7
Université de Nantes Master 2 Histoire des sciences et des techniques UEC 3 – Histoire des techniques Introduction Qu’est-ce que l’histoire des techniques ? Tentatives de définition. Eléments sur l’histoire de la génération des animaux Cours de Jean-Louis Kerouanton L'histoire des techniques proposée ici consiste en une discussion sur l'ensemble de la question des rapports de l'homme à son environnement par le biais des développements techniques au cours du temps long de l'histoire européenne et internationale. Il s’agira de distinguer les traits caractéristiques d’une histoire matérielle, tout en l’associant aux analyses de l’économique, du social et de la pensée culturelle et scientifique. Les rapports complexes entre science et technique seront ainsi régulièrement abordés sur l’ensemble des périodes historiques étudiées, ce qui permettra d’analyser et de différencier les notions de « technique », de « technologie » mises en relation avec « l’innovation » et/ou « l’invention ». La question du fait industriel, de la révolution industrielle à la remise en cause contemporaine des modèles qui en sont issus sera évoquée. Dans cette perspective, une attention particulière sera portée à l'apparition des technologies de l'information et à la question des mutations récentes, replacées dans la perspective historique. Le cours s'appuiera sur un certain nombre d'études de cas. Il sera ainsi fait appel aux notions générales de l’histoire des techniques mais également à l’actualité de la recherche en histoire des techniques au Centre François Viète L’Histoire Le cours partira, rapidement, de la préhistoire pour arriver sur des questionnements qui porteront malgré tout plus sur l’époque moderne et l’époque contemporaine. Il faut avoir un questionnement sur : 1. Qu’est ce que l’histoire ? 2. Comment va-t-on aborder cette histoire ? 3. Comment peut on avoir un questionnement sur l’histoire des techniques ? Il est peut-être tout d’abord nécessaire de rappeler les principaux découpages qui permettent un premier repérage dans le temps. En tant qu’enseignant-chercheur, j’ai coutume de dire que je suis un « contemporainiste », puisque je travaille de manière privilégiée sur le XXe siècle C’est quoi un contemporainiste ? Pour les historiens, l’histoire contemporaine commence en 1789. On se situe ainsi sur l’échelle globale du temps : Antiquité – Moyen Age – Histoire contemporaine. Il faut bien entendu se méfier des dates trop précises. Si les dates charnières sont 1492 et 1789, il est peut-être plus sage de dire que l’époque moderne va de la Renaissance à la Révolution française. L’histoire C’est une discipline scientifique qui s’attache au temps. Il s’agit donc de quelque chose de très précis. Ce temps là, c’est aussi le temps de quelqu’un. Il n’y a pas d’histoire, s’il n’y a pas quelqu’un.

Université de Nantes Master 2 Histoire des sciences et des ... · Université de Nantes Master 2 Histoire des sciences et des techniques UEC 3 – Histoire des techniques Introduction

  • Upload
    lyphuc

  • View
    217

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Université de Nantes

Master 2 Histoire des sciences et des techniques

UEC 3 – Histoire des techniques

Introduction Qu’est-ce que l’histoire des techniques ? Tentatives de définition.

Eléments sur l’histoire de la génération des animaux

Cours de Jean-Louis Kerouanton L'histoire des techniques proposée ici consiste en une discussion sur l'ensemble de la question des rapports de l'homme à son environnement par le biais des développements techniques au cours du temps long de l'histoire européenne et internationale. Il s’agira de distinguer les traits caractéristiques d’une histoire matérielle, tout en l’associant aux analyses de l’économique, du social et de la pensée culturelle et scientifique. Les rapports complexes entre science et technique seront ainsi régulièrement abordés sur l’ensemble des périodes historiques étudiées, ce qui permettra d’analyser et de différencier les notions de « technique », de « technologie » mises en relation avec « l’innovation » et/ou « l’invention ». La question du fait industriel, de la révolution industrielle à la remise en cause contemporaine des modèles qui en sont issus sera évoquée. Dans cette perspective, une attention particulière sera portée à l'apparition des technologies de l'information et à la question des mutations récentes, replacées dans la perspective historique. Le cours s'appuiera sur un certain nombre d'études de cas. Il sera ainsi fait appel aux notions générales de l’histoire des techniques mais également à l’actualité de la recherche en histoire des techniques au Centre François Viète L’Histoire Le cours partira, rapidement, de la préhistoire pour arriver sur des questionnements qui porteront malgré tout plus sur l’époque moderne et l’époque contemporaine. Il faut avoir un questionnement sur :

1. Qu’est ce que l’histoire ? 2. Comment va-t-on aborder cette histoire ? 3. Comment peut on avoir un questionnement sur l’histoire des techniques ?

Il est peut-être tout d’abord nécessaire de rappeler les principaux découpages qui permettent un premier repérage dans le temps. En tant qu’enseignant-chercheur, j’ai coutume de dire que je suis un « contemporainiste », puisque je travaille de manière privilégiée sur le XXe siècle C’est quoi un contemporainiste ? Pour les historiens, l’histoire contemporaine commence en 1789. On se situe ainsi sur l’échelle globale du temps : Antiquité – Moyen Age – Histoire contemporaine. Il faut bien entendu se méfier des dates trop précises. Si les dates charnières sont 1492 et 1789, il est peut-être plus sage de dire que l’époque moderne va de la Renaissance à la Révolution française. L’histoire C’est une discipline scientifique qui s’attache au temps. Il s’agit donc de quelque chose de très précis. Ce temps là, c’est aussi le temps de quelqu’un. Il n’y a pas d’histoire, s’il n’y a pas quelqu’un.

2

- Quand on parle de « Pré-histoire », il s’agirait en fait d’un « système » où l’humanité ne serait pas capable de se raconter. Quand on arrive sur les « âges historiques » on commence à aborder cette question des hommes qui sont capables de se raconter. - La protohistoire : à l’âge du bronze, on se situe dans le début de pouvoir raconter quelque chose car on a suffisamment d’éléments, aujourd’hui, d’une société qui est en train de se faire. Dans ce cours on va aborder des domaines qui sont des phénomènes techniques, on va aussi aborder des phénomènes scientifiques. Ce qui sera intéressant, sera de se poser la question par exemple pour la vapeur : « La vapeur à été produite PARCE QUE… (Ca va servir à quelque chose). Ce sont des notions importantes à se poser dès le départ. On va être confronté à cette idée que NOUS FAISONS L’HISTOIRE et que décrivant cette histoire là on parle d’HISTOIRE HUMAINE où qu’elle soit. On est donc dans un processus qui considère 1 objet ; cet objet est dans 1 contexte,n de temps et d’espace. On parlera de temps en temps d’objet de manière théorique, ce qui nous permettra de poser la question de ce qu’est la technique par rapport au champ disciplinaire très large qui s’appelle l’histoire. L’histoire des sciences, l’histoire des techniques se ramènent à des actions humaines. C’est le propre de l’histoire. Avec l’histoire on est dans un système :

• De problématisation • De méthode • D’analyse • De conclusion.

Nous allons donc faire des sciences. « Qu’est ce que l’histoire ? » L’histoire c’est le temps mais aussi le temps dans son espace passé ou dans son espace en construction.

• L’historien travaille sur 1 défilement chronologique (défilement du temps). • On va rendre compte que ce défilement du temps va être dans un système à n

dimensions (3 dimensions physiques, espace mental, religieux, etc.). La notion de défilement, de mouvement : Ce mouvement, il va falloir essayer d’en faire l’analyse. Le moyen privilégié de l’analyse historique est la PERIODISATION. On va étudier un phénomène, on va le décrire et on va dire : « à un moment il se passe ça…. » et puis ensuite « ça s’arrête ». La périodisation est bien souvent la marque et l’analyse des changements, des ruptures, voires de révolutions.

• Le Moyen-Age : 1 période. • L’age moderne : 1 période. (1492 – 1989)

Au sein de ces périodes larges, on analysera des phénomènes techniques plus ou moins courts : Par exemple, on va avoir :

o L’age de la machine à vapeur o La révolution industrielle o L’age du nucléaire o L’ère du transistor.

Ces dates seront plus ou moins compliquer à trouver. Par exemple, l’âge du transistor en 1948. Mais on peut se poser la question : » est ce que l’âge du transistor est fini ? » On pourrait dire que oui puisqu’il est remplacé par la puce.

Donc on va trouver des dates

3

« Mais est ce que c’est vrai ? ». A chaque fois on se posera ces questions. Est-ce qu’il y a eu une révolution industrielle en France ? Certaines analyses nous autorisent à dire que la révolution industrielle en France n’a pas du tout la même configuration qu’en Angleterre. En France, il n’y aurait pas eu les mêmes « accidents », les mêmes ruptures qu’en Angleterre. En ce sens, le concept de « révolution » industrielle ne peut pas être analysé de la même manière de chaque côté de la Manche. On voit apparaître une complexité des choses avec ce fil du temps qui passe. => je parlerais dans les séances qui viennent de défilement du temps mais en prenant garde d’indiquer que nous ne sommes PAS DANS UNE LINEARITE ABSOLUE. Nous sommes pourtant bien dans une linéarité du temps, c'est-à-dire que les secondes passent les unes après les autres. Mais la complexité des situations humaines, géographiques, sociales, fait qu’il ne se passe pas la même chose au même moment partout. On n’est pas dans un rapport mécanique partout au même moment. Ce monde là n’est pas homogène, il est complexe et du coup cette question de linéarité de l’histoire est quelque chose qu’il faut questionner tout le temps. Pour prendre un exemple : l’heure légale en France est imposée en 1891. Cela fait à peine 100 cent ans que toute al France vit légalement (et techniquement du coup à la même heure). Historique des techniques La technique, les techniques ? C’est quoi la science ? Le geste et le savoir-faire dans le processus, la manipulation qui sont d’ordre technique(s) ne relèvent pas du tout de la question de la science en tant qu’interprétation d’un phénomène, d’une théorisation et d’application par le calcul. Ce n’est pas la science qui a précédé la technique. Le premier fabricant de boomerang n’est à l’évidence pas un aérodynamicien. La modélisation de la trajectoire de l’objet appellerait des notions de calcul qui lui sont tout à fait étrangères. Et pourtant, cet objet là revient à son point de départ. Mais on voit aussi qu’il ne revient pas sans la dextérité du lanceur lui-même, qui met en place tout son savoir-faire pour arriver à la bonne réception de l’objet, dès son lancer. Il y a donc ici une logique de production technique à plusieurs entrées, entre usage et savoir-faire

- dans la production elle-même de l’objet, sa bonne réalisation - dans son utilisation ensuite, qui est un échec sans une manipulation correcte

L’idée que la science précède la technique est une idée qui, en France tout au moins, se forge au XIXe siècle, à un moment où les « grandes écoles » doivent trouver leur légitimité dans le système de formation académique des ingénieurs. C’est la formation en « sciences dures » qui a permis cette stabilisation, légitimant ainsi un discours plus général sur le primat de la science sur la technique. Les discours contemporains sur l’innovation technologique parlent ainsi régulièrement de ce rôle de l’application des sciences. Aujourd’hui, par exemple, la recherche appliquée permet de faire de la recherche pour avoir des applications pratiques. Auparavant, les distinctions sont différentes. On peut dire de manière générale que la science et la technique, si elles se distinguent à partir de la Renaissance, ne rentrent pas dans une logique hiérarchisée mais plus simplement dans une double logique d’approche du Monde : la science serait ce qui permet de connaître le Monde, la technique ce qui permettrait de la « fabriquer », d’intervenir sur lui. Quelques Définitions repères, tirées du dictionnaire TECHNIQUE :

• Qui a trait à la pratique, au savoir dans une activité, dans une discipline. • Relatif au fonctionnement d’une machine. • Qui concerne les applications scientifiques.

4

Etymologie grecque du mot technique : fabriquer, construire, produire => idée d’objets. DECOUVERTE – INVENTION

• On parle de découverte scientifique. • On parle de brevet d’invention.

DECOUVERTE : action de trouver ce qui était inconnu, ignoré ou caché. INVENTION : action d’inventer, de créer quelque chose de nouveau. La culture technique Présentation de quelques exemples : Le Petit LU Si on dessine un ensemble de demi-cercles juxtaposés et disposés ensuite de manière orthogonale, reliés par une ellipse tronquée, le public reconnaît en général, à peine passé l’angle, que ce n’est pas de la géométrie mais bien un « Petit-Beurre » qui est représenté… bien que ce pourrait être tout autre chose

5

A partir de la simple reconnaissance d’une forme, Il s’agit bien de culture. Ce qui fait appel à un apprentissage personnel et à la mémoire, mais également à des souvenirs partagés, en particulier le goût du biscuit, faisant appel à une notion de plaisir Problématique d’identification du produit. On est dans des enjeux économiques et industriels :

• Identification réelle • Enjeux de propriété • « Véritable » petit beurre…

Le petit beurre est inscrit dans le temps. Le mot « LU » a une forme particulière qui est typique du desing de la fin du 19° siècle. La Paille d’or C’est un objet qui a un nom C’est un objet qui a une forme particulière (parallélépipède rectangle étroit et fin) 2 formes différentes pour un même fabricant : 1ière date : 1888 pour le petit beurre 2ième date : 1905 pour la paille d’or Ce sont 2 gâteaux particuliers, 2 gâteaux qui n’ont pas la même forme, pas le même goût, pas la même consistance, ni la même saveur. 2 objets très différents l’un de l’autre 2 types de consommation différents. 2 types de fabrication différents avec une logique de production différente. Le RIVET Le rivet permet d’assembler des pièces métalliques entre elles. Sur le petit beurre on est dans un objet fini, pour le rivet on est sur un projet de mise en œuvre (1 objet secondaire ou intermédiaire au produit fini). Il fait appel à :

• Comment s’est fait ? • Pourquoi s’est fait ?

Date de dépôt du brevet en tant qu’objet d’invention

Dans un processus technique

6

• Avec qui s’est fait ? On se pose la question « Qu’est ce que l’on fait avec cet objet ? » Hypothèse :

On fait la tour Eiffel On fait des bateaux.

On peut étudier le rivet de 2 manières soit INTERNALISTE soit EXTERNALISTE. INTERNALISTE : par ex. pour le métal on dira que c’est du métal corrodé, c’est du métal qui a été travaillé de tel façon, donc je vais en faire l’analyse physico-chimique. Je vais voir la composition du fer, je vais étudier le degré d’oxydation, je vais voir comment il a été mis en forme (probablement par forgeage) et je vais étudier comment il a été forgé. Ici je reste « dans mon monde » de fabricant de rivets. Ce rivet sert à assembler des tôles, je parle de ce que l’on fait avec et je suis donc dans ma technologie. EXTERNALISTE : ici je suis totalement extérieur de la fabrication de l’objet. Je parle de l’objet qui est 1 objet technique mais je ne m’intéresse pas à la façon dont il a été fabriqué. Par contre, j’en tire des conséquences sur les enjeux économiques, culturels, etc. Nous ce que l’on va essayer de faire, c’est d’être au milieu et d’essayer d’alterner, de compléter entre à la fois l’approche internaliste c'est-à-dire savoir effectivement comment ça marche, comment ça a été produit, mais aussi l’approche externaliste : pourquoi, dans quelle intention et dans quel cadre et quelles sont les conséquences que ça a. On parlera plus dans ce cas d’une approche contextualiste de l’objet sans ignorer la question de la technicité de l’objet (au sens de l’élaboration de l’objet). La notion de système technique SYSTEME TECHNIQUE : les approches de l’objet industriel chez YVES DEFORGE (Technologie et génétique de l’objet industriel, 1985)

On est pas au même endroit à la même époque

7

On en arrive bien évidemment pour conclure à la notion de système technique, dans lequel s’inscrit cette question de l’histoire des techniques. A la suite de Simondon, Yves Deforge a indiqué les pistes de cette analyse systémique. SI l’on peut parler de ce système technique de l’objet, il faut bien entendu le considérer dans toute sa complexité dans une logique globale. A l’échelle des sociétés, c’est l’importance fondamentale de l’analyse de Bertrand Gille dans son Histoire des techniques qui établit les grands systèmes de fonctionnement de production et des échanges, au regard de la technique au niveau des civilisations, ce sera l’objet du cours suivant. Petite bibliographie introductive Histoire des techniques DAUMAS, Histoire générale des techniques, PARIS : PUF, 5 vol, 1962-1978, réédition, 1996. GILLE, Bertrand, Histoire des techniques, Technique et civilisation, technique et sciences, Paris : Gallimard, 1978, Encyclopédie de la Pléiade DEFORGE, Yves, Technologie et génétique de l’objet industriel, Paris, Maloine, 1985 JACOMY, Bruno, Une Histoire des techniques, Paris : Points Seuil, 1990 WORONOFF, Denis, Histoire industrielle de la France, du XVIe siècle à nos jours, Paris, Seuil, 1994 [deux chapitres au choix] JACOMY, Bruno, L’âge du Plip, Chroniques de l’innovation technique, Paris, Seuil, 2002 (avec un chapitre important sur le rivetage) Bibliographie complète du Centre D’Histoire des techniques du CNAM http://cdhte.cnam.fr/jsp/fiche_pagelibre.jsp?STNAV=&RUBNAV=&CODE=59718740&LANGUE=0&RH=Liens4 Un exemple de sources imprimées mise en ligne http://cnum.cnam.fr/ Le lien essentiel vers les Instruments de recherche et bases de données des Archives nationales http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/rech.htm