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0 UNIVERSITE Lille II - Droit et santé Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales LES TELESCOPAGES ENTRE LES PROCEDURES DE REDRESSEMENT ET DE LIQUIDATION JUDICIAIRES ET DE SURENDETTEMENT DES PARTICULIERS : L’EXEMPLE D’EPOUX COMMUNS EN BIENS MEMOIRE de DEA de DROIT PRIVE Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean-Jacques TAISNE Présenté par Frank BARAT ANNEE UNIVERSITAIRE 2001/2002

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UNIVERSITE Lille II - Droit et santéFaculté des sciences juridiques, politiques et sociales

LES TELESCOPAGES ENTRE LES PROCEDURES DE

REDRESSEMENT ET DE LIQUIDATION JUDICIAIRES ET

DE SURENDETTEMENT DES PARTICULIERS :

L’EXEMPLE D’EPOUX COMMUNS EN BIENS

MEMOIRE de DEA de DROIT PRIVE

Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean-Jacques TAISNE

Présenté par Frank BARAT

ANNEE UNIVERSITAIRE 2001/2002

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SOMMAIRE

Première partie : L’existence d’une procédure collective à l’égard d’un époux exclut sonconjoint du bénéfice d’une procédure de surendettement ...........................................25

I- L’exclusion fondée sur le comportement du conjoint surendetté ..................................26

A- L’exclusion de la procédure de surendettement de l’époux surendetté co-exploitant..27

Les critères de la co-exploitation du conjoint....................................................................27

2) Les limites légales à la co-exploitation .........................................................................30

B- L’exclusion de la procédure de surendettement fondée sur la confusion des patrimoines desépoux .................................................................................................................................35

II- L’exclusion fondée sur les dettes du débiteur surendetté ............................................46

A- L’exclusion des dettes professionnelles du débiteur surendetté ...................................46

L’appréciation de l’état de surendettement du débiteur commun en biens. ......................46

2) La notion de dette professionnelle................................................................................50

B- l’exclusion des dettes du débiteur surendetté incorporées dans la procédure collective deson conjoint........................................................................................................................55

1) Le fondement de la solution : l’effet réel de la procédure collective ............................55

2) La portée de la solution incertaine.................................................................................61

Seconde partie : L’ouverture d’une procédure collective à l’égard d’un époux contrariele déroulement de la procédure de surendettement dont bénéficie son conjoint .......65

I- La primauté accordée à la procédure collective .............................................................65

A- L’incorporation des biens communs au sein de chaque procédure ..............................65

1) L’incorporation des biens communs dans la procédure collective................................65

2) La prise en considération des biens communs dans la procédure de surendettement desparticuliers .........................................................................................................................71

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B- L’inopposabilité de la procédure de surendettement des particuliers aux organes de laprocédure collective ..........................................................................................................76

1) L’inopposabilité aux organes de la procédure collective de la suspension des saisiesimmobilières ......................................................................................................................76

2) L’inopposabilité aux organes de la procédure collective des mesures adoptées dans laprocédure de surendettement .............................................................................................79

II- La nécessité d’un traitement coordonné des difficultés financières des époux ............85

A- La coordination entre la procédure collective d’un époux et la procédure de surendettementde son conjoint ..................................................................................................................86

1) L’information des organes des procédures....................................................................86

2) La coopération entre les organes des procédures ..........................................................90

B- La soumission des époux à une procédure unique........................................................92

1) La situation en droit comparé et dans les départements d’Alsace et de Moselle ..........92

2) La soumission du patrimoine du conjoint du professionnel à la procédure de redressementou de liquidation judiciaire de son époux ..........................................................................97

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N° 1.- En 1989, on évaluait à environ 200 000 le nombre de ménages surendettés1. Ce chiffre aété très largement sous-estimé. En données cumulées, les commissions de surendettement onteu à traiter, entre 1990 et 1997, plus de 619 000 demandes2. En 2001, 137 994 dossiers ont étédéposés. Entre janvier et avril 2002, 49 072 demandes de plan conventionnel de redressementont déjà été formulées3. Face à l’ampleur du phénomène, la lutte contre le surendettement desparticuliers est présentée comme une préoccupation majeure du nouveau gouvernement4.Parallèlement, les petites entreprises, qui relèvent des procédures de redressement et deliquidation judiciaires, sont les premières victimes des dépôts de bilan5. Les petits commerceset ateliers d’artisans résistent de moins en moins aux nouvelles lois du marché. Ainsil’espérance de vie moyenne de ces entreprises individuelles ne dépasse pas 7 ans6. Or le droitfrançais retient un système dualiste de traitement des difficultés financières des agentséconomiques. Les commerçants, les artisans, les agriculteurs et les personnes morales de droitprivé sont soumis aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires prévues par leCode de commerce alors que les particuliers bénéficient d’une procédure autonome, etexclusive, régie par le Code de la consommation, dite de traitement des situations desurendettement. La probabilité est très donc forte que des époux demandent simultanément àbénéficier, pour l’un, chef d’entreprise, d’une procédure de redressement ou de liquidationjudiciaire, pour l’autre, simple particulier, d’une procédure de traitement des situations desurendettement. A cet égard, il convient de rappeler, qu’en 1996, 77 % des demandes desurendettement provenaient de personnes mariées7.Derrière la froideur de ces chiffres, se cachent de véritables enjeux tant sociologiques,qu’économiques ou juridiques. Il est indéniable, notamment lorsque les époux sont mariéssous le régime légal de la communauté, que les difficultés financières de l’un des conjoints serépercutent sur l’autre et qu’en conséquence chacun des époux va demander à bénéficier de laprocédure mise à sa disposition pour tenter de faire face à ses dettes. On ne sauraitméconnaître dans ce cas l’influence des règles du droit des régimes matrimoniaux. Danscertaines hypothèses, les créanciers pourront poursuivre l’un ou l’autre des conjoints. De plus,certains biens, communs ou indivis, vont appartenir « collectivement » aux époux. De fait, lesdeux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire et de surendettement des

1 Rapport LERON (R.) sur l’application de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, p. 72.2 Bulletin de la Banque de France, n° 51, mars 1998, p. 87.3 La Tribune, 13 juin 2002.4 La Tribune, 13 juin 2002.5 Le Figaro économique, 18 janvier 2002.6 Problèmes économiques, n° 2 700 du 14 février 2001.7 Rapport HYEST (J.J.) et LORIDANT (P.), Surendettement, prévenir et guérir, p. 22.

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particuliers, ouvertes contre chacun des conjoints, vont concerner les mêmes dettes et lesmêmes biens. Va donc se dévoiler un terrain propice aux télescopages entre ces procédures.

N° 2.- Sur un plan historique, la distinction entre procédures applicables aux commerçants etaux non commerçants est récente. Jusqu’à l’époque révolutionnaire, les procédures de failliteétaient applicables à tous les débiteurs, commerçants et particuliers, quelle que soit l’originede leurs dettes8. Ainsi, en droit romain, les procédures de venditio bonorum et de cessiobonorum étaient ouvertes à tous les débiteurs, commerçants ou non9. Selon le même ordred’idée, la faillite italienne, même si elle était organisée spécialement dans l’intérêt ducommerce, n’était pas réservée aux commerçants10. Inspiré de ces deux mécanismes, le droitde l’ancienne France, coutumier comme écrit, reprenait cette idée d’universalité de la faillite.De même encore, l’ordonnance de 1673 avait institué une procédure de faillite applicable àtous les débiteurs même non commerçants. Le contentieux de la faillite relevait alors desjuridictions ordinaires et non des juridictions consulaires. Le droit intermédiaire allait toutefoisrevenir sur cette idée en inscrivant en droit français la distinction entre débiteur civil etdébiteur commerçant. La procédure de faillite était ainsi désormais réservée aux commerçants.Une compétence exclusive pour connaître de ces procédures était reconnue aux juridictionsconsulaires. Le Code de commerce de 1807 a repris ce principe. A compter de cette époque, lafaillite devient une institution propre au droit commercial. Elle ne s’applique qu’aux débiteurscommerçants en état de cessation des paiements. Depuis, le champ d’application du droit desentreprises en difficulté a été étendu aux artisans, aux agriculteurs et à toutes les personnesmorales de droit privé, même non commerçantes. Restent toutefois exclus, les professionnelslibéraux exerçant à titre individuel11 et surtout les particuliers.

N° 3.- A partir du XVIIIe siècle, et pendant près de deux siècles, il n’a donc existé aucundispositif propre aux particuliers. Le Code civil ne connaissait que la déconfiture définiecomme l’état d’un débiteur non commerçant qui se trouve par l’accumulation de dettes, horsd’état de payer ce qu’il doit12. Celle-ci n’était toutefois pas réglementée par la loi, le caractèreessentiel de la déconfiture étant son inorganisation13. Seules quelques dispositions ponctuellesdu Code civil prévoyaient les conséquences de cette situation de fait, sur la déchéance duterme, la délégation, les contrats de vente, de prêt, de mandat, de société et le cautionnement14.La constatation de l’état de confiture n’entraînait ainsi ni effet collectif envers les créanciers, 8 RENAUT (M.H.), La déconfiture du commerçant, du débiteur sanctionné au créancier victime, RTD com.2000-3, p. 533 ; DEMARS SION (V.), Contribution à l’histoire de la faillite (…), Rev. Hist. Droit 1997, p. 33 9 Cf. pour des exemples de causes « de surendettement »des particuliers à Rome, CORIAT (J.P.), La dette, lefailli et le créancier, le droit romain face à l’endettement, in L’apurement des dettes, solutions au surendettement,étude du CREDA, p. 27.10 RENAUT (M.H.), loc. cit.11 Le document préparatoire à la réforme du droit des entreprises en difficulté mis en circulation par les servicesdu Garde des sceaux le 12 octobre 2000 propose d’étendre aux professions libérales les procédures deredressement et de liquidation judiciaires.12 VALLENS (J.L.), La loi sur le surendettement des particuliers, ALD 1990, comm. lég., p. 87.13 SOINNE (B.), Traité des procédures collectives, n° 441.14 Art. 1188, 1276, 1613, 1860, 1913, 2003 et 2032 du Code civil.

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ni dessaisissement du débiteur, ni arrêt des poursuites15. Seul l’article 1244 du Code civilpermettait, de façon exceptionnelle, au juge d’accorder des délais de grâce à tous les débiteursen difficulté, sans considération de leur qualité de professionnel16. Toutefois, à partir de laseconde moitié du XXe siècle, cette absence de procédure de traitement de l’endettement desparticuliers allait devenir intolérable.

N° 4.- Les années 1980 devaient en effet être confrontées à l’apparition d’un nouveauphénomène de « surendettement » des particuliers appelant une réforme législatived’ampleur17. Cette période fut notamment marquée par le contrecoup du développementinconsidéré de la consommation et du crédit de masse. La période des Trente Glorieuses vitainsi le développement de nouvelles habitudes de consommation dite de consommation demasse. D’un point de vue strictement économique, cette consommation de masse s’estcaractérisée par la demande de plus en plus forte de produits ou de services. Ce phénomène aété de plus fortement encouragé par les pouvoirs publics qui ont vu dans la consommation desménages un des moteurs de la croissance économique18. Or pour pouvoir satisfaire ce nouveau« besoin » de consommation, le crédit, présenté comme une forme d’épargne a posteriori,s’est révélée comme la panacée19. Jusqu’alors banni de la gestion du bon de père de famille, lecrédit est apparu pour certains comme le seul moyen de s’intégrer dans la nouvelle société deconsommation20. Parallèlement, le crédit a été désencadré. Le crédit n’est plus dispenséuniquement par les établissements bancaires. De nouveaux professionnels du crédit se sontinstallés sur le marché. Par exemple, tous les grands distributeurs se sont dotés de structuresfinancières satellites destinées à faciliter l’accès aux produits et services qu’ilscommercialisent. Ces nouveaux professionnels, moins regardant sur les capacités deremboursement des emprunteurs ont mis en œuvre des politiques commerciales et publicitairesagressives. Notamment, les produits offerts par ces nouveaux professionnels du crédit ont étéde plus en plus nombreux et variés, tels que les ventes à tempérament, les locations avecoption d’achat, les découverts en compte, les crédits renouvelables ou revolving. De fait, il estdésormais extrêmement tentant et surtout désespérément facile pour tout consommateurd’obtenir un crédit. Partant, la plupart des ménages ont contractés, à côté d’un empruntimmobilier, un ou plusieurs crédits à la consommation. En période de forte inflation, ce modede consommation se révélait très avantageux pour le consommateur, car l’augmentation dessalaires et des prix permettait de diminuer sensiblement le coût du crédit. Mais parallèlement àce phénomène d’endettement croissant des ménages est apparu, à partir de cette époque, unnouveau phénomène économique de désinflation. Cette réduction de l’inflation n’a pluspermis d’éroder le coût des crédits souscrits massivement par les particuliers. Ce

15 KERCKHOVE (E.), Procédures collectives de paiement, n° 42.16 Art. 1244 du Code civil ; sur cet article et ses modifications successives cf. GJIDARA (S.), L’endettement et ledroit privé, n° 231.17 KHAYAT (D.), Le droit du surendettement des particuliers, p. 9.18 LOBEZ (F.), Surendettement et famille : les dimensions économiques du droit, Dr. et patrimoine février 2001,p. 38.19 LAGARDE (X.), L’endettement des particuliers, n° 11 et les références citées.20 Terme emprunté au sociologue J. BAUDRILLARD.

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développement inconsidéré du crédit conjugué avec un phénomène de désinflation a faitapparaître le surendettement.

N° 5.- Devant cette urgence sociale et sous l’impulsion de la Secrétaire d’Etat à laConsommation de l’époque, Mme Neiertz, a été institué un régime spécifique de traitement del’endettement des particuliers, à travers la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, dite loiNeiertz, relative à la prévention des difficultés liées au surendettement des particuliers et desfamilles. L’objectif de cette loi, codifiée dans le Code de la consommation par la loi n°93-949du 26 juillet 1993, était de permettre aux particuliers d’obtenir une planification de leursremboursements. La loi Neiertz avait ainsi mis en place deux procédures autonomes, lerèglement amiable et le redressement judiciaire civil. Dans un premier temps, la situation desurendettement du débiteur était soumise à l’examen d’une commission administrative chargéede concilier les parties en vue d’élaborer, dans le cadre d’un règlement amiable, un planconventionnel de règlement des dettes du débiteur. A défaut d’accord des intéressés sur unplan conventionnel de règlement, à l’occasion d’un litige ou d’une procédure d’exécution, lejuge d’instance pouvait être saisi d’une procédure de redressement judiciaire civil notammentpar le débiteur ou l’un de ses créanciers. Ce juge était alors compétent pour imposer des délaisde paiement voir dans certaines hypothèses marginales des remises de dettes.

N° 6.- Cette procédure allait cependant être victime de son succès. La multiplication dunombre de demandes de redressement judiciaire civil a en effet créé un engorgement destribunaux d’instance. Face à cette difficulté, afin de décharger les juridictions et de privilégierla recherche de solutions amiables, la loi n° 95-125 du 8 février 1995 a modifié le régime de laprocédure de surendettement des particuliers. Cette loi a institué une procédure unique sedéroulant essentiellement devant la commission de surendettement. Désormais, la requête dudébiteur peut uniquement être présentée à la commission de surendettement. Celle-ci, aprèsavoir dressé l’état d’endettement du demandeur, est comme précédemment chargée deconcilier le débiteur et ses créanciers en vue de l’élaboration d’un plan conventionnel deredressement. Toutefois, désormais, en cas d’échec de sa mission de conciliation, lacommission, et non plus le juge, peut, à la demande du débiteur, recommander une ou desmesures visées à l’article L 331-7 du Code de la Consommation. Sauf contestation, ce n’estqu’à ce moment que le juge est saisi afin de vérifier la régularité de ces mesures et de leurdonner force exécutoire. Hormis cette hypothèse, l’intervention du juge a donc été limitée àconnaître des recours contre les décisions de la commission, notamment en matière derecevabilité de la demande, ainsi que pour procéder à la vérification des créances et ordonner,le cas échéant, la suspension des procédures d’exécution contre le débiteur.

N° 7.- Un profond changement de nature des causes du surendettement allait rendre nécessaireune nouvelle modification de cette procédure. On a en effet constaté que les situations desurendettement étaient de plus en plus liées à des événements sociaux indépendants de lavolonté des débiteurs et non plus à un défaut de maîtrise de l’endettement. Jusqu’alors seulavait été envisagé un surendettement actif dû à une mauvaise gestion des ressources marquéenotamment par la multiplication des crédits. A cette situation, la crise du début des années

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1990 est venue greffer un surendettement dit passif consécutif à une insuffisance structurellede ressources voire à une absence totale de ressources. Ce nouveau surendettement passif estsouvent déclenché par l’apparition d’événements extérieurs qui affectent gravement lacapacité de remboursement des débiteurs comme le chômage, la séparation ou plusgénéralement tout ce que l’on appelle les accidents de la vie. L’expérience montre aussi que cesurendettement passif peut résulter de l’ouverture d’une procédure collective contre le conjointdu débiteur ou contre la société qu’il dirige, notamment en cas d’engagement de caution desdettes de cette société, ou lorsque les époux se sont engagés solidairement au paiement desdettes nées de l’exploitation de l’entreprise. Cette nouvelle forme de surendettement apparaîtainsi comme une première étape vers l’exclusion et la marginalisation du débiteur incapablede faire face à ses dettes. Or alors que la procédure mise en place par la réforme de 1995 avaitprivilégié la recherche d’accords amiables, cette nouvelle forme de surendettement, du fait del’insuffisance chronique des ressources des nouveaux surendettés, rendait impossiblel’adoption d’un plan de remboursement viable.La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a donc réformé ence sens le droit du surendettement des particuliers. Si la structure de la procédure reste lamême, à savoir saisine préalable, à la seule initiative du débiteur, de la commission en vued’une conciliation, puis possibilité pour cette dernière de prendre des recommandations,rendues exécutoires par le tribunal d’instance, cette loi a été dans le sens d’un élargissementdes facilités accordées au débiteur. Notamment, parmi les nombreuses modifications de fondet de forme21, elle a institué, en cas d’insolvabilité du débiteur caractérisée par l’absence deressources ou de biens saisissables de nature à permettre l’apurement de tout ou partie desdettes, la possibilité pour la commission de recommander, selon les modalités prévues àl’article L 331-7-1 du Code de la consommation, un effacement total ou partiel des dettesautres qu’alimentaires ou fiscales.

N° 8.- Aujourd’hui la procédure de traitement des situations de surendettement est ouverte auxdébiteurs de bonne foi, qui ne relèvent pas des procédures de redressement et de liquidationjudiciaires prévues par le Code de commerce, mais qui sont dans l’impossibilité manifeste defaire face à l’ensemble de leurs dettes non professionnelles exigibles et à échoir. Le débiteurqui se trouve dans une situation de surendettement a donc la possibilité de saisir lacommission départementale de surendettement des particuliers du lieu de son domicile d’unedemande d’élaboration d’un plan conventionnel. L’initiative de cette procédure appartienttoutefois au seul débiteur. Il n’est notamment pas possible pour un créancier de saisir lacommission de surendettement. Cette commission est une autorité administrative22 présidéepar le Préfet du département. Elle comprend, outre ce représentant de l’Etat, le trésorier payeurgénéral, le directeur des services fiscaux, ou leurs délégués ainsi qu’un représentant local de la

21 Pour une analyse complète des modifications apportées à la procédure par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998,cf. SINAY CYTERMANN (A.), La réforme du surendettement (…), JCP 1999, éd. N, I, 106 ; CHATAIN (P.L.)et FERRIERE (F.), Le nouveau régime de traitement du surendettement (…), D. 1999, chron., p. 287 ; PAISANT(G.), Le traitement du surendettement : l’économie générale de la réforme, Petites affiches 21 mai 1999, p. 38.22 CE, 18 juin 1997, D. 1997, IR, p. 170.

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Banque de France, un représentant de l’association française des établissements de crédit et unreprésentant des associations familiales ou de consommateurs. Une fois saisie, la commissiondoit dresser l’état d’endettement du débiteur. A ce titre, elle peut faire publier dans un journald’annonces légales un appel aux créanciers d’avoir à lui déclarer leurs créances. Son rôle estde concilier les parties en vue de l’élaboration d’un plan conventionnel de redressementapprouvé par le débiteur et ses principaux créanciers. Ce plan peut prévoir des mesures dereport ou de rééchelonnement des paiements, de réduction ou de suppression de taux d’intérêtou de consolidation, de création ou de substitution de garantie. Afin de faciliter la conclusiond’un tel plan, la commission peut saisir le juge de l’exécution aux fins de suspension desprocédures d’exécution contre le débiteur portant sur les dettes autres qu’alimentaires. En casd’échec de sa mission de conciliation, la commission peut, à la demande du débiteur,recommander des mesures afin de permettre un redressement de sa situation financière. Ellepeut ainsi recommander le report ou le rééchelonnement de la dette pour une durée ne pouvantexcéder huit ans. Elle peut encore imputer d’abord les paiements sur le capital ou prescrire queles sommes dues porteront intérêts à un taux réduit fixé par elle. Elle peut enfin, en cas devente forcée du logement principal du débiteur, réduire le montant des emprunts restant dusaux établissements de crédit ayant financé son acquisition. Lorsque la situation du débiteur estvéritablement obérée, c’est-à-dire lorsque l’absence de ressources ou de biens saisissables rendinapplicables les mesures précitées, elle peut, après avoir constaté l’insolvabilité du débiteur,recommander la suspension de l’exigibilité des créances autres qu’alimentaires et fiscales.Cette mesure ne peut excéder trois ans. Si à l’issue de cette période, le débiteur demeureinsolvable, elle peut recommander l’effacement total ou partiel des créances. En tout état decause, quelles que soient les mesures recommandées, le débiteur ne peut se voir privé « d’unreste à vivre » qui ne peut être inférieur à un montant égal au revenu minimum d’insertion. Adéfaut de contestation, les mesures recommandées par la commission sont transmises au jugede l’exécution qui leur confère force exécutoire après avoir vérifié leur régularité. Ces mesuressont alors opposables à tous les créanciers dont l’existence aura été révélée à la commission.

N° 9.- Lors de l’élaboration de chacune de ces réformes, la question de l’extension auxparticuliers des procédures de redressement et de liquidation judiciaires applicables auxentreprises en difficulté a été évoquée. Cette extension avait notamment été souhaitée, avecquelques aménagements, notamment quant aux sanctions pouvant être prononcées contre ledébiteur, par les représentants des associations de consommateurs. Lors de l’examen du projetde loi qui allait devenir la loi du Neiertz, plusieurs amendements avaient été présentés visant àinstituer une procédure de redressement judiciaire civil destinée à permettre l’apurement dupassif des personnes physiques23 . Cette proposition est encore réapparue lors de l’élaborationde la loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Cette extension des procédures deredressement et de liquidation judiciaires aux particuliers a toutefois été invariablementrejetée. Le législateur a donc délibérément opéré un choix en faveur d’une procédure originalede traitement de l’endettement des particuliers. Cette procédure se déroule pour l’essentieldevant une commission administrative indépendante, composée de représentants de l’Etat, de 23 KERCKHOVE (E.), op. cit., n° 42.

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la Banque de France et du monde associatif. Il ne s’agit donc pas d’une procédure judiciaire,contrairement aux procédures applicables aux entreprises24. De plus, dans le cadre de laprocédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, la présence duMinistère public n’est pas obligatoire, alors que l’évolution du droit des entreprises endifficulté tend à imposer cette présence, notamment depuis la loi n° 94-475 du 10 juin 199425.Mais la distinction entre les procédures de traitement du surendettement des particuliers et lesprocédures applicables aux entreprises en difficulté ne s’arrête pas là. Les deux procédures sedistinguent nettement en ce sens que les procédures de redressement et de liquidationjudiciaires sont des procédures collectives, ce que n’est pas la procédure de traitement dessituations de surendettement des particuliers. En outre, les difficultés justifiant leur ouverturerespective sont différentes.

N° 10.- Les procédures de redressement et de liquidation judiciaires et de traitement dessituations de surendettement des particuliers se distinguent quant aux facteurs justifiant leurouverture26. En cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, il s’agit de lacessation des paiements, c’est-à-dire de l’impossibilité pour le débiteur de faire face à sonpassif exigible avec son actif disponible27. Au contraire, la situation de surendettement sedéfinit comme l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face àl’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir28. Dans le cadre de laprocédure de surendettement, doit être pris en considération non seulement le passif exigibleou échu mais encore les dettes à échoir. Un débiteur peut donc être surendetté, avant mêmed’avoir des arriérés de paiement29. Notamment, il a été jugé que doivent être pris en comptepour apprécier la situation de surendettement, les échéances à venir des emprunts en cours30 .Le surendettement doit ainsi être constaté dès que les difficultés sont prévisibles, alors mêmequ’elles ne sont pas encore effectives. En conséquence, une personne peut être surendettéealors même qu’elle n’est pas à proprement parler en état de cessation des paiements, parexemple parce qu’elle peut encore ponctuellement faire face aux échéances passées ouprésentes31. L’ouverture d’une procédure de surendettement peut donc intervenir plus tôt quel’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

N° 11.- La procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers n’est pasde plus une procédure collective32. Si la loi Neiertz de 1989 avait qualifié, en son article 10, la

24 BAZIN (E.), L’emprunteur défaillant est-il traité de la même manière qu’une entreprise en difficulté, Rev.Huissiers 1996, p. 641.25 KERCKHOVE (E.), op. cit., n°43.26 SORTAIS (J.P.), Faillite et surendettement : quelques éléments pour une comparaison, Mélanges HONORAT(A.), p. 227.27 Article L 621-1 du Code de commerce.28 Article L 331-2 du Code de la consommation.29 KHAYAT (D.), op. cit., p. 41.30 Cass. 1ere Civ., 13 janvier 1993, Bull. civ., I, n° 18.31 PAISANT (G.), La loi du 31 décembre 1989 relative au surendettement des ménages, JCP 1990, I, 3457.32 Contra KHAYAT (D.), op. cit., p. 154-155.

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procédure de redressement judiciaire civil de procédure collective, ce qualificatif a disparuavec la réforme du 8 février 1995. On a parlé d’« embryon de procédure collective33 » ou de« vraie fausse procédure collective34 ». En effet, c’est la reconnaissance et l’organisation del’intérêt collectif des créanciers considéré comme un intérêt spécifique et reconnu pour lui-même qui fait qu’une procédure est collective35. Les procédures de redressement et deliquidation judiciaires organisées par le Code de commerce sont ainsi des procédurescollectives. Dans le cadre de ces procédures, les intérêts individuels des créanciers sontabsorbés par l’intérêt collectif qui a désormais son propre représentant. Par exemple, lejugement d’ouverture arrête, de plein droit, les poursuites individuelles36. La seule voiepossible pour les créanciers de faire valoir leurs droits dans la procédure est la déclaration deleurs créances à la procédure sous peine d’extinction de celles-ci37. Surtout, durant toutes lesétapes de la procédure, le juge doit faire respecter le principe d’égalité des créanciersconsidéré comme un principe d’ordre public38. En contrepartie de ces contraintes pour lescréanciers, et afin notamment de préserver leur gage, la procédure collective conduit à unesaisie collective des biens du débiteur qui est en principe désormais dessaisi, au profit desorganes de la procédure collective, des droits et actions concernant son patrimoine39. Aucun deses éléments ne se rencontre dans le cadre de la procédure de traitement des situations desurendettement des particuliers. Il n’existe aucun groupement des créanciers, ni a fortiori dereprésentant de celui-ci40. De plus, il n’y a ni véritable procédure de déclaration et devérification des créances, ni arrêt de plein droit des poursuites. Il n’y a pas non plusd’appréhension collective du patrimoine du débiteur.Il n’existe pas d’abord de procédure de déclaration et de vérification des créances équivalenteà celle retenue en matière de redressement ou de liquidation judiciaire41. Certes, selon lesdispositions de l’article L 331-3 du Code de consommation, la commission peut faire publier,dans un journal d’annonces légales, un appel aux créanciers et indiquer un délai dans lequel ilsdoivent lui déclarer leurs créances. Toutefois, cette procédure n’est destinée qu’à permettre àla commission d’apprécier l’état d’endettement du demandeur à la procédure. Il ne s’agit deplus que d’une faculté pour la commission. Surtout, la déclaration de créances faite par lecréancier à la commission n’est pas une demande en justice. Il n’est prévu ni inopposabilité, niextinction de la créance non déclarée. Simplement, les mesures recommandées par lacommission conformément aux articles L 331-7 et L 331-7-1 du Code de la consommation 33 PAISANT (G.), obs. sur CA Metz, 20 décembre 1990, RTD com. 1992, p. 237. 34 SOINNE (B.), « Surendettement »et « faillite » : unité ou dualité des régimes, Petites affiches 22 décembre1997, p. 4.35 CAYROL (N.), Une analogie entre le surendettement et les procédures collectives, Petites affiches 30 avril2002, p. 18.36 Art. L 621-40 du Code de commerce.37 Art. L 621-46 du Code de commerce.38 Cass. 1ére. Civ., 4 février 1992, D. 1992, jurisp., p. 181, note CAS.39 Dessaisissement total en situation de liquidation judiciaire : Article L 622-9 du Code de commerce ;dessaisissement à géométrie variable pendant la période d’observation : article L 621-22 du Code de commerce.40 SOINNE (B.), loc. cit.41 TAORMINA (G.), La vérification des créances dans la procédure de l’état de surendettement, Dr. etpatrimoine, janvier 1995, p. 51.

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seront opposables aux créanciers qui n’auront pas déclaré leurs créances dès lors qu’un appelaux créanciers aura été publié. De même, s’il est prévu une procédure de vérification de lavalidité des créances, celle-ci n’a rien de comparable avec la procédure des articles L 621-102et suivants du Code de commerce. Le débiteur qui conteste l’état du passif dressé par lacommission peut, en effet, demander à la commission de saisir le juge de l’exécution aux finsde vérification de la validité des titres de créance et du montant des sommes réclamées. Lejuge de l’exécution statue alors sur le caractère liquide et certain de la créance ainsi que sur lemontant des sommes réclamées par une décision insusceptible d’appel42. Néanmoins, selonl’article R 331-12 du Code de la consommation, la vérification de la validité et du montant dela créance est opérée pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission depoursuivre sa mission. La créance dont la validité n’est pas reconnue n’est qu’écartée de laprocédure. Cette procédure de vérification des créances n’a donc qu’un effet relatif43. Selon laCour de cassation, la décision du juge de l’exécution ne s’impose pas aux juges du fond, quele créancier ou le débiteur peuvent saisir pour voir fixer la créance dans son principe ou sonmontant44.De même encore, l’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettementdes particuliers n’emporte pas, de plein droit, arrêt des poursuites individuelles contre ledébiteur45. Il est simplement prévu que la commission, ou en cas d’urgence le débiteur,peuvent saisir le juge de l’exécution aux fins de suspension des procédures d’exécutiondiligentées contre le débiteur et portant sur les dettes autres qu’alimentaires46. Surtout, alorsque le principe d’égalité des créanciers est de l’essence même des procédures collectives etpartant des procédures de redressement et de liquidation judiciaire, ni la commission, ni lejuge de l’exécution, qui doivent prendre les mesures propres à assurer le redressementfinancier du débiteur, ne sont tenus d’assurer une égalité de traitement entre les créanciers47.La commission peut donc par exemple imposer des délais de paiement différents à deuxcréanciers dont les créances ont la même nature ou la même cause. Enfin, la procédure desurendettement des particuliers n’entraîne pas de saisie collective des biens du débiteur. Il n’ya pas de dessaisissement du débiteur surendetté. Si celui-ci ne peut accomplir pendant laprocédure d’actes qui aggraveraient son endettement ou d’actes de disposition de sonpatrimoine, ces actes ne sont pas frappés de nullité ou d’inopposabilité à la procédure.Simplement, le débiteur qui aura accompli de tels actes sera déchu de la procédure en cours48.Aucune des caractéristiques des procédures collectives ne se rencontre donc dans le cadre dela procédure de surendettement. Cette vision est partagée par la Cour de cassation qui a eul’occasion de préciser que les effets de la procédure de surendettement « sont du même ordre

42 Article R 331-13 du Code de la consommation.43 BAZIN (E.), loc. cit. ; CHATAIN (P.L.) et FERRIERE ( F.), Rép. pr. civ. Dalloz, V° Surendettement desparticuliers, n° 139 ;44 Cass. avis, 9 octobre 1992, Bull. civ., Avis, n° 5.45 Cass. 2eme Civ., 22 mars 2001, Bull. civ., II, n° 60 ; RTD com. 2001-2, p. 782, obs. PAISANT.46 Article L 331-5 du Code de la consommation.47 Cass. 1ere Civ., 5 avril 1993, Bull. civ., I, n° 142 ; 15 juillet 1993, Rev. Proc. Coll. 1994-3, p. 362, n° 2, noteLE CORRE ; 9 juillet 1996, RJDA 2/97, n° 286.48 Article L 333-2 du Code de la consommation

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que ceux d’une procédure collective49 ». La procédure de traitement des situations desurendettement des particuliers n’est donc pas, pour la Cour de cassation, une procédurecollective.

N° 12.- Cette différence de régime juridique entre les procédures applicables aux entreprisesen difficulté et aux particuliers en situation de surendettement s’explique par la différence desfinalités de chacune des procédures50. Cette différence a été exprimée à l’occasion d’uneréponse ministérielle du Secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce età l’artisanat en date du 17 août 1998. Selon le Secrétaire d’Etat, « Les entreprises, parvocation, doivent faire l’objet d’un traitement économique et social de leur endettement quipermette de préserver l’emploi et, à défaut, de dédommager équitablement les créanciers. Lesparticuliers doivent bénéficier de mesures visant à éviter l’aggravation des processusd’exclusion qu’engendre le surendettement51 ».Les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ont pour objectif de permettre lasauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif52.L’entreprise est au cœur de ce dispositif législatif, ce qui n’exclut pas que le juge doive veillerà l’apurement du passif, par exemple à travers la consultation des créanciers sur le projet deplan de continuation. La procédure de traitement des situations de surendettement desparticuliers n’est pas au contraire une procédure d’apurement du passif. Notamment il est jugéqu’aucune disposition n’exige que la situation d’endettement du débiteur soit apurée au termedes mesures de report ou de rééchelonnement que la commission peut prononcer53. De même,le surendettement n’a pas de finalité liquidative. La commission ne peut ainsi imposer la ventedes biens du débiteur54. La procédure de surendettement est destinée à alléger la chargefinancière du débiteur surendetté, afin d’éviter la dégradation de sa situation55. La Cour decassation parle parfois de « redressement de la situation financière du débiteur56 ». Laprocédure de surendettement ne prend ainsi en aucune manière compte de l’intérêt descréanciers. C’est ce qui justifie d’une part que la commission n’est pas tenue d’assurerl’égalité entre les créanciers et surtout qu’elle puisse prononcer l’effacement de la dette, enl’absence de toute idée de sanction du créancier, en cas d’insolvabilité du débiteur sur lefondement de l’article L 331-7-1 du Code de la consommation, voire en l’absence de texte

49 Cass. 1ere Civ., 10 juillet 2001, Bull. civ., I, n° 210 ; Petites affiches 30 avril 2002, p. 18, note CAYROL ;Rev. Proc. Coll. 2002-2, p. 85, n° 1, obs. BOUTEILLER ; RTD com. 2001-4, p. 985, obs. PAISANT ; D. Affaires2001, p. 2412, note RONDEY ; Cass. 1ere Civ., 20 décembre 2001, Gaz. Pal. 21-23 juillet 2002, note JOBARD-BACHELLIER.50 KERCKHOVE (E.) et LE CORRE (P.M.), Le règlement des situations de surendettement des particuliers,Rev. proc. coll. 1990-3, p. 193.51 JO AN, QR, 17 août 1998, p. 4637.52 Article L 620-1du Code de commerce.53 Cass. 1ere Civ., 14 mai 1992, contrats, conc., consom. 1992, comm. n° 190 ; 27 janvier 1993, D. 1993, jurisp.,p. 343, note BONTHOUX ; 18 décembre 1997, inédit, pourvoi n° Z 96-04.155.54 Cass. Com., 18 mai 1994, Bull. civ., IV, n° 180.55 TOURNIER (R.), L’assistance éducative et la loi sur le surendettement des particuliers : une mêmeinterprétation, Gaz. Pal. 19-20 janvier 1996, p. 2.56 Cass. 1ere Civ., 21 mai 1996, inédit, pourvoi n° J 94 - 04.156.

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exprès en cas de vente du logement principal de ce dernier57. Comme l’a relevé le ProfesseurAncel, la procédure de surendettement des particuliers n’a été conçue que « dans un buthumanitaire », il s’agit d’aider le débiteur afin « d’éviter que l’obligation de payer sescréanciers n’aboutisse à le marginaliser58 ». La procédure de traitement des situations desurendettement des particuliers peut donc être définie comme un dispositif social destiné àlutter contre les risques de précarité et d’exclusion auxquels sont exposées les victimes dusurendettement59.

N° 13.- Mais dans la mesure où il a été opté en faveur d’une procédure autonome desurendettement des particuliers par rapport à la procédure applicable aux entreprises endifficulté, la question des champs d’application respectifs de ces procédures s’est posée avecune acuité particulière. L’idée est notamment d’éviter que des débiteurs puissent cumuler lesprocédures ou, au contraire, choisir, selon leur situation, entre la procédure la plus adéquate.Face à ces difficultés, la loi Neiertz a pris le parti de faire de la procédure de surendettementdes particuliers une procédure subsidiaire, en ce sens qu’elle n’est applicable que si le débiteurn’est pas éligible aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires instituées par leCode de commerce60. En effet, selon l’article L 333-3 du Code de la consommation, laprocédure de surendettement ne s’applique pas lorsque le débiteur relève des procéduresinstituées par la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlementamiable des difficultés des entreprises, par la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative àl’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social et par la loin° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire desentreprises. Ainsi, ne sont pas éligibles à la procédure prévue par le Code de la consommation,les débiteurs qui relèvent déjà des autres procédures de traitement de leur endettement. Enpratique, sont donc exclus de la procédure de traitement des situations de surendettement desparticuliers, les commerçants, les artisans et les agriculteurs qui relèvent tous des procédurescollectives organisées par le Code de commerce. Sont encore exclues les personnes moralesdans la mesure où l’article L 331-2 du Code de la consommation donne mission à lacommission de traiter la situation de surendettement des personnes physiques. Relèvent doncdes dispositions du Code de la consommation, outre les personnes sans profession, les salariésvoire les personnes exerçant une profession libérale si elles sont dans l’impossibilité de faireface à leurs dettes non professionnelles.Toutefois, demeurait la question de savoir si l’exclusion de l’article L 333-3 du Code de laconsommation était impérative. Notamment a été soulevée la question de savoir si uncommerçant, un artisan ou un agriculteur en situation de surendettement à raison de ses dettesnon professionnelles pouvait bénéficier de la procédure de surendettement desparticuliers, sachant que celui-ci n’est pas nécessairement dans ce cas en état de cessation des

57 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 103 ; 17 mai 1993, Bull. civ., I, n° 179 ; 4 avril 1995, Bull. civ.,I, n° 161.58 ANCEL (P.), Du redressement à la liquidation judiciaire civile, Dr. et patrimoine, octobre 1998, p. 53.59 MAZEAUD (D.), Le désendettement de l’emprunteur immobilier, Petites affiches 29 avril 1998, p. 26.60 KERCKHOVE (E.) et LE CORRE (P.M.), Loc. cit.

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paiements61. Saisie de la question, la Cour de cassation s’est prononcée an faveur d’uneinterprétation stricte de l’article L 333-3 du Code de la consommation. Selon la HauteJuridiction, ce texte pose une exclusion personnelle, prenant en compte la seule qualité dudébiteur. Ainsi, les commerçants, artisans et agriculteurs ne sont jamais éligibles à laprocédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, quelle que soit lanature des dettes impayées62. Il importe donc peu que le professionnel ne soit pas en état decessation des paiements63. Il suffit qu’en théorie le débiteur relève des procédures du Code decommerce pour être exclu de la procédure de surendettement des particuliers. De touteévidence, il n’y a pas lieu de distinguer selon que le débiteur est commerçant, artisan ouagriculteur en fait ou en droit64. La situation du débiteur au regard du droit des procédurescollectives s’apprécie néanmoins au jour où la commission statue sur la demande dudébiteur65. Ainsi, les anciens artisans et agriculteurs qui ont cessé leur activité depuis plus d’unan et les commerçants radiés depuis plus d’un an du registre du commerce et des sociétés, quine relèvent plus des procédures de redressement et de liquidation judiciaires66, sont éligibles àla procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers s’ils sont ensituation de surendettement à raison de dettes non liées à leurs anciennes activitésprofessionnelles67.

N° 14.- Néanmoins, si l’article L 333-3 du Code de la consommation exclut par principe lescommerçants, les artisans et les agriculteurs, ce texte est muet sur le sort à réserver auxconjoints de ces professionnels. Le conjoint d’un tel professionnel peut-il bénéficier de laprocédure de traitement des situations de surendettement compte tenu du fait que son épouxest nécessairement exclu de cette procédure en application de l’article L 333-3 du Code de laconsommation ? La plupart des juridictions du fond devaient apporter une réponse positive àcette question68. Cette solution est reprise par la Cour de cassation, pour laquelle le fait d’êtremarié à un commerçant, à un artisan ou un agriculteur n’est pas, à lui seul, une cause

61 DANGLEHANT (C.), La loi sur le surendettement des particuliers confrontée au principe de l’unité dupatrimoine, Rev. proc. coll. 1995-1, p. 1.62 Cass. 1ere Civ., 19 novembre 1991, Bull. civ., I, n° 322 ; 22 janvier 2002, Bull. civ., I, n° 25 ; ContraBOUTEILLER (P.), J.- Cl. Commercial, Fasc. 1710, V° Surendettement, n° 8.63 Cass. 1ere Civ., 26 mars 1996, RTD Com. 1996, p. 523, obs. PAISANT.64 En ce sens, cf. la circulaire du Ministre de l’économie et des finances en date du 24 mars 1999, n°ECOT9914008C relative à la procédure de surendettement, JO 13 avril 1999, p. 5424.65 Cass. 1ere Civ., 30 mai 1995 , Bull. civ., I, n° 230.66 Article L 621-15 du Code de commerce, a contrario.67 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992 , Bull. civ., I, n° 111 ; CA Pau, 6 juillet 1995, Cah. jurisp. Aquitaine 1996-1, p.81.68 TI Saint Etienne 12 juin 1990, Gaz. Pal. 1990 p. 456 ; TI Parthenay, 1er février 1991, contrats, conc., consom.1991, comm. n° 100 ; TI Pont-l’évêque, 4 juillet 1991, D. 92, somm. comm., p. 103, obs. CHATAIN etFERRIERE ; CA Riom, 22 janvier 1992, Gaz. Pal. 1992, p. 133 ; Rev. Proc. Coll. 1993-4, p. 509, n° 28, obs.SOINNE ; contra CA Pau, 25 juillet 1991, Cah. jurispr. Aquitaine 1992, p. 86, n° 3054 ; Rev. Proc. Coll. 1993-1,p. 36, n° 2, obs. LE CORRE.

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d’exclusion de la procédure de traitement des situations du surendettement des particuliers69. Ilest sans importance de ce point de vue que l’époux du débiteur surendetté soit soumis à uneprocédure de redressement ou de liquidation judiciaire70. La commission ne peut déclarerirrecevable la demande à bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers au seulmotif que celle-ci trouve sa cause dans la liquidation judiciaire de l’époux du débiteur71. Cettesolution ne saurait nous surprendre. L’article L 333-3 du Code de la consommation édicte uneexclusion personnelle au professionnel. En ce sens, les commerçants, les artisans et lesagriculteurs sont exclus du bénéfice de la procédure quelle que soit la nature ou l’origine deleurs dettes. Or les conjoints de ces professionnels n’ont pas eux même cette qualité.Notamment, le conjoint du commerçant n’est réputé commerçant que s’il exerce une activitéséparée de celle de son époux72. Une lecture a contrario de l’article L 333-3 du Code de laconsommation conduit donc à admettre que les conjoints des professionnels visés par ce textesont, en principe, éligibles à la procédure de traitement des situations de surendettement desparticuliers, dès lors qu’ils n’ont pas eux même la qualité de commerçant, d’artisan oud’agriculteur73.

N° 15.- Outre ce raisonnement juridique, des considérations sociales imposent cette solution.D’une part, les difficultés financières rencontrées par un époux dévoilent, si ce n’estconduisent, à ce que son conjoint connaisse lui aussi de telles difficultés. D’autre part, aucunedes deux procédures ne permet d’envisager l’ensemble des difficultés du couple.Il est tout d’abord indéniable que l’ouverture d’une procédure de redressement ou deliquidation judiciaire a des répercussions considérables sur la situation patrimoniale duconjoint du débiteur74 qui peuvent amener ce dernier à une situation de surendettement « parricochet75 ». On a pu parler pour évoquer la situation du conjoint du débiteur soumis à uneprocédure collective de « conjoint exposé76 », voire de « conjoint dépouillé77 ». Par exemple,l’entreprise du conjoint pouvait être la seule source de revenus du couple. Or la procédurecollective peut conduire à une cessation de l’activité et donc à la disparition de ses ressourceset partant à une situation de surendettement passif. De même, si les époux sont mariés sous lerégime légal de la communauté, dans le cadre d’un plan de cession ou durant la phase deliquidation judiciaire, il va être procédé à la vente des biens communs, sans que le conjoint dudébiteur puisse s’y opposer. Si le logement de la famille est un bien propre, un bien communou un bien personnel du débiteur en régime de séparation, il va pareillement être procédé à la 69 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 108 ; JCP 1992-II-21942, note PAISANT ; 22 janvier 2002,Bull. civ., I, n° 25 ; contrats, conc., consom. 2002, comm. n° 103 ; Rev. Proc. Coll. 2002-2, p. 86, n°2, obs.BOUTEILLER.70 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, inédit, pourvoi n° 91-04053 ; CA Paris, 10 septembre 1997, contrats, conc.,consom. 1998, comm. n° 83. 71 Cass. 1ere Civ., 1er février 2000, SoinneJuris 39806.72 Art. L 121-3 du Code de commerce.73 PAISANT (G.), Le redressement judiciaire civil à l’essai, JCP 1991-I-3510.74 VAUVILLE (F.), Famille et surendettement, Dr. et patrimoine Février 2001, p. 28.75 Rapport HYEST (J.J) et LORIDANT (P.), p. 36.76 PERRODET (A.), Le conjoint du débiteur en redressement judiciaire, RTD com. 1999-1, p. 1.77 LUCAS (F.X.), La protection du conjoint d’un débiteur en difficulté, Petites affiches 12 juillet 2002, p. 42.

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vente de celui-ci dans le cadre des opérations de liquidation, là encore sans que le conjointn’ait mot à dire. Selon le même ordre d’idée, suite à l’ouverture de la procédure collective, lesbiens communs seront à l’abri des poursuites. Cela signifie que si la dette est solidaire, lescréanciers vont diriger leurs poursuites sur les biens propres du conjoint du débiteur. On nepeut de plus mésestimer, quel que soit le régime matrimonial choisi, la pratique bancaire quiimpose quasi-systématiquement que le conjoint du chef d’entreprise se porte caution des dettesde son époux78. Dans ce cas, suite à l’ouverture de la procédure collective à l’encontre duprofessionnel, son conjoint va être actionné en qualité de caution. Le conjoint peut donc êtreamené à supporter le passif de l’entreprise sur son patrimoine, sans pouvoir en principebénéficier de la procédure collective et notamment de la libération des dettes résultant del’article L 622-32 du Code de commerce en cas de clôture de la procédure pour insuffisanced’actif.Réciproquement, en régime de communauté, la situation de surendettement d’un époux peutêtre révélatrice de l’état de cessation des paiements de son conjoint. Si l’on excepte toutehypothèse de mésentente ou de séparation de fait des époux, si le conjoint d’un chefd’entreprise, qui n’a comme seules ressources que celles provenant de l’entreprise, est dansl’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnellesexigibles et à échoir, cela peut signifier que les ressources de l’entreprise sont insuffisantespour permettre de régler les charges du ménage. A terme cela peut signifier que le chefd’entreprise ne peut plus faire face à son passif domestique exigible avec son actif disponible.Ce débiteur se trouvera en situation de cessation des paiements et devra donc être soumis àune procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. En effet, la cessation despaiements du professionnel s’apprécie au regard de l’ensemble de ses dettes professionnellesou domestiques. Notamment, tout créancier, même si sa créance n’est pas liée à l’activitécommerciale, artisanale ou agricole du débiteur peut assigner ce dernier en redressementjudiciaire79.

N° 16.- La nécessité d’admettre que le conjoint du professionnel puisse bénéficier d’uneprocédure de surendettement résulte encore du fait qu’aucune procédure ne permetd’envisager l’ensemble des difficultés financières rencontrées par un couple marié. Ni laprocédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, ni les procédures deredressement ou de liquidation judiciaire ne donnent une réponse aux difficultés que peutrencontrer un couple marié. Si la loi Neiertz s’était donnée ambitieusement comme titre la« prévention et le règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et desfamilles », aucune de ses dispositions ne traitait du sort du conjoint en cas de procédure desurendettement bénéficiant à un seul époux80. D’ailleurs, la réforme de 1995 a préféréabandonner toute référence au mot famille, en se contentant d’organiser une procédure de

78 Sur cette pratique et ses conséquences au regard de la situation de surendettement, cf. rapport HYEST (J.J) etLORIDANT (P.), p. 36.79 Cass. Com., 3 février 1998, Petites affiches 28 juillet 1999, note TEILLIAIS.80 Sur cette difficulté, cf. TAISNE (J.J), La loi Neiertz face au droit patrimonial de la famille, Dr. et patrimoinefévrier 2001, p. 30.

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« traitement des situations de surendettement des particuliers ». La loi de 1998 parle, de façonplus consensuelle, de ménage qui est un terme dénué de toute signification juridique. Ainsi, leCode de la consommation est muet sur la manière d’appréhender la situation desurendettement du débiteur marié. Pourtant les difficultés sont nombreuses. Par exemple, autitre des éléments d’actifs, doit-on prendre en considération les ressources de son conjoint ?De même, le passif du débiteur doit-il être évalué en tenant compte uniquement des dettes néesde son chef, ou doit-on tenir compte de l’ensemble des dettes communes en régime decommunauté ou des dettes solidaires en régime séparatiste ? Selon le même ordre d’idée lasuspension des procédures d’exécution prononcée par le juge de l’exécution profite-t-elle auconjoint du débiteur surendetté ? Quid du plan conventionnel de redressement ou des mesuresrecommandées par la commission, profitent-ils de la même manière au débiteur et à sonconjoint, peuvent-ils être opposés aux créanciers du conjoint ? Aucune disposition expressedu Code de la consommation ne permet de répondre à ces interrogations. En fait, le débiteursurendetté est considéré comme un célibataire. L’existence et la situation patrimoniale de sonéventuel conjoint ne sont jamais envisagées81.Le Code de commerce est à peine plus prolixe sur la situation du conjoint in bonis. Si unesection du livre VI de ce code est relative « aux droits du conjoint », ne sont traités, à traversquatre articles, que la revendication du conjoint82, le régime des reprises83 et le sort desavantages matrimoniaux84. Dans les deux régimes, il est donc échu à la jurisprudence dedéterminer les conséquences de l’ouverture d’une procédure collective ou de surendettementsur la situation du conjoint du débiteur. Ainsi, face aux carences tant du droit des entreprisesen difficulté que du droit du surendettement des particuliers pour répondre aux difficultésrencontrées par un couple marié, il est apparu nécessaire d’admettre que chacun des épouxpuisse bénéficier de sa propre procédure.

N° 17.- Néanmoins, l’affirmation théorique du principe d’éligibilité à la procédure desurendettement des particuliers du conjoint du professionnel exclu, s’il est parfaitement fondé,en droit comme en équité, laisse en suspens de nombreuses interrogations. De plus lacoexistence de deux procédures de natures différentes, pour chacun des époux va conduire àde nombreuses incohérences.L’affirmation de ce principe laisse tout d’abord en suspens de nombreuses incertitudes85. Unefois admis que le conjoint du professionnel exclu est éligible à la procédure de traitement dessituations de surendettement des particuliers, il reste à déterminer si celui-ci est bien ensituation de surendettement au regard de l’article L 331-2 du Code de la consommation. Or,selon ce texte, cette situation est caractérisée par l’impossibilité manifeste pour le débiteur debonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. Cetexte écarte donc les dettes qui ont un caractère professionnel. Mais lorsque l’époux du

81 PAISANT (G.), note sous Cass. 1ere civ., 31 mars 1992, JCP 1992-II-21942.82 Art. L 621-111 du Code de commerce.83 Art. L 621-112 et L 621-113 du Code de commerce.84 Art. L 621-114 du Code de commerce.85 LE CORRE (P.M.), obs. sur CA Pau, 25 juillet 1991, Rev. Proc. Coll. 1993-1, p. 36, n° 2.

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débiteur exerce une activité commerciale, artisanale ou agricole, les dettes nées de son chefauront dans la plupart des cas un caractère professionnel. Doit-il en être de même pour leconjoint surendetté, notamment si celui s’est engagé solidairement avec son époux ?Pareillement, l’engagement de caution du conjoint du professionnel, qui peut être l’uniquesource de son surendettement, a-t-il nécessairement un caractère professionnel pour lui ? Demême, une fois admis que le conjoint du professionnel peut bénéficier de la procédure detraitement des situations de surendettement, des difficultés peuvent se poser s’il apparaît quecelui-ci était tellement impliqué dans l’entreprise de son conjoint qu’il doit être qualifié decommerçant, d’artisan ou d’agriculteur de fait. Cet époux qui s’est immiscé dans la gestion del’entreprise de son conjoint doit en principe faire l’objet d’une procédure de redressement oude liquidation judiciaire. Or le fait que ce débiteur bénéficie d’une procédure de traitement dessituations de surendettement des particuliers peut-il faire obstacle à l’ouverture d’uneprocédure collective, notamment lorsque l’assignation en redressement judiciaire émane d’uncréancier ou du Ministère public. La même question se pose lorsqu’il apparaît, qu’en dehorsde toute intervention du conjoint dans la gestion de l’entreprise, les époux ont confondu leurspatrimoines. Le fait que la commission ait ouvert une procédure de traitement des situations desurendettement empêche t-il le tribunal de la procédure collective d’étendre la procédureouverte contre le débiteur a son conjoint sur le fondement de la confusion des patrimoines ?

N° 18.- La seconde difficulté liée la coexistence d’une procédure collective pour un époux etd’une procédure de surendettement des particuliers pour son conjoint résulte des incohérencesauxquelles elle peut conduire. Ces incohérences sont de deux ordres. Elles tiennent d’une partau fait qu’une même dette peut subir un traitement différent au sein de chaque procédure etd’autre part au fait que des décisions contradictoires concernant les mêmes biens vont pouvoirêtre prises concurremment.Les dettes prises en considération dans le cadre de la procédure de surendettement desparticuliers peuvent en effet avoir être incorporées dans la procédure collective ouverte contrele conjoint du débiteur surendetté, puisque cette procédure a vocation à connaître del’ensemble des dettes du débiteur en difficulté, professionnelles comme domestiques.Conformément au principe de l’unité du patrimoine, il n’existe en droit des entreprises endifficulté aucune distinction entre les dettes professionnelles et les dettes domestiques dudébiteur. Par exemple, il est possible pour un créancier d’assigner son débiteur enredressement judiciaire quelle que soit la nature de sa créance86. De même, doivent êtredéclarées à la procédure, toutes les créances, mêmes domestiques, qui ont une origineantérieure au jugement d’ouverture87. Nous verrons de plus que les créanciers personnels del’époux commun en biens du débiteur sont eux aussi assujettis à cette obligation dedéclaration88. Parallèlement, si les dettes professionnelles sont exclues de la procédure desurendettement, elles peuvent faire l’objet des mesures que peuvent consentir les créanciers ou

86 Cass. Com., 3 février 1998, Petites affiches 28 juillet 1999, note TEILLIAIS87 Cass. Com., 27 novembre 1991, D. 1992, jurisp., p. 81, note DERRIDA.88 Cf. infra n° 73.

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que peut recommander la commission89. Or les mesures consenties par les créanciers, enmatière de plan de redressement conventionnel, ou recommandées par la commission, le sonten considération de la seule situation personnelle du débiteur surendetté. De même, lesorganes de la procédure collective n’ont pas, en principe, à tenir compte de la situation duconjoint du débiteur que ce soit durant la période d’observation dans le cadre de la préparationd’un plan de redressement ou à l’occasion des opérations de liquidation judiciaire. On peutdonc aboutir à ce qu’une même dette subisse des sorts contradictoires au sein de chaqueprocédure, selon que sera envisagé la situation de l’un ou l’autre des conjoints. Par exemple,dans le cadre de la procédure collective, il pourra être arrêté un plan de continuation et desdélais de paiement pourront être imposés aux créanciers, alors que le conjoint du débiteur,codébiteur solidaire, pourra bénéficier d’un plan conventionnel de redressement marqué pardes délais de paiement différents. Un des époux pourra donc être libéré plus rapidement quel’autre de son obligation solidaire alors que par définition le terme initial était le même pourles deux90.On peut de même parfaitement envisager qu’une dette solidaire soit éteinte au profitde l’un des époux mais réaménagée au profit de son conjoint. Par exemple, le créancier pourraperdre définitivement son droit d’action contre le conjoint soumis à la procédure collective.Cette situation se rencontrera notamment lorsque le créancier n’aura pas déclaré sa créance etn’aura pas été relevé de sa forclusion91 ou lorsque la procédure aura été clôturée pourinsuffisance d’actif. Dans ces hypothèses la créance n’est pas éteinte à l’encontre du conjointcommun en biens92. Aussi cette dette, malgré son extinction pour l’époux, pourra êtreréaménagée dans le cadre de la procédure de surendettement ouverte contre son conjoint.Inversement, une dette pourra être effacée au profit d’un époux soumis à la procédure desurendettement, par exemple sur le fondement de l’article L 331-7-1 du Code de laconsommation relatif à l’insolvabilité, mais réaménagée dans le cadre de la procédure deredressement judiciaire de son conjoint.On a donc dénoncé ce double traitement du passif des époux, au motif qu’il entraîne uneinégalité de traitement entre les époux et partant une exécution simultanée impossible desmesures prises dans chacune des procédures93. En ce sens, le rapport Leron, sur l’applicationde la loi Neiertz94, a dénoncé que « le fait que puissent se dérouler parallèlement une

89Cass. 1ere Civ., 18 février 1992, contrats, conc. consom. 1992, n° 123 ; D. 1992, jurisp., p. 317, notePAISANT ; 31 mars 1992, Bull. civ., I, n°111 ; 02 décembre 1992, Bull. civ., I, n° 302 ; 1er juillet 1997, inédit,pourvoi n° V 96-04.151.90 LAFOREST TACCHINI (V.), La procédure de traitement du surendettement à l’épreuve des régimesmatrimoniaux, thèse Chambéry, n° 521.91 Art. L 621-46 du Code de commerce.92 En faveur du maintien de l’obligation solidaire du conjoint malgré l’absence de déclaration de créance : Cass.Com., 19 janvier 1993, Bull. civ., IV, n° 25 ; JCP 1993-II-22056, note PETEL ; Defrénois 1993, art. 35616, noteDERRIDA ; Defrénois 1993, article 35361-8, note SENECHAL ; Petites Affiches 7 mai 1993, p. 10, noteHONORAT et PATARIN ; RTD com. 1993, p. 377, obs. MARTIN SERF, Cass. com., 11 décembre 2001, D.2002, p. 402, obs. LIENHARD ; malgré la clôture pour insuffisance d’actif : CA Amiens, 6 avril 1999,SoinneJuris 32042 ; add. VAUVILLE (F.), Epoux communs en biens et liquidation judiciaire, Dr. et Patrimoinejuillet août 1996, p. 35.93 LAFOREST TACCHINI (V.), op. cit., n° 515 et suivants.94 Rapport LERON (R.), p. 43.

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procédure collective de surendettement et des procédures individuelles risque de conduire àdes solutions difficilement conciliables, voire à des incompatibilités, qu’il s’agisse de lareconnaissance du titre exécutoire différent dans chacune des procédures ou de l’octroi dedélais individuels de grâce d’une durée différente de celle du plan collectif deredressement…leur exécution simultanée s’avère impossible ».

N° 19.- Selon nous, l’obstacle n’est pas dirimant. L’inégalité de traitement des époux n’est paspropre à la coexistence d’une procédure de traitement du surendettement des particuliers auprofit d’un débiteur et d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire àl’encontre de son conjoint. La situation serait identique si une procédure était ouverte à l’égardd’un époux, son conjoint n’étant soumis à aucune procédure95. Par exemple, le fait qu’uncréancier n’ait pas déclaré sa créance à la procédure collective de son débiteur ne l’empêchepas d’agir contre le conjoint demeuré in bonis. Pareillement, les dispositions de l’article L622-32 du Code de commerce ne profitent pas au conjoint du débiteur. L’ouverture d’uneprocédure collective à l’encontre d’un débiteur marié conduit donc nécessairement à uneinégalité de traitement des conjoints. Le même constat peut d’ailleurs être dressé si la seuleprocédure ouverte est une procédure de traitement des situations de surendettement desparticuliers. Au surplus, il convient de souligner que lorsqu’elle est saisie d’une demandeconjointe d’époux, la commission peut ne pas répartir de façon égalitaire le paiement d’unedette solidaire entre les conjoints codébiteurs. La commission peut, dans ce cas, répartirsouverainement entre les époux la charge de la dette en considération des ressources et chargesrespectives de chacun des époux96.Enfin, même si cette solution est choquante, notamment si l’un des conjoints est plusrapidement libéré que l’autre, il n’est pas exact selon nous de dire que la coexistence de deuxprocédures différentes peut conduire sous l’angle du traitement du passif à une exécutionsimultanée des mesures impossible. N’est pas en cause ici l’existence du lien obligataire maisles modalités de paiement de la dette. Il n’y a donc pas, sous l’angle juridique, d’obstacle à ceque chaque codébiteur solidaire se voit imposer des délais de paiement différents, voire que ladette soit éteinte au profit d’un seul débiteur, alors que les autres codébiteurs restentintégralement tenus.

N° 20.- Nous nous intéresserons donc plus particulièrement à la seconde hypothèse de conflitsqui concerne les biens des époux. En effet, le recoupement entre les deux types de procédurespeut conduire à de véritables contradictions lorsque l’on s’intéresse aux sorts réservés auxactifs des débiteurs au sein de chacune des procédures. Les biens communs ou les biensindivis doivent être pris en considération au sein des deux procédures ouvertesconcurremment. Notamment, dans le cadre de la liquidation judiciaire d’un conjoint communen biens, il va être procédé à la réalisation des biens communs et à la répartition de leur prix auprofit des créanciers ayant déclaré leurs créances à la procédure. Or la commission de

95 En ce sens, même si la motivation est inexacte, CA Nancy, 6 décembre 1991, RTD com. 1992, p. 235, obs.PAISANT.96 Cass. 1ere Civ., 8 juillet 1994, RTD com. 1994-3, p. 784, obs. PAISANT.

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surendettement peut avoir recommandé l’inaliénabilité de ce bien conformément auxdispositions de l’article L 331-7 du Code de la consommation. De même, la présence de cebien et de ses éventuels revenus peut avoir été pris en considération dans le cadre d’un planconventionnel de redressement. La vente de ce bien par le liquidateur peut donc conduire àrendre l’exécution du plan impossible. Selon le même ordre d’idée, le juge de l’exécution peutavoir ordonné la suspension des procédures de saisies immobilières, alors que le jugecommissaire pourra avoir ordonné la vente d’un bien commun suivant les formes prescrites enmatière de saisie immobilière, conformément aux dispositions de l’article L 622-16 du Codede commerce. Inversement, la commission de surendettement pourra avoir recommander lavente d’un bien commun. Or, cette vente peut se heurter soit au dessaisissement frappant ledébiteur en liquidation judiciaire, soit aux dispositions d’un plan de continuation qui auraprononcé l’inaliénabilité de ce bien.

N° 21.- Au regard de ces quelques exemples, on voit que la coexistence des deux procéduresau profit de chacun des époux peut conduire à leurs neutralisations respectives, privant ainsi leconjoint surendetté de toute chance de redressement de sa situation financière mais aussil’entreprise de son époux de toute possibilité de sauvegarde, sans que parallèlement unquelconque créancier ne soit payé. Face à ces difficultés, il peut être tentant de songer à dessolutions radicales. Puisque les deux procédures ouvertes à l’encontre des conjoints sontabsolument inconciliables, l’idée serait de donner priorité à l’une des procédures et de mettrela procédure qui serait qualifiée de secondaire en sommeil jusqu’à l’issue de la procédureprincipale. Or, au motif que la procédure collective ouverte contre l’époux professionnel meten cause la sauvegarde de l’emploi et de l’entreprise, elle doit nécessairement prévaloir sur laprocédure de surendettement des particuliers strictement individualiste97. Ainsi, dès lors queles décisions prises au sein de chacune des procédures se révèlent contradictoires ouinconciliables, la primauté doit être accordée à la décision prise dans le cadre de la procédurecollective, au nom de la sauvegarde de l’emploi. Par exemple, même si dans le cadre de laprocédure de surendettement des particuliers, il a été procédé à la suspension des effets desprocédures de saisies immobilières, le mandataire liquidateur pourra procéder à la réalisationdes biens communs. En d’autres termes, au nom de l’emploi, il doit être accordé une primautéaux procédures instituées par le Code de commerce, de la même manière que le lion de lafable se voit attribuer la plus grosse part, au seul motif qu’il est le Lion.

N° 22.- En faveur de ce raisonnement, on peut citer l’exemple du droit communautaire. Lerèglement du conseil n°1346/2000 en date du 29 mai 2000 relatif aux procéduresd’insolvabilité98 accorde en effet une primauté à la procédure qu’il qualifie de principale parrapport à la ou aux procédures dites secondaires 99. Ce règlement est entré en vigueur le 31 97 LE LIVEC TOURNEUX (M.), Surendettement des particuliers et régimes matrimoniaux, JCP 1993, éd. N, p.1.98 JOCE n° L 60, 30 juin 2000 ; Rev. Proc. Coll. 2000-4, p. 141.99 Sur la question de l’articulation entre les procédures, cf. IDOT (L.), Un nouveau droit communautaire desprocédures collectives (…), JCP 2000, éd. E, p. 1648 ; MENJUCQ (M.), Ouverture, reconnaissance etcoordination des procédures d’insolvabilité dans le règlement 1346/2000, Bull. Joly 2000, p. 1109 ; LEGRAND

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mai 2002. Selon ce texte, la procédure principale est celle ouverte par la juridiction de l’Etatmembre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur. La ou lesprocédures secondaires sont celles ouvertes par une juridiction d’un Etat membre sur leterritoire duquel le débiteur possède un établissement. En principe, une procédure secondairene peut être ouverte qu’après la procédure principale. La demande d’ouverture peut alorsémaner du syndic de la procédure principale ou de toute autre personne admise par la loi del’Etat sur le territoire duquel l’ouverture est demandée. A titre exceptionnel, une procéduresecondaire peut être ouverte avant la procédure principale lorsque cette ouverture a étédemandée par un créancier dont le domicile, la résidence ou le siège se trouve dans l’Etat surlequel est situé un établissement du débiteur. La priorité accordée à la procédure principaleprend ici différentes formes. Tout d’abord, La procédure principale a vocation à englober tousles biens du débiteur quelle que soit leur localisation. La procédure secondaire voit donc seseffets limités aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de la juridiction qui a prononcéson ouverture100. De plus, la procédure secondaire ne peut en principe conduire qu’à laliquidation de ces actifs101. Ce n’est qu’à titre d’exception que l’article 34.1 envisage lapossibilité de clôturer cette procédure par un plan de redressement, un concordat ou unemesure comparable. Dans ce cas, il est notamment nécessaire d’obtenir l’accord du syndic dela procédure principale. Surtout, Le syndic de la procédure principale peut demander à mettreen suspens la procédure secondaire dans l’intérêt de la procédure principale. L’article 33 luipermet en effet de demander à la juridiction qui a ouvert la procédure secondaire de suspendretout ou partie des opérations de liquidation. Cette demande ne peut être rejetée que si elle estmanifestement sans intérêt pour les créanciers de la procédure principale. Elle peut êtreordonnée pour une durée de 3 mois, renouvelable pour des périodes de même durée102. Auregard de cet exemple tiré du droit communautaire, on pourrait envisager de geler la procédurede surendettement ouverte au bénéfice de l’époux d’un débiteur soumis à une procédure deredressement judiciaire, notamment si l’intérêt de l’entreprise le justifie.

N° 23.- Cette solution ne peut évidemment être retenue. La référence au droit communautairen’est pas fondée. Le règlement du 29 mai 2000 a vocation à régir la situation se rencontrantlorsque deux ou plusieurs procédures collectives sont ouvertes contre un même débiteur. Ladistinction entre procédure secondaire et procédure principale est en outre purementéconomique103. La procédure principale est celle du lieu où se situe le centre des intérêts dudébiteur, alors que les procédures secondaires ne concernent que les actifs de sesétablissements à l’étranger. Le conflit qui nous intéresse est lié à la coexistence de deuxprocédures, de natures différentes concernant deux débiteurs différents, mais traitant des

(M.N.), La défaillance de l’entreprise : le règlement 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, Rev.Sociétés 2001-2, p. 292, add. S’agissant de la Convention de Bruxelles du 23 novembre 1995, KERCKHOVE(E.), La Convention européenne relative aux procédures d’insolvabilité,Rev. proc. coll. 1996-3, p. 277.100 Article 3.2.101 Article 3.3.102 Article 33.103 MENJUCQ (M.), Ouverture, reconnaissance et coordination des procédures d’insolvabilité dans le règlement1346/2000, Bull. Joly 2000, p. 1109.

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mêmes dettes et des mêmes biens. Cette solution méconnaît en outre la dimension sociale dudroit du surendettement des particuliers. Ce droit, comme l’a relevé le Secrétaire d’Etat auxpetites et moyennes entreprises, au commerce et à l’artisanat dans sa réponse ministérielle endate du 17 août 1998, institue des « mesures visant à éviter l’aggravation des processusd’exclusion qu’engendre le surendettement104 ». Le droit du surendettement des particuliers apour objet d’assainir la situation financière des particuliers en difficulté afin d’éviter que ceux-ci ne sombrent dans l’exclusion. Cette utilité sociale de la procédure de surendettement desparticuliers ne peut donc être écartée du revers de la main, au seul motif qu’est en cause lasauvegarde de l’entreprise et de l’emploi. Au surplus, si les procédures de redressement et deliquidation judiciaire sont d’ordre public, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer quela loi sur le surendettement des particuliers relève elle aussi de l’ordre public économique deprotection sociale105. En conséquence, elle s’impose, comme loi de police, aux contrats soumisà une loi étrangère106.

N° 24.- Sur un plan conceptuel ou dogmatique, aucune primauté ne peut donc être accordée àl’une quelconque des procédures. Il ne s’agit pas d’arbitrer un conflit de valeurs mais unconflit entre deux règles juridiques contradictoires. Il ne s’agit donc pas de savoir s’il faut faireprévaloir l’entreprise de l’un des conjoints, et les emplois qui y sont éventuellement attachés,ou la nécessité d’éviter que l’époux du chef d’entreprise, dans l’impossibilité de régler sesdettes, ne sombre dans la précarité et à terme dans l’exclusion. Il est uniquement question desavoir, face à deux règles juridiques contradictoires mais à caractère impératif, laquelle doitrecevoir application. Aussi la réponse à cette question ne peut résulter que d’une approchestrictement juridique. Or, sous l’angle de la pure technique juridique, il apparaît qu’uneprimauté doit être accordée à la procédure collective. En effet, la procédure de traitement dusurendettement des particuliers est purement individualiste. Il s’agit, dans un but humanitaire,d’apporter une réponse à la situation de détresse sociale dans laquelle se trouve un débiteur. Lacommission, en fonction de la situation personnelle du débiteur, est chargée de prendre desmesures destinées à éviter son exclusion. Cette procédure ne s’intéresse qu’aux rapports entrele débiteur et ses créanciers. Elle n’entraîne aucune saisie collective des biens du débiteur. Ellen’a donc qu’un effet personnel. On dit qu’elle opère in personam. Au contraire, les procéduresde redressement et de liquidation judiciaires des entreprises sont des procédures collectives.Elles sont marquées par le dessaisissement du débiteur des droits et actions concernant sonpatrimoine au profit des organes de la procédure. Ces procédures emportent saisie collectivedes biens du débiteur. On dit que ces procédures ont un effet réel, qu’elle opère in rem. Ainsi,puisque la procédure de surendettement n’opère qu’in personam, cette procédure estinopposable au conjoint du débiteur surendetté et à ses créanciers. Partant, cette procédure doitêtre déclarée inopposable aux organes de la procédure collective. Au contraire, puisque laprocédure collective opère in rem, l’ensemble des biens qui appartiennent au débiteur va êtreintégré dans la procédure collective, biens communs comme biens indivis. Mieux encore, les

104 JO AN, QR, 17 août 1998, p. 4637.105 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 104.106 Cass. 1ere Civ., 10 juillet 2001, précité supra note n° 49.

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créanciers du conjoint surendetté vont devoir se soumettre, afin de faire valoir leurs droits surces biens, à la discipline collective telle qu’elle résulte des procédures de redressement et deliquidation judiciaires.

N° 25.- La différence de nature juridique entre les deux procédures justifie donc qu’il soitdonné priorité à la procédure la plus efficace, à savoir à la procédure collective107. Cettepriorité se vérifie quel que soit l’ordre chronologique suivant lequel sont ouvertes lesprocédures. Si la procédure collective a été ouverte avant la procédure de surendettement, ilapparaît que son existence peut conduire à exclure le conjoint du débiteur du bénéfice d’uneprocédure de surendettement (1ère partie). De même, si la procédure de surendettement précèdela procédure collective, l’ouverture de cette seconde procédure va contrarier le déroulement dela procédure de surendettement (2nde partie).

N° 26.- Cette primauté se révèle quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux. Laprocédure collective d’un époux imposera ses effets sur la procédure de surendettement de sonconjoint que les débiteurs soient mariés sous un régime de communauté ou sous un régime deséparation de biens. Néanmoins, les hypothèses où les époux ont choisi ou sont réputés avoirchoisi le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts étant, de loin, les plusfréquentes, seules ces dernières nous retiendrons à travers cette étude.

107 SOINNE (B.), « Surendettement » et « faillite » : unité ou dualité des régimes, Petites affiches 22 décembre1997, p. 4 ; TAISNE (J.J.), op. cit.

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PREMIERE PARTIE : L’EXISTENCE D’UNE PROCEDURE COLLECTIVE AL’EGARD D’UN EPOUX EXCLUT SON CONJOINT DU BENEFICE D’UNEPROCEDURE DE SURENDETTEMENT

N° 27.- Selon l’article L 333-3 du Code de la consommation, ne sont pas éligibles à laprocédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, les commerçants, lesagriculteurs et artisans qui relèvent des dispositions du Code de commerce relatives auxentreprises en difficulté. Cette exclusion est personnelle et ne permet pas d’exclure par làmême les conjoints de ces professionnels. La Cour de cassation, par un arrêt en date du 22janvier 2002108, est venue préciser la portée de ce principe. L’épouse d’un commerçant faisantl’objet d’une procédure de liquidation judiciaire avait déposé une demande de règlementconventionnel de ses dettes auprès de la commission de surendettement de la Dordogne. Cettecommission, comme le juge de l’exécution, devait rejeter cette demande en relevant que lesdettes présentées « regroupent pêle-mêle des dettes personnelles, professionnelles etcommerciales ». Un pourvoi avait été formé contre la décision du juge de l’exécution. Il étaitinvoqué que « l’existence de dettes professionnelles de l’un des époux, relevant du régime deloi du 25 janvier 1985 relative à la liquidation judiciaire, n’exclut pas du bénéfice durèglement conventionnel du surendettement des particuliers, l’époux en situation desurendettement au regard de ses seules dettes non professionnelles ». En conséquence, « lademande de l’épouse qui faisait valoir qu’elle était en situation de surendettement, à seuleraison du prêt consenti par la SOVAC pour l’acquisition de la maison d’habitation des époux,devait donc être examinée ». La décision du juge de l’exécution de Périgueux est cassée, aumotif que « l’exclusion prévue par l’article L 333-3 du Code de la consommation nes’applique qu’au débiteur susceptible de bénéficier de l’une des procédures collectives derèglement des dettes visées par ce texte ; qu’en statuant comme il l’a fait, sans rechercher siMme H. était elle-même commerçante ou si l’ensemble de ses dettes avaient été incorporéesdans la procédure collective de son époux, le juge de l’exécution a privé sa décision de baselégale au regard du texte précité ».La Cour de cassation rappelle donc que si le professionnel est exclu de la procédure desurendettement des particuliers, son conjoint est quant à lui éligible à cette procédure.Toutefois, par un obiter dictum, elle restreint la portée de ce principe. Si le conjoint est lui-même commerçant ou si les dettes qu’il invoque ont été incorporées dans la procédure

108 Cass. 1ere civ., 22 janvier 2002, Bull. civ., I, n° 25 ; contrats, conc., consom., 2002, comm. n° 103 ; Rev. Proc.Coll. 2002-2, p. 86, n°2, obs. BOUTEILLER.

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collective de son époux, il ne peut demander à bénéficier de la procédure de surendettementdes particuliers. La première proposition n’est pas surprenante. Si le conjoint du commerçant,de l’artisan ou de l’agriculteur, répond aussi à cette qualité, il relève des procédures visées àl’article L 333-3 du Code de la consommation. Il n’est donc pas éligible à la procédure detraitement du surendettement des particuliers. L’exclusion est ici fondée sur le comportementde ce conjoint (I). La seconde proposition est beaucoup plus inquiétante. Dés lors que lesdettes invoquées par le débiteur ont été incorporées dans la procédure collective ouverte contreson conjoint, elles ne peuvent plus servir de fondement à l’ouverture d’une procédure desurendettement des particuliers. L’exclusion est cette fois fondée sur le passif invoqué (II).

I- L’exclusion fondée sur le comportement du conjoint surendetté

N° 28.- Le conjoint qui est aussi agriculteur, artisan ou commerçant ne peut demander lebénéfice de la procédure de traitement du surendettement des particuliers. La solution estparfaitement logique. Un tel débiteur relève comme son conjoint des procédures visées àl’article L 333-3 du Code de la consommation. L’exclusion du bénéfice des dispositions duCode de la consommation est de ce seul fait justifiée. Aucune difficulté particulière ne se poselorsque le conjoint du commerçant, de l’agriculteur ou de l’artisan exerce séparément de sonépoux et en son nom propre une telle activité. La même solution prévaut si les deux épouxsont immatriculés au registre du commerce ou au répertoire des métiers, ou inscrits au registrede l’agriculture au titre d’une seule et même exploitation.En outre, du fait de la formule générale employée par le Code de la consommation, il n’y a pasà distinguer selon que le débiteur a la qualité de commerçant, d’artisan ou d’agriculteur endroit ou en fait. Ces professionnels relèvent en effet des procédures visées par l’article L 333-3du Code de la consommation qu’ils aient la qualité de commerçant, d’agriculteur ou d’artisanen droit ou en fait. Or cette qualité de commerçant, d’agriculteur ou d’artisan de fait peut êtreretenue à l’encontre du conjoint du professionnel. L’ouverture d’une procédure collective vanotamment être l’occasion de révéler au grand jour cette situation de fait. Il se peut ainsi quel’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire permette de révélerque le conjoint du débiteur soumis à cette procédure a dépassé le cadre de la simple assistancequ’il doit à son époux et a participé en fait, de manière habituelle et en toute indépendance, àla gestion de l’entreprise de son conjoint. Cette co-exploitation de l’entreprise va conduire àreconnaître la qualité de commerçant, d’agriculteur ou d’artisan de fait du conjoint qui relèvedésormais du droit des entreprises en difficulté. Ce conjoint co-exploitant sera donc exclu, dece seul chef, de la procédure de surendettement des particuliers, conformément auxdispositions de l’article L 333-3 du Code de la consommation quelle que soit la nature de sesdettes (A). Mais il faut aller au-delà et considérer, en dehors de toute situation de co-exploitation, et sans même qu’il soit besoin de qualifier le conjoint de commerçant, d’artisanou d’agriculteur, l’hypothèse dans laquelle il apparaît que les patrimoines des époux ont étéconfondus. Dans ce cas, la procédure collective ouverte contre un époux va être étendue à sonconjoint. La confusion des patrimoines des époux va aboutir à l’ouverture d’une procédure

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collective unique contre les conjoints. Ainsi l’époux qui a confondu son patrimoine avec celuide son conjoint, soumis à une procédure collective, va être soumis à cette procédure. Làencore, de ce seul chef, et conformément aux dispositions de l’article L 333-3 du Code de laconsommation, il doit être exclu de la procédure de surendettement des particuliers (B).

A- L’exclusion de la procédure de surendettement de l’époux surendetté co-exploitant

N° 29.- Pendant longtemps, la jurisprudence s’est efforcée de démontrer que les époux étaientassociés d’une société créée de fait. Si cette société, faute de personnalité morale, ne pouvaitfaire l’objet d’une procédure collective, au contraire, tous ses associés, indéfiniment etsolidairement responsables des dettes sociales, pouvaient faire l’objet d’une procédure deredressement ou de liquidation judiciaire109. La preuve de ces sociétés créées de fait entreépoux était de plus facilitée grâce à la notion d’apparence. Si en principe devaient êtredémontrés l’existence d’apports, le partage des bénéfices ou des pertes et un affectiosocietatis110, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les créanciers pouvaient secontenter d’établir la preuve d’une apparence de société créée de fait entre les époux. Ilsuffisait de démontrer que les époux s’étaient apparemment comportés en associés111.Aujourd’hui, les juges préfèrent se fonder sur la notion d’exploitation en commun del’entreprise et considèrent qu’une procédure collective peut être ouverte contre toutes lespersonnes qui exercent en commun une activité commerciale, artisanale ou agricole sans qu’ilsoit nécessaire de rechercher s’il existe entre elles une société créée de fait112. Si un épouxparticipe de façon habituelle et indépendante à la gestion de l’entreprise de son conjoint, ildevra être qualifié de commerçant, d’agriculteur ou d’artisan. A ce titre, il relèvera de l’unedes procédures visées à l’article L 333-3 du Code de la consommation. De ce seul chef, ceconjoint co-exploitant sera exclu de la procédure de surendettement des particuliers.Cependant, toute intervention de l’un des époux dans l’entreprise de son conjoint ne fait pas delui un co-exploitant relevant du droit des entreprises en difficulté. Seule la participation à lagestion de l’entreprise du conjoint, à titre de profession habituelle et en toute indépendance est 109 LEGROS (J.P.), J.- Cl. Commercial, Fasc. 2160, V° Redressement et liquidation judiciaire, qualité dudébiteur, n° 203.110 CA Rouen, 15 octobre 1992, Juris-Data : 047414 : « Il y a lieu de prononcer l’extension du redressementjudiciaire d’un époux à l’autre en cas de société créée de fait relative à l’exploitation d’un fonds de commerceappartenant à l’un. En effet, il y a apport en nature en raison de la mise à disposition d’un immeuble, sanscontrepartie à défaut de bail commercial, par l’époux associé majoritaire de la SCI ».111 Cass. Com., 13 novembre 1980, D. 1981, jurisp., p. 451, note CALAIS-AULOY : « Si l’existence effectived’une société de fait exige la réunion des trois éléments constitutifs de toute société, l’apparence d’une société defait s’apprécie globalement, indépendamment de l’existence apparente de chacun de ces éléments ».112 JEANTIN (M.) et LE CANNU (P.), Instruments de paiement, entreprises en difficulté, n° 577, RIPERT etROBLOT, Traité de droit commercial T.2, n°2850 ; LEGROS (J.P.), op. cit., n° 204 ; DAIGRE (J.J.), Le risqued’extension de la procédure collective à l’époux in bonis, Petites affiches 26 août 1998, p. 5 ; PERRODET (A.),Le conjoint du débiteur en redressement judiciaire, RTDCom. 1999-1, p. 1.

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susceptible de conduire à la qualification de co-exploitant. Les critères de la co-exploitationdoivent donc être précisément constatés (1). De plus, il existe des limites à cette co-exploitation dans la mesure où il convient de tenir compte du fait que diverses dispositionslégales peuvent justifier l’ingérence de l’un des époux dans l’activité de son conjoint (2).

1) Les critères de la co-exploitation du conjointN° 30.- La co-exploitation suppose une égalité des prérogatives et des responsabilités desépoux dans la gestion de l’entreprise. Sous cette seule réserve, la co-exploitation peut êtreretenue tant à l’égard du conjoint d’un commerçant, que du conjoint d’un artisan ou d’unagriculteur.

N° 31.- Il est aujourd’hui admis que la présomption de l’article L 121-3 du Code de commerceest une présomption simple113. Ainsi, l’époux du commerçant qui s’immisce dans le commercede son conjoint et accomplit de manière indépendante des actes de commerce à titre deprofession habituelle, sans être inscrit en tant que tel au registre du commerce et des sociétés,doit être considéré comme commerçant de fait. Il doit, en conséquence, être soumis auxdispositions du Code de commerce relatives au droit des entreprises en difficulté114. Toutefois,en pratique, de nombreux conjoints assistent leurs époux dans la gestion quotidienne du fonds.Ils passent commandes, négocient avec les fournisseurs, tiennent la comptabilité. Ils peuventmême disposer de la signature sur les comptes bancaires affectés au commerce. Cetteintervention peut notamment résulter de l’apparition des difficultés financières qui vontconduire le conjoint à intervenir dans l’entreprise justement pour mettre fin ou tenter de mettrefin à ces difficultés. On ne saurait admettre que ces conjoints soient qualifiés de commerçants,et de ce seul fait exclus de la procédure de surendettement des particuliers au seul motif qu’ilsprêtent assistance à leurs époux. La qualité de commerçant n’est donc retenue qu’à l’égard duconjoint qui accomplit des actes de commerce à titre de profession habituelle et en touteindépendance115. Une simple aide occasionnelle est insuffisante. Lorsque le conjoint ducommerçant n’est qu’un simple auxiliaire subordonné ou n’accomplit que des tâchessubalternes, telles que la réception de la clientèle ou la tenue de la comptabilité, il n’est pascommerçant. L’octroi de la qualité de commerçant et les conséquences qu’elle entraîne auregard de l’ouverture d’une procédure collective dépend donc du degré d’immixtion duconjoint intervenant dans l’entreprise. Seule une immixtion marquée par une responsabilitédirecte du conjoint, sur un pied d’égalité avec son époux, caractérise la co-exploitation dufonds. Il faut de plus que l’immixtion dans le commerce ait un caractère professionnel. L’idéede profession suppose qu’il s’agisse du seul moyen pour la personne de se procurer lesressources nécessaires à son existence116.

113 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.), Droit commercial, n°40 ; PETEL (P.), Le nouvel article 4 du code decommerce : dix ans après, Mélanges COLOMER (A.), p. 365.114 Cass. Com., 27 mai 1986, Bull. civ., IV, n°101; Cass. Com., 15 juillet 1987, Bull. civ., IV, n° 183.115 Cass. Com., 18 avril 1985, Bull. civ., IV, n° 115.116 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.), loc. cit.

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Il convient toutefois de souligner que le conjoint du commerçant non immatriculé au registredu commerce et des sociétés ne peut demander, lui-même, à être soumis à une procédure deredressement ou de liquidation judiciaire sur le fondement d’une co-exploitation117.

N° 32.- Conformément à ces principes, la qualité de co-exploitant, et par là même decommerçant, a été reconnue au conjoint qui, en plus de passer régulièrement les commandes etde recevoir les représentants, décidait du référencement des produits118 ou apparaissait surl’enseigne commerciale du fonds119 , ou à celui qui procédait à l’embauche et au licenciementdes salariés120. La co-exploitation a encore été révélée par le fait que l’époux bénéficiaire de lasignature bancaire était l’unique correspondant des partenaires financiers de l’entreprise121. Apu de même être qualifié de co-exploitant d’un fonds de commerce d’agent immobilier, leconjoint qui se faisait lui-même appeler agent immobilier et qui avait seul financé la garantiefinancière indispensable à l’exercice de cette profession122.Au contraire, la simple aide dans l’accueil de la clientèle ou la réception des factures a étéjugée insuffisante pour retenir la qualité de commerçant d’un époux123, de même quel’assistance apportée au conjoint commerçant en matière de gestion et dans la tenue de lacomptabilité124. Peu importe à cet égard que les deux conjoints aient signé conjointement ladéclaration de cessation des paiements125. Sont encore insuffisants pour caractériser la co-exploitation, l’accomplissement de tâches matérielles comme la réception des appelstéléphoniques ou l’entretien matériel du fonds126, le suivi d’un stage non rémunéré d’une desvendeuses127, ou le fait que l’un des époux soit intervenu dans une instance judiciairediligentée par son conjoint pour demander une indemnité suite à la résiliation du bailcommercial128. Ne permet pas encore de révéler la co-exploitation de l’époux, le fait que celui-ci se soit porté co-emprunteur solidaire ou ait souscrit un emprunt en son nom personnel en

117 Cass. com., 25 mars 1997, Bull. civ., IV, n° 83 ; Bull. Joly 1997, § 231, note VALLANSAN ; JCP 1997, I,4054, obs. CABRILLAC ; Defrénois 1997, art. 36745-2, obs. LE CANNU ; add. CA Chambéry, 30 janvier 1996,SoinneJuris 22105 ; CA Caen, 17 octobre 1996, SoinneJuris 37626 ; CA Douai, 28 mai 1998, Rev. proc. coll.2000-4, p. 120 ; TGI Dinan, 05 octobre 1999, Rev. proc. coll. 2000-4, p. 123, n°9, obs. DELENEUVILLE ;contra mais antérieur CA Douai, 13 mars 1997, D. 1997, jurisp., p. 433, note VOINOT ; JCP 1998, I, 111, obs.PETEL.118 Cass. Com., 24 octobre 1989, SoinneJuris 5477 ; CA Paris, 25 février 2000, SoinneJuris 38611119 CA Dijon, 02 juillet 1996, JCP 1997, IV, n°290.120 CA Rouen, 14 mai 1992, Juris-Data : 047423 ; CA Versailles, 04 décembre 1997, SoinneJuris 28783.121 Cass. Com., 16 mars 1993, SoinneJuris 11644 ; CA Angers, 06 septembre 1994, SoinneJuris 17005 ; 05septembre 1995, SoinneJuris 22683 ; CA Paris, 27 février 1996, SoinneJuris 21053 ; CA Colmar, 23 avril 1996,SoinneJuris 26194 ; CA Besançon, 14 janvier 1998, SoinneJuris 30948.122 Cass. Com., 17 juillet 2001, SoinneJuris 44654.123 Cass. Com., 18 décembre 1984, Bull. civ., IV, n°352 ; Cass. com., 18 avril 1985, Bull Civ., IV, n° 115 ; CAToulouse, 21 juin 1999, Rev. Proc. Coll. 2000-4, p. 119, n°1, obs. DELENEUVILLE.124 CA Bourges, 23 mai 2000, Juris-Data : 118762 ; CA Aix-en-Provence, 22 mai 2001, RJDA 7/02, n° 762.125 CA Orléans, 10 janvier 1996, Juris-Data : 048463126 CA Angers, 08 mars 1994, SoinneJuris 17009.127 CA Douai, 28 novembre 1996, SoinneJuris 27033.128 CA Orléans, 09 août 1994, Rev. proc. coll. 1997-2, p. 163, n°3, obs. CALENDINI.

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vue de l’acquisition du fonds exploité par son conjoint129. Le fait que le conjoint ducommerçant exerce à titre habituel une profession distincte peut encore révéler l’absence decaractère habituel ou professionnel de l’immixtion dans la gestion du commerce de l’époux130.

N° 33.- Selon le même ordre d’idée, le conjoint qui s’immisce de façon habituelle etindépendante dans l’entreprise artisanale ou agricole de son époux devra être qualifié de co-exploitant. De ce chef, il sera, selon les mêmes principes, exclu du bénéfice de la procédure desurendettement des particuliers, quelle que soit la nature de ses dettes et quand bien même ilne serait pas immatriculé au répertoire des métiers ou au registre de l’agriculture.L’artisan est celui qui, à titre de profession habituelle, effectue personnellement un travailmanuel d’exécution, sans spéculer sur le travail d’autrui. L’immixtion, dans cette hypothèse,prendra la forme de l’accomplissement à titre habituel et en toute indépendance d’un travailmanuel d’exploitation. L’agriculteur est la personne physique qui exerce une activitécorrespondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ouanimal ou constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle, ainsique les activités exercées qui sont dans le prolongement de l’activité de production ou qui ontpour support l’exploitation131. La maîtrise ou l’exploitation d’un tel cycle, à titre habituel etsur un pied d’égalité avec le conjoint, entraînera donc la reconnaissance de la qualitéd’agriculteur132. L’ensemble des solutions dégagées pour le conjoint du commerçant doitrecevoir ici application. Il a ainsi été jugé que le seul fait pour l’épouse d’un agriculteurd’aider son mari dans ses tâches agricoles, ne lui confère pas la qualité d’agricultrice133. Cetteépouse est donc bien éligible à la procédure de surendettement des particuliers du fait de sesdettes non professionnelles.Ce schéma peut toutefois être perturbé par diverses dispositions légales qui vont justifierl’intervention d’un époux dans l’entreprise de son conjoint.

2) Les limites légales à la co-exploitation

N° 34.- La loi n°82-596 du 10 juillet 1982 offre au conjoint du commerçant ou de l’artisan lechoix de se soumettre à plusieurs statuts légaux. Le choix de l’un de ces statuts va empêcher,sauf hypothèse particulière, que le conjoint se voit reconnaître la qualité de co-exploitant.Selon le même ordre d’idée, l’intervention du conjoint dans l’entreprise va être imposée parles dispositions du Code civil. Dans ce cas encore, on ne saurait relever la co-exploitation.

129 Cass. Com., 21 mai 1996, D. 1996, IR, p. 162 ; Cass. Com., 13 mai 1997, Bull. civ., IV, n°139 ; CA Angers, 28mai 1996, SoinneJuris 21716 ; CA Paris, 05 mars 1999, JCP Ent. 1999, I, 177, obs. CABRILLAC.130 A propos d’une institutrice : Cass. Com., 04 octobre 1994, D. 1995, jurisp., p. 456, note BARABE-BOUCHARD ; à propos d’un agent hospitalier : TGI Guingamp, 12 octobre 1999, Rev. Proc. Coll. 2000-4, p.121, n° 5, obs. DELENEUVILLE ; add. CA Paris, 17 décembre 1996, Juris-Data 023671 ; CA Metz, 17novembre 1998 et CA Amiens, 11 mars 1999, Rev. Proc. Coll. 2000-4, p. 121, n° 5, obs. DELENEUVILLE.131 Art. L 311-1 et L 351-8 du Code rural132 TGI Bourges, 05 mai 1994, SoinneJuris 24409 ; CA Versailles, 02 octobre 1997, SoinneJuris 27297.133 Cass. Com., 05 avril 1994, Bull. civ, IV, n°145 ; Cass. Com. 17 mars 1998, Rev. huissiers 1999, p. 357, noteTEILLIAIS.

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Ainsi, puisque l’intervention du conjoint dans l’entreprise se trouve justifiée, celui-ci sera enprincipe éligible à la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers.

N° 35.- La loi du 10 juillet 1982 s’était donnée comme objectif d’assurer au conjoint ducommerçant ou de l’artisan travaillant dans l’entreprise familiale un véritable statut. Elle aainsi consacré la validité du contrat de travail entre époux, créé le statut de collaborateurmentionné au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et facilitél’entrée de l’un des époux dans une société aux côtés de son conjoint. Le conjoint n’esttoutefois pas tenu d’opter pour l’un de ces trois statuts134. Il peut donc intervenir dansl’entreprise de son époux de façon informelle. On parle de conjoint assistant ou de conjoint« hors statut ». Ce dernier n’est toutefois qualifié de co-exploitant que s’il intervient en touteindépendance et de façon habituelle dans la gestion de l’entreprise135.

N° 36.- L’époux du professionnel peut ainsi choisir le statut de conjoint associé. Des épouxpeuvent ainsi être associés de la même société, même si leur responsabilité est indéfinie etsolidaire136. Si les époux sont associés d’une société en nom collectif ou commandités dansune société en commandite, ils sont de ce seul chef commerçants et donc l’un et l’autre exclusdu bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers. Au surplus, ces associés sontindéfiniment et solidairement tenus du passif social et relèvent donc des procédures deredressement et de liquidation judiciaires sur le fondement de l’article L 624-1 du Code decommerce137. Selon le même ordre d’idée, bien que non commerçants, les époux associésd’une société civile professionnelle, indéfiniment et solidairement responsables du passifsocial, relèvent de ces procédures138. Ils sont donc exclus de la procédure de surendettementdes particuliers.Si au contraire les époux sont associés, voire dirigeants, d’une société à risque limité commenotamment d’une SARL ou d’une SA, ils ne relèvent pas en principe des procédurescollectives visées à l’article L 333-3 du Code de la consommation139. Hormis les cas del’associé indéfiniment et solidairement responsable du passif ou les hypothèses de confusiondes patrimoines entre le dirigeant et la société ou de fictivité de celle-ci140, l’ouverture d’uneprocédure de redressement ou de liquidation judiciaire contre le dirigeant d’une personnemorale n’est possible que dans deux cas. Soit lorsque ce dirigeant a commis un des faitslimitativement énumérés à l’article L 624-5 du Code de commerce, soit lorsqu’il a été

134 RANDOUX (D.), Le conjoint du chef d’une entreprise artisanale ou commerciale, collaborateur, salarié ouassocié, JCP 1983 , I, 3103.135 cf supra n° 30 à 33.136 Article 1832 - 1 du Code civil, modifié par la loi du 23 décembre 1985.137 Selon l’article L 624-1 du Code de commerce, le jugement qui ouvre la procédure collective produit ses effetsà l’égard de toutes les personnes membres ou associés de la personne morale indéfiniment et solidairementresponsable du passif social.138 LE CORRE-BROLY (E.), Droit des entreprises en difficulté, n° 38.139 Il a notamment été jugé que le dirigeant d’une SARL ne peut demander à ce que la procédure de liquidationjudiciaire ouverte contre cette dernière lui soit étendue : CA Chambéry, 01 avril 1997, SoinneJuris 25229.140 Cf infra n° 42 et suivants.

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condamné à combler tout ou partie de l’insuffisance actif et que cette condamnation n’a pasété exécutée141. Les dirigeants et associés d’une personne morale demeurent donc éligibles à laprocédure de traitement des situations de surendettement des particuliers du fait de leurs dettesnon professionnelles, même si la société dont ils sont associés ou qu’ils dirigent est soumise àune procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Cette solution a été consacrée parla Cour de cassation selon laquelle lorsqu’un dirigeant ne fait pas l’objet d’une mesure defaillite personnelle ou d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire à titrepersonnel, il peut bénéficier d’une procédure de traitement des situations de surendettementdes particuliers, s’il se trouve dans une situation de surendettement à raison de ses dettes nonprofessionnelles142. Saisi de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de lasociété, le juge de la procédure collective ne peut toutefois pas se prononcer sur l’applicationaux dirigeants des dispositions du Code de la consommation relatives à la procédure desurendettement des particuliers143.Néanmoins, la référence à la faillite personnelle semble surprenante. Il s’agit d’une sanctionprofessionnelle sans effet patrimonial144. Le dirigeant qui est sanctionné par une mesure defaillite personnelle ne relève pas à proprement parler d’une procédure collective. Il devraitdonc être éligible à la procédure de traitement des situations de surendettement145. La solutionde la Cour de cassation est sur ce point critiquable. On notera de plus qu’il n’est fait aucuneréférence à une éventuelle condamnation au comblement de l’insuffisance d’actif de la sociétésur le fondement de l’article L 624-3 du Code de commerce. Le dirigeant d’une personnemorale condamné à combler tout ou partie de l’insuffisance d’actif de celle-ci est donc éligibleà la procédure de surendettement des particuliers. Toutefois, dans ce cas il semble qu’il failleconsidérer que cette dette a pour le dirigeant un caractère professionnel et doit donc êtreexclue de l’appréciation de sa situation146. Néanmoins, l’existence d’une procédure desurendettement ne peut faire obstacle ni au prononcé d’une condamnation en comblement del’insuffisance d’actif de la personne morale, à raison des fautes de gestion commises en qualitéde dirigeant147, ni à l’ouverture d’une procédure collective si ce dirigeant n’a pas honoré lesobligations issues d’une condamnation à combler l’insuffisance d’actif de la société qu’ildirigeait148. Dans ce cas, la situation de surendettement du dirigeant caractérisée par la saisine

141 Art. L 624-4 C. com.142 Cass. 1ere Civ., 23 mars 1994, Bull. civ., I, n°112 ; JCP 1994, éd. E, II, 634, note LECENE-MARENAUD ;07 novembre 2000, Bull. civ., I, n° 285 ; contrats, conc., consom., 2001, n° 36.143 Cass. Com., 27 octobre 1998, SoinneJuris 31594.144 SOINNE, Traité des procédures collectives, n° 2645.145 Cf sur ce point Rép. Min. Garde des Sceaux, 24 août 1998, JO AN, QR, 24 août 1998, p. 4721 : « les gérantsde société ne relèvent des procédures collectives et ne sont en conséquence exclus des procédures desurendettement que s’ils ont la qualité de commerçant ou que s’ils ont été placés à titre de sanction enredressement judiciaire par application des articles 181 et 182 de la loi du 25 janvier 1985 » .146 Il a ainsi été jugé qu’était une dette professionnelle, ne pouvant être prise en compte pour apprécier la situationde surendettement du débiter, la dette tenant en des réparations civiles du chef d’escroquerie commise par ledébiteur en qualité de membre d’un GAEC, Cass. 1ere Civ., 6 novembre 2001, inédit, pourvoi n° P 00-04.198.147 CA Paris, 08 février 2002, SoinneJuris 46262.148 CA Toulouse, 05 juillet 2001, Juris-Data 160152.

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de la commission à raison de ses dettes non professionnelles peut justifier la clémence dutribunal149.

N° 37.- L’époux de l’artisan ou du commerçant peut encore opter pour le statut de conjointsalarié. L’avantage majeur de cette solution est que ce conjoint bénéficie de tous les droitssociaux du salarié notamment le droit au régime général de la sécurité sociale, à la retraite ouaux indemnités chômage. Dans ce cas, le conjoint est réputé exercer son activité sous l’autoritéde son époux. Le choix du statut de conjoint salarié suppose l’existence d’un lien desubordination. En principe, le conjoint salarié ne saurait donc être qualifié de co-exploitant,faute d’une intervention dans l’entreprise sur un pied d’égalité avec l’époux employeur. Leconjoint salarié est donc, en principe, éligible à la procédure de traitement des situations desurendettement des particuliers150.

N° 38.- Le conjoint peut surtout opter pour le statut de conjoint collaborateur. Le collaborateurest une personne qui travaille dans une entreprise artisanale ou commerciale, de façonsubordonnée, mais sans rémunération151. Ce statut est réservé aux personnes qui n’exercentaucune autre activité professionnelle ou qu’une activité salariée à temps partiel extérieure àl’entreprise. L’octroi de ce statut est subordonné à une mention au registre du commerce et dessociétés ou au répertoire des métiers. Outre la protection sociale et l’anecdotique éligibilitéaux chambres de commerce et tribunaux consulaires, l’intérêt de ce statut réside dans laprésomption de mandat reconnue au conjoint collaborateur. Ce dernier est réputé avoir reçu duchef d’entreprise mandat d’accomplir en son nom et pour son compte les actesd’administration pour les besoins de l’entreprise152. Cette présomption de mandat dure jusqu’àla dissolution du mariage, la séparation de corps ou la séparation de biens judiciaire. Elle peutaussi prendre fin par déclaration faite devant notaire, le conjoint présent ou dûment appelé, etpubliée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Ce statut deconjoint collaborateur est de même reconnu au conjoint du chef d’une exploitation agricole.L’article L 321-5 du Code rural, modifié par la loi n° 99 - 574 du 9 juillet 1999, précise dansce cas que le conjoint collaborateur est présumé avoir reçu de l’exploitant mandat d’accomplirles actes d’administration concernant les besoins de l’exploitation153.Le conjoint collaborateur d’un commerçant, d’un artisan ou d’un agriculteur est réputé agir enqualité de mandataire de son conjoint. Lorsqu’il intervient dans l’entreprise de son époux, iln’agit pas en son nom personnel mais au nom et pour le compte de celui-ci. Du seul chef qu’ilait accompli des actes d’administration pour le besoin de l’entreprise, il ne peut être qualifié decommerçant, d’agriculteur ou d’artisan154. Il est donc en principe éligible à la procédure de

149 CA Chambéry, 17 mai 1999, SoinneJuris 37703.150 VALLENS (J.L.), La loi sur le surendettement des particuliers, ALD 1990, comm. lég., p. 87.151 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.), op. cit., n° 192.152 Art. L 121-6 du Code de commerce.153 LE GUIDEC (R.), Les apports de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole relative au statut duconjoint de l’exploitant, Rev. rur. 1999, p. 350.154 Cass. Com., 21 mai 1996, D. 1996, IR, p. 162 ; Cass. Com., 13 mai 1997, Bull. civ., IV, n°139 ; CA Rouen, 03avril 1997, Rev. Proc. Coll. 2000-4, p. 123, n°8, obs. DELENEUVILLE ; CA Paris, 05 mars 1999, JCP 1999, éd.

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traitement du surendettement des particuliers155. Le mandat reconnu au conjoint collaborateurest toutefois limité aux actes d’administration pour les besoins de l’entreprise. Sont exclus decette présomption de mandat les actes de disposition. Le conjoint collaborateur qui accomplitdes actes de disposition sortirait donc du cadre de son mandat. Si ces actes de disposition sontaccomplis de manière habituelle, il pourra même être qualifié de co-exploitant. Or, selon unepremière analyse, le conjoint collaborateur qui, par exemple, tient la caisse ou passecommande auprès d’un fournisseur, accomplit des actes de disposition, entendus comme desaliénations. Afin d’éviter cette difficulté, on a souligné que le critère de la distinction entreactes d’administration et de disposition est ici plus économique que juridique, de telle sorteque le conjoint collaborateur pourra acheter ou vendre dès lors que l’opération s’inscrit dans lecadre de la gestion normale de l’entreprise sans encourir le qualificatif de co-exploitant156.Néanmoins, toute aliénation ne s’analyse pas comme un acte de disposition. Ce qualificatifd’acte de disposition est réservé aux actes les plus graves, qui risquent d’aboutir à une perte desubstance du capital engagé, « certains actes d’aliénation de moindre gravité n’entrent pasdans la catégorie des actes de disposition, mais dans celle des actes d’administration157 ».Ainsi, le conjoint collaborateur qui accomplit des actes d’achat suivis de reventes, dans lecadre de l’entreprise de son époux, accomplit bien des actes d’administration et continue doncà bénéficier de la présomption de mandat de l’article L 121-6 du Code de commerce. De ceseul fait, il ne peut être qualifié de co-exploitant et demeure donc éligible à la procédure detraitement des situations de surendettement des particuliers du fait de ses dettes nonprofessionnelles.

N° 39.- Si le choix de ces statuts de conjoint salarié, associé ou collaborateur protège enprincipe le conjoint de toute requalification en co-exploitant158, il n’aboutit pas à créer uneprésomption irréfragable d’absence de co-exploitation. Il reste toujours possible de prouverque ce conjoint est sorti de son simple rôle de salarié ou de collaborateur pour intervenir dansla direction de l’entreprise de façon indépendante, sur un pied d’égalité avec son époux, detelle sorte qu’il pourra être soumis à l’une des procédures collectives visées à l’article L 333-3du Code de la consommation. Ainsi, la souscription d’un contrat d’assurance peut indiquerque le conjoint collaborateur du commerçant a pris une part égale à celle de son époux dans lagestion du commerce159. L’époux salarié du chef d’entreprise qui a renoncé pendant trois ans àsa rémunération, tout en utilisant la procuration dont il bénéficiait en dehors des directives deson époux, doit encore être qualifié co-exploitant160. De même, il est possible de prouver que

E, I, 177, obs. CABRILLAC ; CA Rouen, 18 janvier 2001, SoinneJuris 44233 ; CA Paris, 30 janvier 2001, Act.Proc. Coll. 2001-13, n° 169.155 COCQUEMPOT-CAULIER (N.), Le conjoint collaborateur endetté « laissé pour compte » des mesuresd’assainissement économique, JCP 2002, éd. E, p. 639.156 DERUPPE (J.), Rép. com. Dalloz, V° Conjoint de commerçant ou d’artisan, n°40.157 CORNU (G.), Droit civil, introduction, les personnes, les biens, n°128.158 GUYON (Y.), Droit des affaires T. 2, n°1098.159 Cass. Com., 15 octobre 1991, Bull. civ., IV, n° 286, JCP 1992, éd. E., I, 136, obs. PETEL ; Cass. Com., 21mai 1996, D. 1996, IR, p. 162.160 CA Paris, 25 septembre 1996, Bull. Joly 1997, p. 47, note SAINTOURENS.

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le conjoint associé s’est comporté en dirigeant de fait de la société et, à ce titre, a fait l’objetd’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à titre personnel. Cet époux nepeut bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers161.

N° 40.- Diverses dispositions du droit des régimes matrimoniaux peuvent encore justifierl’ingérence d’un époux dans l’entreprise de son conjoint notamment lorsque les époux sontmariés sous un régime de communauté. Le principe est certes celui de l’autonomieprofessionnelle des époux162. Selon l’article 1421 al. 2 du Code civil, « l’époux qui exerce uneprofession séparée a seul le pouvoir d’accomplir les actes d’administration et de dispositionnécessaires à celle-ci ». Mais il existe des limites à cette liberté de gestion reconnue à l’épouxexploitant qui vont justifier l’intervention du conjoint163. En application des articles 1422 à1425 du Code civil, le commerçant, l’artisan ou l’agriculteur doit obtenir le consentement deson conjoint commun en biens, participant ou non à l’exploitation, pour accomplir les actes lesplus graves dans la gestion du fonds ou de l’exploitation. Ainsi, même s’il ne participe pas àl’exploitation, le conjoint de l’exploitant doit donner son consentement pour aliéner, grever dedroits réels ou donner à bail le fonds commun ou encore percevoir les capitaux provenant deses actes. En conséquence, le fait que l’époux intervienne par exemple dans un acte pourdonner son consentement à la vente du fonds de commerce commun ou autoriser son conjointà percevoir les fonds ne s’immisce pas dans la gestion de ce fonds. Il ne peut de ce seul chef,être qualifié de co-exploitant164. Il demeure donc éligible à la procédure de traitement dessituations de surendettement des particuliers.

N° 41.- Lorsque la co-exploitation des époux est caractérisée, il devra être prononcé leredressement ou la liquidation judiciaire de chacun d’entre eux. Il y aura alors autant deprocédures de redressement ou de liquidation judiciaire qu’il y a de co-exploitants. La seuleconstatation de l’exploitation en commun est en effet insuffisante pour prononcer la confusiondes patrimoines des époux165. De ce fait, en cas de co-exploitation, il appartient au créancierde déclarer sa créance tant dans la procédure collective de l’époux, que dans celle distincte del’épouse166. La co-exploitation doit donc être clairement distinguée de l’hypothèse deconfusion des patrimoines. En dehors de toute intervention du conjoint dans la gestion del’entreprise, il peut en effet être prononcé entre les conjoints une confusion de leurspatrimoines, de telle sorte que la procédure collective ouverte à l’encontre d’un commerçant,d’un artisan ou d’un agriculteur sera étendue à son conjoint quand bien même celui-ci n’auraitpas la qualité exigée pour être soumis seul à cette procédure collective. Dans ce cas, aucuneprocédure de traitement du surendettement des particuliers ne pourra, en principe, être ouvertecontre l’un quelconque des conjoints. 161 CA Paris, 27 octobre 1999, Juris-Data 103909.162 COLOMER (A.), Régimes matrimoniaux, n° 516.163 MENJUCQ (M.), Le fonds de commerce dans la communauté entre époux, JCP 1996, éd. N, p. 1081.164 Cass. Com., 13 mai 1997, Bull. civ., IV, n° 139.165 Cass. Com., 27 octobre 1998, Rev. Proc. Coll. 2000-4, p. 120, n° 3, obs. DELENEUVILLE ; Cass. com., 15janvier 2000, RJDA 5/00, n°551 ; 11 juin 2002, inédit, pourvoi n° M 98-21.631.166 Cass. Com., 7 Décembre 1999, SoinneJuris 37810.

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B- L’exclusion de la procédure de surendettement fondée sur la confusion des patrimoines desépoux

N° 42.- La confusion des patrimoines est une théorie prétorienne fondée sur l’article L 621-5du Code de commerce167 qui a pour finalité d’étendre à d’autres personnes une procédurecollective ouverte à l’encontre d’un débiteur initial168. En cas de confusion de patrimoines, laprocédure collective initialement ouverte contre une première personne est étendue à laseconde, de sorte qu’il ne demeure qu’une procédure collective unique pour les deuxpersonnes169. La confusion des patrimoines va ainsi conduire soit au prononcé d’un plan deredressement unique170, soit au prononcé d’une seule procédure de liquidation judiciaire171.Cette unicité de la procédure entraîne de même unicité des organes chargés de redresser ou deliquider l’entreprise172.Il n’est pas indispensable, pour qu’une procédure collective soit étendue à une autre personnesur le fondement de la confusion des patrimoines, que celle-ci remplisse les conditions pourêtre mise elle-même en redressement ou liquidation judiciaire. Notamment, il n’est pasnécessaire de constater l’état de cessation des paiements de la personne à qui la procédurecollective est étendue173. Il n’est pas de même nécessaire de constater que la personnephysique objet de la confusion des patrimoines a la qualité de commerçant, d’artisan oud’agriculteur174. La théorie de la confusion des patrimoines va donc permettre de soumettre àune procédure de redressement ou de liquidation judiciaire le conjoint d’un commerçant, d’unagriculteur ou d’un artisan, sans qu’il soit nécessaire de relever cette qualité à son encontre175.Ainsi, suite au prononcé de la confusion des patrimoines entre les époux, ceux-ci vont êtresoumis à la même procédure collective. De ce seul fait, le conjoint du commerçant, de l’artisanou de l’agriculteur dont le patrimoine a été confondu avec le patrimoine de son époux ne peutbénéficier d’une procédure de surendettement des particuliers. Il importe peu à cet égard quece dernier ne soit pas lui-même commerçant, artisan ou agriculteur ou que ses dettes n’aientpas un caractère professionnel.

167 Selon ce texte, s’il se révèle que la procédure ouverte doit être étendue à une ou plusieurs autres personnes, letribunal initialement saisi reste compétent.168 VAILLANT (B.), Les cas de figure de confusion des patrimoines au regard des procédures collectives, D.affaires 1999, p 154.169 LE CORRE (P.M.), Le sort des créances en cas d’extension d’une procédure collective, D. 2002, chron., p.1122.170 Pour un plan de continuation unique : Cass. Com., 6 mai 1997, SoinneJuris 25616 ; pour un plan de cessionunique : Cass. Com., 17 février 1998, Bull. civ., IV, n° 75 ; Petites Affiches, 12 juin 1998, p. 22, note SOINNE.171 Cass. Com., 22 octobre 1996, RJDA 1997/02, n° 262.172 Cass. Com., 23 juin 1998, SoinneJuris 30425.173 Cass. Com., 11 octobre 1994, Bull. civ., IV, n° 286 ; Cass. com., 03 avril 2001, SoinneJuris 44755.174 JACQUEMONT (A.), J.- Cl. Commercial, Fasc. 2165, V° Redressement et liquidation judiciaire, exploitationen commun et confusion des patrimoines, n°28 ; KERCKHOVE (E.), op. cit., n°220.175 Cass. Com., 10 mai 1983, Bull. Civ., IV, n° 136 ; CA Grenoble, 06 février 1997, Rev. Proc. Coll., 2000-4, obs.DELENEUVILLE

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N° 43.- Il a toutefois été discuté en doctrine de la possibilité de prononcer la confusion despatrimoines de deux personnes physiques. Pour certains auteurs, une telle confusion ne peutêtre envisagée176. Le point de départ du raisonnement se situe dans les effets de la confusiondes patrimoines. Cette théorie part du postulat selon lequel la confusion des patrimoinesconduit à une procédure unique. Il n’y a plus qu’une seule masse active et passive. Laconfusion des patrimoines conduit donc à la disparition de l’un des deux patrimoines. Or lepatrimoine est indissolublement lié à la personne physique. Toute personne a nécessairementun patrimoine. La disparition d’un patrimoine conduit donc nécessairement à la disparitiond’une personne, ce qui est impossible s’agissant de personnes physiques177.D’autres auteurs se fondent, au contraire, sur les critères de la confusion des patrimoines pouradmettre la possibilité d’une confusion des patrimoines de deux personnes physiques. Pour cesauteurs, confusion des patrimoines et fictivité doivent être distinguées. La fictivité des sociétéscorrespondrait à l’utilisation de la personnalité juridique comme simple écran. Il s’agiraitd’une situation d’interposition destinée à camoufler l’unité véritable d’un même patrimoine. Ily aurait au contraire confusion des patrimoines en cas d’imbrication entre les postes actifs etpassifs de deux ou plusieurs patrimoines. Il s’agirait donc d’un phénomène essentiellementcomptable. La confusion des patrimoines ne concernerait donc que des patrimoines distincts etserait sans influence sur la personne des débiteurs. En conséquence, on pourrait très bienadmettre la possibilité d’une confusion de patrimoines entre deux personnes physiques178.Simplement, parce que les personnalités juridiques demeurent, on doit pouvoir admettre desprocédures collectives et donc des solutions différentes pour chaque personne179.

N° 44.- Aucune de ces deux théories n’est apparue déterminante pour la Cour de cassation quiadmet à la fois d’une part que le prononcé de la confusion des patrimoines conduit à uneunicité de la procédure et d’autre part que la confusion des patrimoines n’entraîne pas ladisparition des diverses personnes morales en cause180. Elle est donc susceptible des’appliquer à deux personnes physiques181. Selon la Cour de cassation, deux critères alternatifspermettent de révéler la confusion des patrimoines, « la confusion des comptes et l’existencede flux financiers anormaux 182 ». La confusion est ainsi prononcée lorsqu’il existe une

176 GISSEROT (F.), La confusion des patrimoines est-elle source autonome d’extension de faillite ?, RTD com,1979, p. 49 ; SOINNE (B.), Identité ou diversité des notions de fictivité et de confusion des patrimoines, PetitesAffiches, 6 décembre 1995, p. 12.177 SOINNE (B.), ibid.178 BARBIERI (J.F.), Confusion des patrimoines et fictivité des sociétés, Petites Affiches, 25 octobre 1996, p. 9 ;DERRIDA et al., Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, n° 585.179 BARBIERI (J.F.), ibid.180 Cass. Soc., 14 mars 2000, Dr. soc., 2000, com., n° 122, obs. CHAPUT.181 Cass. Com., 28 mai 1996, Bull. civ., IV, n° 147 ; Cass. Com., 15 février 2000, Bull. Joly 2000, p. 611, noteDOM ; Cass. com., 10 juillet 2001, RJDA 10/0, n° 989 ; contra CA Douai, 14 octobre 1999, Act. Proc. Coll.2000-6, n° 56.182 Cass. Com., 04 juillet 2000, Bull. civ., IV, n° 238 ; add. PEROCHON (F.) et BONHOMME (R.), Entreprisesen difficulté, n° 106 ; DELENEUVILLE (J.M.), L’extension de procédure pour confusion, fictivité ou fiction,Rev. proc. coll. 1999-2, p. 63.

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imbrication des éléments d’actif et de passif composant deux patrimoines. La Cour decassation parle parfois de « désordre généralisé des comptes183 ». La confusion despatrimoines d’une EURL et d’une SARL a ainsi été admise dans une hypothèse où les facturesde l’une étaient réglées par l’autre et les salariés de l’une mis à la disposition de l’autre184. Laconfusion des patrimoines est aussi révélée par l’existence de flux financiers anormaux entreles patrimoines. Par exemple, lorsqu’une personne confère des avantages excessifs ou sanscontrepartie à une autre personne. La confusion des patrimoines d’une SCI et d’une SARL anotamment été retenue lorsque la SCI propriétaire de l’immeuble dans lequel était exploité lefonds de commerce ne percevait aucun loyer185 ou des loyers excessivement bas186 ou aucontraire excessivement élevés187. De même encore, la confusion a été retenue dans deshypothèses où la société locataire avait assuré seule le financement de travaux réalisés dansl’immeuble propriété de la SCI188.

N° 45.- S’agissant d’époux communs en biens, l’application de ces critères ne va pas sansposer certaines difficultés189. Par exemple, que l’entreprise soit commune ou propre, sesbénéfices tomberont naturellement dans la communauté190. On ne saurait dès lors reprocher àl’un des époux de vivre des revenus de l’entreprise exploitée par son conjoint, ce qui pourraits’analyser comme des flux financiers anormaux, alors qu’en faisant ainsi il aura exercé lesdroits d’un époux commun en biens que lui reconnaît le Code civil191. En ce sens, il ne sauraity avoir confusion entre les patrimoines d’époux communs en biens au seul motif que l’épouxperçoit et consomme les fonds provenant de l’entreprise. Concernant des époux communs enbiens, la confusion des patrimoines ne peut donc être retenue que s’il est démontré que lepatrimoine propre d’un époux s’est enrichi au détriment de la communauté constituéeprincipalement par les actifs de l’entreprise du conjoint ou du patrimoine propre de l’épouxexploitant un fonds qui lui est propre. Pourrait ainsi s’analyser comme une confusion despatrimoines des époux, le fait que le fonds de commerce propre à l’un des époux soit exploitédans un immeuble propre à son conjoint sans que des loyers ne soient versés ou au contraireen contrepartie de loyers excessifs.

N° 46.- En jurisprudence, la confusion des patrimoines a été admise entre des époux séparésde biens, mais la solution peut être transposée s’agissant d’époux communs en biens, dans unehypothèse où l’entreprise de l’époux était exploitée sur un immeuble personnel de l’épouse qui 183 Cass. Com., 24 octobre 1995, D. affaires 1995, p. 203.184 Cass. Com., 04 juillet 2000, RJDA 2001, n° 36 ; Cass. Com., 03 avril 2001, RJDA 2001, n° 874.185 Cass. Com., 07 décembre 1999, RJDA 2000, n° 442 ; 15 février 2000, RJDA 2000, n° 989 ; 12 juin 2001,SoinneJuris 44344 ; 03 avril 2002, RJDA 2002, n° 654.186 Cass. Com., 02 mars 1999, SoinneJuris 33709 ; 08 mars 2002, SoinneJuris 46381.187 Cass. Com., 14 mars 2000, Petites Affiches 08 août 2000, p. 27, note GALLET.188 Cass. Com., 06 juillet 1999, RJDA 1999, n° 1097 ; Cass. Com., 19 décembre 2000, RJDA 2001, n° 306.189 DAIGRE (J.J), Le risque d’extension de la procédure collective à l’époux in bonis, Petites affiches 26 août1998, p. 5.190 COLOMER (A.), op. cit., n°183 et 612 ; LE GUIDEC (R.), J.- Cl. Fonds de commerce, Fasc. 1610, V°Régimes matrimoniaux, exploitation du fonds de commerce, n° 78 191 DAIGRE (J.J.), loc. cit.

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a profité, suite à l’arrêt de l’exploitation, des améliorations apportées au bien, sans contrepartiefinancière au profit de son conjoint192. De façon plus surprenante, des détournements deséléments du fonds de commerce commun exploité par le mari au profit de son épouse ont étéanalysés comme révélant une confusion des patrimoines des époux193.Au contraire, a été jugé insuffisant pour caractériser la confusion des patrimoines des époux, lefait que l’épouse ait utilisé le compte ouvert au nom de l’entreprise exploitée par son conjointpour régler des dépenses personnelles, dès lors que celles-ci pouvaient être identifiées etisolées194. La solution est toutefois différente si en plus l’épouse doit être qualifiée de co-exploitant. Dans ce cas, l’utilisation du compte bancaire de l’entreprise par le co-exploitantpour des dépenses personnelles peut justifier la confusion des patrimoines des époux195. Demême, le fait qu’un des conjoints ait apporté une aide non rémunérée dans la gestionadministrative de l’entreprise ne permet pas de caractériser à lui seul la confusion despatrimoines196. En outre, puisque la confusion est prononcée dans l’intérêt de l’ensemble descréanciers, seul l’administrateur judiciaire, le représentant des créanciers ou le mandataireliquidateur peuvent la demander. Un créancier agissant individuellement ne peut saisir lajuridiction d’une demande d’extension fondée sur la confusion des patrimoines197. De même,le tribunal ne peut se saisir d’office198.

N° 47.- Lorsque le conjoint du commerçant, de l’artisan ou de l’agriculteur est déjà soumis àune procédure collective, qu’il s’agisse d’une procédure indépendante ouverte à raison de laco-exploitation de l’entreprise ou de la procédure de son conjoint suite au prononcé de laconfusion des patrimoines, il est évident que plus aucune procédure de surendettement ne peutêtre ouverte à son égard. Dans ces hypothèses, il appartiendra à la commission, ou au juge del’exécution saisi d’un recours contre la décision de la commission, de rejeter la demande dudébiteur sur la seule constatation de l’existence de la procédure collective conformément auxdispositions de l’article L 333-3 du Code de la consommation qui excluent du bénéfice de laprocédure de surendettement les débiteurs qui relèvent des procédures collectives.Dans le silence des textes, il faut encore admettre que l’administrateur judiciaire, lereprésentant des créanciers ou le mandataire liquidateur de la procédure collective pourrontformer tierce opposition contre la décision du juge de l’exécution qui a ouvert une procédurede traitement du surendettement des particuliers, afin de déterminer que le demandeur à laprocédure ne peut pas bénéficier de celle-ci. Selon les articles 582 et 585 du NCPC, la tierceopposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque. Elleest ouverte contre tout jugement sauf si la loi n’en dispose autrement. On peut ainsi penser que

192 Cass. Com., 15 février 2000, Bull. Joly 2000, p. 611, note DOM.193 CA Grenoble, 06 février 1997, Rev. proc. coll., 2000-4, p. 121, n° 4, obs. DELENEUVILLE.194 CA Paris, 06 avril 1999, Bull. Joly 1999, § 270, note SAINTOURENS ; CA Orléans, 27 avril 2000,SoinneJuris 40513.195 CA Chambéry, 15 décembre 1997, SoinneJuris 28142.196 CA Douai, 29 juin 2000, SoinneJuris 42031.197 Cass. Com., 16 mars 1999, Bull. civ., IV, n° 67 ; 15 mai 2001, Bull. civ., IV, n° 91 ; 19 février 2002,SoinneJuris 39732.198 CA Agen, 24 mars 1997, SoinneJuris 24886.

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les organes de la procédure collective qui ont été de fait écartés de la procédure desurendettement, soit parce que leur existence était inconnue du juge, soit parce qu’ilsn’auraient pas été appelés, doivent pouvoir former tierce opposition au jugement rendu199.L’objet de la tierce opposition est de rendre la décision contre laquelle elle est forméeinopposable. Mais dans le cas où l’exécution simultanée de la décision initiale et de celle quiintervient sur tierce opposition est concrètement impossible, c’est-à-dire lorsqu’il y aindivisibilité entre les intérêts du tiers opposant et ceux des parties au jugement, toutes lesparties vont subir les effets de la tierce opposition200. Or la décision qui déclare recevable lademande de surendettement d’un débiteur et celle qui, sur tierce opposition, déclareinopposable la procédure de surendettement à la procédure collective sont de toute évidenceinconciliables. Ainsi, si la tierce opposition des organes de la procédure collective estaccueillie, elle va conduire, en fait, à l’anéantissement de la décision du juge de l’exécutiondéclarant le débiteur recevable201.

N° 48.- Toutefois deux incertitudes demeurent. D’une part, les critères de la co-exploitation oude la confusion peuvent être réunis alors qu’une procédure collective n’a pas encore étéouverte contre le conjoint. Quelle doit être dans ce cas la position de la commission ? Doit-ellenécessairement rejetée la demande de l’époux ou au contraire ouvrir la procédure detraitement du surendettement des particuliers au motif que la procédure collective n’a pas étéouverte ? D’autre part, le juge de la procédure collective peut être saisi, sur le fondement del’état de cessation des paiements ou de la confusion des patrimoines, de l’ouverture d’uneprocédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre du débiteur alors qu’uneprocédure de surendettement est déjà en cours. Dans ce cas, on peut se poser la question desavoir laquelle des deux procédures doit recevoir application, étant entendu qu’une applicationcumulée des deux procédures est impossible.

N° 49.- L’article L 333-3 du Code de la consommation exclut de la procédure desurendettement des particuliers, les débiteurs qui relèvent d’une procédure collective. Il suffitdonc que la procédure collective soit susceptible d’être ouverte. Il importe peu qu’aucuneprocédure n’ait été effectivement ouverte, par exemple parce que le débiteur n’est pas en étatde cessation des paiements202. Cette solution doit être étendue au commerçant, à l’artisan ou àl’agriculteur de fait. Le conjoint d’un professionnel qui peut être qualifié de co-exploitant ouqui a confondu son patrimoine avec celui de son époux ne peut donc voir ouvrir à son profit

199 BAILLY (P.), Les difficultés procédurales de la loi du 31 décembre 1989, ALD 1991, p.107.200 Article 591 NCPC.201 En ce sens, Cass. 1ere Civ., 14 mai 1992, Bull. civ., n° 136 : « les mesures prises pour assurer le redressementd’un débiteur dont la procédure collective de surendettement a été ouverte sont indivisibles. Dès lors, la solutiondu pourvoi formé par un créancier contre une décision organisant de telles mesures au bénéfice d’un débiteurn’est pas indifférente aux autres créanciers qui ne sauraient en conséquence être mis hors de cause » ; CA Paris,10 septembre 1997, contrats, conc., consom., 1998, n° 83 ; comp. lorsque les époux bénéficient ensemble de lamême procédure, Cass. 1ere Civ., 22 novembre 1994, Bull civ., I, n° 342 ; contrats, conc., consom., décembre1994, p. 1, note MARIE.202 Cass. 1ere Civ., 26 mars 1996, RTD Com. 1996-3, p. 523, obs. PAISANT.

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une procédure de surendettement des particuliers. Peu importe qu’une procédure collectiven’ait pas été ouverte à son égard. En pratique, la commission, saisie par le débiteur, doitvérifier que le demandeur se trouve dans la situation définie à l’article L 331-2 du Code de laconsommation. Il apparaît qu’il appartient donc à la commission de vérifier d’office que ledébiteur est bien éligible à la procédure. Néanmoins, l’article L 331-3 du Code de laconsommation prévoit que la commission vérifie que le demandeur se trouve dans la situationdéfinie à l’article L 331-2 du Code de la consommation, c’est-à-dire qu’il est dansl’impossibilité manifeste, étant de bonne foi, de faire face à l’ensemble de ses dettes nonprofessionnelles exigibles et à échoir. Une lecture littérale de ce texte empêcherait lacommission de rejeter la demande émanant d’un débiteur qui relevant d’une autre procéduren’est pas éligible à la procédure de surendettement. Il faut bien entendu aller au-delà etadmettre que la commission est aussi compétente pour vérifier si le débiteur est bien éligible àla procédure conformément aux dispositions de l’article L 333-3 du Code de la consommation.D’ailleurs, l’article R 331-8 de ce code précise de façon plus concrète que la commission« examine la recevabilité de la demande ». En théorie, il appartient donc à la commission devérifier si le conjoint du chef d’une entreprise commerciale, artisanale ou agricole n’a pasassuré en fait la direction de cette entreprise ou confondu son patrimoine avec celui de sonconjoint. Si tel est le cas, elle devra alors rejeter la demande au motif que le débiteur relèved’une autre procédure. S’agissant d’époux dont les patrimoines sont confondus, il fautnéanmoins qu’une extension de procédure puisse encore être prononcée. Tel ne sera pas le cassi un plan de redressement a été arrêté dans le cadre de la procédure collective. Selon la Courde cassation, une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ne peut plus êtreétendue, sur le fondement de la confusion des patrimoines, dès lors qu’un plan deredressement a été arrêté, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon la personne bénéficiant duplan203. Si l’époux du demandeur à la procédure de traitement du surendettement bénéficiedonc d’un plan de redressement judiciaire, son conjoint demeure donc bien éligible à cetteprocédure, même si leurs patrimoines ont été confondus, dans la mesure où la confusion nepeut plus être prononcée. Hormis cette hypothèse, la demande doit être rejetée, même si laprocédure collective n’a pas été ouverte.

N° 50.- En pratique toutefois, cette affirmation semble difficilement réalisable. On peut douterque la commission dispose des moyens et informations nécessaires pour apprécier l’existenced’une confusion des patrimoines ou la qualité de co-exploitant du demandeur à la procédure. Ilest simplement prévu par la circulaire du 24 mars 1999 que le débiteur doit communiquer à lacommission son état civil et sa situation familiale et financière. Ces éléments sont insuffisantspour apprécier et caractériser l’éventuelle co-exploitation du demandeur ou la confusion deson patrimoine avec celui de son conjoint. Au surplus, la commission comprend le Préfet, letrésorier-payeur général, le directeur des services fiscaux du département, le représentant localde la Banque de France, ou leurs délégués, ainsi que des personnalités choisies par le Préfet.Les juristes sont en minorité au sein de la commission. On peut donc douter que celle-ci soit à

203 Cass. Com., 22 octobre 1996, Bull. civ., IV, n° 256 ; 4 janvier 2000, Bull. civ., IV, n° 3 ; 05 février 2002, JCP2002, IV, 1498.

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même d’apprécier avec discernement si les critères extrêmement techniques de la confusion oude la co-exploitation sont réunis204. Il peut donc s’avérer fort probable que la commissionprononce l’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement desparticuliers au profit d’un débiteur qui a confondu son patrimoine avec celui de son conjointou qui a dirigé, en fait, l’entreprise de son époux. On comprend alors l’importance des voiesde recours à l’encontre de la décision de la commission. Si celle-ci n’est pas forcément àmême de savoir si une procédure collective a été ouverte contre le conjoint du débiteur ou siune procédure collective est susceptible de l’être contre lui, on peut penser que certainscréanciers, notamment les établissements de crédit dotés de services du contentieux efficaces,disposeront de ces renseignements. On regrettera alors que les voies de recours contre lesdécisions de la commission ou du juge de l’exécution ouvrant une procédure desurendettement soient aussi fermées. Ainsi, l’article R 331-8 du Code de la consommationprécise que le recours devant le juge de l’exécution contre la décision rendue par lacommission n’est possible que dans un délai de 15 jours à compter de la notification de ladécision. À défaut de saisine du juge de l’exécution dans ce délai, la décision de lacommission est définitive205. De plus, il convient de préciser que la décision du juge del’exécution n’est pas susceptible d’appel206. Au motif que ce jugement, sans mettre fin àl’instance, statue sur une exception de procédure, la Cour de cassation considère en outre quela décision du juge de l’exécution favorable au débiteur ne peut être frappée de pourvoi encassation par un créancier207. Par contre, si le débiteur se voit refuser l’ouverture de laprocédure, le pourvoi en cassation sera recevable208. Reste de plus recevable la tierceopposition des organes de la procédure collective ouverte contre le conjoint209.

N° 51.- Au regard de ces éléments, le risque est important que la commission prononcel’ouverture d’une procédure de surendettement des particuliers à l’encontre d’un co-exploitantou d’un époux qui a confondu son patrimoine avec celui de son conjoint commerçant, artisanou agriculteur. La question se pose alors de savoir si l’existence d’une procédure desurendettement au profit d’un débiteur empêche d’ouvrir à son encontre une procédurecollective. La question a été posée à la Cour de cassation, laquelle n’a toutefois pas répondu àtoutes les attentes. Le Tribunal de grande instance de Riom avait, conformément auxdispositions de l’article L 151-1 du Code de l’organisation judiciaire, soumis la questionsuivante à la Cour de cassation : « La requête aux fins de liquidation commerciale est-ellerecevable alors qu’un plan de redressement civil est en cours ? Quelle décision doit recevoirapplication ? ». La Cour de cassation, par un avis en date du 10 juillet 2000, a précisé que

204 POTIER (D.), note sur TI Paris, 19 mars 1990, Gaz. Pal. 1990,jurisp., p. 285.205 DECOOPMAN (N.), Le principe du contradictoire et le traitement du surendettement, D. 1990, chron., p.237, CHATAIN (P.L.) et FERRIERE (F.), op. cit., n° 117.206 Art. R 331-8 Code de la consommation : Appel du débiteur : Cass. 1ere Civ., 18 octobre 2000, inédit, pourvoin° G 99 - 04.152 ; appel d’un créancier : Cass. 1ere Civ., 7 juin 2001, inédit, pourvoi n° R 00 - 04.154.207 Cass. 1ere Civ., 04 avril 1990, D. 1991, jurisp., page 307, note BOULOC ; 2 octobre 2000, Bull. civ., I, n°241 ; 27 mars 2001, Bull. civ., I, n° 88.208 Cass. 1ere Civ., 16 juillet 1998, Bull. civ., I, n° 258.209 CA Paris, 10 septembre 1997, contrats, conc., consom., 1998, n° 83.

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«l’exécution d’un plan de continuation d’une entreprise arrêté par la juridiction ne fait pasobstacle à l’ouverture d’une nouvelle procédure collective pour constater l’état de cessationdes paiements du débiteur. La décision qui constate l’état de cessation des paiements pendantl’exécution du plan de continuation et ouvre une procédure collective doit recevoirapplication, la résolution du plan de continuation doit alors être prononcée210 ».Saisie de la question de savoir si une procédure collective peut être ouverte à l’encontre d’unepersonne physique alors qu’une procédure de surendettement est en cours, la Cour decassation précise qu’un plan de continuation peut être résolu si l’entreprise débitrice se trouveà nouveau en état de cessation des paiements lors de son exécution. Une première approche decet avis conduirait donc à penser que la réponse donnée est à côté de la question posée. Selonnous, il faut aller au-delà de ce paradoxe et considérer que cette solution, dégagée en matièrede droit des entreprises en difficulté doit recevoir application s’agissant du droit dusurendettement des particuliers. Il convient d’admettre que l’ouverture d’une procédurecollective, fondée sur l’état de cessation des paiements du débiteur co-exploitant del’entreprise de son conjoint ou sur la confusion des patrimoines des époux, alors qu’uneprocédure de surendettement des particuliers est en cours, au profit de ce débiteur, estpossible. Dans ce cas, la procédure collective doit recevoir application et il y a lieu de déclarercaduc l’éventuel plan de redressement conventionnel en cours.

N° 52.- Une première approche conduirait à admettre que la commission ayant déclarérecevable une demande de surendettement peut rétracter cette décision si, au cours del’instruction, de nouveaux éléments dévoilent que le débiteur n’était pas éligible à laprocédure, notamment s’il apparaît qu’il relevait d’une procédure collective visée à l’article L333-3 du Code de la consommation211. Un tel élément serait justement caractérisé parl’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. En effet, en droitadministratif, il est admis qu’une instance administrative peut retirer un acte rendu illégal à lasuite d’une appréciation inexacte des faits. Mais il faut que la décision ne soit pas définitive,c’est-à-dire qu’elle soit encore susceptible d’une annulation par une juridiction de degrésupérieur. Au regard de la jurisprudence administrative, la commission, qui est un organeadministratif, pourrait rapporter une décision de recevabilité dans le délai de 15 jours àcompter de sa notification, voire si le Juge de l’exécution a été saisi, pourvu qu’il n’ait passtatué. Toutefois, l’application de cette solution au cas d’espèce supposerait que lacommission ait connaissance du jugement d’ouverture de la procédure collective dans ce courtdélai. De plus, la survenance d’une procédure collective après l’expiration du délai de 15 joursou après que le juge de l’exécution ait statué ne permettrait pas à la commission de rétracter sadécision. On peut donc douter de l’efficacité de cette mesure. La solution est donc, selon nous,à rechercher dans les dispositions du Code de la consommation. Une lecture attentive de sesdispositions permet de révéler que l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’un

210 Cass. Avis, 10 juillet 2000, Bull. inf. C. cass., 1er novembre 2000, p. 1. ; RTD com. 2001-1, p. 219, noteSAINT-ALARY-HOUIN.211 CHATAIN (P.L.) et FERRIERE (F.), op. cit., n° 123 ; contra TI Bourgoin-Jallieu, 14 mars 1995, D.1996,somm. Comm., p . 80.

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débiteur bénéficiant d’une procédure de traitement des situations de surendettement desparticuliers va conduire à la clôture de cette dernière procédure et à l’application de laprocédure collective. Dans ce cas, on peut en effet considérer d’une part que le plan deredressement conventionnel éventuellement en cours doit être déclaré caduc et d’autre part,quel que soit le stade de la procédure de surendettement, que le débiteur doit être déchu decelle-ci.

N° 53.- Si un plan conventionnel de redressement est en cours, l’ouverture d’une procédure deredressement ou de liquidation judiciaire à l’égard du débiteur va empêcher l’exécution decelui-ci, notamment dans la mesure où il est désormais interdit au débiteur de régler lescréances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective212. Or, l’inexécutionde ce plan va conduire à la caducité de celui-ci. Du fait de l’ouverture d’une procédurecollective, on doit pouvoir considérer que le plan conventionnel de redressement sera de pleindroit caduc. Selon l’article R 331-17 du Code de la consommation, le plan conventionnel deredressement doit mentionner qu’il est de plein droit caduc 15 jours après une mise endemeure restée infructueuse adressée au débiteur d’avoir à exécuter ses obligations. Cettecaducité opère de plein droit, sans qu’il ait lieu à appréciation judiciaire213 et à l’égard de tousles créanciers du fait du caractère collectif et global du plan et de l’interdépendance de sesclauses214. En pratique, suite à l’ouverture de la procédure collective, les créanciers dudébiteur surendetté ne pourront plus être réglés selon les échéances du plan de redressementconventionnel. Une simple mise en demeure adressée au débiteur restée sans réponse conduiradonc à la caducité de ce plan. Même si cette caducité n’est prévue que dans le cadre du planconventionnel de redressement, la Cour d’appel de Paris a étendu son champ d’application auxmesures recommandées par la commission215. Il semble donc qu’il faille étendre cette sanctionaux hypothèses où le débiteur n’exécuterait pas les mesures de rééchelonnement de son passifrecommandées par la commission. Toutefois, cette caducité n’est possible que pour lesprocédures ouvertes depuis la réforme de 1995 ayant intégré l’article R 331-17 dans le Codede la consommation. S’agissant de la jurisprudence antérieure à la réforme de 1995, il a ainsiété jugé que la cour d’appel ne pouvait dire que le plan était devenu caduc par suite de soninexécution sans constater que ce plan était assorti d’une clause de caducité216.

N° 54.- Selon le même ordre d’idée, qu’un plan de redressement conventionnel ait été arrêtéou que la commission ait prononcé des recommandations, on doit pouvoir considérer que s’ilapparaît que le débiteur n’était pas éligible à la procédure de surendettement, du fait de la co-exploitation ou de la confusion des patrimoines, parce qu’il n’en a pas informé la commission,il doit être déchu du bénéfice de celle-ci. Ainsi, l’ouverture d’une procédure de redressement 212 Art. L 621-24 C. Com.213 MARTIN (R.), J.- Cl. Procédure civile, Fasc. 2490, V° Surendettement des particuliers, n° 104214 CHATAIN (P.L.) et FERRIERE (F.), op. cit., n° 216215 CA Paris, 15 décembre 2000, Juris-Data 132355 ; contra mais antérieur à la réforme de 1995, Cass. 1ere Civ.,12 janvier 1994, Bull. civ., I, n° 21.216 Cass. 1ere Civ., 18 janvier 2000, inédit, pourvoi n° F 98 - 04.123, sur la validité de telles clauses, cf. Cass.1ere Civ, 10 juillet 1995, D. 1995, IR, p. 196.

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ou de liquidation judiciaire contre le débiteur surendetté va conduire à sa déchéance de laprocédure de surendettement, c’est-à-dire à la clôture de celle-ci et à l’application exclusive dela procédure collective. Selon l’article L 333-2 du Code de la consommation, est déchue dubénéfice de la procédure « toute personne qui aura sciemment fait de fausses déclarations ouremis des documents inexacts en vue d’obtenir le bénéfice de la procédure de traitement de lasituation de surendettement ». On considère que l’objet de ce texte est de sanctionner lemanquement du débiteur à son obligation de sincérité. Il s’agit de sanctionner la fraude dudébiteur lors de l’ouverture de la procédure217. Par exemple, a pu être déchu de la procédure,le débiteur qui n’a pas révélé à la commission qu’il a retrouvé un emploi en cours deprocédure218. Le prononcé de cette déchéance peut intervenir à tout moment de la procéduremême si un plan de redressement conventionnel a été arrêté ou des mesures de redressementrecommandées par la commission219. Même si l’article L 333-2 du Code de la consommationne vise que les fausses déclarations ou la remise de documents inexacts, on doit considérerqu’une simple réticence du débiteur doit conduire à sa déchéance. Il a ainsi été jugé que ledébiteur est déchu de la procédure dès lors qu’il s’est abstenu ou a omis, en vu de l’obtentiondu bénéfice de procédure, de fournir des renseignements à la commission220. Il est donc clairque le débiteur qui n’a pas fourni à la commission les éléments permettant de déceler qu’iln’était pas éligible à la procédure doit être déchu du bénéfice de celle-ci. Or justement,l’ouverture d’une procédure collective à son encontre démontre que celui-ci a trompé lareligion de la commission sur son éligibilité à la procédure. Il y a dans ce cas fraude à la loiqui doit être sanctionnée par la déchéance de la procédure de surendettement221, ce qui vaconduire à l’application exclusive de la procédure collective.

N° 55.- Une fois admis que le débiteur, conjoint d’un commerçant, d’un artisan ou d’unagriculteur est éligible, à raison de son comportement, à la procédure de traitement dusurendettement des particuliers, il reste à déterminer si celui-ci est bien en situation desurendettement. La situation patrimoniale de ce débiteur doit donc être examinée. Or, la natureou l’origine des dettes qu’il invoque vont pouvoir justifier que celui-ci soit exclu de laprocédure.

II- L’exclusion fondée sur les dettes du débiteur surendetté

217 NEUVILLE (S.), Le traitement planifié du surendettement, RTD com. 2001-1, p. 31.218 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 110.219 Cass. 1ere Civ., 12 janvier 1999, Bull. civ., I, n° 17.220 Cass. 1ere Civ., 13 février 1997, inédit, pourvoi n° N 95 - 04.209 ; 9 novembre 1999, inédit, pourvoi n° F 97 -04.165 ; 14 mars 2000, inédit, pourvoi n° X 98 - 04.207.221 ROSENBERG (J.), Incidence de la loi n° 89 - 1017 du 31 décembre 1989 sur le droit civil français, Gaz. Pal.2 janvier 1991, p. 3.

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N° 56.- Selon l’article L 331-2 du Code de la consommation, la situation de surendettementest caractérisée par l’impossibilité manifeste pour le débiteur de faire face à l’ensemble de sesdettes non professionnelles exigibles et à échoir. Sont donc exclues de l’appréciation de lasituation de surendettement les dettes qui ont un caractère professionnel. Or, s’agissant d’unépoux commun en biens d’un professionnel, la question de la définition de la detteprofessionnelle se pose avec une acuité particulière. Par exemple, la dette commune ousolidaire engagée du chef du conjoint professionnel a-t-elle un caractère professionnel pourson époux ? De même si un époux s’est porté caution des dettes nées à l’occasion de l’activitéprofessionnelle de son conjoint, s’agit-il pour lui d’une dette professionnelle ? Si l’on seprononce en faveur de cette solution, cela conduit à laisser hors du champ d’application duCode de la consommation de nombreuses personnes en difficulté qui ne peuvent bénéficier desdispositions du Code de commerce relatives aux entreprises en difficulté. Au contraire,admettre que ces dettes puissent être prises en considération dans le cadre de la procédure desurendettement peut conduire à un double traitement de celles-ci au sein de deux procéduresdifférentes puisque ces dettes doivent, par définition, être incluses dans la procédure collectiveouverte contre le conjoint. Prenant acte de ces difficultés, et dans un souci de simplificationextrême, la Cour de cassation précise que les dettes incorporées dans la procédure collectiveouverte contre un débiteur ne peuvent plus être prises en considération dans la procédure detraitement du surendettement ouverte contre son époux.Sera donc exclu de la procédure de traitement des situations de surendettement desparticuliers, le débiteur dont l’endettement a un caractère professionnel (A) ou dont les dettesont déjà été incorporées dans la procédure collective ouverte contre son époux (B).

A- L’exclusion des dettes professionnelles du débiteur surendetté

N° 57.- A l’exclusion des dettes professionnelles, toutes les dettes du débiteur doivent êtreprises en considération pour apprécier sa situation de surendettement. Cette proposition,admirable de simplicité lorsque le débiteur est un célibataire, laisse apparaître de nombreusesinterrogations lorsque le débiteur est marié sous un régime de communauté. Convient-il, parexemple, de prendre en compte uniquement les dettes nées de son chef ou l’ensemble desdettes communes ou solidaires ? La définition de la notion de dettes professionnelles (2)suppose donc que soient levées les incertitudes liées à l’appréciation de l’état desurendettement du débiteur commun en biens (1)

1) L’appréciation de l’état de surendettement du débiteur commun en biens

N° 58.- Il convient en principe d’adopter une approche globale des dettes. Cette solution estexplicitée par la circulaire du 24 mars 1999 qui précise que les dettes à prendre en comptepour apprécier l’état de surendettement du débiteur ne se limitent pas aux seules dettesbancaires. Selon cette circulaire, il faut entendre tous les engagements souscrits par le débiteurvis-à-vis des créanciers, qu’ils soient ou non des établissements de crédit. Ainsi, doivent être

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prises en considération non seulement les dettes échues et restées impayées, mais aussi lacharge représentée par les échéances à venir des emprunts en cours222. Il n’est d’ailleurs pasexclu que l’état de surendettement ne résulte que d’une seule dette223.Selon un même ordre d’idée, il importe peu que les dettes aient une origine contractuelle oulégale. En ce sens, par exemple, les amendes pénales doivent être prises en compte dansl’appréciation du passif du débiteur. Toutefois, ces dettes seront exclues des mesures deredressement. En effet, l’article 708 du Code de procédure pénale prévoit que l’exécutiond’une peine correctionnelle ou de police, non privative de liberté, telle qu’une amende, ne peutêtre suspendue ou fractionnée que pour motifs graves par le ministère public ou surproposition du ministère public par le tribunal. Or, rien ne permet de dire que la loi sur lesurendettement des particuliers a voulu déroger à l’article 708 du Code de procédure pénale.La commission et le juge du surendettement sont donc incompétents pour procéder aurééchelonnement ou suspendre les voies d’exécution mises en œuvre pour le recouvrement desamendes pénales224. De même, si en vertu de l’article L 331-7 du Code de la consommation,les dettes fiscales et parafiscales sont exclues des mesures que peut recommander lacommission225 , dès lors qu’elles n’ont pas de caractère professionnel, ces dettes doivent êtreprises en considération pour l’établissement de l’état de surendettement du débiteur226. Deplus, ces dettes fiscales et parafiscales peuvent faire l’objet d’un plan conventionnel deredressement conformément à l’article L 331-6 du Code de la consommation227.

N° 59.- La prise en considération de l’ensemble des dettes du débiteur peut susciter maintesdifficultés s’agissant d’un époux commun en biens. Néanmoins, le but de la procédure desurendettement des particuliers est d’aménager le rapport d’obligation entre débiteur etcréancier. En régime de communauté, la mesure du passif du demandeur doit donc être opéréeen fonction de l’obligation à la dette228, c’est-à-dire du point de vue du droit de poursuite descréanciers. La distinction entre passif provisoire et passif définitif entre les époux ne joue pas.Il convient donc de distinguer schématiquement entre les dettes propres qui n’engagent que lesbiens propres et les revenus d’un époux, les dettes solidaires qui engagent l’intégralité dupatrimoine des deux époux et les dettes communes dont le paiement peut être poursuivi sur lesbiens communs quel que soit l’époux qui en est à l’origine.Sont des dettes propres, engageant uniquement les biens propres et les revenus de l’époux, lesdettes nées antérieurement au mariage ou grevant les successions et libéralités qui échoient à

222 Cass. 1ere Civ., 13 janvier 1993, Bull. civ., I, n°18.223 Cass. 1ere Civ., 24 mars 1993, Bull. civ., I, n° 27.224 Cass. 1ere Civ., 17 novembre 1998, Bull. civ., I, n° 325.225 Cass. 1ere Civ., 12 janvier 1994, contrats, conc., consom., 1994, n°89 ; CA Paris, 28 février 2001, Juris-Datan° 146699.226 Cass. 1ere Civ., 09 février 1999, contrats, conc., consom., 1999, n°66 ; 28 novembre 2001, inédit, pourvoi n°B 01-04.007, 10 juillet 2002, inédit, pourvoi n° S 01-04.136, à paraître au Bulletin.227 Cass. 1ere Civ., 20 octobre 1998, contrats, conc., consom., 1999, n°34 ; Rev. Proc. Coll. 1999-1, p. 154, n° 4,obs. VERDUN ; RTD Com 1999, page 213, note PAISANT.228 LE LIVEC- TOURNEUX (M.), op. cit.

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l’époux durant le mariage229, les dettes nées pendant le mariage, en cas de fraude de l’époux etde mauvaise foi du créancier230, ainsi que les emprunts et cautions souscrits par un seul épouxsans le consentement de son conjoint. Dans ce dernier cas, sont engagés les biens propres del’époux débiteur ainsi que ses revenus231. L’ensemble des dettes propres du demandeur doitêtre pris en considération dès lors qu’elles n’ont pas de caractère professionnel. Inversement,le passif propre du conjoint doit être écarté de l’évaluation de l’endettement du demandeur.Les créanciers propres d’un époux ne peuvent pas agir en paiement de leurs dettes contre leconjoint de leur débiteur. Ils ne peuvent appréhender d’aucune façon les biens lui appartenant.

N° 60.- Les dettes solidaires ont, quant à elles, une origine légale ou conventionnelle.Notamment, quel que soit le régime matrimonial adopté, conformément à l’article 220 duCode civil, la signature d’un seul époux suffit pour engager solidairement l’ensemble dupatrimoine familial pour les dettes qui ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation desenfants. Cette solidarité légale pour les dettes ménagères ne cesse que lorsqu’il s’agit dedépenses manifestement excessives, d’achats à tempérament ou d’emprunts conclus sans leconsentement du conjoint, à moins dans ce dernier cas, qu’il s’agisse de sommes modestesnécessaires aux besoins de la vie courante. Seront donc des dettes solidaires, engageantl’ensemble des biens des époux, communs ou propres, l’emprunt contracté en vue del’amélioration du logement principal du ménage, les dépenses relatives à l’habillement, lascolarité des enfants, les cotisations obligatoires aux caisses de retraite et d’assurancemaladie232, mais non l’emprunt, même modeste, fait par un époux pour assurer lefonctionnement de son entreprise233. De même, est une dette solidaire, le loyer du logementservant à l’habitation des époux234. La solidarité des époux existe également en matièred’impôt sur le revenu et de taxe d’habitation235. Les cas les plus fréquents de solidarité sontnéanmoins d’origine conventionnelle, lorsque le créancier aura demandé l’engagementsolidaire des époux. A ce titre, il convient de remarquer que dans la plupart des cas lesétablissements de crédit vont exiger l’engagement solidaire des époux, même pour lesemprunts contractés en vue du financement d’une activité professionnelle.Parallèlement, sont en principe des dettes communes, les dettes dont chaque époux est tenupour quelque cause que ce soit pendant le mariage236. De telles dettes peuvent être recouvréessur les biens propres de l’époux qui en est à l’origine ainsi que sur l’ensemble des bienscommuns, sous la seule réserve des gains et salaires de son conjoint237. Il en est ainsi desachats à tempérament et des dettes ménagères manifestement excessives souscrits sans le

229 Article 1410 C. Civ.230 Article 1413 C. civ.231 Article 1415 C. civ.232 LESCAILLON (A.), Le recouvrement des dettes des époux mariés sous le régime de la communauté réduiteaux acquêts, Rev. Huissiers 1990, p. 409.233 Cass. 1ere Civ., 10 mai 1995, JCP 1995-I-3908, n°3, obs. WIEDERKHER.234 Article 1751 C. Civ.235 Article 1685 CGI236 Article 1413 C. civ.237 Article 1414 C. civ.

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consentement du conjoint ou des aliments dus par un époux pendant le mariage238. De mêmeles emprunts et cautions contractés avec le consentement exprès du conjoint sont des dettescommunes239. On considère que dans ce cas échappent au droit de gage des créanciers lesgains et salaires de l’époux qui s’est contenté de donner son consentement240. Si l’époux faitplus que donner son consentement et s’engage solidairement avec son conjoint, la detterésultant de cet emprunt ou de cette caution peut être poursuivie sur l’ensemble des bienscommuns et propres de chacun des époux241.

N° 61.- Ces dettes solidaires et communes doivent être prises intégralement en compte pourapprécier la situation de surendettement du demandeur commun en biens. Ainsi, selon la Courde cassation « le fait qu’une dette soit commune entre des époux ou qu’ils en soient tenussolidairement n’est pas de nature à priver l’un des conjoints du bénéfice de la procédure derèglement amiable ou de redressement judiciaire civil242 ». Cette solution ne saurait noussurprendre. En cas d’engagements solidaires, le droit de poursuite des créanciers a pourassiette l’ensemble des biens des époux, leurs biens propres respectifs comme l’ensemble desbiens communs. Le créancier solidaire peut poursuivre l’un ou l’autre des époux pour lepaiement intégral de sa dette. Or la commission doit prévoir l’éventualité dans laquelle lesurendetté se verrait réclamer l’ensemble du passif solidaire. De ce seul fait, il faut considérerla dette solidaire en son entier dans l’appréciation de la situation de surendettement dudemandeur, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le demandeur ou son conjoint soit àl’origine de cette dette. Au surplus, il convient de remarquer que l’article L 331-2 du Code dela consommation vise l’ensemble des dettes du demandeur. Aucune disposition expresse de laloi n’édicte de faire abstraction ou de diviser les dettes solidaires dans l’examen dusurendettement.En ce qui concerne les dettes communes, une première solution aurait pu conduire à neprendre en compte, pour apprécier l’état de surendettement, que les seules dettes nonprofessionnelles entrées en communauté du chef du demandeur à la procédure243. Deuxinconvénients accompagnent cette solution. Sous un angle pratique, il est évident qu’une tellesolution peut nuire à toute solution de redressement du conjoint puisqu’on laisserait horsprocédure des créanciers qui pourraient continuer à appréhender des biens appartenant audemandeur. De plus, par ce biais, la commission s’intéresserait à la contribution à la dette,alors que le droit du surendettement des particuliers n’est basé que sur les rapportsd’obligation à la dette. Seuls doivent être pris en compte les rapports entre le demandeur à laprocédure et ses créanciers et non les rapports entre les époux. C’est donc à juste titre que laCour de cassation souligne que la commission doit considérer les dettes communes dans leurintégralité, sans distinguer selon l’époux qui en est à l’origine, ce qui permet de tenir compte

238 Article 1409 C. civ.239 Article 1415 C. civ.240 Cf. notamment COLOMER (A.), op. cit., n° 848 et les auteurs cités.241 Cass. 1ere Civ., 13 octobre 1999, contrats, conc., consom., 2000, comm. 20, obs. LEVENEUR242 Cass. 1ere Civ., 17 mai 1993, Bull. civ., I, n°181 ; 20 décembre 1993, Bull. civ., I, n° 381.243 PAISANT (G.), note sous Cass. Com., 31 mars 1992, JCP 1992-II-21942.

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du droit de poursuite des créanciers sur les biens communs, qui sont aussi les biens dudébiteur.

N° 62.- Si toutes les dettes doivent être prises en considération pour apprécier la situation desurendettement, conventionnelles ou légales, solidaires ou communes, y compris les dettescommunes nées du chef du conjoint resté extérieur à la procédure244, doivent cependant êtreexclues les dettes professionnelles. Or, favorable aux conjoints des professionnels, la Cour decassation retient une définition stricte de la notion de dettes professionnelles.

2) La notion de dette professionnelle

N° 63.- Dans le silence des textes, la Cour de cassation a défini la notion de detteprofessionnelle, dans un sens favorable aux conjoints des professionnels qui sont exclus, enraison de leur statut, du dispositif organisé par le Code de la consommation. En outre, même siles dettes professionnelles sont exclues de l’appréciation de la situation de surendettement dudébiteur, elles doivent faire l’objet des mesures de réaménagement et rééchelonnement prisesdans le cadre de la procédure.

N° 64.- Par trois arrêts en date du 31 mars 1992, la Cour de cassation a posé le principe queconstitue pour le débiteur une dette professionnelle, la dette « contractée pour les besoins ou àl’occasion de son activité professionnelle245 ». En ce sens, il a été jugé que l’engagement decaution des dettes de la société donné par le dirigeant de cette société est une detteprofessionnelle246. La même solution a été retenue s’agissant d’un cadre commercial salariéqui était aussi administrateur de la société dont il avait cautionné les dettes247, ou d’époux quiétaient à la fois salariés et détenteurs de la moitié du capital social248. Le seul fait que lacaution soit actionnaire de la société dont les dettes sont cautionnées est toutefois insuffisantpour retenir le caractère professionnel de la dette249. Est encore une dette professionnelle, ladette tenant en des réparations civiles du chef d’escroquerie commise par le débiteur en qualitéde membre d’un GAEC250. Plus généralement, toute dette née de l’exploitation de sonentreprise aura un caractère professionnel pour le débiteur. N’est cependant pas une detteprofessionnelle, la dette résultant d’un prêt contracté en vue de l’acquisition d’un immeuble àusage de restaurant, faute pour le débiteur d’avoir par la suite exercé l’activité derestaurateur251. Il a de plus été jugé qu’un prêt consenti pour l’achat d’un véhicule automobile

244 Cass. 1ere Civ., 23 novembre 1999, inédit, pourvoi n° H 97-04.189.245 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 107, 3 arrêts.246 Cass. 1ere civ., 31 mars 1992, arrêt n° 1, Bull. civ., I, n° 107 ; 27 octobre 1992, contrats, conc., consom., 1993,n°15 ; 7 novembre 2000, Bull. civ., I, n° 285.247 Cass. 1ere civ., 31 mars 1992, arrêt n° 3, Bull. civ., I, n° 107.248 Cass. 1ere civ., 09 février 1999, inédit, pourvoi n° N 97-04.079.249 Cass. 1ere civ., 06 février 1992, D. 1992, IR, p. 120 ; RTD Com 1992 p. 256, note PAISANT ; 16 juillet 1998,inédit, pourvoi n° N 96-04.240.250 Cass. 1ere civ., 06 novembre 2001, inédit, pourvoi n° P 00-04.198.251 Cass. 1ere Civ., 18 janvier 2000, inédit, pourvoi n° A 98-04.049.

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à usage professionnel, même s’il est partiellement utilisé à usage privé ne peut être pris enconsidération dans l’appréciation de la situation de surendettement du débiteur252.

N° 65.- Si aucune dette professionnelle ne doit être prise en compte pour déterminer l’état desurendettement, on ne peut toutefois exclure le débiteur qui fait face à la fois à des dettesprofessionnelles et à des dettes domestiques253. Si certaines juridictions du fond ont considéréque ne devaient être admis à la procédure de surendettement des particuliers que les débiteursdont les dettes personnelles étaient plus importantes que les dettes professionnelles254, cettesolution a été condamnée par la Cour de cassation qui juge au contraire, dans ce cas, que l’étatde surendettement du débiteur doit être apprécié « en considération des seules dettes nonprofessionnelles255 ». L’existence de dettes professionnelles ne prive donc pas le demandeurdu bénéfice de la procédure de surendettement, lorsque les dettes non professionnellesprovoquent à elles seules le surendettement256. De plus, le montant des dettes professionnellespar rapport à celui des dettes domestiques importe peu257. Il appartient simplement à lacommission de rechercher si les dettes non professionnelles dont est redevable le demandeursuffisent à la placer en situation de surendettement.

N° 66.- Selon cette jurisprudence, le caractère professionnel d’une dette s’apprécieuniquement par rapport à celui qui demande le bénéfice de la procédure. Seules les dettes quisont professionnelles pour le demandeur tombent sous le coup de l’exclusion. Il doit s’agird’une dette née pour les besoins ou à l’occasion de son activité professionnelle. Le caractèreprofessionnel d’une dette ne peut dès lors se déduire de ce qu’elle a été contractée pour lesbesoins ou à l’occasion de l’activité professionnelle d’une autre personne, et notamment àl’occasion ou pour les besoins de l’activité professionnelle du conjoint du débiteur. Une detteprofessionnelle pour un époux ne présente donc pas nécessairement le même caractère pourson conjoint codébiteur solidaire258. Il a notamment été jugé que la dette résultant d’un prêtconsenti pour l’acquisition d’un fonds de commerce exploité par l’épouse n’a pas un caractèreprofessionnel pour son époux co-emprunteur259. Plus généralement, les dettes nées de

252 Cass. 1ere Civ., 4 mai 1999, Juris-Data n° 001914.253 PAISANT (G.), note sous cass. 1ere civ., 18 février 1992 et 31 mars 1992, D. 1992, jurispr., p. 317.254 DANGLEHANT (C.), Les dettes professionnelles et la loi sur le surendettement des particuliers, contrats,conc., consom., juillet 1995 p. 1.255 Cass. 1ere Civ., 18 février 1992, contrats, conc., consom., 1992, n° 123 ; D. 1992, jurisp., p. 317, notePAISANT ; 02 décembre 1992, Bull. civ., I, n° 302 ; 12 décembre 1995, contrats, conc., consom., 1996, n°50 ; 7novembre 2000, Bull. civ., I, n° 285 ; 28 novembre 2001, inédit, pourvoi n° W 00-04.159.256 Peut donc bénéficier de la procédure de traitement du surendettement des particuliers, un employeur,profession libérale, condamné à verser une indemnité pour licenciement abusif à une ancienne salariée, s’il estdans l’impossibilité de faire face à ses seules dettes non professionnelles : Cass. 1ere Civ., 7 décembre 1999,inédit, pourvoi n° R 98-04.040.257 Cass. 1ere Civ., 15 octobre 1996, inédit, pourvoi n° S 95-04.052 ; 29 mai 1997, inédit, pourvoi n° E 96-04.091 ; 1er février 2000, inédit, pourvoi n° S 98-04.179.258 Cass. 1ere Civ., 13 janvier 1993, inédit, pourvoi n° 91-04.147 N ; 18 mai 1994, inédit, pourvoi n° B 93-04.053.259 Cass. 1ere Civ., 10 avril 1996, contrats, conc., consom., 1996, n°191.

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l’exercice d’une activité commerciale par le mari n’ont pas, sauf hypothèse de co-exploitation,de caractère professionnel pour l’épouse260.

N° 67.- S’agissant plus particulièrement de la caution, la Cour de cassation a précisé que « lecaractère professionnel de la dette de la caution ne peut se déduire de la nature de l’obligationprincipale garantie261 ». Le fait que la dette principale ait le caractère de dette professionnellen’a aucune incidence sur la nature de celle de la caution. Une même dette peut donc revêtirdeux qualifications et être professionnelle pour le débiteur principal et domestique pour lacaution. La dette résultant d’un engagement de caution donné par un époux pour garantir lesdettes nées de l’activité professionnelle de son conjoint n’a pas nécessairement pour lui uncaractère professionnel et doit donc être prise en considération pour apprécier sa situation desurendettement262. La distinction entre cautionnement non professionnel et cautionnementprofessionnel ne se confond donc pas avec la distinction entre cautionnement civil etcautionnement commercial. Longtemps, les juges du fond s’en sont tenus au caractèrecommercial ou civil du cautionnement. Selon cette jurisprudence, le cautionnementcommercial était un cautionnement professionnel, le cautionnement civil étant alors uncautionnement non professionnel. Or, dans un tout autre domaine, il est jugé que l’intérêtpersonnel de nature patrimoniale que trouve la caution à la réalisation de l’opération principalesuffit à rendre son cautionnement commercial263. Une certaine jurisprudence en tire commeconséquence que le cautionnement donné par un époux commun en biens au bénéfice de sonconjoint commerçant est un cautionnement commercial à raison de l’intérêt patrimonial quecelui-ci retire de l’opération264. De la même façon, le cautionnement des engagements d’unesociété par son dirigeant a un caractère commercial265. En application de cette jurisprudence,le débiteur qui se porte caution des dettes professionnelles de son conjoint ne pourraitinvoquer le bénéfice du dispositif prévu par le Code de la consommation. La Cour de cassationa refusé de transposer cette jurisprudence pour apprécier le caractère professionnel ou non dela dette de la caution. Elle énonce, en faveur de la caution, que « les dettes professionnellessont celles nées pour les besoins ou à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur ». Sila solution retenue ne semble pas éloignée des solutions précédentes, il n’y a pas decoïncidence totale entre cautionnement professionnel et commercial266. Notamment,l’engagement de certaines cautions sera commercial alors que la dette n’aura pas un caractèreprofessionnel. Le conjoint qui cautionne la dette de son époux commerçant a un intérêt

260 Cass. 1ere Civ., 27 octobre 1992, contrats, conc., consom., 1993, n°15 ; 22 mai 2001, inédit, pourvoi n° S 00-04.017.261 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, arrêt n° 2, Bull. civ., I, n° 107.262 Cass. 1ere Civ., 27 octobre 1992, contrats, conc., consom., 1993, n°15.263 CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), Droits des sûretés, n° 74 ; SIMLER (P.), J.-Cl civil, art. 2011 à 2043, V°Cautionnement, fasc. 15, n° 43 et suivants.264 Cass. Com., 16 mars 1993, Bull. civ., IV, n° 110 ; contra Cass. Com., 23 février 1988, Bull. civ., IV, n° 78 ;CA Paris, 13 juin 1991, D. 1991, Somm. Comm., p. 386, obs. AYNES265 SIMLER (P.), op. cit., n° 45.266 MARIE (C.), Cautionnement et surendettement ou les cautions oubliées des procédures de traitement dessituations de surendettement des particuliers, Rev. proc. coll., n° 1996 - 2, p. 149.

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patrimonial dans l’opération mais il n’agit pas pour les besoins ou à l’occasion de saprofession. Sa dette a bien un caractère commercial mais pas un caractère professionnel. Elledoit donc être prise en considération par la commission pour apprécier la situation desurendettement de cet époux.La circulaire du 24 mars 1999 précise à cet égard qu’est éligible à la procédure la « personnephysique dont le surendettement résulte essentiellement de la mise en œuvre d’uncautionnement souscrit pour garantir le paiement de dettes professionnelles, lorsque l’intéresséne bénéficie pas ou n’a pas bénéficié directement de l’activité professionnelle qui génère lesdettes cautionnées ». Cette vision est trop restrictive. L’époux commun en biens d’uncommerçant, d’un artisan ou d’un agriculteur qui n’exerce pas lui-même de professionbénéficie directement de l’activité professionnelle de son conjoint. Il s’agira d’ailleurs dans cetexemple de la ressource du ménage. Aussi, selon la circulaire, si cet époux se porte cautiondes dettes nées de l’activité de son conjoint, son engagement aura un caractère professionnel etn’entrera donc pas en ligne de compte pour apprécier sa situation de surendettement. Pour laCour de cassation, au contraire, la dette résultant de l’engagement de caution de l’époux duprofessionnel a un caractère domestique car elle n’est pas née pour les besoins ou à l’occasionde l’activité professionnelle de la caution. Sauf hypothèse de co-exploitation, cette caution estdonc bien éligible à la procédure et la dette résultant de son engagement de caution doit êtrepris en considération pour apprécier sa situation de surendettement. La circulaire du 24 mars1999 réalise donc une regrettable confusion entre cautionnement commercial et cautionnementprofessionnel. Elle est donc contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation.

N° 68.- L’exclusion des dettes professionnelles ne concerne de plus que la seule appréciationde la situation de surendettement du débiteur267. Si les dettes professionnelles sont exclues del’appréciation de la situation de surendettement du demandeur, elles doivent être incluses dansla procédure, c’est-à-dire qu’elles peuvent faire l’objet d’un plan conventionnel deredressement ou des recommandations prévues par l’article L 331-7 du Code de laconsommation268. Cette solution peut a priori surprendre. Il peut paraître pour le moinsétrange d’écarter dans un premier temps les dettes professionnelles du débiteur au stade del’appréciation de sa situation de surendettement avant que d’admettre, dans un second temps,que l’on puisse aménager celles-ci dans le cadre de la procédure. Deux arguments justifientcependant l’intégration des dettes professionnelles dans la procédure au stade duréaménagement des dettes.Les textes tout d’abord conduisent à cette solution. L’article L 333-2 du Code de laconsommation définit la situation de surendettement par l’impossibilité manifeste de faire faceà l’ensemble des dettes non professionnelles, exigibles et à échoir. Ce texte ne dit pas que lesdettes professionnelles doivent être exclues du plan conventionnel de redressement ou desmesures pouvant être recommandées par la commission. Au contraire, l’article L 331-7 du

267 DANGLEHANT (C.), loc. cit.268Cass. 1ere civ., 18 février 1992, contrats, conc., consom., 1992, n° 123 ; D. 1992, jurisp., p. 317, notePAISANT ; 31 mars 1992, Bull. civ., I, n°111 ; 02 décembre 1992, Bull. civ., I, n° 302 ; 1er juillet 1997, inédit,pourvoi n° V 96-04.151.

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Code de la consommation exclut de ces mesures les dettes fiscales, parafiscales ou envers lesorganismes de sécurité sociale, et uniquement ces dettes. Si le législateur avait voulu exclureles dettes professionnelles du plan conventionnel de redressement ou des mesures pouvant êtrerecommandées, il l’aurait alors prévu. A défaut d’une telle disposition, il n’y a pas lieu dedistinguer là où la loi ne le fait pas. Il faut donc admettre que les dettes professionnellesdoivent être incluses dans la procédure lors de la phase de traitement de la situation desurendettement, même si la situation de surendettement s’apprécie au regard des seules dettesdomestiques, à l’exclusion des dettes professionnelles.De façon plus pragmatique, il convient de souligner qu’admettre la solution inverse conduiraità rendre l’application de la loi sur le surendettement purement théorique. Admettre que lescréanciers professionnels soient hors procédure reviendrait à conférer à ces derniers unprivilège considérable par rapport aux créanciers domestiques. Ces créanciers professionnelspourraient en effet, nonobstant la procédure, agir contre le débiteur et le cas échéant saisir sesbiens alors que parallèlement des mesures de report ou de rééchelonnement seraient imposéesaux autres créanciers. Tout espoir de redressement se verrait donc nécessairement anéantipuisque certains créanciers pourront toujours, pour l’intégralité de leur créance, prendre desmesures d’exécution contre le débiteur. La séparation des dettes professionnelles etdomestiques au stade du traitement de la situation de surendettement, outre le fait qu’elleserait contraire au principe de l’unité du patrimoine, aurait pour effet de rendre illusoire touteprocédure de surendettement.

N° 69.- La Cour de cassation se montre donc extrêmement favorable au conjoint ducommerçant, de l’artisan ou de l’agriculteur. Lorsque ce dernier n’est pas soumis à uneprocédure collective, la procédure de surendettement englobera toutes les dettes communes ousolidaires, y compris les dettes nées du seul chef de son conjoint commun en biens. Le fait queces dettes aient un caractère professionnel pour le conjoint du demandeur à la procéduren’exercera aucune influence, car elles n’auront pas ce caractère pour le demandeur. Lapolitique de la Cour de cassation est donc, dans ce cas, de protéger le conjoint du débiteurprofessionnel, afin que celui-ci puisse profiter de la procédure de surendettement desparticuliers. On ne peut que s’en féliciter. Cependant, si une procédure collective est ouvertecontre le conjoint, ces dettes pourront parallèlement être intégrées dans les deux procédures,d’où un risque flagrant d’interférences entre celles-ci. Un auteur a pu suggérer, dans ce cas defigure, qu’il fallait éviter « que des mêmes dettes servent à justifier l’ouverture d’uneprocédure collective commerciale et celle d’une procédure de surendettement …», ainsi« …déjà prises dans une première procédure ouverte contre un époux, des dettes ne pourraientpas l’être dans une seconde concernant l’autre époux 269». La Cour de cassation apartiellement retenu cette solution en considérant que les dettes incorporées dans la procédurecollective ouverte contre un époux ne peuvent plus être prises en compte dans la procédure detraitement du surendettement des particuliers ouverte contre son conjoint.

269 PAISANT (G.), note Cass. com., 31 mars 1992, JCP 1992 -II-21942.

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B- L’exclusion des dettes du débiteur surendetté incorporées dans la procédure collective deson conjoint

N° 70.- Par deux arrêts en date des 11 octobre 2000270 et 22 janvier 2002271, la Cour decassation a précisé que l’époux d’un débiteur soumis à une procédure de redressement ou deliquidation judiciaire ne peut bénéficier d’une procédure de traitement du surendettement desparticuliers, dès lors que les dettes qu’il invoque ont été incorporées dans la procédurecollective. Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 11 octobre 2000, l’épouse d’uncommerçant soumis à une procédure de redressement judiciaire avait demandé l’ouvertured’une procédure de surendettement des particuliers en invoquant les dettes résultantd’emprunts immobiliers souscrits solidairement avec son conjoint. Le créancier avait déclarésa créance dans la procédure collective et sa créance avait été prise en compte dans le plan decontinuation arrêté par la juridiction commerciale. Le pourvoi formé contre la décision du jugede l’exécution ayant déclaré irrecevable la demande de l’épouse est rejeté, « attendu que lejuge de l’exécution a constaté que les dettes de l’épouse avaient été incorporées dans le plande continuation de la procédure de redressement judiciaire de son époux… il en a exactementdéduit que Mme B. ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier de le procédurede traitement des situations de surendettement ». Cette solution est reprise par La Cour decassation dans un arrêt en date du 22 janvier 2002, qui précise que le juge de l’exécution nepeut déclarer irrecevable la demande de l’épouse d’une commerçant en liquidation judicaire« sans rechercher si Mme H. était elle-même commerçante ou si l’ensemble de ses dettesavaient été incorporées dans la procédure collective de son époux ».Indépendamment de leur caractère professionnel272, l’incorporation de dettes dans laprocédure de redressement ou de liquidation judiciaire d’un époux empêche que celles-cisoient prises en considération dans une procédure de surendettement des particuliers ouvertecontre son conjoint. Cette solution se fonde sur l’effet réel de la procédure collective (1), saportée demeure toutefois très incertaine (2).

1) Le fondement de la solution : l’effet réel de la procédure collective

N° 71.- Conformément à la pratique dite de la « jurisprudence des petits pas », la Cour decassation a déterminé, par étapes successives, les conséquences de l’ouverture d’uneprocédure collective sur le droit de poursuite des créanciers personnels du conjoint in bonis,entendu comme le conjoint demeuré extérieur à la procédure collective. Par une savantedistinction entre l’existence et l’exercice des droits des créanciers sur les biens communs, la

270 Cass. 1ere civ., 11 octobre 2000, Bull. civ., I, n° 242 ; JCP 2001, éd. E, p. 852, note COCQUEMPOT-CAULIER ; RTD com. 2001, p. 251, note PAISANT.271 Cass. 1ere civ., 22 janvier 2002, Bull. civ., I, n° 25 ; contrats, conc., consom., 2002, comm. n° 103 ; Rev. Proc.Coll. 2002-2, p. 86, n°2, obs. BOUTEILLER, précité supra note n° 62.272 Dans les deux arrêts, la situation de surendettement de l’épouse résultait de l’impossibilité de rembourser desprêts immobiliers ayant servi à financer l’acquisition du logement familial.

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Cour de cassation est venue inciter le créancier personnel du conjoint commun en biens273 àdéclarer sa créance dans la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouvertecontre son époux. En conséquence, ces dettes sont incorporées dans la procédure collective.

N° 72.- Dans un premier temps, par un arrêt en date du 19 janvier 1993274, la Cour decassation s’était prononcée pour le maintien du droit de poursuite des créanciers personnels duconjoint in bonis sur les biens communs, malgré le jugement d’ouverture de la procédurecollective de l’époux. En l’espèce, un établissement de crédit avait consenti à des épouxcommuns en biens une ouverture de crédit pour le remboursement de laquelle il était garantipar une inscription du privilège du prêteur de deniers sur un immeuble commun. L’épouxavait été mis en liquidation judiciaire et l’établissement de crédit avait vu sa créance rejetéecar déclarée hors délai. Ce créancier avait toutefois fait signifier, après le jugement deliquidation judiciaire, un commandement de saisie immobilière à l’épouse. Pour s’opposer àcette saisie, le liquidateur judiciaire avait notamment invoqué l’arrêt des poursuitesindividuelles du fait du jugement d’ouverture de la procédure collective. Ce dernier argumentest rejeté par la Cour de cassation qui relève que « l’interdiction des voies d’exécution àl’encontre de l’époux, seul en liquidation judiciaire, était sans application à l’égard del’épouse ». Cette solution se fonde sur le fait que le jugement d’ouverture de la procédurecollective n’arrête que les poursuites des créanciers du débiteur, ce que ne sont pas lescréanciers personnels de son conjoint. En conséquence, ni l’existence, ni l’exercice du droit depoursuite des créanciers du conjoint in bonis sur les biens communs ne se trouvent affectés parle redressement ou la liquidation judiciaire de son époux.Cet arrêt fut abondamment critiqué en doctrine, tant au regard des objectifs du droit desentreprises en difficulté, qu’au regard du droit des régimes matrimoniaux. On a ainsi soulignéqu’une telle solution ruinait tout espoir de maintien de l’emploi et de survie de l’entreprise ence qu’elle permettait aux créanciers de saisir impunément, après jugement d’ouverture, lesbiens affectés à l’exploitation au motif qu’il s’agit de biens communs275. On a précisé de plusque l’on méconnaissait ainsi les dispositions du Code civil en ce sens que l’on permettait auxcréanciers personnels du conjoint in bonis d’agir « hors procédure » sur les biens communsalors que parallèlement les créanciers du débiteur soumis à la procédure ne pouvaient plusagir. La Cour de cassation méconnaissait alors le principe posé à l’article 1413 du Code civil,selon lequel l’ensemble des créanciers de chacun des époux a un droit concurrent sur les bienscommuns276. Parallèlement, on a souligné qu’il ne fallait pas donner autant d’importance à cetarrêt. D’une part le caractère commun de l’immeuble n’était pas clairement affirmé277. D’autrepart, cet arrêt était en contradiction avec un avis rendu par la même juridiction le 7 décembre

273 C’est-à-dire le créancier solidaire ou le créancier commun dont la dette est née du chef de ce conjoint.274Cass. Com., 19 janvier 1993, arrêt BONFANTI, Bull. civ., IV, n° 25 ; JCP 1993-II-22056, note PETEL ;Defrénois 1993, art. 35616, note DERRIDA ; Defrénois 1993, article 35361-8, note SENECHAL ; PetitesAffiches 7 mai 1993, p. 10, note HONORAT et PATARIN ; RTD com. 1993, p. 377, obs. MARTIN SERF.275 HONORAT (A.) et PATARIN (J.), note sous Cass. com., 19 janvier 1993, Petites Affiches 7 mai 1993, p. 10.276 PERRODET (A.), loc. cit.277 DERRIDA (F.), note sous Cass. Avis, 07 décembre 1992, Defrénois 1993, art. 35616 ; contra LEMISTRE,Rev. Proc. Coll. 1997-1, p. 81.

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1992278. Saisie de la question de savoir si le prix d’adjudication d’un bien commun doit êtreremis intégralement au liquidateur d’un époux qui sera chargé d’en assurer la distributionentre les époux, la Cour de cassation avait dit n’avoir lieu à avis, « la réponse à la questionposée résultant de l’application combinée du principe énoncé à l’article 1413 du Code civil, decelui de l’indivisibilité de la procédure d’ordre (qui s’oppose à ce que toute procédure d’ordrepuisse être poursuivie concurremment) et de celui de la suspension des poursuitesindividuelles en cas de procédure collective qui entraîne pour le liquidateur, au terme del’article 154 al. 4 de la loi du 1985279, le pouvoir de régler l’ordre entre les créanciers ».

N° 73.- C’est ainsi que par un arrêt en date du 23 décembre 1994280, l’Assemblée Plénière dela Cour de cassation allait revenir sur la position exprimée dans l’arrêt du 19 janvier 1993. Lesfaits sur lesquels avait à statuer l’Assemblée Plénière étaient quasiment identiques à ceuxayant donné lieu à l’arrêt Bonfanti. Les époux s’étaient solidairement engagés envers unétablissement de crédit. Suite à l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’un desconjoints, la banque avait fait signifier un commandement de saisie immobilière du chef duconjoint in bonis. Ici cependant, la banque avait déclaré sa créance, contrairement àl’hypothèse de l’arrêt Bonfanti, ce qui permettait à la Cour de cassation de se concentrer sur laquestion de l’exercice des poursuites des créanciers personnels du conjoint in bonis. Au visades articles 152 et 161281, ensemble l’article 1413 du Code civil, la Cour de cassation affirmeque « si la liquidation judiciaire d’une personne mariée sous le régime de la communauté nemodifie pas les droits que les créanciers de son conjoint tiennent du régime matrimonial, ledessaisissement de la personne interdit à ces créanciers d’exercer des poursuites sur les bienscommuns en dehors des cas où les créanciers du débiteur soumis à la liquidation judiciairepeuvent eux-mêmes agir ».La Haute Juridiction, dans sa formation la plus solennelle, prend donc cette fois partie pour lasoumission des créanciers personnels de l’époux commun en biens in bonis à l’arrêt despoursuites individuelles tel qu’il résulte de la procédure collective ouverte contre son conjoint.Après jugement d’ouverture, les créanciers personnels du conjoint in bonis ne peuvent doncplus procéder à une voie d’exécution sur les biens communs, en dehors des cas où lescréanciers des époux soumis à la procédure collective, qui ont par définition déclaré leurscréances, ont eux même la possibilité d’agir. Néanmoins, cet arrêt ne se prononçait pasexpressément sur la question de savoir si les créanciers personnels du conjoint in bonisdevaient déclarer leur créance à la procédure collective de l’époux commun en biens de leurdébiteur. En faveur de cette solution, on a souligné que la référence à l’article 161 de la loi de1985282, qui vise les créanciers ayant déclaré leur créance mais n’ayant pas été admis, imposait

278 Cass. Avis, 07 décembre 1992, Defrénois 1993, art. 35616, note DERRIDA.279 Codifié à l’article L 622-16 du Code de commerce.280 Cass. ass. plén., 23 décembre 1994, Concl. ROEHRICH, rapport CHARTIER, Bull. info C. Cass., 1er février1995, p. 1 ; Defrénois 1995, article 36045, note DERRIDA ; RJ com. 1995, p. 55, note STORCK ; JCP 1995, éd.N, p. 423, note RANDOUX ; Petites affiches 28 juillet 1995, p. 18, note COURTIER ; JCP 1995, éd. E, p. 660,note PETEL.281 Codifiés aux articles L 622-9 et L 622-23 C. com.282 Codifié à l’art. L. 622-23 C. Com.

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implicitement mais nécessairement l’obligation aux créanciers du conjoint in bonis de déclarerleurs créances283. Pour d’autres auteurs, au contraire, cette déclaration de créances nes’imposait qu’aux créanciers du débiteur soumis à la procédure collective sans concerner lescréanciers de son conjoint qui n’ont aucun lien de droit avec lui284. Toutes ces incertitudes ontété levées par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 14 mai1996285. Cet arrêt affirme, sans ambiguïté, la nécessité pour les créanciers personnels duconjoint in bonis de déclarer leur créance. Cette solution est aujourd’hui constante286. En cesens les recommandations professionnelles émises par l’institut français des praticiens desprocédures collectives invitent les représentants des créanciers à avertir les créanciers de lacommunauté du débiteur et de son conjoint d’avoir à déclarer leurs créances287.

N° 74.- On a pu parler pour dénoncer cette position de la Cour suprême d’une primauté dudroit des procédures collectives sur le droit des régimes matrimoniaux288. Cette vision n’estque partiellement exacte. La Cour de cassation a, au contraire, procédé à une applicationstricte du droit des régimes matrimoniaux289. Le syllogisme est le suivant, selon l’article 1413du Code civil, toute dette de l’un quelconque des époux engage, en principe, les bienscommuns et confère aux créanciers personnels des époux un droit de poursuite sur ces biens.En principe, les biens communs peuvent donc être saisis par chacun des créanciers personnelsde l’un des époux qui sont en concours sur ces biens. Parallèlement, la procédure collectiveréalise une saisie collective et universelle des biens appartenant au débiteur290. Cette saisierend indisponibles ces biens et interdit au débiteur d’accomplir seul les actes qui lesconcernent. C’est ce que l’on appelle schématiquement le dessaisissement291. Les bienscommuns, compris dans l’assiette du droit de poursuite des créanciers de l’époux soumis à laprocédure, sont bien entendus soumis à cette saisie collective qui « embrasse l’intégralité dupatrimoine sans considération de l’origine des biens292 ». Ainsi, ce dessaisissement interdit auxcréanciers du débiteur soumis à la procédure collective d’exercer des poursuites sur les bienscommuns, l’indisponibilité résultant de la saisie collective entraînant insaisissabilité293. En

283 SOINNE (B.), La situation des biens de communauté en cas de redressement ou de liquidation judiciaire : lepoint final, Petites affiches 19 juillet 1996, p. 23.284 RANDOUX (D.), note sous., 23 décembre 1994, JCP 1995, éd. N, p. 423.285 Cass. Com., 14 mai 1996, D. 1996, jurisp., p. 460, note DERRIDA ; Petites affiches 19 juillet 1996, p. 23,note SOINNE ; JCP 1996-I-3960, n°9, obs. PETEL ;286 Cass. Com., 14 octobre 1997, Bull. civ., IV, n° 260 ; JCP 1998-II-10003, note BEIGNIER ; D. 1998, somm.comm., p. 377, obs. PIEDELIEVRE ; 16 mars 1999, Act. Proc. Coll. 1999, n° 165, obs. VALLANSAN ; 23 mai2000, Petites affiches 18 septembre 2000, note GALLET ; 02 mai 2001, Bull. civ., IV, n° 80.287 Recommandation IFFPC n°1102-6.288 MARTIN SERF (A.), Etre ou ne pas être dans la procédure collective…, RJ com. 1996, p. 337.289 SENECHAL (M.), L’effet réel de la procédure collective, thèse Toulouse 2001, n° 147.290 SENECHAL (J.P.), note sous Cass. com., 19 janvier 1993, Defrénois 1993, article 35361-8.291 COURTIER (J.L.), Procédures collectives, voies d’exécution et régimes matrimoniaux (…), Petites affiches1995, p. 18.292 Cass. Ass. plén., 15 avril 1983, D. 1983, jurisp., p. 461, note DERRIDA.293 VAUVILLE (F.), L’arrêt de l’Assemblée Plénière en date du 23 décembre 1994 relatif au sort des bienscommuns, Rev. proc. coll. 1995-1, p. 23.

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conséquence, les créanciers personnels du conjoint in bonis qui sont aussi, en vertu de l’article1413 du Code civil, créanciers de la communauté, vont aussi être soumis à cetteinsaisissabilité. Ainsi, parce que ces créanciers ont des droits concurrents sur les bienscommuns soumis à la procédure, ils doivent aussi être soumis à cette procédure294. L’article1413 du Code civil postule l’égalité des droits des créanciers personnels de chacun des épouxsur les biens communs, leurs droits doivent donc être soumis aux mêmes restrictions.Toutefois, seul est paralysé par la procédure collective le droit de poursuite des créancierspersonnels du conjoint in bonis et non le droit substantiel. On comprend dès lors que faute dedéclaration, leur créance n’est pas éteinte295. Simplement, ces créanciers sont privés du droitde participer aux répartitions faites dans le cadre de la liquidation judiciaire. Cela signifie queces créanciers, même s’ils n’ont pas déclaré, pourront quand même agir sur les biens propresde leur débiteur ou, après clôture de la procédure, sur les biens communs. Cela signifie aussiqu’il n’y a pas lieu de prononcer la radiation de l’hypothèque du chef du conjoint pour défautde déclaration296. Sous cette seule réserve de la sanction du défaut de déclaration, lasoumission du droit de poursuite des créanciers personnels du conjoint in bonis à la procédurecollective est totale. Les créanciers du conjoint in bonis ne peuvent plus, après jugementd’ouverture de la procédure collective, exercer des poursuites sur les biens communs297, saufsi les conditions de l’article L 622-23 du Code de commerce sont réunies298. De même, lescréanciers du conjoint in bonis ne peuvent plus faire publier, après jugement d’ouverture, uneinscription hypothécaire sur les biens communs299. Seraient encore nulles les sûretés prises parces créanciers sur les biens communs, en garantie de dettes antérieures, pendant la périodesuspecte300.

N° 75.- Le dessaisissement, entendu comme la saisie collective des biens du débiteur, justifieque les créanciers personnels du conjoint doivent déclarer leurs créances à la procédurecollective. Or, le dessaisissement n’est pas propre à la liquidation judiciaire. En ce sens lapériode d’observation peut être analysée comme une saisie conservatoire. Par voie deconséquence, les solutions dégagées par la Cour de cassation doivent aussi s’appliquerpendant cette période301. La situation après jugement d’arrêté de plan est plus nuancée. Unedistinction s’impose selon que le créancier du conjoint in bonis ait déclaré ou non sa créance.Si le créancier a déclaré sa créance, il participera aux répartitions en cas de plan de cession. Encas de plan de continuation, il sera consulté sur le projet de plan et pourra se voir imposer des

294 REVEL (J.), note sur Cass. Com., 14 octobre 1997, D. 1998, somm. Comm., p. 134.295 Cass. com., 11 décembre 2001, D. 2002, p. 402, obs. LIENHARD.296 Cass. com., 14 mai 1996, précité supra note n° 285.297 Cass. ass. plén., 23 décembre 1994, précité supra note n° 280 ; Cass. Com., 2 février 1999, Rev. proc. coll.2000-1, p. 11, n° 2, obs. MACORIG VENIER.298 Cass. Com., 16 mars 1999, procédures 1999, comm. 156, obs. LAPORTE.299 Cass. Com., 19 mai 1997, D. 1998, somm. comm., p. 107, obs. PIEDELIEVRE ; JCP 1998, éd. N, p. 1038,obs. SIMLER ; 03 février 1998, Rev. proc. coll. 2000-1, p. 10, n° 1, obs. MACORIG VENIER.300 Solution implicite : Cass. Com. 2 avril 1996, Bull. civ., IV, n° 106.301 PETEL (P.), note sous Cass. ass. plén., 23 décembre 1994, JCP 1995, éd. E, p. 660 ; PERRODET (A.), loc.cit.

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délais de paiement. Pendant la durée du plan, ce dernier ne pourra plus agir sur les bienscommuns. Le créancier du conjoint in bonis qui a déclaré sa créance se retrouve en cas de plande redressement dans la même situation que les créanciers de l’époux soumis à la procédurecollective. La situation est différente si le créancier du conjoint in bonis n’a pas déclaré sacréance. Dans ce cas, sa créance n’est pas éteinte. Il pourra donc agir sur les biens communsdès le jugement d’arrêté de plan. Ce jugement d’arrêté met en effet fin au dessaisissementc’est-à-dire à la saisie collective des biens. Notamment, le débiteur retrouve en principe lalibre disposition de ses biens. Ces créanciers peuvent donc poursuivre leur débiteur sur lesbiens communs après jugement d’arrêté de plan302. Néanmoins, cette solution présente commeinconvénient le risque que se trouve déstabilisée l’entreprise, notamment si ces bienscommuns sont affectés à son fonctionnement303. Une certaine jurisprudence a donc tenté delimiter cet inconvénient en opérant une distinction selon que les biens communs sontnécessaires ou non à l’exploitation. Seraient à l’abri des poursuites des créanciers du conjointin bonis les biens communs nécessaires à l’entreprise304. On ne peut retenir cette solutionpraeter legem. Rien dans les textes ne permet de restreindre ainsi le droit de poursuite descréanciers sur les biens communs. Surtout, en pratique, le tribunal, dans le jugement d’arrêtéde plan, peut prononcer l’inaliénabilité des biens nécessaires à l’entreprise pour que ceux ciéchappent au droit de poursuite des créanciers du conjoint in bonis. En effet, l’inaliénabilitéentraîne l’insaisissabilité. Si des biens communs ont été déclarés inaliénables par le tribunal,les créanciers du conjoint ne pourront plus les saisir après le jugement d’arrêté de plan305.

N° 76.- Les créanciers du conjoint du débiteur soumis à une procédure de redressement ou deliquidation judiciaire sont donc fortement incités à déclarer leurs créances dans la procédurecollective. A défaut, même s’ils gardent la possibilité de saisir les biens communs non frappésd’inaliénabilité après un hypothétique plan de continuation, ils ne pourront pas participer auxrépartitions dans le cadre de la liquidation judiciaire ou du plan de cession et ne seront réglésque sur le boni de liquidation. Autrement dire que dans la plupart des cas ils ne seront jamaisréglés. Les créanciers personnels du conjoint in bonis sont donc attirés dans la procédure deredressement ou de liquidation judiciaire. De par l’effet réel de la procédure collective,marqué par le dessaisissement du débiteur sur les biens communs, ces créanciers sont incités àdéclarer leurs créances dans la procédure collective. Ces créances se trouvent alorsincorporées dans cette procédure. Durant la procédure collective, ces créanciers ne peuventplus agir sur les biens communs. En conséquence, il peut a priori paraître logique que cesdettes ne puissent plus être prises en compte dans la procédure de surendettement. On noterade plus, sous un angle plus pragmatique, que cette solution retenue par la Cour de cassation

302 CA Paris, 24 janvier 1997, D. affaires 1997, p. 444 ; CA Agen, 11 septembre 1995, Cahier de jurisprudenced’Aquitaine 1996, p. 112, note SAINTOURENS ; CA Aix-en-Provence, 9 avril 1997, JCP 97, éd. E, pan. 905 ;CA Poitiers, 22 septembre 1998, Juris-Data 13598.303 Par exemple l’immeuble dans lequel est exercée l’activité de l’entreprise.304 TGI Lyon, 15 juin 1993, D.1995, somm. comm., p. 8, note DERRIDA ; CA Agen, 11 septembre 1995, précitésupra note n° 302.305 CA Aix-en-Provence, 9 avril 1997, JCP 97, éd. E, pan. 905 ; CA Chambéry, 15 septembre 1997, Soinnejuris26855.

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présente l’avantage d’éviter tout concours entre les procédures de surendettement desparticuliers et de redressement ou liquidation judiciaire306.Toutefois, la formule utilisée par la Cour de cassation, dans ses arrêts des 11 octobre 2000 et22 janvier 2002 conduit à considérer que toutes les dettes qui ont fait l’objet d’une déclarationde créances dans la procédure collective ouverte contre un époux ne peuvent plus être prise enconsidération dans le cadre d’une procédure de surendettement ouverte au profit de sonconjoint commun en biens, sans que l’on s’interroge sur leur caractère professionnel. Cesdettes ne peuvent plus permettre à apprécier l’état de surendettement du demandeur ni êtreréaménagées dans le cadre d’un plan conventionnel de redressement ou des mesures que peutrecommander la commission. Or doivent être déclarées à la procédure collective, en plus desdettes propres du débiteur, tant l’ensemble des dettes communes, sans qu’il y ait lieu dedistinguer selon l’époux du chef duquel ces dettes sont nées, ainsi que toutes les dettesengageant solidairement les époux. Pourtant, suite à l’ouverture de la procédure collective, siles biens communs échappent au droit de poursuite des créanciers du conjoint, ces dernierspeuvent agir sur les propres de leur débiteur. Lorsque la dette commune est née du chef duconjoint in bonis ou lorsqu’il s’agit d’une dette solidaire, les biens propres de l’époux nonsoumis à la procédure collective sont compris dans l’assiette du droit de gage du créancier.Malgré la procédure collective, les créanciers personnels du conjoint in bonis, qu’ils aient ounon déclaré leurs créances peuvent en principe agir sur les propres de leurs débiteurs.Nonobstant le fait que les créanciers aient déclaré leur créance à la procédure collective del’époux, ces dettes devraient donc pouvoir justifier l’ouverture d’une procédure desurendettement des particuliers au profit du conjoint non professionnel. La portée de lasolution de la Cour de cassation apparaît donc incertaine.

2) La portée de la solution incertaine

N° 77.- Du fait de sa généralité, la position adoptée par la Cour de cassation est extrêmementcritiquable. Elle suscite de plus de nombreuses interrogations.

N° 78.- L’exclusion de la procédure de surendettement des dettes déjà incorporées dans laprocédure collective du conjoint du débiteur ne se justifie que pour les dettes communes néesdu chef du conjoint professionnel. Elle aboutit au contraire à des résultats aberrants s’agissantdes dettes communes nées du chef du conjoint in bonis ou des dettes solidaires. Le conjoint dudébiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ne peut en effetbénéficier d’une procédure de surendettement des particuliers que s’il justifie de dettes propresou si ses créanciers n’ont pas déclaré leurs créances au passif de la procédure collective,puisque seules ces dettes ne sont pas incluses dans la procédure collective ouverte contre sonconjoint. Mais, dans ce cas de figure, si le débiteur surendetté n’a aucun revenu autre que ceuxprovenant de l’activité de son conjoint, la commission de surendettement n’aura d’autresolution que de constater l’insolvabilité du débiteur et de prononcer l’effacement de ses dettes.En outre, toute perspective de redressement sera nécessairement vouée à l’échec puisque les 306 PAISANT (G.), note sur Cass. 1ere Civ., 11 octobre 2000, RTD com. 2001, p. 251.

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créanciers communs, dont la créance est née du chef de l’époux surendetté, ainsi que lescréanciers solidaires, qui ont déclaré leurs créances dans la procédure collective, seront horsprocédure de surendettement et pourront donc saisir les biens propres du débiteur surendetténonobstant l’ouverture de la procédure de surendettement. Ils auront même intérêt à agir de lasorte du fait de l’indisponibilité qui touche les biens communs du fait de la procédurecollective. La solution préconisée par la Cour de cassation conduit donc à la fois au sacrificedes créanciers propres de l’époux surendetté qui verront leurs créances effacées dans laperspective d’un redressement illusoire et du débiteur surendetté qui se voit privé de toutechance de véritable redressement lorsque les créanciers communs ou solidaires sont les plusnombreux. Si le mérite de cette jurisprudence, en évitant qu’une même dette puisse êtreincorporée dans chacune des procédures, est de limiter les risques de télescopage entre laprocédure collective d’un débiteur et la procédure de traitement du surendettement desparticuliers de son conjoint, elle présente l’inconvénient majeur d’écarter du bénéfice desdispositions du Code de la consommation bon nombre de débiteurs surendettés, non éligiblespar ailleurs aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires. Par exemple, leconjoint qui aura contracté solidairement un emprunt avec son conjoint ne pourra bénéficierd’une procédure de traitement du surendettement des particuliers, dès lors qu’une procédurecollective aura été ouverte contre son époux. La Cour de cassation méconnaît ainsi de façonregrettable le rôle social de la procédure de surendettement des particuliers. Cette procédure apour objet d’offrir une échappatoire à l’exclusion, aux débiteurs qui, de bonne foi, sontincapables de faire face à leurs dettes. Or cette échappatoire est refusée à ce débiteur au seulmotif que son conjoint est soumis à une procédure collective307.Cette solution souffre de plus d’un double paradoxe. Si la Cour de cassation permet à l’épouxd’un commerçant, d’un artisan ou d’un agriculteur in bonis, de bénéficier d’une procédure desurendettement, notamment lorsqu’il s’est porté caution des dettes professionnelles de sonconjoint ou codébiteur solidaire de ces dettes, elle rejette cette possibilité dès lors qu’uneprocédure collective a été ouverte contre son conjoint. Or justement c’est l’ouverture de laprocédure collective à l’égard du conjoint professionnel qui va générer la procédure desurendettement. C’est en conséquence de l’ouverture de cette procédure que le créancier vaagir contre la caution ou contre le codébiteur solidaire. Mais, c’est dans ce cas que l’ouvertured’une procédure de surendettement sera refusée. De plus, la Cour de cassation est en profondecontradiction avec sa jurisprudence qui veille à ne pas exclure de la procédure desurendettement des particuliers les plus démunis en censurant systématiquement les coursd’appel qui refusent le bénéfice de la procédure aux débiteurs dénués de capacité deremboursement significative308.En fait, cette jurisprudence ne fait qu’encourager une pratique déjà très répandue qui consiste,pour le mandataire liquidateur, sous la bienveillance de certains tribunaux de commerce, voire

307 COCQUEMPOT CAULIER (N.), Le conjoint collaborateur endetté « laissé pour compte » des mesuresd’assainissement économique, JCP 2002, éd. E, p. 655.308 Cass. 1ere Civ., 14 mai 1992, contrats, conc., consom., 1992, comm. n° 190 ; 10 mars 1993, contrats, conc.,consom., 1993, comm. n° 141 ; 6 avril 1994, contrats, conc., consom., 1994, comm. n° 149 ; 27 juin 1995, RJDA10/95, n° 1175 ; 18 décembre 1997, inédit, pourvoi n° Z 96-04.155.

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de certaines cours d’appel, et à la demande du conjoint de son administré, de lui étendre laprocédure de liquidation judiciaire ouverte contre son époux, afin que le couple puissebénéficier ensemble des dispositions de l’article L 622-32 du Code de commerce309. On nepeut donc qu’en appeler à un revirement de jurisprudence.

N° 79.- En outre, à la lecture de ces arrêts, deux questions demeurent. La première est desavoir si la solution de la Cour de cassation peut être étendue aux biens du débiteur. Doit-onen effet admettre que lorsque les biens communs ont été incorporés dans la procédurecollective ouverte contre un époux, ils ne peuvent plus être pris en compte pour apprécierl’état de surendettement de son conjoint ? La seconde est de savoir si la solution retenue peutêtre inversée, de telle sorte que dès lors que des dettes auront été incorporées dans le cadred’une procédure de surendettement des particuliers, elles ne pourraient plus l’être dans laprocédure collective ouverte postérieurement contre le conjoint du débiteur.Afin de déterminer si un débiteur se trouve en situation de surendettement, il y a lieu dedéterminer les éléments d’actif et de passif de son patrimoine. Au titre de l’actif, la Cour decassation a précisé qu’il doit être apprécié « au regard de l’ensemble des ressources dudébiteur quelle qu’en soit l’origine310 ». En principe, la commission doit donc tenir compte desbiens propres du débiteur mais aussi de l’intégralité des biens communs dans l’évaluation del’actif du demandeur marié sous le régime de la communauté, sans pouvoir s’intéresser auxéléments composant l’actif propre du conjoint demeuré tiers à la procédure311. Notons quel’ensemble des biens communs doit être pris en compte même si ces biens sont affectés àl’activité professionnelle du conjoint extérieur à la procédure312. La commission doit ainsirefuser l’ouverture de la procédure si l’existence d’un immeuble commun dans le patrimoinedu demandeur lui permet, si besoin en l’aliénant, de faire face à l’ensemble de ses dettes313.Cependant, on considère que seuls les biens réalisables doivent servir à apprécier l’état desurendettement du débiteur314. Les biens insaisissables ne doivent pas être pris enconsidération pour évaluer le patrimoine du débiteur315. Or lorsqu’une procédure collective aété ouverte contre un conjoint commun en biens, l’ensemble des biens communs se trouvefrappé d’indisponibilité. Désormais, par suite de la saisie collective qu’opère cette procédure,seuls les organes de la procédure collective sont, en principe, compétents pour réaliser lesbiens communs. Le conjoint in bonis ne peut donc plus réaliser ces biens316. En conséquence,ces biens communs doivent être exclus de l’appréciation de la situation de surendettement de 309 Cf. sur cette jurisprudence SOINNE (B.), « Surendettement » et « faillite », unité ou dualité des régimes ?,Petites affiches 22 décembre 1997, p. 4 et la jurisprudence citée.310 Cass. 1ere Civ., 18 février 1992, D. 1992, IR, p. 136 ; RTD com. 1992, p. 455, obs. PAISANT.311 HENAFF (G.), Les difficultés d’application de la procédure de surendettement aux personnes mariées,Defrénois 1996, Article 36313.312 Cass. 1ere Civ., 15 janvier 2002, Bull. civ., I, n° 16.313 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 109 ; 26 mars 1996, Bull. civ., I, n°158 ; 1er décembre 1998,Bull. civ., I, n° 341 ; 22 mai 2001, Bull. civ., I, n°147 ; JCP 2001-II-10065, note DAGORNE-LABBE ; RTDcom. 2001, p. 780, obs. PAISANT.314 BOUTEILLER (P.), op. cit., n° 17315 VALLENS (J.L.), La loi sur le surendettement des particuliers, ALD 1990, comm. lég., p. 87, n° 39.316 CA Versailles, 15 janvier 1998, D. affaires 1998, p. 915.

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l’époux. Pour apprécier l’état de surendettement du débiteur marié sous le régime de lacommunauté, dont le conjoint est soumis à une procédure collective, seuls peuvent être pris enconsidération, au titre de l’actif, ses biens propres. La constatation de l’état de surendettements’en trouvera facilité. Il s’agit néanmoins d’une maigre consolation puisque la procédure desurendettement ainsi ouverte sera, comme nous l’avons vu, dans la plupart des cas vouée àl’échec.On peut s’interroger de plus sur la question de savoir si la proposition de la Cour de cassationsouffre de la réciproque. Ainsi, peut-on considérer que dès lors que des dettes ont étéincorporées dans la procédure de surendettement des particuliers ouverte contre un épouxcommun en biens, elles ne peuvent plus faire l’objet d’un traitement dans le cadre d’uneprocédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte contre son conjoint ?Si l’on retenait cette solution, il faudrait considérer que de telles dettes ne pourraient plus êtreprises en compte pour apprécier l’état de cessation des paiements ou être admises au passif dela procédure collective. Néanmoins, ces créanciers ne seraient plus non plus soumis à l’arrêtdes poursuites ou des inscriptions et pourraient donc saisir les biens affectés à l’exploitation,malgré l’ouverture de la procédure collective317. La simple affirmation du principe démontredonc ses limites. Pas plus qu’on ne peut admettre une primauté de la procédure collective surla procédure de surendettement des particuliers, on ne peut considérer que la mise en œuvred’une procédure de traitement du surendettement d’un époux commun en biens fasse obstacleà l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire contre son conjoint.Il paraît impossible que l’on puisse sacrifier la sauvegarde de l’entreprise et le maintien del’activité et de l’emploi au seul motif qu’une procédure de surendettement des particuliers aitété ouverte au profit de l’époux commun en biens du débiteur318. De plus, il serait paradoxald’admettre d’un côté que l’ouverture d’une procédure collective est possible à l’encontre d’undébiteur bénéficiant déjà d’une procédure de surendettement, mais non à l’encontre de sonconjoint commun en biens.

N° 80.- Pas plus que l’existence d’une procédure de traitement du surendettement ne faitobstacle à l’ouverture d’une procédure collective contre le débiteur surendetté, elle ne peutfaire obstacle à l’ouverture d’une procédure collective contre son conjoint commun en biens.Toutefois, cette solution laisse apparaître de nouvelles difficultés. Alors que l’objectif inavouémais certain de la Cour de cassation était de limiter les risques de conflits entre les deuxprocédures, elle fait réapparaître ce risque lorsque chronologiquement l’ouverture d’uneprocédure de surendettement des particuliers au bénéfice d’un époux précède la procédurecollective ouverte contre son conjoint commun en biens.

317 PERRODET (A.), loc. cit.318 PAISANT (G.), obs. sur Cass. 1ere civ., 11 octobre 2000, RTD com., 2001, p. 252.

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SECONDE PARTIE : L’OUVERTURE D’UNE PROCEDURE COLLECTIVE AL’EGARD D’UN EPOUX CONTRARIE LE DEROULEMENT DE LA PROCEDUREDE SURENDETTEMENT DONT BENEFICIE SON CONJOINT

N° 81.- Malgré la position adoptée par la Cour de cassation, il reste tout à fait possible qu’uneprocédure de surendettement ouverte au profit d’un époux coexiste avec une procédurecollective prononcée contre son conjoint. La Cour suprême s’est efforcée sinon d’empêcher dumoins de rendre très difficile l’ouverture d’une procédure de surendettement des particuliersau profit du conjoint du débiteur soumis à une procédure collective. Demeure toutefoisl’hypothèse dans laquelle l’ouverture d’une procédure de traitement du surendettement desparticuliers d’un débiteur précède l’ouverture d’une procédure de redressement ou deliquidation judiciaire contre son conjoint. Dans ce cas, il existe un risque important de conflitsentre les deux procédures. La nature juridique de chacune des procédures conduit néanmoins àaccorder une primauté à la procédure collective (I). Puisque cette solution peut rendreinefficace toute tentative de traitement de l’endettement du conjoint non professionnel, on peuts’interroger, de lege ferenda, sur la nécessité d’assurer un traitement coordonné des difficultésfinancières des époux, qui peut passer par l’instauration d’une procédure unique (II).

I- La primauté accordée à la procédure collective

N° 82.- Nous avons vu que le risque de contrariété entre les mesures prises au sein des deuxprocédures est uniquement à rechercher dans le fait que des mêmes biens qui appartiennentaux époux peuvent faire de l’objet de mesures concurrentes dans le cadre des deux procéduresse déroulant en parallèle. S’il peut être choquant en pratique qu’une même dette puisse fairel’objet de mesures de réaménagement totalement différentes, l’obstacle n’est pas dirimant. Iln’est de plus pas propre aux conflits liés à la co-existence d’une procédure collective au profitd’un époux et d’une procédure de surendettement des particuliers au profit de son conjoint.Par contre, le fait que des mesures concurrentes puissent être prises à propos de mêmes biensdans chacune des procédures va avoir des effets néfastes sur le déroulement parallèle des deuxprocédures, jusqu’à conduire à leur neutralisation réciproque319. Ce risque de contrariété estissu du fait que les biens communs sont incorporés à la fois dans la procédure desurendettement et dans la procédure collective (A). Pourtant une primauté doit être accordée àla procédure collective puisqu’en application des dispositions du droit de la consommation, laprocédure de surendettement est inopposable aux organes de la procédure collective (B).

A- L’incorporation des biens communs au sein de chaque procédure

319 Comp. la situation des biens communs en cas de liquidation judiciaire successive de chacun des époux, T.com., 4 octobre 2000, Defrénois 2001, art. 37345, note RUBELLIN.

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N° 83.- Lorsqu’une procédure de surendettement au profit d’un débiteur coexiste avec uneprocédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte contre son conjoint commun enbiens, les biens communs vont être à la fois intégrés, à raison du dessaisissement, dans laprocédure collective (1) et pris en considération dans le cadre de la procédure desurendettement des particuliers (2).

1) L’incorporation des biens communs dans la procédure collective

N° 84.- L’ouverture d’une procédure collective conduit au dessaisissement du débiteur. Cedernier, en matière de liquidation judiciaire, comme plus généralement la réduction despouvoirs du débiteur pendant la période d’observation, est une règle traditionnelle du droit desfaillites. Ce dessaisissement au sens large320 peut se définir comme la privation imposée audébiteur des pouvoirs normaux de gestion de son patrimoine, ces pouvoirs étant désormaisexercés par un mandataire de justice321. Le dessaisissement est la marque de la saisiecollective des biens du débiteur qui résulte de la procédure collective. A compter du jugementd’ouverture, tous les biens du débiteur sont frappés d’indisponibilité322. Ces biens ne peuventplus, en principe, être réalisés que par les organes de la procédure collective selon les règles decette procédure. Il ne s’agit pas d’une sanction mais d’une mesure de défiance à l’encontre dudébiteur. Pendant la période d’observation, le dessaisissement a pour but d’assurer lasauvegarde des biens de l’entreprise et la survie de celle-ci, dans la perspective de sonredressement. En cas de liquidation judiciaire, au contraire, le dessaisissement du débiteur viseà préserver le gage des créanciers. Il s’agit d’éviter, au nom de l’intérêt des créanciers, toutdétournement des éléments d’actif qui sont désormais uniquement affectés à leurremboursement. Ainsi, dans ce dernier cas, le dessaisissement ne prend fin que suite à laclôture de la procédure323.

N° 85.- Cette limitation des pouvoirs du chef d’entreprise se manifeste tant durant laprocédure de liquidation judiciaire qu’au cours de la période d’observation. En situation deliquidation judiciaire, le dessaisissement s’applique à tout le patrimoine du débiteur comme àtous les actes qu’il peut conclure. Conformément au principe d’unité du patrimoine, ilconcerne les biens présents qui figurent dans son patrimoine au jour du jugement d’ouverturede la procédure, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les biens affectés à l’exploitation et lesbiens personnels. Il concerne en outre les biens à venir et notamment les biens qui vont luiéchoir par donation ou succession pendant la procédure. Ce dessaisissement n’entraîne

320 Le Code de commerce réserve le terme de dessaisissement uniquement à la situation de liquidation judiciaire(art L 622-9) et utilise le terme d’administration contrôlée pour désigner ce dessaisissement pendant la périoded’observation (art. L 621-22). Dans le premier cas on peut parler de dessaisissement stricto sensu. Le terme dedessaisissement lato sensu est utilisé ici pour désigner la limitation des pouvoirs du chef d’entreprise, durant lapériode d’observation et la liquidation judiciaire.321 SENECHAL (J.P.), Le droit des procédures collectives à l’épreuve de la réforme des régimes matrimoniaux,Bull. Joly 1995, p. 229.322 SENECHAL (M.), L’effet réel de la procédure collective, Thèse Toulouse 2001, n° 94.323 KERCKHOVE, op. cit., n° 789

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toutefois aucun transfert de propriété324. En conséquence, le liquidateur ne peut, sur ce seulfondement, faire procéder à l’expulsion du débiteur de l’immeuble dont il est restépropriétaire325. Selon la Cour de cassation, les actes juridiques accomplis par le débiteur enliquidation judiciaire malgré le dessaisissement sont inopposables à la procédure326.Durant la période d’observation, il est organisé un dessaisissement à géométrie variable. Lasurvie de l’entreprise doit ici prévaloir. Dans cette optique, on a considéré que pour êtreefficace, la mission de l’administrateur devait être adaptée à la situation de l’entreprise. Ledessaisissement dépend donc de la mission conférée par le tribunal à l’administrateurjudiciaire327. Le tribunal peut, en régime général328, charger l’administrateur de surveiller lesopérations de gestion, d’assister le débiteur pour tous les actes concernant la gestion oucertains d’entre eux ou d’assurer seul, entièrement ou en partie, l’administration del’entreprise. Dans ce dernier cas, la situation est très proche de celle retenue en phase deliquidation judiciaire. En régime simplifié, lorsqu’il est nommé un administrateur judiciaire, ledébiteur est soit dessaisi et représenté par l’administrateur, soit assisté par celui-ci329. A toutmoment, le tribunal peut modifier la mission de l’administrateur sur la demande de celui-ci, dureprésentant de créanciers, du procureur de la République ou d’office330.Il existe toutefois des exceptions à cette règle du dessaisissement. Tout d’abord, l’article L622-9 du Code de commerce permet au débiteur de se constituer partie civile dans le butd’établir la culpabilité de l’auteur d’un crime ou d’un délit dont il serait victime. Dans ce cas,il doit cependant limiter son action à la poursuite de l’action publique sans solliciter deréparations civiles. La jurisprudence reconnaît aussi au débiteur le droit d’exercer seul lesactions présentant un caractère personnel marqué, notamment toutes les actions relatives àl’état des personnes331. Le dessaisissement ne s’applique pas non plus aux actes qui, parnature, ne peuvent pas porter préjudice aux créanciers. Le débiteur peut ainsi accomplir seuldes actes conservatoires332. De même, le dessaisissement ne s’applique pas aux biensinsaisissables, définis pour l’essentiel par les articles 14 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991portant réforme des procédures civiles d’exécution et 39 du décret n° 92-755 du 31 juillet1992. Enfin, le débiteur, malgré le dessaisissement, conserve le droit de participer auxopérations de la procédure collective. Il peut notamment, à ce titre, exercer les voies derecours contre la décision prononçant sa liquidation judiciaire et contre certaines décisionsdans le domaine des actions en revendication, des réalisations d’actif ou de la procédure dedéclaration et de vérification des créances333. 324 LEGRAND (M.N.), Les pouvoirs du débiteur dessaisi, Rev. proc. coll. 1991-1, p. 11.325 CA Paris, 09 février 1990, Rev. proc. coll. 1991-3, p. 363.326 Cass. Com., 23 mai 1995, Bull. civ., IV, n° 150 ; Petites affiches 12 juillet 1995, p. 29, note DERRIDA ; 26avril 2000, Bull. civ., IV, n° 81.327 SAINT-ALARY-HOUIN (C.), Droit des entreprises en difficulté, n° 499.328 Lorsque l’entreprise emploie plus de 50 salariés ou réalise un chiffre d’affaires supérieur à 3 100 000 Euros(art. L 620-1 C.com).329 Art. L 621-137 C. com.330 Art. L 621-22 C. com.331 KERCKHOVE, op. cit., n° 787 ; JEANTIN (M.) et LE CANNU (P.), op. cit., n° 772.332 GUYON (Y.), op. cit., n° 1304.333 LE CORRE BROLY (E.), op. cit., n° 299 et les références citées.

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N° 86.- Puisque le dessaisissement s’applique à tous les biens qui appartiennent au débiteur,sans con sidération de leur origine334, sous un régime de communauté, il englobe les bienspropres de l’époux mais aussi ses biens communs, puisque le paiement des dettes de cet épouxpeut, en principe, être poursuivi sur ces biens. Sur le fondement de l’article 1413 du Codecivil, l’ensemble des biens du débiteur marié sous le régime de la communauté, biens propreset communs, va donc être attiré dans la procédure collective ouverte contre lui335.La conséquence de cette attraction des biens communs dans la procédure collective est dedonner, en principe, compétence exclusive à l’administrateur ou au liquidateur judiciaire,selon le cas, pour procéder à leur réalisation. Cette emprise de la procédure collective sur lesbiens communs est totale. En ce sens, le dessaisissement qui frappe le débiteur interdit à sonconjoint de procéder seul à la vente d’un immeuble commun336. De même, suite à l’ouverturede la procédure collective, les créanciers du conjoint in bonis ne peuvent plus exercer depoursuites sur ces biens337. Mieux encore, elle dispense, en principe, les organes de laprocédure d’obtenir le consentement du conjoint. Elle prive de plus l’époux de tout droitd’intervention dans la procédure collective de son conjoint.

N° 87.- Pendant la procédure de liquidation judiciaire, c’est au seul liquidateur qu’il appartientde réaliser les biens appartenant au débiteur et d’en répartir le prix. Ce mandataire pourra doncprocéder à la réalisation de l’immeuble commun appartenant au débiteur338, même s’ilconstitue le logement de sa famille339. Au motif qu’il s’agit d’une vente forcée, les règlesrelatives à la cogestion des époux doivent être écartées. En effet, l’objectif poursuivi par lesarticles 215 al. 3 et 1424 du Code civil est de mettre à l’abri les biens communs et le logementde la famille des actes que l’un des époux accomplirait seul. En conséquence, il estinapplicable en cas de vente forcée340. Conformément à ce principe, il était jugé, sous lerégime de la loi de 1967, que la vente d’un immeuble commun, fût-il le logement familial dudébiteur, poursuivie par le syndic dans le cadre d’une liquidation de biens, n’était pas soumiseaux règles de cogestion prévues par les articles 215 et 1424 du Code civil341. Cette solution aévidemment été transposée sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985342.

334 Cass. Ass. plén., 15 avril 1983, D. 1983, jurisp., p. 461, note DERRIDA.335 LUCAS (F.X.), La protection du conjoint d’un débiteur en difficulté, Petites affiches 12 juillet 2002, p. 42.336 CA Versailles, 15 janvier 1998, D. affaires 1998, p. 915.337 Cass. Ass. plén., 23 décembre 1994, précité supra note n° 280.338 Cass. Com., 08 mars 1994, SoinneJuris 15293 ; 21 mars 2000, Act. Proc. Coll. 2000, n° 110 ; 10 mai 2000,SoinneJuris 39970 ; CA Aix-en-Provence, 15 octobre 1998, Act. Proc. Coll. 1999, n°230 ; CA Colmar, 29 janvier2002, Juris-Data 175613.339 Cass. Com., 17 juin 1997, SoinneJuris 25859.340 COLOMER (A.), op. cit., n° 73.341 S’agissant de l’art. 215 c. civ. : Cass. 1ere civ., 12 octobre 1977, D. 1978, jurisp., p. 333, note CHARTIER ;pour l’art. 1424 : 21 novembre 1978, D. 1979, jurisp., p. 365, note JEANTIN ; Cass. com., 11 mai 1993, Rev.proc. coll. 1995-1, p. 72, n°4, obs. DUREUIL.342 Cass. 1ere Civ., 21 mai 1997, Bull. civ., I, n° 163 ; D. affaires 1998, p. 905 ; add. CA Paris, 09 mars 1992, citéin VAUVILLE (F.), Droit des procédures collectives et droit patrimonial de la famille, JCP 1993, éd. N, p. 79 ;CA Paris, 20 novembre 2000, Bull. info C. Cass., 01 mai 2001, n° 483.

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Dans la droite ligne de ces principes, il a été jugé que le conjoint du débiteur ne doit pas êtreconvoqué devant le juge commissaire aux fins d’autoriser la vente d’un immeuble commun etque la décision prise par ce magistrat ne doit pas lui être notifiée343. Cette solution est reprisepar la Cour de cassation selon laquelle l’ordonnance du juge commissaire autorisant la ventede l’immeuble commun n’a pas à être notifiée au conjoint du débiteur344. Cette vision peutparaître surprenante. Il a été jugé, au regard de l’article 6 de la Convention Européenne deSauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, qu’en l’absence denotification au débiteur de l’ordonnance autorisant la cession de l’immeuble lui appartenant,celui-ci ne peut se voir privé du droit d’exercer, après expiration du délai légal, un recourscontre cette décision rendue à son insu et concernant ses droits et obligations345. Il aurait dèslors pu sembler logique que l’ordonnance du juge commissaire autorisant la vente del’immeuble commun soit notifiée à toute personne dont la situation est susceptible d’êtreaffecté par celle-ci et notamment au conjoint du débiteur346. Le conjoint in bonis doitbénéficier des mêmes droits de défendre ses intérêts que l’époux soumis à la procédure. Il doitdonc pouvoir être informé de la vente d’un immeuble commun. Notamment, l’article 25 al. 3du décret du 27 décembre 1985 permet au juge commissaire de faire notifier par lettrerecommandée avec accusé de réception ses ordonnances à toutes les personnes qu’il désigne.En outre, l’article 20-1 du décret du 27 décembre 1985 prévoit que le conjoint doit êtreentendu ou dûment convoqué avant toute décision ordonnant ou autorisant la vente des biensindivis. L’extension de cette solution au conjoint commun en biens aurait donc pu êtreenvisagée par la Cour de cassation. En ce sens, selon les recommandations professionnelles del’institut français des praticiens des procédures collectives, par extension avec le dispositifprévu à l’article D 20-1, le liquidateur est invité à faire convoquer le conjoint du débiteurdevant le juge commissaire avant toute décision ordonnant ou autorisant la vente de biens decommunauté347. Néanmoins, si le juge commissaire a ordonné que l’immeuble commun seravendu aux enchères publiques, la sommation de prendre connaissance du cahier des chargesprévue à l’article 689 du Code de procédure civile doit être faite au conjoint du débiteur enliquidation judiciaire348. Si le liquidateur est dispensé de délivrer au débiteur saisi lasommation de prendre communication du cahier des charges, il doit le faire au profit duconjoint in bonis. Ce dernier est alors joint à la procédure de saisie immobilière et pourra sedéfendre dans celle-ci. Il convient enfin de préciser qu’en cas de liquidation judiciaire d’unagriculteur, l’article L 622-16 du Code de commerce permet au tribunal, en considération de lasituation personnelle et familiale du débiteur, de lui accorder des délais de grâce pour quittersa maison d’habitation principale.

N° 88.- Cette faculté reconnue aux organes de la procédure de pouvoir procéder à laréalisation des biens communs n’est pas propre à la liquidation judiciaire. Au cours de la 343 CA Rennes, 20 septembre 1995, SoinneJuris 20343 ; CA Angers, 17 juin 1997, SoinneJuris 26035.344 Cass. 1ere Civ., 21 mai 1997, Bull. civ., I, n° 163 ; D. affaires 1998, p. 905.345 Cass. Com., 17 mai 1994, Bull. civ., IV, n° 182 ; D. 1994, jurisp., p. 510, note DERRIDA.346 VAUVILLE (F.), Procédures collectives, consultation, JCP 1995, éd. N, p. 1492.347 Recommandation IFPPC, n° 6034-9.348 Cass. Com., 11 avril 1995, Bull. civ., IV, n° 123 ; Defrénois 1995, art. 36139-8 note SENECHAL.

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période d’observation, la survie de l’entreprise peut commander de céder un bien commun nonaffecté à l’exploitation, voire le logement de la famille. Dans ce cas, s’agissant d’un acte dedisposition étranger à la gestion courante de l’entreprise, l’article L 621-24 du Code decommerce impose à l’administrateur ou au débiteur, selon le cas, d’obtenir l’autorisationpréalable du juge commissaire. Il ne s’agit pas ici d’une vente forcée. En conséquence, onconsidère que les articles 215 et 1424 du Code civil doivent trouver application349. Enl’absence d’administrateur judiciaire ou lorsque ce dernier a vu sa mission limitée à unesimple mission de surveillance, il convient d’admettre que les deux époux doivent cosigner larequête présentée au juge. S’il ne peut obtenir l’accord du conjoint, le débiteur oul’administrateur pourra utiliser la ressource que lui donne l’article 217 du Code civil etdemander en justice l’autorisation de présenter seul la requête en vue de la vente del’immeuble au juge commissaire350. En ce sens, selon les règles professionnelles diffusées parl’institut français des praticiens des procédures collectives, l’administrateur, dans ce cas, doitagir avec l’accord du conjoint mais il peut saisir le Tribunal en cas de refus de ce dernier351.Les biens communs peuvent encore être intégrés dans un plan de cession. Là encore il n’estpas prévu par les textes l’audition du conjoint du débiteur. Toutefois, selon lesrecommandations professionnelles de l’IFPPC, si le plan de redressement porte en tout oupartie sur des biens communs, les professionnels doivent demander que le conjoint in bonissoit convoqué à l’audience statuant sur le projet de plan352. En tout état de cause, puisqu’ils’agit dans ce cas d’une vente forcée, le consentement du conjoint n’est jamais exigé. Enfin,après plan de continuation, le dessaisissement cesse. Le débiteur ou son conjoint peut donccéder les biens communs qui ne sont pas grevés d’inaliénabilité. Toutefois, dans le cadre duplan de continuation, le tribunal pourra décider que les biens qu’il estime indispensable à lacontinuation de l’entreprise ne pourront être aliénés, pour une durée qu’il fixe, sans sonautorisation353. Cette inaliénabilité peut atteindre les biens communs354. Elle doit faire l’objetd’une mesure de publicité auprès du greffe du tribunal ou de la conservation des hypothèqueset est sanctionnée par une nullité absolue355. De plus, les dispositions du plan sont opposablesà tous. Cette inaliénabilité s’impose donc au conjoint du débiteur356.Il convient en outre de souligner qu’échappent au dessaisissement les biens propres duconjoint demeuré extérieur à la procédure357. L’époux in bonis reste donc libre de céder sesbiens propres. S’il s’agit du logement familial, le consentement du conjoint soumis à laprocédure collective est indispensable. On considère néanmoins que l’intervention del’administrateur ou du liquidateur n’est pas nécessaire puisque le consentement exigé par

349 DUREUIL (B.), L’attraction des biens de la communauté conjugale par la procédure collective (…), PetitesAffiches 26 août 1998, p. 10.350 JEANTIN (M.) et LE CANNU (P.), op. cit., n° 1773.351 Recommandation IFPPC, n° 1102-7.352 Recommandation IFPPC, n° 1102-9.353 Art. L 621-72 du Code de commerce.354 SOINNE (B.), Traité des procédures collectives, n° 1568.355 SAINT ALARY HOUIN (C.), op. cit., n° 853.356 En ce sens, TGI Tarbes, 05 avril 1995, Rev. proc. coll. 1998-3, p. 267, n° 16, obs. SOINNE.357 Cass. 1ere Civ., 16 avril 1991, Bull. civ., I, n° 141.

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l’article 215 du Code civil a un caractère personnel et n’a pas à être donné par un organe de laprocédure358. Sous cette seule réserve, l’ensemble des biens du débiteur est incorporé dans laprocédure collective ouverte à son encontre, y compris les biens communs. Le même constatpeut être dressé dans le cadre de la procédure de surendettement des particuliers ouverte contreson conjoint.

2) La prise en considération des biens communs dans la procédure de surendettement desparticuliers

N° 89.- Contrairement à ce qu’il est prévu en matière de procédure collective, la commissionde surendettement ne peut pas imposer la vente forcée des biens du débiteur. Néanmoins ilpeut être envisagé, dans le cadre de cette procédure, la vente amiable de ces biens. De plus,l’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers àl’égard d’un débiteur peut conduire à une suspension des poursuites à l’encontre de ce dernier.Notamment peut être paralysée la procédure de saisie immobilière d’un bien appartenant audébiteur. Il y’a donc de ce point de vue prise en compte des biens communs dans la procédurede surendettement.

N° 90.- Ni la commission de surendettement, ni le juge de l’exécution, ne peuvent imposer lavente des biens appartenant au débiteur. Si certaines cours d’appel ont pu estimer que lacommission pouvait enjoindre au débiteur de réaliser un actif immobilier359, cette solution aété condamnée par la Cour de cassation360. Pourtant, dès l’ouverture de la procédure, lacommission doit prendre en considération la valeur du patrimoine immobilier du débiteur dansl’appréciation de sa situation de surendettement. Elle peut déclarer irrecevable la demandedéposée par le débiteur afin de bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers sielle constate que compte tenu de la valeur vénale de ses biens immobiliers, le débiteur neserait plus surendetté après les avoir aliénés361. Elle doit néanmoins aussi prendre enconsidération, dans l’appréciation de la situation de surendettement du débiteur, les dépensesqu’aurait engendrée la vente de ce bien immobilier lorsqu’il constitue son logement362.Indirectement, la commission peut donc fixer comme préalable à l’ouverture d’une procédurede surendettement la vente d’un bien immobilier appartenant au débiteur, fût-il son logementet celui de sa famille363. Le débiteur n’est pas contraint de procéder à cette cession. S’il ne lefait pas, il ne pourra toutefois pas bénéficier de la procédure.

358 SOINNE (B.), op. cit., n° 2405359 PAISANT (G.), RTD com. 1992 p. 461 et la jurisprudence citée.360 Cass. Com., 18 mai 1994, Bull. civ., IV, n° 180.361 Cass. 1ere civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 109 ; 26 mars 1996, Bull. civ., I, n° 158 ; 1er décembre 1998,Bull. civ., I, n° 342.362 Cass. 1ere Civ., 22 mai 2001, Bull. civ., I, n° 147 ; JCP 2002-II-10065, note DAGORNE LABBE ; RTD com.2001, p. 760, obs. PAISANT.363 Cass. 1ere Civ., 1er décembre 1998, Bull. civ., I, n° 342.

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N° 91.- De plus, lorsque le débiteur est propriétaire de son logement principal et n’a que defaibles ressources pour faire face à un passif important, la vente de ce bien peut apparaîtrecomme le seul moyen d’apurer tout ou partie de ses dettes. Cette solution peut aussi s’imposerafin d’assainir la situation financière du débiteur, par exemple pour éviter que la conservationde ses actifs ne génère d’autres charges incompatibles avec sa situation tels que des fraisd’entretien ou d’assurance. En ce sens, les articles L 331-6 et L 331-7 du Code de laconsommation permettent aux créanciers, à travers un plan conventionnel de redressement, età la commission, lorsqu’elle recommande des mesures de redressement, d’exiger du débiteurqu’il réalise des actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de ses dettes. Sur lefondement de ces textes, la commission, ou le plan conventionnel, peut inviter le débiteur àvendre des éléments d’actif, notamment immobilier, lui appartenant364. Tel sera le cas parexemple de l’immeuble donné en location, sans que cette opération immobilière ne « soitnécessaire » au débiteur365. Par contre, la simple constatation de l’impossibilité d’établir unplan d’apurement du passif ne permet pas de justifier cette mesure366. Il est sans importance àcet égard que le bien en question soit affecté à l’activité professionnelle du conjoint. Il a ainsiété jugé qu’il pouvait être demandé au débiteur la vente préalable de l’immeuble constituantl’atelier du mari, artiste peintre, au motif que les époux pouvaient louer un atelier à moindrecoût367. Ces principes sont applicables même quand l’immeuble que le débiteur est invité àvendre constituerait un bien commun ou son logement familial368. Dans ce cas, puisqu’il nes’agit pas d’une vente forcée, le consentement du conjoint sera nécessaire conformément auxdispositions des articles 1424 et 215 du Code civil369. Néanmoins, le refus manifesté par leconjoint du débiteur, en faisant obstacle à l’application des mesures de redressement, auraitalors toutes les chances de ne pas être justifié par l’intérêt de la famille. Il pourra donc êtresurmonté par une autorisation judiciaire dans les termes de l’article 217 du Code civil370.Inversement, la commission pourra recommander que certains biens appartenant au débiteurne soient pas vendus pendant le déroulement de la procédure. Cette solution s’imposeranotamment lorsque le débiteur est propriétaire d’un bien qui procure des revenus susceptiblesd’être affectés au remboursement des créanciers. En outre, selon l’article L 333-2 du Code dela consommation, sera déchu du bénéfice de la procédure le débiteur qui aura procédé à desactes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure. Sera doncdéchu du bénéfice de la procédure, le débiteur qui aura pendant celle-ci, et sans y être autorisé,procédé à la vente d’un bien lui appartenant371. De plus, lorsque le plan conventionnel de

364Cass. 1ere Civ., 24 février 1993, Bull. civ., I, n° 85 ; JCP 1994, Ed. E, p. 224, n° 3, obs. SIMLER ; RTD com.1993, p. 374, obs. PAISANT ; RTD civ., 1994, p. 664, obs. VAREILLE ; Cass. Com., 18 mai 1994, Bull. civ., IV,n° 180 ; Cass. 1ere Civ., 03 janvier 1996, Bull. civ., I, n° 13.365 Cass. 1ere Civ., 23 mars 1999, inédit, pourvoi n° Y 97-04.181.366 Cass. 1ere Civ., 2 juillet 1996, inédit, pourvoi n° K 95-04.023 ; 23 juin 1998, inédit, pourvoi n° H 96-04.231.367 Cass. 1ere Civ., 15 janvier 2002, Bull. civ., I, n° 16.368 Cass. 1ere Civ., 15 janvier 2002, ibid.369 Cass. 1ere civ., 24 février 1993, précité supra note n° 364.370 CA Dijon, 16 septembre 1998, Juris-Data 055480.371 VAUVILLE (F.), Vente d’immeuble - surendettement du vendeur, consultation, Dr. et Patrimoine Avril 1999,p. 43.

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redressement prévoit la vente d’un bien appartenant au débiteur et si le débiteur ne respectepas son engagement, le plan pourra être frappé de caducité, conformément aux dispositions del’article R 331-17 du Code de la consommation. Si aucune disposition semblable n’est prévueen ce qui concerne l’inexécution d’une recommandation de la commission, par analogie, laCour d’appel de Paris s’est prononcée pour la caducité de la procédure de surendettement dansune hypothèse ou le débiteur n’avait pas respecté la recommandation de la commission,confirmée par le tribunal, qui avait préconisé la vente d’un bien immobilier372.

N° 92.- Parallèlement, l’ouverture d’une procédure de traitement des situations desurendettement des particuliers peut conduire à l’interruption des mesures d’exécution dirigéescontre le débiteur373. Certes, contrairement au jugement d’ouverture d’une procédure deredressement ou de liquidation judiciaire des entreprises, aucune disposition ne prévoit quel’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliersemporte, de plein droit, arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur374. Il est pourtantévident que la Commission aura davantage de chance de mener à bien sa mission si elle est enmesure de limiter certaines initiatives des créanciers. Ainsi, une fois régulièrement saisie, surle fondement de l’article L 331-5 du Code de la consommation, la commission peut saisir lejuge de l’exécution aux fins de suspension des procédures d’exécution diligentées contre ledébiteur et portant sur les dettes autres qu’alimentaires. En cas d’urgence, la saisine du juge del’exécution peut intervenir à l’initiative du débiteur, du président de la commission, dudélégué de ce dernier ou du représentant local de la Banque de France. Si la situation dudébiteur l’exige, le juge de l’exécution prononce alors la suspension provisoire des procéduresd’exécution. Celle-ci est acquise, sans pouvoir excéder un an, jusqu’à l’approbation du planconventionnel de redressement ou en cas d’échec de la conciliation, jusqu’à l’expiration dudélai de 15 jours dont dispose le débiteur pour demander à la commission de formuler desrecommandations. En cas de demande formulée dans ce délai, elle est acquise jusqu’à ce quele juge ait conféré force exécutoire aux mesures recommandées ou s’il a été saisi jusqu’à qu’ilait statué. Cette suspension des procédures d’exécution n’est pas renouvelable375. Saufautorisation du juge de l’exécution, la décision qui prononce la suspension provisoire desprocédures d’exécution interdit au débiteur de faire tout acte qui aggraverait son insolvabilitéou notamment de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale du patrimoine. Deplus, elle interdit, de plein droit, la prise de toute garantie ou sûreté contre le débiteur.La suspension prononcée par le juge de l’exécution cesse de produire ses effets dèsl’approbation d’un plan conventionnel de redressement. Cependant, dans ce cas, on doitpouvoir considérer que la signature du plan emporte, pour les créanciers, renonciation auxactions en paiement tant que le plan est exécuté par le débiteur. En ce sens, la pratique descommissions est d’intégrer dans les plans des clauses aux termes desquelles les créanciers

372 CA Paris, 15 décembre 2000, Juris-Data 132355, contra mais antérieur à la réforme de 1995, Cass. 1ere Civ.,12 janvier 1994, Bull. civ., I, n° 21.373 RIZZO, Le traitement juridique de l’endettement, n° 107 et s.374 Cass. 2eme Civ., 22 mars 2001, Bull. civ., II, n° 60 ; RTD com. 2001-2, p. 782, obs. PAISANT.375 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I , n° 105.

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renoncent à exécuter leurs titres pendant toute la durée d’application du plan376. Néanmoins,les créanciers non signataires ne peuvent se voir opposer les conditions déterminées au plan.Ils conservent en conséquence leur droit de poursuites à l’encontre du débiteur, malgré leplan377. Selon le même ordre d’idée, l’article L 331-9 du Code de la consommation prévoitque les créanciers auxquels les mesures recommandées sont opposables ne peuvent exercerdes procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée de cesmesures. Ainsi, lorsqu’il a été recommandé la vente d’un bien immobilier appartenant audébiteur dans un délai de 12 mois, un créancier ne peut procéder, pendant cette période, à lasaisie de l’immeuble378.

N° 93.- Seules sont concernées, les procédures d’exécution portant sur les dettes. Enconséquence, il ne peut être fait échec, sur le fondement de l’article L 331-5 du Code de laconsommation a une procédure d’expulsion du débiteur surendetté379. Ne peut non plus êtreparalysée, sur le fondement de ce texte, la procédure tendant à faire constater judiciairementl’acquisition d’une clause résolutoire380. De même, la suspension des procédures d’exécutionn’a pas pour effet d’interdire aux créanciers d’introduire une action devant le juge compétentafin d’obtenir un titre exécutoire381. Simplement, l’exécution de ce titre sera différée durant laprocédure. La suspension des procédures d’exécution n’a pas non plus pour effet d’empêcherles créanciers de demander la prorogation des effets d’un commandement de saisieimmobilière382. Contrairement à la solution retenue en matière de redressement et deliquidation judiciaires383, le juge de l’exécution peut suspendre les effets d’une saisieattribution d’une créance à exécution successive pratiquée à l’encontre du débiteur avant lasaisine de la commission de surendettement384.En ce qui concerne les procédures de saisies immobilières, l’article L 331-5 du Code de laconsommation ajoute que postérieurement à la publication du commandement, le juge de lasaisie est seul compétent pour prononcer la suspension de cette procédure. Jusqu’à cettepublication, le juge de l’exécution est donc compétent pour suspendre la procédure385. Acompter de la publication, la compétence passe au juge de la saisie et le juge de l’exécution nepeut plus ordonner la suspension de la procédure386. Lorsque la date d’adjudication a été fixée,la commission et le débiteur peuvent, pour cause grave et dûment justifiée, saisir le juge aux

376 CHATAIN (P.L) et FERRIERE (F.), op. cit., n° 215.377 CHATAIN (P.L) et FERRIERE (F.), op. cit., n° 200378 Cass. 1ere Civ., 14 novembre 2001, Bull. civ., I, n° 280 ; RTD com. 2002-1, p. 176, obs. PAISANT ; Rev.Huissiers 2002, p. 183, note BOURDILLAT379 Cass. 1ere Civ., 30 mai 1995, Bull. civ., I, n° 228 ; 22 janvier 2002, Bull. civ., I , n° 26 ; Rev. proc. coll. 2002-2, p. 88, n°7, obs. BOUTEILLER.380 CA Bourges, 13 novembre 2000, contrats, conc., consom. 2001, comm. n°115.381 Cass. Avis, 16 juin 1995, Bull. info cass., 1er août 1995, n° 7 ; Cass. 1ere Civ., 07 janvier 1997, D. affaires1997, p. 273 ; 05 décembre 2000, inédit, pourvoi n° B 98-20.656.382 Cass. 2eme Civ., 25 juin 1997, Bull. civ., II, n° 208. 383 Cass. Avis, 16 décembre 1994, Petites affiches 22 février 1995, p. 19, note DERRIDA.384 Cass. 1ere Civ., 14 mars 2000, Bull. civ., I, n° 94.385 Cass. 2eme Civ., 08 avril 1998, contrats, conc., consom. 1998, comm. n° 94 ; D. affaires 1998, p. 800.386 Cass. 2eme Civ., 11 mars 1998, Bull. civ., II, n° 80.

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fins de remise de l’adjudication dans les conditions prévues par l’article 703 du code deprocédure civile. Il appartient à la commission et au débiteur, à peine de rejet de leur demande,de démontrer les causes graves qui justifient la remise de l’adjudication. La simpleconstatation de l’existence d’une procédure de surendettement ne constitue pas une causegrave au sens de ce texte387. De plus, il est nécessaire qu’une procédure de surendettement aitété effectivement ouverte388. En tout état de cause, la décision du juge de la saisie estinsusceptible de recours389. La circulaire du 24 mars 1999 précise à cet égard que lesavantages que peut apporter une demande de suspension doivent être toujours mis en relationavec les coûts supplémentaires qu’elle peut entraîner pour le débiteur, notamment lorsqu’ils’agit d’interrompre une vente forcée d’immeuble dont les formalités de publicité légale ontdéjà été accomplies. La suspension de la procédure de saisie immobilière n’est donc pasautomatique. Elle doit être demandée en principe par la commission, uniquement si lasituation du débiteur l’exige.

N° 94.- Du fait de cette attraction des biens communs à la fois dans la procédure desurendettement et dans la procédure collective, le risque de télescopage est important. Leseffets de la procédure collective pourront en effet être paralysés par la procédure desurendettement. Réciproquement, les décisions prises dans le cadre de la procédure collectivevont nuire au déroulement de la procédure de surendettement.Ainsi, le déroulement de la procédure collective va pouvoir priver son conjoint d’uneprocédure de traitement de son endettement390. Notamment, si une procédure de liquidationjudiciaire vient à être prononcée, ou un plan de cession arrêté, il va être procédé à l’aliénationdes biens communs. Cette aliénation va servir exclusivement à payer les créanciers de laprocédure collective. Or, si le conjoint bénéficie d’une procédure de surendettement ce bienaura pu être pris en considération pour élaborer les mesures. De même, la Commission pourraavoir subordonné les mesures recommandées à la vente d’un bien commun. Or suite à laliquidation judiciaire de l’époux, ce bien commun ne pourra plus être vendu en raison dudessaisissement. Parallèlement, le bien commun aura pu être déclaré inaliénable dans le cadredu plan de continuation arrêté par le juge de la procédure collective.Inversement, le redressement de l’entreprise peut devoir passer par la vente rapide d’un biencommun. Par exemple, l’administrateur judiciaire peut avoir reçu une offre en vue d’un plande cession intégrant des biens communs. En outre, il peut être envisagé, pendant la périoded’observation, de réaliser un bien commun non indispensable à l’exploitation en vue dereconstituer la trésorerie. Or dans le cadre de la procédure de traitement du surendettementouverte contre le conjoint du débiteur, la commission aura pu recommander l’inaliénabilité deces biens. De même, le juge de l’exécution ou de la saisie aura pu prononcer la suspension dela saisie immobilière diligentée par le liquidateur dans le cadre des opérations de liquidation

387 TGI Paris, 28 janvier 1999, Petites Affiches 16 août 1999, note GALLET.388 Cass. 1ere Civ., 19 juin 2001, Bull. civ., I, n° 182.389 Cass. 2eme Civ., 04 février 1999, Petites affiches 25 Août 1999, p. 10, note GALLET ; 06 décembre 2001,Bull. civ., II, n° 181.390LAFOREST TACCHINI (V.), op. cit., n° 533

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judiciaire. Dans ce schéma, les mesures prises dans le cadre de la procédure de surendettementvont perturber le déroulement de la procédure collective, au détriment des créanciers maisaussi et surtout de l’entreprise.L’application cumulée d’une procédure de traitement des situations de surendettement desparticuliers au profit d’un débiteur et d’une procédure de redressement ou de liquidationjudiciaire à l’encontre de son conjoint commun en biens peut s’avérer dangereuse à la foispour l’un et l’autre des époux. Il est de plus difficile de faire prévaloir une procédure surl’autre. Pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’application des règles du droit dusurendettement va conduire à accorder une primauté à la procédure collective, du fait del’inopposabilité de cette procédure à ses organes.

B- L’inopposabilité de la procédure de surendettement des particuliers aux organes de laprocédure collective

N° 95.- Pour tenter de remédier à ce risque de télescopage des procédures, on a tout d’abordsongé à invoquer le principe de l’autorité de la chose jugée391. Une décision prise à proposd’un bien commun dans le cadre d’une première procédure empêcherait qu’une mesureinconciliable soit prise à propos de ce bien dans une procédure parallèle. Un obstacletechnique s’oppose néanmoins à cette solution. L’article 1351 du Code civil exige pour seprévaloir de l’autorité de la chose jugée que « la chose demandée soit la même ; que lademande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties etformée par elles et contre elles en la même qualité ». Or par hypothèse, il n’y a pas ici identitéde parties. Les procédures concernent chacun des époux pris séparément. Les débiteurs sontdonc différents. On ne peut donc invoquer ici une méconnaissance de la règle de l’autorité dela chose jugée392.Pareillement, on a pu se demander s’il n’était pas possible d’invoquer dans ce cas de figureune contrariété de décisions conformément aux dispositions de l’article 618 du Nouveau codede procédure civile. Selon ce texte, la contrariété de décisions peut être invoquée lorsque deuxdécisions, même non rendues en dernier ressort, sont inconciliables et qu’aucune d’entre ellesn’est susceptible d’un recours ordinaire. Le pourvoi en cassation est alors recevable, même sil’une des décisions a déjà été frappée d’un pourvoi en cassation et que celui-ci a été rejeté.Deux décisions sont inconciliables lorsqu’elles ne peuvent être exécutées simultanément393.Tel est bien le cas ici. Néanmoins, cette solution conduit à ce que la Cour de cassation, saisiede la contrariété de décisions, annule l’une des décisions ou, s’il y a lieu, les deux et renvoiedevant une juridiction qui statuera à nouveau. Cela suppose donc que la Cour de cassationfasse prévaloir une procédure sur l’autre. Nous avons vu qu’un tel choix ne peut être retenu.Aucune primauté conceptuelle ne doit être accordée à une procédure. Le juge ne peut choisir

391 CHATAIN (P.L.) et FERRIERE (F.), obs. sur CA Limoges 28 juin 1994, D. 1999, somm. comm., p. 234.392 LAFOREST TACCHINI (V.), op. cit., n° 527.393 Cass. Soc., 23 mai 1989, Bull. civ., V, n ° 374.

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lequel des époux sera exclu d’une procédure de traitement de ses dettes. La contrariété dedécisions ne peut donc être invoquée ici394.

N° 96.- Le recours au droit commun processuel ne se révèle donc pas satisfaisant. Cependant,il apparaît que la nature juridique de la procédure de surendettement des particuliers conduit àaccorder une priorité à la procédure collective. Cette procédure opère in personam, aucontraire de la procédure collective qui opère in rem. En conséquence, en cas de conflit entreune procédure de surendettement des particuliers ouverte contre un débiteur et la procédure deredressement ou de liquidation judiciaire ouverte contre son conjoint, la priorité doit êtreaccordée à la procédure collective puisque la procédure de surendettement est inopposable àses organes. Cet axiome se vérifie à la fois s’agissant des effets de la suspension desprocédures de saisies immobilières poursuivies sur les biens communs (1) comme plusgénéralement s’agissant de toutes les mesures qui peuvent être prises dans le cadre de laprocédure de surendettement (2)

1) L’inopposabilité aux organes de la procédure collective de la suspension des saisiesimmobilières

N° 97.- Aucune disposition du Code de la consommation ne se prononce expressément surl’opposabilité de la suspension des procédures de saisies immobilières prononcée dans le cadrede la procédure de surendettement d’un débiteur aux créanciers personnels de son conjoint. Enl’absence de décision de la Cour de cassation, la jurisprudence se révèle contradictoire.Pourtant la nature in personam de la procédure de surendettement des particuliers conduit àl’inopposabilité de cette suspension aux créanciers du conjoint du débiteur surendetté etpartant aux organes de la procédure collective.

N° 98.- Ainsi, un jugement du TGI de Lure étend à l’époux hors procédure les effets de lasuspension de la saisie immobilière prononcée dans le cadre de la procédure desurendettement des particuliers ouverte au bénéfice de son conjoint. Les magistrats relèvent« qu’autoriser la poursuite consisterait à annuler les effets de la loi sur le surendettement, enprivant l’épouse du bénéfice de ses dispositions395 ». Cette solution est encore celle dejugements du tribunal d’instance d’Ambert en date du 8 avril 1990396 et du TGI de Lisieux endate du 5 octobre 2000397 qui ordonnent la suspension de la saisie immobilière d’un immeublecommun poursuivie par le mandataire liquidateur du conjoint du débiteur surendetté.

N° 99.- En sens inverse, on relatera un arrêt de la Cour d’appel de Limoges en date du 28 juin1994398. En l’espèce, un artisan, marié sous le régime légal de la communauté, faisait l’objet 394 LAFOREST TACCHINI (V.), op. cit., n° 530395 TGI Lure, 18 octobre 1991, D. 1992, IR, p. 64.396 TI Ambert, 8 avril 1990, cité in ROSENBERG (J.), Incidence de la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 sur ledroit civil français, Gaz. Pal. 1991, doc., p. 3.397 TGI Lisieux, 05 octobre 2000, inédit, n° 00/01038.398 CA Limoges, 28 juin 1994, D. 1999, Somm. comm., p. 204, obs. CHATAIN et FERRIERE

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d’une procédure de liquidation judiciaire. Dans le cadre de cette procédure, le jugecommissaire avait ordonné la vente de l’immeuble commun dans les formes prescrites enmatière de saisie immobilière conformément aux dispositions de l’article L 622-16 du Code decommerce. Cette ordonnance étant définitive, la mandataire liquidateur avait diligenté uneprocédure de saisie immobilière. Or, saisi par l’épouse du professionnel, le juge d’instance deGuéret avait ouvert une procédure de redressement judiciaire civil et suspendu pour une duréede deux mois les voies d’exécution et notamment la procédure de saisie immobilière engagéepar le mandataire liquidateur. Sur appel de ce mandataire, la Cour d’appel de limoges infirmela décision du tribunal d’instance, en relevant d’une part qu’aucune disposition du Code de laconsommation n’autorise le juge de l’exécution à suspendre l’exécution d’une décision dujuge commissaire portant sur la réalisation de l’actif d’un débiteur justiciable de la loi du 25janvier 1985 et d’autre part que la circonstance que l’immeuble en cause n’est pas à usageprofessionnel ne permet pas « au juge de l’exécution d’entraver le déroulement d’uneprocédure de redressement ou de liquidation judiciaire ».Un jugement du TGI de Limoges était déjà en ce sens, en estimant que « la suspension desprocédures d’exécution n’ayant été prononcée qu’au profit de la femme qui, seule, l’avaitdemandée, le créancier poursuivant est parfaitement en droit de solliciter la poursuite de lasaisie immobilière, du moins du chef de l’époux sur les biens saisis399 ».

N° 100.- On citera encore une décision du tribunal d’instance de Lille en date du 22 avril1999400. L’espèce était topique. L’épouse d’un commerçant en liquidation judiciaire avait étéadmise au bénéfice d’une procédure de surendettement des particuliers. Dans le cadre de cetteprocédure, le juge de l’exécution avait précisé que la vente de l’immeuble commun ne pouvaitêtre poursuivie. Parallèlement, le tribunal de commerce avait ordonné la vente de cetimmeuble dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire. Le mandataire liquidateurrégularisa donc une tierce opposition contre la décision du juge de l’exécution. Il était invoquéque le mandataire liquidateur a l’obligation de procéder à la vente de l’immeuble communappréhendé par la liquidation. Le juge de l’exécution ne pouvait donc empêcher le liquidateurd’exercer la mission que le tribunal de commerce lui avait confiée. En défense, il avait étérépliqué qu’il n’existe aucune hiérarchie entre le redressement de la loi du 25 janvier 1985 etle surendettement des particuliers de la loi du 8 février 1995 et qu’aucun intérêt supérieur necommande de réviser le plan de surendettement.Cette tierce opposition a été déclarée irrecevable, le tribunal d’instance de Lille relevant que« si la décision attaquée n’a pas ordonné la vente de l’immeuble commun pour régler le passifnon professionnel du couple, dont le paiement est susceptible d’être réclamé par les créanciersà l’épouse, elle n’interdit pas la vente de ce bien de manière générale. En effet, la décisionadoptant des mesures de redressement judiciaire ne produit d’effet qu’entre le bénéficiaire dela décision et les créanciers présents dans cette procédure ». Le tribunal ajoute que « Mme P.seule bénéficie des mesures prévues par le jugement du 14 novembre 1996 ; les reportsd’exigibilité des créances et le réaménagement du prêt immobilier font seulement obstacle aux

399 TGI Limoges, 19 avril 1990, D. 1991, jurisp., p. 382, note PREVAULT.400 TI Lille, 22 avril 1999, inédit, n° 98-004411.

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poursuites à l’encontre de Mme P., mais n’interdisent aucune poursuite aux créanciers de M.V. seul, ni aux créanciers des deux époux à l’encontre de M. V. ».Parallèlement ce même jugement du 14 novembre 1996 avait été frappé d’appel par un descréanciers de l’époux qui entendait se prévaloir des dispositions de l’article L 622-23 du Codede commerce. Par un arrêt en date du 27 mai 1999401, la Cour d’appel de Douai reprend cettesolution en précisant, que nonobstant la procédure de surendettement, « l’immeuble estcompris dans l’actif de M. V. et doit être, en conséquence, réalisé conformément auxdispositions des articles 154 ou 161 de la loi du 25 janvier 1985402 ».

N° 101.- Selon nous, ce sont ces dernières solutions qui doivent être retenues. L’ouvertured’une procédure de surendettement à l’encontre d’un époux marié sous le régime de lacommunauté légale ne peut interdire aux créanciers de poursuivre, pour le montant intégral deleurs dettes, les biens communs lorsqu’ils agissent du chef du conjoint du débiteur surendetté.Il est vrai que la solution inverse est retenue dans le cadre du droit des entreprises en difficulté.Le jugement d’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire interditaux créanciers du conjoint in bonis d’exercer des poursuites sur les biens communs en dehorsdes cas où les créanciers du débiteur soumis à la procédure peuvent eux-mêmes agir403. Il peutdonc être tentant d’affirmer que ce principe doit recevoir application dans le cadre de laprocédure de surendettement des particuliers404. Cette opinion doit cependant être écartée. Lasoumission des créanciers personnels du conjoint in bonis aux règles issues de la procédurecollective est fondée sur le dessaisissement qui frappe le débiteur. L’ensemble des créanciersqui ont comme gage les biens communs sont soumis aux règles de la procédure collective carcelle-ci opère une saisie collective de l’ensemble des biens du débiteur. Or la procédure detraitement du surendettement des particuliers n’entraîne aucun dessaisissement du débiteursurendetté. Il n’existe aucune saisie collective des biens du débiteur surendetté. Notamment, lacommission de surendettement ne peut ordonner la vente forcée des biens du débiteur afin dedésintéresser ses créanciers. Les dispositions du Code de la consommation ne visent qu’uneseule personne, le bénéficiaire de la procédure. La procédure de surendettement, contrairementà la procédure collective, n’opère qu’in personam et non in rem405. On ne peut donc transposerà cette procédure les principes dégagés en matière de droit des entreprises en difficulté.De plus, si l’article L 621-40 du Code de commerce interdit les voies d’exécution de la partdes créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective sur les biens dudébiteur, selon l’article L 331-5 du Code de la consommation, le juge de l’exécution ne peutsuspendre que « les voies d’exécution diligentées contre le débiteur ». Ne sont pas visées lesvoies d’exécution sur les biens du débiteur. Au regard de ce texte, les créanciers personnels duconjoint extérieur à la procédure peuvent saisir les biens communs dans la mesure où ceux-cifont partie de leur gage conformément à l’article 1413 du Code civil. Le juge de l’exécution ne

401 CA Douai, 27 mai 1999, inédit, Rép. gén., n° 97/616.402 Codifiés aux articles L 622-16 et L 622-23 du Code de commerce.403 Cass. ass. plén., 23 décembre 1994, précité supra note n° 280.404 BOUTEILLER (P.), op. cit., n° 49.405 LAFOREST TACCHINI (V.), op. cit., n° 615.

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peut donc, sur le fondement de ce texte, suspendre les voies d’exécution à l’encontre duconjoint du débiteur surendetté, même si elles portent sur les biens communs. Cette mêmeconclusion peut être tirée s’agissant de la suspension des voies d’exécution suite à laconclusion d’un plan conventionnel de redressement ou pendant la durée desrecommandations de la commission406.Au surplus, la suspension des voies d’exécution a pour contrepartie notamment l’interdictionfaite au débiteur d’accomplir des actes qui aggraveraient son insolvabilité ou des actes dedisposition étrangers à la gestion de son patrimoine. Or, cette interdiction ne peut être imposéeà l’époux extérieur à la procédure. Il est constant que l’autonomie reconnue à l’époux communen biens permet à celui-ci de disposer des éléments du patrimoine commun, même si ces actesde disposition seraient interdits à son conjoint sous peine de déchéance du bénéfice de laprocédure407. Il est donc logique que cette suspension ne puisse être étendue aux créancierspersonnels du conjoint du débiteur surendetté et partant aux organes de sa procédurecollective. La même solution doit jouer s’agissant de toutes les mesures adoptées dans le cadrede la procédure de surendettement.

2) L’inopposabilité aux organes de la procédure collective des mesures adoptées dans laprocédure de surendettement

N° 102.- Toutes les mesures recommandées par la commission ou consenties par les créanciersdans le cadre d’un plan conventionnel de redressement ne profiteront qu’au débiteursurendetté et non à son conjoint408. Elles ne peuvent donc être imposées aux créanciers de sonconjoint. Cette solution se vérifie que l’on considère l’hypothèse du créancier communn’ayant eu que le conjoint du débiteur surendetté comme débiteur ou celle du créancier enverslequel les époux se sont engagés solidairement.

N° 103.- On ne serait tout d’abord admettre que le conjoint du débiteur surendetté bénéficiedes mesures prononcées dans le cadre de la procédure de surendettement. Ces mesures ont uncaractère personnel marqué. Elles sont prononcées en considération de la personne dudemandeur à la procédure, à raison de sa situation patrimoniale personnelle409. Le conjoint dudébiteur n’est pas partie à cette procédure. Celui-ci peut de plus, comme dans notre hypothèse,ne pas être éligible à la procédure. La situation serait la même si l’époux du débiteursurendetté était de mauvaise foi ou déchu de la procédure. En présence d’une demandeconjointe d’époux, la commission doit en effet se prononcer sur la bonne foi de chacun desépoux410. De même, dans ce cas, la déchéance d’un époux n’affecte pas son conjoint quicontinue à bénéficier de la procédure411. Il est donc évident que l’époux du débiteur surendetté 406 HENAFF (G.), loc. cit. ; LAGHAIT-GEORGET (F.), Régimes matrimoniaux des époux, évaluation ettraitement du surendettement, Rev. Huissiers 2000, p. 261.407 LE LIVEC-TOURNEUX (M.), loc. cit.; HENAFF (G.), loc. cit.408 TAISNE (J.J.), La loi Neiertz face au droit patrimonial de la famille, Dr. et patrimoine février 2001, p. 30.409 Concl. Avocat Général SAINTE ROSE (J.), sur Cass. 1ere Civ., 03 mars 1998, D. 1998, jurisp., p. 421.410 Cass. 1ere Civ., 14 mars 2000, Bull. civ., I, n° 95.411 Cass. 1ere Civ., 13 mai 1997, D. 1999, somm. comm., p. 207, obs. CHATAIN et FERRIERE.

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ne peut se prévaloir des mesures prononcées dans le cadre de la procédure de surendettement,à laquelle il n’est pas ou plus éligible, par exemple parce qu’il en aura été déchu. Au motifqu’il n’est pas partie à la procédure de surendettement des particuliers, le conjoint du débiteursurendetté ne peut demander à profiter des mesures prises dans le cadre de cette procédure412.Ces mesures sont donc inopposables aux créanciers personnels du conjoint qui sont demeurésextérieurs à la procédure de surendettement, entendus ici comme les créanciers qui n’ont euque le conjoint du bénéficiaire de la procédure comme débiteur. Ces créanciers peuvent donc,malgré la procédure de surendettement, saisir les biens communs, pour le montant intégral deleur dette. Il importe peu que leur dette soit prise en compte pour apprécier la situation desurendettement du demandeur à la procédure.

N° 104.- Le même constat doit être dressé en ce qui concerne les créanciers envers lesquels lesépoux se sont engagés solidairement. Les mesures prononcées dans le cadre de la procédure desurendettement doivent être considérées comme inopposables au codébiteur solidaire dubénéficiaire de la procédure. Ainsi, le créancier solidaire pourra poursuivre le codébiteur pourl’intégralité de sa créance, nonobstant la procédure de surendettement. En effet, au motif qu’ilne s’agit pas de remises de dettes au sens de l’article 1287 du Code civil, la Cour de cassationconsidère que les cautions ne peuvent se prévaloir ni des mesures consenties par les créanciersdans le cadre d’un plan conventionnel de redressement413, ni des mesures recommandées parla commission en cas d’échec de sa mission de conciliation414. Cette solution n’a reçu qu’unaccueil mitigé au sein de la doctrine. On a notamment souligné que la Cour de cassationméconnaissait le caractère accessoire du cautionnement selon lequel la caution ne doit paspayer plus que le débiteur principal ni être soumise à des conditions plus rigoureuses415. Ensens inverse, on a fait valoir que cette solution redonne toute son efficacité au cautionnementqui est destiné à pallier la défaillance du débiteur principal, marquée ici par l’ouverture d’uneprocédure de surendettement416. De plus, on a souligné que cette position a le mérite d’êtreidentique à la solution retenue en matière de procédure collective puisque selon l’article L621-65 du Code de commerce les dispositions du plan de redressement sont inopposables auxcautions et coobligés417. Il convient en outre de noter que la créance de la caution contre ledébiteur surendetté, après paiement du créancier, n’est pas affectée par les éventuelles mesuresde révision de l’obligation. La caution conserve donc son recours contre le débiteur principal

412 LAFOREST TACCHINI (V.), op. cit., n° 367.413 Cass. 1ere Civ., 13 novembre 1996, Bull. civ., I, n° 401 ; D. 1997, jurisp., p. 141, Concl. SAINTE-ROSE, noteMOUSSA ; JCP 1997-II-22780, note MURY ; RTD com. 1997, p. 413, obs. PAISANT ; D. affaires 1998, p. 318,note BROCARD ; D. 1997, somm. comm., p. 201, obs. CHATAIN et FERRIERE ; contrats, conc., consom. août1997, p. 4, note MARIE414 Cass. 1ere Civ., 3 mars 1998, Bull. civ., I, n° 82 ; D. 1998, jurisp., p. 421, Concl. SAINTE-ROSE ; JCP 1998-II-10117, note PIEDELIEVRE ; D. affaires 1998, p. 570 ; RTD com. 1998, p. 422, obs. PAISANT.415 MARIE (C.), note sur Cass. 1ere Civ., 13 novembre 96, contrats, conc., consom. août 1997 p. 4.416 CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), Droit des sûretés, n° 299.417 Cass. Com., 17 novembre 1992, Bull. civ., IV, n° 355.

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pour l’intégralité de la dette qu’elle a payée sur le fondement de son recours personnel418.Ainsi, malgré les critiques, cette jurisprudence a été confirmée419.Cette inopposabilité à la caution des mesures dont bénéficie le débiteur principal dans le cadred’une procédure de traitement du surendettement des particuliers est fondée sur lesdispositions de l’article 1287 du Code civil. Selon ce texte, a contrario, les remises oudécharges de dettes qui n’ont pas un caractère conventionnel ne libèrent pas les cautions. Or,l’article 1285 édicte une règle semblable à l’article 1287 du Code civil pour les codébiteurssolidaires. Il y a donc lieu d’étendre la solution retenue par la Cour de cassation pour lacaution au codébiteur solidaire. Le codébiteur solidaire ne peut bénéficier des mesures dont aprofité le débiteur surendetté à l’occasion d’une procédure de surendettement des particuliers,qu’il s’agisse de mesures consenties par les créanciers dans le cadre d’un plan conventionnelde redressement ou de mesures imposées à ces derniers par la commission après échec de samission de conciliation. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, endate du 6 novembre 2001 est en ce sens. En l’espèce, des époux avaient souscrit solidairementun prêt immobilier. Le mari bénéficia, dans une procédure de surendettement, d’une mesure deréduction de sa dette d’emprunt en application de l’article L 331-7 du Code de laconsommation. Son épouse, codébitrice solidaire, demanda à profiter de la même mesure defaveur. Elle invoquait notamment l’autorité de la chose jugée à l’égard de son ex-mari. Cettesolution est rejetée par la Cour de cassation qui souligne que « La réduction de la detteéventuellement prononcée par le juge, qui n’en laisse pas moins subsister le principe de lacréance dans son montant initial, ne peut avoir d’effet qu’à l’égard du débiteur concerné,même tenu d’un engagement solidaire420 ».

N° 105.- C’est donc l’ensemble de la procédure de surendettement qui est inopposable auconjoint du débiteur surendetté et à ses créanciers. Malgré cette procédure, les créanciers duconjoint peuvent saisir l’ensemble du patrimoine commun sans que l’on puisse leur opposerles dispositions du plan conventionnel de redressement ou les recommandations de lacommission. Il importe peu que le juge de l’exécution ait ordonné la suspension des voiesd’exécution contre le débiteur. Lorsque le conjoint du débiteur surendetté est soumis à uneprocédure collective, il pourra par exemple être procédé à la vente des biens communs, dans lecadre d’un plan de cession ou d’une procédure de liquidation judiciaire sans que la procédurede surendettement des particuliers ne puisse y faire obstacle. De même, à partir du jugementd’ouverture de la procédure collective, le débiteur surendetté ne pourra plus céder librementles biens communs, alors que leur vente aura pu être préalablement recommandée par lacommission. De ce point de vue une primauté est accordée incontestablement à la procédurecollective, au détriment du débiteur surendetté.

418 Cass 1ere Civ., 15 juillet 1999, Bull. civ., I, n° 248 ; Petites affiches 26 mai 2000, note COURTIER ;Defrénois 2000, art. 37079-101, obs. MAZEAUD ; contrats, conc., consom. 2000, comm. n°52 ; JCP 1999-II-10196, note PIEDELIEVRE ; JCP 1999, Ed. E., p. 1925, note LEGEAIS ; 28 mars 2000, Bull. civ., I, n° 107.419 Cass. 1ere Civ., 26 avril 2000, Bull. civ., I, n° 122.420 Cass. 1ere Civ., 6 novembre 2001, Bull. civ., I, n° 269 ; RTD com. 2002, p. 174, note PAISANT ; contrats,conc., consom. 2002, comm. n°20 ; RJDA 3/02, n° 301.

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N° 106.- Si aucun obstacle ne peut être dressé à la vente d’un bien commun dans le cadre de laprocédure collective, le droit du surendettement des particuliers offre cependant un minceréconfort au débiteur surendetté si le bien en question constitue son logement principal. D’unepart la commission peut recommander la réduction du montant de la fraction des prêtsimmobiliers restant due suite à cette vente, d’autre part la commune peut préempter le bien envue du maintien dans les lieux du débiteur surendetté.En cas de vente du logement principal du débiteur, la commission peut, sur le fondement del’article L 331-7 du Code de la consommation, recommander la réduction du montant de lafraction des prêts immobiliers ayant servi à financer son acquisition421. Après la vente de cebien dans le cadre d’un plan de cession ou des opérations de liquidation, le débiteur surendettépeut donc demander à profiter de cette mesure de réduction de la fraction des prêtsimmobiliers non remboursée. Celle ci est cependant enfermée par le Code de la consommationdans des conditions très strictes vérifiées insensiblement par la Cour de cassation, ce quin’exclut pas, dans le silence des textes, que celle-ci fasse preuve d’une certaine clémence auprofit du débiteur. Tout d’abord, seule est concernée la vente du logement principal dudébiteur. Ainsi, la vente d’un immeuble donné en location à un tiers n’est pas susceptible defaire l’objet de cette mesure422. Il importe peu que cet immeuble soit destiné à devenir lelogement principal du débiteur423. Il doit s’agir d’une vente forcée ou d’une vente amiable si leprincipe et les modalités de la vente ont été arrêtés d’un commun accord entre le débiteur etles créanciers concernés. La mesure ne peut donc s’appliquer lorsque la vente est intervenuepour des raisons personnelles au débiteur et non pour éviter une saisie immobilière dulogement424. La réduction prévue ne peut encore être imposée qu’aux établissements de créditayant prêté les sommes nécessaires à l’acquisition du logement principal qui sont titulaires,dans le cadre de cette opération, d’une sûreté inscrite sur l’immeuble425. Enfin, la décision dela commission doit être spécialement motivée426. La réduction de la créance de l’établissementde crédit ne peut ainsi être prononcée si le prix de vente permettait le remboursement intégraldu prêt immobilier427, ni être exclusivement fondée sur l’attitude fautive du prêteur au momentde l’octroi du prêt428.Néanmoins, si le texte vise la réduction du montant de la fraction des prêts immobiliers restantdue aux établissements des crédits qui ont fourni les sommes nécessaires à l’acquisition dulogement principal, la Cour de cassation a considéré que la commission pouvait réduire lemontant de la fraction d’un prêt immobilier consenti pour se substituer à un premier prêtcontracté pour l’acquisition du logement principal429. De même, il est admis que peuvent êtreréduites les sommes empruntées par le débiteur qui ont servi à l’acquisition mais également

421 RIZZO, op. cit., n° 196 et s.422 Cass. 1ere Civ., 21 février 1995, Bull. civ., I, n° 100 ; 19 mai 1999, Bull. civ., I, n° 168.423 Cass. 1ere Civ., 15 juillet 1999, Bull. civ., I, n° 247 ; 09 novembre 1999, Bull. civ., I, n° 301.424 Cass. 1ere Civ., 21 mars 1995, Bull. civ., I, n° 137.425 Cass. 1ere Civ., 30 mai 1995, Bull. civ., I, n° 227 ; 15 juin 1999, Bull. civ., I, n° 204.426 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 103 ; 3 janvier 1996, D. Affaires 1996, p. 290.427 Cass. 1ere Civ., 11 octobre 1994, Bull. civ., I, n° 287.428 Cass. 1ere Civ., 4 avril 1995, Bull. civ., I, n° 161 ; 15 octobre 1996, RJDA 2/97, n° 287.429 Cass. 1ere Civ., 13 juin 1995, Bull. civ., I, n° 261.

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pour partie à l’exécution de travaux d’amélioration de son logement principal430. Surtout, laCour de cassation considère que cette réduction de la fraction du prêt immobilier restant duepeut aller jusqu’à la remise totale de la dette, si cette mesure est seule compatible avec lesressources et charges du débiteur431. En application de ce texte, s’il est procédé à la vente dulogement principal du débiteur surendetté dans le cadre de la procédure collective ouvertecontre son conjoint, le débiteur pourra bénéficier de la réduction, voire de l’effacement, de lafraction des prêts immobiliers restant due aux établissements de crédit qui ont financél’acquisition du bien.

N° 107.- En outre, l’article 616 Code de la construction et de l’habitation, créé par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a institué un nouveau droit depréemption au profit de la commune. Il ressort des travaux préparatoires de la loi de juillet1998 que ce droit de préemption spécifique a été institué suite à la demande des communes quiont exprimé le souhait de permettre la préemption des logements d’accédants à la propriétéplacés en situation de précarité. Il a en effet été relaté que la vente sur saisie immobilière deces immeubles posait des problèmes sociaux et humains particulièrement difficiles,notamment puisque ces débiteurs ne pouvaient plus demeurer dans leur logement432. Ainsi,l’article 616 du Code de la construction et de l’habitation précise qu’en cas de vente sur saisieimmobilière d’un immeuble ou d’une partie immeuble constituant la résidence principaled’une personne qui remplit les conditions de ressources pour l’attribution d’un logement àloyer modéré, il est institué, au bénéfice de la commune, un droit de préemption destiné àassurer le maintien dans les lieux du saisi. Ce droit de préemption qui intervient en cas devente sur saisie immobilière doit trouver application lorsqu’il est procédé à la vente de larésidence principale du débiteur, dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, sur lefondement de l’article L. 622-16 du Code de commerce433. En effet, selon ce texte, les ventesd’immeuble du débiteur en liquidation judiciaire ont lieu « suivant les formes prescrites enmatière de saisie immobilière ». L’article 25 du décret du 27 décembre 1985, précise quant àlui que la vente des immeubles a lieu « par voie de saisie immobilière ».Cependant, l’article 616 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que le droit depréemption de la commune est exercé selon les modalités prévues par le Code de l’urbanismeen matière de droit de préemption urbain, en cas de vente par adjudication lorsque cetteprocédure est rendue obligatoire par la loi ou le règlement. Cela signifie, comme le précisel’article L. 213-1 al. 3 du Code de l’urbanisme que l’acquisition par le titulaire du droit depréemption a lieu au prix de la dernière enchère, par substitution à l’adjudicataire. Il n’existedonc pas de possibilité pour la commune de discuter le prix. Les conséquences de l’exercicede ce droit de préemption pour les créanciers de la procédure collective sont donc de faibleimportance. Malgré l’exercice de son droit de préemption par la commune, la somme répartie

430 Cass. Avis, 2 mai 1994, Bull. civ., Avis, n°14.431 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 103 ; 17 mai 1993, Bull. civ., I, n° 179 ; 4 avril 1995, Bull. civ.,I, n° 161.432 Sénat, séance du 12 juin 1998, JO 13 juin 1998, n° 53.433 PERIGNON (S.), note sur CE sect., 27 oct. 1999, Defrénois 7/00, p. 454.

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entre les créanciers sera celle de la dernière enchère. On précisera de plus qu’il a été jugé quele fait que le greffier de la juridiction ou le notaire chargé de procéder à l’adjudication n’a pasadressé à la commune une déclaration préalable d’intention d’aliéner n’est pas susceptible dejustifier l’annulation de la procédure de saisie immobilière menée par le mandatairejudiciaire434.En cas de vente sur saisie immobilière du logement des époux, dans le cadre des opérations deliquidation judiciaire, et lorsque ces derniers remplissent les conditions de ressources pourl’attribution d’un logement à loyer modéré, la commune pourra préempter l’immeuble afind’assurer le maintien du couple dans les lieux. La commission pourra de plus, si la situation del’époux surendetté l’exige, effacer la dette restant due à l’établissement de crédit qui a financél’acquisition de cet immeuble. Toutefois, malgré ces mesures, une primauté est accordée à laprocédure collective ouverte contre le professionnel, même si cela contrarie le déroulement dela procédure de surendettement des particuliers ouverte contre son conjoint. De fait, leconjoint du débiteur professionnel peut se voir privé de toute chance de voir sa situationfinancière s’assainir, sauf pour la commission, notamment sur le fondement de l’article L 331-7-1 du Code de la consommation relatif à la situation d’insolvabilité, et dans les conditionsque ce texte prévoit, à prononcer l’effacement total des dettes du débiteur surendetté. Cettesolution n’est évidement pas satisfaisante, ni pour le conjoint surendetté, ni pour ses créancierspersonnels. De lege ferenda, elle démontre la nécessité d’un traitement coordonné desdifficultés financières des époux.

II- La nécessité d’un traitement coordonné des difficultés financières des époux

N° 108.- Les conflits entre la procédure collective d’un débiteur et la procédure desurendettement des particuliers de son conjoint conduisent à une primauté de la première sur laseconde. Cette solution à des répercussions considérables pour le conjoint du commerçant, del’artisan ou de l’agriculteur qui peut se voir, en fait, privé de toute possibilité de s’extraire desa situation financière. Notamment, ce conjoint peut se voir privé du bénéfice d’une procédurede surendettement, alors qu’il sera exposé, du fait de la procédure collective aux poursuitesdes créanciers. En outre, même si une procédure de surendettement a été accordée à cedébiteur, en pratique, l’ouverture d’une procédure collective peut conduire à paralyser en toutou partie son déroulement. Afin d’éviter ces difficultés et pour permettre au conjoint duprofessionnel d’avoir une chance de redresser sa situation financière, on peut songer à fairecollaborer les organes de chaque procédure. Une coordination entre les organes de chaqueprocédure pourrait ainsi permettre d’assurer un semblant d’unité entre les procédures aubénéfice de chacun des conjoints (A). Toutefois, cette coordination ne peut résulter que de labonne volonté conjuguée du juge commissaire et de la commission. En outre, il convient de nepas perdre de vue que les deux procédures ont des objectifs radicalement différents, ce qui

434 Cass. 3e Civ., 28 février 2001, Bull. civ. III, n° 26.

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peut rendre vain tout espoir de collaboration435. Dans ce cas, la meilleure solution pour lesépoux consisterait dans la soumission de ces derniers à une procédure unique de redressementou de liquidation judiciaire (B).

A) La coordination entre la procédure collective d’un époux et la procédure de surendettementde son conjoint

N° 109.- Afin de prévenir tout conflit lié à la cohabitation de deux procédures à l’encontred’un débiteur et de son conjoint, il est nécessaire d’assurer la coopération entre les organes dela procédure collective et la commission de surendettement (2). Cette coopération passenécessairement par la connaissance de l’existence de chacune des procédures (1), afin d’éviternotamment que la commission ou le juge commissaire ait connaissance de la procédure duconjoint uniquement à l’occasion d’un litige lié au conflit entre les deux procédures.

1) L’information des organes des procédures

N° 110.- On aurait pu penser que le ministère public puisse jouer ici le rôle de soupape desécurité. Selon l’article 425-2 du Nouveau Code de procédure civile, le ministère public doitavoir communication notamment « des procédures de suspension provisoire des poursuites etd’apurement collectif du passif ». En outre, selon l’article L 621-11 du Code de commerce, leprocureur de la République communique au juge commissaire, sur la demande de celui-ci oud’office, nonobstant toute disposition législative contraire, tous les renseignements qu’ildétient et qui peuvent être utiles à la procédure. Ainsi, le parquet, informé de l’ouverture desdeux procédures, aurait pu informer tant le juge commissaire de l’existence d’une procédurede surendettement des particuliers au profit du conjoint du débiteur en difficulté que lacommission de l’existence d’une procédure collective contre le conjoint du débiteursurendetté. Cette solution est cependant écartée par la Cour de cassation selon laquelle,contrairement aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires, l’ouverture d’uneprocédure de surendettement ne doit pas être obligatoirement communiquée au ministèrepublic436.Si on écarte toute indication spontanée de chacun des époux, l’initiative de s’informer del’existence d’une procédure à l’encontre du conjoint de son administré appartient donc à lacommission et au juge commissaire. Néanmoins, il semble que le recours au droit dusurendettement des particuliers et au droit des entreprises en difficulté puisse justifier d’unepart l’information de la commission de l’ouverture d’une procédure collective contre leconjoint du débiteur, d’autre part le juge commissaire du fait que le conjoint de son administrébénéficie d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers.

435 LAFOREST TACCHINI (V.), op. cit., 614.436 Cass. 1ere Civ., 18 février 1997, Bull. civ., I, n° 63 ; RTD com. 1997, p. 323, obs. PAISANT.

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N° 111.- L’article R 331-7 du Code de la consommation précise que le débiteur qui souhaitebénéficier d’un plan conventionnel de redressement doit préciser à peine d’irrecevabilité de sademande ses nom et adresse, sa situation familiale ainsi qu’un état détaillé de ses revenus etdes éléments actif et passif de son patrimoine. A l’état brut, ces informations peuvent serévéler totalement insuffisantes pour permettre à la commission d’apprécier les véritablescauses de la situation de surendettement du débiteur. Ce minimum d’informations est fortlogiquement renforcé par la déclaration type de surendettement, prévue par la circulaire du 24mars 1999. Cette déclaration type est émise par les services de la Banque de France etdisponible tant auprès des secrétariats des commissions qu’en mairie. Selon elle, le débiteurest invité à préciser quelles sont les causes de sa situation de surendettement. Notamment, encas de prêt bancaire, le débiteur doit préciser quel était l’objet du prêt. De même, si ledemandeur s’est porté caution, il doit indiquer si celle-ci a été mise en jeu ainsi que l’identitédu débiteur principal. L’ensemble de ces renseignements fait l’objet d’une attestation surl’honneur du demandeur. Rappelons qu’en cas de renseignements inexacts voire de simpleomission, le débiteur est déchu du bénéfice de la procédure.Au regard de ces éléments, la commission peut demander des renseignementscomplémentaires au débiteur ou à ses créanciers. Elle peut encore demander à procéder àl’audition du conjoint du débiteur. Elle peut de plus, dans les termes de l’article L 331-3 duCode de la consommation, vérifier les informations communiquées auprès des établissementspublics, des établissements de crédit, des organismes de sécurité sociale ainsi que des servicesde la Banque de France. A ce titre, l’article L 331-3 du Code de la consommation prévoit quela commission peut prendre les renseignement nécessaires, pour lui donner une exacteinformation sur la situation du débiteur, auprès des services chargés de centraliser les risquesbancaire et les incidents de paiement. A regard de ce texte, on doit pouvoir admettre que lacommission peut consulter le fichier FIBEN tenu par la Banque de France qui recense, outre lacotation des entreprises, ses incidents de paiement et surtout sa situation au regard du droit desentreprises en difficulté. La consultation de ce fichier permettra donc à la commissiond’apprendre si l’entreprise exploitée par le conjoint du débiteur est en état de cessation despaiements ou en passe de l’être. Au surplus, au titre des informations complémentaires quepeut demander la commission au débiteur, on peut songer qu’elle obtienne par ce biaiscommunication d’un extrait du registre du commerce et des sociétés, du répertoire des métiersou du registre de l’agriculture relatif à l’entreprise de son conjoint. La consultation de cesdocuments permettra de révéler si une procédure de redressement ou de liquidation judiciaireest en cours.

N° 112.- A priori, aucune disposition n’impose au débiteur qui saisit la commission desurendettement afin de bénéficier d’un plan conventionnel de redressement de l’informer de lasituation professionnelle de son conjoint, et a fortiori de l’informer si celui-ci est soumis à uneprocédure collective. Toutefois, l’ensemble des informations remises par le débiteur à traversla déclaration type peut permettre à la commission d’apprendre si le conjoint du débiteurexerce une activité commerciale, agricole, ou artisanale, notamment lorsque le débiteur s’estporté caution des dettes de l’entreprise de son conjoint ou s’est engagé solidairement auremboursement de celles-ci. Surtout, les renseignements fournis par le débiteur, dans cette

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déclaration type, vont normalement permettre à la commission d’apprendre si la situation desurendettement trouve sa cause dans la procédure collective ouverte contre le conjoint dudébiteur. En outre, si les renseignements remis par le débiteur ne permettent que de décelerdes indices dévoilant l’existence d’une procédure collective à l’encontre du conjoint dudébiteur, la commission peut forger son opinion en procédant à l’audition du débiteur et de sonconjoint. En cas de tentative de fraude de ces derniers, elle a la possibilité de procéder à desinvestigations auprès notamment des établissements publics ou des services de la Banque deFrance. Toutefois, si ces renseignements permettent à la commission d’apprendre si uneprocédure collective a été ouverte contre le conjoint du débiteur qui demande à bénéficierd’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, aucunedisposition ne permet de contraindre le débiteur à fournir ces indications si l’ouverture de laprocédure collective contre le conjoint du débiteur intervient au cours de la procédure desurendettement. En jurisprudence, on précisera néanmoins qu’il a été jugé que doit être déchude la procédure de surendettement le débiteur qui n’a pas révélé à la commission qu’il aretrouvé un emploi en cours de procédure437.

N° 113.- La situation du côté des organes de la procédure collective n’est pas sensiblementdifférente. Nous avons vu que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, par principe, leconjoint du débiteur doit rester totalement en dehors de la procédure collective concernant sonépoux. Par exemple il ne doit pas être convoqué aux audiences qui intéressent la procédurecollective438. Toutefois, malgré la position de la Cour de cassation, la pratique judiciaire, tellequ’elle résulte des recommandations de l’institut français des praticiens des procédurescollectives, est de convoquer le conjoint in bonis devant le tribunal de la procédure collectivepar exemple lorsqu’il est statué sur un projet de plan de cession ou sur l’autorisation deréaliser un bien commun. A cette occasion, le conjoint du débiteur soumis à la procédurecollective pourra attirer l’attention du tribunal sur le fait qu’il est soumis à une procédure desurendettement des particuliers, à charge pour le tribunal d’en tirer toutes les conséquencessous l’angle d’une coopération avec la commission.En dehors de cette situation, on doit pouvoir admettre que le juge commissaire peutspontanément, c’est-à-dire en dehors de toute information émanant du débiteur, se renseignersur l’existence d’une procédure de surendettement contre le conjoint de son administré par uneconsultation du fichier national des incidents de paiement. Ce fichier crée par la loi Neiertz du31 décembre 1989 est géré par la Banque de France. Il est aujourd’hui réglementé à l’article L333-4 du Code de la consommation et a pour objet de recenser les informations sur lesincidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pourleurs dettes non professionnelles. Notamment, sont recensées la décision de la commission, oudu juge de l’exécution, qui ouvre la procédure, les mesures du plan conventionnel, ainsi quetoutes les mesures recommandées par la commission. Ce fichier est dit négatif car il n’a pourobjet que de centraliser les informations relatives aux incidents de paiement. Par exemple, nefigurent pas dans ce fichier, contrairement à la solution retenue pour les entreprises, les

437 Cass. 1ere Civ., 31 mars 1992, Bull. civ., I, n° 110.438 Cf. supra n° 87.

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encours d’endettement. L’accès à ce fichier est en principe réservé aux établissements decrédit définis à l’article L 511-9 du Code monétaire et financier439 et aux services financiers dela Poste. Ainsi il est interdit à la Banque de France de remettre à d’autres personnes, sousquelque forme que ce soit, les informations contenues dans ce fichier. En fermant ainsi l’accèsà ce fichier, on a souhaité éviter qu’il ne soit transformé en un « casier civil » qui pourrait êtreconsulté par exemple par un créancier ou un bailleur440. Malgré les propositions du rapportHyest et Loridant, visant à ouvrir l’accès au fichier aux organismes extérieurs à la professionbancaire sous réserve de prendre des mesures afin de s’assurer que les renseignementscommuniqués resteront confidentiels441, l’accès à ce dernier n’a pas été modifié par la loi du29 juillet 1998. A priori, aucun organe de la procédure collective ne semble donc pouvoirprendre communication des informations contenues dans ce fichier. Pourtant, l’accès à celui-ciprésenterait l’avantage de permettre au juge commissaire de savoir si le conjoint du débiteurbénéficie d’une procédure de surendettement des particuliers, et partant de coopérer avec lacommission. Ainsi, selon nous, les dispositions de l’article L 621-55 du Code de commercepermettent au juge commissaire d’obtenir communication des informations qui figurent dansle fichier des incidents de paiement géré par la Banque de France conformément à l’article L333-4 du Code de la consommation. En effet, selon l’article L 621-55 du Code de commerce,le juge commissaire peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire,obtenir communication, par les établissements de crédit et les services chargés de centraliserles risques bancaires et les incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donnerune exacte information sur la situation économique et financière de l’entreprise. Sur lefondement de ce texte, il est constant que le juge commissaire peut avoir accès au fichierFIBEN concernant les entreprises442. Fort logiquement, on doit pouvoir admettre que le jugecommissaire peut consulter le fichier des incidents de paiement, nonobstant les dispositions del’article L 333-4 du Code de la consommation. Ainsi, ce magistrat pourra avoir connaissancetant du fait que le conjoint du débiteur bénéficie d’une procédure de surendettement desparticuliers que de contenu du plan conventionnel éventuellement conclu ou des mesuresrecommandées par la commission. Il est bien entendu évident que le juge commissaire ne doitpas procéder à cette formalité à chaque fois qu’il est saisi d’une procédure concernant unexploitant à titre individuel marié sous le régime de la communauté légale. Toutefois, on peutlégitiment estimer que la consultation du fichier des incidents de paiement s’imposera àchaque fois qu’il apparaîtra par exemple que l’actif de l’entreprise est de faible consistance ouque le conjoint du débiteur s’est porté caution pour un montant important des dettes del’entreprise. Plus généralement, cette consultation s’imposera à chaque fois qu’il apparaîtraque la procédure collective à de telles répercussions financières et sociales sur la situation duconjoint du débiteur, que celui ci est susceptible de bénéficier de la procédure desurendettement des particuliers.

439 Il s’agit des banques, des caisses de crédit municipal, des sociétés financières et des institutions financièresspécialisées.440 Rapport LERON (R.), p. 18.441 Rapport HYEST (J.J) et LORIDANT (P.), p. 73.442 SOINNE (B.), op. cit., n° 724.

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Ainsi informés de la procédure qui touche le conjoint de leurs débiteurs, commission et jugecommissaire pourront travailler de concert.

2) La coopération entre les organes des procédures

N° 114.- A défaut d’une procédure unique pour les conjoints, une coopération entre lesorganes de chacune des procédures est indispensable pour assurer un traitement cohérent desdifficultés financières rencontrées par les époux443. Cette coopération entre les organes dedeux procédures n’est pas totalement inconnue en droit positif. En faveur de cette concertationentre la commission ou le juge de l’exécution et les organes de la procédure collective, on peutainsi citer l’exemple du droit communautaire. Le règlement du Conseil n°1346/2000 en datedu 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité444, dans le cadre la distinction entreprocédure principale et procédure secondaire, prévoit la coopération et l’informationrespective des organes de chacune des procédures. Selon le Conseil Européen, il est nécessaired’aboutir à « une collaboration étroite entre les différents syndics qui doit notammentcomprendre un échange d’informations suffisant445 ». Ainsi, selon l’article 31 du règlement, lesyndic de la procédure principale et le ou les syndics des procédures secondaires sont tenusd’un devoir de coopération et d’information réciproque. Ils doivent notamment communiquersans délai tout renseignement qui peut être utile à l’autre procédure, tel que l’état de laproduction et de la vérification des créances446.

N° 115.- Bien entendu, il n’est pas question d’envisager que soient prises des mesuresidentiques au sein de chacune des procédures au profit de chacun des conjoints. Les pouvoirsdévolus au juge commissaire et à la commission ne sont pas les mêmes447. Par exemple, lacommission peut recommander d’imputer le paiement sur le capital ou que les sommescorrespondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit. Encas de vente du logement principal ou d’insolvabilité du débiteur, la commission peut demême recommander l’effacement de la dette du débiteur. Or le tribunal de la procédurecollective ne peut imposer de telles mesures au débiteur. De même, le juge de l’exécution peutsuspendre les effets d’une saisie attribution d’une créance à exécution successive pratiquée àl’encontre du débiteur avant la saisine de la commission de surendettement448, alors que lejuge de la procédure collective ne possède pas ce pouvoir449. De plus, les mesures de report oude rééchelonnement de la dette que peut recommander la commission ne peuvent excéder huit

443 SOINNE (B.), obs. sur CA Riom, 22 janvier 1992, Rev. proc. coll. 1993-4, p. 509.444 JOCE n° L 60, 30 juin 2000 ; Rev. proc. coll. 2000-4, p. 141.445 Considérant n° 20.446 Sur ce point, cf. MENJUCQ (M.), Ouverture, reconnaissance et coordination des procédures d’insolvabilitédans le règlement 1346/2000, Bull. Joly 2000, p. 1109 ; LEGRAND (M.N.), La défaillance de l’entreprise : lerèglement 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, Rev. Sociétés 2001-2, p. 292.447 SOINNE (B.), « Surendettement » et « faillite » : unité ou dualité des régimes ?, Petites affiches 22 décembre1997, p. 4.448 Cass. 1ere civ., 14 mars 2000, Bull. civ., I, n° 94.449 Cass. Avis, 16 décembre 1994, Petites affiches 22 février 1995, p. 19, note DERRIDA.

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ans, alors que le tribunal de la procédure collective peut imposer dans le cadre d’un plan decontinuation des délais de paiement d’une durée supérieure à dix ans.Toutefois, malgré ces différences, une coopération entre les organes peut être utile afind’obtenir une coordination entre les mesures prises au sein de chacune des procédures.Notamment, lorsqu’il est envisagé le prononcé d’un plan de continuation au profit du débiteurprofessionnel et la conclusion d’un plan conventionnel de redressement au profit de sonconjoint, la coopération entre la commission et le juge commissaire peut permettre d’envisagerque des délais de paiement identiques soient imposés aux créanciers, du chef de chacun desépoux. On éviterait ainsi l’écueil tiré d’un double traitement différent du même passif au seinde chacune procédure. Pareillement, en cas de liquidation judiciaire, la prise en considérationde la situation de surendettement du conjoint du débiteur peut conduire le juge commissaire etle liquidateur judiciaire a faire preuve de compréhension dans l’optique de la réalisation dulogement de la famille, par exemple à travers l’octroi de délai pour quitter les lieux. Cettecoopération entre la commission et le juge commissaire permet encore d’éviter que dans lecadre de la procédure de surendettement soient prises des mesures qui de toute façon serontprivées de toute efficacité du fait de la procédure collective telle que l’inaliénabilité d’un biencommun ou la suspension de la procédure de saisie immobilière diligentée par le mandataireliquidateur. Selon le même ordre d’idée, la prise en compte de la situation de surendettementdu conjoint du débiteur par le juge commissaire peut permettre d’attirer l’attention de cemagistrat sur la nécessité d’accorder des subsides au profit des époux. En effet, selon l’alinéa2 de l’article L 621-21 du code de commerce, le chef d’entreprise ou les dirigeants de lapersonne morale soumis à une procédure collective peuvent obtenir sur l’actif de la procédurepour eux et leur famille des subsides fixés par le juge-commissaire. Malgré la place de cetarticle dans les dispositions relatives à la période d’observation, il y a lieu de considérer quel’allocation de subsides est possible à tout stade de la procédure. Ainsi, des subsides peuventêtre accordées par le juge commissaire aussi bien au cours de la période d’observation qu’encas de liquidation judiciaire450.Inversement, au stade de l’ouverture de la procédure de surendettement, lorsque le conjoint dudébiteur est soumis à une procédure collective, la coopération entre la commission et le jugecommissaire peut permettre à ce dernier d’attirer l’attention de la commission sur la qualité deco-exploitant du débiteur. Dans ce cas, en effet, le débiteur ne peut bénéficier d’une procédurede traitement des situations de surendettement des particuliers. De même, l’attention de lacommission peut être attirée sur la nécessité d’attraire le conjoint surendetté dans la procédurecollective sur le fondement de la confusion des patrimoines, ce qui pourra justifier le rejet dela demande du débiteur.

N° 116.- D’un point de vue technique, cette coopération peut se fonder tant sur les dispositionsdu Code de la consommation que sur les dispositions du Code de commerce. Selon L’article L331-3 al. 4 du Code de la consommation, la commission peut entendre toute personne dontl’audition lui paraît utile sous réserve que celle-ci intervienne à titre gratuit. L’article R 331-10

450 CA Pau 20 mai 1997, Soinnejuris 29698 ; T. Com. Paris, 30 novembre 1999, Soinnejuris 39611 ; Contra TGIMetz, 27 janvier 1988, Rev. proc. coll. 1988-3, p. 289, obs. DUREUIL.

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ajoute que les personnes que la commission entend ou décide de faire entendre par l’un de sesmembres sont convoquées 15 jours au moins avant la date de la réunion par lettre simple. Cesdispositions peuvent justifier que la commission entende ou fasse entendre par l’un de sesmembres l’administrateur judiciaire, le représentant des créanciers, le mandataire liquidateurvoire le juge commissaire. Parallèlement, l’article L 621-4 du Code de commerce donne cemême pouvoir au tribunal de la procédure collective qui pourra entendre le représentant de lacommission. De plus, à travers la consultation du fichier des incidents de paiement, le jugecommissaire pourra avoir communication de toutes les mesures qui auront pu être prononcéesdans le cadre de la procédure de surendettement.En faveur d’un traitement cohérent des difficultés financières rencontrées par des épouxcommuns en biens, la coopération entre les organes de chaque procédure peut être unepremière étape. On peut toutefois s’interroger sur la question de savoir si l’on peut aller au-delà et admettre que les époux puissent être soumis ensemble à une procédure unique.

B- La soumission des époux à une procédure unique

N° 117.- De nombreux exemples tirés du droit comparé démontrent que chacun des époux,professionnel et particulier, peuvent être soumis à une procédure unique. Cette solution estencore retenue dans les trois départements d’Alsace et de Moselle (1). Ces exemples peuventservir de précédents en faveur de l’adoption de cette mesure en droit français (2).

1) La situation en droit comparé et dans les départements d’Alsace et de Moselle

N° 118.- Une première approche du droit comparé permet de révéler que de nombreuxsystèmes juridiques organisent des procédures judiciaires de liquidation du patrimoine dudébiteur, communes aux commerçants et aux particuliers451. Par exemple, en Angleterre,l’insolvability act de 1986 prévoit deux procédures collectives pour toutes les personnesphysiques en état d’insolvabilité, commerçantes ou non selon nos critères. L’accord amiablequi s’apparente à un concordat proposé par le débiteur et voté par les créanciers et laliquidation (bankruptcy) qui dessaisit le débiteur insolvable et met fin aux poursuitesindividuelles. Dans cette procédure, un officier ministériel, ou un trustee nommé par lescréanciers, est alors chargé par le tribunal de réaliser les actifs et d’en distribuer le produit auxcréanciers. À l’issue de la procédure de liquidation, une mesure d’effacement des dettes estaccordée au débiteur (discharge). Il n’est bien entendu pas question ici de proposer purementet simplement la transposition de ces systèmes en droit français. Les données sociologiquevoire philosophiques sont trop différentes pour s’aventurer dans de telles considérations452. Parexemple, la reconnaissance du bénéfice de la liquidation judiciaire aux particuliers en droit

451 Cf. L’apurement des dettes en Europe et ailleurs in L’apurement des dettes, solutions au surendettement, étudedu CREDA, p. 441.452 SORTAIS (J.P.), Le surendettement des particuliers en droit comparé, Petites affiches 21 mai 1999, p. 227.

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anglais, s’explique notamment par le fait que ce système juridique ne connaît pas la distinctionentre commerçants et non commerçants. De plus, même dans ces systèmes unitaires, onperçoit la distinction entre les particuliers et les entreprises. Ainsi, aux Etats-Unis, par principele code américain des faillites (bankruptcy act) de 1978, modifié en 1994, s’appliqueindifféremment à tous les débiteurs. Si un plan n’est pas possible, il est procédé à laliquidation judiciaire du patrimoine de tout débiteur, particulier ou commerçant, laquellesuspend les poursuites individuelles contre celui-ci. À l’issue de cette procédure de liquidationjudiciaire, le tribunal peut accorder aux personnes physiques la discharge, c’est-à-dire lalibération du débiteur. Mais l’équivalent de notre procédure de redressement judiciaires’applique selon des modalités distinctes selon que le débiteur est une entreprise qui relève duchapitre 11 ou un particulier qui relève du chapitre 13 du code américain de la faillite. Dans cedernier cas, un plan, qui peut prévoir des remises de dettes, est préparé par le débiteur avecl’aide d’un trustee. Il est approuvé par le tribunal après une audience à laquelle tous lescréanciers sont convoqués. Lorsque le débiteur a honoré les engagements prévus par le plan letribunal prononce en principe la discharge qui libère le débiteur de ses dettes.Il convient de préciser de plus que de nombreux autres systèmes juridiques connaissent desprocédures différentes selon que le débiteur est un commerçant ou un simple particulier.Néanmoins, des éléments de droit comparé permettent d’enrichir le débat sur l’instaurationd’une procédure de liquidation judiciaire au profit des particuliers en droit français,notamment au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation qui estime que l’exequaturd’une décision étrangère ouvrant une procédure collective à l’égard d’un non commerçantn’est pas contraire à la conception française de l’ordre public international453. Ainsi, ceséléments tirés du droit comparé peuvent servir d’exemple sur les écueils à éviter. Lesnouvelles procédures de surendettement des particuliers prévues par le droit allemand et ledroit belge retiendront à cet égard notre attention, en plus du système appliqué en AlsaceMoselle.

N° 119.- La loi allemande sur l’insolvabilité est entrée en vigueur le 1er janvier 1999. Elle aintroduit en droit allemand deux nouvelles procédures afin de résoudre les situations desurendettement des particuliers, l’une relative à l’endettement des particuliers, la seconderelative à la libération des dettes résiduelles454. Relèvent de cette procédure les personnesphysiques qui n’exercent aucune activité économique indépendante ou qui en exercent une depeu d’importance. Cette procédure s’applique donc indifféremment aux consommateurs et auxpetits commerçants. Il faut que le débiteur soit menacé d’être insolvable, c’est-à-dire lorsquequ’il est prévisible qu’il ne sera pas en mesure d’exécuter les obligations de paiement à sacharge lorsqu’elles parviendront à échéance. La procédure ne peut être ouverte par le tribunalque lorsqu’un accord amiable entre le débiteur et l’ensemble de ses créanciers aurapréalablement échoué. Le débiteur va alors élaborer un plan de règlement de ses dettes qu’il va

453 Cass. Com., 18 janvier 2000, Petites affiches 12 avril 2000, p. 12, note VALLENS ; JCP 2000, éd. E, p. 396,obs. PETEL ; p. 611, note CHAPUT ; D. 2000, act. Jurisp., p. 105, obs. FADDOUL.454 TROCKELS (F.), Endettement des particuliers et libération des dettes résiduelles dans la nouvelle loi surl’insolvabilité, Rev. proc. coll. 1999-3, p. 91.

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soumettre à ses créanciers. Si ce plan est accepté par au moins la moitié des créanciers, letribunal l’homologue et ses effets sont ceux d’un jugement ayant autorité de la chose jugée. Adéfaut d’accord, le débiteur peut s’engager à verser une partie de ses revenus entre les mainsd’un administrateur chargé de les répartir entre les créanciers. A l’issue de cette procédure, ledébiteur pourra bénéficier d’une libération de ses dettes résiduelles prononcée par le tribunal.Ce système nous fournit donc un exemple d’une procédure unique pour les petits commerçantset artisans et les particuliers. Cette solution peut paraître séduisante, en ce sens qu’elle permetde fournir un précédent aux auteurs qui souhaitent introduire dans notre droit une procédure deliquidation judiciaire du patrimoine des particuliers. Toutefois, la transposition pure et simpledu système allemand ne semble pas envisageable. Notamment le recours à cette législation neserait pas d’un grand secours à l’hypothèse qui nous intéresse d’un conflit entre les procéduresapplicables à des époux, puisque la critique majeure adressée au système allemand tient au faitque lorsque des époux sont concernés, une procédure doit être ouverte pour chaque conjoint aulieu d’une seule pour le couple455.

N° 120.- La situation en droit belge est très différente. La législation belge retient uneconception dualiste du traitement des difficultés financières des agents économiques. Lescommerçants sont soumis aux procédures de concordat judiciaire et de faillite prévues pardeux lois du 17 juillet et 1er août 1997. Les particuliers relèvent quant à eux de la procédure derèglement collectif des dettes instituée par la loi du 5 juillet 1998, modifiée par la loi du 19avril 2002. Ce dispositif est prévu aux articles 1675/2 à 1675/19 du Code belge del’organisation judiciaire. L’objectif de la procédure est proche de celui retenu par le droitfrançais. Cette procédure est en effet destinée à « rétablir la situation financière du débiteur, enlui permettant notamment dans la mesure du possible de payer ses dettes et en lui garantissantsimultanément ainsi qu’à sa famille, qu’ils pourront mener une vie conforme à la dignitéhumaine456 ». Toutefois, il s’agit, contrairement à la procédure française de traitement dessituations de surendettement des particuliers, d’une véritable procédure collective qui peutaboutir à la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur. La décision d’ouverture de laprocédure suspend en effet de plein droit les voies d’exécution qui tendent au paiement desommes d’argent457. Elle entraîne de plus dessaisissement du débiteur458. Tout acte accomplipar le débiteur en violation de cette règle est inopposable aux créanciers459. Ces créanciersdoivent pour participer à la procédure déclarer leurs créances au médiateur de dettes désignépar le tribunal460. Quelles que soient les mesures prises dans cette procédure, le juge est deplus tenu de respecter le principe d’égalité des créanciers461.Cette procédure est ouverte aux débiteurs qui n’ont pas la qualité de commerçant et qui ne sontpas en état, de manière durable, de payer leurs dettes exigibles ou à échoir et qui n’ont pas 455 TROCKELS, ibid..456 Art. 1675/3 COJ.457 Art. 1675/7 § 2 COJ.458 Art. 1675/7 § 1 COJ.459 Art. 1675/7 § 4 COJ.460 Art. 1675/9 § 2 COJ.461 Art. 1675/12 § 1 COJ ; 1675/13 § 1 COJ.

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manifestement organisé leur insolvabilité. La procédure de règlement collectif des dettes sedivise en trois étapes. Dans un premier temps, sous le contrôle du juge, le débiteur propose àses créanciers de conclure un plan de règlement amiable, élaboré par le médiateur. Si ce planest approuvé par la totalité des créanciers, il est acté par la juridiction462. A défaut d’accordamiable, le juge peut imposer aux créanciers un plan de règlement judiciaire qui peut prévoir,le report ou le rééchelonnement du paiement des dettes en principal, intérêts et frais, laréduction des taux d’intérêt conventionnels au taux d’intérêt légal, la suspension de l’effet dessûretés réelles ou des cessions de créance ou la remise totale ou partielle des intérêtsmoratoires, indemnités et frais. Ce plan ne peut en principe excéder 5 ans 463. Enfin, si aucunplan ne peut être arrêté, le juge peut décider la remise partielle des dettes, même en capital,après d’une part qu’il ait été procédé à la réalisation de tous les biens saisissables du débiteuret la répartition de leurs prix entre les créanciers et d’autre part à l’élaboration d’un plan derèglement concernant le solde restant dû par le débiteur après les opérations de répartition. Laremise de dettes prononcée par le juge n’est acquise par le débiteur que s’il a respecté le plande règlement imposé par le juge et sauf retour à meilleure fortune avant la fin du plan464. Lejuge peut ainsi ordonner la vente de gré à gré ou sur adjudication des biens du débiteur. En casde réalisation de l’immeuble servant d’habitation principale au débiteur, le juge peut désignercomme acquéreur la personne qui laisse au débiteur l’usage de son habitation465.L’ouverture de la procédure conduit à la désignation d’un médiateur de dettes par le juge. Cemandataire est chargé de recevoir les déclarations de créances et de dresser le projet de plan.En cas de plan de règlement amiable ou judiciaire, il reçoit comme mission de suivre et decontrôler l’exécution des mesures prévues par le plan466. En cas de liquidation du patrimoinedu débiteur, il est chargé de procéder à la réalisation de ses biens et d’en répartir le prix entreles créanciers467. Schématiquement, ce médiateur de dettes exerce donc les fonctions dereprésentant des créanciers, d’administrateur judiciaire, de commissaire à l’exécution du planou de liquidateur judiciaire. Peuvent être désignés médiateur de dettes, les avocats, lesofficiers ministériels ainsi que les mandataires de justice468. Leurs frais et honoraires sont à lacharge du débiteur469. En cas d’impossibilité pour le débiteur de régler cette somme, elle estprise en charge par un fonds de traitement du surendettement alimenté par une cotisationannuelle due par les établissements de crédit sur la base d’un coefficient appliqué sur lemontant total des arriérés de paiement enregistrés par la Banque Nationale de Belgique.

N° 121.- La procédure de règlement collectif des dettes telle qu’elle est prévue par le droitbelge est riche d’enseignements. Tout d’abord, elle constitue un exemple de procédure prenanten compte la situation familiale du débiteur. D’une part, elle est destinée à rétablir la situation

462 Art. 1675/10 § 5 COJ.463 Art. 1675/12 COJ.464 Art. 1675/10 § 1 COJ.465 Art. 1580bis COJ.466 Art. 1675/14 COJ.467 Art. 1675/13 § 1 COJ.468 Art. 1675/17 § 1 COJ.469 Art. 1675/19 COJ.

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financière du débiteur notamment en lui garantissant, ainsi qu’à sa famille, une vie conforme àla dignité humaine. D’autre part et surtout, elle exige que le débiteur précise son régimematrimonial ainsi qu’un élément détaillé du patrimoine commun s’il est marié sous le régimede communauté et du patrimoine de son conjoint470. Elle présente de plus l’avantage de mettreen place une procédure qui peut aboutir à la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur,tout en privilégiant la recherche d’un accord amiable. A ce titre, elle prévoit la nominationd’un mandataire de justice, dont les frais et honoraires sont supportés par le débiteur, ou àdéfaut de paiement, par l’ensemble des professionnels du crédit. Enfin, cette procédure opèreun lien entre la remise de dettes et la liquidation du patrimoine du débiteur. Cette remise n’estnotamment accordée qu’après qu’il ait été procédé, au profit des créanciers, à la réalisation deséléments du patrimoine du débiteur. Cette solution accrédite l’idée selon laquelle le sacrificedes créanciers ne peut se concevoir que s’il s’accompagne d’efforts du débiteur. Ce dernierprincipe se rencontre dans une certaine mesure en Alsace Moselle.

N° 122.- Dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle coexistentau profit des particuliers le régime du surendettement des particuliers du Code de laconsommation et le régime local dit de la « faillite civile ». Le terme de faillite civile n’esttoutefois pas juridiquement exact, puisque ce sont les dispositions du Code de commercerelatives au régime simplifié de redressement et de liquidation judiciaires des entreprises quis’appliquent à toutes les personnes physiques en état d’insolvabilité notoire domiciliées dansces départements, même si elles ne sont ni des commerçants, ni des artisans, ni desagriculteurs471. Comme pour les entreprises, cette procédure peut aboutir au prononcé d’unplan de redressement. En cas de liquidation judiciaire, il va être désigné un mandataireliquidateur chargé de procéder à la réalisation des actifs du débiteur et d’en répartir le prixentre les créanciers. Les particuliers domiciliés dans l’un de ces trois départements peuventdonc bénéficier notamment de la suspension des poursuites individuelles, de l’arrêt du coursdes intérêts, de la procédure de déclaration et de vérification des créances mais surtout de laclôture pour insuffisance d’actif et de l’absence de reprise des poursuites individuelles, mêmeen cas de retour à meilleure fortune. La seule exception à l’application du droit des entreprisesen difficulté à ces débiteurs concerne le régime des sanctions, puisque les déchéances etinterdictions qui résultent de la faillite personnelle ne s’appliquent pas aux particuliers. Deplus, la compétence pour connaître des procédures de liquidation judiciaire des particuliers estdévolue aux tribunaux de grande instance. En outre, le critère de déclenchement de laprocédure n’est pas la cessation des paiements mais l’insolvabilité notoire du débiteur. Elle estcaractérisée par des faits et circonstances extérieurs, notamment des voies d’exécutiondemeurées infructueuses, de nature à accréditer l’opinion de son existence et qui révèlent unesituation durablement compromise et sans issue, notamment par l’obtention de garanties decrédit ou de délais de paiement472. On remarquera que contrairement à la procédure de

470 Art. 1675/4 § 2 COJ.471 VALLENS (J.L.), La faillite civile, une institution du droit local d’Alsace et de Moselle, JCP 1989-I- 3387 ;STORCK (M.), La faillite civile en Alsace Moselle, Dr.et patrimoine octobre 1998, p. 62.472 STORCK (M.), ibid.

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surendettement des particuliers, la bonne foi du débiteur n’est pas exigée. Sous cette seuleréserve, il apparaît que la situation d’insolvabilité notoire et très proche de la situation desurendettement. Or, la procédure de faillite civile peut se révéler plus avantageuse pour ledébiteur, notamment lorsqu’elle conduit à la liquidation judiciaire de son patrimoine. Dans cecas de figure, le particulier peut en effet bénéficier des dispositions de l’article L 622-32 duCode de commerce. Cette situation peut conduire les particuliers domiciliés dans l’un des troisdépartements visés à préférer la procédure de liquidation judiciaire à la procédure desurendettement des particuliers. Conscients de cette difficulté, les juges du fond se sontprononcés pour le caractère subsidiaire de la faillite civile par rapport à la procédure desurendettement des particuliers en imposant au demandeur à la procédure de faillite civilequ’il établisse la preuve d’une saisine préalable de la commission de surendettement473. L’étatd’insolvabilité notoire du débiteur est ainsi caractérisé par l’échec préalable d’une procédurede surendettement des particuliers.Cependant, on a fait valoir que ce système donnait lieu à de nombreux abus caractérisés par unrecours frauduleux à la procédure de liquidation judiciaire afin de bénéficier d’un effacementquasi automatique des dettes. En ce sens, il a été proposé, en cas de clôture pour insuffisanced’actif, de permettre le rétablissement des poursuites contre les particuliers qui ont manifestéleur mauvaise foi, par exemple en cas de dissimulation d’actif ou d’organisation frauduleusede leur insolvabilité474. Là encore, le système retenu au profit du débiteur dans lesdépartements d’Alsace et de Moselle ne semble pas être la panacée. Toutefois, l’exemple decette procédure permet d’attirer notre attention sur les difficultés liées à l’admission de lacoexistence de deux procédures de surendettement et de liquidation judiciaire. En outre ildémontre la nécessité d’exiger la bonne foi du débiteur notamment en vue d’une libération deses dettes. Ces remarques doivent être rapprochées de la nécessité, démontrée par les lacunesdu droit allemand, de prévoir que les époux peuvent bénéficier ensemble de la mêmeprocédure.

2) La soumission du patrimoine du conjoint du professionnel à la procédure de redressementou de liquidation judiciaire de son époux

N° 123.- Avant toute chose une précision s’impose. On parle souvent de « faillite civile ». Leterme est juridiquement inexact. La faillite n’est plus en droit positif français une procédurecollective. Il s’agit de l’une des sanctions applicable au dirigeant d’une personne morale enredressement ou en liquidation judiciaire475. Ce terme est de plus pernicieux. Il évoque l’idéed’échec. La faillite est perçue dans le grand public comme la sanction d’un échec commercial.Appliqué aux particuliers, le terme de faillite évoque donc l’idée d’infamie d’un débiteur qui 473 STORCK (M.), ibid. et la jurisprudence citée, add. TGI Strasbourg, 8 mars 1999, RTD com. 1999-3, p. 763,obs. PAISANT.474 Propositions de Loi visant à réformer la faillite civile en Alsace Moselle, respectivement enregistrées à laPrésidence du Sénat le 15 mars 1995 (n°233) et à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 23 juin 1995(n°2100).475 Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle du dirigeant qui a commis l’une des fautes visées par les art.L 625-3 et L 625-5 du Code de commerce.

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aurait cherché à vivre au-dessus de ses moyens au mépris de ses créanciers. Aujourd’hui ledroit des entreprises en difficulté n’a plus pour objet de sanctionner le commerçant failli. Ils’agit notamment d’assurer le maintien de l’entreprise et de l’emploi. C’est pourquoi nouspréférons parler ici d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire du patrimoinedes particuliers plutôt que de faillite civile.Sous cette seule réserve, on peut se demander s’il n’est pas possible de mettre en place uneprocédure unique pour l’ensemble des époux. De plus en plus de voix s’élèvent en effet afinde voir offrir aux particuliers la possibilité de bénéficier d’une procédure de liquidationjudiciaire de leur patrimoine. Cette solution peut présenter de nombreux avantages dans notrecas de figure. Une fois admis que chacun des époux puisse bénéficier d’une procédureidentique ou du moins de procédures très proches, la coordination entre les deux procédures ensera grandement facilitée. On pourrait même envisager une jonction entre les deux procéduresavec notamment les mêmes organes, afin d’assurer un traitement unitaire de l’endettement ducouple476. Toutefois, on constate une forte hostilité tant à l’égard de l’instauration d’unsystème de redressement ou de liquidation judiciaire du patrimoine des particuliers, qu’àl’égard de l’extension au conjoint de la procédure collective de son époux, en dehors deshypothèse d’extension fondées sur la co-exploitation ou la confusion des patrimoines. Malgréle souhait d’auteurs et de praticiens, cette réforme s’est toujours heurtée à des obstacles pluspolitiques que juridiques.

N° 124.- Dès 1989, lors des discussions du projet de loi qui allait devenir la loi Neiertz, desamendements furent adoptés au Sénat visant à instituer une procédure de redressementjudiciaire civil destinée à permettre l’apurement du passif des personnes physiques477. Cetteproposition devait toutefois recueillir une hostilité de l’Assemblée Nationale. C’est ainsi quela loi Neiertz, malgré le vocable de procédure collective n’a pas repris cette solution. Troisreproches essentiels lui ont été adressés, tenant à son coût, à ses conséquences morales et à soninadaptation à la situation des particuliers. D’une part, on a souligné que cette procédure de« faillite civile » implique nécessairement le recours à des auxiliaires de justice dont le coût estconsidérable pour le débiteur. On a évoqué à l’époque un coût de l’ordre de 15 000 à 30 000francs478. Au contraire, on a souligné que le recours à la commission ou au juge dont les fraissont pris en charge par la collectivité s’avère une meilleure solution pour le débiteur. D’autrepart, on a craint que la mise en œuvre d’une telle procédure, qui se traduit par la libération dudébiteur en cas de clôture de la procédure pour insuffisance d’actif, n’encourage ladéresponsabilisation des débiteurs en consacrant légalement le droit de ne pas payer ses dettes.Toujours sous l’angle moral, on a craint de faire peser sur les particuliers « la réprobationtraditionnellement attachée dans notre pays à l’état de faillite479 ». On a enfin fait valoirqu’une transposition pure et simple du redressement ou de la liquidation judiciaire au 476 LAFOREST TACCHINI (V.), op. cit., n° 544.477 PAISANT (G.), Du redressement judiciaire civil à la faillite civile ?, Contrats, conc., consom. juin 1991, p. 1 ;KERCKHOVE (E.), op. cit., n° 42.478 2286 à 4573, 47 Euros.479 Intervention NEIERTZ (V.) citée in PAISANT (G.), Du redressement judiciaire civil à la faillite civile ?,Contrats, conc., consom. juin 1991, p. 1

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particulier n’est pas techniquement opportune car, soit les créanciers ne sont pas nombreux etdans ce cas la procédure de redressement judiciaire peut être inutilement lourde, soit aucontraire les créanciers sont nombreux et dans ce cas souvent le débiteur sera insolvable. Uneprocédure de liquidation judiciaire deviendrait donc superflue, faute d’actif à réaliser480.

N° 125.- Cette proposition est encore réapparue lors de l’élaboration en 1997 de la loi relativeau renforcement de la cohésion sociale, avec cette particularité que ce sont les adversaires decette procédure en 1989 qui en sont à l’origine en 1997. La raison de ce changement deperspective est à rechercher dans le changement de nature du surendettement481. Nous avonsvu qu’en 1989, seul avait été envisagé le surendettement actif du à une accumulationincontrôlée de crédits. Par la suite est apparu un surendettement passif marqué par une absencede ressources plutôt qu’à un excès de dettes. Or la procédure spécifique imaginée en 1989s’est montrée inefficace face à ce nouveau surendettement. Cette procédure privilégiait eneffet la recherche d’un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers, par exemple par lebiais de report ou de rééchelonnement de dettes. Mais la recherche d’un tel accord amiables’est avérée illusoire lorsque le débiteur n’avait que de faibles ressources. En outre, cetteprocédure ne prévoyait aucune possibilité d’effacement des dettes des particuliers les plusdémunis, alors que les commerçants les artisans et les agriculteurs bénéficient d’une libérationde leurs dettes en cas de clôture pour insuffisance d’actif de la procédure de liquidationjudiciaire. L’idée était donc d’étendre cette possibilité aux particuliers, afin de rétablir uneégalité entre professionnels et particuliers. On a de plus souligné que les arguments de naguèrejustifiant le rejet de la liquidation judiciaire du patrimoine des particuliers n’étaientaujourd’hui plus justifiés. Face à l’objection tirée du coût de la procédure de liquidationjudiciaire, on a mis en avant le coût de la procédure menée par la commission482. On peut à cetitre envisager que les sommes attribuées par l’Etat aux commissions de surendettementpuissent être affectées à la rémunération des auxiliaires de justice ou que leurs rémunérationssoient supportées par les professionnels du crédit sur le modèle belge. A l’argument tenant aucaractère infamant de la procédure de liquidation judiciaire, on a objecté le changement dementalité vis-à-vis du droit des entreprises en difficulté. On a ainsi cité l’exemple desagriculteurs qui ont demandé à pouvoir bénéficier des procédures de redressement et deliquidation judiciaires ou de certains représentants des professions libérales qui ont exprimé lamême revendication. Enfin il a été précisé que l’argument tiré de la déresponsabilisation desparticuliers devait s’effacer devant la nécessité de protéger les plus démunis483.Fort de ces arguments, à l’initiative de Mme Neiertz, fut adopté, en première lecture, àl’Assemblée Nationale un amendement visant à étendre à l’ensemble du territoire français lerégime applicable dans les trois départements d’Alsace et de Moselle, c’est-à-dire à rendreapplicable la loi du 25 janvier 1985 aux particuliers, à l’exception de ses dispositions relatives

480 GUYON (Y.), op. cit., n° 1107.481 Le Monde 31 août-1er septembre 1997, p. 8.482 PAISANT (G.), ibid.483 PAISANT (G.), ibid.

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aux sanctions. Suite à un changement de majorité au sein de l’Assemblée Nationale, cetamendement ne devait toutefois pas être repris.

N° 126.- Les nouveaux arguments qui ont justifié l’enterrement de ce projet sont cependantloin d’être avouables. Plus qu’une véritable condamnation du principe de la liquidationjudiciaire du patrimoine des particuliers, ce sont des considérations purement pragmatiquesqui ont justifié le maintien du système établi. Malgré une réelle volonté politique, le consensusdes représentants des associations de consommateurs484 et des praticiens485, ce sont en effetdes considérations budgétaires et à un degré moindre, mais non négligeable, le poids du lobbybancaire qui ont justifié l’abandon du projet de mettre en œuvre une procédure de liquidationjudiciaire applicable aux particuliers486. On a ainsi souligné qu’une telle procédure alourdiraitla charge de travail des juridictions487. De plus, face à la possibilité d’admettre la libérationdes particuliers de leurs dettes en cas d’insuffisance d’actif, il a été dit « qu’il n’est pasadmissible que ce soit elles (les banques) qui paient toujours les pots cassés de faillite civiletrop facilement obtenues488 ». En définitive la loi de 1998 s’est donc contentée de prévoir uncas particulier d’effacement des dettes du débiteur, en cas d’insolvabilité de celui-ci. Ceteffacement a été de plus strictement encadré puisque selon l’article L 331-7-1 du Code de laconsommation, il ne peut intervenir qu’en l’absence de ressources ou de biens saisissablesaprès que la commission ait recommandé sans succès la suspension de l’exigibilité descréances autre qu’alimentaires et fiscales pendant une durée maximum de trois ans.

N° 127.- Face à cette réticence de permettre à l’ensemble des particuliers de bénéficier d’uneprocédure de liquidation judiciaire de leurs patrimoines, on a proposé de restreindre cettepossibilité aux conjoints des commerçants, des artisans ou des agriculteurs soumis à uneprocédure collective. Afin de procéder à un traitement cohérent du passif du couple, l’idée estd’offrir au conjoint in bonis la possibilité de se soumettre spontanément à la procédurecollective qui suit son cours à l’égard de son époux, même en l’absence de confusion despatrimoines ou de co-exploitation489. Cette proposition a essuyé une réponse négative de lapart des pouvoirs publics. Ainsi, lors du vote au Sénat de la loi du 10 juin 1994, plusieursamendements avaient été présentés afin de permettre au conjoint commun en biens qui enformulait la demande d’être inclus dans la procédure collective ouverte contre son époux,notamment lorsque celui-ci s’est porté caution des dettes de l’entreprise490. Aucun n’a trouvégrâce aux yeux de l’Assemblée Nationale. Ce refus a encore été exprimé à travers une réponseministérielle du Garde des Sceaux en date du 1er décembre 1997, « le redressement ou la

484 Le nouveau régime du surendettement, banquiers et consommateurs : leurs opinions, entretiens parus in Dr. etpatrimoine octobre 1998, p. 69.485 SOINNE (B.), loc. cit. ; VALLENS (J.L.), loc. cit.486 Le Monde 31 août-1er septembre 1997, p. 8.487 Rapport HYEST (J.J.) et LORIDANT (P.), p. 67.488 JO, AN, 1ere séance, 18 avril 1997 p. 2692.489 RUBELLIN (P.), Le sort de la communauté lorsque les deux époux sont successivement mis en liquidationjudiciaire, note sous T. com. Romans, 4 octobre 2000, Defrénois 2001, art. 37345.490 HAEL (J.P.), L’entreprise familiale dans les procédures collectives, Defrénois 5/01, art. 37314.

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liquidation judiciaires d’une personne physique peut être étendue à son conjoint s’il estdémontré que ce dernier a accompli des actes de commerce ou s’est comporté en dirigeant defait de son entreprise. Il n’est pas envisagé de généraliser cette extension, notamment à l’égarddu conjoint caution du débiteur en liquidation, une telle mesure étant susceptible, dans ce cas,de rendre inefficace le cautionnement491 ». Là encore, le refus exprimé trouve son fondementdans la volonté de ne pas porter atteinte aux intérêts des établissements de crédit puisquel’argument avancé est la volonté de ne pas priver d’effets les cautionnements souscrits par lesconjoints de chef d’entreprise. Un obstacle d’ordre technique peut encore être opposé à cetteextension de la procédure collective au conjoint commun en biens du débiteur. Cette extensionconduit à soumettre à une procédure unique l’ensemble des patrimoines des époux, bienscommuns comme propres de chacun. Tout se passe donc comme si c’est le couple, revêtud’une pseudo personnalité juridique, qui est soumis à la procédure collective. Or, le couple n’apas la personnalité juridique. Cette solution aboutit de plus à faire fi de l’autonomiepatrimoniale des époux492. On peut toutefois objecter, que cette extension de la procédurecollective au conjoint du chef d’entreprise est une nécessité économique et sociale. Elle estsurtout justifiée par le fait que la pratique méconnaît totalement le principe de l’autonomiepatrimoniale des époux voulue par le Code civil. La création d’entreprise est aujourd’huiprésentée comme le remède miracle pour faire face à la crise économique. Tout est mis enœuvre pour faciliter ces créations. Notamment il n’est presque jamais exigé la justification defonds propres suffisants. Les conséquences de cette fièvre créatrice sont connues. La plupartdes entreprises ainsi crées disparaissent avant leur deuxième anniversaire. Sur le plancomptable, cette insuffisance chronique de fonds propres est, plus ou moins bien comblée,pour les sociétés par un recours à la mobilisation intensive des créances. Pour les entreprisesindividuelles, elle est palliée par l’exigence systématique de garanties bancaires. Ainsi, lorsquel’entrepreneur individuel souhaite créer ou développer une nouvelle activité, la caution oul’engagement solidaire de son conjoint sera systématiquement exigé, ce qui aboutit en fait ànier l’autonomie patrimoniale des conjoints493. Ce que nous proposons c’est de tirer lesconséquences de cette pratique dans le but d’une protection accrue des débiteurs en difficulté.On rappellera de plus que la pratique judiciaire est déjà, praeter legem, dans le sens d’uneattraction du conjoint en grande difficulté dans la procédure collective de son époux, sur lefondement d’une prétendue co-exploitation ou confusion des patrimoines. Cette solution apour but de faire bénéficier, dans un but purement humanitaire, le conjoint du débiteur desdispositions de l’article L 622-32 du Code de commerce.

N° 128.- La solution que nous préconisons est de légaliser cette pratique. Notre objectif est depermettre aux époux de bonne foi de bénéficier ensemble d’une procédure unique detraitement de leurs difficultés financières. En effet, et particulièrement en régime decommunauté, les difficultés financières d’un époux vont se répercuter inévitablement sur son

491 JO AR, QR , 26 janvier 1998, p. 466 n° 6924.492 Sur cette critique, lorsque les époux bénéficient ensemble d’une procédure de surendettement, cf. TAISNE(J.J.), La loi Neiertz face au droit patrimonial de la famille, Dr. et patrimoine, février 2001, spéc. p. 35.493 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.), op. cit., n° 186.

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conjoint. Lorsque l’un des époux est soumis à une procédure de redressement ou deliquidation judiciaire, le droit positif français ne permet à son conjoint que de bénéficier d’uneprocédure de traitement des situations de surendettement des particuliers. Or, à bien deségards, le bénéfice de cette procédure n’est que purement théorique. Par exemple, dès lors queles dettes ont été incorporées dans la procédure collective d’un époux, elles ne peuvent plusêtre prises en considération dans la procédure de surendettement de son conjoint, ce qui vapermettre aux créanciers solidaires et dans une certaine mesure aux créanciers communs,d’agir librement contre ce débiteur. De même, la procédure de surendettement d’un époux nepeut jamais faire obstacle à la réalisation des biens communs dans le cadre des opérations deliquidation judiciaire. Au contraire, lorsque les époux sont engagés solidairement, la mise enœuvre d’une procédure unique peut conduire à ce que, le cas échéant, des délais de paiementou des remises de dettes identiques soient accordés à chacun des codébiteurs solidaires. Dèslors, seule l’adoption d’une procédure unique permettra d’assurer un traitement cohérent del’endettement du couple marié, sous un angle actif comme passif. Il est de plus nécessaire,lorsque la situation financière de chacun des époux mariés sous le régime de la communautéest gravement obérée suite à l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’und’entre eux, que les époux puissent bénéficier ensemble d’une libération de leurs dettes494. Lejeu de l’article L 622-32 du Code de commerce est un dispositif d’ordre social, destiné dans unsouci humanitaire, à éviter la marginalisation de débiteurs écrasés sous le poids de leurendettement495. Il est donc à la fois logique et nécessaire que cet article bénéficie au conjointdu professionnel qui subit de plein fouet le contrecoup de la procédure collective.

N° 129.- Selon nous, le conjoint d’un débiteur soumis à une procédure de redressement ou deliquidation judiciaire doit pouvoir demander à être pris en considération dans le cadre de laprocédure collective de son époux. Bien entendu, on pourrait considérer que seule l’absencede reprise des poursuites suite à une clôture pour insuffisance d’actif pourrait bénéficier auconjoint du débiteur. On ne peut cependant retenir cette solution. La libération du débiteur nepeut être acceptée que s’il elle s’accompagne d’efforts du débiteur. Ici, comme dans laprocédure belge de règlement collectif des dettes, l’absence de reprise des poursuites contre leconjoint du débiteur aurait comme corollaire la vente de ses biens propres afin de permettre dedésintéresser ne serait-ce que partiellement ses créanciers. Seule une extension de la procédureouverte contre le conjoint semble donc envisageable. Toutefois, afin d’éviter toute fraude, seulle conjoint qui est de bonne foi pourrait bénéficier des dispositions de l’article L 622-32 duCode de commerce. Notamment, en cas de co-exploitation ou de confusion des patrimoines, leconjoint du débiteur ne pourrait se prévaloir d’une libération de ses dettes. De même, lebénéfice de ce texte serait écarté contre l’époux qui aurait dissimulé ou tenté de dissimuler deséléments d’actif, ou qui aurait organisé volontairement son insolvabilité496. Le conjoint co- 494 COCQUEMPOT CAULIER (N.), Le conjoint collaborateur endetté « laissé pour compte » des mesuresd’assainissement économique, JCP 2002, éd. E, p. 639.495 SOINNE (B.), Bilan de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires : mythes etréalités, spéc. p. 364.496 SOINNE (B.), « Surendettement » et « faillite » : unité ou dualité des régimes ? , Petites affiches 22 décembre1997, p. 7.

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exploitant ou qui a confondu son patrimoine avec celui de son époux pourrait de plus fairel’objet des sanctions prévues par le commerce, telle que la faillite personnelle ou l’interdictionde gérer.De plus, il ne s’agirait pas d’une extension systématique de la procédure collective d’undébiteur à son époux. Il faudrait prévoir que cette extension ne peut être prononcée qu’à lademande de l’époux commun en biens d’un entrepreneur exerçant à titre individuel, ou quelque soit le régime matrimonial choisi, de l’époux qui s’est porté caution des dettes del’entreprise. Resterait ainsi possible l’ouverture d’une procédure collective, sur assignationd’un créancier contre le conjoint sur le fondement de la co-exploitation ou sur assignation dumandataire liquidateur sur le fondement de la confusion des patrimoines. En pratique, on peutenvisager que l’époux qui souhaite se voir étendre la procédure collective de son conjoint enfasse la déclaration au greffe. Le tribunal pourrait alors prononcer cette extension, après avoirentendu en chambre du conseil, les époux, le ministère public, l’administrateur judiciaire et lereprésentant des créanciers ou le liquidateur judiciaire. Cette possibilité serait de plus réservéeau conjoint qui ne justifie d’aucun revenu autre que ceux qui proviennent de l’entreprise enétat de cessation des paiements. Le critère de l’extension serait sous cette seule réserve celuiretenu par le Code de la consommation, c’est-à-dire l’impossibilité manifeste de faire face àl’ensemble des dettes exigibles et à échoir. Afin d’éviter l’articulation de cette extension avecla procédure de surendettement des particuliers, cette extension serait, dans ce cas, exclusived’une procédure de surendettement des particuliers. C’est-à-dire que les époux dans cettesituation ne pourraient que demander cette extension et non l’ouverture d’une procédure desurendettement des particuliers. Au contraire, si le conjoint du chef d’entreprise dispose derevenus indépendants, il pourrait bénéficier d’une procédure de surendettement desparticuliers. Toutefois, comme dans les trois départements d’Alsace et de Moselle, en casd’échec qui ne lui soit pas imputable de la procédure de surendettement, il pourrait demander àse voir étendre la procédure collective. Pareillement, si l’époux du professionnel bénéficiait aujour du jugement d’ouverture de la procédure collective, d’une procédure de traitement dessituations de surendettement des particuliers, il faudrait qu’il démontre l’échec de celle-ciavant de pouvoir demander l’extension de la procédure collective de son conjoint.

N° 130.- Dans le cadre de cette procédure unique, les créanciers de chacun des épouxdevraient déclarer leurs créances au représentant des créanciers. Si un plan de continuation estarrêté, il prendra en compte l’ensemble des dettes du couple et imposera le cas échéant desdélais uniformes de paiement aux créanciers de chacun des époux. Pendant la liquidationjudiciaire, l’ensemble du patrimoine des époux, biens communs et propres de chacun, seraitréalisé. On ne serait objecter que cette solution conduirait nécessairement à la marginalisationdu conjoint du professionnel du fait de la liquidation automatique de son patrimoine497. Eneffet, lorsque le conjoint du chef d’entreprise n’a que de faibles ressources, le patrimoine dechacun des époux n’est constitué que de biens communs. Or ces biens communs ont vocationà être réalisés dans leur intégralité dans le cadre de la liquidation judiciaire de l’un seul desconjoints. De plus, des subsides pourraient être accordés aux époux sur le produit de la 497 KHAYAT (D.), op. cit., p. 160.

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liquidation afin de permettre à ces derniers de pouvoir mener une vie décente. En ce sens, lorsde la première lecture à l’Assemblée Nationale du projet de loi relatif au développement despetites entreprises et de l’artisanat498, il a été proposé l’octroi d’un reste à vivre au chefd’entreprise et à sa famille à prélever sur le prix de cession des actifs de l’entreprise, en cas deredressement ou de liquidation judiciaire. Cette proposition vise à permettre au jugecommissaire, en considération de la situation personnelle et familiale du chef d’entreprise, àautoriser ce dernier à conserver à titre de subsides insaisissables, une partie du produit de laliquidation des actifs ou du prix de cession.

N° 131.- On regrettera néanmoins que la question de l’extension de la procédure collectived’un entrepreneur individuel à son conjoint commun en biens n’ait pas été directementabordée lors de l’examen de ce projet de loi. L’exposé des motifs de ce projet précisaitpourtant qu’il est nécessaire de sécuriser l’entrepreneur et son conjoint. Il était en effetsouligné que « le conjoint qui participe souvent à l’activité ne dispose que rarement de droitspropres alors qu’il partage en tant qu’épouse ou mari, dans le cadre d’un mariage souscommunauté de biens, ou comme caution, des risques identiques ». Ainsi, seule a été proposéela possibilité pour l’époux d’un entrepreneur qui s’est porté caution ou codébiteur solidaire dedettes de l’entreprise de bénéficier d’une procédure de surendettement. Cette solution vise àétendre la compétence de la commission aux situations de surendettement dues auxengagements de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuelou d’une société dès lors que la caution n’a pas été en droit ou en fait dirigeant de celle-ci. Il aété dit qu’il s’agit d’intégrer dans le Code de la consommation, la jurisprudence de la Cour decassation499. Or nous avons vu que la Cour de cassation distingue implicitement selon que lejugement d’ouverture de la procédure collective précède ou suit la décision de la commissionde surendettement. En effet, si en principe, la caution ou le codébiteur solidaire d’unentrepreneur peut bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers, puisque cesdettes n’ont pas pour lui de caractère professionnel, dès lors que ces dettes ont été incorporéesdans la procédure collective du débiteur principal, elles ne peuvent plus fonder l’ouvertured’une procédure de surendettement des particuliers. L’affirmation du bénéfice de la procédurede surendettement au profit des codébiteurs ou de la caution du chef d’entreprise dans le Codede la consommation permettrait donc de remettre en cause cette jurisprudence de la Cour decassation qui prive le conjoint du chef d’entreprise de toute possibilité de traitement de sasituation de surendettement. Toutefois, ne serait pas remis en cause la priorité accordée par lasuite à la procédure collective.

N° 132.- Ce projet de loi adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale, le 21 février2002 a été transmis au Sénat. Le changement de majorité parlementaire risque toutefois de lecondamner aux archives, puisque à notre connaissance aucun rapporteur n’a été désigné.Espérons toutefois qu’un examen plus attentif de ce projet, combiné avec la réforme annoncée

498 Projet de loi n°809, adopté par l’Assemblée Nationale en première lecture, le 21 février 2002.499 Rapport AN, XI législature, n° 3606, au nom de la commission de la production et des échanges, p. 74.

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de la procédure de surendettement des particuliers500, apporte une solution à la situationdélicate du conjoint du débiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidationjudiciaire.

500 La Tribune, 13 juin 2002.

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