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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL GESTION ENVIRONNEMENTALE ET CAPACITÉ DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL À MINE RAGLAN MÉMOIRE PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN SCIENCES DE L'ENVIRONNEMENT PAR JULIE BEAUCHEMIN DÉCEMBRE 2007

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL · 4.3.3 Changement de nature environnementale: implantation d'un nouveau PGMR à Mine Raglan 68 4.3.4 Processus de changement: réponse à la

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

GESTION ENVIRONNEMENTALE ET CAPACITÉ DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL À MINE RAGLAN

MÉMOIRE PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN SCIENCES DE L'ENVIRONNEMENT

PAR JULIE BEAUCHEMIN

DÉCEMBRE 2007

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques

Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

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REMERCIEMENTS

En premier lieu, j'offre un merci sincère et plein de gratitude à Jean-François Léonard, mon

directeur de recherche, qui m'a accompagnée tout au long de la rédaction malgré mes

absences prolongées et mon manque de disponibilité. Je Je remercie particulièrement de

m'avoir laissée étudier cette discipline, la gestion environnementale, qui m'était à peu près

inconnue sur le plan théorique avant que je ne m'y penche dans le cadre de ce mémoire. Un

merci tout aussi enthousiaste à Marie-France Turcotte qui, par son enseignement riche et

dynamique, a allumé en moi ce vif intérêt pour la gestion.

Merci aussi à Mine Raglan et, en particulier, à mon patron de l'époque, Joël Pagé, qui m'a

appuyée dans ma recherche en me laissant utiliser J'organisation comme cas d'étude. Je

remercie également les acteurs du changement de cette compagnie qui m'ont nourrie de leur

expérience et de leur connaissance de l' organisat ion.

En dernier lieu, merci à Philippe, mon amoureux qui, de loin ou de près, m'a encouragée à

chaque instant, à mes parents gui m'ont toujours soutenue dans mes entreprises ainsi qu'aux

membres de mon quatuor d'étude, Raphaëlle, Jean-Christophe et Cynthia, qui ont partagé

avec moi les moments d'excitation et de solitude, les joies et les frustrations de ces deux

années d'études.

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TABLE DES MATIÈRES

TAB LE DES MATIÈRES iii

LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX vi

LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES, ACRONYMES ET SYMBOLES vii

RÉSUMÉ viii

INTRODUCTION , 1

CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE .4

1.1 L'industrie minière et la gestion environnementale .4

1.1.1 Vers la responsabilité sociale de l'entreprise minière ,4

1.1.2 Conséquences de l'éloignement des exploitations 6

1.2 Gestion environnementale et changement organisationnel 8

1.3 Pertinence d'une étude de cas relative au changement organisationnel 10

CHAPITRE Il ÉTAT DE LA QUESTION ET CADRE THÉORIQUE 12

2.1 Gestion environnementale et gestion du changement: des concepts liés 12

2.1.1 Notions de gestion environnementale 12

2.1.2 Définir le changement organisationnel 14

2.1.3 Facteurs de succès et d'échec du changement. 16

2.2 La réussite du changement: approches et théories 18

2.2.1 Rythme et profondeur du changement: évolutif ou révolutionnaire? 19

2.2.2 Degré de planification: changement planifié ou émergent? 21

2.2.3 Composantes de l'organisation affectées par le changement: culture, structure, stratégie? 22

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IV

2.3 Construction d'un modèle de changement organisationnel 27

CHAPITRE III OBJECTIFS ET MÉTHODOLOGIE .35

3.1 Objectifs de l'étude 35

3.2 Énoncé des questions de recherche .36

3.3 Méthodologie de recherche 37

3.3.1 Stratégie de recherche 37

3.3.2 Unités d'analyse 38

3.3.3 Approche générale pour la collecte des données: la recherche-action participative 38

3.3.4 Sources de données et méthodes de collecte 40

3.3.5 Traitement des données .46

3.3.6 Validité, fiabilité et réactivité 47

CHAPITRE IV CAS D'ÉTUDE: MINE RAGLAN .49

4.1 Historique et particularités de Mine Raglan .49

4.2 Mine Raglan et la gestion environnementale .52

4.3 Les modèles de changement en vigueur à Mine Raglan 54

4.3.1 Processus de changement vécus par des agents 54

4.3.2 Le changement: comparaison des modèles empirique et théorique 62

4.3.3 Changement de nature environnementale: implantation d'un nouveau PGMR à Mine Raglan 68

4.3.4 Processus de changement: réponse à la première question de recherche 70

4.4 Facteurs de réussite et d'échec du changement à Mine Raglan: réponse à la deuxième question de recherche 75

4.4.1 Perception des récepteurs du changement 75

4.4.2 Perception des agents de changement.. 78

4.4.3 Comparaison des connaissances théoriques et pratiques 80

4.5 Forces et faiblesses de Mine Raglan en matière de changement organisationnel 83

4.5.1 Forces et faiblesses telles que perçues par les récepteurs 83

4.5.2 Performance des services responsables de l'implantation de changements telle que perçue par les récepteurs 85

4.5.3 Forces et faiblesses telles que perçues par les agents 87

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v

4.5.4 Forces et faiblesses en matière de changement: réponse à la troisième question de recherche 100

CONCLUSION 110

APPENDICE A SOMMAIRES DES MODÈLES DÉVELOPPÉES PAR DIFFÉRENTS AUTEURS 115

A.I Modèles théoriques de changement organisationnel 116

APPENDICE B OUTILS DE COLLECTE DES DONNÉES 118

B.I Questionnaire d'entrevue 119

B.2 Information transmise aux sujets avant l'entrevue 122

B.3 Information transmise aux chercheurs avant le forum d'informateurs clés 121

LISTE DES RÉFÉRENCES 124

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LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX

Figures Page

2.1 Modèle théorique de changement organisationnel....................... .... 34

4.1 Localisation des sites de Mine Raglan............................... ...... .... 51

4.2 Modèle théorique de changement organisationnel corrigé et applicable à la mine Raglan.................................................... 72

Tableaux

3.1 Comparaison de la composition de la population étudiée et de l'échantillon interviewé......................................................... 42

4.1 Comparaison des sept cas de changements vécus par différents services de Mine Raglan........................................................ 61

4.2 Comparaison des modèles de changement théorique tiré de la littérature et empirique tiré de l'expérience des agents de changement de Mine Raglan................................................... 65

4.3 Facteurs de réussite ou d'échec du changement tels qu'énoncés par 34 récepteurs de changement.......................................... ..... 77

4.4 Facteurs de réussite ou d'échec du changement tels qu'énoncés par sept agents de changement............................................. ..... 79

A.1 Modèles théoriques de changement organisationneL................... ....... 116

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3RV

ARK

CCCPP

CQEK

CSMOE

km

Ltée

MDDEP

MW

ONG

PGMR

REMM

RETIC

SGE

LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES, ACRONYMES ET SYMBOLES

Réduction, réutilisation, recyclage et valorisation

Administration Régionale Kativik

Comité Conjoint de Chasse Pêche et Piégeage

Commission de la Qualité de l'Environnement Kativik

Comité sectoriel de main d'œuvre en environnement

Kilomètre

Limitée

Ministère du Développement durable de j'environnement et des parcs

Mégawatt

Organisation non gouvernementale

Plan de gestion des matières résiduelles

Règlement sur les effluents des mines de métaux

Raglan employment and technical training committee

Système de gestion environnementale

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RÉSUMÉ

Le présent mémoire s'appuie sur une étude de cas menée à la mine Raglan. Il vise à évaluer sa capacité de changement organisationnel en se basant sur les témoignages des acteurs du changement, c'est-à-dire les personnes qui l'implantent (les agents) et celles qui doivent l'appliquer (les récepteurs). Ces témoignages ont permis de éerner les modalités de changement organisationnel propres à cette entreprise minière, les facteurs de réussite et d'échec de ces mêmes changements ainsi que les forces et les faiblesses qui en affectent la réalisation. On souhaitait également déterminer les défis spécifiques auxquels l'entreprise étudiée est confrontée dans ses processus de changement en raison de ses caractéristiques propres, notamment son isolement géographique dans un milieu extrême. Enfin, nous voulions utiliser ces constats pour fonnuler des recommandations afin que Mine Raglan soit en mesure de mener à bien des projets de changement actuels et futurs tels que l'implantation de son nouveau plan de gestion des matières résiduelles (PGMR).

Grâce à des entrevues menées auprès de récepteurs du changement, à des exemples de changements vécus par sept agents de différents niveaux hiérarchiques à Mine Raglan et à l'observation participante et documentaire, trois questions de recherches ont été abordées. D'une part, nous voulions savoir si les processus de changement vécus par ]a mine Raglan suivaient les phases et les étapes décrites dans un modèle théorique tiré de la littérature et appliqué à notre étude. Nous souhaitions également décrire les facteurs de réussite et d'échec du changement ressentis par les acteurs de Mine Raglan et déterminer si ces derniers sont comparables à ceux que la littérature avait relevés. Enfin, J'étude visait à déceler les forces et les faiblesses de l'organisation en matière de changement et à proposer des recommandations pour soit en tirer profit, soit les surmonter.

Nous avons conclu que même si les changements vécus à Mine Raglan ne sont pas calqués sur le modèle théorique, l'organisation a su développer une assez bonne capacité de changement. Nous sommes aussi d'avis que cette capacité peut être accrue si, d'une part, cette société minière applique le modèle de changement qui a été construit pour elle et si, d'autre part, elle donne suite aux recommandations formulées. Nous affirmons enfin que cette amélioration pourrait lui permettre d'augmenter sa perforn1ance environnementale par une gestion plus efficace du changement, notamment dans le domaine de la gestion des matières résiduelles ainsi que dans le cadre de l'implantation de son nouveau PGMR.

Mots clés: changement; organisation; gestion; environnement; mine.

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INTRODUCTION

Il est loin le temps où l'exploitation minière se faisait au pic et à la pelle. En Occident, on a

vu s'opérer une grande transformation de cette industrie dans la seconde moitié du 20e siècle.

Méthodes et équipements de travail, conditions d'emploi, mesures pour assurer la sécurité

des travailleurs et la protection de l'environnement sont apparus pour modifier le paysage

minier. Même si ces changements sont majeurs, l'industrie minière est aujourd'hui encore en

pleine transformation.

Pendant que s'observe la croissance de l'industrie min ière, les parties prenantes telles les

communautés locales, les gouvernements et le public en général, manifestent de plus en plus

leurs préoccupations et imposent leurs exigences en matière de responsabil ité sociale et

environnementale de ce type d'entreprise. Par ailleurs, des facteurs comme la rareté de la

ressource et les développements technologiques incitent aujourd'hui les exploitations

minières à s·éloigner encore plus des centres urbains. Ces phénomènes apportent à l'industrie

minière son lot de défis logistiques et organisationnels. Certaines mines doivent aujourd·hui

opérer dans le respect et avec l'accord des communautés autochtones dont elles se

rapprochent; de même, l'ensemble de l'industrie doit composer avec de nouvelles

responsabilités, normes et législations environnementales. Il en découle une complexification

de la gestion environnementale pour le monde minier.

Pour ces raisons, le secteur minier québécois a adopté de nouvelles pratiques de gestion

environnementale pour accroître sa performance en la matière. Cependant, qui dit gestion

environnementale dit aussi changements organisationnels; par conséquent les programmes

environnementaux constituent aujourd'hui de nouveaux défis de changement pour

l'entreprise. L'écochangement corporatif ou l'éco-innovation, soit le changement

organisationnel visant l' amél ioration de sa performance environnementale, fait partie de la

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réalité des entreprises d'aujourd'hui et l'on s'accorde généralement pour dire que

perfonnance environnementale et capacité de changement sont positivement corrélées.

Dans le cadre de la présente recherche, nous nous sommes donc intéressée aux défis que pose

la gestion du changement afin de détenniner dans quelle mesure une organisation peut

implanter efficacement des programmes environnementaux et ainsi augmenter sa

performance en la matière. Pour ce faire, nous avons choisi d'étudier le cas de la mine Raglan

qui procède actuellement à l'implantation graduelle d'un nouveau plan de gestion des

matières résiduelles (PGMR).

Par des entrevues menées auprès des individus qui doivent appliquer les changements

demandés (les récepteurs) et grâce à des informations recueillies auprès de ceux qui les

développent et les implantent dans les divers secteurs de l'organisation (les agents), nous

dressons un portrait de la capacité de changement organisationnel de Mine Raglan. Ce

diagnostic se développe en trois points:

• Quelles sont les étapes retenues par Mine Raglan pour procéder au changement et

quel modèle devrait-elle mettre en application pour devenir plus performante en la

matière?

• De l'avis des récepteurs et des agents de changement de Mine Raglan, quels sont les

principaux facteurs de succès et d'échec du changement?

• D'après le diagnostic posé par les récepteurs et les agents, quelles sont les principales

forces et faiblesses de l'organisation en matière de changement?

Cette description empirique de notre cas d'étude s'effectue en comparaIson avec les

connaissances théoriques tirées de la littérature scientifique. Ainsi, après avoir décrit la

problématique de recherche au chapitre I, nous procédons au chapitre II à une revue de la

littérature sur laquelle s'appuie notre recherche. Cet état des connaissances permet de définir

ce qu'est le changement organisationnel ainsi que les angles sous lesquels il peut se présenter.

Ce chapitre regroupe aussi les facteurs de succès ou d'échec du changement qui sont signalés

par différents experts de la gestion du changement. Enfin, on y présente aussi un amalgame

des modèles de changement organisationnel proposés par différents auteurs.

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Au chapitre 1JI, nous exposons la méthodologie de recherche employée pour finalement

présenter notre cas d'étude au chapitre IV. Nous répondons là à nos trois questions de

recherche pour finalement proposer à Mine Raglan des pistes de solutions pour améliorer sa

capacité de changement. Bien que ces conclusions ne soient pas généralisables à d'autres

entreprises, nous sommes d'avis que l'expérience de Mine Raglan peut être utile à tout

gestionnaire de l'environnement désireux d'aborder ('éco-innovation avec plus d'efficacité.

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CHAPITRE l

PROBLÉMATIQUE

1.1 L" industrie minière et la gestion environnementale

J.1.1 Vers la responsabilité sociale de l'entreprise minière

De longue date, d'importants problèmes environnementaux ont été associés à l'exploitation

minière, traditionnellement caractérisée par des pratiques irresponsables sur les plans

environnemental et social (Jenkins, 2004). La mauvaise gestion des eaux et des sols

contaminés, J'abandon des parcs à résidus miniers ainsi que la perturbation du tissu social et

du milieu naturel des communautés locales sont devenus les problèmes environnementaux les

plus répandus de cette industrie.

Depuis la fin du 20e siècle, l'industrie minière se trouve confrontée à une augmentation des

critiques (Jenkins, 2004) et à de nouvelles attentes sociales et environnementales de la part

des communautés d'intérêts liées aux divers projets miniers. Ce secteur industriel prend de

plus en plus d"ampleur en raison du nombre de mines en exploitation, de la superficie des

territoires qu'elles affectent, de leur importance économique et dc la demande mondiale en

métaux qui ne cesse de croître. Ces facteurs augmentent la visibilité des mines, ce qui suscite

de plus en plus de préoccupations au sein de la société civile (Kemp, 2005). En plus des

communautés locales, les organisations non gouvernementales (ONG) nationales et

internationales s'impliquent maintenant dans les débats entourant J'ouverture de nouvelles

mines. Cela a notamment été le cas lors de la planification de l'exploitation minière du projet

Antamina au Pérou (Lambert-Pilotte, 2006; Pratt, 2001). Au fil du temps, il est donc devenu

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nécessaire pour les compagnIes minières de porter attention à leurs impacts socIaux et

environnementaux (Jenkins, 2004) et d'adopter une approche transparente et ouverte à

l'égard des communautés locales, des gouvernements et du public en général (Kemp, 2005).

Même le consommateur s'intéresse de plus en plus à la provenance des métaux composant

les produits qu'il achète et s'interroge sur les conditions de leur extraction (Abbott et Arman,

1998). Aujourd'hui, ces diverses requêtes ne peuvent être ignorées. En effet, l'image de

l'entreprise et sa capacité à se développer ou à s'implanter dans de nouveaux lieux

d'exploitation est de plus en plus liée à sa capacité à tenir compte des besoins fonctionnels et

émotionnels de l'ensemble de ses parties prenantes, c'est-à-dire à maintenir une relation

d'affaire tout en s'impliquant personnellement et humainement avec chacune d'elles. Deux

signaux d'alarme du déclin d'une organisation seraient donc sa négligence à l'égard de

certaines de ses parties prenantes ainsi que la perte de contact émotionnel avec elles (Sheth et

Sisodia, 2005).

L'augmentation de la conscIence et des connaIssances environnementales du public, la

transformation générale de ses valeurs, l'apparition du consommateur vert, l'activisme de la

population et de groupes de pression de même que la mondialisation des enjeux

environnementaux et l'apparition de nouveaux outils législatifs, litiges environnementaux,

normes et instntments économiques favorisant les pratiques vertes sont autant de pressions

exercées sur ce secteur industriel par les parties prenantes. Ces pressions se manifestent avec

de plus en plus de force et encouragent l'adoption de pratiques plus respectueuses de

J'environnement (Schrader, 1995). Par conséquent, les entreprises minières doivent

maintenant avoir la capacité non seulement de répondre aux nouveaux standards

d'exploitation mais aussi d'anticiper ceux à venir afin de conserver ou d'obtenir leur droit à

l'exploitation d'un territoire (Kemp, 2005). Cette nouvelle orientation a mené à l'adoption de

stratégies misant sur le développement durable et la responsabilité sociale de l'entreprise, afin

de faire concorder besoin de rentabilité avec obligations communautaires et

environnementales (Jenkins, 2004).

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1.1.2 Conséquences de l'éloignement des exploitations

Les sociétés minières sont aujourd'hui plus attentives au fait que la proximité entre une

population indigène et l'exploitation d'une mine peut engendrer des frictions et des pressions

sur l'entreprise pour qu'elle adopte des pratiques plus respectueuses de l'environnement dans

lequel elle évolue. On constate aussi que Je milieu social, naturel et géographique dans lequel

s'insèrent les compagnies minières s'est modifié avec le temps. Grâce aux développements

technologiques et en raison de la raréfaction des ressources, il est devenu possible et rentable

pour l'industrie de poursuivre son développement dans des régions de plus en plus éloignées

et isolées de même que dans des milieux aux conditions toujours plus extrêmes (Jenkins,

2004). Souvent, ces régions abritent aussi des écosystèmes particulièrement fragiles et

vierges. Les mines, comme les plateformes de forage pétrolières, repoussent sans cesse leurs

limites géographiques. Si elles peuvent compter sur des technologies de télécommunication

performantes et sur des équipements mieux adaptés aux conditions climatiques extrêmes

auxquelles elles font face, les défis organisationnels, eux, demeurent bien présents mais peu

considérés par les chercheurs des domaines de la gestion ou des sciences de l'environnement.

D'une part, avec l'éloignement des exploitations minières se produit souvent un

rapprochement avec des communautés traditionnellement isolées. Pour celles-ci, l'arrivée de

J'industrie est porteuse d'un choc culturel et de l'inquiétude de voir polluer l'environnement

sur lequel leurs traditions et une partie de leur subsistance sont basées. Qui plus est, ces

communautés sont aujourd'hui mieux structurées sur le plan politique et ont généralement

accès à des conseillers chargés de veiller à la sauvegarde de leurs intérêts. Tel que mentionné

précédemmen t, l'industrie minière n'a plus le loisir de négliger les préoccupations soulevées

par les habitants des territoires sur lesquels elle souhaite intervenir. Whiteway (1995) soulève

d'ailleurs que les développements miniers en territoires autochtones doivent aujourd'hui

prévoir la formation et l'embauche de membres des populations locales en plus d'assurer une

saine gestion environnementale et de négocier J'usage du territoire. Ces considérations

viennent s'additionner aux lois et règlements environnementaux en vigueur dans le pays hôte,

augmentent les standards à respecter et complexifient donc la gestion environnementale des

mmes.

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D'autre part, cette complexité est aussi accrue par l'autonomie que doivent développer les

compagnies évoluant en milieu isolé. Alors qu'elles se rapprochent des communautés

autochtones, les mines s'éloignent par le fait même des centres urbains pourvoyeurs de

services. Elles se trouvent dès lors à gérer nombre d'aspects environnementaux qui

incombent normalement aux municipalités ou à des compagnies privées spécialisées. C'est

par exemple le cas du traitement de l'eau potable, des eaux usées domestiques ou des

matières résiduelles non dangereuses. L'apparition de ces nouvelles responsabilités force

l'industrie minière à se doter des moyens techniques d"y répondre el vient alourdir la

réglementation à laquelle elle doit déjà se soumettre.

Ainsi, en plus d'être assujetties à la Directive 019 (s'adressant spécifiquement aux mines) du

ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs du Québec (MDDEP),

et au Règlement sur les effluents des mines de métaux (REMM) du gouvernement fédéral,

plusieurs mines sont aujourd'hui tenues de se soumettre à des réglementations

environnementales qui ne sont pas spécifiques à leur domaine. La plupart d'entre elles,

particulièrement celles qui sont éloignées d'un centre urbain, doivent se soumettre à des

règlements supplémentaires, comme ceux portant sur l'enfouissement et j'incinération de

matières résiduelles, sur la qualité de J'eau potable ou sur l'évacuation et le traitement des

eaux usées des résidences isolées. La gestion environnementale des exploitations minières

s'en trouve élargie et complexifiée. D'ailleurs, une grande enquête menée par le Comité

sectoriel de main-d'œuvre de l'environnement (CSMOE) et portant sur la gestion

environnementale dans les entreprises du Québec a démontré que la diligence raisonnable et

la réglementation arrivent en tête des facteurs menant à l'adoption de pratiques de gestion

environnementale. Dans le même ordre d'idée, Sheth et Sisodia (2005) confirment, quant à

eux, que la réglementation est le facteur propulsant le changement organisationnel avec le

plus de rapidité. Post et Altman (1994) soulignent aussi que ce sont principalement les lois et

règlements et les incitatifs financiers qui poussent les entreprises à adopter des pratiques plus

propices au respect de l'environnement. Tous ces exemples nous portent à conclure que

l'augmentation du nombre de règlements à respecter avec l'éloignement des mines motiverait

de façon importante l'adoption de nouvelles pratiques de gestion environnementale.

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1.2 Gestion environnementale et changement organisationnel

On a vu comment l'évolution des préoccupations environnementales, la proximité

grandissante des communautés autochtones et l'augmentation des responsabilités

environnementales due à l'isolement de certaines mines et au resserrement de la

réglementation ont encouragé l'industrie minière à tourner ses modèles de gestion vers des

pratiques plus socialement responsables. D'ailleurs, l'étude du CSMOE (1999) révèle que le

secteur minier fait aujourd'hui partie des secteurs industriels québécois les plus avancés en

matière de gestion et d'engagement environnemental. Qui plus est, parmi les entreprises

québécoises, celles du secteur de la métallurgie, des mines et des métaux démontrent les plus

hauts niveaux de gestion environnementale. En effet, 75,0% d'entre elles se seraient dotées

de politiques, normes ou procédures environnementales et, dans 47,5% des cas, d'un service

interne de gestion environnementale (CSMOE, 1999). L'importante réglementation à laquelle

est soumise cette industrie au Québec a fort probablement contribué à l'amélioration de ses

pratiques de gestion. Bien que l'industrie minière dans le monde ne soit pas encore un

modèle en la matière, on retiendra pour la présente étude que les mines actives situées en

territoire québécois ont, règle générale, fait le choix d'une saine gestion environnementale

leur permettant d'accroître progressivement leur performance en la matière.

Or, la gestion environnementale et le principe de l'amélioration continue, soit l'accroissement

progressif de la performance environnementale d'une organisation par la mise en place et le

maintien d'un système de gestion et par l'atteinte d'objectifs et de cibles environnementaux,

supposent la réalisation de changements organisationnels sur une base régulière. Si la

performance environnementale peut parfois être accrue par des ajouts technologiques en fin

de procédé pour traiter les rejets (end 0/pipe technologies), on tente aujourd'hui d'agir aussi

à la source du problème. C'est d'ailleurs la méthode que prône Boiral (2005); il est d'avis

que les technologies palliatives n'encouragent pas les opérateurs d'une industrie à se soucier

des impacts environnementaux de leur travail. Selon lui, des approches préventives doivent

être mises de J'avant afin de compléter les outils technologiques et de réduire les émissions à

la source par des modifications des processus industriels, incluant le comportement des

opérateurs. Cependant, cette approche exige des changements organisationnels beaucoup plus

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importants que le recours à la technologie et l'organisation doit par conséquent accroître ses

aptitudes en la matière.

Quelques auteurs se sont d'ailleurs intéressés à la mise en place de programmes

environnementaux ou de systèmes de gestion environnementale en tant que processus de

changement organisationnel (Blum-Kusterer et Hussain, 2001; Georg et Fussel, 2000;

Jorgensen, 2000; Judge et Elenkov, 2005; Lyon, 2004; Post et Altman, J994; Schrader,

1995). Des appellations spécifiques à cette réalité comme « écochangement corporatif» 1 ou

éco-innovation ont d'ailleurs été proposées pour décrire des modifications apportées à la

production ou à tout autre étape du cycle de vie d'un produit qui en diminuent l'impact sur

J'environnement naturel ou en augmentent l'équité intra- ou intergénérationnelle (Blum­

Kusterer et Hussain, 2001).

Parmi les chercheurs s'étant penché sur la question, certains sont d'avis que la performance

environnementale d'une organisation est positivement corrélée à sa capacité de changement

(Jorgensen, 2000; Judge et Elenkov, 2005). C'est ce qu'ont démontré Judge et Elenkov

(2005) à l'occasion d'une vaste étude empirique menée sur des firmes bulgares. Jorgensen

(2000, p.60) affirme quant à lui que « La capacité de changement d'une organisation est

cruciale à l'établissement d'un système de gestion environnementale dynamique et à

l'accomplissement d'améliorations environnementales continues »2. Hoffman (2000, p.181)

affirme de son côté que « le changement organisationnel est une composante critique d'une

stratégie environnementale efficace »3. Post et Altman (1994) sont aussi d'avis que les efforts

de gestion d'une entreprise pour améliorer sa performance environnementale se heurtent à

des barrières organisationnelles qui affectent sa capacité de gérer tout type de changement,

incluant ceux d'ordre environnemental. Si J'entreprise parvient à amoindrir cet obstacle, sa

capacité d'augmenter sa performance environnementale s'en trouve accrue. Par conséquent,

1 « Corporate eco-change» (Blum-Kusterer et Hussain, 2001). 2 « The organizations' ability to change is crucial in order to establish a dynamic environmenlaJ management system and to achieve continuous environmental improvements.» (Jorgensen, 2000, p.60) 3 « [ ... ] organisational change is a critical component of effective environmental strategy. » (Hoffman, 2000, p.18l)

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l'amélioration de la performance environnementale d'une entreprise passerait entre autres par

l'amélioration de sa gestion du changement.

1.3 Pertinence d'une étude de cas relative au changement organisationnel

À l'instar de Martin, Jones et Callan (2006) nous sommes d'avis que l'implantation efficace

et réussie de changements organisationnels passe par la compréhension et la prise en

considération des caractéristiques façonnant la capacité de changement d'une organisation.

Pour y parvenir, l'entreprise doit réfléchir à ses particularités et émettre un diagnostic de sa

capacité de changement organisationnel. C'est ce que nous nous proposons d'effectuer par la

présente étude d'un cas d'entreprise, celui de Mine Raglan, qui amorce actuellement un

processus de changement organisationnel visant l'amélioration de sa performance

environnementale. À terme, l'étude proposera non seulement un diagnostic, mais aussi des

moyens d'améliorer la capacité de changement de l'entreprise. Ces recommandations seront

par la suite mises en pratique dans le cadre de l'implantation du nouveau PGMR de la mine

Les travaux en cours à Mine Raglan pour intégrer les principes de réduction, réutilisation,

recyclage et valorisation (3R-V) à la gestion de ses matières résiduelles s'inscrivent dans un

processus de changement évolutif visant l'amélioration continue de sa performance

environnementale. Bien que ce changement ne s'attaque pas aux structures profondes de

l'organisation, mais à un processus en particulier, il affectera tout de même l'ensemble des

activités se déroulant sur le site de la mine et touchera par conséquent tous les secteurs. Ainsi,

cette période de planification et d'implantation d'un changement de grande ampleur au sein

de l'organisation s'avère un cas d'étude intéressant pour évaluer les obstacles et les leviers du

changement au sein d'une entreprise.

À travers les premières étapes de mise en œuvre du PGMR et à J'aide d'un retour sur des

changements réalisés dans le passé au sein de l'organisation, la présente étude posera un

regard critique sur les facteurs pouvant mener à la réussite ou à l'échec de changements dans

le cas spécifique de Mine Raglan. Il sera ainsi possible de tester un modèle théorique de

changement orgnnisationnel développé pour notre étude et d'en tirer des leçons pour faciliter

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Il

les changements à venir au sein de cette organisation ou d'autres entreprises du secteur

minier partageant des similitudes avec le cas de cette société minière.

L'analyse du cas choisi sera fondée sur les connaIssances théoriques portant sur le

changement organisationnel qui sont décrites au chapitre II. Nous proposerons d'abord des

définitions pour les différents concepts liés au changement organisationnel et à la gestion

environnementale. Les facteurs théoriques de succès ou d'échec du changement seront

également énumérés. On verra par ailleurs que le changement peut être caractérisé par son

rythme d'implantation et degré de profondeur, son degré de planification ou de spontanéité et

enfin par la composante de l'organisation sur laquelle il agit. Nous énoncerons enfin les

étapes à suivre pour mener à bien une expérience de changement organisationnel en

amalgamant différents modèles proposés dans la littérature.

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CHAPITRE II

ÉTAT DE LA QUESTION ET CADRE THÉORlQUE

2.1 Gestion environnementale et gestion du changement: des concepts liés

2.1.1 Notions de gestion environnementale

On l'a vu au chapitre précédent, la gestion environnementale et la mIse en place de

programmes visant à améliorer la performance environnementale de l'entreprise ne sont pas

étrangères au concept de changement organisationnel. Dans un premier temps, on doit donc

se demander si la théorie générale du changement organisationnel peut s'appliquer à un

domaine spécifique comme celui de la gestion environnementale. Gère-t-on les programmes

environnementaux comme n'importe quel type de changement ou, au contraire, des règles

spécifiques s'appliquent-elles à l'éco-innovation? Malheureusement, peu de recherches

semblent avoir eu pour objectif de démontrer que les changements de nature

environnementale peuvent être gérés comme tout autre changement organisationnel. Tous les

auteurs consultés appliquent d'ailleurs sans distinction les théories générales du changement

organisationnel à des exemples spécifiques comme l'éco-innovation. À titre d'exemple,

certains auteurs comme Post et Altman (1994) ont choisi d'aborder les préoccupations

environnementales de l'entreprise comme des défis analogues à la gestion de la qualité de sa

production. Ils ont donc eu recours aux théories classiques du changement organisationnel

pour analyser des changements de type éco-innovation.

Malgré J'absence de démonstration claire que les théories du changement organisationnel

s'appliquent à l'éco-innovation, il a été décidé d'adopter la position de Post et Altman (l994)

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et de présumer que les changements de tout ordre se traitent de la même façon, qu'il s'agisse

de gestion environnementale ou non. Nous verrons d'ailleurs au cours de ce chapitre que les

facteurs de réussite ou d'échec du changement ne varient pas en fonction de sa thématique,

mais bien en fonction de l'état de l'organisation (son vécu en matière de changement, sa

culture, ses aptitudes à la communication, la qualité de ses leaders, etc.).

Ceci étant dit, on doit dans un deuxième temps s'attarder à la clarification de certains

concepts auxquels nous référerons régulièrement. Il importe d'abord de s'entendre sur la

définition donnée à la notion de gestion environnementale. Ainsi, Gendron (2004, p.59)

affirme qu'elle

[... ] constitue un outil pennettant à l'entreprise de contrôler et de réduire les impacts environnementaux de ses opérations. Il ne s'agit pas de gérer ['environnement, mais bien d'intégrer aux fonctions de gestion traditionnelles de nouveaux paramètres écologiques définis dans le cadre de politiques publiques de gestion de J'environnement.

La notion de gestion environnementale ne se définit donc pas de la même façon que celle de

gestion de l'environnement. La première correspond aux processus de gestion internes de

l'entreprise qui s'attaquent aux conséquences environnementales de ses activités. La

deuxième s'actualise plutôt par des politiques publiques qui voient à organiser, réglementer et

contrôler la pollution et l'exploitation des ressources naturelles dans une perspective globale

(Gendron,2004).

Dans le cadre de leur gestion environnementale, les finnes pourront mettre en œuvre des

programmes environnementaux qui viseront l'atteinte d'objectifs et de cibles d'amélioration

de leur perfonnance en la matière. Ces outils nécessitent le repérage de responsables, de

moyens et d'échéanciers de réalisation des actions à entreprendre (Gendron, 2004). Ils sont

donc intimement liés à la fois aux modalités de production de l'entreprise et aux processus de

changement organisationnel. Le PGMR de Mine Raglan constitue d'ailleurs un exemple de

programme environnemental qui permettra d'étudier le changement au sein de cette

organisation.

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Un autre concept lié au changement organisationnel est celui de performance

environnementale. Il s'agit ici de la performance d'une organisation mesurée sous l'angle de

sa conformité à la réglementation environnementale, du contrôle de ses impacts

environnementaux et d'atteinte des cibles environnementales que l'entreprise s'est elle-même

fixée par ses objectifs et ses politiques en réponse à des pressions internes ou externes

(BoiraI, 2005; Gendron, 2004). La performance environnementale correspond donc aux

« résultats écologiques de l'engagement (ou de l'absence d'engagement) d'une entreprise à

préserver et à protéger J'environnement naturel »4 (Judge et Elenkov, 2005, p.895).

2.1.2 Définir le changement organisationnel

Quant au concept de changement organisationnel, Beaudoin (1990) le présente comme un

ajustement, une adaptation ou une transformation vécus par une entreprise. Selon Burke

(2002), le changement expérimenté par une organisation est généralement non planifié,

graduel et sert la plupart du temps à effectuer de légers réglages (fine-tllning). Dessler, Starke

et Cyr (2004) ajoutent que la planification des changements est de moins en moins possible

en raison du rythme auquel ils surviennent dans les organisations actuelles. Qui plus est,

Burke (2002) enseigne qu'il est évolutif dans 95% des cas, c'est-à-dire qu'il se manifeste par

des améliorations et des étapes incrémentales visant à régler un problème ou à changer une

partie d'un système pour atteindre une performance supérieure. Les notions de changement

incrémenta! ou radical, évolutif ou révolutionnaire seront abordées plus tard à l'intérieur de

ce chapitre.

Quoi qu'il en soit, l'expérience nous apprend que le changement se manifeste la plupart du

temps en réaction à une pression ou à une modification économique, technologique ou

politique provenant de l'environnement externe de l'entreprise (Burke, 2002). En d'autres

termes, l'organisation et sa culture doivent s'adapter à la modification de l'environnement

externe (Aquila, 2006) afin de pouvoir survivre (Sheth et Sisodia, 2005). On a vu

précédemment que les pressions politiques de la part des communautés, ONG et

gouvernements sont des motivations particulièrement importantes dans les cas de

4 « Environmental performance is the ecological results of an organization-wide commitment (or noncommilment) to preserve and protect the natural environment » (Judge et Elenkov, 2005, p. 895).

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changements d'ordre environnemental. Wezel et Saka-Helmhout (2005) poussent la réflexion

plus loin en affinnant que selon la théorie comportementale de l'entreprise, le besoin de

changement survient lorsqu'un écart est observé entre le D\veau de performance de

l'organisation et le niveau auquel elle aspire. Or, ce sont justement les modifications de

l'environnement externe (réglementation, conscientisation de la population, etc.) qui

influencent les aspirations de l'entreprise quant à son niveau de performance

envirOlmementale. Ultimement, ce désire de performance doit se réaliser par la modification

du comportement de l'entreprise à travers un processus de changement organisationnel.

Associé au changement organisationnel, se trouve également le concept de gestion du

changement que Moran et Brightman (2001, p.lll cité dans Todnem, 2005, p.369)

définissent comme étant « le processus de renouvellement continuel de la direction, de la

structure et de la capacité d'une organisation à rencontrer des besoins changeants de clients

externes et internes »5 qu'on pourrait aussi définir comme parties prenantes. Le changement

est donc présent à tout moment de la vie d'une organisation, tant au niveau stratégique

qu'opérationnel. Celle-ci doit constamment se demander quels changements lui sont

nécessaires et comment les réaliser. C'est là l'essence de la gestion du changement. De plus,

stratégie et changement organisationnels sont indissociables et par conséquent savoir gérer le

changement est une aptitude recherchée de tout gestionnaire (Todnem, 2005) dont ceux

œuvrant dans la sphère environnementale.

Pour les besoins de la présente étude, nous avons retenu la tenninologie agent de changement

pour désigner un gestionnaire attitré à la réalisation d'un changement en pal1iculier. Nous

avons aussi adopté l'expression récepteurs du changement pour représenter l'ensemble des

individus d'une organisation qui subissent ou doivent intégrer le changement proposé par

l'agent. La notion d'acteurs du changement désignera quant à elle à ces deux groupes.

5 « the process of continually renewing an organization' s direction, structure, and capabilities to serve the ever-changing needs of external and internaI customers »(Moran et Brightman, 2001, p. 111 cité dans Todnem, 2005, p. 369).

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2.].3 Facteurs de succès et d'échec du changement

L'aptitude d'un individu à gérer le changement et la capacité d'une organisation à l'implanter

sont influencées par nombre de caractéristiques d'une entreprise. L'étude du changement

organisationnel concerne donc ces facteurs qui semblent mener systématiquement à l'échec

ou à la réussite efficace du changement. L'efficacité est ici fondée sur la réalisation des

changements tels qu'ils ont été désirés et planifiés (Burke, 2002) afin que J'organisation

puisse s'adapter aux menaces ou aux opportunités survenant dans son environnement (Judge

et Elenkov, 2005).

Nombre d'auteurs se sont proposés d'énumérer les facteurs de succès et d'échec du

changement au sein d'une organisation. Pour la présente étude, 19 publications ont été

analysées (Armenakis et Harris, 2002; Atkinson, Schaefer et Viney, 2000; AxeJrod el al.,

2006; Burke, 2002; Dessler, Starke et Cyr, 2004; Florida et Davidson, 2001; Hoffman, 2000;

Ives, 2005; Judge et Elenkov, 2005; Karacsony, 2006; Lyon, 2004; Madsen et Gigy, 2005;

Martin, Jones et CaBan, 2006; Maurer, 2005; O'Connor et Fiol, 2006; Post et Altman, 1994;

Ramus, 2001; Reverdy, 2006; Schrader, ] 995) afin de présenter ici une liste des principaux

obstacles et leviers du changement organisationnel rencontrés dans la pratique:

Facteurs d'échec:

• résistance politique de la part de certains récepteurs qui sentent que le pouvoir et

l'influence qu'ils exercent au sein de l'organisation sont menacés par le changement;

• résistance de certains récepteurs due à la peur de l'inconnu;

• résistance de certains récepteurs due à la modification de leurs habitudes;

• résistance aveugle de la part de récepteurs refusant systématiquement tout

changement proposé;

• résistance idéologique de la part de récepteurs s'opposant au changement proposé de

façon réfléchie et honnête;

• agent de changement refusant de voir ou de tenir compte de la résistance rencontrée;

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• cynisme et manque de confiance des récepteurs envers l'organisation en raison des

tentatives de changement antérieures ayant échoué et entraîné une diminution de la

crédibilité de l'organisation en matière de changement;

• barrières de l'industrie: l'organisation est aux prises avec les procédés traditionnels

de son industrie, J'inertie de celle-ci et la pression de compétition;

• mauvaises stratégies de l'agent de changement;

• manque de ressources pour implanter le changement;

• sentiment d'urgence insuffisant parce que l'entreprise semble bien se porter et que le

besoin de changement n'est pas bien communiqué.

Facteurs de succès:

• présence d'un ou de plusieurs leaders ou d'agents de changement qualifiés, possédant

de bonnes qualités de gestionnaire et ayant une bonne compréhension de

l'organisation;

• leader ou agent de changement inspirant confiance aux membres de J'organisation;

• employés qualifiés;

• organisation proactive et possédant une culture d'innovation;

• organisation possédant une culture de fiabilité;

• vision bien définie et clairement exprimée;

• bonne communication permettant de créer un sentiment d'urgence, d'engendrer

l'insatisfaction par rapport au statu quo, de contrer la résistance idéologique par une

argumentation fondée sur des données mesurables, de gagner confiance et crédibilité

auprès des membres de l'organisation;

• coalition pour le changement impliquant une diversité de membres de l'organisation,

ce qui provoque leur engagement envers le changement, accroît la collaboration et la

créativité et réduit la résistance politique;

• organisation présentant au départ de bonnes aptitudes de gestion et ayant développé

une pensée systémique;

• insatisfaction avec le statu quo et coût du changement inférieur à celui du statu quo;

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• changement soutenu par les leaders et les décideurs de l'organisation, ce qui aide à

l'obtention des ressources nécessaires et facilite l'adhésion des autres membres de

l'organisation;

• changement appuyé par la culture de l'organisation;

• changement soutenu par la structure de l'organisation (définition des responsabilités,

systèmes de récompense, etc.);

• changement bien pensé et bien planifié;

• changement s'accompagnant d'une bonne gestion des ressources matérielles et des

ressources humaines pour contrer la peur, l'insécurité et la résistance aveugle;

• organisation faisant habituellement preuve de cohérence entre sa rhétorique et sa

pratique, ce qui aide à combattre le cynisme.

L'ensemble de ces facteurs sera utilisé au chapitre IV aux fins de comparaison avec les

facteurs identifiés par les acteurs du changement de Mine Raglan. Sur le plan théorique, nous

verrons dans la suite du présent chapitre comment l'organisation peut surmonter ses

faiblesses et multiplier ses forces en matière de changement organisationnel.

2.2 La réussite du changement: approches et théories

La réussite et le maintien du changement sont donc des défis de taille pour l'entreprise. En

plus des difficultés inhérentes à tout processus de changement mentionnées précédemment, le

rythme du changement dans les organisations actuelles est devenu si élevé que celui-ci se fait

maintenant souvent de façon réactive (Todnem, 2005). Selon les chercheurs, on estime que

de 70 à 75% des changements implantés en entreprise sont appelés à échouer, soit parce

qu'ils ne rencontreront pas les object ifs voulus, soit parce qu'ils ne seront pas maintenus

(Axelrod et al., 2006; Beer et Nohria, 2000; Balogun et Hope Hailey, 2004 cité dans

Todnem, 2005; Burke et Biggart, 1997 cité dans Burke 2002). Pour Kotter (1996), la plupart

de ces échecs sont dus à des facteurs humains comme ceux décrits précédemment, mais de

l'avis de Bumes (2004 cité dans Todnem, 2005), ces résultats indiquent aussi un manque

fondamental de cadre d'implantation du changement qui soit valide, d'autant plus que les

thèses qui circulent sont très contradictoires. En 1991, Porras et Silvers (cité dans Burke,

2002) affirmaient aussi qu'il n'existe aucune théorie unifiée et généralement acceptée du

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changement organisationnel. Tout porte à croire que cette assertion est toujours d'actualité.

En effet, nombreuses sont les théories du changement organisationnel ainsi que les approches

et les modèles proposés pour le réussir; aucun cependant ne semble faire école, à l'exception

de celui de Lewin (1947). Pour cette raison, nous nous attarderons maintenant à comparer les

différents modèles et approches théoriques du changement organisationnel proposés par

divers chercheurs pour l'aborder de manière efficace tout en rencontrant un minimum de

résistance de la part des récepteurs. De là, il sera finalement possible d'amalgamer ces

modèles en un seul qui posera les bases théoriques de la présente recherche.

On constate, dans un premier temps, que le changement peut se manifester de nombreuses

façons par la combinaison de diverses approches. Il ressort principalement de la littérature

que le changement peut être différencié selon son rythme d'implantation, son degré de

profondeur, son degré de planification ou de spontanéité et, enfin, selon la composante de

l'organisation sur laquelle il agit.

2.2. j Rythme et profondeur du changement: évolutif ou révolutionnaire?

Le rythme du changement est un sujet largement couvert par la littérature et nombre

d'auteurs l'ont catégorisé selon des appellations différentes qui opposent somme toute deux

réalités: un changement se faisant par petits pas, de façon continue et sans modifier les

fondements de l'entreprise et un changement effectué à l'intérieur d'une courte période mais

transformant radicalement l'organisation en en redéfinissant les paramètres de base. Dans le

premier cas, on a qualifié ce type de changement d'évolutif (Burke, 2002; Miller, 1982;

Wilson, 1992), mais aussi d'incrémentai (Dunphy, Griffiths et Benn, 2003; Dunphy et Stace,

1990; Todnem, 2005), de superficiel (Buchanan et Huczynski, 2004 cité dans Buchanan et

al., 2005) ou de continu (Weick et Quinn, 1999 cité dans Burke, 2002). L'ensemble de ces

appellations regroupe une même réalité, soit un changement s'effectuant par une succession

et une accumulation de modifications ou d'altérations du système existant et pouvant ou non

mener à long terme à une refonte en profondeur de l'organisation. Ce type de changement

réfère au concept d'amélioration continue et cible les processus et les pratiques internes à

l'organisation.

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Dans le second cas, on oppose au changement évolutif un changement qualifié de

révolutionnaire (Burke, 2002; Miller 1982; Wilson~ 1992), transformationnel (Dunphy,

Griffiths et Benn, 2003; Dunphy et Stace, 1990), discontinu (Todnem, 2005), profond

(Buchanan et Huczynski, 2004 cité dans Buchanan et al., 2005) ou épisodique (Weick et

Quinn, 1999 cité dans Burke, 2002). Ces qualificatifs réfèrent à une modification radicale et

majeure d'une organisation résultant en un système dont les principaux attributs (structure,

culture et stratégie) sont transformés. Ici, c'est l'interface organisation-environnement

externe qui est ciblée dans un processus de changement unique et brusque.

Puisque les conclusions du présent projet de recherche seront partagées avec des personnes

qui ne sont pas nécessairement familiers avec la théorie du changement organisationnel, les

appellations changement évolutif' et changement révolutionnaire seront retenues, car elles

sont plus accessibles du fait qu"elles sont régulièrement utilisées dans le discours populaire

(théorie de l'évolution, révolution industrielle, etc.). Qui plus est, puisque le principal

processus de changement qui sera étudié, l'implantation du PGMR de Mine Raglan, est un

changement évolutif, Je thème du changement révolutionnaire sera très peu abordé. En effet,

la modification d'un système de gestion des matières résiduelles est un élément très

spécifique d"une organisation s'inscrivant dans une perspective de changement beaucoup

plus large, celle de la responsabilité environnementale. Chez Mine RagJan, celle

responsabilité environnementale se développe par une approche incrémentaJe se manifestant

par une série de changements évolutifs tels que J'adhésion à la norme ISO 14001 et l'actuelle

mise en œuvre du PGMR. Il en va de même pour ses programmes de santé et de sécurité au

travail ainsi que d'optimisation de la production, thématiques qui seront aussi abordées à titre

d'exemples de changement.

Notons au passage que l'approche évolutive est généralement la plus répandue dans les

organisations. En effet, Schrader (1995) nous apprend que face aux pressions externes

motivant le changement, l'industrie agit à l'intérieur d'un continuum de réponses possibles

allant d'une résistance extrême à une réponse enthousiaste et volontaire pour repenser en

profondeur le modèle d'intervention de l'industrie. Évidemment, les réactions les plus

fréquentes se trouvent à mi-chemin de ces positions extrêmes et on revient ici à J'idée de

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Burke (2002) que les changements choisis seront plus souvent évolutifs et dans peu de cas

révolutionnaires.

2.2.2 Degré de planification: changement planifié où émergent?

Le degré de planification du changement se présente en deux approches entre lesquelles le

leader ou l'agent de changement devra choisir. Ici s'opposent le changement planifié et le

changement émergent (ou non-planifié). Initiée par Kurt Lewin au cours des années 1950

(Bamford et Forrester, 2003), l'approche planifiée propose d'éliminer les anciens standards et

pratiques insti tutionnalisés dans l'organisation afin que celle-ci puisse passer d'un état fixe à

un autre par une modification des comportements de ses membres (Bamford et Forrester,

2003; Lewin, 1947). Le changement planifié est donc délibéré et conscient et vise

l'amélioration d'un aspect de l'organisation (évolutif) ou des fondements du système

(révolutionnaire) (Porras et Robertson, 1992 cité dans Burke, 2002). C'est un processus qui

est linéaire, divisé en étapes et fondé sur la consultation. Toutefois, cel1ains auteurs le jugent

mieux adapté au changement évolutif et à petite échelle et non applicable au changement

rapide et révolutionnaire (Bumes, 1996 et 2004 cité dans Todnem, 2005; Senior, 2002 cité

dans Todnem, 2005). En effet, il est souvent considéré comme mal adapté à la réalité des

entreprises actuelles, étant donné la rapidité des changements auxquels elles doivent faire

face et le peu de temps de planification disponible (Bamford et Forester, 2003 cité dans

Todnem, 2005; Bumes, 1996 et 2004 cité dans Todnem, 2005; Wilson, 1992). Il ne

permettrait pas non plus de faire face aux situations pour lesquelles des approches plus

directives et spontanées sont nécessaires, comme les situations de crise, et pour lesquelles il

n'est pas possible de consulter et d'impliquer l'ensemble des membres de l'organisation

(Bumes, 1996 et 2004 cité dans Todnem, 2005; Kanter, Stein et Jick., 1992).

C'est dans ces situations que surviendrait le changement émergent, un processus plus ouvert

et faisant place aux initiatives de la base (Bamford et Forrester 2003, Bumes 19962004). Ici,

le processus d"adaptation est continu, mais non linéaire (Bu mes, 1996 et 2004 cité dans

Todnem, 2005; Dawson, 1994 cité dans Todnem, 2005) et trop rapide pour être planifié

(Kanter, Stein et Jick., 1992). Cependant, la préparation à J'implantation de changements

rapides se fait par la promotion d"une compréhension profonde et extensive de l"organisation

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et de ses forces et de ses faiblesses en matière de changement. Le succès du changement

dépendrait donc moins de plans détaillés que d'une compréhension de la complexité des

enjeux et de la sélection des options possibles. L'approche émergente se soucie donc plus de

la préparation et de la facilitation du changement (Burnes, 1996 cité dans Todnem, 2005).

Évidemment, chaque changement a ses particularités propres et certains, comme la mise en

œuvre d'un PGMR, nécessitent une planification singulièrement détaillée. L'approche

planifiée vise donc la réussite d'un changement spécifique alors que l'approche émergente a

pour objectif de préparer l'organisation à faire face à tout type de changement. Les deux

approches seront donc partie intégrante du présent projet de recherche, puisque d'une part les

cas étudiés font appel au changement planifié et que, d'autre part, les objectifs de la

recherche sont de rendre plus fluide la gestion environnementale et la gestion du changement

en général au sein de l'organisation. Celle-ci sera alors plus à même de réagir aux

changements externes non anticipés (Porras et Robertson, 1992 cité dans Burke, 2002).

2.2.3 Composantes de l'organisation affectées par le changement: culture, structure, stratégie?

Tout processus de changement s'attaque à une ou plusieurs des trois composantes de

l'organisation. La première composante, la culture, se reflète dans les postulats, valeurs,

normes et croyances servant de fondement à la façon dont ['organisation se comporte (Burke,

2002; O'Connor et Fiol, 2006). Il s'agit du code non écrit des comportements acceptables et

non acceptables au sein de l'organisation (Lyons, 2005-2006) qui sont acquis et exprimés par

ses membres (AquiJa, 2006). On la qualifie de positive (Lyons, 2005-2006) ou d'intégrée

(Braga Rodrigues, 2006; Meyerson et Martin, 1987) lorsque ce code informel est aligné avec

les valeurs, vision et mission formelles de l'organisation, c'est-à-dire lorsque la culture

organisationnelle désirée fait consensus et est la même que la culture en usage dans

l'entreprise. Au contraire, une culture négative présente un écart plus ou moins grand entre ce

que l'organisation est réellement et ce qu'elle dit être (Lyons, 2005-2006). Pour Braga

Rodrigues (2006) et Meyerson et Martin (1987), ce type de culture peut être différencié ou

fragmenté. Dans le premier cas, la culture abrite des sous-cultures qui sont en oppositions les

unes aux autres. Dans le deuxième cas, il n'y a à peu près pas de consensus à l'intérieur d'un

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groupe; ni la culture désirée ni la ou les contre-cultures n'unifient les employés autour d'un

ensemble de valeurs communes.

La deuxième composante est la structure organisationnelle qui

[... ] correspond au cadre de travail permettant à la stratégie corporative d'avoir lieu. Elle réfère aux relations existant entre les différentes composantes de l'organisation et a un impact considérable sur les stratégies que la compagnie est en mesure de poursuivre 6

(Atkinson, Schaeffer et Viney, 2000, p. Il 0).

La structure est représentée par l'ensemble des systèmes supportant les fonctionnements de

base de J'organisation. Ces systèmes peuvent être divisés en quatre catégories. La première

regroupe les mécanismes indiquant aux membres de J'organisation quelles sont ses priorités.

Il s'agit par exemple des allocations budgétaires, des commentaires transmis par

J'organisation à la suite d'un évènement, des objectifs énoncés et planifiés, des systèmes de

mesure mis en place pour évaluer la performance ou encore des systèmes de récompense et

de reconnaissance. La deuxième catégorie englobe les système préparant J'organisation à

l'action comme des lignes directrices clairement énoncées et les modalités de sélection, de

rétention et de formation du personnel. La troisième catégorie est formée des systèmes

indiquant aux membres de r organisation de quelle façon ils doivent interagir à r intérieur de

celle-ci. Elle comprend entre autres les modalités de prise de décision, de résolution de

conflit et de communication (O'Connor et Fiol, 2006). Atkinson, Schaefer et Viney (2000)

ajoutent quant à eux une quatrième catégorie de systèmes définissant la structure

organisationnelle, soit les organigrammes de fonctionnement ou structures hiérarchiques.

La dernière composante sur laquelle peut porter le changement est la stratégie de l'entreprise.

Il s'agit ici des engagements que J'organisation prend à l'égard de ses modalités d'opération.

Comment s'assure-t-on d'améliorer la perfOlmance de l'entreprise? Adopte-t-on une

approche préventive ou réactive? Met-on en place un système de gestion environnementale

6 « Organizational structure is a framework that alJows corporate strategy to be pursued. It refers to the relationships of the various components of the organizalion with each other and impacts very considerably on the strategies that a company find itself able to pursue successfully. » (Atkinson, Schaeffer et Viney, 2000, p. 110)

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(SGE)? Quelle réponse est offerte aux préoccupations des parties prenantes? Il s'agit là

d'autant de questions appartenant à la stratégie développée par une organisation. Ainsi, la

politique environnementale d'une entreprise est une partie de sa stratégie globale, mais les

outils pour la mellre en application appartiennent à sa structure. Les rapports entretenus entre

ces deux composantes (stratégie et structure) sont d'ailleurs définis différemment par deux

écoles de pensée. La première, l'école classique, affirme que la structure doit être adaptée à la

stratégie. La deuxième, s"appuyant plus sur les processus, soutient que les structures

existantes orientent le type de stratégies qui seront adoptées. (Atkinson, Schaefer et Viney,

2000)

Quoi qu'il en soit, avec tout changement organisationnel vient le nécessaire ajustement des

différentes composantes de l'entreprise afin qu'elles demeurent ou deviennent cohérentes et

compatibles entre elles. Le changement désiré doit être cohérent avec la culture et la structure

de l'organisation (Atkinson, Schaefer et Viney 2000; Dessler, Starke et Cyr, 2004; Ives,

2005; Lyon, 2004; O'Connor et Fiol, 2006; Post et Altman, 1994; Ramus, 2001; Schrader,

1995), sinon ces composantes agiront comme des barrières au succès de l'implantation des

changements nécessaires pour alleindre la vision ou la stratégie développée par l'organisation

(O'Connor et Fiol, 2006). Au cours d'un processus de changement, les différentes

composantes de l'organisation doivent donc être constamment ajustées entre elles pour en

maintenir la cohérence.

Quant au but visé par le changement, il peut s'adresser à l'une ou l'autre de ces composantes,

donnant lieu à diverses situations. Dans un premier cas, l'organisation constate que sa culture

n'est plus adaptée à son environnement interne ou externe (nouvelle technologie implantée

dans l'organisation, modification des valeurs de la société, etc.) et met en place un processus

de changement pour modifier cette culture. Cela peut aussi se produire au cours d'un

processus de changement visant une autre composante de l'organisation (Aquila, 2006). En

effet, « toute tentative d'encourager un nouveau comportement qui n'est pas cohérent avec

les réalités culturelles actuelles rencontrera probablement une forte opposition »7 (O'Connor

7 « [ ... ] any atlemplS 10 encourage new behaviours thal are inconsistent with current cu.ltural realities are likely to meel with sri ff opposition. }) (O'Connor et Fiol, 2006, p. 77)

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et Fiol, 2006, p. 77) et il sera alors d'autant plus important d'agir sur la culture parallèlement

au changement. Au contraire, si le changement proposé est cohérent avec la culture, on

pourra le justifier en démontrant qu'il participe au maintien des valeurs culturelles

traditionnelles (O'Connor et Fiol, 2006).

Lorsqu'un changement culturel est nécessaire, Aquila (2006), Sheth et Sisodia (2005) et

Schrader (1995) proposent la mise en œuvre parallèle de trois items d'action. Le premier peut

s'accomplir par un programme de formation et vise à modifier le schème de pensée des

récepteurs du changement. Pour Aquila (2006), cet objectif peut aussi être accompli par une

nouvelle répartition ou un renouvellement des membres de l'organisation. Le deuxième item

d'action à mettre en œuvre pour modifier la culture serait de s'attaquer à la structure générale

de l'organisation en restructurant les rôles et les responsabilités des récepteurs et en révisant

les processus de gestion et de communication. Le troisième item d'action a trait à la mise en

place d'un système de mesure de la performance et d'un système de récompense. Il s'agirait

du levier de changement culturel le plus efficace, puisqu'il fait appel à des incitatifs positifs

et négatifs pour influencer les comportements des membres de l'organisation dans le sens

voulu. En ce sens, il encourage les comportements positifs et décourage le statu quo.

Lyons (2005-2006) insiste quant à elle sur le fait que ce sont les leaders qui doivent

personnellement mettre en application les visions, valeurs, comportements et engagements

théoriques afin d'influencer leurs subalternes et, conséquemment, la culture générale de

l'organisation. Toujours selon Lyons (2005-2006), la culture générale tendrait naturellement

à s'aligner sur celle de ses leaders, en autant que ceux-ci agissent de façon cohérente avec la

culture défendue sur le plan théorique. Dessler, Starke et Cyr (2004) abondent dans le même

sens et affirment que la modification d'une culture d'entreprise passe par un énoncé clair des

valeurs défendues, par des pratiques de gestion cohérentes avec celles-ci et par J'exemple des

leaders.

Dans un deuxième cas, c'est la structure de l'organisation qui n'est pas adaptée à ses autres

composantes et qui doit être changée. Cela survient principalement au cours d'un processus

de changement s'attaquant à la culture ou aux stratégies de J'organisation. Dans un cas

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comme dans l'autre, un diagnostic des systèmes et structures de l'organisation doit être fait

pour évaluer si ceux-ci supportent et renforcent les changements visés (O'Connor et Fiol,

2006). Par exemple, si on souhaite inculquer un nouveau comportement dans la culture, le

système de bonus présent dans la structure organisationnelle doit récompenser ce

comportement pour qu'il y ait cohérence entre la volonté de changement de l'entreprise et sa

pratique réelle.

Dans un troisième et dernier cas, l'organisation vise à modifier une ou plusieurs de ses

stratégies de gestion afin de répondre à des pressions de l'environnement externe (nouvelle

réglementation, incitatifs financiers, demandes des parties prenantes, etc.) ou interne

(augmentation de la production, demandes syndicales, modifications structurelles, etc.).

Encore là, un changement stratégique nécessite l'ajustement de la culture et de la structure de

l'organisation pour que celles-ci en supporte la réalisation et la propulse.

D'ailleurs, Burke (2002) nous apprend à concevoir l'organisation comme un système ouvert

influencé non seulement par son environnement, mais aussi par ses composantes internes. Il

nous amène à la voir comme un tout et non comme la somme de ses parties. De ce fait, bien

que la modification d'une partie du système ait une influence sur l'ensemble de celui-ci, cette

seule modification ne sut1it pas pour changer le système entier dans la direction voulue. Par

exemple, si une modification des comportements individuels est souhaitée, les standards de

l'organisation devront aussi changer. À ce propos, Lewin (1958, p.2l 0 cité dans Burke, 2002,

p. 50) nous enseigne que:

Tant que les standards du groupe demeurent les mêmes, les individus résistent au changement, puisque celui-ci leur demande de s'éloigner des standards acceptés. Si les standards du groupe sont modifiés, cette résistance due à j'écart entre les comportements standards et attendus est éliminée. 8

8 « As long as group standards are unchanged, the individual will resist change more strongly the further he is expected to depart from group standards. If the group standard itselfis changed, the resistance which is due to the relation between individual and group standards is eliminated. » (Lewin, 1958, p.2l 0 cité dans Burke, 2002, p. 50)

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De ce fait, bien que le changement vise d'abord l'une ou l'autre des trois composantes de

l'organisation, il devra être conduit de manière systémique, en modifiant au besoin plusieurs

caractéristiques de l'organisation pour qu'elles demeurent ou deviennent cohérentes entre

elles.

2.3 Construction d'un modèle de changement organisationnel

Afin de conduire le changement organisationnel de façon efficace et de faciliter sa réussite,

nombre d'auteurs ont suggéré des modèles de changement s'inspirant tous plus ou moins

d'un premier modèle en trois étapes proposé par Lewin (1958 cité dans Burke, 2002). Le

tableau présenté à l'appendice A.I résume les modèles développés par douze chercheurs ou

groupes de chercheurs. On y constate nombre de ressemblances. Ainsi, à l'exception de

Dunphy, Griffiths et Benn (2003), tous débutent le processus du changement par un

diagnostic de l'organisation, de son besoin de changement, de ses problèmes. Deux auteurs

reconnaissent aussi que la nécessité du changement survient en raison de pression internes,

externes (Dessler, Starke et Cyr, 2004; Schrader, 1995) ou anticipées (Dessler, Starke et Cyr,

2004). Cette étape est généralement suivie par le développement et la communication d'une

vision du changement, sauf dans le cas de Dessler, Starke et Cyr (2004), Hoffman (2000) et

Koller (1996) qui créent d'abord une coalition en faveur du changement pour ensuite établir

une vision commune. Quant à Dunphy, Griffiths et Benn (2003), ils se distinguent des autres

auteurs en adoptant en premier lieu une vision du changement pour ensuite diagnostiquer

l'état de l'organisation relativement à cet objectif ou à celle vision. L'ensemble de ces étapes

constitue la phase que Lewin (1958, cité dans Burke, 2002) nomme décristallisation et

Annenakis et HaJTis (2002), préparation au changement; il s'agit de la phase au cours de

laquelle on reconnaît la nécessité du changement et crée un sentiment d'urgence.

Vient ensuite le changement lui-même qui dans certains cas aura été planifié avant

l'identification d'un leader, agent de changement ou coalition (Dessler, Slarke el Cyr, 2004;

Dunphy, Griffiths et Benn, 2003), ou après (Kanter, Stein et Jick, 1992 cité dans Todnem,

2005; Schrader, 1995). D'autres insistent enfin sur la planification du changement sans traiter

de lïdentification d'un agent de changement (Galpin, 1996, cité dans Annenakis et Bedeian,

1999; Judson, 1991, cité dans Armenakis et Bedeian, 1999). Selon les auteurs, la phase de

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changement sera plus ou moins divisée en sous-étapes. Ainsi, l'étalonnage (benchmarking)

(Schein, 1987 cité dans Burke, 2002), la création des ressources, les outils et les structures

nécessaires au changement, la planification de gains à court terme, la communication et la

consolidation de ces gains pour produire plus de changement sont autant d'étapes proposées

(Dessler, Starke et Cyr, 2004; Dunphy, Griffiths et Benn, 2003; Galpin, ] 996 cité dans

Arrnenakis et Bedeian, 1999; Hoffman, 2000; Kanter, Stein et Jick, 1992 cité dans Todnem,

2005; Kotter, 1996).

Enfin, la nécessité d'institutionnaliser le changement ou de recristalliser l'organisation en fin

de processus est une étape figurant à 12 des 13 modèles présentés. Quatre auteurs indiquent

aussi qu'il est nécessaire de s'assurer de la cohérence du changement avec l'organisation, ses

membres, sa culture et sa structure (Dessler, Starke et Cyr, 2004; Dunphy, Griffiths et Benn,

2003; Schrader, 1995; Shein, ]987, cité dans Burke, 2002). Dessler, Starke et Cyr (2004) et

Luecke (2003 cité dans Todnem 2005) et ils terminent le tout par un contrôle des progrès et la

mise en place des ajustements qui s'imposent. Dans une étude sur la durabilité du

changement, Buchanan et collègues (2005) ont d'ailleurs souligné l'importance de procéder à

une nouvelle décristallisation en fin de processus pour éviter que les nouvelles pratiques ne

deviennent obsolètes. Weick et Quinn (1999 cité dans Burke, 2002) sont aussi de cet avis,

mais uniquement lorsque le changement est continu, évolutif. Schrader (1995) va dans la

même direction en présentant son modèle de changement comme un cycle qui retourne à un

nouveau besoin de changement après la réalisation d'un premier changement.

Cependant, les auteurs se démarquent particulièrement par leur conception du rôle d'un

leader ou agent de changement versus celui d'une coalition dans le processus de changement.

À l'un des deux pôles du spectre d'opinion, on trouve Schein (1987 cité dans Burke, 2002)

qui propose un modèle directif où les récepteurs sont manipulés sur le plan émotif (créer de

l'anxiété face à la situation actuelle puis un sentiment de sécurité face au changement) pour

ensuite adopter la vision développée par un leader. Moins directifs, Lippitt, Watson et

Westley (1958 cité dans Burke 2002) et Schrader (1995) accordent néanmoins un rôle

prédominant à l'agent et à sa relation avec l'organisation en transition pour mener à bien Je

changement. Dunphy, Grjffiths et Benn (2003) insistent aussi sur l'identification d'un agent

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de changement et mentionnent la nécessité de maintenir une collaboration et une

communication avec l'organisation. Kanter, Stein et Jick (1992, cité dans Todnem, 2005) et

Luecke (2003 cité dans Todnem, 2005) adoptent une position plus consultative en identifiant

un leader qui cette fois développe la vision du changement avec la participation de

l'organisation. Enfin, à l'autre pôle Dessler, Starke et Cyr (2004), Kotter (1996) et Hoffman

(2000) remplacent l'identification d'un agent par la création d'une coalition en faveur du

changement au sein de l'organisation. Ils accordent ainsi plus d'importance au support du

changement par le plus grand nombre que par un leader unique.

À partir de ces constatations, nous proposons à notre tour un modèle inspiré des trois phases

de Lewin et d'un amalgame des sous-étapes proposées par les 12 autres modèles décrits. Il ne

s'agit pas ici de réinventer la roue, mais bien de reformuler les étapes pour intégrer le

meilleur de ces modèles. Rappelons que les approches préconisées ici seront le changement

évolutif, planifié et systémique, c'est-à-dire recherchant la cohérence entre culture, structure

et stratégie organisationnelles. Les étapes retenues sont schématisées à la figure 2.1 et se

détaillent comme suit:

Décristallisation : L'organisation se prépare au changement.

Selon Schrader (l 995), la motivation au changement est basée sur la conviction que le

coût de ne pas changer est supérieur à celui de changer. L'organisation doit donc, au

cours de la phase de décristallisation, générer et maintenir une insatisfaction avec le

statu quo qui soit assez puissante pour dépasser J'inertie et la résistance au changement.

Qui plus est, la préparation au changement est un facteur de réussite de celui-ci

(Rimmer et al., 1996 cité dans Buchanan et al., 2005). Elle s'effectue par les étapes

suivantes qui peuvent être plus ou moins entrecoupées selon les organisations et le

contexte du changement.

1.1 Man!festa/ion de la nécessité du changement: L'organisation ressent le besoin de

changement en réponse à des pressions externes, internes ou anticipées. Ces pressions

sont le reflet d'un état à atteindre pour l'organisation.

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On rejoint ici l'idée de Dunphy, Griffiths et Benn (2003) selon laquelle la première

étape du changement est de développer une vision de l'objectif vers lequel

l'organisation doit tendre.

1.2 Diagnostic: L'organisation mesure l'écart existant entre son état actuel (statu quo) et

l'état souhaité. Elle accumule pour ce faire des faits et des données sur lesquels seront

fondés le besoin de changement et, ultérieurement, sa planification.

Des changements fondés sur des données et des faits mesurables ont plus de chance de

succès (Burke, 2002).

1.3 Identification d'un agent de changement ou d'un groupe d'agents: L'organisation

choisi un (ou plusieurs) agent de changement.

Dunphy, Griffiths et Benn (2003) favorisent l'identification d'un agent de changement

à l'intérieur de l'organisation afin de profiter de sa connaissance de l'organisation et de

conserver à l'interne les aptitudes qui seront développées au cours du processus de

changement. Nombre d'auteurs insistent aussi sur l'importance que le changement soit

mené par un leader fort (Burke, 2002) et auquel les membres de l'organisation font

confiance (Ives, 2005; Judge et EJenkov, 2005; Maurer, 2005). Il doit être clair,

communicatif, exemplaire, cohérent dans ses actions (Dessler, Starke et Cyr, 2004) et

avoir une vision à long terme et systémique (Madsen et Gigy, 2005).

1.4 Consulter pour développer une vis/on d 'ensemble: L'organisation consulte ses

membres afin de définir clairement l'état à atteindre et les moyens généraux d'y

parvemr.

La consultation est selon plusieurs auteurs l'une des principales clés du succès du

changement organisationnel (Axelrod el al., 2006; Boirai, 2005; Dessler, Starke et Cyr,

2004; Judge et EJenkov, 2005; Karacsony, 2006). Axelrod et collègues (2006)

rapportent d'ailleurs que selon une étude de l'université d'Oxford, plus de 68% des

employés désirent s'impliquer de façon significative dans le changement. Lorsque la

consultation n'a pas lieu, il se crée un écart entre le niveau d'engagement des initiés

participant à la planification du changement et celui du reste de l'organisation qui n'y

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est pas convié. Pour limiter la résistance et faire en sorte que le changement soit

possible, cet écart d'implication doit être réduit, ce qui devient de plus en plus difficile

à mesure que le changement progresse. Mieux vaudrait donc faire appel à la

consultation générale dès les débuts du processus.

Bien qu'exigeante pour l'agent, la consultation simplifie en bout de ligne le

changement, car l'ensemble de l'organisation en comprend les enjeux, les dangers et

les opportunités. Elle augmente aussi l'engagement, la collaboration et donc la

créativité par la mise en commun de l'ingéniosité du plus grand nombre. Enfin, elle

accroît la capacité de changement globale de l'organisation, puisque ses membres

apprennent à le gérer et deviennent plus efficaces pour cette tâche (Axelrod et al.,

2006).

1.5 Communiquer la vision et développer un sentiment d ·urgence: L'organisation

communique le diagnostic (le pourquoi du changement) et la vision (le comment) à ses

membres.

À cette étape, il est important de présenter d'abord les raisons du changement de façon

que les individus en ressentent le besoin sur le plan émotionnel. On misera sur des

images fortes et sur un niveau de langage adapté à l'audience (Maurer, 2005). Cela

permet d'augmenter le niveau d'insatisfaction avec la situation actuelle (Schrader,

1995), de faire croire à la nécessité du changement (Burke, 2002; Hoffman, 2000) et

d'augmenter le sentiment d'urgence (Burke, 2002; Kotter, 1995).

Une vision clairement définie et communiquée est aussi essentielle à la bonne marche

du changement (Kotter, 1995; Hoffman, 2000; Burke, 2002; Dunphy, Griffiths et Benn,

2003), puisqu'elle aidera à réduire le sentiment d'insécurité lié à celui-ci (Hoffman,

2000; Burke, 2002, Dessler, Starke et Cyr, 2004) et à convaincre les membres de

l'organisation de la direction choisie (Burke, 2002). Cette communication pourra

d'abord être effectuée avec les membres de la direction pour recevoir leur appui

(Atkinson, Schaefer et Viney, 2000; Hoffman, 2000; Ives, 2005; Karacsony, 2006; Post

et Altman, 1994; Schrader, 1995), ce qui diminuera ensuite la résistance au changement

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au sein des niveaux hiérarchiques inférieurs. Devant les leaders de l'organisation, il

sera utile de faire la démonstration des avantages stratégiques du changement afin

qu'ils y adhèrent et l'intègrent à leur propre gestion (Hoffman, 2000).

1.6 Créer une coalition en faveur du changement: Une communication efficace du

diagnostic et de la vision pennettra de rallier un maximum d'individus autour de celle­

ci. La coalition pourra être fonnelle (fonnée d'agents secondaires désignés pour aider

l'agent de changement principal) ou infonnelle (formée de récepteurs se ralliant d'eux­

mêmes au changement et qui le supporteront naturellement).

La participation des récepteurs à différentes activités entourant la planification et la

réalisation du changement mène à leur engagement personnel envers celui-ci. Ces

individus impliqués deviennent des défenseurs naturels du processus de changement

(Rimmel' et al., 1996 cité dans Buchanan et al., 2005; Burke, 2002).

1.7 Planifier le changement: L'agent de changement, en partenariat avec la coalition,

planifie le changement de façon plus détaillée.

À cette étape, on s'assure que les changements planifiés seront soutenus par la culture,

la structure et les stratégies actuelles de l'organisation. Sinon, on planifiera également

de faire les ajustements nécessaires au maintien de la cohérence de l'organisation.

2 Mouvement: L'agent de changement et la coalition mettent en œuvre le programme de

changement.

Pour celte phase, on s'inspire directement des modèles de Dessler, Starke et Cyr

(2004), Hoffman (2000) et Kotter (1995). Les trois étapes qu'elle comprend peuvent

être répétées en boucle.

2.1 Rendre les outils et les ressources nécessaires au changement disponibles au sein de

l'organ isation.

2.2 Générer des gains à cour/terme.

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2.3 Consolider les gains et produire plus de changement: Avec une communication

efficace des succès, il est possible d'utiliser les circonstances favorables pour produire

plus de changement.

3 Recristallisation : L'agent s'assure de la durabilité du changement.

3.1 Renforcer et institutionnaliser le changement: L'organisation s'assure que le

changement est cohérent avec sa culture, sa structure et ses stratégies. Si tel n'est pas le

cas, elle procède aux ajustements nécessaires. À cette étape, les résultats du

changement doivent être mesurés et communiqués au sein de l'organisation.

3.2 Surveiller le progrès etfaire les ajustements nécessaires: Le changement n'est jamais

réellement terminé, puisque la culture, la structure et les stratégies, anciennes et

nouvelles, sont en constant renouvellement.

C'est ce modèle qui servira de base à l'analyse des changements organisationnels passés et en

cours à Mine Raglan. Il sera intéressant de comparer le déroulement réel des changements

vécus par l'organisation étudiée à ce modèle théorique. Cependant, on gardera en mémoire

que les sous-étapes décrites peuvent s'entrecouper et même se présenter dans un ordre

différent mais tout aussi optimal selon les situations rencontrées. Chacune devra toutefois être

présente pour assurer l'efficacité de la réalisation des changements proposés et elles devront

respecter l'ordre Décristallisation-Mouvement-Recristallisation initialement proposé par

Lewin (1958).

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1.1 1.2 1.3 14 1.5 I.ô 1.7

Manifestation de la nécessité du

changemcnt --+ Diagnostic

--+ Désignation d'un agent de

changement ou d'un grou[Je --+ Consultation [JOUI' dévclo[J[Jer

une \'ision d'ensemble --+ COl1lll1unication de la vision et

développement d'un sentiment --+ Création d'une co,liition en

LI\'eul' du changement --+

Planitication du changement

d'agents Jlurgence

Rendre les outils ct les ressources

nécessaires au changement

Générer des gains ~ court tenne --+

Consolider les gains et produire

[Jlus de changement

disponibles au sein de

l'organisation

31 32 Renforcer et institutionnaliser le

changement --+ Sun'eiller le [Jrogl'ès cl faire les

ajustements nécessaires

Figure 2.1 Modèle théorique de changement organisationnel

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CHAPITRE III

OBJECTIFS ET MÉTHODOLOGIE

3.1 Objectifs de l'étude

Il a été démontré au cours des chapitres précédents comment le monde mImer doit

aujourd'hui affronter de grands défis de gestion environnementale. Préoccupations et

revendications des parties prenantes, resserrement de la réglementation, accroissement des

responsabilités avec l'éloignement des exploitations sont autant de facteurs favorisant la

multiplication des programmes d'amélioration de la performance environnementale de

l'industrie. Or, on constate aussi que gestion environnementale et gestion du changement sont

des défis organisationnels intimement liés. Cependant, le thème de la gestion du changement

dans les organisations, quoique largement exploré dans la littérature, n'est que très peu

développé en ce qui concerne la gestion environnementale. Peu d'outils spécifiques à cette

discipline sont offerts aux gestionnaires et conseillers en environnement. Par ailleurs, de tels

outils, bien qu'utiles, ne peuvent être utilisés efficacement sans une compréhension profonde

de J'organisation où l'on tente de les mettre en pratique.

La présente étude de cas vise donc trois grands objectifs. D'une part, elle permettra d'évaluer

la capacité de changement d'une organisation, Mine Raglan, en regard de ses modalités de

changement, des facteurs de réussite et d'échec qu'on y rencontre et des forces et des

faiblesses qu'on y observe. D'autre part, l'étude identifiera les défis spécifiques rencontrés

par cette organisation et liés à ses caractéristiques propres comme son isolement

géographique. Enfin, l'étude a pour but d'utiliser ces constats afin de formuler des

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recommandations pour mener à bien les changements entrepris par l'organisation, en

particulier la mise en œuvre de son PGMR.

3.2 Énoncé des questions de recherche

Au cours de la recherche, différents processus de changement en cours ou passés s'étant

déroulés à Mine Raglan ont été analysés. Ces changements ont été ou seront implantés par

di fférents secteurs de l'organisation comme le Service de la prévention en santé et sécurité au

travail, le Service de la formation, le Service informatique, le Groupe d'optimisation des

procédés (Six Sigma) et le Service de l'environnement. Ce regard porté sur différents

processus de changement visait à répondre à trois questions de recherche:

Les processus de changement tels que vécus par Mine Raglan suivent-ils les phases et les

étapes décrites dans le modèle proposé à la section précédente? Un modèle plus

représentatif de la réalité pourrait-il être proposé:

1.1 Pour Mine Raglan?

J.2 Pour l'implantation de son nouveau PGMR?

2 Quels sont les facteurs de réussite ou d'échec du changement ressentis par les acteurs du

changement de Mine Raglan. Ces facteurs sont-ils comparables à ceux repérés dans la

littérature?

3 Quelles sont les forces et les faiblesses de l'organisation en matière de changement

organisationnel?

3.1 Comment Mine Raglan peut-elle surmonter ses faiblesses?

3.2 Comment Mine Raglan peut-elle exploiter pleinement ses forces?

Ultimement, l'étude de cas proposée visait à produire des outils pour faciliter la gestion du

changement à la mine Raglan et en particulier les changements à teneur environnementale.

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3.3 Méthodologie de recherche

3.3.1 Stratégie de recherche

La stratégie de recherche sélectionnée pour répondre aux questions de recherche est l'étude

de cas. Yin (1994) définit cette approche comme étant une recherche empirique portant sur

des phénomènes actuels dans un contexte réel. Ce type de recherche a une pertinence

particulière lorsque les limites entre le phénomène étudié et son contexte ne sont pas bien

définies (Yin, ] 994), c'est-à-dire 'lorsque le phénomène est complexe et fait intervenir

« simultanément plusieurs variables dépendantes et plusieurs variables indépendantes dans un

modèle de relations interdépendantes. » (Contandriopoulos et al., 2005, p. 37) Ainsi, l'étude

de cas est utile lorsque les conditions dans lesquelles se déroule le phénomène, dans le cas

présent un processus de changement organisationnel, sont pertinentes à son explication (Yin,

1994). Puisque l'organisation est décrite comme un système ouvert présentant des

interactions fortes entre ses parties et avec son environnement (Burke, 2002), il est justifié de

l'étudier en tenant compte de l'ensemble de ces interactions. Cest ce que l'étude de cas, qui

se veut systémique, permet (Contandriopoulos et al., 2005).

Yin (1994) affirme que le design de recherche d'une étude de cas devrait énoncer:

• les questions de recherche;

• les propositions de l'étude;

• les unités d'analyse;

• le 1ien logique existant entre les données et les propositions;

• les critères d'interprétation des données.

Les questions de recherche ayant été énoncées à la section précédente et le modèle développé

au chapitre II constituant la proposition de recherche, nous nous attarderons ici aux trois

dernières composantes du design de recherche. Les unités d'analyses, les méthodes de

collecte de données choisies, les méthodes d'analyses qui seront utilisées pour lier données et

propositions et les critères d interprétation des données seront décrits. Les questions de

validité, de fiabilité, d'objectivité, de généralisation et d'éthique seront quant à elles abordées

au fur et à mesure qu'elles surviendront et résumées en fin de chapitre.

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3.3.2 Unités d'analyse

L'unité d'analyse correspond à la définition du cas étudié. Pour la présente étude, il s'agit de

la capacité de changement d'une organisation. Puisqu'une seule organisation a été étudiée,

nous avons ici affaire à l'étude d'un cas unique. Par contre, nous avons eu recours à trois

niveaux d'analyse: les étapes préconisées par l'organisation dans son processus de

changement, les facteurs de réussite et d'échec qu'elle identifie et ses forces et faiblesses en

matière de changement. Selon Contandriopoulos et collègues (2005, p.. 38) « l'étude de cas

unique [... ] offre un potentiel élevé de validité interne» en raison de la profondeur d'analyse

qu'elle permet. La généralisation de ses conclusions est toutefois limitée. C'est d'ailleurs une

critique régulièrement formulée à l'égard des études de cas. Il sera démontré plus loin

comment cette limite peut être surmontée grâce à la technique d'analyse du pallern-matching

(appariement de modèles) (Contandriopoulos et al., 2005; Tellis, 1997, Yin, 1994).

3.3.3 Approche générale pour la collecte des données: la recherche-action participative

Les données collectées devraient permettre d'analyser les trois unités d'analyse proposées

afin de répondre aux questions de recherche énoncées précédemment. Pour cette pOltion de la

recherche, une approche basée sur les principes de la recherche-action participative

(parlicipatory action research) a été développée. Cette approche permet de lier science et

pratiques réelles par la collaboration entre le chercheur et des individus liés au phénomène

étudié (Coghlan, 2003; White, Suchowierska et Campbell, 2004). La recherche-action

participative est aussi une activité intégmnt la recherche sociale, l'éducation et le travail

pratique (Hall, 198] cité dans White, 2004). Elle a pour objectif la recherche d'informations

et d'idées permettant de résoudre des problèmes au sein d'une organisation (Coghlan, 2003;

Whyte, 1991 cité dans White, Suchowicrska et Campbell, 2004). Pour Reason (1988, cité

dans LOfman, Pelkonen et Pietila, 2004), la recherche-action participative se fait pour des

individus et non sur des individus. Relativement à l'enjeu du changement organisationnel,

Coghlan (2003) note quant à lui que la recherche-action contribue à générer des

connaissances utiles sur la façon dont les organisations gèrent Je changement et sur la

manière dont les principaux acteurs du changement perçoivent leur rôle. Elle vise donc à

résoudre un problème pour le client tout en contribuant à la recherche scientifique.

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Par ailleurs, certains auteurs insistent aussi sur la pertinence que la recherche-action soit

menée par un insider, soit un membre de l'organisation agissant à la fois à titre d'acteur et de

chercheur (Coghlan, 2003; LOfman, Pelkonen et Pietila, 2004). Cette double fonction donne

au chercheur-acteur plus de crédibilité au sein de l'organisation et lui permet d'obtenir un

degré de collaboration plus élevé ce qui contribue à faciliter le processus de recherche-action

dans son ensemble (Lofman, Pelkonen et Pietila, 2004). De plus, le fait d'avoir une

expérience concrète de l'organisation permet au chercheur-acteur de disposer d'informations

impl ici tes comme le jargon de l'organisation, ses tabous, les préoccupations de ses membres,

la façon d'obtenir des renseignements informels, les écarts entre sa rhétorique et sa pratique

et les évènements critiques et leur signification pour l'organisation. Les données recueillies

par le chercheur-acteur ont le potentiel d'être plus riches et plus complètes que pour un

chercheur externe à l'organisation (Coghlan, 2003).

Ainsi, une recherche-action participative menée par un chercheur-acteur a été menée pour

amasser les données nécessaires à l'analyse. Notre rôle était à la fois celui d'agent de

changement lors de la mise en œuvre d'un PGMR et de chercheur se penchant sur la capacité

et les modalités de changement au sein de l'organisation. En tant qu'employée oeuvrant à

temps partiel au Service de l'environnement de cette organisation depuis 2002, nous

disposons déjà de connaissances officielles et non officielles sur celle-ci. Entre autres

bénéfices, cette expérience de l'organisation a été utile pour bâtir l'équipe qui a participé à la

recherche en tant que cochercheurs.

À ce sujet, Danley et Ellison (1999 cité dans White, Suchowierska et Campbell, 2004) notent

que la motivation et l'investissement des participants (cochercheurs) sont des facteurs clé de

leur participation active et durable dans le processus de recherche. Les cochercheurs doivent

être représentatifs des groupes à l'étude et, de préférence, retireront des bénéfices des

conclusions de la recherche. White, Suchowierska et Campbell (2004) décomposent la

sélection des participants en sept étapes: (1) sélectionner les participants potentiels, (2) faire

valoir les bénéfices attendus de la recherche, (3) pénétrer un groupe de participants potentiels,

(4) développer le lien de collaboration (avec et entre les participants), (6) recruter les

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participants et (7) les retenir au sein de l'équipe de recherche. Le fait que les participants

potentiels soient des collègues de travail a certainement été utile à l'accomplissement de

chacune de ces étapes.

Les cochercheurs ont donc été choisis parmi les services de Mine Raglan agissant

régulièrement comme agents de changement. Des représentants des services de

l'environnement, de la prévention et de l'hygiène industrielle, de la formation, de

l'informatique et de l'optimisation des procédés ont accepté de participer à l'étude. Les

personnes désignées ont eu à accomplir trois tâches principales au cours de la recherche.

D'une part, ils ont collaboré à la construction des questionnaires d'entrevue. D'autre part, ils

ont participé à un forum sur le changement organisationnel dans la cadre duquel ils étaient

invités à partager leurs expériences en la matière afin de dresser un portrait des modalités de

gestion du changement à la mine Raglan.

3.3.4 Sources de données et méthodes de collecte

Pour mener une étude de cas, diverses sources de données sont disponibles telles les

documents, archives, observations directes, observations participantes et artéfacts. Une borme

étude de cas se doit d'utiliser plus d'un type de données de façon complémentaire afin de

permettre leur triangulation (Yin, 1994). « De cette façon, toute découverte ou conclusion

d'une étude de cas devient plus convaincante et exacte si elle est basée sur différentes sources

d'information »9 (Yin, 1994, p. 92) Yin, Bateman et Moore (1983 cité dans Yin, 1994)

confirment d'ailleurs que les études de cas faisant appel à plusieurs sources de données sont

de qualité supérieure à celles qui n'en utilisent qu'une seule. En effet, si l'analyse des

diverses sources de données converge vers une conclusion commune, la validité interne de

l'étude s'en trouvera accrue.

Pour les besoins de l'étude, il a donc été décidé d'utiliser quatre différentes sources

d'information permettant de trianguler une partie des données et d'accéder à des informations

précises que les autres sources n'auraient pas pu permellre d'obtenir.

9 « Thus any finding or conclusion in a case study is Iikely to be much more convincing and accurate if il is based on several different sources of infonnation [ ... ] }) (Yin, 1994, p. 92).

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A. Entrevues semi-dirigées

Des entrevues semi-dirigées ont été menées auprès de récepteurs du changement de Mine

Raglan, qui occupent des fonctions à différents niveaux hiérarchiques de l'organisation. Les

questionnaires ont été construits en collaboration avec les cochercheurs et visent

principalement à identifier les perceptions des récepteurs quant aux facteurs de réussite et

d'échec et aux forces et aux faiblesses de la compagnie en matière de changement

organisationnel. Le questionnaire d'entrevue est présenté à l'appendice B.I.

L'échantillon de sujets ayant répondu au questionnaire est non probabiliste et formé par

quotas. La population ciblée était constituée de l'ensemble des individus à l'emploi de la

mine Raglan au mois d'août 2006, à l'exception des cadres supérieurs (membres de la haute

direction). Elle totalisait 531 personnes. Les répondants ont été choisis au hasard soit par leur

superviseur, soit en nous présentant directement sur leur lieu de travail. Comme dans le cas

d'échantillons non probabilistes les méthodes statistiques servant à déterminer la taille

requise d'un échantillon ne sont pas pertinentes (Contandriopoulos et al., 2005), Seidman

(1991) recommande gue le nombre de personnes soumises à un entretien reflète la variété des

pal1icipants et que des entrevues soient menées jusqu'à saturation de l'information. On a

donc interrogé un nombre proportionnel à la réalité de représentants de chaque niveau

hiérarchique et de chaque groupe culturel à l'intérieur de tous les secteurs de travail. Les

entrevues ont été menées jusqu'à ce que l'information devienne redondante. Ainsi, après 22

entrevues, soit 4% de la population, les réponses obtenues ont commencé à se répéter, mais

afin de s'assurer de recueillir un maximum d'opinions, 34 sujets (6% de la population) ont

été interrogés au total.

Tel que mentionné, l'échantillon formé devait être le plus représentatif possible des

proportions de chaque niveau hiérarchique, secteur de travail et groupe culturel. Pour les

besoins de l'étude, on a donc divisé l'organisation en deux niveaux hiérarchiques, soit le

niveau inférieur formé des travailleurs dits exécutants et le niveau supérieur formé des

gestionnaires intermédiaires portant le titre de superviseur ou de contremaître. Il s'agissait

d'employés relevant d'un surintendant et ayant un groupe de travailleurs sous leur

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supervision. Afin de bien marquer la limite entre les deux niveaux, les individus ayant des

employés sous leur supervision mais ne relevant pas directement d'un surintendant ont été

placés dans le groupe de niveau inférieur. Suivant cette répartition, on a détenniné que 10,5%

de la population appartenait au groupe des superviseurs. Quant à notre échantillon, il était

fonné de six superviseurs, soit 18%. Notons enfin que les surintendants n'ont pas été

interviewés dans le cadre de cette étude.

Par ailleurs, 24% des employés interrogés étaient Inuits alors que ce groupe représente

actuellement 16% de la population des travailleurs de Mine Raglan (D. Colpron,

Communication personnelle, 18 août 2006). À cet effet, une traduction du questionnaire du

français vers l'anglais a été effectuée en prenant soin de conserver la signification exacte des

questions et des réponses. La traduction a d'ailleurs été révisée par un employé inuit dont la

langue maternelle est l'anglais. Enfin, d'autres différences culturelles pourraient être

attribuées au secteur de travail des employés, à leur sexe, à leur âge ou à leur ancienneté. Ces

informations ont donc été recueillies pour chaque répondant. Les caractéristiques de la

population et de l'échantillon soumis à un entretien sont résumées au tableau 3.1.

Tableau 3.1 Comparaison de la composition de la population étudiée et de j'échantillon

interviewé.

Pourcentnge Nombre de Pourcenlnge dela personnes de

population interviewées l'échantillon

Niveau Inférieur 89,5 28 82,4 hiérmchique

Supérieur 10,5 6 17,6

Origine Inuils 16 8 23,5

Non Inuits 84 26 76,5

Dépnrtemenl Ressources humaines 18,6 8 23,5

Environnement Snnté Sécurité 4,5 1 2,9

Services techniques el de surface 20,2 7 20,6

Mine 36,3 12 35,3

Concenlmteur 14,1 4 11,8

Approvisionnement 2,6 2,9

Services administratifs 1,8 2,9

Géologie 1,5 ° °

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Du point de vue de la recherche, l'entrevue présente des avantages certains, maIS aussI

quelques inconvénients. Elle permet d'avoir un accès direct au sujet, donc à de l'information

dont lui seul dispose et à laquelle la seule observation ne permet pas d'accéder. Les

perceptions des individus appartiennent à cette catégorie d'information. Cependant, la

collaboration des individus implique le risque de la réactivité d'une mesure, c'est-à-dire

l'introduction d'un biais dû à la présence d'un observateur. Le phénomène de désirabilité

sociale est une forme de biais pouvant être induit au cours d'une entrevue et dont il a fallu se

méfier (Contandriopoulos et al., 2005; Mace et Pétry, 2005). Pour ce faire, nous avons insisté

au début de chaque entrevue sur le caractère confidentiel des réponses fournies et sur

l'importance de répondre avec honnêteté pour assurer la validité de la recherche. Cela a

probablement aidé à réduire la réactivité et ainsi augmenter la fiabilité de l'instrument.

D'ailleurs, nous avons rarement senti qu'un sujet éprouvait un malaise devant une question,

mais lorsque la situation se présentait, le sujet était encouragé à répondre en lui rappelant

qu'aucune information ne pouvait être retenue contre lui. À J'opposé, nous avons perçu que

la majorité des répondants ne craignait pas de dire le fond de sa pensée et semblait même

contente de pouvoir exprimer son opinion. D'autre part, comme les entrevues étaient menées

par une chercheure-actrice, il a été important de s'assurer qu'elles soient effectuées avec la

même profondeur que si nous avions été un élément extérieur à l'organisation. En effet,

Coghlan (2003) mentionne le danger que le chercheur-acteur déduise de l'information qui

n'ait pas été explicitement mentionnée par le répondant. Nous avons donc pris soin de

pousser les sujets à formuler clairement leur pensée pour ne pas prendre le risque

d'extrapoler faussement une réponse.

B. Forum d'informateurs clés

Décrit par Collerette et Schneider (2002) comme un outil de collecte de données sur l'état de

l'organisation, la technique du forum d'informateurs clés pennet de recueillir les opinions et

les impressions de personnes choisies au sein de l'organisation et s'exprimant sur un aspect

particulier de celle-ci. Pour la présente étude, des agents de changement choisis comme

cochercheurs ont été appelés à partager une expérience de changement organisationnel vécue

à Mine Raglan. Ils devaient s'exprimer, d'une part, sur leur perception du changement

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organisationnel auquel ils ont participé en effectuant l'implantation de ce dernier dans la

compagnie et, d'autre part, sur la façon dont ils l'ont opéré. Le forum visait l'obtention de

trois principaux ensembles d'information, à savoir les étapes suivies par les agents dans leur

implantation d'un changement, les facteurs de réussite et d'échec rencontrés et les défis et

particularités propres à la mine Raglan quant à sa gestion du changement.

La technique du forum dïnformateurs clés ne visait pas la recherche de consensus entre les

participants, mais seulement la collecte d'information sur l'organisation. En confrontant les

propos des collaborateurs, on a pu dresser un portrait global et diversifié de l'état des

perceptions du groupe (Collerette et Schneider, 2002). Pour la mener à bien, les cochercheurs

ont été informés quelques semaines à l'avance des thèmes abordés au cours de la rencontre

afin qu'ils puissent préalablement réfléchir à leur expérience vécue à ('occasion d'un

changement organisationnel. Au cours de la rencontre, le rôle du chercheur-acteur était de

stimuler les échanges, de faciliter l'expression des idées et d'encadrer les débats (Collerette et

Schneider, 2002).

Comme pour l'entrevue, le degré de réactivité de cette méthode peut être assez élevé, mais le

fait de considérer les participants comme des cochercheurs et de leur expliquer clairement les

objectifs de l'étude a permis de diminuer ce risque. Par ai lieurs, les cochercheurs identifiés

étant de proches collègues de travail, la confiance existant entre ces individus était assez

élevée pour favoriser la libre expression des opinions de chacun. En tant qu'animatrice de la

discussion, nous avons tout de même pris soin d'équilibrer le temps de parole alloué à chacun

(Collerette et Schneider, 2002). Enfin, il est intéressant de noter que les objectifs de la

rencontre ont évolué au cours de celle-ci à la suite de commentaires reçus de la part de

certains cochercheurs qui jugeaient intéressant d'aborder un sujet plutôt qu'un autre. Les

participants ont donc rempli leur mandat en s'investissant au-delà de ce qui leur était

initialement demandé.

C. Observation participante

Afin de trianguler les données recueillies lors des entrevues et du forum, l'observation

participante a été pratiquée tout au long de l'intervention du chercheur-acteur dans

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l'organisation. Pour garder trace des observations effectuées (comportements, témoignages,

etc.) ainsi que de l'évolution des perceptions du chercheur-acteur au fil de la recherche, des

notes ont été prises sur une base quotidienne. Par ailleurs, Contandriopoulos et coJlègues

(2005) ainsi que Mace et Pétry (2005) soulignent que la réactivité de cette méthode est faible,

puisque les sujets confondent le chercheur avec le collègue de travail. Sur le plan éthique,

bien que chaque individu ne soit pas systématiquement informé qu'il est observé,

l'organisation, elle, est au courant. De plus, les individus s'interrogeant sur le rôle du

chercheur-acteur ont été informés de la recherche et de ses objectifs.

D. Observation documentaire

L'utilisation de documents est venue compléter les trois autres sources de données par

l'apport d'informations principalement factuelles. Certains documents officiels dédiés à une

consultation interne ou externe ont été ciblés. 11 s'agit des rapports annuels de développement

durable, des résultats de sondages menés par le Département des ressources humaines et des

rapports de performance de certains des services participants. Des documents non officiels

comme des lettres, mémos ou courriels ont aussi servi de source de données.

L'observation documentaire est réputée être la moins réactive des méthodes de collecte de

données (Contandriopoulos el af., 2005). Il a toutefois fallu se méfier des documents officiels

et des communications s'adressant aux parties prenantes externes à l'organisation, car dans

ces cas le phénomène de désirabilité sociale est important et peut considérablement biaiser les

propos exprimés. Dans le domaine de la gestion environnementale, Rhee et Lee (2003)

traitent de ce phénomène comme de l'écart entre la rhétorique véhiculée par une organisation

et son action réelle. Aussi, dans les cas de discordance entre les documents et les autres

sources de données, c'est le contexte qui a dicté laquelle ou lesquelles des mesures devaient

être prises en compte. Cependant, à l'exception des rappol1s de développement durable ou de

performance destinés au public, aux autorités gouvernementales ou aux représentants des

communautés locales, la réactivité des documents étudiés est pratiquement nulle (Mace et

Pétry, 2005).

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3.3.5 Traitement des données

Afin de compléter le design de notre étude de cas, la façon de lier les données à la proposition

a été arrêtée et les clitères d'interprétation de ces données ont été déterminés. À ces fins, la

méthode de l'appariement de modèles (patlern-matching) proposée par Yin (1994) a été

retenue.

Dans un premier temps, l'information récoltée a été classifiée afin d'obtenir un corpus

structuré de données pouvant servir à l'analyse (Mace et Pétry, 2005). Les informations ont

été regroupées en cinq catégories: les informations factuelles permettant de décrire le

contexte; les informations ayant trait aux forces et aux faiblesses de j'organisation en matière

de changement; les informations permettant d'ordonner les étapes suivies lors des processus

de changement; les informations énonçant les facteurs de réussite et d'échec du changement à

Mine Raglan; les défis et les particularités propres à la mine Raglan en matière de gestion du

changement.

À l'intérieur de ces catégories, un traitement statistique des données recueillies par entrevues

a été effectué afin de produire un portrait global de l'opinion de la population. Les données

recueillies lors du forum ont également été traitées de manière à tàire ressortir, si possible, un

schéma général d'implantation du changement à la mine Raglan. On visait ainsi à faire

émerger des expériences partagées par chaque cochercheur un modèle général représentatif

de la réalité de l'ensemble des agents de changement. Les leviers et les obstacles rencontrés

par chacun ont aussi été regroupés pour être analysés au chapitre suivant.

Dans un deuxième temps, on a procédé à l'analyse proprement dite des données. C'est là

qu'est intervenue la méthode de l'appariement de modèles. Il s'agissait essentiellement de

comparer le modèle et les données théoriques développés au chapitre II avec le modèle

ressortant des observations empiriques faites au cours de la recherche (Contandriopoulos el

al., 2005 et Yin, 1994). Contandriopoulos et collègues (2005) décrivent ce processus de

modélisation des données empiriques comme une formalisation théorique de celles-ci et une

construction progressive d'une explication optimale du phénomène étudié. Pour la présente

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étude de cas, le critère d'interprétation des données était le degré d'appariement entre les

modèles empirique et théorique.

3.3.6 Validité, fiabilité et réactivité

La qualité du projet de recherche présenté ici repose entre autres sur sa validité interne, c'est­

à-dire sur la certitude que ses conclusions reflèteront bien ce qui s'est effectivement passé au

cours de la recherche (Mace et Pétry, 2005). L'étude de cas unique, en raison de la

profondeur d'analyse qu'elle offre, présente en effet un potentiel élevé de validité interne

(Contandriopoulos et al., 2005). Par ailleurs, la validité des données collectées a été assurée

par la triangulation des sources de données, puisque la multiplication des mesures d'un même

phénomène augmente la validité de construit (Yin, 1994).

Pour ce qui est de la validité externe de l'étude proposée, elle correspond à la certitude que

les résultats puissent être généralisés à d'autres organisations (Mace et Pétry, 2005). Dans la

présente étude de cas, les résultats ne pourront être généralisés que s'il y a concordance entre

le modèle empirique développé à partir des données et le modèle théorique construit au

chapitre II. La validité, la fiabilité et la réactivité de chaque instrument de mesure ont quant à

elles été couvertes précédemment lors de la présentation des méthodes de collecte des

données.

Enfin, pour assurer le caractère éthique de la recherche, l'organisation ad' abord été informée

des objectifs visés par celle-ci. Pour ce qui est des sujets, leur consentement libre et éclairé a

été obtenu avant le début de chaque entrevue, de même que lors du forum auquel ont

participé les cochercheurs. Le consentement éclairé signifie que les sujets acceptent de

participer à la recherche en toute connaissance de cause. Le consentement libre des sujets

signifie quant à lui qu'aucune contrainte ou influence indue n'ait été exercée sur eux, qu'on

leur ait accordé un temps de réflexion suffisant et qu'ils connaissaient leur droit de se retirer

en tout temps de la recherche. Enfin le consentement devait être clairement exprimé, mais il

n'avait pas à être écrit, puisque la recherche n'entraînait pas de risques physiques (Mace et

Pétry, 2005). Ces conditions ont été respectées pour les sujets appelés à participer à une

entrevue et pour les cochercheurs. Les résumés de l"information transmise aux sujets et aux

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cochercheurs avant leur participation sont présentés aux appendices B.2 et B.3. Toutefois,

pour limiter la réactivité de cet instrument de mesure, les informations recueillies par

l'observation participante n'ont pu répondre à ces critères. Pour ce qui est de l'observation

documentaire, elle n'a servi qu'à amasser des informations factuelles et non à rapporter des

propos exprimés par des individus et elle ne nécessitait donc pas le consentement de leur

auteur. Qui plus est, la majorité des documents consultés était de type officiel. Dans tous les

cas, la confidentialité et l'anonymat des infonnations recueillies ont été respectés.

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CHAPITRE IV

CAS D'ÉTUDE: MINE RAGLAN

4.1 Historique et particularités de Mine Raglan

Mine Raglan, anciennement propriété de la compagnie Falconbridge Limitée, appartient

depuis août 2006 à la société minière Xstrata. Bien que ses bureaux administratifs soient

localisés à Rouyn-Noranda, les opérations d'extraction et de transformation du minerai de la

mine Raglan s'effectuent sur un site minier situé à l'extrémité septentrionale du Québec dans

la région du Nunavik. La propriété Raglan s'étend sur plus de 1600 hectares de terrain

(Roche, s.d.) au nord du 6l e parallèle, respectivement à 115 km au sud-est el 60 km à l'ouest

des communautés inuites de Salluit et Kangiqsujuaq (Falconbridge LIée - Mine Raglan,

2006). Le site n'est accessible que par voie maritime ou aérienne et seuls les employés de la

mine et de ses sous-traitants, originaires du sud et du nord de la province, y résident.

Avant son acquisition en 2006 par Xstrata, Falconbridge avait effectué des travaux

d'exploration sur la propriété Raglan à partir de 1957. Les développements miniers sur les

claims ne sont toutefois devenus économiquement intéressants qu'au début des années 1990

alors que le marché du nickel a commencé à croître, principalement en raison d'une hausse de

la demande en acier inoxydable (Roche, s.d.). Falconbridge, qui avait déjà entrepris une vaste

étude de caractérisation d.u milieu en 1981, a intensifié ses travaux en 1990 et en 1991 afin

d'acquérir une meilleure compréhension des environnements biophysique et humain dans

lequel la mine Raglan était appelée à s'implanter (Roche, s.d.) et afin « de recueillir les

données environnementales de base nécessaires à la bonne planification du projet minier»

(Roche, 1992, p.5).

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En J995, FaJconbridge Limitée - Mine Raglan signe le Raglan Agreement (Entente Raglan)

avec la Société Makivik et quatre regroupements politiques représentant les communautés de

Salluit et de Kangiqsujuaq. Cette entente de principe accorde à la mine Raglan Je droit

d'exploiter les ressources minérales de son claim sous certaines conditions ayant trait à la

conservation de l'environnement, à J'attribution d'emplois aux Inuits, au développement

économique du Nunavik et au versement de redevances monétaires aux cinq parties

signataires de l'entente. Pour assurer le respect des différentes closes de l'entente, maintenir

un dialogue continu sur les questions qu'elle aborde et permettre aux Inuits d'exprimer leurs

préoccupations notamment à l'égard des enjeux environnementaux, le Raglan Committee

(Comité Raglan) est formé par les signataires de l'entente et depuis se réunit de deux.à quatre

fois par année (SNCcLavalin, 2006).

L'étude d'impact environnemental, l'Entente Raglan et l'approbation du projet minier par les

autorités gouvernementales ont permis de débuter la construction de la mine en 1996 pour

commencer à la fin de 1997 les activités d'extraction. Ce chantier a d'abord requis la

réhabilitation d'infrastructures déjà existantes dont un port de mer et 62 kilomètres (km) de

route ayant appartenu à la compagnie Asbestos Corporation Limited, qui avait exploité la

mine d'amiante Purtuniq dans la même région entre 1972 et 1984. Mine Raglan a également

dû procéder à J'aménagement de plus de 100 km de nouvelles routes, à la mise à niveau d'un

aéroport et à la construction d'un barrage afin de former un réservoir d'eau douce d'une

superficie de 9,5 km2 et d'une capacité de J 500000 m3 alimentant la mine en eau brute et

en eau potable. Diverses autres infrastructures essentielles à l'exploitation minière ont aussi

été construites, dont un concentrateur capable de traiter 800 000 tonnes de minerai par an,

une centrale énergétique au diesel de 18 mégawatts (MW) et divers autres lieux de services

relatifs à la production (complexe d'habitation, usines de traitement des eaux usées

domestiques et industrielles, bureaux, garages, site d'enfouissement, incinérateur, parc à

résidus miniers, etc.) (Roche, s.d.).

Ces différentes infrastmctures sont réparties sur trois sites (voire figure 4.]) soit Katinniq, où

se concentrent les activités minières actuelles, Baie Déception où se trouvent les installations

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portuaires ct Donaldson où sont situés l'aéroport, le campement dédié aux activités

d'exploration minière et les prochains sites d'exploitation. Aujourd'hui, le concentrateur a

une capacité annuelle de 1,1 million de tonnes de minerai et produit environ 140000 tonnes

de concentré par an contenant environ 17% de nickel, 5% de cuivre et 0,3% de cobalt (Mine

Raglan, à paraître). L'ensemble des opérations requiert la production de 47 MW d'électricité

nécessitant une consommation de plus de 45000000 de litres de diesel par an. Raglan

compte aussi trois mines souterraines et une fosse à ciel ouvert en opération, cinq fosses à

ciel ouvert dont l'exploitation est terminée et projette J'exploitation de quatre mines

souterraines et quatre fosses à ciel ouvert. Les réserves de minerai, constamment renouvelées

par la découverte de nouveaux gisements, permettront de poursuivre l'opération du site pour

au moins 20 autres années.

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Figure 4.1 Localisation des sites de Mine Raglan

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4.2 Mine Raglan et la gestion environnementale

Deux principaux facteurs ponctuent l'attitude de Mine Raglan quant à sa volonté d'honorer

ses responsabilités sociale et environnementale. D'une part, l'isolement du site d'exploitation

et conséquemment la multitude d'infrastructures qu'il comporte font en sorte que Xstrata

Nickel - Mine Raglan doive assurer elle-même un nombre de services environnementaux

plus grand que la moyenne des sites industriels. En effet, en plus des activités

environnementales traditionnelles dans le monde minier comme le traitement des eaux usées

industrielles (trois usines de traitement) et Ja gestion d'un parc à résidus, Mine Raglan

assume également la gestion de ses eaux usées domestiques (trois usines de traitement), de

ses matières résiduelles (un site d'enfouissement, un incinérateur et un site de brûlage à ciel

ouvert), d'un port de mer (une équipe de premiers intervenants maritimes en cas de

déversement) et d'un important parc pétrolier (un total de 24 réservoirs de plus de 10000

litres dispersés en divers endroits sur la propriété). Par ailleurs, Mine Raglan procède à un

très grand nombre de suivis environnementaux afin d'assurer Je maintien de la qualité du

milieu récepteur. Ces études visent l'évaluation de J'état de la faune aquatique (omble

chevalier (Sa/velinus a/pinus), organismes benthiques, moule bleue (Myli/us edulis), le

contrôle des retombées de poussières, Je suivi de la qualité physico-chimique de J'eau, etc. En

plus de ses suivis environnementaux et du contrôle de ses infrastructures présentant un

impact environnemental potentiel, Mine Raglan assure une communication ouverte et

constante avec ses partenaires inuits pour leur soumettre ses projets et entendre leurs

demandes et leurs préoccupations. Afin d'encadrer ces activités, elle s'est dotée en 2001 d'un

système de gestion environnementale enregistré selon la norme ISO 14001.

D'autre part, la gestion environnementale de Mine Raglan est influencée par Jes demandes de

la société mère. À l'époque où Raglan était propriété de FaIconbridge LIée, le bureau

corporatif imposait déjà certains standards environnementaux à ses exploitations. En outre,

l'enregistrement ISO 14001 répondait à une requête de Falconbridge LIée. Par ailleurs, la

compagnie s'était engagée à pratiquer une exploitation minière soutenable et produisait

chaque année un rappo11 de développement durable. Depuis J'achat de Falconbridge Liée par

Xstrata, ces standards d'exploitation sont mieux définis. On ne parle plus simplement de

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respect du prIncIpe de développement durable, mais bien de 17 standards d'exploitation

auxquels les unités d'affaire (dont Mine Raglan) doivent se conformer. Face au respect de ces

standards, Xstrata agit à la manière d'un organisme réglementaire et audite ses exploitations

pour évaluer leur performance. Les standards de Xstrata visent à promouvoir la santé et la

sécurité au travail, l'environnement et les relations avec les communautés dans 17 contextes:

1. Leadership, responsabilité et éthique de l'entreprise;

2. Planification, ressources, objectifs et cibles en matière de santé, sécurité,

environnement et communauté;

3. Compétence et comportement des employés;

4. Communication et obligations à l'égard des parties prenantes;

5. Gestion des risques et du changement;

6. Réponse aux urgences et catastrophes;

7. Conformité légale et contrôle de documents;

8. Intégrité opérationnelle;

9. Santé et hygiène industrielle;

10. Biodiversité et gestion du territoire;

Il. Sous-traitants, fournisseurs et palienaires;

12. Communautés;

13. Gestion de projet;

14. Responsabilité commerciale du cycle de vie;

15. Gestion des incidents;

16. Évaluation et rapport de performance;

17. Urgences, crises et continuité de l'entreprise.

(Xstrata, 2006)

C'est donc principalement en raison de la diversité de ses activités et de l'influence de la

société mère que Mine Raglan a développé au fil des ans un système de gestion

environnementale complet permettant d·améliorer sa performance environnementale de façon

continue. Fait à noter, le niveau de gestion environnementale de Mine Raglan est

représentatif de celui de son secteur d·activité. Avec sa politique environnementale, ses

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nombreuses procédures et normes de gestion environnementale internes et son Service de

l'environnement comptant actuellement sept employés à temps plein, Mine Raglan fait

montre d'un haut niveau de gestion environnementale, tout comme la moyenne des

entreprises de la métallurgie, des mines et des métaux (CSMOE, 1999).

4.3 Les modèles de changement en vigueur à Mine Raglan

4.3.1 Processus de changement vécus par des agents

Au cours du forum d'informateurs clés, sept témoignages ont été recueillis de la part d'agents

de changement amenés à exposer une expérience de changement déjà vécue. Ces agents

devaient présenter les étapes par lesquelles ils étaient passés pour réussir l'implantation du

changement désiré. Ces sept cas seront d'abord présentés et, par la suite, comparés entre eux.

A. Service prévention: augmentation de la présence du Service prévention lors des arrêts

planifiés au concentrateur

Le Service prévention présentait ici un cas de changement évolutif, planifié et visant d'abord

une composante stratégique de l'organisation, en l'occurrence sa participation active aux

arrêts planifiés. Le changement vécu répondait à un problème identifié par le Service

prévention et le Département du concentrateur, à savoir le nombre trop élevé d'accidents

survenus pendant les arrêts planifiés. La cause du problème avait été soulevée par les cadres

du Département du concentrateur qui affirmaient que le Service prévention devait être plus

présent dans l'usine lors des arrêts planifiés. C'est donc autour de ce besoin que se sont

articulées la planification et la réalisation du changement dans le respect des étapes

suivantes:

1. Identification du besoin de changement en réponse à un problème;

2. Planification de la solution;

3. Communication du plan et consultation;

4. Implantation du changement;

5. Évaluation du changement et ajustements;

6. Suivi et maintien du changement;

7. Documentation du changement effectué.

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ss

Ce processus s'est effectué par une succession d'essais et erreurs. Le Service prévention a

noté que le besoin de changement avait été mal défini au dépaIt, et qu'en raison de cela, la

réalisation d'un changement adapté au problème s'est avérée plus difficile que prévu.

Aujourd'hui, le changement est encore maintenu et il continue de s'améliorer.

B. Service formation: augmentation du taux de représentativité des Inuits parmi les

employés de la mine

Mine Raglan s'est engagée dans son certificat d'autorisation initial à atteindre un nombre

d'employés inuits équivalent à 20% de sa main d'œuvre totale (Québec, 1995). Au moment

de conduire cette recherche, ce taux était de 16% (O. Colpron, communicat ion personnelle,

18 août 2006) et Mine Raglan n'est à ce jour jamais parvenue à honorer cet engagement.

Cette situation a graduellement mené à une perte de crédibilité de la firme vis-à-vis ses

partenaires inuits représentés au Raglan Employment and Technical Training Commiltee

(RETIC). L'augmentation du taux de représentativité des Inuits à Mine Raglan était le

besoin de changement identifié par le Département des ressources humaines. Ce besoin

agissait comme point de départ d'un processus de changement évolutif, planifié et visant en

premier lieu une stratégie de gestion de r organisation, soit ses engagements en matière de

formation et d'embauche de personnel inuit.

1. Identification du besoin de changement en réponse à un problème;

2. Recrutement d'une coalition en faveur du changement;

3. Planification du changement;

4. Production de gains à court terme pour renforcer la coalition.

Ce changement est toujours en cours et la stratégie de gestion n"est que partiellement

modifiée. Toutefois des changements culturels (accroissement de la volonté des superviseurs

à intégrer, accommoder et garder leurs employés inuits) et structurels (intégration de cet

indicateur de performance aux plans de performance individuels de certains cadres) s'opèrent

peu à peu pour appuyer le changement stratégique en cours.

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C. Service informatique: changements structurels au sein du Service informatique

Le Service informatique nous présente ici un exemple de changement évolutif, planifié et

visant une composante structurelle du service: son organisation interne. Ce changement est

survenu dans un contexte où l'environnement de travail était constamment remodelé et où la

charge de travail s'accroissait de façon continue sans que le service ne se réorganise en

conséquence et de manière efficace. Plus qu'un simple besoin de changement, l'organisation

faisait alors face à une crise à laquelle devait répondre le changement proposé.

1. Identification du besoin de changement en réponse à un problème;

2. Planification de la solution;

3. Communication du plan et consultation;

4. Délégation de mandats;

5. Implantation du changement;

6. Implantation d'un système de mesure pour évaluer de façon proactive des besoins de

changement futurs.

L'implantation de ce changement a été accomplie avec succès et les indicateurs de

performance développés permettront maintenant de cerner de futurs besoins de changements

structurels avant que ceux-ci ne conduisent à une crise.

D. Ingénierie mine: implantation d'un nouveau système informatique

L'exemple de changement présenté par le Service de l'ingénierie mine est évolutif, planifié et

visait le remplacement d'une composante structurelle (un système infomlatique). Son agent

de changement affirme également qu'il est caractérisé par le manque de planification. Il se

distingue par ailleurs des trois exemples précédents, parce qu'il découle de la volonté d'un

surintendant d'implanter un changement structurel, plutôt que de répondre à un besoin se

manifestant par un problème vécu par l'organisation. La solution a donc été choisie par un

leader qui n'était pas l'agent de changement.

1. Identification d'un besoin de changement en réponse à la vision d'un leader;

2. Désignation d'un agent de changement;

3. Planification du changement;

4. Implantation du changement;

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5. Maintien du changement.

Dans Je cas présenté, l'agent de changement signale qu'il aurait dû remettre en question les

hypothèses de départ de son surintendant (causes du problème à régler, solution choisie, plan

d'action et ressources allouées) avant de procéder au changement demandé.

E. Département concentrateur : la nouvelle ère du parc à résidus

La gestion du parc à résidus miniers de Mine Raglan présente des défis particuliers en raison

de l'éloignement du site et de la technique employée. En effet, plutôt que de conserver les

résidus sous fonne liquide à l'intérieur de digues comme cela se fait dans les exploitations

traditionnelles, Mine Raglan a choisi de diminuer le taux d'humidité de ses résidus afin d'en

faire un monticule et ainsi de les intégrer au pergélisol pour les rendre inertes. Cependant, les

connaIssances acquIses depuis les débuts de l'exploitation à propos des changements

climatiques et de leurs conséquences sur le réchauffement de l'Arctique et la fonte du

pergélisol viennent remettre en question les fondements techniques du mode de gestion du

parc à résidus initialement adopté par Mine Raglan. Ces inquiétudes, doublées d'un laxisme

quant au respect du plan de déposition et de recouvrement des résidus, ont entraîné une perte

de crédibilité de Mine Raglan en ce qui concerne sa faculté de gérer convenablement son parc

à résidus. Le Département du concentrateur a donc entrepris de redresser la situation:

1. Identification du besoin de changement en réponse à un problème;

2. Désignation d'un agent de changement;

3. Développement d'une vision;

4. Planification du changement;

5. Communication du problème, de la vision et du changement proposé;

6. Délégation de mandats;

7. Implantation du changement;

8. Évaluation du changement et ajustements;

9. Bilan: éélébration du changement.

Cet exemple de changement évolutif, planifié et visant une stratégie de gestion est toujours en

progression. L'implication de nombreux experts dans la planification du changement a par

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ailleurs certainement pennis de développer une stratégie solide et crédible auprès des divers

acteurs chargés de l'appliquer.

F. Six Sigma: défis de l'implantation de la méthode Six Sigma à Raglan

Six Sigma est une méthodologie de gestion de projet développée par Motorola au cours des

années 1980 et adoptée par la compagnie Noranda (devenue Falconbridge Ltée puis Xstrata)

en 1999. Ressemblant en plusieurs points à la gestion de la qualité totale, les projets menés

selon la méthode Six Sigma visent à optimiser un processus en se fondant sur des données

fiables et en se fixant des cibles de perfonnance mesurables. Le tout est orchestré dans le but

d'obtenir « des résultats significatifs et durables» (Falconbridge, 2005, p.6). L'implantation

de cette méthodologie à Mine Raglan en réaction à une volonté corporative constitue le

processus de changement décrit par l'agent interviewé.

1. Identification du besoin de changement principal en réponse à une volonté

corporative;

2. Identification d'un agent de changement principal;

3. Communication: recrutement d'une coalition en faveur du changement;

4. Identification d'agents de changement secondaires;

5. Fonnation des agents de changement secondaires;

6. Sélection des projets de changement spécifiques;

7. Communication des projets de changement spécifiques;

8. Implantation des changements principal et spécifiques;

9. Communication des résultats;

10. Suivi et maintien des changements principal et spécifiques.

Ce changement évolutif et planifié visait lui aussi une composante stratégique de

l'organisation, mais devait à tenne modifier la culture organisationnelle pour que le recours à

la méthodologie Six Sigma devienne un réflexe naturel chez les gestionnaires. La structure

organisationnelle était elle aussi affectée, puisque certains effectifs étaient temporairement

retirés de leur département d'attache pour être assignés à la réalisation d'un ou de plusieurs

projets d'optimisation. Jusqu'à l'achat de Falconbridge Ltée par Xstrata, ce changement était

maintenu, amélioré et donnait des résultats tangibles en terme d'économies réalisées.

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Cependant, l'administration de Xstrata a finalement décidé de ne plus avoir recours à la

méthodologie Six Sigma et le changement principal n'a donc pas été maintenu.

G. Service environnement: implantation d'un SGE ISO 14001

En 2000, les administrateurs du bureau corporatif de Falconbridge LIée expriment la volonté

d'obtenir une accréditation ISO 14001 pour chacune des exploitations canadiennes de la

compagnie. Pour ce faire, ils désignent un responsable de l'implantation des SGE qui à

l'époque est également surintendant du Service environnement de Mine Raglan. Ce

responsable exercera beaucoup de pression pour que Mine Raglan montre la voie aux autres

exploitations et devienne la première à recevoir l'accréditation ISO 14001 chez Falconbridge.

1. Identification du besoin de changement en réponse à une volonté corporative;

2. Identification d'un agent de changement principal;

3. Identification d'agents de changement secondaires;

4. Formation des agents de changement;

5. Préparation du changement;

6. Validation du travail accompli avec des pairs d'autres divisions;

7. Implantation du changement;

8. Suivi et adaptation du changement en fonction de l'expérience acquise.

Bien que ce changement planifié de stratégie de gestion se soit effectué sur une courte

période et qu'il ait engendré la modification d'un grand nombre de structures au sein de

l'organisation, nous le qualifierons néanmoins de changement évolutif. En effet, les

structures affectées sont aujourd'hui encore en continuelle amélioration et le changement

culturel ne s'opère que très graduellement. Qui plus est, les fondements même de l'entreplise

n'ont pas été affectés par l'implantation de cet outil de gestion, bien que celui-ci ait aidé

Mine Raglan à être plus rigoureux dans l'application de ses engagements environnementaux,

qu'ils soient légaux, internes ou élaborés avec ses parties prenantes.

Le tableau comparatif (tableau 4.1) de ces sept cas de changement permet de tirer certaines

observations. D'abord, on constate que Mine Raglan mise généralement sur des changements

évolutifs et planifiés et que ceux-ci visent en premier lieu les composantes structurelles ou

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stratégiques de l'organisation. Ensuite, deux origines du changement se détachent également

des exemples énumérés. Dans les cas A, B, C et E, il s'agit d'un besoin de changement

émergeant d'un problème identifié par l'organisation (tant sa base que ses gestionnaires

intermédiaires et supélieurs) dans un mouvement bollom up. Dans les cas D, F et G, il s'agit

plutôt d'un besoin de changement découlant d'une volonté exprimée par le haut de la

pyramide hiérarchique (surintendant, bureau corporatif) selon une approche qui pourrait être

qualifiée de top dowl1. Aucune des deux origines ne semble faciliter l'implantation du

changement plus que l'autre, puisque, tel que présenté plus loin, des barrières et des leviers

du changement ont été identifiés pour chaque cas. Nous verrons cependant dans le

paragraphe qui suit comment ces deux modèles se distinguent et comment ils pourraient être

améliorés pour s'approcher du modèle théorique afin de faciliter le processus de changement

tout en respectant les caractéristiques de l'organisation.

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Cli

Tableau 4.1 Comparaison de sept cas de changements vécus par différents services de Mine Raglan

A

Prévention

B Formation

C Informatique

D

Ingénierie mine

E Coneen trateu r

F

Six Sigma

G Environnement

.",

0. >.

Evolutif

Planitié

Stratégie

Evolutif

Planitié

Stratégie

Evolutif

Planil'ié

Structurc

Evolutif

Planitié

Structure

Evolutif

Planitié

Stratégie

Evolutif

PI,milié

Stratégic

[nllutif

Planitié

Stratégie

Manifestation du besoin de

changement en réponse il un

problème

Manifestation du besoin de

changement en réponse il un

problème

Manifestation du besoin de

changement en réponse il un

problème

Manifestation du besoin de

chilngemcnt en réponse il la "ision

d'un leader

Manifestation du besoin de

changement en réponse il un

prohlèmc

Manifcsl<.ltion du besoin dc

changemcnt en réponse il la ;'ision

d"un leader

Manifestation du hesoin de

changement en réflonse il la vision

d'un leader

Désignillion d'un agent de

changement

Désignation d'un agent de

changement

Désignation d'un agent dc

eh<.lngcmcnl principal

Désignation d'un agent de

changement princip;Ji

Communication: recrutement d"une Communication: Recrutement d'une

coalition en faveur du changement coalition en faveur du changement

Désignalion d'agents de ch,lngcment

second'lii·es

Désignation d'<.Igents de changement

secon da ires

Fonn,ltion des agents de changement

secondaires

Formation des agents de changemcnt

Dé,'c1llppenlent d"unc "ision

Planitication de la solution Planitication du changement Planitieation de la solution Plan i tieal ion du chilngement Planitication du changcmcnt Sélection des projets de ch<.lngement

spéci liqucs

Préparation du changement

Jl :.> 0­2

'l.LI Communication du plan ct

consultation

Communication du plan ct

consultation

V<.Ilidation du plan avcc des cxperts

Communic<.ltion du problèmc, dc la

vision ct du ehilngement proposé

Communication des projets de

changclllcilt sfléeitiques

Validation du tra"ail <.Ice()mpli a"ec

des fl<.lirs

Délégation de mandats Délegation de mandaIs

Implantation du changement Production de gains <1 court terme Implantation du changemcnt Implantation du changement Imfllantation du changcmcnt InlJ,l;mtation des changements Implantation du changement

princip<.ll ct spécitiques

Évalu<Jlion ct ajustements Évaluation et ajustemcnts

Communication des résultats pour Communic;ltion des n:-sultals

renforcer la coalition

Sui"i ct m<.lintien du changement Maintien du changement Suivi ct maintien du changement Suivi etmainticn des changelT\ents Suivi ct adapl<Jtion du changement en

princip<.I1 et spéeitiques fonction de l'expérience acquise

Documentation du changement lillplantation d'un système de mesure Bilan' célébrer le changemcnt

effectué pour évaluer de façon proactive des

besoins de changement futurs.

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4.3.2 Le changement: comparaison des modèles empirique et théorique

De ces exemples de changement nous pouvons donc dégager deux modèles appJiqués par

Mine Raglan, le premier découlant de J'identification d'un problème par l'organisation et le

second s'appuyant sur un désir ou une vision manifestée par le haut de la pyramide

hiérarchique. Ces deux processus sont cependant très semblables, puisqu'une seule étape les

distingue réellement. En effet, lorsque le besoin de changement origine d'un problème

identifié de l'intérieur, la désignation d'un agent de changement se fait de façon non officielle

parmi les personnes ayant participé à définir le problème. De ce fait, les agents de

changement rencontrés n'ont pas mentionné Je choix d'un agent de changement comme une

étape précise du processus. À l'opposé, lorsque le besoin de changement émane de la vision

d'un leader ou d'un groupe de leaders, celui-ci doit désigner un agent qui implantera le

changement désiré. Les agents de changement interrogés, qui ont participé à ce type de

processus, ont tous identifié le choix du ou des agents comme une étape officielle de leur

expérience de changement.

Une exception a été rencontrée sur ce sujet, soit le cas de la modification du mode de gestion

du parc à résidus (E). L'agent ayant participé à ce changement n'a pas mentionné la

désignation de l'agent de changement comme une étape officielle du processus. Pourtant, des

informations recueillies par l'observation participante nous permettent d'affirmer que cet

agent a bel et bien été officiellement choisi par le surintendant du concentrateur pour

accomplir ce changement. Ainsi, bien que ce besoin de changement provienne d'un problème

identifié à l'interne, il y a tout de même eu identification formelle de l'agent.

En se basant sur les résultats recueillis, nous sommes d'avis que deux facteurs influencent le

degré de formalité de la sélection des agents de changement. D'une part, l'ampleur du projet

à réaliser de même que sa distinction par rapport aux tâches régulières nécessitent ou non

qu'un agent soit spécifiquement assigné à la réalisation du changement. Dans des cas comme

ceux de la prévention (A) ou de la formation (B), le changement à implanter relève des

responsabilités préétablies de ces secteurs et peut s'intégrer à leurs activités régulières. Il n'y

a donc pas nécessité de les désigner officiellement et spécifiquement comme responsables du

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changement, puisqu'ils le sont par définition. Dans des cas comme ceux de l'ingénierie mine

(D), du concentrateur (E), de Six Sigma (F) ou de l'environnement (G), les changements

vécus exigeaient qu'une personne soit spécifiquement assignée à la tâche, puisque celle-ci

n'entrait dans la description de poste ou les responsabilités prédéterminées d'aucun individu.

D'autre part, si le changement est guidé par le leader en ayant identifié le besoin, comme

dans le cas de l'informatique (C), l'agent de changement n'a pas à être officiellement

désigné, étant donné que cette attribution se fait naturellement.

Deux approches du changement existent donc à Mine Raglan et se distinguent selon l'origine

du besoin de changement et la désignation officielle de l'agent responsable. Le reste du

processus est semblable pour les sept cas observés, bien que certaines étapes soient omises ou

ajoutées chez l'un ou chez l'autre. Nous proposons donc les étapes suivantes comme modèle

de changement empirique observé à Mine Raglan:

1. Détermination d'un besoin de changement en réponse à un problème diagnostiqué à

l'interne ou à une vision provenant du haut de la pyramide hiérarchique (7 cas sur 7);

2. Désignation officielle ou non officielle d'un agent de changement principal (4 cas sur

7);

3. Communication du besoin de changement pour recruter une coalition en faveur du

changement (2 cas sur 7);

4. Au besoin, sélection des agents de changement secondaires (2 cas sur 7);

5. Formation des agents sur le changement à accomplir (2 cas sur 7);

6. Développement d'une vision (l cas sur 7);

7. Planification et préparation de l'implantation du changement (7 cas sur 7);

8. Validation du plan avec des experts ou des pairs (2 cas sur 7);

9. Communication à l'interne des changements planifiés pour information, consultation

et approbation (4 cas sur 7);

lO. Au besoin, délégation de mandats (2 cas sur 7);

lI. Implantation du changement (6 cas sur 7) ou production de gains à court terme (l cas

sur 7);

12. Évaluation du changement et ajustements (2 cas sur 7);

13. Communication des résultats pour renforcer la coalition (2 cas sur 7);

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14. Suivi, maintien et adaptation du changement en fonction de l'expérience acquise (5

cas sur 7);

15. Clore le changement: faire le bilan du changement, le célébrer, le documenter,

implanter un système de mesure pour évaluer de façon proactive des besoins de

changement futurs (3 cas sur 7).

Ce processus est comparé au modèle théorique développé au chapitre Il dans le tableau 4.2. Il

est intéressant de constater que si le modèle empirique observé à Mine Raglan présente

certaines lacunes, des étapes originales ont toutefois été spontanément développées par les

agents de changement de la mine. De ce fait, les deux modèles présentés gagneraient à être

améliorés.

On constate que le modèle ayant cours à Mine Raglan est déficient sur certains points.

D'abord, à l'étape de la décristallisation, le développement d'une vision claire de l'état à

atteindre n'a pas systématiquement lieu. Il semble que certains acteurs tiennent pour acquis la

clarté de leur vision sans s'attarder à la définir concrètement. Cette étape est pourtant

essentielle si l'on veut par la suite être en mesure de communiquer cette vision, qui sera

toutefois appelée à se raffiner au cours des étapes subséquentes. Aussi, aucun des agents n'a

mentionné avoir procédé à un diagnostic de J'écal1 qui doit être comblé entre la situation de

départ et l'état à atteindre. L'observation participante et documentaire nous apprend toutefois

que cette étape est effectuée dans plusieurs cas de changements à Mine Raglan. Par exemple,

la méthodologie Six Sigma tel qu'appliquée à J'époque chez Falconbridge Ltée prévoit une

étape de mesure qui vise à «établir et vérifier les métriques du projet pour évaluer la

performance» à atteindre (Falconbridge, 2005, p.6). Dans le cas du changement effectué par

le Service prévention au concentrateur, la cible à atteindre était de ne générer aucun accident

durant les arrêts planifiés. Cependant, le besoin qui avait été diagnostiqué n'était pas

seulement de diminuer les accidents, mais aussi d'accroître la présence du Service

prévention. Il aurait donc fallu évaluer en termes concrets (nombre d'heures, d'effectifs, de

services offerts, etc.) l'état actuel et l'état à atteindre pour réaliser la cible de zéro accident.

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Tableau 4.2 Comparaison des modèles de changement théorique tiré de la littérature et empirique tiré de ['exJ1érience des agents de changement de Mine Raglan

65

§

.~ =~

'l; .;: :J

':J o

li E OJ > 3 ~ , N

.~

.~

'li

~

:Jc:: ~

Modèle théorique

1.1- Manifestation de la nécessité du changcment, vision d'un état ù atteindre en réponse à des pressions internes,

externes ou anticipées

.2- Diagnostic de l'écart entre la situation actuelle et l'état souhaité

.3- Désignation d'un agent de changement ou d'un groupe d'agents

1.4- Consultation pour développer une vision d'ensemble de l'état il atteindre et des moyens généraux d'y parvenir

1.5- Communication de la vision et du diagnostic et développement d'un sentiment d'urgence

.6- Création d'une coalition formelle ou informelle en faveur du changement

.7- Planitication du changement en tenant compte des composantes culturelles, structurelles et stratégiques de

l'organisation

2.1- Rendre les outils ct ressources nécessaires au changement disponibles au sein de l'organisation

2.2- Générer des gains à court terme

2.3- Consolider les gains en communicant les succès et produire plus de changement

3.1- Rentorcer et institutionnaliser le changement en s'assurant qu'il est cohérent a\'cc la culture, la structure et les

stratégies, en procédant aux ajustement nécessaires et en communicant les résultats

3.2- Surveiller le progrès et faire les ajustements nécessaires

Modèle empirique

1- Manifestation d'un besoin de changement en réponse à un problème identitié ù Ilnterne ou il une vision provenant du

haut de la pyramide hiérarchique

6- Dé\'eloppement d'une \'ision

2- Désignation officielle ou non oflicielle d'un agent de changement pl'incipal

4- Au besoin, idClllilication des agents de changement secondai l'CS

5- Fonnation des agents sur le changement à accomplir

3- Communication du besoin de changement dans le but de recruter ulle coalition en faveur du changemellt

7- Planitication et préparation de l'implantation du changement

8- Validation du plan avec des experts ou des pairs

t)- Communication à l'interne des ehangemcnts planltiés pour intiJrlllation, consultation et approbation

10- Au besoin, délégation de mandats

11- Implantation du changement ou production dc gains il court tenne

13- Communication des résultats pour renforcer la coalition

1~- Évaluation du changement ct ajustements

14- Suivi, maintien et adaptation du changement en t()netion de l'expérience acquise

15- Clore le changement: faire le bilan du changement, le célébrer, le documentcr, implanter un système de mesure pour

é\'aluer de façon proactive des besoins de changement futurs

1

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La désignation fonnelle du ou des agents de changement est aussi une lacune dans plusieurs

cas de changement à Mine Raglan. Tout comme pour la définition de la vision, la clarté est de

mise pour responsabiliser un ou plusieurs individus quant à la réalisation du projet de

changement. Identifier un service responsable n'est pas suffisant. L'implantation du

changement doit être imputable à un ou à des individus clairement désignés. À Mine Raglan,

le système de rotation des effectifs fait en sorte que deux agents de changement principaux

sont dans certains cas responsables en alternance de l'implantation du changement. Nous

recommandons d'ailleurs que deux agents de changement soient désignés pour chaque

changement afin d'assurer une continuité dans J'implantation. Quant aux agents secondaires,

ils sont sélectionnés au besoin, selon le type de changement.

La communication et la consultation sont des lacunes majeures à Mine Raglan, qui mettent en

péril la réussite de bon nombre de changements. Cette question sera abordée plus en détail

dans la suite de notre analyse, alors que la perception des récepteurs du changement sera

interprétée. Cependant, nous pouvons d'ores et déjà affirmer que les agents devront

développer les moyens nécessaires à la création d'un sentiment d'urgence (Burke, 2002;

Kotter, 1995) pour chaque changement à implanter. Une insatisfaction avec le statu quo

(Schrader, 1995) doit être engendrée par une communication misant sur des images fortes et

sur un niveau de langage adapté à l'audience (Maurer, 2005). On s'attaquera ainsi à la

résistance au changement en faisant comprendre la nécessité (Burke, 2002; Hoffman, 2000).

La création d'un sentiment d'urgence permettra également de recruter une coalition officielle

ou non officielle en faveur du changement, étape qui est souvent négligée à Mine Raglan.

Pour conclure la phase de décristalJisation, tous les agents rencontrés à Mine Raglan

procèdent à la planification du changement désiré, mais aucun n'a mentionné tenir

spécifiquement compte des composantes culturelles, structurelles et stratégiques de

l'organisation dans cette préparation. Ces éléments sont peut-être considérés de façon

naturelle par les agents, mais ces derniers gagneraient à prendre conscience de la nécessité de

prévoir des changements qui soient cohérents avec l'organisation sinon de modifier les

aspects de l'organisation qui ne cadrent pas avec le changement souhaité.

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67

Par ailleurs, nous constatons dans la phase mouvement que les agents ne désignent pas la

sélection des outils et des ressources nécessaires au changement comme une étape spécifique

de leurs projets de changement. Nous considérons qu'il est nécessaire de bien déterminer ces

besoins pour ensuite s'assurer d'y répondre afin de mener à bien le changement. Un seul

agent (exemple B), a mentionné viser de petites victoires ou gains à court terme dans son

implantation du changement. C'est pourtant ce que recommandent Dessler, Starke et Cyr

(2004), Hoffman (2000) et Kotter (1995). Il est à souligner que la communication des

résultats est aussi une lacune à Mine Raglan. Celle-ci permettrait toutefois d'augmenter le

niveau de confiance des récepteurs du changement vis-à-vis des gestionnaires et des agents.

Les changements subséquents, s'ils s'inscrivaient dans la poursuite d'un même projet ou d'un

autre, s'en trouveraient dès lors facilités.

La recristaJlisation semble être bien maîtrisée par les agents de changements de Mine Raglan.

En effet, cinq agents sur sept affirment avoir procédé au suivi, au maintien ou à l'ajustement

du changement implanté. Cependant, aucun n'a mentionné avoir estimé le niveau de

cohérence du changement avec la culture, les structures et les stratégies de l'organisation afin

de procéder aux ajustements nécessaires.

Cependant, les agents de changement ont également intégré à leurs projets de changement

certaines étapes d'une grande utilité que nous ajouterons à notre modèle théorique. Ainsi, la

formation des agents au changement à implanter s'est avérée une formule très intéressante

pour les projets qui y ont eu recours. Par exemple, les responsables de l'implantation du SGE

ISO 14001 et des projets Six Sigma ont été fonnés à la méthodologie à utiliser, aux outils

dont ils pouvaient disposer et également à la nature des changements à introduire. Cette étape

pourrait porter le nom de préparation des agents, puisque ceux-ci peuvent se fonner ou

s'infonner par divers moyens.

La validation du plan de changement avec des experts ou des pairs est aussi une approche

intéressante venant compléter les connaissances et aptitudes de base de l'agent. Bien qu'elle

ne soit pas toujours nécessaire, les agents gagneraient à y avoir recours aussi fréquemment

que possible. La communication à J'interne des changements planifiés est aussi une étape

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pertinente du processus de décristallisation pour préparer l'organisation au changement.

Celle-ci vient s'ajouter aux étapes de la consultation et de la communication de la vision et

du diagnostic, qui sont préalables à la planification. Dans un même ordre d'idée, c'est à la

phase de décristallisation que des mandats pour la réalisation du changement doivent être

délégués, si le projet le requiert.

Trois agents de Mine Raglan ont mentionné des actions qui sont survenues à la toute fin du

projet et qui ont permis de clore le changement. Bien que celui-ci, comme toute composante

d'une organisation, doive constamment se renouveler, les trois agents de la mine Raglan

croient bon de poser certaines actions venant boucler la boucle. L'un d'eux propose de

documenter le changement implanté afin d'archiver l'expérience et les connaissances

acqUises en vue d'y référer ultérieurement (cas A). Un autre dit avoir développé des

indicateurs pour cerner de manière proactive les besoins de changement futurs (cas C). Un

dernier affirme avoir célébré le changement effectué avec les individus qui y ont pris part

(cas E). Dans tous ces cas, il semble que la clôture officielle du changement a permis à

l'organisation de se tourner vers l'avenir et de se préparer à faire face à de nouveaux

changements.

4.3.3 Changement de nature environnementale: implantation d'un nouveau PGMR à Mine Raglan

Nous avons vu au chapitre 1 que les approches préventives en gestion environnementale sont

un complément essentiel aux outils technologiques permettant aux industries d'accroître leur

performance environnementale (BoiraI, 2005). Plusieurs auteurs ont par ailleurs reconnu la

mise en œuvre de programmes environnementaux comme autant d'exemples de changements

organisationnels (Blum-Kusterer et Hussain, 200]; Georg et Fussel, 2000; Jorgensen, 2000;

Judge et Elenkov, 2005; Lyon, 2004; Post et Altman, ] 994; Schrader, 1995). Parmi les cas de

changements organisationnels introduits à Mine Raglan, nous avons présenté l'implantation

d'un SGE ISO 14001 comme un exemple de changement qui a été effectué avec succès et de

façon semblable aux autres projets de changement. Cela correspond à la position de Post et

Altman (1994) voulant que tous les types de changements organisationnels se traitent de la

même façon, peu importe qu'il s'agisse de gestion environnementale ou pas.

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69

Tel que mentionné précédemment, Mine Raglan procède actuellement à la mise en œuvre

d'un PGMR développé en 2005-2006. Ce processus de changement s'est jusqu'ici effectué

selon les étapes suivantes:

1. Manifestation du besoin de changement: La volonté d'améliorer la performance de

l'organisation est venue des membres du Service de l'environnement, des

administrateurs du bureau corporatif et de certains autres membres de l'organisation.

2. Développement d'une vision par la consultation d'expeI1s: Par deux fois, des

consultants ont été interrogés afin de développer une vision des changements à

opérer, c'est-à-dire l'objectif à alleindre et les moyens à développer pour y parvenir.

3. Désignation d'un agent de changement: L'agent choisi n'œuvre pas à temps plein au

sein de r organisation, mais est périodiquement mandaté pour développer une

nouvelle phase du projet de changement.

4. Diagnostic de l'écart entre la situation actuelle et ['état à atteindre: L'agent évalue la

performance actuelle de l'organisation relativement à sa gestion des matières

résiduelles et précise les objectifs à atteindre et les moyens d'y parvenir.

5. Consultation de membres de l'organisation pour planifier et préparer le changement:

Un PGMR est développé en se basant, d'une part, sur les connaissances acquises et

visions développées au contact des experts et, d'autre p3l1, sur les informations

recueillies auprès des éventuels récepteurs du changement. Le PGMR propose un

ajustement de certaines structures de l'organisation (ex: une redéfinition des

responsabilités de certains secteurs appelés à s'impliquer dans la mise en œuvre du

plan) et s'appuie sur d'autres composantes structurelles (ex: le SGE) et sur ceI1ains

éléments de la culture organisationnelle (ex: l'habitude déjà acquise de trier les

matières résiduelles).

6. Communication du plan à la haute direction: Le PGMR est déposé au comité de

direction afin d'obtenir le soutien et le financement nécessaire à sa réalisation.

7. Obtention des ressources monétaires nécessaires à la mise en œuvre de la première

phase du PGMR.

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Mine Raglan en arrive aujourd'hui à l'implantation de la première phase de son PGMR. Bien

que le processus de changement soit déjà bien amorcé, nous proposerons dans la section

suivante certains ajustements auxquels Mine Raglan devrait procéder pour solidifier les bases

du projet de changement encours en vue de réussir la phase de décristaJJisation de

l'organisation et de la préparer au changement. En nous appuyant, grâce au modèle

empirique, sur le modèle de changement organisationnel théorique adapté au cas de Mine

Raglan, nous suggérerons également une marche à suivre que nous jugeons optimale pour la

mise en œuvre de la suite du projet, c'est-à-dire les phases de mouvement et de

recristaJ Jisation.

4.3.4 Processus de changement: réponse à la première question de recherche

Nous sommes maintenant en mesure de répondre à la première question de recherche

énoncée au chapitre III. Il s'agissait dans un premier temps de déterminer si les processus de

changement vécus à Mine Raglan suivent les phases et les étapes décrites dans le modèle

théorique proposé au chapitre II. Nous pouvons répondre à celle question en trois points.

Premièrement, nous avons vu à la section 4.3.2 que les cas de changement étudiés diffèrent

entre eux, mais forment, somme toute, deux groupes:

Groupe J : Le besoin de changement découle du diagnostic d'un problème à l'intérieur de

l'organisation. Le choix de l'agent de changement est généralement non officiel.

Groupe 2: Le besoin de changement émane d'une volonté expnmée par le haut de la

pyramide hiérarchique. Le choix de l'agent de changement est généralement

officiel.

Deuxièmement, le modèle de changement empirique observé à Mine Raglan est un amalgame

des sept cas étudiés. Il n'y a donc pas de modèle unique qui a été développé au sein de cette

organisation, mais autant de modèles que de changements. Toutefois, cet amalgame nous a

permis 'de dégager un portrait global dans lequel chaque processus de changement est

représenté.

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Troisièmement, ce portrait global, que nous nommons modèle empirique, est semblable mais

pas identique au modèle théorique proposé dans le cadre de ]a présente recherche. Comme le

modèle théorique, le modèle empirique se découpe en trois phases (décristallisation ­

mouvement - recristallisation); toutefois certaines étapes du modèle théorique sont

interverties ou absentes dans le modèle empirique. D'autres étapes préconisées à Mine

Raglan sont par ailleurs absentes du modèle théorique. Ces lacunes et ces ajouts pertinents

ont été décrits à la section 4.3.2.

Par conséquent, nous affirmons en réponse à la première question de recherche que les

processus de changement vécus à Mine Raglan ne suivent pas les phases et les étapes

proposées au modèle théorique. Cependant, à la question de recherche 1.], nous confirmons

qu'un modèle plus représentatif de la réalité peut effectivement être proposé pour Mine

Raglan. Comblant les faiblesses et utilisant les forces du modèle empirique, le modèle

théorique peut donc être bonifié pour être mis en application à la mine Raglan. Ce modèle

théorique corrigé pour le compte l'entreprise étudiée est présenté à la figure 4.2 et les ajouts

au modèle théorique de base y sont indiqués en italique.

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72

1.11 1.1 1.2 1.3 14 1.5 Manifestation dç Diagnostiç dc Désignation Prépamtion des Consultation pour

[a nécçssité du --+ l'éçart entre la --+ ofticiçll<.: d'un ~ agents: Col/ecte --+1 dén:loppçi' une

changçment çt situation açtuelle agentdç d 'injiJrnwtions et vision d'ensemble dç

développemçnt et l'état souhaité. changement ou formation sur le l'état il atteindre el

d'unç vision çlairc groupç d'ag<.:nts. chal1gement à dçs moycns

de l'état il atteindrç Dans le cas I/ccomplir généraux d'y

cn réponsç il dçs spécifiqlle de parvenir.

prçssions internçs, Mine Raglan. çxtemes ou désignation de

anticipées. deux agents de

changen-lel!f

principaux pOlir

assurer une

présence ail site

en continll.

2.1

Cerner les outi Is et les ressources --+nécessaires au çhangement et les

rçndrç disponibles au sçin de

l'organisation.

31 Renforœr ct institutionnaliser le

changement en s'assurant qu'il est

cohérent avec les çomposantes --+ culturelles, structurdles et

stratégiques, en procédant aux

ajustements né<.:essairçs et cn

communiçant les résultats.

Figure 4.2 Modèle théorique de changement organisationnel conigé et applicable à la mine Raglan

1.6 Communiçation

--+ dc la \'ision ct du 1--+ diagnostic el

développement

d'un sentiment

d'urgenc<.:.

2.2

Générer des gains à <.:ourt terme.

32 Survei 11er le progrès et faire les

ajustements néc<.:ssaires.

1.7 1.8 Création d'une Planitiçation du

--+ -.1coalition fonndk ou çhangcment en

informelk <.:n t~l\'eur tcnant compte dçs

du changcment. composantes

culturelles,

struçturelles çt

stratégiqulc'S de

l'organisation.

2.3 Consolider les gains en çommunicant

--+ les succès pour renforcer la coalition

ct produire plus dc changement.

33 Clore le changement: faire le bilan

du changement, le célébrer, le

documenter. implanter 1111 système de -+

mesllre pOlir évaluer de façon

pl'Oactive des besoins de changement

futnrs.

1.9 1.10

Ali hesolll. Commllnicmion li Au h<:soin. --+ --+l',,/i'/otion dll 1ïl1leme des délég"tion de

pll/n avec '/es changemel1ls nll{/lIl"ts.

l'.Il'<:rts ail d<:s plall/fiés po"r

lilIirs. in{orn/{/tion,

cOlLwltation et

"pprobmion.

Les ajouts au modèle théorique de base inspirés du

modèle empirique observé à la mine Raglan sont

inscrits en italique.

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73

En réponse à la question de recherche 1.2, nous sommes d'avis gue le processus de

changement proposé précédemment devrait être appliqué tel quel par les gestionnaires de

l'environnement, puisque, comme l'affinnent Post et Altman (1994), tous les projets de

changement organisationnel peuvent être gérés de la même manière, quelle que soit leur

nature. En effet, les cas observés à Mine Raglan nous pennettent de constater que la nature

d'un changement (c'est-à-dire qu'il se rapporte à l'opération, à la prévention, à la formation, à

l'optimisation, à l'environnement ou autre) n'est pas responsable des différences ou des

ressemblances qu'il peut présenter avec d'autres cas de changement. Par exemple, les

motivations typiques d'un changement visant un aspect environnemental (pressions des

parties prenantes, respect de la législation, outil de marketing, économies monétaires, etc.)

varient d'un projet à l'autre, mais peuvent également être les mêmes pour tout autre type de

changement. Les facteurs qui stimulent la coalition et éliminent la résistance sont aussi

multiples mais semblables d'un cas à l'autre (soutien des leaders, obligation réglementaire,

consultation et communication utilisant un langage accessible et faisant appel à l'émotivité

des récepteurs, à leurs valeurs et à leur sentiment d'appartenance). Enfin les étapes du

changement peuvent être interverties dans certains cas, mais devraient toutes apparaître au

processus de changement, qu' il soit de nature environnementale ou autre.

Il ne s'avère donc pas pertinent de proposer un modèle de changement spécifique à la gestion

environnementale. Cependant, en réponse à la question 1.2, le modèle de changement

développé peut être utilisé pour proposer des lignes directrices précises pour renforcer la

phase de décristallisation et mettre en œuvre les phases de mouvement et de recristallisation

de l'implantation du PGMR de Mine Raglan.

Jusqu'ici, les étapes 1.1 à 1.10 ont eu lieu pour ce projet de changement. Certaines n'ont pas

été réalisées dans]' ordre proposé, mais rappelons que le modèle peut-être adapté en fonction

des situations. Cependant, certaines étapes déjà effectuées nécessitent d'être approfondies

avant de passer à la phase mouvement du programme de changement. D'abord, tel que

mentionné à la seCtion précédente, nous savons par le biais de l'observation participante que

l'agent de changement n'est pas présent dans l'organisation à temps complet. Cela deviendra

nécessairement une lacune majeure lors de l'implantation du changement et des étapes

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préalables à celle-ci. Qui plus est, l'agent de changement n'occupant pas un poste permanent

dans l'organisation, le projet de changement sera toujours susceptible d'être interrompu si

l'agent devait quitter l'organisation. Nous invitons donc Mine Raglan à sélectionner

officiellement soit un nouvel agent de changement principal et un ou deux agents

secondaires, soit deux nouveaux agents principaux afin d'assurer une présence continuelle

sur le site d'un représentant du programme. Au besoin, ceux-ci pourront mandater l'agent

principal aCluel qui pourrait devenir agent de changement secondaire ou consultant pour le

programme. Ce processus est d'ailleurs en train de s'opérer de façon officieuse au sein de

l'organisation, mais il serait utile d'officialiser les décisions prises en ce sens. Aussi, lorsque

la direction aura donné son appui, un groupe d'agents secondaires représentant chacun un

secteur d'activité de la mine pourra être choisi afin d'appuyer les efforts de mise en œuvre du

changement dans leurs services respectifs, tel que proposé dans le PGMR (Xstrata Nickel ­

Mine Raglan, 2006).Tous les nouveaux agents sélectionnés devront être informés ou formés

de façon appropriée en lien avec le programme de changement.

Ensuite, bien que Je PGMR ait été transmis au Comité de direction et que celui-ci ait été avisé

de la vision et du plan de changement, J'appui de ses membres n'a pas été officiellement

obtenu. Certaines propositions du PGMR, dont le choix des services responsables de sa mise

en œuvre ou le plan de la deuxième phase d'implantation, n'ont toujours par reçu

J'approbation officielle des surintendants. Lorsque l'aval aura été obtenu et que l'échéancier

visé aura été arrêté, une deuxième étape de communication devra être entreprise afin de faire

connaître à J'ensemble de l'organisation la vision, les objectifs et la planification du

programme de changement.

Une fois ces ajustements terminés, I·organisation pourra passer à la phase de mouvement du

changement. Au cours de la phase de décristallisation, les ressources humaines, monétaires et

matérielles nécessaires à J'implantation du PGMR ont été définies. Une partie de ces

ressources a déjà été rendue disponible, mais J'organisation doit maintenant procéder à

l'achat des équipements requis et préparer la formation qui devra être offerte aux employés

pour réaliser la première phase d'implantation du changement. Celle-ci permettra de générer

des gains à court terme et de mesurer ceux-ci pour ensuite communiquer les résultats obtenus.

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Cela devrait stimuler la participation des récepteurs et permettre d'obtenir les ressources

nécessaires pour la mise en œuvre de la deuxième phase du PGMR.

À la fin de chaque phase d'implantation du projet, l'organisation devra évaluer les

changements effectués et procéder aux ajustements nécessaires, le tout en prenant en compte

les composantes culturelles, structurelles et stratégiques de l'organisation. Pour recristalliser

le changement au sein de l'organisation, on devra en assurer Je suivi et Je maintien et le

célébrer. Cela pourra être une occasion de formuler publiquement de nouveaux objectifs pour

poursuivre l'amélioration continue de la gestion des matières résiduelles à la mine Raglan.

4.4 Facteurs de réussite et d'échec du changement à Mine Raglan: réponse à la deuxième

question de recherche

La deuxième question à laquelle nous tentions de répondre par celle recherche était de savoir

quels sont les facteurs de réussite ou d'échec du changement à la mine Raglan tels que perçus

par ses acteurs (récepteurs et agents). Nous souhaitions également comparer ces observations

aux connaissances théoriques tirées de la littérature. Les réponses aux entrevues et le forum

d'informateurs clés ont été les sources de données utilisées pour répondre à celle question.

4.4.1 Perception des récepteurs du changement

Lors des entrevues, nous nous sommes intéressée à la perception des récepteurs du

changement face à la performance de J"organisation en matière de changement et à la faculté

des agents à le mener à bien. Dans un premier temps, les sujets interviewés étaient amenés à

réfléchir el à énumérer des expériences de changement qu'ils avaient eux-mêmes vécues à

l'intérieur de l'organisat ion. Comme suite à celte réflexion, 77% des répondants ont affirmé

que généralement, les changements implantés à Mine Raglan réussissent, contre 18% qui

pensent plutôt que les changements tendent le plus souvent à échouer. Deux sujets (6%) n'ont

pas été en mesure de répondre à celle question. Par ailleurs, les répondants se disaient en

général majoritairement très favorables (32%) ou plutôt favorables (53%) au changement,

15% de la population s'avouant plutôt défavorable au changement.

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76

Pour ces questions, nous avons demandé aux répondants d'énumérer quels sont à leur avis:

1. les raisons faisant d'un changement une expérience positive ou négative;

2. les facteurs de succès ou d'échec d'un changement;

3. les raisons les incitant à être favorables ou défavorables au changement.

Aucun choix de réponse n'était suggéré. Aussi, les facteurs décelés par les répondants ont dû

être refonnulés pour être catégorisés et les réponses aux trois questions ont été regroupées en

un seul corpus de données. Si un même répondant donnait des réponses équivalentes à plus

d'une question, celles-ci n'étaient comptabi lisées qu'une fois. Les facteurs retenus sont

présentés au tableau 4.3 en ordre décroissant de fréquence.

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77

Tableau 4.3 Facteurs de réussite ou d'échec du changement tels qu'énoncés par 34 récepteurs de changemenl

facteurs positifs

ch<lngement répondant à un besoin, présentant des avant<lges certains ou <lssuré dc donncr dc bons

résultats (logique, sensé et inspimnt contiance)

2 bonne;; communic<ltion

3 ch<lngement facilitant, accélér<lnt, améliorant ou ne nuisant pas au travail

4 ouverture au changement au sein de l'organisation

5 implantation du changement progressive, changement peu ou pas radic<ll

6 une amélioration de la perfonnance de l'organisation est constatée suite à dcs changements ayant

déjà eu lie;;u

7 r<lisons du ch<lngement sensées, claires et bien expliquécs

8 ch<lngement visant à accroître la sécurité au travail

9 changement nc demand<lnt pas unc adaptation ou unc moditication dcs habitudcs importantcs

10 le besoin de ehangemcnt est idcntitié à l'interne, p<lr les trav<lilleurs ou leur département

Il bonne collaboration des divers intervenants et entraidc cntrc collègucs

12

13 <lgent de changement inspirant contiance

14 les outils nécessaires à l'implantation du changement sont disponibles

15 changcment faisant appel à la consultation

16 un suivi du changcme;;nt e;;st effectué

17 changement entraînant une augmentation de la qualité de vie au site

18 ch<lngemenl suseitant l'approbation générale, faisant consensus

19 degré élevé de conscientisation des individus face <lU changcment proposé

20

21 compétŒcc des récepteurs du changement

22 changement visant un meilleur contrôle de la pelfonnancc de;; l'organisation

23 changement juste et équitable

24 implantation du ehangement s'adaptant aux individus

25

26 implantation simultanéc de plusieurs change;;ments visant un même objectif

27

28

29

30

31

32

facteurs négatifs

changcmcnt répondant III<1 1 <lUX besoins, présent<lnt dcs incoll\'énicnls supéricurs <lUX avanl<Jgcs cl

assuré dc donncr de mauvais résultats (Iacuncs d<lns la planitication ou la conception, utilité ct

possibilité dc réussite miscs e;;n doute;;)

manque de communication

changcmcnt augmentant 1<1 difficulté, la durée ou la chargc du tr<lvail ct cn diminuant la qualité

résistance <lU changement au sein de l'organisation, prétërence pour le statu quo (craintes, cynismc,

mauvaises cxpériences p<lssécs, manque;; de cohérence, etc.)

implantation du changem<:nt trop drastique, changemcnt trop radic<ll

raisons du ch<lngement pcu sensées, obscures et mal expliquées

changement demand<lnt une adaptation ou une moditication des habitudcs imp1ll1antes

manque de;; collaboration ct de soutien, entre collègues ou de la part de la supervision/direction

changement appliqué par simplc obéissance ou eocrcition

agent de changement n'inspirant pas contiance, non identitié ou extcrnc à l'organisation

les outils nécessaires à l'implanl<Jtion du changement sont peu disponibles ou nc sont pas lilUrnis

changement ne faisant pas ou pas assez appcl à l<l consultation

manque dc suivi du changcment

change;;me;;nt entraînant une diminution de la qU<llité de vie au sitc

changemcnt ne faisant pas consensus

telnps d'implantation du change;;ment trop long

récepteurs du changement peu expérimentés

changement réactif plutôt que préve;;ntif

le changeme;;nt n'est pas la solution détinitive;; au problème

changement basé sur de;;s impératifs opérationnels

planitication du change;;ment reposant <:ntièrement sur ses récepteurs

système de rotation rendant difticile la communication et la formation

l'organisation insiste;; sur des change;;ments moins prioritaires que;; d'autres

changement entraînant ulle réduction de personnel

fré1luencc des réponses

(nombre de répondants / 34)

2X

16

1(l

15

12

Il

9

x 7

6

6

6

5

5

5

5

4

4

3

3

3

2

2

2

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78

4.4.2 Perception des agents de changement

Dans le cadre du forum d'infonnateurs clés, nous avons demandé aux agents de changement

rencontrés de nommer les facteurs de succès et d'échec auxquels ils ont eux mêmes fait face

lors de l'expérience de changement racontée. Comme pour les récepteurs, aucun choix de

réponse n'était suggéré et les observations ont été reformulées pour être regroupées par

catégories. Les réponses obtenues sont présentées au tableau 4.4.

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79

2

Tableau 4.4 Facteurs de réussite ou d'échec du changement tels qu'énoncés par sept agents de changement

facteurs positifs facteurs négatifs

soutien et leadershir des cadres face au changement manquc dc soutien des cadres (superviseurs, surintcndants)

agcnt de changement compétent (bon leadership, accepte la critique, cherche il s'améliorer, dispose agent de changement n'ayant ras les compétences rcquiscs (lU manquant de connaissance dans Ic

d'outils de gestion du changement, \'olonté, vision) domainc "isé par le changement

3 manque de communication

4 enthousiasme vis-il-vis du changement résistance au changement au sein de l'organisation, préfércncc rour le statu quo

5 succès passés motivant au changement manque de crédibilité ou de succès préalables pour motiver l'engagcment

6 bonne équipe, coalition en fa"eur du changement difficulté de rassembler une équipe ou coalition

7 obligation pour les agents de changement de poursui \TC leurs activités régulières tout en

participant au changemcnt

8 diftleulté de profiter des circonstances favorablcs ct de maintenir la continuité du proJct

9 changement non supporté par la structure organisationnelle

10 pression "enant de l'externe, changement impérati f au maintien de la production (ex: arguments mentalité de production

légaux)

Il ressources financières limitées

12 difficulté de maintenir le changement (roulement du personnel, vente de la comragnie, ctc )

13 court délai de réalisation

14 hellchmarkillg, consultation, formation

15 mauvaise définition du bcsoin de changement

16 bonne détinition des responsabilités de chacun

17 objœlif clairement énoncé

18 stress

19 manque de préparation

20 bcsuin de changement émanant du bureau curpuratil'

fr'équence cles réponses

(noll1l>re d'agents /7)

7

6

5

4

4

3

3

3

'2

'2

'2

2

'2

2

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80

4.4.3 Comparaison des connaissances théoriques et pratiques

JI est intéressant de comparer les facteurs de succès et d'échec du changement

organisationnel énumérés par les acteurs du changement de Mine Raglan à ceux relevés dans

la littérature et présentés au chapitre Il. Les sujets rencontrés lors des entrevues et du forum

d'informateurs clés semblent se reconnaître dans les facteurs de succès et d'échec théoriques

suivants. Pour chacun de ces facteurs théoriques, nous avons indiqué entre parenthèses quels

acteurs l'ont mentionné et à quel facteur pratique il correspond.

Échec

• Résistance due à la peur de l'inconnu (récepteurs - facteur 4; agents - facteur 4);

• Résistance due à la modification des habitudes (récepteurs - facteur 9; agents ­

facteur 4);

• Résistance aveugle menant au refus systématique du changement (récepteurs ­

facteur 4; agents - facteur 4);

• Résistance idéologique menant à une opposition réfléchie et honnête à un

changement spécifique (récepteurs - facteur 1);

• Agent de changement ne tenant pas compte de la résistance (récepteurs - facteur 13);

• Cynisme et manque de confiance des employés (récepteurs - facteurs 4 et 6; agents ­

facteur 5);

• Barrières de l'industrie (agents - facteur 10);

• Incapacité ou mauvaises stratégies de l'agent de changement (récepteurs - facteur 13;

agents - facteur 2);

• Manque de ressources pour implanter le changement (récepteurs - facteur] 4; agents

- facteurs 7,1] et 14);

• Sentiment d'urgence insuffisant (récepteur - facteur 7).

Succès

• Présence de leaders ou d'agents de changement qualifiés (récepteurs - facleur ]3;

agents - facteur 2);

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• Leader ou agent de changement inspirant confiance (récepteurs - facteur 13; agents ­

facteur 2);

• Employés qualifiés (récepteurs - facteur 21);

• Organisation proactive (récepteurs - facteur 25);

• Organisation possédant une culture de fiabilité (récepteurs - facteur 6; agents ­

facteur 5);

• Vision bien définie et clairement exprimée (récepteurs - facteur 7; agents - facteur

17);

• Bonne communication (récepteurs - facteur 2; agents - facteur 3);

• Coalition en faveur du changement (récepteurs - facteur 18; agents - facteur 6);

• Insatisfaction du le statu quo (récepteurs - facteur 1; agents - facteur 4);

• Changement soutenu par les leaders et les décideurs de l'organisation (agents ­

facteur 1);

• Changement soutenu par la culture de l'organisation (agents - facteur 10);

• Changement soutenu par la structure de l'organisation (agents - facteur 9);

• Changement bien pensé et bien planifié (récepteurs - facteur 1, agents - facteur 19);

• Changement accompagné d'une bonne gestion des ressources matérielles et

humaines (récepteurs - facteur 14; agents - facteurs 7, Il, 14, 16 et 18);

• Organisation faisant habituellement preuve de cohérence entre rhétorique et pratique

(récepteurs - facteur 4).

Quelques constats s'avèrent particulièrement intéressants. D'abord, ni les récepteurs ni les

agents rencontrés ne soulignent la difficulté d'une résistance politique ou l'importance pour

l'organisation d'avoir développé des aptitudes de gestion et une pensée systémique pour

soutenir le changement. Ensuite, seuls les agents mentionnent les barrières de l'industrie et le

soutien des leaders et des décideurs, de la culture et de la structure de l'organisation en tant

que facteurs influençant le processus de changement. D'un autre côté, seuls les récepteurs

semblent considérer comme significatifs les facteurs de résistance aveugle ou idéologique,

sentiment d'urgence insuffisant, qualification des employés et organisation proactive ou

faisant habituellement preuve de cohérence entre rhétorique et pratique.

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82

À l'inverse, 'panni les facteurs de succès ou d'échec du changement relevés par plus de 14%

des répondants (minimum de cinq récepteurs ou un agent), les suivants sont omis par la

littérature:

Facteurs positifs

• Utilité du changement (facilitant, accélérant, améliorant ou ne nuisant pas au travail

ou visant à accroître la sécurité au travail) (récepteurs);

• Implantation progressive du changement, changement peu ou pas radical, délai de

réalisation suffisant (récepteurs et agents);

• Besoin de changement diagnostiqué à l'interne par les travailleurs ou leur

département et non par le bureau corporatif (récepteurs et agents);

• Bonne collaboration des divers acteurs et entraide entre collègues (récepteurs);

• Changement faisant appel à la consultation (récepteurs);

• Étalonnage, consultation, fom1ation (agents).

Facteurs négatifs

• Changement appliqué par simple obéissance ou coercition (récepteurs);

• Difficulté de profiter des circonstances favorables et de maintenir la continuité du

projet (agents);

• Manque de suivi du changement et difficulté de le maintenir (récepteurs et agents);

• Mauvaise définition du besoin de changement (agents).

Ces informations nous apprennent quelle impor1ance accordent les acteurs du changement

aux différents facteurs agissant sur le processus de changement et sur sa réussite. Elles

révèlent aussi les aspects sur lesquels l'organisation serait la plus naturellement encline à

travailler pour améliorer sa gestion du changement. À titre d'exemple, les acteurs

reconnaissent la pertinence de se doter de bons outils de communication pour mener à bien le

changement. Toutefois, cette communication ne suffira probablement pas à réduire la

résistance politique, puisque ni les récepteurs, ni les agents n'ont identifié ce facteur comme

potentiellement néfaste à la réalisation du changement. L'organisation devra par conséquent

agir pour éliminer les obstacles potentiels et accroître son recours aux leviers du changement.

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83

Elle devra pour ce faire considérer tant les facteurs identifiés dans sa pratique que dans la

littérature.

4.5 Forces et faiblesses de Mine Raglan en matière de changement organisationnel

En plus de mettre l'accent sur les facteurs de succès et d'amoindrir le potentiel d'échec du

changement, l'organisation doit identifier ses forces et ses faiblesses en matière de

changement afin d'accroître sa performance. Quelques forces et faiblesses de Mine Raglan

ont déjà été notées dans les sections précédentes. On pense notamment à ses difficultés de

communication mais aussi à l'originalité de certains outils de changement auxquels elle a

recours, comme la formation des agents de changement. Cependant, la présente recherche a

permis d'identifier de façon plus systématique ces forces et ses faiblesses en questionnant les

récepteurs et les agents de changement. La présentation des forces et des faiblesses de Mine

Raglan s'appuie donc sur les perceptions de ces deux groupes.

4.5.1 Forces et faiblesses telles que perçues par les récepteurs

Comme mentionné précédemment, 85% des récepteurs du changement interviewés se disent

favorables au changement et 77% sont d"avis que les changements implantés à Mine Raglan

réussissent la plupart du temps. Au premier abord, on pourrait donc penser que Mine Raglan

fait montre d'un niveau élevé de performance en matière de changement organisationnel.

Afin d'approfondir cette question, nous nous sommes demandée si les récepteurs

considéraient recevoir les outils nécessaires (ressources humaines et matérielles, formation,

etc.) à l'application des changements demandés: 59% de la population interviewée a affirmé

disposer des ressources requises alors que 41 % des sujets ont jugé ne pas avoir en main les

outils nécessaires à l'implantation des changements. Parmi ces derniers:

• 43% estiment qu'il y a des lacunes sur le plan de la formation lors de la mise en

œuvre de changements;

• 29% jugent que les modalités et les raisons du changement ne leur sont pas assez

communiquées et expliquées;

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84

• 21 % croient que les superviseurs ne reçoivent pas assez de soutien de la part des

agents de changement ou des autres services pour expliquer et implanter le

changement dans leur secteur;

• 14% pensent que les changements ne sont pas assez préparés ou planifiés;

• 14% considèrent manquer de main d'œuvre pour implanter les changements requis.

On a également demandé aux récepteurs s'ils préféraient que le changement soit mené par un

agent qui les consulterait avant de prendre une décision ou par un agent compétent et

communicatif, mais qui ne ferait pas appel à la consultation: 85% ont préféré le premier type

d'agent, 12% Je deuxième et un répondant (3%) n'avait pas de préférence. Rappelons

d'aiJleurs, sur le plan théorique, que AxeJrod et coJlègues (2006) avaient rapporté que plus

de 68% des employés désirent s'impliquer de façon significative dans le changement. Quant

à s'avoir si les répondants s'estimaient suffisamment consultés préalablement à

J'implantation d'un changement, aucun n'a admis se sentir trop consulté, la moitié (50%) a

affirmé être assez consultée, mais 41 % des sujets ont exprimé ne pas se sentir assez consultés

et 9% pas du tout. À cet effet, 47% de l'ensemble des répondants préfèrent être consultés lors

de réunions de groupe, 24% lors de rencontres individuelJes et 27% par J'un ou l'autre de ces

deux moyens. 3% des répondants appréciaient aussi le sondage comme mode de consultation

complémentaire aux rencontres de groupe ou individuelles.

Sur le plan de la performance générale de l'organisation, on s'est enfin penché sur la question

de la communication des raisons et des résultats du changement, telle que perçue par les

récepteurs. Au chapitre des raisons du changement, 3% jugent qu'elles sont trop

communiquées, 62% qu'elles le sont assez, 29% qu'elles ne le sont pas assez et 3% qu'elles

ne le sont pas du tout. Lorsque ces raisons sont expliquées, 79% affirment que cela les aide à

accepter le changement et cela pour les raisons suivantes:

• 37% jugent que cela les aide à saisir la vision et les raisons fondamentales derrière le

changement proposé;

• 30% affirment être plus favorables, avoir moins de doute et être plus participatifs

face à un changement lorsque ces raisons sont bonnes;

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• 7% notent qu'en faisant appel à l'intelligence des récepteurs, l'agent de changement

agit plus comme un partenaire que comme un vendeur;

• Un individu (3%) apprécie pouvoir exprimer son opinion;

• Un individu (3%) dit que cela l'aide à se préparer au changement;

• Un individu (3%) affirme que cela lui permet de rencontrer l'agent de changement et

d'évaluer ses compétences;

• Un individu (3%) soutien que cela rend le travail plus agréable et motivant.

Chez les six sujets (18%) dont J'acceptation du changement n'est pas influencée par la

connaissance de ses raisons, trois disent accepter le changement spontanément et sans raison,

deux ne l'acceptent que lorsqu'ils en perçoivent les résultats et un n'est simplement pas

intéressé par le changement. Quant à la communication des résultats du changement,

l'organisation fait moins bonne figure. En effet, 35% des répondants sont d'avis qu'ils sont

assez communiqués contre 41 % et 21 % qui jugent respectivement qu'ils ne le sont pas assez

ou pas du tout. Toutefois, Mine Raglan a plus de succès face à linitiative et à la participation

de ses travailleurs en matière de changement et au soutien qu'ils reçoivent. En effet, sur 34

répondants, 28 (82%) ont affirmé avoir déjà demandé l'implantation d'un changement. De ce

nombre, 19 (68%) l'ont vu se réaliser et parmi eux 14 (74%) ont participé à sa mise en

œuvre.

4.5.2 Performance des services responsables de J'implantation de changements telle que perçue par les récepteurs

Dans une deuxième section du questionnaire, nous avons demandé aux sujets s'ils avaient

déjà vécu un changement implanté par l'un où l'autre des services dont c'est spécifiquement

la fonction (prévention, environnement, Six Sigma, formation, infonnatique). Les sujets

répondant par l'affirmative devaient ensuite critiquer la performance du service en répondant

à trois questions fermées.

Panni les répondants, 28 (82%) ont déjà vécu un changement implanté par le Service de la

prévention. De ce nombre, 29% affirment avoir une très bonne opinion du service et 71 % une

bonne opinion; 71 % trouvent que le service est assez actif contre 25% qui ne le jugent pas

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86

assez actif et un individu (4%) qui l'estime trop actif. En général, les 28 répondants ont

l'impression que les changements implantés par le service sont très utiles (46%) ou utiles

(50%). Un individu les jugeait quant à lui nuisibles. Somme toute, on peut donc affirmer que

le Service de la prévention est bien perçu par la communauté de Mine Raglan bien qu'il

gagnerait à communiquer plus efficacement ses réalisations afin de faire connaître aux

récepteurs ses activités.

Le même constat peut être établi pour le Service environnement. En effet, sur les 22

répondants (65%) ayant déjà vécu un changement implanté par ce service, la quasi-totalité

estime avoir une très bonne (46%) ou une bonne (50%) opinion du service. Un individu a

affirmé en avoir une mauvaise. Pratiquement de la même façon que le Service prévention, les

répondants jugent à 68% que le Service environnement est assez actif et à 23% qu'il ne j'est

pas assez. Un individu le trouvait trop actif et un autre n'a pas été en mesure de répondre.

Enfin, 55% voyaient les changements implantés par le Service environnement comme très

utiles, 36% comme utiles et un individu comme inutiles mais pas nuisibles. Un individu n'a

pu répondre à la question.

Les résultats varient un peu dans le cas du Groupe Six Sigma. En effet, seulement 32% de la

population interviewée avait déjà vécu l'implantation d'un changement par le groupe et

beaucoup nous ont mentionné n'avoir aucune idée de la fonction du Groupe Six Sigma ni de

ses projets en cours ou passés. Sur les 11 personnes ayant travaillé avec un agent de Six

Sigma, trois avaient une très bonne opinion du groupe (27%), six une bonne opinion (55%),

un en avait une mauvaise opinion (9%) et un autre, une très mauvaise opinion (9%). Six

répondants (55%) le jugeaient assez actif, deux (18%) pas assez actif, un (9%) inactif et deux

individus (18%) n'ont pu répondre. Finalement, les changements implantés par Six Sigma

étaient qualifiés de très utiles ou utiles par respectivement 9% et 55% des 11 répondants. Plus

du tiers de ceux-ci (36%) jugeaient quant à eux que CeS changements étaient inutiles mais pas

nuisibles. Ces résultats nous indiquent que le Groupe Six Sigma souffre d'une mauvaise

communication de ses objectifs et de ses résultats. Contrairement aux services prévention,

environnement et formation, l'utilité du Groupe Six Sigma n'est pas spontanément comprise

par les récepteurs.

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87

Pour le Service fonnation, c'est 68% des répondants qui affirment avoir déjà expérimenté un

changement mené par celui-ci. De ces 23 individus, 35% en retirent une très bonne opinion,

52% une bonne opinion et 13% une mauvaise opinion. 52% jugent par ailleurs le service

assez actif contre 48% qui ne l'estiment pas assez actif. Enfin, les projets prônés par la

formation jouissent d'une grande popularité, 61 % des 23 sujets répondant que les

changements qu'elle met en œuvre sont très utiles et 30% qu'ils sont utiles. Un individu les

jugeait inutiles mais pas nuisibles et un autre n'a pu répondre.

Finalement, seulement 10 répondants (29%) affinnent avoir déjà vécu un changement

implanté par le Service infonnatique. Cela est en partie dû au fait que nombre d'individus

interrogés utilisent peu ou pas l'ordinateur pour accomplir leur travail. Quoi qu'il en soit, de

ce nombre, 50% ont une très bonne opinion du service, 30% une bonne opinion et 20% une

mauvaise opinion. 70% le jugent assez actif et 30% pas assez actif. Enfin, 20% estime que les

changements implantés par le service sont très utiles, 50% qu'ils sont utiles, 20% qu'ils sont

inutiles mais pas nuisibles et 10% (un individu) qu'ils sont nuisibles. La perfonnance du

Service informatique, telle qu'évaluée par les membres de l'organisation, est donc légèrement

inférieure à celle des services prévention, environnement et formation. À la lumière du

changement structurel récemment implanté à l'intérieur de ce service tel que décrit par l'un

des agents en début de chapitre, on comprend mieux que la qualité du service ne faisait pas

consensus dans la population à l'époque où les entrevues ont été réalisées. On pellt cependant

supposer que les récents ajustements contribueront à former une opinion de plus en plus

positive du service.

4.5.3 Forces et faiblesses teJJes que perçues par les agents

Lors du forum d'informateurs clés, nous avons demandé aux agents de changement

d'énumérer des particularités de Mine Raglan qui influencent positivement ou négativement

la capacité de changement de l'organisation. Les réponses présentées ici sont le fruit d'une

réflexion menée par le chercheur-acteur et quatre des sept agents rencontrés. Pour chaque

particularité, les explications du phénomène, ses causes fondamentales et directes, ses effets,

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88

les forces et faiblesses engendrées et une proposition d'action étaient définis. Les constats

énoncés par les agents de changement sont présentés dans les lignes qui suivent.

Particularité 1 : L'héritage Raglan

Celte particularité réfère aux évènements qui sont survenus au début de l'exploitation cie la

mine et qui ont influencé la culture, les structures et les stratégies actuelles de l'entreprise.

L'une de ses causes fondamentales réside dans les problèmes financiers vécus par Mine

Raglan au tournant du siècle dernier alors que le prix du nickel avait chuté, réduisant de

manière draconienne la rentabilité des opérations. Celte situation s'est exprimée par des

restrictions budgétaires prolongées lors du démarrage de la mine et durant les premières

années de production. Cela a eu pour effet d'amener la mine à opérer en mode réactif plutôt

que proactif, et ce malgré la conception et la construction récentes des infrastructures. Ils' est

ainsi développé une réalité où les crises font partie du quotidien des opérations, alourdissant

la gestion, puisque des changements réactifs sont constamment nécessaires pour assurer la

production. De la même façon, les changements visant Je rattrapage et l'amélioration

préventive se sont retrouvés au deuxième et au troisième rang des priorités.

Les situations de crise dues à l'héritage Raglan ont l'avantage cie motiver le changement en

raison de leur criticité. Cependant, ces crises n'ont pas uniquement des effets positifs sur la

gestion du changement. Leur récurrence limite le temps qui peut être alloué à la planification

des changements. En plus d'être presque toujours réactifs, les changements sont

généralement intégrés en réponse immédiate à une crise et implantés par essais et erreurs. Par

ailleurs, avec les années où les budgets étaient restreints pour réduire les coûts des opérations,

il s'est développé une culture du « ça va coûter cher». Même si J"organisation a aujourd'hui

les moyens financiers d'implanter des changements importants, ses membres sont souvent

réfractaires à dépenser à d'autres fins que la production. Une gestion à court terme s"est

développée et l'organisation n'a pas intégré culturellement l'habitude d'investir dans des

projets qui ne rapporteront que des bénéfices à moyen ou à long terme ou encore des

bénéfices non monétaires.

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Les agents constatent cependant qu'à mesure que les budgets aJloués au changement ainsi

qu'à leur marge de manœuvre augmentent, de nouvelles habitudes se créent et la culture tend

à progresser vers des actions préventives et une vision à plus long terme. On commence

également à dépasser cet héritage négatif dans certains secteurs comme celui du

concentrateur qui ont réussi à mettre leurs systèmes et leurs processus à niveau. Le rattrapage

s'opère graduellement et le changement préventif occupe de plus en plus de place.

L'autre cause fondamentale de l'héritage Raglan qui a forgé les caractéristiques profondes de

l'organisation est liée à la localisation géographique de la mine. L'expérience de

l'exploitation en milieu nordique était à l'époque peu développée, ce qui a forcé

l'organisation à innover et à employer régulièrement des techniques inconnues. Cela a eu

comme conséquence le développement et le recours à des technologies, systèmes et processus

uniques à Mine Raglan. Pour la gestion du changement, il s'agit là d'une grande force, car

l'organisation a développé une importante capacité d'innovation et a su choisir, retenir et

former des employés aptes à s'adapter à de nouvelles techniques et à de nouvelles situations.

Cependant, comme pour les causes monétaires, cette caractéristique fait en sorte que des

changements critiques sont régulièrement nécessaires, car les technologies, systèmes et

processus sont développés par essais et erreurs et améliorés avec l'acquisition graduelle

d'expérience en milieu arctique. Encore une fois, l'organisation est prise dans un cycle de

changements réactifs ou visant la production, ce qui laisse peu de place aux changements

préventifs ou qui s'attaquent à d'autres aspects des activités comme la protection de

J'environnement.

Particularité 2: Les valeurs de l'entreprise

De par sa situation géographique, ses choix de gestion et ceux de sa compagnIe mère

(Falconbridge LIée, puis Xstrata), Mine Raglan a adopté trois valeurs fondamentales qui se

greffent à ses objectifs de productivité et de rentabilité. Il s'agit d'assurer la santé et la

sécurité de ses employés, de protéger l'environnement et d'agir en partenariat et dans le

respect des communautés inuites voisines. Reflet des valeurs corporatives, cette vision

découle également de la nécessité d'éviter des accidents graves en raison de la difficile

accessibilité aux soins de santé, de la conscience de se trouver dans un environnement vierge

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et fragile et de la proximité des communautés inuites qUI occupent et administrent le

territoire.

Relativement à la capacité de changement organisationnel, ces valeurs ont amené les

membres de l'organisation à travailler en équipes multidisciplinaires et à adopter un mode de

pensée plus global. Fortement défendues par Mine Raglan et Xstrata, ces valeurs

appartiennent à la culture organisationnelle et les changements qui s'appuient sur celles-ci

ont beaucoup de légitimité. Les raisons du changement sont plus facilement acceptées et,

comme on l'a vu précédemment, cela aide aux récepteurs à accepter le changement.

Cependant, lorsque les valeurs de l'entreprise entrent en conflit avec les valeurs de certains

individus, on observe un certain degré de résistance au changement. Qui plus est, certaines

incohérences entre la rhétorique de l'organisation et sa pratique apportent une certaine dose

de cynisme chez ses membres.

Certaines actions peuvent être entreprises pour utiliser pleinement ces forces et estomper ces

faiblesses. D'abord, avec le suivi serré du respect de ces valeurs par Xstrata, Mine Raglan

dispose aujourd'hui d'un levier très important pour motiver le changement. La compagnie

mère offre également de nombreux outils pour mettre en pratique ces valeurs et il est

fortement recommandé à Mine Raglan de les utiliser. Entre autres recommandations de

Xstrata, il est indiqué pour Mine Raglan de sonder les valeurs des candidats à l'embauche. Si

Mine Raglan interroge déjà ses futurs employés sur leur conscientisation face aux questions

de sécurité au travail et de relations interculturelles, il serait également nécessaire de leur

demander d'exposer leur vision de la responsabilité environnementale de la compagnie. Dans

la gestion du changement, les agents devraient former une coalition d'individus partageant les

valeurs de l'entreprise. Ils devraient aussi s'attarder à communiquer adéquatement et de façon

imagée les raisons du changement en justifiant la pertinence de ]'application des valeurs en

cause dans ce cas précis. Par exemple, on ne modifiera pas la gestion des matières résiduelles

seulement parce que c'est un geste responsable pour "environnement. On le fera en

démontrant entre autres l'ampleur du gaspillage de matériaux et ses conséquences précises

pour l'environnement. Enfin, si le changement est motivé par plus d'une valeur, on

s'attardera à le démontrer afin de toucher le plus grand nombre d'individus possible. C'est

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aussi avec l'accumulation des exemples de respect des valeurs corporatives que

l'organisation pourra combattre le cynisme de ses employés.

Particularité 3 : Proximité des communautés inuites et statut tenitorial particulier

La situation géographique de Mine Raglan a mené à l'implication et à la consultation des

Inuits pour ses choix de gestion. Cela s'est traduit par la signature de l'Entente Raglan et par

la formation du Comité Raglan et de ses sous-comités. La mine doit rendre des comptes,

demander l'approbation des communautés pour certains projets et accepter que ses activités

soient surveillées par des employés inuits. Ces obligations peuvent être utilisées comme

levier pour expliquer et faire accepter les raisons du changement et créer une coalition en

faveur du changement. Cependant, le contexte multiculturel appolte son lot de difficultés. Par

exemple, les systèmes de valeurs et les priorités peuvent s'entrechoquer ce qui affecte le

niveau de compréhension et d'acceptation du changement et demande d'effectuer certains

compromIs.

Les ressources humaines ont déjà entrepris des démarches en ce sens, mais il serait pertinent

de poursuivre les efforts d'intégration des employés inuits dans l'organisation afin de

favoriser la compréhension mutuelle des deux principaux groupes culturels. À cet effet, la

formation multiculturelle devra être relancée et tous les agents de changement devraient y

être conviés.

Particularité 4 : Horaires de travail

À cause de l'éloignement du site d'exploitation minière, les employés doivent être transportés

par avion et logés sur le lieu de travail. L'horaire choisi consiste en des rotations de trois ou

quatre semaines de travail suivies d'un repos de deux semaines à la maison. Pour cette raison

les employés ne sont jamais rassemblés au site en même temps et dans la plupart des cas deux

employés sont affectés à une même tâche en alternance, l'un poursuivant le travail en

l'absence de l'autre. Nous nommerons ce phénomène employés à re/ais.

Cette particularité apporte certaines forces à l'organisation. En effet, les employés à relais

agissant comme agents de changement peuvent adopter deux approches différentes pour un

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même changement, ce qui favoriserait son implantation en permettant de toucher un plus

grand nombre d'individus. Par ailleurs, en raison de la rotation des effectifs et du phénomène

des relais, les employés ont développé l'habitude de travailler en équipe. Il y a également

moins de territorialité ou de compétition entre employés, car celle-ci est désamorcée à chaque

fois que l'employé retourne à la maison. Enfin, des mécanismes de communication originaux

ont été développés pour pallier les problèmes de communication engendrés par cette situation

particulière.

En effet, l'absence permanente de près de la moitié des effectifs complique les

communications, consultations, formations et transmissions d'informations, ce qui représente

une faiblesse majeure de l'organisation quant à sa capacité de changement. De la même

façon, les évènements exceptionnels (colloque, conférence, inauguration, etc.) ne peuvent

rejoindre qu'une portion de la population concernée. Par ailleurs, les rotations et les employés

à relais provoquent aussi des problèmes de continuité dans le travail et donc dans les

processus d'implantation de changement. Dans plusieurs cas, l'implantation du changement

est complètement stoppée pendant l'absence de l'agent. Cela est particulièrement

problématique dans les périodes où les circonstances favorables doivent être saisies et où la

pression ne devrait pas être relâchée. Dans d'autres cas, une paire d'employés à relais agit

comme agents d'un même changement. Si la communication entre les agents est déficiente, il

peut être difficile de présenter une vision claire et unique du changement.

Pour contrer ces faiblesses, Mine Raglan s'est déjà doté d'un grand nombre d'outils de

communication dont certains ont démontré une grande efficacité. À titre d'exemple, les

formations par ordinateur offrent une grande flexibilité aux formateurs qui peuvent désormais

donner des cours sur une base individuelle sans trop de répétition et sans alourdir leur tâche.

Les rapports de fin de rotation transmis entre employés se relayant aident aussi à maintenir un

niveau acceptable de continuité dans le travail. Enfin, les médias de transmission à grande

échelle de l'information (affichage, courriel, etc.) permettent de rejoindre un nombre élevé

d'individus sur une période de temps prolongée. Une autre solution serait de décentraliser

l'implantation du changement en désignant une équipe d'agents secondaires pour assurer la

continuité de l'implantation du changement dans leurs secteurs respectifs.

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Le modèle d'horaire de travail développé pour Mine Raglan implique aussi que les employés

sont en poste sept jours sur sept, Il heures par jour pendant les trois ou quatre semaines que

dure leur rotation. Il en découle nécessairement une accumulation de fatigue et une baisse

d'efficacité à mesure que la rotation avance. Bien que les longues journées permettent

d'exécuter beaucoup de travail, il peut aussi être difficile de solliciter des individus en fin de

journée ou de rotation. Les agents de changement sont généralement conscients de cette

réalité, mais gagneront à s'assurer de la considérer lorsqu'ils planifient des rencontres ou des

sessions d'information.

Particularité 5 : Vie en communauté

Tel que mentionné précédemment, en raison de l'éloignement du site, les employés sont

logés sur leur lieu de travail. Le complexe d'hébergement comprend des chambres pour

chacun, mais également des lieux communs comme la cafétéria et le gymnase. Ainsi, les

employés de tous les secteurs et de tous les niveaux hiérarchiques sont appelés à se côtoyer

en dehors des heures de travail et sur une base non protocolaire. Cela permet de créer des

relations plus étroites entre différents individus que si chacun rentrait chez soit à la fin de la

journée. Cette situation est à la base de plusieurs forces pour la gestion du changement à

Mine Raglan. D'abord, elle accroît le sentiment d'appartenance, favorise les communications

usuelles et encourage la solidarité et le soutien entre les employés. De la vie en communauté

naissent aussi des amitiés entre collègues, ce qui encourage le travail en équipe et facilite la

formation d'une coalition autour d'un projet. Le rapprochement entre employés et agents de

changements ou supérieurs encourage le respect mutuel el la diplomatie. Les membres de la

haute direction sont aussi très accessibles et il devient plus facile d'obtenir leur engagement

pour un projet de changement. Enfin, le rapprochement des employés apporte une meilleure

compréhension du travail de chacun, ce qui encourage à tenir compte des réalités de tout le

monde lors de la planification de changements.

Cependant, la solidarité peut devenir un obstacle au changement lorsqu "elle est utilisée par

des leaders négatifs. La proximité entre employés favorise également la circulation de

rumeurs et d'informations erronées. Dans certains cas, le rapprochement entre employés et

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agents de changement ou supérieurs manquant de leadership peut mener au laxisme et à la

tolérance de comportements négatifs. Les agents de changements et superviseurs devraient

être sensibilisés à cette réalité.

Un autre effet de la vie en communauté est de favoriser le rapprochement entre les employés

de la mine et ses sous-traitants. Si cette situation présente les avantages et les inconvénients

énumérés précédemment, on remarque aussi qu'elle peut engendrer des malentendus. Ainsi,

la mine et les sous-traitants font parfois circuler des messages et des valeurs différents, voire

contradictoires parmi leurs employés. Lorsque ces derniers en discutent, il peut en découler

une confusion et une désinformation. La mine gagnera à effectuer une gestion plus serrée de

ses sous-traitants tel que suggéré par Xstrata (Xstrata Nickel - Mine Raglan, 2007) afin de

contrer ce problème.

Particularité 6: Sentiment d'appartenance

Le sentiment d'appartenance est tangible à Mine Raglan. Cette réalité peut s'expliquer par

l'éloignement des opérations et la fierté des employés de participer à une expérience unique

au sein d'une équipe de qualité. La vie en communauté sur le site même de la mine accentue

probablement aussi le sentiment d'app31tenance. Les valeurs positives de l'entreprise et une

volonté de la direction de créer ce sentiment ont certainement aussi participé à entretenir

l'appartenance de ses travailleurs. Cette particularité engendre un niveau élevé d'implication

et de dévouement de la part des employés et un appui au changement lorsqu'il est démontré

qu'il est positif pour la compagnie. Cependant, l'appartenance à l"organisation favorise

également un fort attachement au passé et aux vieilles habitudes. Les agents auront donc

avantage à démontrer le bien fondé du changement pour que le bien de la compagnie prime

sur le maintien des habitudes passées. Pour ce faire, ils pourront miser sur la consultation et

la collaboration des anciens et des leaders positifs.

Particularité 7 : Influence du corporatif

Que ce soit au temps de Falconbridge Ltée ou aujourd'hui sous la gestion de Xstrata, les

valeurs et les choix de gestion des administrateurs du bureau corporatif de la compagnie mère

ont toujours fortement influencé les actions de Mine Raglan. Très positives, ces valeurs sont

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autant de leviers du changement et le corporatif offre généralemenl son soutien aux projets

qui en font la promotion. Qui plus est, l'engagement des surintendants de la mine s'obtient

plus aisément lorsqu'un changement est appuyé par le bureau corporatif. Cependant, ce

dernier impose occasionnellement des changements plus ou moins appropriés, ce qui

discrédite le changement en générai.

Comme nous l'avons vu précédemment, Xstrata a énoncé très clairement ses standards

d'opération en matière de santé et de sécurité au travail ainsi qu'en matière de respect de

l'environnement et des communautés. Si Falconbridge Limitée se voulait déjà une entreprise

socialement responsable, l'acquisition par Xstrata s'est accompagnée d'une revue en

profondeur des écarts existant entre les valeurs et les standards de la compagnie afin de

combler les lacunes. Les lignes directrices que la nouvelle compagnie offre pour opérer dans

le respect du principe du développement durable sont clairement énoncées et la mine est

fortement encouragée à s'y conformer. Les agents de changement gagneront à utiliser ce

puissant moteur du changement qu'est la pression exercée par Xstrata pour que la mine

apporte certaines modifications à ses installations, processus et systèmes.

Particularité 8 : Logistique compliquée

À cause de l'éloignement du site d'exploitation, une logistique d'hébergement et de transport

des employés et marchandises a dû être mise en place et supportée par des infrastructures

appropriées. Dans la gestion du changement, cette logistique compliquée agit parfois comme

un moteur du changement. Par exemple, les employés doivent faire montre d'habileté et

d'imagination pour palier les limites imposées par la logistique. Les qualités aIDSI

développées pourront par la suite servir en situation de changement. Par ailleurs, cette

particularité encourage le développement graduel d'une culture de prévention venant contrer

la culture réactive et à court terme qui est une conséquence de l'héritage Raglan. En effet, les

changements préventifs sont généralement acceptés, parce que les employés comprennent les

conséquences d'être pris au dépourvu à Raglan. Ainsi, la difficulté d'évacuer les blessés ou

les malades encourage les changements visant la prévention des accidents.

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D'un autre côté, les complications dues aux problèmes de logistique accroissent l'inertie de

Mine Raglan. Il est difficile d'obtenir la main d'œuvre et l'équipement requis pour un projet

de changement, ce qui laisse peu de place à la spontanéité et au changement émergent. Tous

les changements s'implantent lentement et requièrent une planification importante. Le coût

d'un projet est également multiplié en raison de cette particularité. Pour palier ces faiblesses,

il est suggéré de miser sur une planification solide.

Particularité 9 : Climat

Parce que l'exploitation se déroule dans l'Arctique, les employés doivent affronter un climat

rigoureux presque toute l'année et une faible luminosité en hiver. Ces particularités

climatiques et géographiques ont des effets sur le bien-être psychologique des employés ce

qui, dans le cadre de la gestion du changement, peut accentuer certains phénomènes comme

la résistance aveugle. Par ailleurs, la planification des projets doit tenir compte de la réalité

climatique et des contraintes logistiques qu'elle entraîne. Il sera important que les agents de

changement gardent à l'esprit cette réalité dans leur planification.

Particularité JO: Taux élevé de renouvellement des employés

En raison des exigences et du rythme soutenu de travail et parce que le système des rotations

amène les travailleurs à être éloignés de la maison plus de la moitié du temps, Mine Raglan

doit composer avec un fort taux de remplacement de ses employés syndiqués et cadres.

Contre toute attente, certains avantages sont liés à celle situation particulière. Puisque peu

d'employés entrevoient une longue carrière à Mine Raglan, ceux-ci ont peu tendance à

considérer leur avancement comme menacé par la performance de leurs collègues. Le travail

d'équipe est donc peu affecté par la compétition entre collègues. De la même façon, les

employés ont tendance à vouloir laisser leur marque en peu de temps et font preuve d'une

grande efficacité. Le renouvellement constant des effectifs amène régulièrement une énergie

nouvelle dans l'équipe et permet de remplacer de façon graduelle les éléments réfractaires au

changement. D'ailleurs, les nouveaux employés tendent à accepter plus facilement le

changement, puisqu'ils doivent de toute façon intégrer de nouveaux standards de travail.

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À l'opposé, le renouvellement continu des employés peut affecter négativement la capacité

de changement de l'organisation. Les nouveaux arrivants ont parfois une volonté de tout

changer, ce qui brusque leurs collègues et accentue la résistance au changement. La

formation est également toujours à refaire et il est parfois difficile de maintenir un

changement si les standards de l'organisation sont mal ou peu transmis aux nouveaux

employés. Pour certains individus, le fait de ne pas envisager une carrière de longue durée au

sein de l'organisation entraîne une vision à court terme et une préférence pour le statu quo.

Enfin, le dépalt d'alliés stratégiques pour un changement en cours a le potentiel d'en freiner

la réalisation ou le maintien.

Afin de bien former et informer les nouveaux employés et ainsi de maintenir les changements

déjà implantés, Mine Raglan a développé nombre d'outils que les agents de changement sont

appelés à utiliser. Entre autres, le processus d'accueil permet de transmettre une grande

quantité d'information aux nouveaux arrivants et le contenu de l'accueil doit être mis à jour

régulièrement afin de refléter les changements apportés à l'organisation. Par ailleurs, la

création d'une équipe d'implantation et de maintien du changement regroupant des agents de

changement secondaires de tous les secteurs permettrait de poursuivre le projet malgré le

départ d'un ou de plusieurs agents ou alliés stratégiques.

Particularité Il : Diversité d'origine des employés

Établie sur le territoire du Nunavik, Mine Raglan s'est engagée dans son certificat

d'autorisation global à engager un minimum de 20% d'employés inuits (Québec, 1995).

Malgré les efforts constants investis dans le recrutement et la formation d'employés

provenant des communautés de la région, Mine Raglan compte aujourd'hui 16% d'!nuits

parmi ses effectifs (D. Colpron, communication personnelle, 18 août 2006). Le reste des

employés est originaire du sud du Canada et majoritairement du sud du Québec. Ces derniers

proviennent d'ailleurs d'une grande diversité de régions éloignées les unes des autres comme

r Abitibi-Témiscamingue, la Gaspésie et la grande région de Montréal. Conséquemment, les

employés de Mine Raglan possèdent des références culturelles multiples. Sur le plan du

changement organisationnel, Mine Raglan est particulièrement bien outillée en raison de la

diversité des expériences professionnelles de ses employés qui peuvent inspirer de nouvelles

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façons de procéder. Cependant, les processus de changement peuvent être ralentis par la

nécessité de communiquer en trois langues (français, anglais, inuktitut), ce qui complique la

diffusion des messages et les activités de consultation et de formation. Une bonne

communication doit par ailleurs s'adapter aux divers bagages culturels des employés.

Pour répondre à ses difficultés, il est fortement suggéré de reprendre les formations

multiculturelles pour l'ensemble des employés, mais particulièrement pour les superviseurs et

les agents de changement. Cela permettrait à ces derniers d'adapter plus facilement leurs

messages aux différentes réalités culturelles et de gérer de façon appropriée l'implantation du

changement. Les travaux de consultation préalables à la planification du changement

permettraient également d'utiliser l'expérience d'un grand nombre d'individus et de tenir

compte du bagage culturel de chacun. Pour ce faire, les agents de changement devraient

s'assurer de consulter des individus appartenant à chacun des deux principaux groupes

culturels (blancs et Inuits). L'observation participante révèle en effet que le niveau de

consultation officielle est plutôt faible à Raglan et que les Inuits sont généralement moins

consultés que les Blancs, probablement en raison des contraintes linguistiques et des postes

occupés par les Inuits. Cependant, nous ne pouvons juger du degré de consultation

individuelle et officieuse qui a cours à Mine Raglan. Il est fort probable que l'opinion des

Inuits est plus recueillie au moyen de rencontres de personne à personne.

Particularité 12 : Vente de Falconbridge Ltée à Xstrata

Décision relevant de l'exécutif de Falconbridge LIée, l'achat de la compagnie par la société

Xstrata est à la source de certains effets positifs et négatifs sur le changement. En effet,

l'achat de la compagnie a été suivi par un diagnostic exhaustif des besoins de changement de

J'organisation. Qui plus est, nous avons décrit précédemment comment les standards de

Xstrata en matière de santé et de sécurité au travail, d'environnement et de relations avec les

communautés s'apprêtent à propulser certains changements désirés depuis longtemps par

divers acteurs de la mine Raglan. Clairement exprimés, les standards et les principes

défendus par Xstrata se posent comme un appui substantiel et stratégique à divers projets de

changement en cours, comme l'implantation du nouveau PGMR. Cependant, certaines

stratégies de gestion sont appelées à être modifiées au sein de la nouvelle organisation, ce qui

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remet en question la réalisation de certains projets. Par exemple, on ne sait toujours pas à

Mine Raglan si la méthodologie et le Groupe Six Sigma continueront d'être soutenus.

Particularité 13: Éparpillement géographique des sites d'opération

Tel que décrit précédemment, les activités de Mine Raglan sont dispersées sur plusieurs sites

dont l'éloignement peut dépasser les 100 km. Cette situation complique souvent

l'implantation de changements à grande échelle, puisque les agents doivent couvrir de

grandes distances pour réussir à communiquer avec l'ensemble des employés de la mine. Ils

doivent aussi s'efforcer d'adapter le changement aux réalités de chaque site. Pour mener à

bien le projet, il est important que les agents s'assurent de consulter des représentants de

chaque site impliqué pour produire des changements qui soient réalistes et réalisables. En

plus de prendre Je temps de se déplacer au besoin à chacun des sites visés par un changement,

les agents ont à leur disposition nombre d'outils de communication comme le courriel, les

babillards, la formation par ordinateur, etc. ]Js gagneront à y avoir recours et devraient aussi

s'efforcer de décentraliser l'implantation du changement en désignant une équipe d'agents

secondaires pour assurer la continuité du changement dans leurs secteurs respectifs.

Particularité 14 : Logement des employés

Certains agents consultés ont affirmé rencontrer de la résistance au changement clairement

liée au fait que certains travailleurs sont logés dans des campements où ils doivent partager

une chambre avec un collègue. Pour ces ]6% d'employés, la situation est source de stress et

de fatigue car leur sommeil s'en trouve affecté. Bien que l'organisation procède actuellement

à des travaux d'agrandissement du complexe d'habitation afin de corriger cette situation, les

agents se devraient d'être attentifs aux facteurs personnels affectant la réceptivité des

employés face au changement.

Particularité 15 : Système de bonus

L'entreprise a fait le choix de bonifier le salaire de ses employés en fonction de la

productivité de J'organisation et de sa performance dans le domaine de la sécurité au travail.

Sur le plan individuel, l'atteinte d'objectifs personnels ciblés annuellement influence aussi

l'augmentation salariale des employés non syndiqués. Il s'agit là d'outils d'acceptation du

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changement qui peuvent être utilisés par les agents. Cependant, les bonis à la production

alimentent la culture de production avant tout et peuvent alimenter la résistance au

changement si celui-ci risque d'affecter négativement la production. Pour contrer cet effet, les

agents n'ont d'autre choix que de multiplier les communications pour consulter et convaincre

les employés du bien-fondé du changement ou de ses avantages à court, à moyen ou à long

terme.

Prises individuellement, les 15 particularités énoncées ne sont pas spécifiques à Mine Raglan,

mais la mise en commun de cet ensemble de caractéristiques en fait une organisation unique

et forge, comme nous l'avons vu, les forces et les faiblesses de cette organisation en matière

de changement. Afin d'accroître sa capacité de changement organisationnel, c'est donc sur

ces constatations que Mine Raglan devra tabler.

4.5.4 Forces et faiblesses en matière de changement: réponse à la troisième question de recherche

La présente section nous a permis d'énoncer les spécificités de Mine Raglan qui affectent sa

capacité de changement et de proposer des pistes de solutions qui permettraient J'accroître.

En réponse à notre troisième et dernière question de recherche, les lignes qui suivent

résument donc les forces et les faiblesses de Mine Raglan en matière de changement

organisationnel et proposent des recommandations pour surmonter les faiblesses et exploiter

pleinement les forces de l'organisation.

Au chapitre des forces, plusieurs caractéristiques de Mine Raglan peuvent être énumérées.

D'abord, on observe que les récepteurs ont une vision positive du changement. En effet, 85%

s'y disent spontanément favorables et 77% pensent que les changements implantés à Raglan

tendent généralement à réussir. La mine est aussi perfonnante en ce qui concerne la

communication des raisons du changement, 62% des récepteurs jugeant qu'elles sont assez

communiquées. Cela accroît la capacité de changement de l'organisation puisque 79% des

récepteurs sont d'avis qu'une bonne communication du changement les aide à l'accepter. Par

ailleurs, l'initiative des travailleurs en matière de changement est aussi une force de Mine

Raglan, 82% des récepteurs disant avoir déjà demandé la réalisation d'un changement. De ce

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nombre, 68% l'ont vu se réaliser et panni ceux-ci, 74% ont participé à sa mise en œuvre. De

par leur initiative, les travailleurs participent activement à la mise en œuvre du changement.

Par ailleurs, les services agissant comme agents de changement sont généralement perçus de

manière positive par les récepteurs ayant vécu une expérience de changement avec chacun

d'eux. Ainsi, les récepteurs ont une bonne (71 %) ou très bonne (29%) opinion du Service de

la prévention qui es1 aussi perçu comme étant assez actif (7\ %) et proposant des

changements utiles (50%) ou très utiles (46%). Rappelons que huit répondants (24%) ont

affinné être particulièrement favorables à un changement augmentant la santé et la sécurité

au travail. Les récepteurs du changement ont également une bonne (50%) ou très bonne

(46%) opinion du Service de l'environnement. Celui-ci est perçu comme étant assez actif

(68%) et proposant des changements utiles (36%) ou très utiles (55%). L'image du Groupe

Six Sigma est elle aussi positive puisque les récepteurs en ont une bonne (55%) ou très bonne

(27%) opinion. Ce service est vu comme étant assez actif (55%) et proposant des

changements utiles (55%) ou très utiles (9%). Même son de cloche pour le Service de la

fonnation dont une majorité de répondants ont une bonne (52%) ou très bonne (35%)

opinion. Cet agent de changement est perçu comme étant assez actif (52%) et proposant des

changements utiles (30%) ou très utiles (61 %). Enfin, les récepteurs ont une bonne (30%) ou

très bonne (50%) opinion du Service informatique qui est également perçu comme étant assez

actif (70%) et proposant des changements utiles (50%) ou très utiles (20%).

Entre autres facteurs de réussite du changement, Mine Raglan présente certaines aptitudes qui

participent à accroître sa performance en la matière. D'une part, l'organisation a développé sa

capacité à utiliser les situations de crise pour stimuler le changement. Mine Raglan progresse

aussi graduellement vers un mode de gestion tourné vers la prévention et la réalisation

d'objectifs à moyen et long terme plutÔl qu'à court terme. L'organisation et ses effectifs ont

également acquis plusieurs qualités utiles à l'implantation du changement comme une

capacité d'innovation et d'adaptation à de nouvelles techniques et situations. Ils ont aussi

développé leur débrouillardise et l'imagination nécessaire pour palier les limites imposées par

la logistique. Parce que les employés n'envisagent généralement pas une carrière à long

terme à la mine Raglan, ils font souvent preuve d'un degré d'efficacité élevé afin de laisser

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] 02

leur marque en peu de temps. Par ailleurs, ils présentent une diversité d'expériences

professionnelles et de bagages culturels et ont développé l'habitude de travailler en équipe

dans un contexte multidisciplinaire et multiculturel. Enfin, la mine et ses effectifs ont au fil

du temps acquis un mode de pensée global lié aux valeurs de la compagnie.

La culture organisationnelle de Mine Raglan aide aussi à la réalisation du changement. En

effet, celle-ci s'appuie sur des valeurs fortement défendues par ses membres ce qui donne

beaucoup de légitimité aux changements visant leur respect. Aussi cette culture fait peu appel

à la compétitivité et à la territorialité, ce qui amène plus de coopération. Outre la culture,

plusieurs caractéristiques de la mine agissent comme leviers du changement. Les projets

faisant la promotion des valeurs corporatives sont appuyés par Xstrata ce qui aide à obtenir

l'engagement du comité de direction. Les obligations prises face aux communautés inuites

peuvent aussi propulser le changement. Le phénomène des employés à relais qui agissent

comme agents d'un même changement peut mener à l'adoption de deux approches

différentes ce qui permet de rejoindre un maximum de personnes.

Dans le même ordre d'idées, le développement de mécanismes de communication originaux a

permis de pallier les difficultés de communication propres à Mine Raglan. Les longues

heures de travail qui sont parfois un handicap permettent toutefois d'abattre une importante

quantité de travail en peu de jours. Même chose pour le renouvellement constant des effectifs

qui, malgré ses côtés négatifs, représente un apport constant d'énergie nouvelle et permet de

remplacer les éléments réfractaires au changement par de nouveaux employés tendant à

J'accepter plus facilement. Le fort sentiment d'appartenance des employés à leur lieu de

travail est aussi source d'un niveau élevé d'implication, de dévouement et de support du

changement lorsque celui-ci est présenté comme étant bénéfique pour la compagnie. Par

ailleurs, la vie en communauté favorise les communications dans un cadre non officiel, la

solidarité, le soutien entre employés, Je respect mutuel, la diplomatie, l'accessibilité de la

haute direction, la compréhension du travail de chacun, le travail d'équipe et Je regroupement

d'une coalition autour d'un projet. Enfin, des mécanismes comme le diagnostic exhaustif des

besoins de changement de l'organisation réalisé à la suite de l'acquisition de Falconbridge

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Ltée par Xstrata et les systèmes de bonus pouvant être utilisés comme outil d'acceptation du

changement sont des leviers impoltants du changement organisatiolll1el à Mine Raglan.

Toutefois, l'organisation doit aussi combattre nombre de faiblesses pour mener à bien le

changement. D'une part, il appert que la formation n'est pas assez disponible dans le contexte

du changement. Bien qu'une majorité de récepteurs juge recevoir les outils nécessaires à

l'implantation du changement, 41 % ne sont pas de cet avis et à cet effet, la formation serait

l'outil qui manque le plus. En effet, parmi les récepteurs jugeant ne pas disposer des

ressources nécessaires à l'implantation du changement, 43% estiment que c'est la formation

qui est l'outil le plus déficient. Aussi, chez les récepteurs ayant vécu un changement implanté

par le Service fonnation, 48% sont d'avis que celui-ci n'est pas assez actif.

Outre la formation, la consultation et la communication sont également déficientes. À cet

effet, les récepteurs du changement s'expriment sévèrement. 50% des récepteurs ne

s'estiment pas assez (41 %) ou pas du tout (9%) consultés dans le processus de changement et

62% jugent que les résultats du changement ne sont pas assez (41 %) ou pas du tout (21 %)

communiqués. De J'avis des récepteurs, la communication des projets, des objectifs et des

résultats du Groupe Six Sigma serait particulièrement problématique.

Mine Raglan doit aussi apprendre à composer avec la récurrence des situations de crise pour

mener à bien le changement. Bien qu'elles puissent être un facteur de réussite du changement

lorsqu'elles en motivent l'implantation, les situations de crise limitent le temps alloué à la

planification des changements, amènent J'organisation à travailler en mode réactif et

favorisent l'implantation des changements par essais et erreurs. Tout cela a le pouvoir de

miner les efforts de changement. De même, la résistance au changement, bien que non

généralisée, n'est pas étrangère à l'organisation étudiée. Celle-ci apparaît pour diverses

raisons, par exemple lorsque les valeurs individuelles entrent en contlil avec les valeurs

organisationnelles. Aussi, l'appartenance à l'organisation favorise r attachement au passé et

aux vieilles habitudes. Par ailleurs, la culture du ça va coûter cher développée alors que le

cours des métaux était à un bas niveau s'oppose aujourd'hui encore aux changements

nécessitant des dépenses destinées à d'autres fins que la production, même si les contraintes

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financières ne sont plus aussi importantes. Spécifiques à Mine Raglan, les conditions

climatiques ou de logement ont également des effets sur le bien-être psychologique des

employés entraînant une résistance aveugle de leur part. Dans d'autres cas, c'est la vision à

court terme et la préférence pour le statu quo chez certains individus qui n'envisagent pas une

longue carrière au sein de l'organisation qui est source de résistance. Enfin, la peur que le

changement affecte la production et conséquemment les bonis salariaux peut mener à la

résistance.

Mine Raglan doit aussi composer avec l'héritage laissé par les circonstances de ses débuts.

Ainsi, la chute du prix des métaux au tournant du siècle a engendré une culture de gestion à

court terme qui rend aujourd'hui difficile l'investissement dans des projets rapportant

seulement des bénéfices (monétaires ou non) à moyen ou long terme. Le développement par

essais et erreur des connaissances et expériences sur les opérations en milieu arctique oblige

aussi la mine à réparer aujourd'hui certaines erreurs passées. Par ailleurs, les projets de

changement se butent parfois au cynisme des employés en raison de la persistance de

certaines incohérences entre la rhétorique et la pratique de l'organisation et de changements

peu appropriés imposés occasionnellement par le bureau corporatif.

La pal1icularité des horaires de travail engendre aussi certaines faiblesses de l'organisation en

matière de changement. Le contexte des rotations complique la communicat ion, la.

consultation, la formation et la transmission d'information. Des problèmes de continuité dans

l'implantation du changement sont aussi attribuables aux rotations et au phénomène des

employés à relais. Les longues heures de travail entraînent quant à elles une accumulation de

fatigue et une baisse d'efficacité en fin de journée ou de rotation. Autre caractéristique de

Mine Raglan, le sentiment d'appartenance à l'organisation peut être utilisé pour nuire au

changement si des leaders négatifs utilisent la solidarité de leurs pairs pour opposer une

résistance au projet. Par ailleurs, la proximité entre employés favorise la circulation de

rumeurs et d'informations enonées. Elle peut aussi être source de laxisme et entraîner la

tolérance de comportements négatifs en raison des relations étroites qui s'établissent entre

employés et membres de l'équipe de supervision. La proximité peut enfin engendrer

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confusion et désinformation si les sous-traitants font circuler parmi leurs employés des

messages différents et même contradictoires par rapport à ceux émis par Mine Raglan.

L'opération en milieu arctique comporte également son lot de contraintes logistiques pour

l'organisation. Celles-ci engendrent un degré d'inertie très élevé car le changement requiert

une planification lourde et un temps d'implantation important. Ce contexte laisse aussi peu de

place à la spontanéité et au changement émergent et tend à augmenter les coûts du

changement. Autre particularité de Raglan, le renouvellement continu des effectifs n' a pas

que du bon. Ainsi, les nouveaux brusquent parfois les anciens avec leur volonté de

changement. De plus, le changement régulier du personnel nécessite de reprendre

constamment la formation. Enfin, le changement peut être freiné ou ne pas être maintenu en

raison du départ d'alliés stratégiques. Finalement, le changement peut être compliqué par les

grandes distances séparant les sites d'opération et par la nécessité de communiquer en trois

langues et de s'adapter aux différents bagages culturels, systèmes de valeurs et priorités des

individus formant la communauté de Mine Raglan. L'acquisition de Falconbridge LIée par

Xstrata a aussi engendré une remise en question de certains changements passés ou en-cours

de réalisation, comme le maintien du Groupe Six Sigma.

Afin de surmonter ses faiblesses et d'exploiter pleinement ses forces, nous suggérons à

l'organisation et à ses agents de changement de poser les actions suivantes pour chaque

processus de changement. D'une part, il est recommandé de suivre le modèle de changement

développé pour Mine Raglan dans le cadre de cette étude. Dans cette optique, Mine Raglan

devrait, pour chaque changement, développer une vision claire de l'état à atteindre et

effectuer un diagnostic de J'écart qui doit être comblé pour passer de la situation actuelle à

l'état désiré. Il serait souhaitable que l'organisation désigne officiellement soit deux agents de

changement principaux, soit un agent principal et deux agents secondaires pour assurer une

continuité dans l'implantation du changement en dépit des rotations. Parce que 85% des

récepteurs préfèrent cette approche et que les travailleurs font montrent d'initiative en matière

de changement, il est suggéré d'avoir plus systématiquement recours à la consultation. À cet

effet, on favorisera les rencontres de groupes parce qu'elles stimulent la réflexion et

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l'échange d'idées, qu'elles permettent des économies de temps et que 74% des récepteurs

sont à l'aise avec cette méthode.

D'autre part, nous sommes d'avis que la mine doit poursuivre les efforts de consultation et

d'intégration des employés inuits dans l'organisation afin de favoriser la compréhension

mutuelle des deux principaux groupes culturels. Pour ce faire, on devrait entre autres relancer

la formation l11ulticulturelle et l'offrir en priorité aux agents de changement. Toujours dans

un objectif de transparence et d'implication des récepteurs au processus de changement, la

mine devrait accroître la communication des raisons du changement et utiliser (sans les tenir

pour acquis) la bonne réputation des services implantant du changement ainsi que la vision

généralement positive qu'ont les récepteurs à l'égard du changement. Pour mettre de l'avant

la communication, les agents peuvent avoir recours aux outils développés à Raglan comme la

formation par ordinateur, les rapports de fin de rotation, le processus d'accueil (trousse de

pré-arrivée, formation multimédia, parrainage, etc.), l'affichage sur des babillards visibles ou

dans les salles de bain, l'usage approprié des courriels, les réunions de production

quotidienne, les tao/ box meetings et réunions mensuelles de santé-sécurité, les présentations

à grande échelle sur un sujet donné, les activités spéciales, les concours mensuels, etc.

Les agents ne doivent pas hésiter à développer de nouveaux outils de communication et à

renouveler régulièrement l'information pour susciter l'intérêt. II est également suggéré que

les différents services mettent leurs efforts de communication en commun. On pourra aussi

profiter des avantages de la vie en communauté pour faire la promotion du changement de

façon non officielle, tout en sachant éviter les pièges de celle méthode. Les agents devraient

par ailleurs miser sur un discours imagé faisant appel à l'émotivité des récepteurs et justifier

la pertinence de l'application des valeurs organisationnelles dans ce cas précis. Pour motiver

l'adoption du changement, l'agent devra également travailler à développer un sentiment

d'urgence, promouvoir le refus du statu quo et démontrer le bien-fondé du changement pour

que le bien de la compagnie prime sur le maintien des habitudes passées. Il sera pertinent de

miser sur la consultation et la collaboration des anciens et des leaders positifs. Dans un même

ordre d'idée, les agents gagneraient à former une coalition d'alliés et d'agents secondaires

provenant de chaque secteur d'activité. Ils devront toutefois s'assurer que les alliés identifiés

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partagent les valeurs de l'entreprise et faire en sorte de décentraliser l'implantation du

changement pour en assurer la continuité en dépit des rotations et du départ d'agents ou aIJiés

stratégiques.

Nombre de leviers du changement sont également disponibles au sein de l'organisation et

l'agent de changement doit savoir les exploiter. On pense par exemple aux obligations qu'a la

mine face à ses partenaires inuits. Les valeurs défendues par Mine Raglan et Xstrata ainsi que

les outils, recommandations et lignes directrices offerts par le siège social pour les mettre en

pratique peuvent aussi favoriser l'implantation du changement si l'agent y fait appel. La

détermination de Xstrata à faire respecter ses valeurs est certainement un levier non

négligeable du changement. Xstrata a d'aiIJeurs mené un diagnostic des besoins de

changement de l'organisation suite à l'acquisition de FaJconbridge LIée. D'autre part, la

récurrence des situations de crise peut agir comme facteur de motivation à l'implantation

rapide du changement, mais l'agent devra savoir en éviter les pièges. La qualité des effectifs

de Mine Raglan sera aussi d'une grande aide à l'agent qui saura reconnaître ce potentiel. En

plus de la compétence des employés, leur sentiment d'appartenance et leur volonté de

colJaboration sont des atouts que l'agent pourra exploiter. Les systèmes de bonus peuvent

également aider l'agent à rallier les employés.

Au chapitre de la méthodologie à adopter pour réussir l'implantation et le maintien du

changement, les agents de Mine Raglan gagneront à miser sur une planification solide du

changement et à tenir compte des contraintes logistiques et climatiques. Ils sont aussi

encouragés à considérer les facteurs de réussite et d'échec du changement cernés dans le

cadre de cette étude tant par les récepteurs et agents que par la littérature. Ils devraient s'en

inspirer pour éliminer les obstacles au changement et profiter des leviers. Pour que le

changement soit harmonieux, ils devraient tenir compte des composantes culturelles,

structureIJes et stratégiques de l'organisation lors de la préparation et de la mise en œuvre du

changement afin que celles-ci demeurent cohérentes entre elles. Autant que possible, les

agents qui planifient des rencontres ou des sessions d'information devraient aussi tenir

compte des facteurs personnels affectant les participants, comme leur degré de fatigue lié à

l'horaire de travail. Il est par exemple suggéré de ne pas organiser de réunion en fin de

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journée, ni à la fin de la rotation des participants. Par ailleurs, l'agent devrait prendre soin de

cibler les ressources et les outils nécessaires à l'implantation du changement et s'assurer que

ceux-ci sont disponibles. Dans ce même ordre d'idée, nous recommandons à l'organisation

d'offrir au Service formation les ressources nécessaires à son fonctionnement optimal.

De façon plus générale, nous recommandons enfin à Mine Raglan d'assurer la

communication systématique des résultats de tout changement afin de faire la démonstration

que l'organisation mène à terme les projets qu'elle entreprend. Dans le même esprit,

l'organisation devrait faire la démonstration du respect des valeurs corporatives afin de

combattre le cynisme. Elle ne devrait pas cacher les incohérences, mais plutôt les expliquer et

montrer une détermination à les régler. D'autre part, Mine Raglan devrait sonder les valeurs

de ses candidats à l'embauche pour limiter les conflits de valeur entre les individus et

j'organisation. Nous l'encourageons aussi à miser sur un mode de gestion préventif plutôt

que réactif et à répondre à l'exigence de Xstratad'encadrer de façon plus serrée le travail de

ses sous-traitants afin d'assurer qu'eux aussi se conforment à ces valeurs, Finalement, s'il est

décidé de maintenir en activité le Groupe Six Sigma, celui-ci devra assurer une meilleure

communication de ses projets, objectifs et résultats.

Les actions proposées sont évidemment spécifiques au cas de la mine Raglan puisqu'elles

répondent à ses propres forces et faiblesses. Elles peuvent être appliquées par tous les

services et agents de changement œuvrant à la mine Raglan. En outre, il est fortement

suggéré au Service de l'environnement de tenir compte de ces suggestions dans la mise en

application de ses programmes environnementaux, dont l'implantation du nouveau PGMR.

Toutefois, ces conclusions ne sauraient être généralisées sans précaution à une autre

organ isa ti on.

Entre autres, les facteurs de réussite et d"échec du changement énumérés en priorité par les

récepteurs et les agents de changement de Mine Raglan sont susceptibles d'être différents

pour une autre organisation. Par ailleurs, les résultats de l'évaluation par les récepteurs du

changement des forces et des faiblesses de Mine Raglan en matière de changement sont

évidemment propres à cette organisation, Nous croyons cependant, que les organisations

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œuvrant en milieu éloigné ou dans des conditions d'opération extrêmes pourraient s'inspirer

de nos conclusions afin d'accroître leur propre capacité de changement. En outre, de telles

organisations partageront avec Mine Raglan un certain nombre de ses particularités

identifiées par ses agents de changement. Conséquemment elles pourront adapter et mettre en

œuvre certaines des actions proposées ici pour utiliser pleinement leurs forces et estomper

leurs faiblesses. Elles gagneraient aussi à s'inspirer du modèle théorique corrigé pour

l'implantation de leurs propres changements.

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CONCLUSION

L'étude du cas de Mine Raglan visait d'une part à évaluer la capacité de changement de cette

organisation en se basant sur sa façon de l'implanter, sur les facteurs de réussite et d'échec

que ses membres identifient et sur les forces et faible~ses qui affectent la réalisation des

changements. On souhaitait d'autre part identifier les défis spécifiques auxquels Mine Raglan

doit faire face dans ses processus de changement en raison de ses caractéristiques propres

comme son isolement géographique. Enfin, nous voulions utiliser ces constats pour formuler

des recommandations afin que Mine Raglan soit en mesure de mener à bien des projets de

changement actuels et futurs tel que l'implantation de son nouveau PGMR. Quant à la

possibilité de généraliser les conclusions de notre étude, nous sommes d'avis qu'elle se limite

principalement aux organisations évoluant en milieu éloigné et dans des conditions extrêmes.

Celles-ci pourront entre autres s'inspirer des particularités qu'elles partagent avec Mine

Raglan et utiliser les recommandations fom1Ulées par les agents de changement pour

accentuer leurs forces et surmonter leurs faiblesses. Elles pourront aussi s'inspirer du modèle

théorique corrigé pour l'implantation de leurs propres changements.

Pour ce qui est du cas spécifique de Mine Raglan, différents constats ont pu être effectués à la

suite de notre étude. D'une part, les processus de changement vécus à Mine Raglan ne

suivent pas exactement les étapes décrites dans Je modèle théorique que nous avons proposé.

Sans surprise, nous avons remarqué qu'il y avait à Mine Raglan autant de modèles que de

changements. Cependant, les cas de changements étudiés ont pu être divisés en deux groupes.

Dans le premier, le besoin de changement découlait de l'identification d'un problème à

l'intérieur de l'organisation et impliquait une sélection officieuse de l'agent de changement.

Dans le deuxième groupe, le besoin de changement émanait d'une volonté exprimée par le

haut de la pyramide hiérarchique et le choix de l'agent de changement était officiel. Si

l'ensemble des changements étudiés respectait les phases de décristallisation - mouvement ­

recristallisation, les sous-étapes proposées dans le modèle théorique étaient souvent

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III

interverties ou absentes dans la pratique. Certains agents de changement ont cependant ajouté

des sous-étapes très pertinentes comme la validation du plan auprès d'experts ou de pairs.

Celles-ci nous ont pelmis de bonifier le modèle théorique pour l'adapter à la réalité de Mine

Raglan. Ce nouveau modèle a enfin servi à élaborer un programme de changement pour les

étapes à venir de l'implantation du PGMR.

D'autre part, la comparaison des facteurs de succès et d'échec du changement énoncés par la

littérature, les récepteurs et les agents a révélé certains faits. D'abord, ni les récepteurs ni les

agents rencontrés ne soulignent la difficulté d'une résistance politique ou l'importance pour

l'organisation d'avoir développé des aptitudes de gestion et une pensée systémique pour

soutenir le changement. Ensuite, seuls les agents mentionnent les barrières de l'industrie et

l'appui des leaders et des décideurs, de la culture et de la structure de l'organisation en tant

que facteurs influençant le processus de changement. D'un autre côté, seuls les récepteurs

semblent considérer comme significatifs les facteurs résistance aveugle ou idéologique,

sentiment d'urgence insuffisant, qualification des employés et organisation proactive ou

faisant habituellement preuve de cohérence entre rhétorique et pratique. Cependant, la

littérature ne fait pas mention de certaines préoccupations exprimées par les acteurs

rencontrés. À titre d'exemple, les récepteurs jugeaient que l'entraide entre collègues et la

bonne coHaboration des divers acteurs favorisait la réussite du changement. Les agents

mentionnaient quant à eux les problèmes que peut engendrer la difficulté à profiter des

circonstances favorables pour maintenir la continuité du projet. Omis par la littérature

consultée, ces facteurs de succès et d'échec sont très représentatifs de la réalité de Mine

Raglan.

Aussi, nombre de forces et faiblesses propres à Mine Raglan dans ses processus de

changement ont pu être jdentifiées et, conséquemment, des recommandations ont été

formulées. Nous sommes donc à même de constater que Mine Raglan présente une assez

bonne capacité de changement organisationnel. Visiblement: plusieurs changements

implantés ont réussi et ont été maintenus, mais l'organisation semble répéter régulièrement

des erreurs dans ses processus de changement. Parmi elles, on note la place insuffisante qui

est faite à la consultation des récepteurs du changement préalablement à la planification.

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112

Également, la communication des résultats du changement est une lacune qui accentue de

fois en fois la résistance au changement, puisque les récepteurs n'ont pas connaissance des

réussites antérieures. Aussi, bien que les mentalités évoluent, la gestion préventive et la

planification à long terme n'ont pas la cote, ce qui limite l'appui que certains projets de

changement reçoivent. Enfin, la localisation géographique de la mine et les ajustements et

contraintes qui en découlent agissent souvent comme un frein au changement que plusieurs

abordent comme une fatalité. Loin d'être insurmontables, la discussion avec les agents a

permis de constater que certains défis pouvaient être relevés grâce à des outils de

communication ou des habitudes de travail développés à Raglan.

Les faiblesses de l'organisation dans son implantation du changement sont à notre aVIs

largement attribuables à l'inexistence de lignes directrices pour encadrer sa gestion. En effet,

à l'exception des membres du Groupe Six Sigma, aucun agent ne reçoit de formation sur la

gestion du changement et les méthodes qu'ils emploient sont soit improvisées, soit tirées

d'expériences de travail antérieures. Si la majorité des changements semblent réussir malgré

tout, on est en droit de s'attendre à ce que la capacité de changement de l'organisation soit

accme si Mine Raglan acceptait de souscrire aux recommandations formulées.

Parmi celles-ci, nous croyons que Mine Raglan gagnerait à former ses agents sur les notions

de changement organisationnel et à systématiser le recours au modèle de changement

développé pour elle. Si les agents rencontrés sont qualifiés dans leurs domaines respectifs,

leur plein potentiel pourrait être révélé s'ils disposaient d'outils et de lignes directrices pour

encadrer leur gestion du changement. Nous sommes aussi d'avis que Mine Raglan ne pourra

optimiser complètement sa gestion du changement sans accorder au Service de la formation

les ressources humaines et matérielles nécessaires à son bon fonctionnement. La formation

étant un élément incontournable de tout processus de changement, cette faiblesse devra

nécessairement être comblée pour accroître sa capacité de changement.

Nous avons également constaté que Mine Raglan a développé des outils de communication

performants qui sont malheureusement exploités de façon inégale par chacun des secteurs

implantant du changement. Certains individus ou départements ont tendance à travailler en

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vase clos et leurs efforts et réussites s'en trouvent peu publicisés. Il serait pourtant pertinent

de diffuser à grande échelle les résultats du changement afin de combattre le scepticisme et le

cynisme et d'encourager les récepteurs à participer aux changements à venir.

En suivant les propositions fonnulées, Mine Raglan sera en mesure d'améliorer sa gestion du

changement et de devenir plus efficace sur ce plan. Nous l'avons vu, les besoins de

changement sont nombreux et tendent à se multiplier avec le rachat de Falconbridge par

Xstrata et le nombre élevé d'exigences de la nouvelle compagnie. Parmi ces nouveaux

standards nécessitant des ajustements, plusieurs concernent le Service de l'environnement. Si

Mine Raglan est déjà engagée dans un processus d'amélioration continue de sa performance

environnementale, on peut s'attendre à ce que l'arrivée de ce nouveau joueur augmente la

pression qui s'exerce sur le service pour accélérer la réalisation de changements qui jusqu'ici

étaient envisagés sans être planifiés.

Bien que déjà planifié, le nouveau PGMR de Mine Raglan appartient à ce groupe de projets

de changements qui pourraient profiter du puissant levier que peut être Xstrata pour la

réalisation de changements répondant aux valeurs corporatives. En utilisant cette pression

positive et en ayant recours aux recommandations formulées dans ce mémoire, Mine Raglan

pourrait aborder ce projet avec beaucoup plus d'efficacité. Entre autres recommandations,

nous avons suggéré de désigner officiellement un nouvel agent de changement venant

remplacer l'actuel agent qui est externe à l'organisation. Ce nouvel agent devra être secondé

soit par un deuxième agent principal, soit par deux agents secondaires qui pennettront

d'assurer une continuité dans la réalisation du changement. Dans un deuxième temps, il serait

pertinent d'identifier au mInImum un agent secondaire par secteur de travail qui serait

responsable du suivi de l'implantation du PGMR dans son service: Nous recommandons

également aux agents de s'assurer qu "ils reçoivent un appui officiel du Comité de direction

pour la mise en œuvre du PGMR. Enfin, Mine Raglan a prévu procéder en 2007 à une

première phase d'implantation de son PGMR. Cette étape devrait permettre de générer des

gains à court terme qu'il sera utile de publiciser afin d'encourager la p3lticipation à la

deuxième phase.

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On constate à l'aide de cet exemple que la prise en compte des recommandations pour mener

à bien des programmes environnementaux permettra à Mine Raglan de déployer pleinement

sa capacité de changement au profit de sa performance environnementale. Elle pourra ainsi

répondre efficacement aux modifications de son environnement externe (nouveau

propriétaire, réglementation, demandes des partenaires inuits) et poursuivre j'amélioration

continue de ses pratiques environnementales. Enfin, la correction des faiblesses de

l'organisation en matière de changement et la préparation d'outils pour faciliter sa gestion

rendent plus probable la réalisation de changements émergents, peu ou pas planifiés.

L'organisation sera donc plus à même de faire face aux situations de crise et de réagir aux

pressions externes non anticipées.

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APPENDICE A

SOMMAIRES DES MODÈLES DÈVELOPPÉES PAR DIFFÉRENTS AUTEURS

AI " Modèles théoriques de changement organisationnel 116

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-

116

Tableau A.l Modèles théoriques de changement organisationnel

Lewin

(1958 cité dans Burke, 2002)

I-Décristallisation

2-Mouvement

3-Reeristall isation

Schein (1987 cité dans Burke, 2002)

I-Décristallisation

I.I-Nécessité du changement

2.I-Désigner un leader ct adopter sa vision

2.I-Désigner un Ieauel' et adopter sa vision

1.3-lnuuire un sentiment dc sécurité face au

changement

2-Mouvement

2.2 -BcJ1chnwrklllg

3- Recristall isation

3.I-Personnelle: s'assurer que les indi\'idus sont

eontùrtables a\'cc le changement

3.2-lnterrcrsonnelle: s'assurer que les nouveaux

comrortements sont eomratihlcs entrc eux

Lippitt, Watson et Westley (1958 cité dans Burke, 2002)

1-Décristall isation

2-Établir une relation cntre un agent de changement ct

l'organisation

3-Mouvement

4- Reeristall isation

5-Mettre tin à la relation entre l'agent de changement et

l'organisation

Dessler, Starkc cl Cyr (2004)

I-Constater la nécessité UU changcmcllt (répolhe il ues

rressions internes, externcs ou anticipéc.')

2-ReeonnaÎtre et accerter le hesoin de cit,lngelllcnt

3-Diagnostiquer le rrohlèmc (d'où 1'011 \Iellt) clics

conséquences souhaitées au changclllcnt (où l'on va)

5.I-Créer un sentiment d'urgence

5.2-Créer une coalition

5.3-Créer ct communiquer UIIC \'isioll COIllIllLlI1C

4-Planitier le changemcnt

5-Changement

5.4-Donner les outils du changemcnl

5.5-Générer ues victoircs il court lertlle

5.6-Consoliucr Ics gains ct r["(lduire plus de

changement.

5.7-Fixer le ehangcment ct s'assurer ue sa coitérence

avec l'organisation

5.8-Sun'eiller le rrogrés et ajuster la vision

Kanter et al.

(1992 cité dans Todnem, 2005)

I-Allalyse dc l'organisation ct UC son besoin de

c\Wllgclllcnt

4-Crécr un sentimcnt d'urgcncc

ô-Accumuler ues apruis rolitiques

2-CréCl" unc \'ision commune

3-laisscr le passé uCl"rièrc

5-Soulcllir un Ieadel'

7-l'lall i licr Ic changcment

X-Dé\'elorrcr Ics structurcs nécessaires au changement

')-Colnillun iquer

1(J-Rcnforcer ct institutionnaliser le changement

1

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117

Kotter (1996 cité dans Todnem, 2005)

I-Créer un sentiment d'urgence

2-Creer une coallition

J-Développer une "ision et une stratégie

4-Communiquer la "ision

S-Passer à l'action

ô-Générer des gai ns il court tenne

7-Consolider les gains ct produire plus de changement

8-Anerer les changements dans la culture

Luecke

(2003 cité dans Todnem, 2005)

I-Identitier les prnblèmes et les solutions

2-Développer une vision commune

J-Désigner un leader

4-Focaliser sur les résultats

S-Commencer le changement en périphérie de l'organisation

pour qu'il s'étende naturellement vers le centre

6-Trouver plus de ressources pour poursuivre le changement

6-ll1stitutionnaliser le changement

7-Surveiller le progrès et faire des ajustements

Dunphy, Griffiths el Ben

(2003)

2-Diagnostiquer le problème

I-Dé,'c1opper une vision

4-Désigner un agent de changement

J-Planifier le changement

S-Implanler le changement

7-COlnmuniquer le succès ct étendre le progrès

7-Comllluniquer le succès ct étendre le progrès

8-Anerer le ehangerm:nt dans la structure

Hoffman (2000)

2-Decrist~d 1isarion

I-Diagnostic: constater la nécessite du changement

2.I-Créer un sCl1tilllcnt d'urgence

2.2-('récr· unc coal ition

2.J-Adoptcr unc ,ision

J.' -Comilluniquer la "ision

J-Mou"clllcnl

J.2-Donncr les outils du changemenl

J.J-Planilier des gains il court terme

:lA-Consolider' ct jlrnduire plus de changement

4-Reeristall iSalion

4. 1-II1,;t itutionnal iser le changement

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APPENDICE B

OUTILS DE COLLECTE DES DONNÉES

B.1 Questionnaire d'entrevue 119

B.2 Information transmise aux sujets avant l'entrevue 122

B.3 Information transmise aux cochercheurs avant Je forum d'informateurs clés 123

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119

QUESTIONNAIRE D'ENTREVUE

Répondant 1. Sexe 2. ç>rigine 3. Age 4. Secteur de travail (département) 5. Ancienneté 6. Niveau (inférieur, intermédiaire, supérieur)

Modalités, forces et faiblesses de Raglan en matière de changement 1. Nommez quelques exemples de changements que vous avez déjà vécus à Raglan?

(ex: implantation d'ISO 14001, ajout de caméras dans les lockers au complexe, surveillance accrue du respect des limites de vitesse, système de bonus à la prévention, salle d'entraînement, nouveau système informatique, modification de procédures de travail (opération, ISO, santé-sécurité), modification d'un équipement de travail, changement des heures de départ de J'avion dujeudi, projet 6 sigma, ... )

a. Parmi ceux-ci, nommez une expérience de changement positive et une négative à laquelle vous avez dû faire face.

b. Expliquez en quoi J'expérience était positive ou négative.

2. En général, avez-vous l'impression que les changements implantés à Raglan échouent ou réussissent? Expliquez pourquoi.

3. En général, êtes-vous: a. Très favorable b. Plutôt favorable c. Plutôt défavorable d. Très défavorable

aux changements proposés à Raglan?

4. En général, pour quelles raisons êtes-vous a. Favorable à un changement? b. Défavorable à un changement?

5. En général, trouvez-vous qu'on vous fournit les outils nécessaires pour appliquer le changement (ex: support technique, formation, temps d'adaptation, etc.)? Expliquez.

6. À quel degré vous consuJte-t-on avant d'implanter un changement? a. Trop b. Assez

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]20

c. Pas assez d. Pas du tout

Expliquez.

7. Quelle attitude préférez-vous chez quelqu'un qui implante le changement? a. quelqu'un qui vous consulte pour prendre une décision; b. quelqu'un qui a une idée claire de la direction à prendre et qui vous la

communique bien. Expliquez.

8. Quel serait le meilleur moyen de vous consulter relativement au changement? a. Réunions de groupe b. Rencontres individuelles c. Sondage d. Autre? Précisez.

9. En général, trouvez-vous qu'on vous explique a. Trop b. Assez c. Pas assez d. Pas du tout

les raisons du changement? Expliquez.

10. En général, lorsqu'on vous explique ces raisons, est-ce que cela vous aide à accepter le changement? Expliquez

Il. En général, trouvez-vous qu'on vous communIque a. Trop b. Assez c. Pas assez d. Pas du tout

les résultats du changement? Expliquez.

12. Avez-vous déjà demandé un changement? a. Si oui, lequel? b. À qui l'avez-vous demandé? c. A-t-il été réalisé? d. Avez-vous participé à son implantation?

Critique des agents de changement 1. À votre connaissance, lesquels des services suivants ont déjà implanté des

changements vous affectant? Donnez un exemple pour chacun. a. Prévention b. Environnement c. Six Sigma d. Formation

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e. Informatique

2. Votre opinion de chacun des services nommés précédemment est-elle: a. très bonne? b. bonne? c. mauvaise? d. très mauvaise?

3. En général, trouvez vous que ces services sont: a. trop actifs? b. assez actifs? c. pas assez actifs? d. inactifs?

4. En général, avez-vous l'impression que les changements implantés par ces services sont:

a. très utiles? b. utiles? c. inutiles mais pas nuisibles? (changer pour changer) d. nuisibles? e. très nuisibles?

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INFORMATION TRANSMISE AUX SUJETS RÉPONDANT À L'ENTREVUE

1. L "étude vise à comprendre comment est géré le changement à la mine Raglan et à diagnostiquer nos forces et faiblesses en Ja matière. Ultimement, J'étude servira à améliorer notre façon d'aborder Je changement pour augmenter ses chances de réussite. Dans le cadre de notre étude, ces changements peuvent toucher l'environnement, la santé et la sécurité au travail, la formation, l'informatique ou l"optimisation de la production. Les conclusions de l'étude seront aussi publiées dans un mémoire de recherche et possiblement dans une publication scientifique.

2. Votre panicipation est requise pour une entrevue visant à amasser des données sur les perceptions des employés de tous les niveaux relativement au changement. Les questions posées traiteront de vos opinions sur les différents secteurs impliqués dans le changement, de vos opinions et sentiments vis-à-vis du changement et de votre expérience relativement à des processus de changement passés et à venir.

3. Aucun risque pour vous ou votre emploi ne pourrait être attribuable à votre participation à l'entrevue.

4. L'anonymat et la confidentialité de vos réponses seront assurés, puisque votre nom ne figurera pas sur le formulaire de réponse.

S. Cette entrevue devrait durer 20 minutes et votre panicipation ne vous engage à aucune collaboration ultérieure. Votre contribution cessera après J'entrevue, à moins que vous n'en décidiez autrement.

6. En tout temps, vous aurez le droit de vous retirer de J'étude et ce, sans aucune pénalité.

7. Si vous acceptez de pan iciper, il est imponant de fournir des réponses honnêtes. Soyez assurez qu'aucune information ne sera retenue contre vous, ni par moi, ni par quiconque.

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INFORMATION TRANSMISE AUX COCHERCHEURS AVANT LE FORUM D'INFORMATEURS CLÉS

J. L'étude vise à comprendre comment est géré le changement à la mine Raglan et à diagnostiquer nos forces et faiblesses en la matière. Ultimement, l'étude servira à améliorer notre façon d'aborder le changement pour augmenter ses chances de réussite. Dans le cadre de notre étude, ces changements peuvent toucher l'environnement, la santé et la sécurité au travail, la fonnation, l'infonnatique ou J'optimisation de la production. C'est donc à vous que l'étude s'adresse et qu'elle est le plus susceptible de servir. Les conclusions de J'étude seront aussi publiées dans un mémoire de recherche et possiblement dans une publication scientifique.

2. Votre participation est requise pour l'élaboration du questionnaire d'entrevue, pour un forum sur le changement organisationnel d'une durée d'une journée et pour un retour sur les conclusions préliminaires de l'étude. Un maximum de 12 heures de travail devrait être requis pour accomplir ces tâches.

3. Aucun risque pour vous ou votre emploi ne pourrait être attribuable à votre participation à cette étude.

4. La confidentialité de vos réponses sera assurée. À l'exception des discussions tenues en groupe, moi seule aurai accès à l'information que vous aurez fournie et en aucun cas votre nom ne sera associé à ces renseignements. Lors des discussions tenues en groupe, il sera demandé aux autres cochercheurs de ne pas associer les informations qui y seronl divulguées aux noms des participants.

5. Votre collaboration cessera après la révision des conclusions préliminaires de l'étude, à moins que vous n'en décidiez autrement.

6. En tout temps, vous aurez le droit de vous retirer de l'étude et ce sans aucune pénalité.

7. Si vous acceptez de pal1iciper, il est impol1ant de fournir des réponses honnêtes. Soyez assurez qu'aucune infonnation ne sera retenue contre vous, ni par moi, ni par qUIconque.

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