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Université de Lyon École doctorale « Éducation Psychologie Information et Communication » Institut des Sciences et des Pratiques de l’Education et de la Formation Département des Sciences de l’Éducation Laboratoire « Éducation Culture et Politique » Les jeunes « invisibles » De l’émergence d’un problème à l’élucidation des conditions de construction de réponses cohérentes Claire Bernot-Caboche Thèse pour le doctorat de Sciences de l’Éducation Présentée et soutenue publiquement le 23 mai 2016 à l’Université Lumière-Lyon 2 Directeur de recherche : Philippe Meirieu Devant un jury composé de : Denis Adam, Maitre de conférences associé à l'Université de la Sorbonne (Paris 13) Véronique Bordes, Maître de conférences HDR à l’Université Jean Jaurès (Toulouse 2) Jean-Paul Delahaye, Inspecteur général honoraire de l’Education nationale François Dubet, Professeur des Universités émérite à l’Université Victor Segalen (Bordeaux2) Philippe Meirieu, Professeur des Universités émérite à l’Université Lumière (Lyon 2) Jean Claude Régnier, Professeur des Universités à l’Université Lumière (Lyon 2)

Université de Lyondata.over-blog-kiwi.com/0/04/04/11/20160625/ob_69b248_these-claire... · Jean-Paul Delahaye, ... Françoise Ducroquet, Luc Bentz, ... Cabinet du ministre et Porte-parole

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  • Universit de Lyon cole doctorale ducation Psychologie Information et Communication

    Institut des Sciences et des Pratiques de lEducation et de la Formation Dpartement des Sciences de lducation

    Laboratoire ducation Culture et Politique

    Les jeunes invisibles

    De lmergence dun problme llucidation des conditions de construction de rponses cohrentes

    Claire Bernot-Caboche Thse pour le doctorat de Sciences de lducation

    Prsente et soutenue publiquement le 23 mai 2016 lUniversit Lumire-Lyon 2

    Directeur de recherche : Philippe Meirieu

    Devant un jury compos de : Denis Adam, Maitre de confrences associ l'Universit de la Sorbonne (Paris 13) Vronique Bordes, Matre de confrences HDR lUniversit Jean Jaurs (Toulouse 2) Jean-Paul Delahaye, Inspecteur gnral honoraire de lEducation nationale Franois Dubet, Professeur des Universits mrite lUniversit Victor Segalen (Bordeaux2) Philippe Meirieu, Professeur des Universits mrite lUniversit Lumire (Lyon 2) Jean Claude Rgnier, Professeur des Universits lUniversit Lumire (Lyon 2)

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    Je ddie cette thse ma famille, Pascal, Fabien, Virginie, mes parents, Odile (relectrice

    assidue) et Denis, et mes ami(e)s et particulirement Anne-Juliette, Jacqueline, Jean, Philippe qui ont cru en moi et en mon sujet de recherche

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    Universit de Lyon cole doctorale ducation Psychologie Information et Communication

    Institut des Sciences et des Pratiques de lEducation et de la Formation Dpartement des Sciences de lducation

    Laboratoire ducation Culture et Politique

    Les jeunes invisibles

    De lmergence dun problme llucidation des conditions de construction de rponses cohrentes

    Claire Bernot-Caboche Thse pour le doctorat de Sciences de lducation

    Prsente et soutenue publiquement le 23 mai 2016 lUniversit Lumire-Lyon 2

    Directeur de recherche : Philippe Meirieu

    Devant un jury compos de : Denis Adam, Maitre de confrences associ l'Universit de la Sorbonne (Paris 13) Vronique Bordes, Matre de confrences HDR lUniversit Jean Jaurs (Toulouse 2) Jean-Paul Delahaye, Inspecteur gnral honoraire de lEducation nationale Franois Dubet, Professeur des Universits mrite lUniversit Victor Segalen (Bordeaux2) Philippe Meirieu, Professeur des Universits mrite lUniversit Lumire (Lyon 2) Jean Claude Rgnier, Professeur des Universits lUniversit Lumire (Lyon 2)

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    REMERCIEMENTS

    Nous tenons remercier en tout premier lieu Monsieur le Professeur Philippe Meirieu qui nous

    a guide et conseille pendant ces quatre annes de recherche, en nous encourageant sans cesse,

    trouvant les mots justes et dynamiques, recentrant ou au contraire rorientant nos travaux sur

    de nouvelles voies explorer, nous laissant une trs grande libert dans les choix de nos

    positionnements mais toujours prsent, si ncessaire. Nous remercions vivement les autres

    membres du jury, Denis Adam, Vronique Bordes, Jean-Paul Delahaye, Franois Dubet et Jean-

    Claude Rgnier, de nous faire lhonneur de siger notre soutenance de thse.

    Les activits de lEcole doctorale EPIC, proposes par son directeur Andr D. Robert, ont

    permis de faire merger les comptences requises pour lcriture et la soutenance de notre

    thse, notamment lorganisation des rencontres doctorales et la cration de la revue Inter Pares

    qui nous ont enseign la rigueur scientifique, en complment des sminaires doctoraux,

    occasions de confronter notre matriau dtude nos pairs et professeurs du laboratoire ECP.

    Nous avons bnfici dun financement de lIRES1, par lintermdiaire du Centre de recherche

    Henri Aigueperse de lUNSA Education, qui nous a permis dapprofondir et dlargir le champ

    de recherche quatre pays dEurope, et de nous adjoindre une assistante, Camille Blot, pour la

    ralisation de nouvelles statistiques. Merci aux membres du comit de suivi, Claire Kreper,

    Christine Savantr, Franoise Ducroquet, Luc Bentz, Denis Adam.

    1 IRES : Institut de Recherches Economiques et Sociales.

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    Nos autres remerciements iront vers les nombreux jeunes sans qui notre thse naurait aucun

    sens. Ils ont particip nos entretiens et ont guid notre recherche, posant les vraies questions,

    portant un regard critique et constructif sur le monde et son fonctionnement, sur lhritage

    politique et sur la politique publique de jeunesse quils voudraient voir se dessiner.

    Nous remercions particulirement Madame la ministre de la russite ducative George Pau

    Langevin qui nous a reue au ministre de lEducation et facilit laccs aux donnes

    statistiques.

    Nous remercions Monsieur Mickal Garnier-Lavalley, Dlgu interministriel la jeunesse,

    qui a rpondu nos questions lors dun entretien, ainsi que Monsieur Rmi Branco, Chef de

    Cabinet du ministre et Porte-parole du Gouvernement Stphane Le Foll, qui nous a reue au

    ministre.

    Nous formulons galement de vifs remerciements Monsieur le ministre Jean Le Garrec,

    prsident dAlliance Ville Emploi, qui a su nous accompagner et rpondre nos questions sur

    le plan politique et nous a fait lamiti dcrire un discours la jeunesse pour conclure nos

    travaux, ainsi qu Monsieur le prsident de Initiative Saint-Quentin, Philippe Marguerit, qui

    nous a consacr le temps ncessaire la comprhension du monde conomique et de

    lentreprise.

    Nous remercions lUNSA, notre syndicat, qui nous a dcharge de cours pour travailler comme

    charge de mission nationale sur la question de la jeunesse pour linterprofessionnel, ce qui

    nous a permis dallier notre activit professionnelle et notre activit de recherche pendant deux

    ans, et particulirement Jean Grosset et Anne-Juliette Tillay qui nous ont toujours soutenue

    dans les moments difficiles.

    Nous remercions notre collge de rattachement et sa Chef dtablissement, Madame Marianne

    Brard, ainsi que lquipe ducative du Collge Magellan qui ont rpondu favorablement nos

    demandes dentretiens.

    Et enfin, nous remercions lagglomration de Saint-Quentin-en-Yvelines et ses acteurs, ainsi

    que les sept communes la composant, qui nous ont accueillie pour la ralisation de notre

    inventaire des structures et actions vers la jeunesse ; ainsi que les nombreux acteurs locaux et

    territoriaux qui ont rpondu nos demandes dentretiens.

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    SOMMAIRE

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    SOMMAIRE ......................................................................................................... 9 INTRODUCTION GNRALE : Les jeunes invisibles : une urgence sociale

    et un dfi socital ............................................................................................. 21 Des jeunes invisibles laisss pour compte ................................................ 23 Une problmatique complexe relie une vritable question de socit ....... 25 Des hypothses de travail poses pour comprendre les difficults dinsertion des jeunes ........................................................................................................ 26 Une mthodologie multiple limage de la complexit du phnomne de linvisibilit ..................................................................................................... 26 Un plan de thse posant un regard sur les jeunes invisibles et loffre territoriale avant de rflchir aux solutions ..................................................... 29

    PREMIERE PARTIE : Les jeunes invisibles ni en ducation, ni en emploi, ni en formation, ni en accompagnement : des jeunes sans droits ................... 31 Chapitre 1 : Les jeunes invisibles , de quoi parlons-nous ? ....................... 33 1. Deux exemples remarquables : tre ou ne pas tre sur la voie royale .. 34

    1.1 Kitty Crowther, la clbrit au bout dun long tunnel ......................... 34 1.2 Fabien, de multiples expriences trs enrichissantes avant de se raliser dans un travail choisi ................................................................................. 35

    2. Une socit malade de ses invisibles .................................................... 37

    2.1 Des jeunes, ni en situation dducation ......................................... 38 2.2 Des jeunes, ni en situation de formation ........................................ 39 2.3 Des jeunes, ni en situation demploi .............................................. 41 2.4 Des jeunes, ni en situation daccompagnement ............................. 42

    3. La construction de linvisibilit .................................................................. 46

    3.1 La lente mergence du concept des invisibles depuis 20 ans ........ 46 3.2 Les invisibles en France ................................................................. 48 3.3 Les invisibles en Europe ................................................................ 50 3.4 Les invisibles dans le monde : lexemple du Japon ...................... 55

    Conclusion du chapitre 1 : la visibilit de certains phnomnes occulte l'invisibilit d'autres ralits ............................................................................ 57 Chapitre 2 : La place des jeunes dans la socit : lmergence de nouvelles problmatiques ................................................................................................ 58

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    1. La construction de linvisibilit : revue de littrature ................................. 58 1.1 Les ouvrages gnralistes sur la question de la jeunesse .................... 60 1.2 Les ouvrages sur la question de la jeunesse : politiques ..................... 61 1.3 Les ouvrages sur la question de la jeunesse : valeurs et engagement . 64 1.4 Les ouvrages sur la question de la jeunesse : les mutations et les gnrations. ................................................................................................ 66 1.5 Les ouvrages sur la question de la jeunesse : lenseignement et lducation .................................................................................................. 68 1.6 Les ouvrages sur la question de la jeunesse : linsertion, lemploi et lorientation ................................................................................................ 70 1.7 Les ouvrages sur la question de la jeunesse : la peur et la banlieue .... 71 1.8 Les ouvrages sur la question de la jeunesse : les ingalits ................ 75

    2. La question de l tat de jeunesse : contenu et dfinition ...................... 76

    2.1 Ladolescence ne de lenfant du dsir ................................................ 78 2.2 La post adolescence ............................................................................. 79 2.3 Ladulescence au sens de lhtronomie ou lenvers de lautonomie . 80

    3. Les enqutes sur les nouvelles gnrations : une identit construire ....... 82

    3.1 Les enqutes Gnration ................................................................ 83 3.2 La Gnration ? (Ou Gnration Quoi ?) ....................................... 89 3.3 La Gnration Y en entreprise et dans le monde ................................. 93 3.4 La Gnration Y dcuple limagination des mdias ............................ 98

    Conclusion du chapitre 2 : Une gnration consciente de ses difficults ....... 99 Chapitre 3 : Parcours des jeunes invisibles ............................................. 100 1. Les jeunes prcaires dans les mdias ........................................................ 100

    1.1 Andr, jeune maon sans travail et sans domicile fixe ...................... 101 1.2 Les jeunes face la prcarit ............................................................. 103

    2. Premiers entretiens avec des personnes concernes par linvisibilit : jeunes, adultes et acteurs ........................................................................................... 107

    2.1 Les jeunes invisibles .................................................................... 107 2.2 Des proches, parents, amis de jeunes invisibles ...................... 116 2.3 Des acteurs pour les invisibles ..................................................... 119 2.4 Des enqutes en ligne sur linvisibilit .............................................. 122

    3. Premiers rsultats : les problmatiques des jeunes invisibles ............. 123

    3.1 Tableau de synthse sur les problmatiques des jeunes invisibles ............................................................................................ 124 3.2 Tableau de synthse sur lentre en dshrence totale ................ 125

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    3.3 Tableau de synthse sur les structures et outils existants .................. 126 3.4 Dfinition des jeunes invisibles par eux-mmes ......................... 127

    4. Premires conclusions : des problmes multiples rencontrs par les jeunes ............................................................................................................. 132

    4.1 La question de la motivation .............................................................. 133 4.2 Problmes de sant (psychique, addiction, handicap) ................... 134 4.3 Problmes de justice .......................................................................... 136 4.4 Problmes de violence subie et autres ........................................... 138 4.5 Problmes de citoyennet .................................................................. 139 4.6 Problmes familiaux .......................................................................... 142 4.7 Problmes scolaires ............................................................................ 144 4.8 Problmes conomiques .................................................................... 147 4.9 Problmes sociaux ............................................................................. 150

    Conclusion du chapitre 3 : Les problmatiques des jeunes invisibles profilent leurs difficults dinsertion ............................................................. 152 Conclusion de la premire partie : La gageure de la mesure face la prcarit des jeunes ...................................................................................................... 153

    DEUXIEME PARTIE : Les jeunes invisibles en chiffres : un phnomne social dampleur, hritage des politiques publiques de ce dbut de millnaire ? .................................................................................................... 157 Chapitre 1 : Des difficults construire de nouvelles statistiques ............... 160 1. Inventaire de lexistant en matire de statistiques .................................... 163

    1.1 La question du primtre ................................................................... 163 1.2 Inventaire des producteurs de donnes .............................................. 165 1.3 Inventaire des bases de donnes retenues .......................................... 170 1.4 Attention la confusion des chiffres ................................................. 172

    2. La construction des nouvelles statistiques ................................................ 176

    2.1 Choix des indicateurs et des champs retenus ..................................... 176 2.2 Choix des critres retenus pour chaque base de donnes .................. 182 2.3 Choix des champs intgrer aux calculs ........................................... 185 2.4 Des diffrences considrables suivant les sources de donnes choisies pour compter les invisibles ................................................................ 187

    3 Stabilisation de la mthode pour compter les invisibles et premiers rsultats .......................................................................................................... 190

    3.1 Mthode retenue pour compter les invisibles .............................. 190

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    3.2 Premiers rsultats : les 15-29 ans invisibles en France, entre 2005 et 2012 .......................................................................................................... 194

    Conclusion du chapitre 1 : La cration de nouvelles statistiques proposant des degrs dinvisibilit pour les jeunes 15-29 ans ............................................. 196 Chapitre 2 : La mesure du stock aliment par le flux ....................... 197 1. Combien de jeunes sont invisibles ou en situation prcaire ? ............. 199 2. Trois degrs dinvisibilit lis la prcarit au-del des jeunes invisibles .. ................................................................................................ 204

    2.1 Critres dinvisibilit de degr 1 lis lemploi prcaire .................. 208 2.2 Critres dinvisibilit de degr 2 lis laccompagnement long ...... 210 2.3 Critres dinvisibilit de degr 3 lis laccompagnement court ..... 211 2.4 Critres dinvisibilit de degr 4, degr absolu ................................. 212

    3. Des spcificits selon un parcours ordinaire ....................................... 215

    3.1 Les 15-19 ans ..................................................................................... 216 3.2 Les 20-24 ans ..................................................................................... 219 3.3 Les 25-29 ans ..................................................................................... 222

    Conclusion du chapitre 2 : Des nouvelles statistiques tenant compte des degrs dinvisibilit des jeunes 15-29 ans ................................................................ 224 Chapitre 3 : Analyses croises suivant la sociologie des jeunes invisibles .................................................................................................. 225 1. Les invisibles face laccs au logement ........................................... 226 2. Les invisibles face leur territoire dhabitation, ZUS et non-ZUS .. .......................................................................................................... 236 3. Les invisibles face la Profession et catgorie socioprofessionnelle des Parents (PCS) ................................................................................................ 239 4. Les invisibles en territoire ................................................................... 245

    4.1 Les invisibles en agglomration : Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY) 246 4.2 Les invisibles en rgion : comparatif Rhne-Alpes et Ile-de-France ....................................................................................................... 250 4.3 Les invisibles et les NEET en Europe : France, Danemark, Allemagne, Italie, Portugal ...................................................................... 262

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    Conclusion du chapitre 3 : Les analyses croises rvlent des diffrences entre les territoires, mais des convergences entre les destins des jeunes ............... 264 Conclusion de la deuxime partie : Les jeunes sacrifis sur lautel des chiffres ........................................................................................................... 265

    TROISIEME PARTIE : Des empilements de dispositifs : quelle cohrence politique et quelle efficacit ? ....................................................................... 267 Chapitre 1 : Des dispositifs pour la jeunesse sur les territoires .................... 269 1. Des mesures et des outils pour tenter darrter le flux des invisibles .................................................................................................. 271

    1.1 Laccompagnement la scolarit et laccompagnement personnalis .............................................................................................. 272 1.2 La lutte contre le dcrochage scolaire dans le systme ducatif ....... 275 1.3 Les rseaux dducation prioritaire ................................................... 285 1.4 Lalternance largie au suprieur ....................................................... 289 1.5 Le droit la seconde chance : des tablissements de formation pour les lves dcrochs ................................................................................ 294 1.6 Un exemple remarquable, la Rgion Rhne-Alpes ........................... 304

    2. Des mesures et des outils pour tenter de grer le stock des invisibles .................................................................................................. 306

    2.1 La prvention spcialise ................................................................... 307 2.2 Les Missions locales .......................................................................... 309 2.3 Le Service public rgional de lorientation (SPRO) .......................... 316 2.4 La formation professionnelle tout au long de la vie .......................... 321 2.5 Lemploi : des dispositifs et des questions, vers un guichet unique ? .................................................................................................... 326

    3. Le CIDJ, un lment central des politiques publiques de jeunesse , mais une structure en difficult .............................................................................. 334

    3.1 La rforme du CIDJ pour un vritable service public de linformation : une situation dinteraction directe entre recherche et socit .................. 335 3.2 Un diagnostic structurel du CIDJ ...................................................... 338 3.3 Un enjeu pour la prennisation du CIDJ : une proposition de rorganisation.. ......................................................................................... 342 3.4 Le CIDJ inscrit dans un projet de territoire ....................................... 346

    Conclusion du chapitre 1 : Un foisonnement de structures disposition des jeunes, pour quelle efficacit ? ...................................................................... 348

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    Chapitre 2 : Focus sur une agglomration regroupant sept communes et 145 000 habitants .......................................................................................... 349 1. Lagglomration de Saint-Quentin-en-Yvelines en chiffres ..................... 351 2. Inventaire des structures travaillant pour la jeunesse ............................... 358 3. Spcificit des structures travaillant avec la jeunesse ............................... 362 4. Un inventaire de loffre au prisme de notre Agenda social de la jeunesse ...................................................................................................... 365

    4.1 Typologie des structures classes dans lagenda social .................... 366 4.2 Quelle efficacit des politiques publiques locales de jeunesse ? . 369 4.3 Quelle lisibilit de loffre pour les jeunes, les familles, les acteurs, les lus ?. ....................................................................................................... 372 4.4 Quelle visibilit des structures sur le territoire .................................. 373 4.5 Quel maillage du territoire (besoin/offre) .......................................... 374 4.6 Quelle proximit : rflexion sur laccs la mobilit, au transport, au logement ................................................................................................... 376

    Conclusion du chapitre 2 : Une multitude de dispositifs pour une efficacit mesure .......................................................................................................... 376 Chapitre 3 : Une tude compare lchelle de lEurope............................. 377 1. Des indicateurs au prisme de notre Agenda social de la jeunesse ...... 384

    1.1 La population ..................................................................................... 385 1.2 Education - Formation ....................................................................... 387 1.3 Information - Orientation ................................................................... 395 1.4 Prvention - Insertion......................................................................... 401 1.5 Emploi ................................................................................................ 404 1.6 Vie quotidienne .................................................................................. 407

    2. Quelle efficacit des politiques publiques nationales de jeunesse , lexemple du Portugal et de lItalie ............................................................... 410

    2.1 Education - Formation ....................................................................... 412 2.2 Orientation- Information .................................................................... 416 2.3 Prvention - Insertion......................................................................... 417 2.4 Emploi ................................................................................................ 418 2.5 Vie quotidienne .................................................................................. 421 2.6 Une politique publique de jeunesse pour les NEET ? ................. 424

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    3. Quelle construction dune politique publique europenne de jeunesse ? ................................................................................................. 427 Conclusion du chapitre 3 : Des chiffres relativiser .................................... 430 Conclusion de la troisime partie : Les enjeux de la construction dune politique publique de proximit cohrente au niveau rgional et europen ................ 430

    QUATRIEME PARTIE : Penser lurgence, construire le futur : vers un nouveau paradigme politique ....................................................................................... 433 Chapitre 1 : De linformation laction, une inflexion dans les politiques publiques de jeunesse ? ........................................................................... 436 1. Priorit jeunesse , des territoires et des acteurs .................................... 436

    1.1 La ncessit dune mthode pour changer la politique publique de jeunesse .............................................................................................. 437 1.2 Priorit jeunesse , une dclinaison territoriale et locale ncessaire ................................................................................................. 446 1.3 Une proposition de dclinaison de la Priorit jeunesse au CIDJ . 453

    2. Un bilan 2015 contrast, entre les chantiers du CIJ raliss, ceux mettre en uvre et ceux manquants .............................................................................. 457

    2.1 Education Formation....................................................................... 458 2.2 Information - Orientation ................................................................... 464 2.3 Prvention-Insertion ........................................................................... 466 2.4 Emploi ................................................................................................ 467 2.5 Vie quotidienne .................................................................................. 470

    3. Articles et communications ayant contribu inflchir les politiques publiques de jeunesse : dune vision politique sa concrtisation ......... 476

    3.1 Note lectronique du 5 septembre 2012 : La jeunesse, une priorit .. 477 3.2 Premire contribution de l'UNSA ducation Ile-de-France : Le dcrochage scolaire n'est pas une fatalit ................................................ 482 3.3 Communication la commission jeunesse de lAssociation des rgions de France (ARF) : Le dcrochage scolaire, une ralit mais pas une fatalit ...................................................................................................... 484 3.4 Entretien avec la Rgion Ile-de-France pour louvrage de Guillaume Balas : Lutter contre le dcrochage scolaire, vers une nouvelle action publique rgionale .................................................................................... 484 3.5 Article Inter Pares : 2 millions de jeunes en danger, quelle image pour la socit ? ................................................................................................ 488

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    3.6 Note mthodologique pour une rforme de la russite ducative et de lorientation .............................................................................................. 489 3.7 Article Inter Pares : Action politique et crativit au service de la jeunesse invisible ..................................................................................... 491 3.8 Article publi sur notre site de recherche en octobre 2013 : De la raret de lemploi leffet domino .................................................................... 492 3.9 Article Le Francilien n10-Dfi Mtiers : Les jeunes face la raret de lemploi .................................................................................................... 493 3.10 Article Inter pares : tre ou ne pas tre , l est toute la question : quand la jeunesse sempare des jeunes technologies ! ............................ 494 3.11 Communication aux journes de la formation professionnelle de la Rgion Rhne-Alpes Lyon 2 : le projet en formation .......................... 496 3.12 Communication un colloque sur lESS dans le cadre des dbats de la Commission nationale entreprise ............................................................. 497 3.13 Note lectronique la Fondation Jean-Jaurs : Faut-il un Service civique obligatoire europen ? .............................................................................. 499

    Conclusion du chapitre 1 : Comment capitaliser notre vision de la ralit des invisibles et les solutions prconises ..................................................... 500 Chapitre 2 : Le phnomne de rupture dans le statut des jeunes .................. 501 1. Penser les temps libres et les temps citoyens ............................................ 502

    1.1 Un Service civique universel et obligatoire : voire europen ............ 502 1.2 Une offre dactivits culturelles et sportives accessibles tous ........ 516 1.3 Reconstruire le lien intergnrationnel : vers une confiance rciproque ................................................................................................ 518

    2. Scuriser les parcours pour ne plus perdre de jeunes ............................... 522

    2.1 Faut-il un revenu universel dinsertion ? ........................................... 523 2.2 La scurisation des parcours tout au long de la vie ........................... 526 2.3 Trois conditions ncessaires pour une bonne insertion dans lemploi .................................................................................................... 543

    3. Penser la protection des jeunes dans la socit en mutation permanente . 561

    3.1 Repenser la prvention pour sortir de l'urgence ................................ 561 3.2 Protger les jeunes mineurs jusqu leur majorit : vers une cole obligatoire jusqu 18 ans ........................................................................ 564 3.3 Vers la cration dun Service public Prvention, Insertion sociale et dans lemploi et Accompagnement tout au long de la vie ? .............. 569

    Conclusion du chapitre 2 : Des solutions existent-elles pour viter les ruptures ?. ...................................................................................................... 573

  • 19

    Chapitre 3 : Vers un nouveau paradigme politique : le Capital jeunesse 574 1. Un paradigme politique initial bout de souffle ...................................... 578 2. Les limites dun modle archaque, marquant un point de non-retour ..... 580 3. Vers un nouveau paradigme politique ancr dans le 21esicle ................. 582 4. Des outils et des prconisations pour ce nouveau paradigme ................... 586 Conclusion du chapitre 3 : Un nouveau paradigme est-il envisageable pour transformer la vie des jeunes invisibles ? ................................................ 589 Conclusion de la quatrime partie : Un recentrage de la politique publique de jeunesse inscrite dans une socit bienveillante ..................................... 590

    CONCLUSION GNRALE : Une nouvelle image de la jeunesse invisible : vers un changement de modle politique ...................................................... 593 Une socit inadapte sa jeunesse .............................................................. 595 Une nouvelle vision des difficults dinsertion des jeunes invisibles : des hypothses confirmes et dautres dpasses ................................................ 598 Quelles perspectives pour nos travaux de recherche sur linvisibilit des jeunes ? .......................................................................................................... 604 Quel discours la jeunesse pour donner aux jeunes lenvie de construire leur projet de vie et les rinscrire dans la socit ? .............................................. 606

    BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 611 SITOGRAPHIE ................................................................................................. 625 LEXIQUE DES ABRVIATIONS .................................................................. 633 TABLE DES TABLEAUX, GRAPHIQUES ET SCHMAS ......................... 643 ANNEXES ........................................................................................................ 651

    Import des donnes issues de l'Enqute emploi en continu 2005 2006 2007 2009 et 2012 ........................................................................................................... 653 Statistiques..................................................................................................... 657 Traitement des donnes issues de l'Enqute emploi en continu 2010 et 2011 ............................................................................................................... 661 Variables utilises ......................................................................................... 671 Inventaire sur lagglomration de SQY : Guyancourt .................................. 682 Inventaire sur lagglomration de SQY : Voisin-le-Bretonneux .................. 688

  • 20

  • 21

    INTRODUCTION GNRALE

    Les jeunes invisibles :

    une urgence sociale et un dfi socital

  • 22

  • 23

    Des jeunes invisibles laisss pour compte

    Quentin2 : Un jeune invisible ? Cest moi ! A 27 ans je ne suis rien no future Jai

    fait des tudes suprieures parce que les professeurs et mes parents me disaient : Si tu fais

    de bonnes tudes, tu auras une bonne formation qui tapportera un bon emploi. Et a fait

    trois ans que je recherche un emploi la mesure de mon diplme me permettant de partir

    de chez mes parents.

    Mohamed3 : Un invisible ? Cest moi depuis cinq ans ! Jai dcroch du collge en 3e

    parce quils voulaient menvoyer dans un CAP de mcanicien alors que je voulais tre

    boulanger. Aujourdhui, jai 21 ans et les Missions locales veulent mimposer des solutions

    qui ne me plaisent pas. Je ne vois pas la fin de ma galre , mais je peux dire que je sais

    ce que je ne veux pas tre : une croix dans une case.

    Nous pourrions multiplier ces exemples linfini, mais ce qui runit ces jeunes invisibles ,

    cest leur absence de statut, avec pour consquence, leur invisibilit dans la socit, mais

    galement dans les statistiques. Cette situation ne cesse de surprendre : comment une socit

    riche et moderne comme la ntre, disposant dune ingnierie sociale aussi dveloppe, peut-

    elle se permettre de laisser perdurer voire saccrotre une telle fracture sociale et

    intergnrationnelle ? Cela tmoigne dun dysfonctionnement moralement inacceptable,

    dangereux sur le plan social, source de cots et de perte de dynamique pour la socit sur le

    plan conomique. Cela nous renvoie un dfi essentiel, redonner un espace et un avenir la

    jeunesse.

    En 2011, notre directeur de thse, la fois professeur des universits en sciences de lducation

    reconnu notamment pour ses travaux sur le principe dducabilit et homme politique

    vice-prsident de la Rgion Rhne-Alpes en responsabilit de la formation professionnelle et

    prsident de la commission jeunesse de lARF nous a permis dorienter le champ

    dinvestigation de notre recherche sur cette catgorie de jeunes, dont les problmatiques ntait

    gure prises en compte dans leur globalit, ni par les acteurs politiques, ni par les chercheurs :

    les invisibles ni en emploi, ni en ducation, ni en formation, ni en accompagnement.

    Lobjectif tait de construire un vritable objet scientifique et politique et, par-del, penser notre

    2 Extrait dun entretien avec un jeune invisible en septembre 2012.

    3 Ibidem.

  • 24

    travail universitaire comme relevant, tout la fois, dune recherche acadmique et dun projet

    politique, au sens aristotlicien du terme.

    Quand ce travail a t envisag, les perspectives politiques en France et en Europe taient

    mauvaises, la situation des jeunes se dgradait de mois en mois sans que les dcideurs publics

    ne prennent vritablement conscience de lampleur des dgts pour cette catgorie de

    population, empche dentrer dans lge adulte. Nos recherches prcdentes4 et notre

    contribution citoyenne concrtise par un engagement politique, syndical, associatif et

    professionnel, nous ont permis dobserver quel point il y avait urgence en ce domaine. Alors,

    quand le ministre de lEducation nationale a dclar lAssemble nationale, le 9 juin 2011,

    que 250 000 jeunes avaient dcroch de la formation initiale, dont seulement 72 000 taient pris

    en charge par les Missions locales, nous nous sommes interroge sur le devenir des quelque

    180 000 jeunes restant, sans diplme et sans solution. Dautant, qu ces jeunes, sajoutaient les

    exclus des annes prcdentes rests sur le bord du chemin, auxquels se sont additionns les

    nouveaux sortis depuis 2012 ils seraient 150 000 de plus chaque anne formant ainsi une

    cohorte de ceux que les agences de statistiques ont nomm les NEET Not in Education,

    Employment, or Training approchant, en France, les deux millions entre 15 et 29 ans et

    dpassant les quatorze millions en Europe. Ces nouvelles statistiques sont apparues aprs le

    dbut de notre travail, et ont ncessit de les comprendre, avant de construire nos propres

    mesures du phnomne, avec une approche diffrente. Elles nous ont galement oblige

    reconsidrer le primtre de lge des jeunes, en repoussant la limite dge de notre public, de

    25 29 ans rvolus, parce que certaines agences travaillaient sur les 16-24 ans et dautres sur

    les 15-29 ans, ce qui nous a interroge.

    On peut, videmment, se contenter de dnoncer les problmes de lducation qui peuvent

    conduire au dcrochage prcoce des sans-diplme, ou encore la formation professionnelle qui

    serait inadapte au monde du travail, rsultant notamment du dfaut danticipation des

    mutations du monde conomique mondialisation et/ou progrs technologique. Mais la

    principale plaie de la socit reste un chmage massif, imposant des ruptures dans les parcours

    professionnels et, au final, de la prcarit systmatique. Les jeunes sont les premiers touchs

    par cette pnurie demploi et peinent entrer dans leur vie dadulte, repoussant, de fait, la limite

    4 Nous venions de prsenter notre mmoire de master 2, De lorientation la mise lemploi durable, comment viter les ruptures sociales ? lUniversit de Rouen en 2011.

  • 25

    dge de ce quon nomme la jeunesse . Cest pourquoi notre thse sattache comprendre et

    mesurer le phnomne de linvisibilit dans sa complexit, apprhender et rpertorier les

    mesures existantes et, au final, faire des propositions pour tenter damliorer le sort de ces

    jeunes invisibles .

    Une problmatique complexe relie une vritable

    question de socit

    Dune part, lemploi durable nest plus un dbouch facile pour les jeunes en fin dtudes, et

    encore moins pour les non-qualifis. En consquence, nombreux dentre eux dcrochent de la

    vie chaque anne, alimentant ainsi la cohorte des invisibles . Deux problmes se posent

    alors : prvenir le dcrochage pour stopper le flux , et raccrocher les dcrochs pour

    diminuer le stock . Mais dautre part, ce nest pas forcment le manque de structures

    adaptes aux diffrentes problmatiques de linsertion qui pose problme, cest plutt la

    difficult se reprer, trouver les bonnes adresses et choisir la(les) structure(s) la(les) plus

    efficace(s). Ce maquis de dispositifs est gnrateur dillisibilit pour les acteurs ducatifs,

    conomiques et sociaux mais galement pour les jeunes, eux-mmes, qui sengouffrent dans ce

    foisonnement doffres trs diverses, sy perdent ou zappent de lune lautre et, finalement,

    renoncent lexercice de leurs droits.

    Par ailleurs, les politiques publiques de jeunesse sarrtent 25 ans rvolus, et cela depuis

    quarante ans5. Les jeunes sont donc considrs devant la loi comme des adultes ds leur vingt-

    sixime anniversaire. Alors quaujourdhui, nous avons vu que des statistiques intgraient cette

    catgorie de population jusqu vingt-neuf ans rvolus 34 ans dans de nombreux pays sans

    pour autant que les dispositifs lgaux aient t adapts cette ralit. Les consquences sont

    dramatiques pour les plus gs des invisibles , ncessitant des mesures propres leurs

    difficults, mais inexistantes, et que les acteurs politiques refusent de crer, le plus souvent pour

    des raisons budgtaires6. Doit-on se contenter de ces rponses et abandonner cette catgorie de

    jeunes, ou doit-on les prendre en considration, regarder de prs les problmes quils

    5 Intervention dun ancien prsident de lUNML le 16 fvrier 2016 lAssemble nationale lors de la confrence/dbat Emplois davenir : un contrat comme les autres ?

    6 Rponse dun dput LR, la mme confrence, une question sur ce sujet prcis : il est inconcevable de rallonger lge lgal de la jeunesse, cela coterait trop cher ltat douvrir les dispositifs jusqu 30 ans !

  • 26

    rencontrent, et les accompagner jusqu leur prise dautonomie ? Cest partir de ces questions

    que nous avons engag notre recherche dont nous allons prsenter les hypothses.

    Des hypothses de travail poses pour comprendre les

    difficults dinsertion des jeunes

    Nous faisons lhypothse quil existe de nombreux jeunes invisibles ni en ducation, ni

    en formation, ni en emploi, ni en accompagnement sans aucun statut et non reprs. A notre

    sens, le fait quils puissent atteindre lge de 30 ans et quils ne soient plus systmatiquement

    issus des seules zones urbaines sensibles (ZUS), change la donne. Ce qui nous amne penser

    que les solutions proposes pour grer le stock des invisibles ne sont plus adaptes

    lensemble des situations. Par ailleurs, nous faisons lhypothse que des solutions existent,

    quelles sont nombreuses et diverses mais rpondent mal aux enjeux consistants mener

    lensemble des jeunes entrer dans leur vie dadulte car, disperses, non coordonnes

    globalement et, de fait, illisibles pour le public et les acteurs concerns.

    Si nous largissons notre champ dinvestigation lEurope, nous faisons lhypothse que la

    France dispose dune ingnierie sociale relativement labore, quoique trs confuse, et quil

    faut donc regarder ses rsultats moyens en prenant en compte sa spcificit de pays dont la

    population possde le plus fort taux daccroissement naturel depuis de nombreuses annes.

    Dans ces conditions, nous faisons lhypothse que la socit franaise doit, pour rsorber ce

    phnomne, rformer en profondeur les politiques publiques de jeunesse . Il faut, notre

    avis, envisager un nouveau paradigme politique, o les priodes interstitielles entre lducation

    scolaire, la formation et lemploi ne seraient plus des ruptures sociales mais des tapes, voire

    des tremplins dans les parcours de vie.

    Une mthodologie multiple limage de la complexit

    du phnomne de linvisibilit

    Notre projet exige dutiliser plusieurs mthodes de recherche afin de rpondre tous les

    problmes poss :

  • 27

    1) Dans un premier temps, il convient de dfinir ce que nous entendons par les jeunes

    invisibles , de prciser la nature de leurs difficults dinsertion origines manifestations

    ainsi que ce que nous dfinissons comme des phases d errance . Pour cette partie

    qualitative, nous partirons dentretiens7 avec une dizaine de jeunes en situation derrance,

    choisis parmi ceux que nous avons rencontr sur le terrain professionnel, associatif et

    personnel8, qui permettront, la fois de construire un tableau de leurs problmatiques et de

    tenter une dfinition du phnomne ; ces travaux seront aliments en permanence par les

    paroles dautres jeunes, ainsi que par celles dacteurs politiques et de terrain. Pour complter

    cette vision de la jeunesse, nous analyserons trois enqutes gnrationnelles et proposerons

    une revue de littrature. En effet, chercher des solutions et penser les politiques publiques

    de jeunesse coordonnes, ncessite de croiser la fois ce qui relve du domaine des

    grandes dynamiques culturelles, socitales et sociales, avec ce qui ressort des dynamiques

    individuelles ;

    2) Parce quil est essentiel de mesurer lampleur du problme, nous entreprendrons de

    compter les jeunes invisibles en crant des degrs dinvisibilit, renouvelant ainsi la

    vision des acteurs politiques et scientifiques, en catgorisant leurs problmatiques selon, ce

    que nous avons nomm, la mthode de lentonnoir. Cette deuxime partie quantitative

    permettra de distinguer les catgories de jeunes en emploi prcaire, en accompagnement

    long et sans aucun statut, en distinguant les tranches dges sparant les jeunes censs tre,

    en ducation secondaire, en formation suprieure et, en emploi. Nous proposerons des

    analyses croises avec le type de logement, la zone gographique dhabitat et la catgorie

    socioprofessionnelle des parents, permettant ainsi de mieux comprendre les origines

    socioculturelles de ces jeunes. Et, pour vrifier que les rsultats diffrent dun territoire

    lautre, nous prsenterons une tude quantitative ralise sur une agglomration et un

    comparatif rgional et europen.

    3) Quand il sagit dajuster les solutions existantes et de crer celles qui manquent, cela

    ncessite de connaitre la ralit du terrain et de loffre. Donc, la troisime partie, la fois

    quantitative et qualitative, sera compose de la prsentation des principales mesures censes

    rsoudre les problmatiques du flux des dcrocheurs et du stock des invisibles ,

    7 Entretiens faisant lobjet denregistrements ou de prises de notes.

    8 Nous ctoyons des jeunes sans statut dans notre entourage direct.

  • 28

    complte par une analyse critique du fonctionnement du Centre d'Information et de

    Documentation Jeunesse (CIDJ), permettant ainsi de comprendre les difficults des

    structures spcialises dans la jeunesse. Elle sera suivie dun inventaire, aussi exhaustif que

    possible, de tous les dispositifs et structures travaillant avec le public jeune sur une

    agglomration, qui seront catgoriss dans un Agenda social de la jeunesse cr

    spcialement pour classer les nombreux rsultats et pouvoir mieux les analyser. Et parce que

    la France est dpendante de lEurope, nous proposerons un comparatif statistique entre

    quatre pays et la France, ainsi quune analyse des rsultats pour dgager les bonnes pratiques

    lintrieur du primtre des Traits de Bologne et de Lisbonne.

    4) Et, puisque nous envisageons notre travail de thse comme pouvant avoir une utilit

    sociale, il doit pouvoir se conclure par des propositions de solutions, que nous qualifions de

    durables , afin de contribuer sortir ces jeunes de la prcarit et de lisolement. La

    quatrime partie sera donc exploratoire, car ce phnomne est mouvant et complexe comme

    la souffrance des jeunes en dshrence, et ne doit pas nous interdire de rechercher des

    principes institutionnels permettant dy faire face. En consquence, nous proposerons

    plusieurs axes de travail en commenant par une analyse des inflexions dans les politiques

    publiques de jeunesse , qui nont pas cess dvoluer depuis le dbut de notre travail. Et,

    parce que nous avons choisi un objet de recherche dactualit et quil doit tre en permanence

    ractualis, nous avons publi et communiqu pendant ces quatre dernires annes pour

    confronter et valider la construction de notre pense scientifique et nos rsultats sur la

    problmatique des jeunes invisibles . Nous poursuivrons donc par une modlisation du

    phnomne de rupture dans le statut des jeunes, accompagne de propositions de solutions.

    Et, pour terminer, face aux ruptures intergnrationnelles mises jour tout au long de notre

    recherche, nous proposerons dlargir la rflexion jusqu envisager un changement de

    paradigme politique pour sortir de cette impasse et redonner un espace aux jeunes dans la

    socit.

  • 29

    Un plan de thse posant un regard sur les jeunes

    invisibles et loffre territoriale avant de rflchir

    aux solutions

    Nous avons ainsi conu un plan en quatre parties distinctes, considrant tous les lments

    ncessaires la comprhension de notre sujet de thse, ceci, afin dobtenir une vision, la fois

    fine et globale, des difficults dinsertion des jeunes et de la palette doutils leur disposition.

    Nous voulons, en effet, tre en mesure de proposer des solutions innovantes, adaptes

    lampleur du problme :

    - La premire partie posera le cadre de notre objet de recherche en dfinissant le public des

    jeunes invisibles ni en ducation, ni en emploi, ni en formation, ni en

    accompagnement et tudiera leur place dans la socit ainsi que leurs parcours de vie.

    - La deuxime partie sera consacre aux jeunes invisibles en chiffres, pour en mesurer le

    stock aliment par le flux et proposera des degrs dinvisibilit, limage de leurs

    problmatiques, ainsi que des analyses croises mettant jour la sociologie de ces jeunes

    prcariss.

    - La troisime partie inventoriera les dispositifs existants sur les territoires, avant de raliser

    un focus sur une agglomration proposant un inventaire, qui se veut exhaustif, de lensemble

    des structures travaillant avec les jeunes, suivi par une tude statistique compare lchelle

    europenne, tous deux au prisme de notre Agenda social de la jeunesse .

    - La quatrime partie sattachera proposer des solutions inscrites dans lurgence mais

    galement dans la construction de lavenir, en sappuyant sur les inflexions dans les

    politiques publiques de jeunesse depuis 2012 et en pensant le phnomne de rupture dans

    le statut des jeunes, pour terminer par la proposition dun changement de paradigme

    politique.

    Nous avons bti ces quatre parties pour quelles senchainent naturellement et participent

    transformer les problmatiques des jeunes invisibles en vritable objet scientifique et

    politique afin de poser les bases de la construction de rponses cohrentes. Bien videmment,

    nous ne prtendons pas avoir fait totalement le tour du problme, mais il nous semble que les

    matriaux que nous avons recueillis, dans leur diversit, et les analyses que nous avons tentes

  • 30

    peuvent contribuer renouveler, au moins partiellement, les regards sur une question de socit

    essentielle aujourdhui.

  • 31

    PREMIERE PARTIE

    Les jeunes invisibles ni en

    ducation, ni en emploi, ni en

    formation, ni en accompagnement :

    des jeunes sans droits

  • 32

  • 33

    Quand les jeunes nont plus de place dans la socit, ils se mettent en mode protection et

    sen isolent naturellement. Soit, comme un bateau ivre , ils drivent sans cap et sans vision

    davenir, pour rejoindre le clan des invisibles . Soit, comme les NEET9 japonais, ils crent

    un nouveau monde o le vivre ensemble prime sur lappt du gain, un monde hors sol ,

    un monde parallle, avec ses rgles et ses propres citoyens reconnus comme appartenant

    un collectif. Soit, de lautre ct de la mditerrane, ils initient la rvolution du printemps arabe

    comme les jeunes tunisiens. A laune des mutations socitales, les jeunes dans toutes leurs

    composantes constituent un objet complexe, en mouvement, quil est ncessaire dexpliquer.

    Dans cette complexit, nous nous attacherons particulirement dfinir les jeunes

    invisibles , les 15-29 ans ni en ducation, ni en formation, ni en emploi et ni en

    accompagnement. Mais, comprendre ce processus dentre en invisibilit , ncessite de

    dcortiquer avec mthode les concepts en jeu, den interprter les contenus, den trouver les

    invariants pour construire notre objet de recherche et une thorie acceptable.

    Cette premire partie dite contextuelle doit nous y conduire. Elle abordera la dfinition de

    linvisibilit dpassant le seul primtre des NEET, son mergence en France, en Europe et

    dans le Monde, la place des jeunes dans la socit, et enfin leurs parcours multiples, dont ceux

    des invisibles . Nous la complterons par une revue de littrature pour construire le paysage

    intellectuel dans lequel nous installerons notre recherche.

    Chapitre 1 : Les jeunes invisibles , de quoi

    parlons-nous ?

    Nous procdons dans ce premier chapitre la dfinition des jeunes invisibles en partant de

    celle des NEET. Pour comprendre lmergence de ce concept dinvisibilit, nous faisons appel

    lhistoire mondiale et gopolitique rcente, parce que les jeunes rencontrent des problmes

    dentre dans la vie, comparables, voire identiques, et cela quel que soit leur lieu de rsidence

    dans le monde, mme si les manifestations sont diffrentes dun territoire un autre, dun pays

    un autre. Mais avant tout, nous introduisons ce travail de recherche par lexpression de deux

    9 NEET : jeunes de 15-29 ans ni en emploi, ni en ducation, ni en formation.

  • 34

    personnes, sorties de ltat de jeunesse, et ayant suivi des parcours atypiques pour trouver leur

    voie.

    1. Deux exemples remarquables : tre ou ne pas

    tre sur la voie royale

    La voie royale est le chemin linaire qui mne un enfant de son ducation initiale un

    emploi stable, sans rupture, sans dtour. Les trois-quarts de la population suivent ce chemin

    avec plus ou moins de russite, avec plus ou moins besoin daccompagnement, des niveaux

    plus ou moins levs de formation et demploi. Ce chemin est born par des codes bien prcis

    mais ne dit pas si le chemin est choisi par le jeune, ou si cest celui de linstitution qui a russi

    standardiser sa volont, son dsir. Nous citons deux exemples remarquables qui permettent

    de rflchir aux limites de lcole litiste, liminant les jeunes atypiques sortant de la norme

    scolaire.

    1.1 Kitty Crowther, la clbrit au bout dun long

    tunnel

    Kitty Crowther, une illustratrice et auteure de renom ayant obtenu le prix Astrid Lindgren,

    quivalent du Nobel pour lillustration jeunesse, souffre de surdit depuis sa naissance. Elle

    tmoignait dans lmission Question dducation sur France Info le 24 dcembre 2012, en

    disant que son handicap, incompris des enseignants et de son entourage, avait provoqu de la

    souffrance, une orientation prcoce et un rejet de la socit pendant son adolescence. Cest par

    de gros efforts quelle a compens ses difficults et combl son retard scolaire, parce quelle

    navait pas envie dtre mise lcart de sa vie. Elle aurait aim que ses enseignants soient plus

    attentifs et ne lui cachent pas les efforts ncessaires mettre en uvre, au lieu de lui stopper

    son avenir professionnel en lorientant, 15 ans, vers une voie professionnelle quelle qualifie

    de voie poubelle , voie de la relgation alors quelle soutient que sa valorisation suffirait

    souvent redonner de la fiert aux jeunes qui la suivent. Les mtiers manuels sont des mtiers

    part entire, tellement ncessaires faire vivre la socit, o lexcellence a toute sa place. Sa

    volont a prim sur celle des enseignants du secondaire qui lavaient condamne avant de lui

  • 35

    donner sa chance, elle sest battue et a gagn. Son handicap lui a forg un caractre de battante,

    cest sa force ; pourtant, elle aurait pu scrouler et tre exclue de cette immense russite.

    Certes la personne prise en exemple est belge et a suivi ces tudes Bruxelles, mais elle le dit

    elle-mme, les processus dexclusion sont identiques en France et en Belgique. Dans ce

    tmoignage, il sagit de handicap physique, mais nous pouvons retrouver le mme principe de

    relgation, plus ou moins conscient, dans les situations de discrimination sociale dont souffrent

    de nombreux jeunes des zones urbaines ou rurales sensibles, que ce soit lcole ou pour laccs

    lemploi. Nanmoins, aujourdhui, les jeunes issus de milieux moins modestes peuvent

    souffrir des effets de la discrimination par ricochet. Cest ce que nous dcouvrons avec ce

    deuxime exemple.

    1.2 Fabien, de multiples expriences trs

    enrichissantes avant de se raliser dans un travail

    choisi

    Fabien, jeune homme g de 30 ans au dbut de notre recherche, aurait pu tre tax dtre un

    Tanguy . Il nous raconte sa vie remplie dexpriences trs diverses. Il a suivi des chemins

    dtourns sans jamais perdre de vue son dsir de travailler dans le domaine de la musique. A

    33 ans il ralise enfin son rve. Il nous raconte sa vie avec lucidit et fiert :

    Au collge, jtais plutt un bon lve, quand je suis arriv au lyce, les choses ont

    commenc se gter. Jai subi, pendant plusieurs mois, le harclement physique et moral

    de plusieurs lves de ma classe qui ne supportaient pas que je rponde toutes les questions

    des professeurs il fallait faire semblant de ne pas savoir. Ces mmes professeurs ne mont

    pas aid, au contraire ils mont enfonc. Jtais dans un lyce rput pour tre le meilleur

    dIle-de-France, et il ne fallait surtout pas entacher sa rputation. Ils oubliaient de dire que

    chaque anne, ils excluaient 25 % des lves pour avoir de meilleurs rsultats en terminale

    et au bac, ctait facile. Ils nont pas os mexclure, jtais la victime, mais ils ne mont pas

    aid, jai redoubl ma seconde, ma premire et quand je suis arriv ma deuxime

    terminale, jallais avoir 18 ans et jai dit mes parents qui mavaient port jusque-l, que

    jarrtais. Ils mont dit ok, mais tu trouves un travail . Ce que jai fait, je suis devenu

    responsable dun rayon dans un grand magasin, au bout de deux annes me lever tous les

  • 36

    jours 4 heures du matin, jai voulu reprendre des tudes, jai trouv une formation de DJ

    Disc-Jockey) ma passion Lyon, et mes parents mont aid dans les dmarches pour

    que ce soit pris en charge par la rgion. Jai termin mon anne, et au bout de quelques

    mois, jai ralis que cela ne me permettrait pas de vivre, donc jai cherch un travail

    rmunr tout en montant une association, Neo Teck Spirit, qui promeut la musique techno

    et organise des soires rassemblant des DJ du monde entier. Je suis entr la Poste comme

    facteur pour pouvoir partir de chez mes parents, mais jai galr pendant deux ans pour

    trouver un appartement, finalement cest grce mon entreprise que jai pu enfin

    emmnager chez moi 23 ans. Je suis rest cinq ans la Poste, mais la fin, ctait devenu

    un enfer, ils taient en train dautomatiser le tri et cherchaient licencier, comme jtais en

    CDI et non fonctionnaire, jai fait partie de la charrette. Je suis alors parti en Thalande,

    jai bnfici dune aide de Ple emploi pendant deux ans parce que javais le projet de

    monter une entreprise l-bas. Je me suis aperu que ce ntais pas possible, les thalandais

    nous acceptaient en tant que voyageurs, mais pas en tant que professionnels, et surtout

    quand on russissait. Donc, je suis rentr en France, chez mes parents parce que je navais

    pas dautre solution, je me sentais mal de le leur imposer, mais ils mont accueilli et je les

    en remercie. Pour ne pas rien faire , je suis entr chez Peugeot, la chaine. a a t trs

    dur, mais jai tenu trois ans et jai eu la chance de bnficier du Plan de Sauvegarde de

    lEmploi (PSE) il y a deux ans. Jai entrepris une formation de rgisseur Son et Lumire

    Lyon, l encore il a fallu entreprendre des dmarches, heureusement que jai t aid par

    mes parents. Je suis sorti de cette formation renforc. Jai cr ma propre entreprise avec

    laide la cration dentreprise du plan social. Aujourdhui, jai emmnag 33 ans dans

    une maison avec mon amie et je vis enfin ma vie dadulte autonome. Je ne regrette rien je

    parle couramment langlais et me dbrouille trs bien en thalandais sauf mes annes lyce

    gches par des professeurs qui ntaient l que pour slectionner les bons et jeter leurs

    cours sur le tableau, sans voir quune partie de leurs lves taient en souffrance lanne

    de mes 15 ans il y a eu trois suicides russis parmi les lves, cest vrai que lide tait

    tentante. Eux, ils nont pas eu la chance davoir des parents comme les miens.

    Nous voyons que ces exemples de parcours atypiques ont men la russite par des chemins

    dtourns. Ces deux tmoignages montrent que tout se joue ladolescence, nous pouvons

    rencontrer des obstacles rputs insurmontables et arriver les dominer, encore faut-il faire les

    bonnes rencontres, au bon moment. Dans la situation qui est celle dune crise conomique sans

    prcdent dans de nombreux pays, se traduisant particulirement pour les jeunes par des

  • 37

    handicaps sociaux en progression constante, la prise en compte de ces proccupations devrait

    tre, pour la dmocratie, une priorit absolue. Un regard prcis simpose sur lespace social.

    Doit-on encore attendre pour trouver des solutions durables aux difficults grandissantes des

    jeunes ? Cest une rponse cette question que ce travail, bas sur lcoute, le regard et

    l humilit du chercheur, tentera dapporter.

    2. Une socit malade de ses invisibles

    Aprs avoir cr la post-adolescence, dpass le phnomne Tanguy, et vu ladulescence

    merger, la socit a cr la notion de NEET, permettant de compter les jeunes en marge de

    linsertion professionnelle. Convaincue de linsuffisance de cette approche, nous proposons une

    nouvelle catgorie de jeunes, les invisibles ni en ducation, ni en formation, ni en emploi,

    ni en accompagnement au-del des simples NEET qui nintgrent pas laccompagnement,

    alors que nous pensons quil doit tre le fil rouge de toute politique publique dinsertion, et

    particulirement quand elle concerne la jeunesse. Ce groupe de jeunes, relve autant de

    lethnologie, de la sociologie, de la psychologie, de la philosophie que de la politique. En effet,

    porter un regard sur ces jeunes ncessite plusieurs entres pour viter de ne traiter que des bribes

    du problme, sans jamais le rsoudre dans son intgralit.

    Quand la gauche est arrive au pouvoir en 1981, leur nombre tait limit aux jeunes issus des

    quartiers sensibles, voire des milieux populaires trs dfavoriss et souvent issus de

    limmigration rcente. Des politiques publiques adaptes ont alors t mises en uvre dans les

    territoires le ncessitant. En mme temps que le chmage de masse sest amplifi, ce nombre a

    augment pour devenir la honte de la Rpublique et toucher tous les pans de la socit. En

    parallle de cette drive, la socit a lentement, mais srement, dissoci les mtiers manuels

    laisss aux mauvais lves comme punition des mtiers intellectuels promis aux bons

    lves dgradant ainsi limage des mtiers manuels au point que nous avons aujourdhui des

    difficults trouver un plombier ou un vitrier. Jusquau dbut du vingtime sicle, lhomme de

    mtier10 devait dabord, et surtout, tre porteur dun projet professionnel et dun projet de vie.

    10 Au sens de son origine latine ministerium qui fait essentiellement rfrence la notion de service.

  • 38

    Ne loublions pas le mtier est avant tout synonyme de la possibilit de gagner sa vie, donc son

    indpendance (Franois Icher, (2003).

    Aprs ce prambule, nous commenons par dfinir les concepts structurant les lments de

    langages de lducation, de la formation, de lemploi et de laccompagnement, pour en dgager

    des interrogations spcifiques chacune de ces notions et pouvoir conceptualiser la notion de

    jeunes invisibles . Ce travail pralable dlaboration du champ smantique de notre corpus,

    est indispensable la poursuite de notre tude quantitative, mais galement qualitative. Pour

    cela, nous avons explor les dictionnaires de pdagogie, dducation, de formation, de

    psychologie, de philosophie, etc.

    2.1 Des jeunes, ni en situation dducation

    Jean-Jacques Rousseau affirme que cest parce que lhomme est perfectible quil se distingue

    de lanimal. Lide dducation renvoie alors une forme dactivit partage entre lducateur

    et lapprenant. Emmanuel Kant rajoute la dimension daccession lexercice de sa propre

    facult de connatre en toute libert. Philippe Meirieu (1983) propose le principe dducabilit

    reliant ces deux notions. La finalit de lducation doit permettre lenfant de devenir autonome

    pour accder lhumanit qui est en lui. Lenfant nest pas seul, il vit en socit et participe

    la vie de la cit de faon passive, avant dtre active. Lducation peut inflchir lorganisation

    de la cit, et par l, contribuer la moderniser. Cest par elle que nous pouvons rendre ses

    habitants citoyens et acteurs. Cette ducation commence ds la naissance, puis lcole prend le

    relai des parents et ensuite, elle est aujourdhui cense se prolonger tout au long de la vie.

    Venant du latin educare, nourrir , avoir soin de , lducation est multiple, mais avant tout,

    elle est laction visant faire de lenfant un homme accompli. Elle fut au cur de la pense

    antique (paideia) et lobjet de nombreux dbats, parce quelle va dterminer le type dhomme

    que lon veut faonner, donc le type de socit que lon veut construire. Andr D. Robert (2015)

    tend la mission de lducation la formation de lhomme, du citoyen et du professionnel.

    Michel Sotard (1998) voque lducation par nature, lducation comme devoir

    dhumanisation et lducation sans fin11. Jacques Pain (1998) parle dducation informelle,

    quand Genevive Poujol (1998) propose une dfinition de lducation populaire comme un

    11 Au sens de finalit introuvable si ce nest philosophique.

  • 39

    projet de dmocratisation de lenseignement complmentaire de lducation scolaire, pour

    former les citoyens. Joffre Dumazedier (1998) dfinit lducation permanente, comme une

    extension de lducation populaire des milieux sous-privilgis , lensemble des milieux

    sociaux. Alors quIvan Illich dnonce lcole perptuit lui prfrant la coducation des

    gnrations, et Emile Durkheim lauto-formation individuelle et collective, faisant tous deux la

    part belle au sujet apprenant qui nest plus le seul enfant mais galement ladulte tout au long

    de sa vie.

    Lcole, comme lieu privilgi dducation, est obligatoire jusqu 16 ans, or 100 % des jeunes

    de moins de 16 ans ntaient pas scolariss en 2012 et, depuis 2010, le taux de scolarisation

    ntait plus optimum ds 8ans. Il conviendra de comprendre pourquoi et dy remdier, car un

    jeune qui ne bnficie pas dducation initiale est mis demble hors la socit. Au dbut de

    notre recherche, 4 960 74512 jeunes 15-29 ans taient inscrits dans le systme ducatif initial

    (en voie gnrale, professionnelle ou suprieure). Les cohortes sont importantes, alors comment

    faire en sorte daccompagner tous les lves vers lacquisition dun niveau de formation et de

    comptences suffisant pour continuer le processus de formation suprieure, professionnelle et

    tout au long de la vie ? Comment les protger et les garder dans le systme de formation initiale,

    en vitant le dcrochage scolaire ? Faut-il prvoir un rite de passage et lequel ? Faut-il

    gnraliser le Service civique volontaire en le rendant obligatoire pour tous, dans le cadre de

    lducation la citoyennet ? Le dfi tant de passer de ltape dapprentissage du respect des

    rgles de vie en socit, incarnes par la loi symbolique, au respect de la loi organique.

    2.2 Des jeunes, ni en situation de formation

    Le concept de formation a prcd celui dducation au 12e sicle mais, il nest install

    dfinitivement dans le discours officiel, qu la fin des annes 1920 pour dfinir lenseignement

    des pratiques de la profession et, progressivement, remplacer les termes denseignement

    technique, dapprentissage, dinstruction, de promotion et, dans les annes 1950, devient la

    formation professionnelle avec la cration de lAFPA13. Ce mot se rattache lun des concepts

    le plus puissant de lhistoire forma . Pierre Goguelin (1970) associait au mme niveau, dans

    12 Sources : INSEE.

    13 AFPA : Association pour la Formation Professionnelle des Adultes.

  • 40

    sa carte smantique des mots, former-duquer-instruire-enseigner avec crer-constituer-

    composer-concevoir signifiant une intervention trs complte, trs profonde, trs globale,

    o ltre et la forme sont indissociables . La formation simpose donc comme une action

    vitale et essentielle, intgrant entre autres lducation, linstruction ou lenseignement, mais ne

    sy rduisant pas.

    Gaston Pineau (1998) propose : avec le moindre mouvement physique ou cognitif de mise

    en ensemble, en sens, sexprimente lunit. Sentir, faire et penser la formation, obligent

    combiner apprentissage existentiel, instruction scientifique et ducation professionnelle. La

    formation peut se pratiquer en prsentiel, ou distance dont Viviane Glikman (1998) tudie les

    enjeux, et qui selon elle, constitue une alternative lenseignement traditionnel, permettant

    notamment de rpondre la complexit de la demande, flexibilit, sur mesure ,

    renouvellement de la pdagogie Les mdias et les nouvelles technologies en ont favoris le

    dveloppement. Jean-Paul Ghin et Jean-Pierre Lorriaux (1998) sinterrogent sur la pertinence

    de lorganisation de la formation continue : faut-il continuer libraliser le march de la

    formation ou faut-il passer par une rgulation institutionnelle ? A cette poque, le trs large

    ventail dorganismes questionnait dj. La tendance a t la rationalisation, et la

    professionnalisation de lactivit de formation continue, ce qui na pas empch la dilution des

    moyens et lmergence dune multitude dorganismes de formation professionnelle plus ou

    moins efficaces et pertinents et, au-del, plus ou moins srieux . Roger-Franois Gauthier

    (1998) fait rfrence la formation en entreprise comme partie dun cursus scolaire conduisant

    un diplme professionnel rompant avec la division historique, en France, des fonctions de

    lcole (cense former) et lentreprise (cense produire) . Le premier cursus intgrant des

    priodes obligatoires en entreprise a t celui du baccalaurat professionnel en 1986, permettant

    de renforcer la motivation des lves pour lacquisition dune qualification, et de faciliter leur

    intgration dans lemploi. Lobjectif nest aujourdhui que partiellement atteint, car tous ne

    trouvent pas un emploi lissue de leur formation, et les orientations professionnelles se faisant

    souvent par lchec, conduisent frquemment au dcrochage.

    Devant la mutation du monde de lentreprise et des mtiers, comment un jeune qui ne bnficie

    pas dun niveau de formation suffisant, ou dune formation approprie, peut aujourdhui

    prtendre sinsrer dans la vie active ? Comment le mettre au cur du systme de formation

    tout en conciliant les besoins conomiques et ceux des entreprises ? Faut-il rviser le systme

    dorientation des lves ? Cela ncessite de travailler sur la coordination des politiques

  • 41

    publiques en direction de la formation, de lemploi, de linsertion et du tissu conomique, mais

    galement de lorientation.

    2.3 Des jeunes, ni en situation demploi

    Nous ne pouvons voquer le terme emploi sans dfinir, au pralable, celui de travail. Son

    tymologie vient du latin mdival tripalium, instrument de torture. Les progrs technologiques

    et les luttes syndicales ont adoucit ce sens. A lorigine, ce terme dsignait exclusivement

    lactivit physique (ou travail manuel) supposant une dpense dnergie relativement leve.

    Aujourdhui, en sciences humaines, il correspond toute activit dont lexcution met en jeu

    lorganisme, et qui est lie une dpense dnergie. Nous parlerons de charge de travail. En

    sciences sociales, il dsigne une activit oriente vers un but, planifie et organise, qui est

    inspire par un objectif matriel ou immatriel () Il peut servir dune part assurer la

    subsistance individuelle, mais aussi atteindre certains objectifs conomiques gnraux. Les

    objectifs sont runis sous la dnomination de tche de travail (Werner D. Frhlich, 1997).

    Le travail est une ncessit de trs longue date pour une immense majorit de la population,

    tous les auteurs en conviennent, mais tous ne mettent pas les mmes notions derrire ce mot.

    Pour Karl Marx (1867), lhumanit doit dabord produire les moyens de sa propre existence,

    avec pour consquences dagir sur la nature extrieure et sur sa propre nature . Pour

    Andr Comte-Sponville (2001), le travail nest pas une fin en soi, ce nest pas une valeur, ou

    alors le chmeur priv de travail perdrait sa dignit, cest un moyen de gagner sa vie, dtre

    utile, de soccuper, de spanouir pour sintgrer dans la socit. Dj dans lantiquit, le

    travail questionnait les philosophes dont Aristote, qui sest intress laprs travail pour

    dmontrer que la vie ntait pas faite que de travail : le travail tend au repos, et non pas le

    repos au travail. Pour Hannah Arendt (1961), nous ne pouvons dissocier le travail de luvre

    et de laction dans la phase active de ltre humain, cest ce quelle nommera la vita activa. Ce

    qui sous-entend que le travail est lactivit lie la ncessit vitale, et son corrlat est la

    consommation des choses. Cest donc la condition sine qua non des autres activits, uvre et

    action, qui comprennent cependant toutes une part de labeur ; luvre fournissant un cadre

    humanis hors la limite du temps, et laction apportant le sens la vie. Aujourdhui un quart

    des jeunes ne trouvent plus systmatiquement de travail au sortir de leur priode dtudes. Ce

    qui remet considrablement en cause lquilibre socital du 21e sicle parce que si le chmage

    est un malheur, ce nest pas par labsence de travail, cest par labsence dargent () qui

  • 42

    conduit la misre, lisolement ou lexclusion (Comte-Sponville 2001). Et Franoise

    Piotet (2006) dfinit les modalits formelles dexercices : lemploi est ce qui donne accs au

    travail socialement reconnu .

    Il convient de montrer les difficults daccs lemploi des jeunes par les chiffres, mettant

    jour la ncessit de redonner un contenu la vie active pour que chacun puisse prendre part

    luvre collective, dont les jeunes invisibles sont empchs de toute participation. Faut-

    il crer autant demplois aids que de jeunes au chmage ? Faut-il admettre que les parcours

    des actifs puissent tre ponctus de temps hors entreprise ?

    2.4 Des jeunes, ni en situation daccompagnement

    Nous ne pouvons aborder la notion daccompagnement sans la dfinir, avant den donner les

    diffrentes dclinaisons sur le terrain. Nous retrouvons, dans le mot accompagnement, le mot

    compagnon. Franois Icher (2003) dresse le portrait des mtiers et de leur apprentissage par le

    compagnonnage, dans le respect du bel ouvrage et des valeurs morales associes ; approche

    historique et philosophique du mot driv du latin cum panis, voquant le ncessaire partage

    du pain (matriel et/ou symbolique) entre les hommes. Les mots qui ont rythm le

    cheminement professionnel de lhomme de main (celui qui veut faire, car le pouvoir et le savoir

    sont indissociables du vouloir), sont : apprentissage (dcouverte), compagnonnage

    (appropriation) et matrise (du mtier) . Nous retrouvons ici la notion de transmission des

    savoirs et des valeurs la jeunesse.

    Contrairement aux concepts dducation, de formation et demploi, celui

    d accompagnement est absent des dictionnaires de philosophie, de sociologie, de

    psychologie, de ladolescence et de la jeunesse ou encore de lducation. Pourtant

    laccompagnement personnalis des demandeurs demploi Ple emploi existe depuis de

    nombreuses annes, tout comme celui des jeunes en Mission locale et plus rcemment celui des

    lves en secondaire. Cest pourquoi nous avons explor les dictionnaires tymologiques et des

    noms communs de la langue franaise pour vrifier la justesse de lemploi de la notion

    daccompagnement, et de la ncessit dutiliser ce terme dans notre travail de recherche. Les

    rsultats sont convaincants. Accompagner : aller quelque part avec quelquun14, aider

    14 Dictionnaire Hachette (2005).

  • 43

    surmonter les difficults, les douleurs, les souffrances, suivre une dcision, soutenir, veiller (ou

    tre bienveillant issu de bien et de vouloir), guider, conseiller ; verbe dont lorigine en vieux

    franais est tre de compagnie avec ; nous trouvons galement la notion daccomplir, avec

    pour origine complin (achever ou complter) : raliser entirement, excuter ce qui est prvu,

    se raliser, spanouir, remplir une mission, ou encore la notion de joindre (au sens dajouter) ;

    et par extension, dans le champ lexical, nous distinguons le terme daccompagnateur comme

    guide, dirigeant (qui donne un sens, une direction, une orientation), acteurs que nous retrouvons

    dans le terme accompagn. Nous terminons avec le terme daccompagnement dune mesure,

    ou soutient. Ce qui nous amne naturellement au tuteur voire au parrain, dans le sens de celui

    qui parraine, qui ouvre des portes. En partant de ces dfinitions, la notion daccompagnement

    nous semble essentielle pour mener bien une mission dducation ou de formation. Nous y

    retrouvons le concept de Rousseau qui chemine avec son lve sur les sentiers de la

    connaissance, celui de donner du sens la vie, aux apprentissages, puis lorientation, celui

    dtre acteur de sa formation pour laccompagn, et o laccompagnateur (tuteur) est un acteur

    dans laccs lautonomie du jeune. Ce qui mne la posture de laccompagnateur, nous

    parlerons alors dempathie qui exclut tout jugement moral, mais permet lvaluation et autorise

    en prvoir les rponses et les potentialits. Carl Rogers (1940) fait tat dempathie en matire

    de guidance infantile et de conseil (counselling) pour tudiants.

    Alors que laccompagnement est absent des dictionnaires du champ scientifique, il se dveloppe

    sur le terrain. Nous pouvons observer son mergence dans des lois, circulaires ou dcrets

    manant de plusieurs ministres. En effet, dans le cadre de la scolarit, laccompagnement la

    scolarit a fait lobjet dune charte en 1992 ractualise en 200115. Elle a donn un cadre,

    exigeant et dontologique, de multiples actions qui se dveloppaient sur le terrain, le plus

    souvent dans un environnement associatif dont les principes gnraux sont le respect des choix

    individuels ; lgalit des droits de chacun ; le dveloppement des personnalits, lacquisition

    des savoirs, de savoir-tre et de savoir-faire indispensables ; le respect de la lacit ; le

    caractre gratuit et louverture tous des actions daccompagnement complmentaires

    lcole. En 2010, le ministre de lEducation nationale cre laccompagnement personnalis,

    qui propose des activits de soutien, d'approfondissement, d'aide mthodologique, ou encore

    d'orientation, ayant pour but de soutenir l'lve dans la russite de sa scolarit et de laider

    15 La charte de laccompagnement la scolarit. Rcupr du site : http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/charte_nationale_de_l_accompagnement_scolaire.pdf

  • 44

    gagner en autonomie. En 2012, llve devient, en plus, acteur de son parcours de formation et

    dorientation. Au niveau local, il existe plusieurs formes daccompagnement qui se ressemblent

    sur plusieurs aspects, ce qui peut les rendre difficile daccs aux jeunes non accompagns pour

    choisir celui qui lui conviendra le mieux. Nous en prsentons trois.

    1) Pour favoriser laccs lemploi des jeunes de 16 25 ans rvolus, le ministre de lemploi,

    de la cohsion sociale et du logement cre en 2005 le Projet personnalis daccs lemploi

    (PPAE), dans le cadre de la mission de service public pour lemploi des Missions locales, qui

    doivent assurer des fonctions daccueil, dinformation, dorientation et daccompagnement.

    Ltat leur confie la mise en uvre du droit laccompagnement vers lemploi durable des

    jeunes de moins de 26 ans, confronts un risque dexclusion. La Mission locale propose un

    accompagnement personnalis par parcours et selon une approche globale qui repose sur une

    dmarche pdagogique visant la mobilisation du jeune sur la dfinition dun parcours intgrant

    un suivi totalement adapt jusqu la consolidation de linsertion professionnelle. Lors de

    linscription du jeune sur la liste des demandeurs demploi, ou au plus tard dans les quinze jours

    suivant cette inscription, Ple emploi labore avec le jeune un projet personnalis daccs

    lemploi (PPAE). Celui-ci prcise la nature et les caractristiques de lemploi ou des emplois

    recherchs, la zone gographique privilgie et le niveau de salaire attendu. Pour des jeunes de

    16 25 ans rvolus, cest la Mission locale qui est charge du suivi de ce projet personnalis.

    Celle-ci sengage sur des actions mettre en uvre, notamment en matire daccompagnement

    vers lemploi et, le cas chant, de formation ou daide la mobilit. Le refus, sans motif

    lgitime, dlaborer ou dactualiser le PPAE entrane la radiation de la liste des demandeurs

    demploi et la suppression de lAide au retour lemploi (ARE), pour les bnficiaires.

    2) Le plan de cohsion sociale, mis en place en 2005, a galement install une forme

    daccompagnement renforc pour les jeunes sortis sans qualification du systme scolaire. Le

    Contrat dInsertion dans la Vie Sociale (CIVIS)16 sadresse des jeunes de 16 25 ans rvolus

    rencontrant des difficults particulires dinsertion professionnelle. Il a, pour objectif,

    dorganiser les actions ncessaires la ralisation de leur projet dinsertion dans un emploi

    durable. Ce contrat est conclu avec les Missions locales ou les Permanences daccueil,

    dinformation et dorientation (PAIO). Les titulaires dun CIVIS sont accompagns par un

    rfrent. Il vise lever les obstacles lembauche, et dvelopper ou restaurer lautonomie des

    16 Rcupr du site : http://www.mltoulouse.org/accompagnement-des-parcours.html

  • 45

    jeunes dans la conduite de leur parcours dinsertion. Il peut comprendre des mesures

    dorientation, de qualification ou dacquisition dexpriences professionnelles. Cest un contrat

    dfini entre le jeune et son conseiller, mentionnant les engagements de chacun des signataires,

    les actions destines la ralisation du projet dinsertion professionnelle, ainsi que son

    engagement dy participer. Il prcise la nature et la priodicit des contacts entre le jeune et son

    conseiller de la Mission locale. Les jeunes peuvent contractualiser un CIVIS sils sont sans

    diplme, ou avec une qualification, mais infrieure ou quivalente au bac gnral,

    technologique ou professionnel, infrieure Bac + 2 (non valid) ou de niveau 2 et +, inscrits

    en tant que demandeur demploi depuis plus de douze mois au cours des dix-huit derniers mois.

    Le jeune bnficie : 1) dun accompagnement personnalis et rgulier par un rfrent unique de

    la Mission locale ; 2) du rgime gnral de protection sociale de la Scurit Sociale, et de la

    possibilit, sil a plus de 18 ans, dun soutien de ltat sous la forme dune allocation, et cela

    durant les priodes o il na aucune rmunration (emploi, formation) ou allocation. Cest le

    conseiller de la Mission locale qui dclenche le versement et propose le montant de lallocation

    en fonction des difficults, mais galement en fonction de la rpartition des enveloppes

    budgtaires de ltat ;3) dactions spcifiques adaptes la situation : accs au logement,

    modules daccompagnement professionnel, scurisation des parcours

    3) L'Accord National Interprofessionnel (ANI) Jeunes dcrocheurs , conclu le 7 avril 2011

    est prolong tous les ans car ses bnficiaires ont des taux dinsertion plus levs que les jeunes

    suivis dans le cadre dautres dispositifs comparables. Pour en bnficier, il faut tre inscrit

    depuis peu en Mission locale, Ple emploi ou lAssociation pour lemploi des cadres (APEC)

    et navoir jamais bnfici dun dispositif daccompagnement, les sans-diplme y sont

    majoritaires. Ce programme d'accompagnement acclr propose un suivi intensif pour accder

    en douze mois maximum de lemploi ou de la formation. Ds la signature dun contrat de

    travail de plus de six mois ou, dune formation qualifiante, ou dun retour en formation initiale,

    le conseiller assure le suivi pendant les 6 mois suivant le dbut de la formation ou du contrat,

    ce qui contribue ses bons rsultats. Cependant il existe une forte disparit entre rgions et

    entre prescripteurs. Les Missions locales regrettent notamment lempilement des dispositifs et

    la redondance de lANI jeunes avec dautres formes daccompagnement renforc, telles le

    CIVIS.

    Nous pouvons observer la multiplicit de loffre daccompagnement pendant la priode

    dinsertion, nous verrons ses limites dans la troisime partie de notre recherche. Par contre il

  • 46

    semble intressant de constater lobligation des Missions locales de travailler avec Ple emploi

    et inversement, ce qui est une des conditions de la russite des dispositifs mis en uvre pour

    les publics en difficult dinsertion, l encore, nous laborderons dans les troisime et la

    quatrime partie de notre travail. Nous pouvons ajouter que laccompagnement (familial,

    ducatif ou de conseil) est llment cl de la russite de laccs lautonomie pendant les

    phases de transition que sont, la jeunesse (passage du monde adolescent au monde adulte) et les

    priodes entre deux emplois (passage par le chmage et/ou la formation), etc. Ne pas offrir

    daccompagnement quand cela est ncessaire, consiste abandonner sur