une histiocytose langhe-ransienne. Il n’y a pas de topographie linéaire évoquant une IP ni d’antécédents familiaux. La biopsie cutanée retrouve un infi ltrat dermique de grandes cellules, arrondies ou ovales au cytoplasme éosinophile s’organisant en nappes. L’étude immunohistochimique montre que les cellules sont fortement marquées par les anticorps anti-CD1a et anti-PS100 (fi gure 3).

Le bilan d’extension est ici négatif. L’enfant n’est donc pas traité, et les lésions vont disparaître progressivement en 2 mois. La surveillance clinique sera maintenue jusqu’à l’âge de 3 ans.

Diagnostic retenu : histiocytose langheransienne localisée auto-involutive. IIII

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Figure 3. Biopsie cutanée : immunohistochimie sur coupe en paraffi ne, anticorps anti-CD1a (x 100) ; infi ltration dermique par des cellules de grande taille correspondant à des histiocytes langerhan-siens fortement marquées par l’anticorps anti-CD1a (Dr E. Cassagnau, CHU de Nantes).