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N°d’ordre NNT : 2016LYSE2096 THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE LYON Opérée au sein de L’UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON 2 École Doctorale : ED 485 Éducation Psychologie Information Communication Discipline : Sciences de lÉducation Soutenue publiquement le 7 octobre 2016, par : Évariste YOGO Une stratégie d’éducation à l’environnement et au développement durable au Burkina Faso Les ateliers déducation à léthique éco-citoyenne (A3E) à Markoye Devant le jury composé de : Dominique BERGER, Professeur des Universités, Université Lyon 1, Président Jean-Marc LANGE, Professeur des Universités, Université de Montpellier, Rapporteur Caroline LEININGER-FREZAL, Maître de Conférences, Université Paris 7, Examinatrice René JAM, Inspecteur dAcadémie, Expert Philippe MEIRIEU, Professeur émérite, Université Lumières Lyon 2, Directeur de thèse

Une stratégie d'éducation à l'environnement et au développement

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  • Ndordre NNT : 2016LYSE2096

    THESE de DOCTORAT DE LUNIVERSIT DE LYON

    Opre au sein de

    LUNIVERSIT LUMIRE LYON 2

    cole Doctorale : ED 485

    ducation Psychologie Information Communication

    Discipline : Sciences de lducation

    Soutenue publiquement le 7 octobre 2016, par :

    variste YOGO

    Une stratgie dducation lenvironnement et au dveloppement

    durable au Burkina Faso

    Les ateliers dducation lthique co-citoyenne

    (A3E) Markoye

    Devant le jury compos de :

    Dominique BERGER, Professeur des Universits, Universit Lyon 1, Prsident

    Jean-Marc LANGE, Professeur des Universits, Universit de Montpellier, Rapporteur

    Caroline LEININGER-FREZAL, Matre de Confrences, Universit Paris 7, Examinatrice

    Ren JAM, Inspecteur dAcadmie, Expert

    Philippe MEIRIEU, Professeur mrite, Universit Lumires Lyon 2, Directeur de thse

  • Universit Lumire Lyon 2

    cole doctorale : ducation, Psychologie, Information et Communication (EPIC) 485

    Laboratoire : ducation, Culture, Politique (ECP)

    Une stratgie dducation lenvironnement et au

    dveloppement durable au Burkina Faso

    Les ateliers dducation lthique co-citoyenne (A3E) Markoye

    Thse de Doctorat en Sciences de lducation

    Prsente et soutenue publiquement le 07 octobre 2016

    Par variste Magloire YOGO

    devant un jury compos de Madame et Messieurs :

    BERGER, Dominique, Professeur des Universits en Sciences de lducation, Laboratoire HESPER EA 7425, Universit Jean Monnet Saint-Etienne, Universit de Lyon

    MEIRIEU, Philippe, Professeur des Universits mrite en Sciences de lducation, ECP, Universit Lumires Lyon 2, Lyon (Directeur de thse).

    LANGE, Jean-Marc, Professeur des Universits, Centre de recherches Interdisciplinaires sur les Valeurs, les Ides, les Identits et les Comptences (CIVIIC), Universit de Rouen, Facult dducation de Montpellier.

    LEININGER-FREZAL Caroline, Matre de Confrences, Universit Denis Diderot, Paris VII

    http://www.insd.bf/n/http://www.decroissance.org/textes/latouche.htm

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    Je ddie cette thse tout particulirement ma famille.

    Je la ddie galement lauteur de lAppel de GAOUA1, qui, en fin

    visionnaire, rvait de faire de son pays un havre de dveloppement durable.

    1LAppel de Gaoua est un discours prononc par le Capitaine Thomas SANKARA,

    Prsident du Faso et pre de la Rvolution daot 1983 au Burkina Faso. Dans ce discours en date du 17 octobre 1986, il donne sa vision de lcole burkinab.

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    Remerciements

    La prsente thse de doctorat marque un moment important de ma vie.

    Elle est laboutissement, le couronnement dun effort dont nul nignore les

    sacrifices consentir pour y parvenir, mais aussi lindispensable

    accompagnement multiforme que cela requiert.

    Jadresse mes profonds remerciements mon directeur de thse, le

    Professeur mrite Philippe Meirieu, dont la renomme de pdagogue se

    conjugue avec humanit, conviction et simplicit.

    Mes remerciements sincres vont galement au Laboratoire ducation,

    Culture et Politiques (ECP) lcole Doctorale ducation, Psychologie,

    Information et Communication (EPIC) et lInstitut des Sciences et Pratiques

    de lducation et de la Formation (ISPEF), de Lyon2.

    De mme, je tiens adresser mes remerciements les plus sincres aux

    membres de lAssociation lEau partage, en particulier Ren Jam.

    Agns Pautard et Dominique Snore, jadresse ma gratitude pour

    lintrt manifest vis--vis de mes travaux.

    M. et Mme Berger, Catherine et James Durnerin, Frank et Jette

    Runchel, Marie-Hlne et Jean Parisot, Paul Navergoni, Alain Jaubert, je

    dis un grand merci pour lamiti partage.

    Mes chaleureux remerciements vont aux enseignants et aux lves de

    ma zone dtude.

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    Rsum

    Notre thse relve du champ des sciences de lducation, plus

    particulirement de la psychologie de lapprentissage et de la pdagogie. Elle

    sappuie sur des travaux de psychologues, philosophes et pdagogues :

    Jacques Lvine (2008), Philippe Meirieu (2009), Lucie Sauv (2003), et se situe

    dans le prolongement de thories dveloppes antrieurement par John Dewey

    (1925), Henri Wallon (1942) ou encore Lev Vygotski, (1926). Dans leur sillage,

    nous analysons les stratgies et les conditions mettre en place pour amorcer

    un processus dapprentissage visant dvelopper chez le sujet enfant une

    pense gnratrice dactes responsables. En effet, lun des enjeux majeurs de

    lducation aujourdhui est de promouvoir des valeurs, comportements et

    attitudes de manire favoriser ldification dun monde plus viable, plus

    vivable et plus solidaire tant pour les gnrations prsentes que futures. La

    complexit des questions souleves par une telle exigence ducative requiert

    que, sur chaque territoire, lon recherche les modalits les plus adaptes et les

    plus pertinentes. Ces interrogations nous ont conduit formuler la question

    suivante comme point de dpart : comment, dans un pays o subsistent encore

    dans lcole, des relents dacculturation et denfermement du sujet, peut-on

    favoriser son mancipation afin de mieux le prparer devenir co-citoyen ?

    travers les trois grandes parties que comporte notre thse, nous

    prsentons dans un premier temps la situation problmatique de lducation au

    Burkina Faso, qui appelle des volutions ncessaires. Ensuite, nous abordons

    la question du renouvlement des approches de lducation lEnvironnement

    et au Dveloppement Durable (EEDD), pour enfin traiter de limpact et des

    effets de la nouvelle dmarche que nous prconisons.

    Ainsi, prenant appui sur lexprimentation du dispositif des Ateliers

    dducation lthique co-citoyenne (A3E), dans le contexte spcifique du

    Burkina Faso, la prsente thse dmontre la ncessit de construire une

    pense rflexive chez le sujet, laquelle est fondatrice de perspectives de

    changements, la fois de reprsentations et de comportements. Dvelopper

    des comptences sociales et thiques chez lenfant dge scolaire, ncessite

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    avant tout, de crer le cadre et les conditions pour quil apprenne penser par

    lui-mme et penser les interactions entre lui et les autres et lui et le monde.

    Cest ainsi que nous avons modlis le dispositif des ateliers dducation

    lthique co-citoyenne qui travaille sur les questions de lEEDD et part du

    postulat que lart de la discussion favorise la dcentration qui induit le

    changement de reprsentations mentales, propice au dveloppement de

    comportements autonomes. Le protocole comporte quatre phases distinctes

    mais complmentaires : une phase rflexive, une phase de recherche, une

    phase de projet et une phase dvaluation. Le tout formant un processus

    spiralaire cumulatif o les diffrentes sances de la mthode sarticulent et se

    rtro alimentent.

    Notre tude, conduite dans la commune de Markoye sous la forme dune

    recherche-action, a concern un chantillon de 02 coles primaires comprenant

    13 classes avec un effectif total de 780 lves, dont 401 garons et 379 filles et

    encadrs par 16 enseignants. Lexprimentation sest droule sur deux (02)

    annes scolaires (2012-2013 et 2013-2014) au cours desquelles nous avons

    jou le rle de prpos. Ici, en tant que chercheur, nous avons particip 15

    sances dateliers, 15 visites de terrain, ralis 25 entretiens semi-directifs et

    nous avons reu 42 rapports trimestriels produits par les sept (07) enseignants

    titulaires des classes de CE2, CM1 et CM2. (Lcole Markoye A disposant de

    deux classes de CM2.)

    Les rsultats de notre recherche montrent que, malgr le fort ancrage de

    pratiques enseignantes rptitives et dirigistes hrites de lre coloniale, les

    acteurs ducatifs du systme scolaire burkinab sont ouverts aux innovations

    pdagogiques si certaines conditions sont runies. Le dispositif tel que conu et

    expriment, se veut une dmarche de transformation des pratiques

    pdagogiques parmi dautres, dans le sens dune plus grande efficacit

    mancipatrice des futurs co-citoyens. Le cadre dans lequel il est mis en

    uvre, parce quinteractif, dialogique et coopratif, favorise lveil de la pense

    rflexive et suscite chez les sujets le dsir de sengager librement en adoptant

    des comportements nouveaux, plus responsables vis--vis de problmatiques

    en relation avec lenvironnement et le dveloppement durable. Dveloppe

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    lcole, cette pratique pdagogique amne le groupe de pairs tous se sentir

    co-chercheurs. Elle favorise en plus la construction identitaire, le sentiment

    dappartenance la communaut humaine, tout en donnant accs au sens des

    savoirs. En particulier, nous dmontrons que le dveloppement de la pense

    rflexive apparat comme un pralable aux changements de comportements

    voulus ou attendus et que, pour construire un comportement adapt, lenfant

    doit dabord comprendre les choses, se reprsenter mentalement les situations,

    et ce, en plus de leurs reprsentations verbales. ce titre, lA3E est un

    dispositif efficace de mdiation, une activit structurante qui participe la

    dcentration des lves. Cette dcentration est consubstantielle de la nouvelle posture quadopte lenseignant accompagnateur et du nouveau statut

    quacquiert llve. Cest--dire que notre recherche met en lumire lexistence

    dune corrlation entre le type de relation qui sinstaure au fil des ateliers et ces

    effets sur les acteurs. Cest partir de ces interactions entre pairs que les

    lves apprennent dcouvrir dautres points de vue. Ils accordent, par

    consquent, plus dattention lautre, via lacceptation de laltrit et des rgles

    qui rgissent la vie du groupe. Ils oprent alors la dcentration indispensable

    un approfondissement des relations humaines et des valeurs qui les fondent.

    Parce que lenfant est encourag implicitement former une autre image de

    son Moi, vivre autrement sa condition denfant, alors il apprend se passer

    des actes pulsionnels pour sapproprier limage dun tre en capacitation.

    Mots-cls : Burkina Faso ducation thique co-citoyenne- Dcentration - Dveloppement Durable ducation lEnvironnement- Atelier

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    Abstract

    This thesis belongs to the science of education, more specifically to the

    psychology of learning and pedagogy. It draws on the works of psychologists,

    philosophers and pedagogues: Jacques Lvine(2008),Philippe Meirieu (2009),

    Lucie Sauv, (2003),extending the earlier developed theories of John Dewey

    (1925), Henri Wallon (1942), and even Lev Vygotski (1926). Following their

    examples, this thesis analyses the conditions and strategies required for

    initiating a learning process for developing in the child-subject a generative

    thinking of responsible action. In fact, one of the major efforts of current

    education is to promote values, behaviour and attitudes with a view to create a

    more viable, liveable and solidary world for the present as well as for future

    generations. The complexity of questions raised by such educative expectations

    again require research, within each of these domains, of the most pertinent and

    adapted modalities. These interrogations have led to formulation of the following

    question as point of departure: In a country where acculturation and enclosure

    of the child-subject still pervade in school, how could his or her emancipation be

    promoted in order to best prepare him or her to become an eco-citizen?

    This thesis presents in the first of the three major parts the problematic

    situation of education in Burkina Faso, which calls for necessary developments.

    Secondly, it elaborates on the question of renewing the Environmental

    Education and Sustainable Development (EESD) in order to, thirdly, address

    the impacts and effects of this new recommended approach.

    Thus, based on experimentation in the specific context of Burkina Faso,

    by means of Eco-citizen ethical education (3E) workshops, the present thesis

    demonstrates the need to construct a reflective thinking by the child-subject,

    which is fundamental from a change and behaviour perspective. To develop

    these social and ethical skills in a school child requires first and foremost that

    the conditions and framework be created in order for the child to learn to think

    by itself and to think about the interactions between him/herself and the others,

    and between him/her and the world. This is the manner in which the

    methodology of Eco-citizen ethical education (3E) workshops has been

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    modelled, elaborating the questions concerning EESD, departing in the

    postulate that the art of discussion favours decentration, which in turn induces

    change of mental representations and favours development of autonomous

    behaviour. This protocol concerns four distinct yet complementary phases: a

    reflective phase, a research phase, a project phase and an evaluation phase.

    All of these create a circular-cumulative spiral where the different sessions of

    the method are articulated and provide feed-back.

    This action-research study was conducted in the commune of Markoye,

    comprising a sample of two primary schools consisting of 13 classes with a total

    of 780 pupils, of which 401 boys and 379 girls, and 16 teachers. The

    experiment had a duration of two school years (2012-2013, 2013-2014) during

    which the author played the role of attendant. As researcher, he participated in

    15 workshop sessions, 15 field visits, realised 25 semi-structured interviews and

    received 42 quarterly reports by seven teachers of classes CE 2, CM 1 and CM

    2. (Markoye School has two CM2 classes).

    The results of this research show that, in spite of the strongly ingrained

    repetitive and directive teaching practices, inherited from the colonial era, the

    education agents in the burkinab school system are open to pedagogical

    innovations, under certain conditions. The methodology as conceived and

    tested applies, inter alia, an approach of transforming pedagogical practices so

    that there is a much more effective emancipation of future eco-citizens. The

    framework in which this is implemented favours, because it is interactive,

    dialogic, and cooperative, an awakening of reflective thinking and desire in the

    child-subject to freely engage him/herself by adopting new and in adopting new

    and more responsible behaviours in relation to EESD. Developed at the school,

    this pedagogical practice directs the group of peers to feel as co-researchers. In

    addition, the methodology favours an identity construction, a sense of belonging

    to a human community and not least access to know-how. In particular, it is

    demonstrated that development of reflective thinking appears to be a precursor

    to the intended or desired change of behaviour ; further, in order to construct

    such adapted behaviour, the child must first of all understand things, to mentally

    present the situations as opposed to verbally present them. In this way, 3E

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    workshops are an effective mediation method, a structuring activity that

    contributes to decentration by the pupils. This decentration is inseparable from

    the new posture that the accompanying teacher adopts and from the new status

    to which the pupils is elevated. This research thus highlights the existence of a

    correlation between the types of relation that manifests during the workshops

    and their effects on the actors. It is from the interaction between peers that

    pupils learn to make discoveries from the point of view of others. By

    consequence, they are more attentive to each other, by accepting the difference

    of the rules governing the life of the group. They thus apply the indispensable

    decentration to a deepening of human relations and the values that are their

    foundation. Because the child is implicitly encouraged to form another image of

    its Self and to live its condition as child in a different manner, He/She learns to

    overcome acts of instinct to acquire an image of a capable human being.

    Keywords:Burkina Faso Education for Eco-citizen Ethical - Decentration- Sustainable Development - Environmental Education - Workshop

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    Sommaire

    Introduction gnraleduquer au dveloppement durable au Burkina Faso : pourquoi ?17

    Problmatique de recherche ............................................................................................... 21

    Notre objet dtude.............................................................................................................. 23

    Hypothses et objectifs de la recherche .............................................................................. 28 Hypothses de recherche ............................................................................................... 28 Objectifs de la recherche ................................................................................................ 29

    Mthodologie de recherche ................................................................................................. 30

    Orientation paradigmatique de la recherche ........................................................................ 34

    Premire partie Lducation au Burkina Faso : une situation problmatique, des volutions ncessaires ......................................................................................................... 39

    Chapitre I : Les problmes denvironnement dans lconomie burkinab ............................. 41 1.1 Brve prsentation du Burkina Faso ....................................................................... 42 1.2 La Stratgie de croissance acclre et de dveloppement durable (SCADD) .......... 52 1.3 Les politiques environnementales du Burkina ......................................................... 54

    Chapitre II : le systme ducatif du Burkina Faso ................................................................ 61 2.1 Une cole inadapte depuis ses origines .................................................................. 62 2.2 La rforme en cours du systme ducatif (2007-2015) .............................................. 71 2.3 Le continuum ducatif : une rforme dans la rforme? .............................................. 89

    Chapitre III : LEEDD, une rponse insuffisante du systme ducatif aux enjeux cologiques

    ......................................................................................................................................... 115 3.1 Principales approches en cours dans le systme ducatif ..................................... 118 3.2 Les orientations pdagogiques en matire dEEDD .............................................. 126

    Deuxime partie Vers un renouvellement de lEEDD ....................................................... 129

    Chapitre IV : Les modles classiques de lEEDD ............................................................... 131 4.1 mergence du dveloppement durable................................................................. 132 4.2 La ncessit de faire voluer les pratiques ducatives au-del du discours .......... 141

    Chapitre V : Le choix dun modle centr sur la rflexivit ................................................. 155 5.1 Clarification conceptuelle ...................................................................................... 156

    Chapitre VI : Une mthodologie stabilise: les A3E ........................................................... 167 6.1 Le protocole des A3E ........................................................................................... 168

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    Troisime partie La mise en uvre et les effets dune nouvelle dmarche en EEDD Markoye ............................................................................................................................... 177

    Chapitre VII : Lexprimentation des A3E .......................................................................... 179 7.1 mergence et constitution du projet de recherche-action ...................................... 180 7.2 Le projet dducation la sant et de promotion de lhygine et de lassainissement

    Markoye ....................................................................................................................... 185

    Chapitre VIII : De la perception des acteurs ...................................................................... 207 8.1 Analyse et interprtation des donnes .................................................................. 208 8.2 Articulation des donnes ...................................................................................... 218

    Chapitre IX : Les effets de lexprimentation sur lcole ..................................................... 221 9.1 De limpact de notre dmarche au niveau scolaire ................................................... 222 9.2 De la pertinence du dispositif des A3E .................................................................... 227 9.3 Les A3E, comme processus dindividuation ............................................................. 239

    Conclusion gnrale Le modle des A3E peut tre une approche intressante de lEEDD pour le Burkina, condition ............................................................................................ 245

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    Introduction gnrale

    duquer au dveloppement durable

    au Burkina Faso : pourquoi ?

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    Le plus grand dfi, au cours de ce nouveau sicle, est de prendre une ide qui semble abstraite le dveloppement durable - et den faire une ralit quotidienne pour tous les peuples du monde.

    (Annan, K. (2005). Dclaration de M. Kofi Annan, secrtaire gnral de lorganisation des Nations Unies).

    Face aujourdhui aux mutations acclres et inattendues qui

    caractrisent notre monde, suscitant ainsi apprhensions et incertitudes, et aux

    conclusions scientifiques qui dmontrent notre part de responsabilit vis--vis

    de la dgradation de la plante, des voix ne cessent de slever pour donner

    lalerte. La terre se meurt et il faut agir. Pour cela il est de plus en plus fait appel

    lducation comme moyen de promotion de valeurs, de comportements et

    dattitudes indispensables ldification dun monde nouveau, plus solidaire et

    plus viable. Un monde o les Hommes entre eux et avec la Nature, vivraient en

    harmonie. Il sagirait de rendre plus viable et certainement plus vivable notre

    monde, tant pour nous-mmes que pour les prochaines gnrations. Il apparat

    de ce fait vident quon ne peut plus ni ignorer ni occulter la part importante que

    fait peser lHomme sur les ressources de la Terre, et de mme, le rle

    prpondrant quil peut et doit jouer dans linvention et lappropriation de

    nouveaux modes de vie. En effet, selon Jacques Delors (1996, p. 71) le

    modle de croissance actuel rencontre des limites videntes, en raison des

    ingalits quil induit et des cots humains et cologiques quil comporte. 2 Ce

    constat a sans aucun doute largement inspir lAssemble Gnrale des

    Nations Unies pour la mise en place dune commission mondiale dite

    Commission Brundtland en 1983.

    Le Dveloppement Durable, promu par la communaut internationale depuis

    plus dune bonne trentaine dannes, participe de cette invention dun autre

    mode de dveloppement, considr comme beaucoup plus en adquation avec

    notre avenir tous. (Rapport Brundtland, 1987). Cest pourquoi il nous parat

    important et intressant de nous pencher sur ce type de dveloppement que le

    secteur de lducation est fortement convi promouvoir et den faire notre

    objet dtude car, sortant du discours, le dveloppement durable gagne de plus

    2 Jacques Delors. (1996). LEducation : un trsor est cach dedans. Unesco, Paris : Edition Odile Jacob

  • 19

    en plus toutes les sphres de lactivit humaine. Du mme coup, ce paradigme

    nouveau est sujet des contradictions multiples, en particulier sur les plans

    idologique, politique, smantique, et stratgique. Malgr les raisons qui sous-

    tendent les diffrents courants, sa mise en uvre, notamment en milieu

    scolaire, se propage, simposant aux ducateurs comme lun des champs

    privilgis de matrialisation de leurs bonnes intentions. En effet, tous les

    courants semblent unanimes quant au rle important que lducation doit jouer

    dans ce processus dadaptation. Un tel phnomne ouvre des perspectives

    nouvelles pour lcole do son intrt pour les chercheurs en sciences de

    lducation. Cest galement cet intrt qui a pouss lenseignant et le

    formateur que nous sommes, nous poser la question de savoir comment

    duquer au mieux nos jeunes afin quils prennent une part active cette

    rinvention ? Comme le disait si bien Durkheim (1890, p. 38), le but de

    lducation nest pas de donner llve des connaissances toujours plus

    nombreuses, mais de constituer chez lui un tat intrieur et profond, une sorte

    de polarit de lme qui loriente dans un sens dfini non seulement pendant

    lenfance, mais pour la vie . 3Nous osons dire, pour prolonger et prciser

    l'intuition de Durkheim en nous rfrant la phnomnologie de la vie de

    Michel Henry (1990), mais de rvler chez lui l'tat intrieur et profond d'auto-

    dploiement et d'accroissement de soi, une sorte de polarit corps/me qui

    l'oriente dans un sens dfini non seulement pendant l'enfance, mais pour la

    vie . Se pose alors nous la question de savoir par quels chemins4 aller au

    dveloppement durable ? Quel type dcole pour ce faire et pour quel type

    denfant, de futur adulte ?

    Lducation lenvironnement et au dveloppement durable (EEDD)

    invite se questionner sur la pertinence de lducation actuelle, des choix

    curriculaires, des modes denseignement et dapprentissage, des dmarches et

    outils pdagogiques, ainsi que de lenvironnement scolaire. Elle ouvre la voie

    lentre dans lcole dune nouvelle conception des apprentissages, des

    dmarches pdagogiques et du statut de chaque acteur, dans un contexte

    3Durkheim, (1890). Evolution pdagogique en France, Paris : PUF.p.38

    4 Nous crivons dessein chemins au pluriel, pour la simple raison que la prescription en pdagogie relve de labsurde.

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    encore marqu dans de nombreux pays, par la prdominance des pdagogies

    traditionnelles, de type frontal. Lentre de lEEDD lcole vise galement la

    recherche dune ducation qui responsabilise et dveloppe la citoyennet, en

    permettant aux apprenants de se forger leur propre opinion (esprit critique) et

    dadopter, selon leur libre choix, de nouvelles attitudes. Ce modle ducatif

    dfendu par des auteurs comme Lucie Sauv, Rene Brunelle (2004) et

    certains rseaux associatifs 5dans la mouvance de lERE, se construit dans

    laction, en valorisant la participation active des sujets. Le clbre historien

    burkinab Joseph Ki-Zerbo (1990), dans son ouvrage intitul, duquer ou

    prir6, soutient le rle prpondrant de lducation dans la construction de

    citoyens acteurs en crivant qu aprs la mise au monde, il reste lducation .

    Pour lui, lducation est un processus, cest le processus qui consiste

    permettre quelquun de se construire, de souvrir au monde et daccder sa

    propre pense critique . Joseph, Ki-Zerbo. (1990, p. 15). Nous partageons

    cette option ducative. Pour nous, lducation est la mise en situation de

    conditions ncessaires en vue de permettre lclosion dun sujet libre. Cest

    pourquoi, en inscrivant notre thse dans cette optique, nous avons voulu

    explorer les moyens, les conditions et les situations runir pour une ducation

    qui veille la pense rflexive. Nos travaux relvent donc du domaine de la

    pdagogie, entendue comme lart dlaborer des stratgies ducatives. Il sest

    agi alors pour nous dans notre recherche, dexprimenter et danalyser le

    dispositif des ateliers dducation lthique co citoyenne (A3E) dans la

    commune de Markoye. Dispositif qui sinspire du modle des ateliers de

    philosophie pour enfant, plus prcisment des ateliers de rflexion sur la

    condition humaine (ARCH), (Lvine, 2008) en y introduisant des thmes en

    rapport avec les problmatiques environnementales vcues au Burkina Faso.

    Nous avons alors cherch comprendre, quel est limpact de ce

    dispositif sur les acteurs scolaires qui le mettent en uvre. Comment un projet

    5 Collectif Franais pour lducation lEnvironnement vers un Dveloppement Durable CFEEDD, le GRAINE, le Rseau Ecole et Nature en France ; WEEC, World Environmental Education Congress Network linternational ; Polis - International Network in Environmental Education en Grce ; Rseau IDeasbl en Belgique ; le Rseau canadien dducation et de communication relatives lenvironnement (EECOM)

    6 Ki-Zerbo, J. (1990).duquer ou prir, Unicef-Unesco, p.15

  • 21

    dducation lco-citoyennet, conduit lcole primaire, peut-il aider les

    lves prendre conscience des enjeux environnementaux et contribuer ainsi

    ce quils acquirent un comportement respectueux vis--vis de leur milieu de

    vie ? Peut-on, partir de lexprimentation des A3E en tirer des conclusions et

    clairer des pistes sur une autre faon de penser les approches dducation, en

    dehors des dmarches vises uniquement cognitives ? Pourquoi est-il

    important dintroduire une telle dmarche dans le paysage ducatif du Burkina

    Faso ? Pour comprendre pourquoi il est important dduquer lenvironnement

    et au dveloppement durable au Burkina Faso, il y a lieu de connatre la

    situation go climatique du pays et le mode de fonctionnement du systme

    ducatif. Pour nous, lEEDD loin dtre une prescription fige, devrait prendre

    en compte le contexte la fois environnemental et ducatif dans lequel il se

    dploie.

    Problmatique de recherche

    Lducation est un levier essentiel pour impulser le dveloppement

    durable, aujourdhui et dans le futur. Cependant, force est de constater que la

    plupart des systmes ducatifs issus de la colonisation franaise se

    caractrisent par la primaut accorde la transmission de connaissances

    fragmentes et inoprantes, au lieu de sengager rsolument vers la formation

    de sujets rflexifs, capables de cerner la complexit des tres et des choses. Le

    systme ducatif du Burkina Faso nchappe pas cette caractrisation. Cest

    pourquoi, notre recherche fait non seulement lanalyse des politiques et

    pratiques ducatives de ce pays, mais veut faire connatre une exprience

    russie dducation au dveloppement durable dont la dmarche est originale.

    Lintrt de notre recherche au-del de la sphre retenue, rside dans la

    rponse quelle pourrait apporter non seulement un problme denvergure

    mondiale, celui de lenvironnement, mais aussi lcole daujourdhui, qui

    souffre dune drive scolastique. Notre position dinspecteur de lenseignement

    du premier degr aprs avoir t instituteur, nous a donn le privilge pendant

    deux dcennies, dtre un acteur du systme ducatif de notre pays

    diffrentes positions. Nous avons observ et appliqu et nous nous sommes

  • 22

    interrogs sur les grands dfis de ce systme ducatif, des rformes et

    programmes entrepris ces quinze dernires annes. Tout au long de notre

    parcours professionnel, nous avons nourri et nourrissons encore la conviction

    que lducation est la fois une science de lesprance et un art du possible.

    Une esprance qui stimule et exalte, un art qui se veut fcond. Notre question

    principale de recherche est donc de savoir comment promouvoir lducation

    lenvironnement et au dveloppement durable lcole primaire travers, entre

    autres, la pratique dateliers dducation lthique co citoyenne ?

    Alors que le Burkina Faso est confront des problmes cruciaux de

    dmocratisation de lcole, damlioration de la qualit de lducation, de

    scolarisation continue des lves, notamment des filles, confront en outre un

    manque criard denseignants, des questions de sant et de scurit

    alimentaire, comment en mme temps accorder une place importante au

    dveloppement de la pense critique et au libre choix chez les lves ? En quoi

    la pratique dAteliers dducation lthique co-citoyenne (A3E), dmarche

    pdagogique visant la formation de sujets rflexifs, peut-elle servir de cadre de

    mdiation, de tuteur de rsilience pour lappropriation de valeurs, dattitudes et

    de comportements tels que viss par les ducations (Lenvironnement, la

    sant, la citoyennet, la paix, etc.), dans la perspective dun dveloppement

    durable ? Comment dans le contexte de notre pays, o lcole est un outil

    dacculturation, est-il possible de la solliciter pour prparer les enfants devenir

    des co-citoyens ? Comment y positionner lducation comme le moyen par

    excellence, pour lappropriation de valeurs et dattitudes utiles une meilleure

    qualit de vie ? lorigine, comme le dit Albert Jacquard dans Voici le temps

    du monde fini , (Albert, J. 1991) le terme ducation , E.ducere , signifiait

    conduire un enfant hors de lui-mme, linciter sauto-construire, lui en donner

    les moyens. Cest par la suite que ce rle minemment noble de lducation

    sest transform en apport de savoir, de nourriture. E.ducere (conduire hors de)

    sest dgrad en educare (nourrir). Dans la perspective dun dveloppement

    durable, il y a donc lieu de sinterroger sur les finalits de lducation, de

    changer le paradigme ducatif. Federico Mayor (2005) nous en donne une piste

    quand il affirme que la clef du dveloppement durable et autonome est

    lducation. Une ducation qui va au-devant de tous les membres de la socit

  • 23

    selon des modalits nouvelles et avec des technologies neuves afin de fournir

    tous de vraies possibilits dapprentissage permanent Nous devons tre prts

    dans tous les pays donner lducation des formes nouvelles permettant de

    promouvoir des attitudes et un comportement propices une culture tourne

    vers la viabilit 7. Il est ici fait appel au sens de linnovation des acteurs de

    lducation, surtout en face de phnomnes nouveaux auxquels nos systmes

    ducatifs nont pas t conus pour apporter des rponses spcifiques.

    Notre objet dtude

    ducation la citoyennet, ducation la sant, ducation lhygine et

    lassainissement, ducation aux droits de lhomme, ducation la paix,

    ducation lenvironnement, ducation au dveloppement durable Et la liste

    pourrait stendre volont. Par leurs intituls mmes, ces ducations ,

    vers , relatives , pour , au , visent un mme et seul objectif

    savoir : le dveloppement de comptences sociales et thiques. Elles posent

    clairement le souci de faire adopter de nouvelles attitudes, des comportements

    fonds sur une comprhension globale de la ralit, dpassant les clivages et

    spcificits disciplinaires, et cela dans des domaines donns. Cest une autre

    forme de citoyennet qui est attendue. Une citoyennet plus cologique ou plus

    thique, mais toujours plus lucide et engage.

    Cependant, les avis sont partags quant la pertinence et lorientation

    des ducations , que Franois Audigier (2004)8 qualifie de bazar . Pour

    lui, lide mme dducation , est lobjet de controverses, doppositions, plus

    rarement de dbats intressants . Toute la polmique semble rsider, en effet,

    sur lampleur des changements quappelle lintroduction de ces ducations

    . Sinterrogeant sur les opportunits que pourraient offrir ces ducations

    ou encore les drives idologiques dont elles peuvent tre porteuses, Jean-

    7 Federico Mayor- Dcennie de lducation au dveloppement durable UNESCO 2005

    8 Franois Audigier (2004). Les ducations ? Quel bazar !! Confrence plnire, Actes du colloque les Educations : Un (des) levier (s) de transformation du systme ducatif ? ESPE de lAcadmie de Rouen.

  • 24

    Marc Lange (2014) conclue qu tout le moins elles replacent au-devant de la

    scne la question de lducation et de ses rles et finalits au sein des

    socits . Cette position qui vise faire des ducations , un moyen de

    transformation sociale, est celle des tenants du courant de lapproche critique

    sociale qui prne une ducation postmoderne (Sauv, 2000). Cette

    approche est conteste par Alain Beitone (2014)9 pour qui la posture la fois

    relativiste et normative des ducations , est en rupture avec la tradition

    rpublicaine en matire dducation telle quelle tait formule par Condorcet .

    Il reproche ce courant de vouloir une refondation globale de lcole travers

    la fois des savoirs et des apprentissages. Dans sa remise en cause de

    lapproche socialement critique, courant majoritairement rpandu dans le

    domaine des ducations , Beitone napporte pas de propositions alternatives.

    Les vraies questions sont souleves par Jean-Pierre Terrail (2016). Abordant la

    question des enseignements transversaux et des ducations , il estime que

    selon la vocation revendique par leurs promoteurs, ces enseignements

    permettraient de munir les lves du bagage indispensable concernant des

    questions socialement vives . De cette analyse, il dgage deux proccupations

    majeures : sagirait-il pour ces ducations , de faire passer des messages,

    dinculquer des convictions et quelles seraient les possibilits pour offrir tous

    une ducation de masse de haut niveau ?

    Les rponses ces interrogations se trouvent dans la nature mme des

    ducations , qui nont pas pour ambition, au niveau scolaire, de faire lobjet

    dun systme de notation des lves. Les ducations ne relvent pas de

    limposition dogmatique de comportements, mais justement, trouvent leur sens

    en mobilisant diffrents savoirs qui contribuent permettre de comprendre une

    situation donne et y agir en toute connaissance, librement. Les ducations

    visent justement une russite de tous, elles ne sopposent pas aux

    enseignements disciplinaires mais sappuient sur elles ; on ne cherche pas y

    crer de la concurrence, mais y dvelopper la libert de choix (qui nest pas

    valuable selon les critres traditionnels) De ce fait, on ne saurait parler

    dlves en difficult dducation, ni dexclus du systme, tant donn que les

    9Beitone,A.(2011)http://skhole.fr/sciences-%C3%A9conomiques-et-sociales-et-p%C3%A9dagogie-invisible-par-alain-beitone

  • 25

    ducations se font tout au long de la vie. Le bagage transmettre au

    sujet serait, pour nous, de laider dvelopper une dmarche pour penser et

    agir par soi-mme. En mme temps, cette ambition daider le sujet devenir

    autonome, dvelopper des comptences de vie, reste confronte la

    question de savoir comment amener un individu ou une communaut changer

    de comportement de manire autodtermine, libre, responsable et durable ?

    Lducation au choix, lducation laction co-citoyenne, passe par une

    ducation la libert de penser.

    Comment sy prendre pour amener les lves des coles A & B de

    Markoye changer de comportement vis--vis de leur environnement,

    notamment en matire de sant, dhygine et dassainissement ? Cette

    question soulve ncessairement le problme de la mthode, des procds et

    techniques, de la soumission librement consentie. Le comment susciter le

    changement de comportement nous invite faonner dautres outils, mettre

    en place dautres dispositifs (que ceux qui nous sont donns voir dans les

    classes de nombreux pays du Sud) afin que les sujets se fraient eux-mmes le

    chemin10 quils jugent le meilleur et en toute connaissance de cause. Pour E.

    Morin (2000), une autre conception de la mthode est possible : la mthode

    comme chemin, essai gnratif et stratgique pour et de la pense. La mthode

    comme activit pensante du sujet vivant, non pas abstrait. Un sujet capable

    dapprendre, dinventer et de crer sur et pendant son chemin. Il ajoute que

    la mthode est ce qui sert apprendre ; elle est aussi lapprentissage . Cest

    dire galement que la simple acquisition de connaissances cognitives nest pas

    suffisante pour entraner toujours les comportements attendus en matire de

    thmatiques mergentes.

    Malheureusement, comme nous le soulignions dj, il nous est donn de

    voir des systmes ducatifs caractriss par la primaut accorde la

    transmission de connaissances, des connaissances fragmentes et trs

    souvent inoprantes. Lcole daujourdhui est marque par son got du

    quantifiable, de la comptition, du gavage et donc de la frustration. Comment

    10 Chacun a son chemin et donc il faut viter de dresser un chemin unique pour tous en pdagogie

  • 26

    dans ces conditions, o les droits lmentaires de lapprenant sont bafous,

    russir former des citoyens respectueux des rgles, des devoirs mais aussi

    des comportements et valeurs qui conduisent une qualit de vie ? Comment

    adapter lducation aux enjeux actuels ? Comment concilier le besoin de

    GRANDIR de lenfant avec nos attentes dADULTES ? Quelle est la part de

    responsabilit de lENFANT face aux dangers qui menacent le MONDE ? Une

    question de simple imputabilit qui devrait nous amener revoir nos pratiques,

    nos mthodes et nos finalits. Rappelons-nous souvent cet adage bien connu

    de Montaigne, mais trs peu appliqu : Mieux vaut une tte bien faite, quune

    tte bien pleine. . duquer ce nest pas seulement dplier un corpus de

    connaissances, mais aussi savoir donner aux sujets lapptence de forger leur

    personnalit en smancipant. Osons former des sujets rflexifs, capables de

    penser par eux-mmes afin de mieux apprhender lavenir. Cette

    comprhension implique quil faille transformer lcole daujourdhui, dont les

    cueils ne sont plus citer, en un lieu o lon se plat et o lon cultive une

    pense rflexive. Et pour cela, ce nest pas lEEDD en soi-mme qui le

    procurera, mais les approches, les dmarches que sous-tendent ses valeurs. Si

    lon veut avoir demain des citoyens imprgns des valeurs, des ides et des

    pratiques dun monde plus viable, il faut ds prsent, pendant quils sont

    enfants, leur apprendre penser le monde et se penser dans le monde. Et

    cela par la dmarche. Une dmarche mme de favoriser la construction de

    sujets capables de sauto duquer pour dvelopper durablement

    lenvironnement. Ces sujets deviendront de ce fait, des adultes duqus et

    capables de dvelopper durablement lenvironnement, de leur propre chef et

    par leurs propres moyens. Et cela, par et grce la mthode, la dmarche.

    Cest la thse de notre travail. Pour nous, lcole doit prparer les jeunes

    comprendre, mieux apprhender la complexit des choses telles quelles se

    manifestent aujourdhui, afin quils changent leur perception du monde et

    sengagent vers une phase nouvelle. Meirieu (2008) rsume cela en disant quil

    faut former des sujets capables de construire du bien commun . Et pour ce

    faire, il faut donc balayer la maison cole bien avant, si lon veut viter de

    mettre la charrue avant les bufs .

  • 27

    Notre tude sest appuye sur lEEDD, parce quelle porte les promesses

    de ce changement, pour modliser la dmarche, celle des A3E, analyser son

    impact et rendre compte de ses effets. Notre thse est donc du type recherche-

    action, organise autour des A3E.

    LA3E part du postulat que lart de la discussion favorise la dcentration

    qui induit le changement de reprsentations mentales, propice au

    dveloppement de comportements autodtermins, aid en cela par le

    processus d'idation groupale qu'il gnre, mergence d'une intelligence

    collective. Il se veut une dmarche de transformation des pratiques

    pdagogiques dans le sens dune plus grande efficacit mancipatrice des

    futurs co citoyens. Cest en somme une vocation ducative quadruple

    exigence mais en troite interdpendance et interaction : mettre en uvre une

    pdagogie diffrencie, un questionnement rflexif, un statut positif de lerreur

    et une dynamique dcole cooprative.

    En effet, il est vident, au regard des limites des pratiques pdagogiques

    actuelles dans nombre de systmes ducatifs des pays subsahariens, que le

    changement rel des comportements ne pourra tre effectif que si laction

    ducative sappuie sur une pdagogie diffrencie qui prenne en compte

    les reprsentations mentales des diffrents acteurs et toutes les dimensions de

    leur personnalit : rationnelle, corporelle, motive et imaginaire.

    La dmarche chemin permet, partir dune problmatique donne, de

    bien prendre en compte les contextes, les ressources et les contraintes locales.

    Le concept de dmarche chemin a t forg par Edgar Morin, dans son essai

    duquer pour lre plantaire. Il en donne la dfinition suivante : la mthode

    comporte deux niveaux qui sarticulent et se rtro alimentent : dune part, elle

    favorise le dveloppement de stratgies pour la connaissance et dautre part,

    elle favorise le dveloppement de stratgies pour laction . Il sagit ajoute-t-il,

    dun outil de pense complexe qui ne propose pas dans son dialogue un

    programme mais un chemin (mthode) au cours duquel on pourra mettre

    lpreuve certaines stratgies qui se rvleront fructueuses ou non pendant le

    chemin dialogique. En ce sens, la pense complexe engendre sa propre

    stratgie, insparable de la participation inventive de ceux qui la dveloppent.

  • 28

    (Edgar, M. 2003.)11. Pour Ren Jam, la dmarche chemin est un processus

    spiralaire cumulatif . Elle est une dmarche active, car en prise avec le terrain

    et les ralits concrtes ; cest une dmarche participative en ce quelle valorise

    le sujet, prend en compte ses reprsentations mentales et le place au centre de

    laction ; cest une dmarche cooprative et dialogique par les interactions entre

    les pairs. Cette approche, retenue et modlise par lassociation LEau

    Partage constitue le socle des actions en cours Markoye. En effet, oprer

    sur les reprsentations qui tmoignent du vcu de chacun, cest agir sur le

    comportement (parce que nos reprsentations influencent nos comportements).

    Une modification de reprsentation peut donc tre source de changement.

    Hypothses et objectifs de la recherche

    Hypothses de recherche

    Hypothse 1

    Le caractre innovant des A3E dans un contexte ducatif tel que celui du

    Burkina Faso et le statut quacquirent les sujets ainsi que leur posture,

    suscitent un engouement de la part des acteurs, lves et enseignants si bien

    quau fil du temps, ce dispositif constitue un adjuvant qui favorise le

    dveloppement de facults tant au plan du cogito quau plan socioaffectif et

    comportemental. Ainsi, le processus de rflexion continu, enclench par les

    questions en dbat et le conflit sociocognitif qui sinstaure notamment au cours

    de la phase rflexive de la dmarche, conduit les sujets se remettre en cause,

    oprer des changements de reprsentations mentales et de points de vue, et

    se dcentrer progressivement. Cette dcentration tant une attitude

    importante pour traiter de questions brlantes comme cest trs souvent le cas

    dans les ducations .

    11 Edgar Morin, Ral Motta, Emilio-Roger Ciurana.(2003).Eduquer pour l're plantaire: la

    pense complexe comme mthode d'apprentissage dans l'erreur et l'incertitude humaines.

    Paris : Editions Balland.

  • 29

    Hypothse 2

    Parce quils entranent chez les lves et les enseignants lacquisition de

    nouvelles postures, de statuts nouveaux, beaucoup plus propices une relation

    pdagogique plus fconde, plus rassurante, les ateliers dducation lthique

    co citoyenne constituent un cadre o lengagement et lautodtermination des

    sujets sont mieux mme de se faire jour, de se dployer. Sengager librement

    pour telle ou telle cause, telle ou telle action, reprsente le but mme de

    lducation lenvironnement et au dveloppement durable, qui appelle une

    thique de la responsabilit. Les quatre phases qui composent le protocole de

    la dmarche conduisent cette prise de conscience et cette volont dagir du

    sujet contrairement aux approches pdagogiques qui sous-tendent

    lenseignement disciplinaire.

    Hypothse 3

    La dmarche des A3E, au-del de son caractre doutil dducation

    lenvironnement et au dveloppement durable, offre des perspectives

    intressantes pour rsorber les questions dinadquation et dinadaptation dont

    souffre lcole burkinab. Cest un dispositif dont les conditions de mise

    lchelle et de transfert sont accessibles tous.

    Objectifs de la recherche

    Objectif gnral

    Notre thse, parce quelle se veut recherche pour lducation et non

    recherche propos de lducation, vise contribuer la structuration du champ

    de lducation lenvironnement et au dveloppement durable, par la

    construction dun savoir stratgique base sur la dmarche. Partant de lessor

    de lEEDD dans linstitution scolaire, elle offre des perspectives de nouvelles

    pratiques pdagogiques mme de servir la refondation de lcole et partant de

    lco citoyen.

  • 30

    Objectif spcifique 1

    Il sagit dans un premier temps pour nous, partir de lexprimentation

    des A3E dans le contexte spcifique du Burkina, de comprendre les effets,

    limpact et les conditions de recevabilit de lapproche rflexive et dialogique de

    ce dispositif sur les acteurs.

    Objectif spcifique 2

    Ensuite, nous voudrions comprendre comment un projet dducation

    lco-citoyennet, sous-tendu par la dmarche et le protocole formaliss, peut

    aider la communaut ducative prendre conscience des dfis et des enjeux

    environnementaux et sengager dvelopper des comportements

    respectueux de leur milieu de vie ?

    Objectif spcifique 3

    Enfin, au regard de ltat des lieux du systme ducatif du Burkina Faso,

    en pleine mutation institutionnelle, quelles stratgies proposer pour une

    promotion de lducation lthique co citoyenne socle de tout dveloppement

    durable ?

    Mthodologie de recherche

    Une dmarche qualitative

    Notre recherche est consacre lanalyse dun dispositif susceptible de

    favoriser le dveloppement dune pense rflexive chez lenfant, avec pour

    intention de dgager des stratgies dintervention pour une ducation des

    lves lcocitoyennet au Burkina Faso. Dans cette vise, la recherche du

    sens prend naissance dans lexprience subjective et affective des sujets,

    laquelle permet de dcouvrir la signification que ceux-ci attribuent aux situations

    et aux expriences vcues. Les connaissances produire sont des faits

    subjectifs et spcifiques car elles proviennent de contextes particuliers et se

    fondent sur lexprience et le point de vue des acteurs. Cest pourquoi nous

  • 31

    avons privilgi une mthodologie qualitative de type interprtative. Qualitative

    en raison des donnes non mesurables quelle procure, (points de vue, rcits

    dexprience) et interprtative car elle se fonde non seulement sur des

    significations que les acteurs donnent leur ralit, mais aussi sur des

    domaines complexes : interactions, reprsentations mentales des sujets. La

    qute dune rponse notre question de recherche nous amne vers une

    dmarche qui se situe dans un contexte de dcouverte et dinterprtation, plutt

    que de preuve et de confirmation. Pour ce faire, la combinaison de certains

    instruments permet une objectivation des connaissances et par consquent des

    rsultats.

    Trois instruments combins ont t retenus pour cette recherche.

    Lanalyse documentaire

    Mme si le document reste un instrument pour lequel on ne peut pas

    exiger des prcisions supplmentaires, lanalyse documentaire constitue une

    mthode de collecte de donnes qui limine, du moins en partie, lventualit

    dune influence quelconque, quexercerait la prsence ou lintervention du

    chercheur (Kelly, dans Gauthier, 1984, ide reprise par Cellard, 1997).

    Lanalyse documentaire peut tre le seul moyen dtudier une situation surtout

    lorsque des vnements passs ne peuvent plus tre observs directement ou

    lorsquun rapport dj produit fait tat dune expertise technique sur laquelle

    porte ltude (Saint Pierre, 1993). Dans cette tude, il sest avr

    indispensable de recourir cette mthode puisque les A3E ont fait lobjet dune

    exprimentation pralable et qui a donn lieu la production douvrages.

    Lesquels dcrivent la dmarche et le protocole, constitus dinvariants et de

    variantes. En vue de mieux prciser le contexte de transfert, lanalyse

    documentaire a aussi permis de recueillir des lments thoriques et des

    informations relatives aux activits ayant cours dans dautres localits.

  • 32

    Des entretiens semi-directifs

    Nous en avons ralis avec chacun des acteurs de la mise en uvre du

    dispositif. Avec les enseignants exprimentateurs, avec les parties prenantes

    la mise en uvre du projet sant Markoye et avec les lves eux-mmes.

    Les enseignants et les lves reprsentant les acteurs directs de notre tude.

    Soit au total vingt-cinq (25) entretiens denviron une heure chacun avec les

    adultes, et un quart dheure dentretien avec chaque lve.

    Deux guides dentretiens ont t utiliss, dont lun pour les lves et

    lautre pour le personnel enseignant et les responsables associatifs. Le choix de

    lentretien semi-directif visait recueillir les opinions et les reprsentations des

    personnes sur les ralits de leur pratique. Partant de nos hypothses, nous

    avons labor une grille dentretien, btie autour dune trentaine de questions

    ouvertes sur les centres dintrt de notre sujet de recherche. La dsignation

    des personnes interroger sest faite sur la base de leur position dans le

    dispositif.

    Les entretiens se sont drouls dans des cadres diffrents, mais qui

    offraient tous le calme ncessaire aux changes. Les entretiens avec les

    enseignants se sont drouls dans leur salle de classe, aprs les cours de

    laprs-midi. Pour les lves, nous avons ralis les entretiens dans le bureau

    du directeur de lcole, en sa prsence, pour nous conformer la lgislation

    scolaire. Pour les entretiens, nous avons sollicit et obtenu lautorisation

    denregistrer au dictaphone, aux fins de retranscription, tout en assurant les

    personnes de lanonymat que nous aurions observer dans le traitement des

    donnes. En plus de lanalyse documentaire, lentretien permet davoir un

    tmoin privilgi, en quelque sorte un observateur de sa socit, sur la foi de

    qui un autre observateur, le chercheur, peut tenter de constater et de

    reconstituer la ralit. Le caractre non directif associ ce genre dentretien

    offre lavantage de bien coller la ralit de linterview. De sorte que tout en

    jouissant dun maximum de libert pour sexprimer sur un thme de la

    recherche, linterview est plus susceptible de le faire selon ses propres

    catgories et son propre langage. Lentrevue semi-dirige est aussi vue comme

    une faon denrichir le matriel danalyse et le contenu de la recherche. En

  • 33

    effet, le fait de laisser linterview libre pour aborder tout ce quil juge pertinent

    de traiter favorise lmergence de nouvelles dimensions non pressenties au

    dpart.

    Cest dans cet esprit que nous avons utilis cette deuxime stratgie de

    collecte des donnes. Pour des raisons voques plus haut, cette tape a t

    ralise en deux phases.

    Dans un premier temps, il a t question dapprocher les acteurs

    associatifs ayant uvr lexprimentation et la mise en place du protocole

    des A3E. Le recours lentretien semi-dirig nous paraissait indispensable pour

    comprendre le phnomne du point de vue des acteurs et obtenir lexpression

    libre de leurs ressentis ainsi que des significations tires de leurs expriences.

    Dans un deuxime temps, la collecte des donnes sest adresse aux

    acteurs qui vivent au quotidien la dmarche (enseignants et lves), dans

    lintention de bien saisir les enjeux (motivations, objectifs de dpart,

    transformations, acquis, difficults, ressentis). En nous adressant aux lves,

    cela nous a offert loccasion de cerner la source limpact de la dmarche telle

    que vcue par le sujet bnficiaire. Aux fins danalyse, ce contexte permettait

    denvisager des stratgies dintervention qui tiennent compte de la complexit

    dune ralit donne. Le guide et les objectifs poursuivis par les entrevues dans

    les deux contextes sont prsents en annexes. Mais pour mieux nous rendre

    compte de la manire dont les acteurs se comportent pendant la dmarche,

    cest--dire dans le dispositif, nous avons aussi opt pour une observation

    participante.

    Une observation participante

    Lobservation participante permet de dpasser le langage, ce que les

    personnes disent quelles font, pour sintresser leurs comportements et au

    sens quelles y donnent . (Savoie-Zajc, 2004,) cette fin, une participation

    15 sances dateliers organises dans deux coles diffrentes (Markoye A et

    Markoye B), dans les classes de CE2, CM1 et CM2, a permis dassurer la

  • 34

    congruence avec les donnes de lentrevue. Lintention tait alors de cerner la

    cohrence entre le discours et la pratique effective. Cette participation a surtout

    permis dobserver le fonctionnement des rgles dictes dans le protocole, les

    interactions verbales, la posture des diffrents acteurs, les reprsentations

    mentales des sujets sur les questions proposes en ateliers.

    Le fait de se mler aux activits quotidiennes des acteurs laide de

    lobservation participante constitue un outil privilgi pour percevoir les

    pratiques et les interactions. Dans le souci davoir une prsence la moins

    drangeante possible, le chercheur a fait une observation en tant que simple

    participant. Seuls les prsentateurs taient au courant de lobjet de sa

    prsence. Cest partir de lensemble des donnes fournies par les trois

    instruments dont nous avons fait tat que lanalyse a t effectue et ce, afin de

    dgager limpact de cette dmarche sur les sujets et de proposer une stratgie

    adapte au but de notre recherche, savoir, mettre en place et valider une

    approche pdagogique pour lducation lcocitoyennet lcole primaire.

    Notons enfin que dans un souci de permanence, nous avons souhait recevoir

    trimestriellement un compte rendu succinct de la part de chaque enseignant

    exprimentateur sur la manire dont se droulaient les ateliers.

    Orientation paradigmatique de la recherche

    Le choix dune approche mthodologique ne peut tre dissoci de

    lorientation paradigmatique de la recherche.

    linstar de Guilbert (1997), nous sommes davis que, mme si la

    mthodologie nest pas le paradigme, les questions mthodologiques sont

    dpendantes des questions de recherche qui sont elles-mmes tributaires du

    paradigme sous-jacent .

    Pour notre recherche doctorale, en cohrence avec lobjet dtude et nos

    convictions, nous avons opt pour une recherche qui allie approche

    sociocritique et socioconstructiviste qui se traduit par une recherche-action. Une

    recherche-action de type organique, systmique, dicte par la nature de lobjet

  • 35

    dtude : le dveloppement durable appliqu au champ de lducation. Ce

    modle de recherche qui tire ses sources lointaines de lapproche positiviste

    vise un double changement : le changement concret dune ralit (celle de

    lcole actuelle) et le changement dune pense marque par lexprience (celle

    des acteurs et bnficiaires). En effet, un des apports importants de la

    recherche-action est ce quelle nous apprend des rapports mmes quelle

    institue entre chercheur et praticiens, entre ces praticiens et le public dont ils

    ont la charge. Elle se traduit par lengagement du chercheur par rapport aux

    objectifs de laction dans laquelle il se trouve directement impliqu. La

    recherche-action ne se fait pas seule, elle doit tre cooprative. Pour le cas

    prsent, cette coopration sest manifeste travers limplication de plusieurs

    organisations : lassociation LEau partage comme structure

    commanditaire du changement souhait, initiateur du projet dducation la

    sant et de promotion de lhygine et de lassainissement Markoye, la

    reprsentation rsidente de lagence intergouvernementale panafricaine Eau et

    Assainissement pour lAfrique (EAA), structure technique jouant le rle

    dassistance matre douvrage, lassociation Opration Oasis Sahliens

    (OOS) charge de la mobilisation communautaire, la commune de Markoye,

    linspection de lducation nationale de Markoye et les coles A & B

    Figure 1 : processus mthodologique de recherche

    La recherche-action a concern deux coles primaires, 13 classes, 780

    lves de 06 13 ans, dont 401 garons et 379 filles, 16 enseignants et 200

  • 36

    mnages de deux quartiers12. Elle a dur 18 mois, cest--dire deux annes

    scolaires (2012-2013 et 2013-2014). Ici, tout au long de la recherche, nous

    avons jou le rle de prpos. Ainsi, le choix de cette mthode part du fait que

    Toute personne ressent la ncessit de se conscientiser pour sduquer la

    vraie libert (Paulo, Freire. 1974).13 Le rle ici du prpos tant de

    comprendre de manire profonde les phnomnes ou les situations en tude,

    partir du sens que donnent les participants la recherche.

    Ainsi, le chercheur ne peut sattribuer seul la ralit des faits. Il tient

    compte de la contribution des participants. Cest en se basant sur lexprience

    et la valeur des participants la recherche, quil parvient construire un savoir

    objectiv, fond en outre sur les savoirs scientifiques et les faits. Nous avons de

    ce fait conduit notre recherche selon les critres de scientificit de la recherche-

    action, noncs par Andr Morin14 (2010).

    Tableau 1 : critres comparatifs de la recherche-action

    Critres classiques Recherche-action

    Fondement thorique Praxologique

    But Changement

    Ralit Dynamique

    Les valeurs Intgres

    Le contexte Intereli

    Lapproche Interactive

    Le style Participatif

    12 Lenqute proprement dite sur les mnages a t ralise par une quipe de la Reprsentation rsidente de Eau et Assainissement pour lAfrique (EAA) au Burkina, dans le cadre du projet dducation la sant. Nous avons exploit ces rsultats qui rendraient dans le cadre de nos travaux.

    13 Paulo Freire. (1974). Pdagogie des opprims suivi de Conscientisation et rvolution, Paris: Maspero

    14 Morin, A. (2010). Cheminer ensemble dans la ralit complexe. La recherche-action intgrale et systmique (RAIS).Paris : LHarmattan, Collection Recherche-action en pratiques sociales.

  • 37

    Le schme Ngoci

    Le cadre Circonscrit

    Les conditions Cogres

    Le traitement Adaptable

    La porte Organique

    Notre thse, comporte trois grandes parties, subdivises en neuf

    chapitres. La premire partie, intitule Lducation au Burkina Faso : une

    situation problmatique, des volutions ncessaires , prsente le systme

    ducatif et aborde les problmes denvironnement et leur incidence sur

    lconomie burkinab, avant de traiter des limites du systme ducatif face aux

    enjeux cologiques. La deuxime partie titre vers un renouvellement de

    lEEDD traite des modles traditionnels de lEEDD, de limportance du modle

    centr sur la rflexivit et de la modalit nouvelle que reprsentent les A3E.

    Enfin, la troisime partie - la mise en uvre et les effets dune nouvelle

    dmarche en EEDD -, prsente lexprimentation des A3E, la perception des

    acteurs et les effets sur lcole.

  • 38

  • 39

    Premire partie

    Lducation au Burkina Faso : une

    situation problmatique, des

    volutions ncessaires

  • 40

  • 41

    Chapitre I : Les problmes

    denvironnement dans lconomie

    burkinab

  • 42

    1.1 Brve prsentation du Burkina Faso

    Ce chapitre prsente la situation go-climatique du Burkina Faso, les dfis

    environnementaux auxquels le pays est confront et leurs rpercussions sur

    lconomie nationale.

    Figure 2 : Carte administrative du Burkina Faso, avec la localisation de la commune de Markoye

    Pays sahlien enclav, le Burkina Faso est situ au cur de lAfrique

    Occidentale, dans la boucle du Niger. Le pays stend sur une superficie de

    273 187 km2 et na pas de dbouch sur la mer. Le Burkina Faso connat un

    climat tropical deux saisons contrastes : une longue saison sche, qui va

    doctobre avril et une saison pluvieuse de mai septembre. Depuis des

    dcennies, le pays est confront une dgradation acclre de ses

    ressources naturelles. Cette situation entrane des dfis environnementaux,

    sociaux et conomiques normes. Cest dire, que plus quune simple rponse

    aux interpellations de la communaut internationale, la question de lducation

    lenvironnement et au dveloppement durable constitue un impratif pour ce

    pays. Quelles soient dorigine naturelle, humaine ou technologique, les

  • 43

    catastrophes sont rcurrentes au Burkina Faso et provoquent des dgts15

    immenses, signes manifestes de changements climatiques. Il y a lieu de retenir

    que les phnomnes de dsertification et de scheresse fragilisent

    lcosystme du pays. titre dexemple, le Burkina Faso perd chaque anne

    3 200 hectares de fort. Le bois de chauffe qui constitue le principal

    combustible des mnages, contribue 90 %, aux besoins nergtiques

    domestiques qui slvent environ 5 millions de m3 par an. Ceci, combin

    une forte pousse dmographique estime 3,4 % par la Banque mondiale en

    2009, annihile les efforts de dveloppement du pays. ce tableau, il faut

    ajouter les effets exognes de la mondialisation nolibrale : dprciation du

    dollar, volatilit des cours des matires premires, crise financire. Premier

    producteur de coton en Afrique, avec 750 000 tonnes en 2013, le Burkina Faso

    est victime du contexte international marqu par une baisse continue des cours

    du coton sur le march mondial. Si bien que le prix du kilogramme au

    producteur est de 225 F CFA soit 0,34 . Faut-il seulement accuser la

    communaut internationale lorsquun pays qui vit au quotidien une inscurit

    alimentaire fait le choix de se lancer dans la production massive de coton sans

    mcanisme de transformation locale ? Ou encore lorsque les autorits

    politiques font le choix de la culture du coton gntiquement modifi ? Nous

    sommes bien loin de lpoque rvolutionnaire de Thomas Sankara (1983-

    1987)16 o la cotonnade burkinab faisait la fiert des populations.

    Sur le plan administratif et territorial, le Burkina Faso est subdivis en 13

    rgions, 45 provinces, 350 communes et 8 228 villages. Il a une population

    estime 18 450 494 habitants17, dont 59,1 % ont moins de 20 ans. 43.9 % 18de la population vit en dessous du seuil de pauvret, estim 108 454 F CFA

    15 Dans son histoire, le Burkina Faso a connu des crises environnementales svres. Les principales crises vcues sont : les famines, dues des scheresses catastrophiques en 1931, 1932, 1970, 1973, 1983, 1984, 2000 et 2001. De graves inondations ont eu lieu en 1992, 1994 et 2010.

    16 Sous la rvolution sankariste, le coton tait produit et transform localement. Une politique volontariste de consommation des produits locaux, notamment le concept de Faso danfani, avait conquis le cur des populations et donn de lemploi des milliers de tisserands (dont en majorit des femmes). Les pagnes issus de lusine textile Faso Fani taient non seulement apprcis localement mais aussi ltranger.

    17 Projections INSD 2015 : http://www.insd.bf/n/

    18 Anne 2009. Document de SCADD, version dfinitive. P.10

  • 44

    par adulte et par an, soit moins de 0,50 par jour. Avec un faible indice de

    dveloppement humain (0.343 en 2012), le Burkina Faso se classe parmi les

    pays les moins dvelopps (183e sur 187)19. La prvalence de la malnutrition

    chronique chez les enfants de moins de 5 ans est de 31,5 % en 2013. Cette

    situation devrait appeler la mise en place de politiques, de stratgies et

    dactions prioritairement orientes vers la lutte contre la pauvret, cest--dire le

    dveloppement durable, toute chose qui passe par lducation. duquer au

    dveloppement durable au Burkina Faso ncessite donc de relever les dfis en

    matire de sant, denvironnement, dducation et dconomie. Ces dfis sont

    troitement en rapport avec la situation go-climatique du pays et son niveau

    de dveloppement conomique.

    Sur le plan politique, le Burkina Faso a accd son indpendance

    formelle le 5 aot 1960. De 1960 1987, le pays a connu 6 coups dtats. Cest

    en 1984, soit un an aprs lavnement de la Rvolution daot 83, que le pays

    sera baptis Burkina Faso, ou encore le Pays des hommes intgres. Le pouvoir

    rvolutionnaire dalors, dirig par le Capitaine Thomas Sankara, aura

    grandement contribu donner ce pays oubli dans un coin du monde, toutes

    ses lettres de noblesse. En effet, les prises de position courageuses du jeune

    Capitaine Sankara, contre le paiement de la dette, contre limprialisme et

    particulirement son engagement dans le domaine de la lutte contre la

    dsertification par des mesures fortes, ont non seulement contribu faire

    connatre le Pays, mais aussi dvelopper linterne la fiert nationaliste. Des

    mesures courageuses, telles que les trois luttes : lutte contre les feux de

    brousse dans les pratiques agricoles, lutte contre la divagation des animaux et

    lutte contre la coupe abusive du bois ont t lpoque, dune grande

    contribution dans le changement de mentalits et de pratiques vis--vis de

    lenvironnement. Ainsi, le rgime rvolutionnaire a encourag lutilisation de

    foyers dits amliors, afin de rduire la consommation du bois de chauffe.

    Malheureusement, le Capitaine Thomas Sankara sera brutalement et

    sauvagement assassin le 15 octobre 1987, par les hommes de Blaise

    Compaor. Ce dernier, aprs 27 ans de rgne sans partage, marqu par un 19 Rapport mondial sur le dveloppement humain 2012 (PNUD)

  • 45

    dni des Droits humains et une absence de politique consquente en matire

    denvironnement, dducation et dconomie, sera contraint de quitter le pouvoir

    le 31 octobre 2014 la suite dune insurrection populaire.

    Durant ces deux dernires dcennies, le Burkina Faso a mis en place

    deux programmes de dveloppement conomique sur lesquels nous voudrions

    nous attarder, pour mieux illustrer toute la dichotomie entre le discours politique

    et la matrialisation des aspirations des populations. Il sagira dexaminer les

    rsultats du cadre stratgique de lutte contre la pauvret (CSLP) et de la

    stratgie de croissance acclre et de dveloppement durable (SCADD), deux

    programmes qui ont tous deux chou conduire le Burkina sur les chantiers

    dun dveloppement durable.

    Le cadre stratgique de lutte contre la pauvret (CSLP)

    En lan 2000, le Gouvernement du Burkina Faso a mis en place le Cadre

    Stratgique de Lutte contre la Pauvret (CSLP), un plan de dveloppement de

    quinze (15) ans, qui avait pour vision de rduire le niveau de pauvret des

    populations lhorizon 2015. Les objectifs majeurs de ce plan taient de rduire

    substantiellement la pauvret des populations, daugmenter le produit intrieur

    brut par habitant (PIB/H) et daccrotre de manire significative ( 60 ans)

    lesprance de vie du Burkinab. Les domaines de lducation, de la sant, de

    leau potable, de lagriculture et de llevage furent identifis comme des

    domaines prioritaires, sur lesquels le CSLP devrait mettre laccent.

    Principalement au niveau de lducation, les objectifs viss pour les dix (10)

    premires annes taient de :

    1- Accrotre un cot raisonnable, le taux brut de scolarisation primaire de

    40 % 70 % pour tous les enfants dge scolaire, avec un accent

    particulier pour les filles en milieu rural ;

    2- Amliorer la qualit et lefficacit de lducation en faisant passer le gain de

    productivit de 24 % 55 % ;

  • 46

    3- Offrir une alphabtisation de qualit aux adultes (en particulier pour les

    femmes et les habitants des zones dfavorises) et faire passer le taux

    dalphabtisation de 22 % 40 % avec des programmes dalphabtisation

    de base fonctionnels, dispenss par des ONG et des associations

    communautaires des cots rduits ;

    4- Offrir 300 000 enfants de la classe dge de 3 6 ans, une ducation

    centre sur le dveloppement de la petite enfance ;

    5- Donner 165 000 jeunes de la classe dge de 9 15 ans, non scolariss

    ou dscolariss, une ducation bilingue de quatre ans et une formation

    prprofessionnelle, cots rduits ;

    6- Organiser des activits initiales, en particulier dans 20 provinces sur 45

    identifies comme prioritaires et qui ont les taux de scolarisation les plus

    bas et o il existe des rsistances la scolarisation des enfants.

    Malgr ces nobles objectifs, il reste quils ont t dfinis sans un diagnostic

    participatif de tous les acteurs. La preuve, cest aprs deux ans de mise en

    uvre quont t convoques en 2002, les Assises nationales de lducation,

    sur le thme : rflexion globale sur lducation au Burkina Faso .

    Lanalyse globale du CSLP, laisse apparatre un plan ambitieux de lutte

    contre la pauvret, avec un accent sur les secteurs sociaux et sur les zones

    rurales. Cependant, comme nous le constaterons, ses effets sont rests bien en

    de des attentes.

    1.1.1 Analyse de la pauvret selon le milieu de

    rsidence

    La pauvret au Burkina Faso est essentiellement un phnomne rural.

    En effet, plus de la moiti de la population rurale (52,3 %) vit en dessous du

    seuil de pauvret contre 19,9 % en milieu urbain. En termes de mnages, on

    note que 43,5 % des mnages ruraux sont pauvres contre 14,7 % en milieu

  • 47

    urbain. Le milieu rural contribue hauteur de 92,2 % lincidence de la

    pauvret nationale. Les indices de gravit et de svrit de la pauvret sont

    respectivement trois et quatre fois plus importantes en milieu rural quen milieu

    urbain. Ce qui traduit une grande disparit des dpenses (revenus) des

    mnages en milieu rural plus accentue quen milieu urbain. Le Burkina Faso,

    malgr les contraintes dordre naturel qui psent sur le dynamisme de lactivit

    conomique, a enregistr une croissance conomique moyenne de 5,7 % au

    cours de la dcennie 2001-2010. Malgr cette performance conomique, le

    niveau de pauvret reste important (43,9 % en 2009) avec un taux de

    croissance dmographique de 3,1 % (RGPH, 2006).Lactivit conomique du

    Burkina Faso est essentiellement base sur le secteur agricole. Il emploie

    environ 80 % de la population et contribue pour environ 32 % la formation de

    la valeur ajoute nationale (DGEP, 2011). Au cours de la dcennie 2001-2010,

    lactivit conomique a volu en dents de scie en raison des alas climatiques

    et de multiples chocs exognes. Le taux de croissance annuel moyen du PIB

    rel a t de 5,7 % sur la priode avec un pic de 8,7 % en 2005 et un minimal

    de 3,2 % enregistr en 2009. Laugmentation du PIB par tte sest situe autour

    de 1,4 % lan sur la priode. Quant linflation, elle sest situe 3,0 % en

    moyenne sur la priode, avec un pic de10, 7 % en 2008.

    2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Afr. sub 6,2 6,4 7,1 5,6 2,8 5,3 5,3 4,8 5,6 Burkina 8,7 6,8 3,6 5,8 3 8,4 5,1 9 7 4

  • 48

    Figure 3 Croissance de lAfrique subsaharienne et du Burkina de 2005 201420

    Tableau 2 : PIB (en milliards FCFA) de 2005 201221

    2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

    2573,3 2734,2 2846,6 3011,7 3100,9 3362,9 3585,7 3817,1

    192,4 198,1 199,7 204,4 203,7 213,8 220,7 227,5

    1985 1991 1996 2006

    48,5 52,2 53,8 56,7

    Tableau 3 Classement du Burkina selon le PNUD de 2006 201422

    Anne 2006 2007 2 008 2 009 2 010 Rang 173/179 177/182 176/177 177/182 161/169

    Anne 2011 2012 2013 2014 Rang 181/187 183/187 183/186 181/187

    1.1.2 volution rcente et perspective de

    lconomie Burkinab

    Lconomie du Burkina Faso, en dpit dune conjoncture extrieure

    difficile et des chocs exognes sans prcdents (inondations et scheresses

    survenues ces dernires annes), a atteint un autre palier de croissance du PIB

    ressortant 7,5 % en moyenne entre 2010 et 2012 contre 5,8 % en moyenne la

    dcennie coule. La croissance conomique du Burkina Faso pour la priode

    2010-2012, a t lune des plus fortes de la zone UEMOA qui a enregistr une 20 Idem

    21 Op. cit

    22 Op. cit

  • 49

    croissance moyenne de 3,7 % au cours de la priode indique. Particulirement

    en 2012, les dernires estimations font tat dun taux de croissance du PIB

    compris entre 8 et 9,0 %. Ces performances sont attribuables lensemble des

    secteurs de production. Le secteur primaire, constitu en partie de lagriculture

    et de llevage qui reprsentent les piliers de lconomie burkinab, a contribu

    pour 27,3 % en moyenne la formation du PIB entre 2010 et 2012. Les

    performances enregistres au niveau du secteur primaire sont dues

    lensemble des mesures et actions mises en uvre par le Gouvernement pour

    accompagner les acteurs du monde rural. Il sagit entre autres de la mise

    disposition dintrants agricoles (semences amliores, engrais, quipements),

    de lappui conseil aux producteurs, de la construction dinfrastructures hydro

    agricoles, etc.

    Le secteur secondaire a connu une bonne orientation au cours de ces

    dernires annes en liaison avec le dynamisme des industries extractives,

    lamlioration du tissu industriel et la bonne tenue du sous-secteur des

    Btiments et Travaux Publics (BTP) porte ces deux dernires annes par la

    mise en uvre des activits prvues dans le cadre de la stratgie de

    croissance acclre et de dveloppement durable. Sur ces trois dernires

    annes, le secteur a connu une croissance moyenne de 12,1 %. Sa part dans

    la formation du PIB sur la priode est de 20,7 % en moyenne. En plus de la

    bonne tenue des cours mondiaux, la contribution de plus en plus importance du

    secteur minier au dveloppement conomique est le rsultat des rformes

    entreprises pour amliorer lattractivit du pays travers la relecture du code

    minier. Cela a permis au Burkina Faso denregistrer un afflux massif

    dinvestisseurs miniers, matrialis par la mise en exploitation de plusieurs

    mines dont les principales sont : Essakane, Kalsaka Mining, Inata, Taparko,

    Bissa Gold, Mana, Youga et Nantou Minig23. Ainsi, la production dor est passe

    de 5,4 tonnes en 2008, 12,5 tonnes en 2009, puis 26,2 tonnes en 2010 pour

    atteindre 36,5 tonnes mtal en 2014.

    Le secteur tertiaire a consolid sa place de premire branche de

    lconomie du Burkina Faso avec une participation moyenne la formation du 23 Bon nombre de ces mines portent le nom de la localit du pays o elles sont implantes.

  • 50

    PIB de 52,0 % et une croissance moyenne de 5,1 %. En effet, le

    dveloppement des services de transport et de transit, le dynamisme du

    commerce, lamlioration des services lis aux tlcommunications, aux

    assurances et lactivit bancaire, le tourisme et lartisanat ont fortement

    contribu maintenir la position du tertiaire dans la formation du PIB.

    Sagissant de linflation, elle a t contenue dans lensemble dans la limite de la

    norme communautaire de lUEMOA aprs la forte pression inflationniste

    enregistre en 2008 conscutive aux crises alimentaire et nergtique. En effet,

    le taux dinflation sest situ en moyenne 2,0 % sur la priode 2010-2012. La

    matrise de linflation se justifie notamment par les performances enregistres

    au niveau du secteur agricole et les mesures prises par le gouvernement pour

    faire face la monte des prix (les exonrations et subventions de certains

    produits, le contrle des prix des produits de grande consommation, les

    oprations de ventes des crales prix social au cours des campagnes

    dficitaires etc.).

    En somme, au cours de la priode 2010-2012, lconomie du Burkina

    Faso a t caractrise par un renforcement de la stabilit macroconomique.

    Cette stabilit sest traduite par les rsultats positifs enregistrs dans tous les

    secteurs de lconomie grce aux politiques et aux rformes mises en place. En

    perspective, lactivit conomique du Burkina Faso devrait rester vigoureuse en

    se maintenant dans la limite du palier de croissance de 7 %.

    Si les statistiques semblent indiquer une conomie en croissance, force

    est de reconnatre que son incidence sur la pauvret se fait attendre. En effet,

    aprs 10 ans de mise en uvre du CSLP, 43,9 % de la population burkinab

    vivait encore en dessous du seuil de pauvret, estim 108 454 FCFA en

    2009-2010. Laccent ayant t mis sur le dveloppement macro-conomique

    travers lexpansion des sites dor, cest lenvironnement qui en prend un coup

    srieux. Il faut galement noter ces choix de dveloppement ont favoris

    laccroissement de flaux tels ceux relatifs au travail des enfants, la

    dlinquance juvnile et la prolifration des MST dont le Sida autour des sites

    dor.

  • 51

    Photo 1 : Des enfants travaillant dans un site dorpaillage artisanal24

    24 Le phnomne du travail des enfants dans les sites dorpaillage prend de lampleur au Burkina Faso. Dsertant les classes, des milliers dlves, garons comme filles, vont la recherche de lor ou de largent dans les sites miniers artisanaux, sexposant ainsi la dlinquance, la prostitution, la drogue si ce nest tout simplement aux nombreuses maladies qui les guettent dans ces trous de la mort.

  • 52

    1.2 La Stratgie de croissance acclre et

    de dveloppement durable (SCADD)25

    Figure 4 Logo de la SCADD

    Aprs une dizaine dannes de mise en uvre du CSLP, le

    Gouvernement a adopt un autre rfrentiel de dveloppement savoir la

    stratgie de croissance acclre et de dveloppement durable. Selon le

    document de la SCADD, version dfinitive de 2011, lobjectif global de cette

    nouvelle stratgie est de raliser une croissance forte, soutenue et de qualit,

    gnratrice deffets multiplicateurs sur le niveau damlioration des revenus, la

    qualit de vie de la population et soucieuse du respect du principe du

    dveloppement durable. Lambition de croissance du Gouvernement est de

    raliser un taux de croissance moyen de 10 % sur la priode 2011-2015,

    considre comme 1er cycle dune srie de trois cycles quinquennaux. cet

    25 Le titre du programme gouvernemental de dveloppement est en lui-mme problmatique. La croissance acclre est-elle compatible avec le dveloppement durable ? Au moment o la socit civile dans les pays industrialiss en appelle une dcroissance, une croissance acclre dans les pays en dveloppement ne risque-t-elle pas de conduire aux mmes erreurs ? Cette orientation se fait-elle sous linjonction des institutions financires internationales, principales sources de financement des politiques intrieures de ces pays ?

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    effet, le modle de croissance acclre propos est bas notamment sur la

    promotion des ples de croissance notamment le projet Bagrpole en cours de

    mise en uvre qui offre plus de 500 000 ha de terres irrigables et pour lequel le

    Burkina Faso a reu actuellement un financement de prs de 57 milliards de

    FCFA ainsi que sur le dveloppement des filires de production et la promotion

    dentreprises dans les secteurs des olagineux, des crales, des fruits et

    lgumes. Toutes ces actions mener dans le cadre de la Stratgie viseront

    surtout promouvoir une croissance pro pauvre, cest--dire qui profite aux

    couches sociales vulnrables. Seulement, lvaluation du 1er cycle de mise en

    uvre de la SCADD, les promesses en termes de rsultats attendus sont peu

    satisfaisantes. En effet, aprs quatre annes de mise en uvre de son premier

    cycle (2011-2015), la Stratgie de croissance acclre et de dveloppement

    durable (SCADD) ne donne pas encore entire satisfaction. Ainsi, les taux de

    ralisations des mesures et des actions peinent dpasser les 60 % chaque

    anne sur la priode 2011-2013. Pire, le taux de latteinte des cibles des

    indicateurs de la matrice na t que de 45,28 % en 2014. La crise

    sociopolitique et linsurrection populaire doctobre 2014 sont voques pour

    expliquer ces contre-performances. Cest dire combien le pays est loin

    datteindre les rsultats quil sest fixs travers ses plans et ses programmes

    de dveloppement. Avec larrive de nouvelles autorits au pouvoir, un

    nouveau plan national de dveloppement conomique et social (PNDES, 2016-

    2020) vient dtre adopt en mars 2016, en remplacement de la SCADD.

    Toujours est-il quau regard de lchec de la SCADD, la question que lon peut

    se poser est celle de savoir comment croissance acclre et dveloppement

    durable peuvent-ils faire bon mnage ? moins que cette compatibilit ne soit

    la preuve que dcideurs et puissants du monde dun ct et populations

    pauvres et militants cologistes de lautre, ne parlent pas de la mme chose

    ce sujet.

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    1.3 Les politiques environnementales du

    Burkina

    1.3.1Une volont politique mitige

    Le Burkina Faso, depuis plus de deux dcennies, sest engag en faveur

    du dveloppement durable. Ainsi, il sest investi dans l