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UNIVERSITE PARIS SORBONNE ENA Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la communication Ecole nationale d’administration Master Professionnel 2 e année Option : COMMUNICATION DES INSTITUTIONS PUBLIQUES « La communication politique en Egypte sur les crises religieuses entre coptes et musulmans: Quel rôle pour les médias sociaux (Janvier 2010- Mars 2012)?» Sous la direction de Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités au CELSA Paris-Sorbonne et Monsieur Jean-Emmanuel Paillon, Secrétaire général, Service d'Information du Gouvernement Nom et Prénom(s) : Aly Mostafa Lydia Promotion : Marie curie 2010- 2012 Option : Communication des Institutions Publiques Soutenu le : Mention : Note du mémoire :

UNIVERSITE PARIS SORBONNE ENA · UNIVERSITE PARIS – SORBONNE ENA Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la communication Ecole nationale d’administration

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  • U N I V E R S I T E P A R I S – S O R B O N N E

    E N A

    Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la communication

    Ecole nationale d’administration

    Master Professionnel 2e année Option : COMMUNICATION DES INSTITUTIONS PUBLIQUES

    « La communication politique en Egypte sur les crises religieuses entre coptes

    et musulmans: Quel rôle pour les médias sociaux (Janvier 2010- Mars 2012)?»

    Sous la direction de Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités

    au CELSA Paris-Sorbonne et

    Monsieur Jean-Emmanuel Paillon, Secrétaire général, Service d'Information du Gouvernement

    Nom et Prénom(s) : Aly Mostafa Lydia

    Promotion : Marie curie 2010- 2012

    Option : Communication des Institutions Publiques

    Soutenu le :

    Mention :

    Note du mémoire :

  • 1

    "L'Université Paris IV Sorbonne- Nouvelle et l'Ecole Nationale

    d'administration n'entendent donner aucune approbation, ni improbation

    aux opinions émises dans ce mémoire, elles doivent être considérées

    comme propres à leur auteur."

  • 2

    Remerciements

    __

    Après avoir remercié le Bon Dieu qui m'a aidée à commencer et achever ce

    travail, je voudrais remercier Madame Françoise Boursin, Professeur des

    Universités au CELSA Paris-Sorbonne, pour son soutien et ses remarques

    précieuses. Je tiens également à remercier Monsieur Jean-Emmanuel Paillon,

    Secrétaire général, Service d'Information du Gouvernement, Monsieur Fabrice

    Larat, Directeur du Centre d'expertise et de recherche administrative et

    Directeur-adjoint de la formation à l'ENA, et Madame Kim Griffin, Responsable

    de la coordination et de l'organisation des masters à l'ENA, ainsi que tous les

    membres de l'équipe de l'ENA, dont la collaboration a contribué massivement à

    la réussite de ce travail.

    En outre, j'aimerai exprimer ma reconnaissance envers Madame Gehan El

    Naggar, Conseillère de Presse et d'Information, Mohamed Eldahshan et Islam

    Higazi pour leurs idées efficaces et suggestions fructueuses dans le cadre de ce

    mémoire.

    Nombreux sont mes remerciements à mes parents et ma sœur sans le soutien

    de qui, ce mémoire n'aurait jamais vu le jour.

  • 3

    Sommaire

    Introduction …………………………………………………………………….. 7

    Première partie: Etat des lieux actuel des médias en Egypte: Des médias

    brulants dans un contexte stagnant……………………………………………. 13

    Chapitre premier:

    Les médias étatiques égyptiens: entre épanouissement et recul sans

    précédent ………………………………………………………………………. 15

    1. L’histoire des médias en Egypte: Entre Nasser et Moubarak, des médias

    nationaux en tant que porte parole du régime en place…………………. 15

    a. Les origines des médias étatiques: des réflecteurs de la situation

    politique …………………………………………………………………………. 16

    b. L'époque de Sadate: le retour du "made in USA"…………………………..18

    c. L'époque de Moubarak et la multiplication des chaines satellites: Vers une

    concurrence médiatique régionale…………………………………………… 19

    2. Les 3 catégories de presse égyptienne ………………………………… 21

    a. La presse nationale…………………………………………………………. 21

    b. La presse partisane ……………………………………………………….. 22

    c. La presse indépendante …………………………………………………… 22

    Chapitre 2: Les médias privés comme sources alternatives d'information: S’agit-il

    d'une façade de pluralisme……………………………………………………. 23

    1. Phénomène Aljazira: ouvrir l’arène à de nouveaux types d’information et de

    communication dans les pays arabes………………………………………. 23

    a. L'émergence des chaines d'information en continu

    dans le monde arabe…………………………………………………………… 24

  • 4

    b. Aljazira et les régimes autoritaires arabes:

    Des relations tendues ………………………………………………………….. 25

    2. La situation des médias privés actuellement: un pluralisme médiatique à

    l'épreuve d'un processus de démocratisation………………………………. 26

    a. Les chaines privées égyptiennes: suivre les traces d'Aljazira………….. 26

    b. Le modèle interactif présenté par ces chaines pour la première fois en Egypte:

    Les talk- shows ……………………………………........................................ 27

    c. Les médias privés après le soulèvement populaire

    de février 2011…………………………………………………………………… 30

    Chapitre 3:

    Les contraintes législatives vis-à-vis les médias en Egypte ……………… 31

    1. Un cadre juridique flou ………………………………………………………. 31

    a. La loi d’urgence: Restreindre les libertés fondamentales……………….. 31

    b. Le monopole étatique sur l'impression et la distribution des publications…………………………………………………………………...33

    c. La censure en Égypte :L’invisible omniprésent…………………………… 36

    Deuxième partie: Les crises religieuses en Egypte et les médias:

    Parler de l'interdit ……………………………………………………………… 38

    Chapitre 1: Les crises religieuses dans la perspective des médias en Egypte :

    L’industrie du fitna……………………………………………………………….. 40

    1. Un discours médiatique basé sur le rejet d' autrui ……………………. 40

    a. La promotion d'une citoyenneté inexistante…………………………………40

    b. Une légère démarcation des médias privés par rapport à

  • 5

    ceux étatiques……………………………………………………………………...44

    2. Les médias et les crises religieuses dans une perspective comparatiste :

    Etude du cas de la couverture médiatique consacrée à l’attentat de Nagaa

    Hamadi (Janvier 2010)………………………………………………………… 45

    a. La presse étatique nationale…………………………………………. …… 46

    b. La presse indépendante privée …………………………………………….. 47

    c. Le phénomène des médias religieux……………………………………….. 50

    Chapitre 2 :

    Etude de l’image des Coptes dans les médias égyptiens :

    L’image traditionnelle……………………………………………………………. 52

    1. Quelques caractéristiques de la couverture médiatique des crises religieuses

    et du dossier copte en Egypte ………………………………………………. 53

    a. Une liberté d’expression contrôlée…………………………………………. 53

    b. L'absence d'objectivisme et de professionnalisme dans le traitement des

    thèmes liés aux coptes ………………………………………………………….54

    2. L’image des coptes au cinéma égyptien : La religion est pour Dieu, le cinéma

    est pour tous ……………………………………………………………………. 55

    a. Des remarques générales……. …………………………………………….. 55

    b. Le cas du film : « La sortie du Caire »………………………………. ………58

    Troisième partie: La blogosphère en Egypte:

    Une nouvelle génération: vers un nouvel avenir pour les médias

    égyptiens ………………………………………………………………………. 62

    Chapitre 1: La démocratisation de l'accès à internet en Egypte et la genèse des

    médias sociaux …………………………………………………………………. 64

    1. Histoire de la blogosphère en Egypte………………………………………. 64

  • 6

    a. L'introduction de l'internet ………………………………………………….. 64

    b. Vers une nouvelle espace publique à l'égyptienne ………………………. 65

    c. La genèse des blogs ………………………………………………………… 67

    2. Les réseaux sociaux: les pages Facebook et Twitter :

    Au service d'une cause digne …………………………………………….. 69

    a. Créer un monde virtuel pour changer la réalité ………………………… 69

    b. Le cas de Facebook en Egypte …………………………………………….. 71

    Chapitre 2: Les médias sociaux en tant que portes paroles des mouvements

    d'indignation ………………………………………….………………………….. 72

    1. De l'espace virtuelle vers la rue …………………………………………….. 73

    a. Les médias et les mouvements sociaux en Egypte:

    Un cas de jumelage……………………………………………………………... 73

    b. La cause copte et l'instrumentalisation des réseaux sociaux……. ……... 77

    c. Sur les massacres de Maspero:

    "C'est mieux auprès des martyrs" ……………………………………... ……... 80

    2. Les médias sociaux, quel avenir après le soulèvement populaire (Janvier

    2011) ……………………………………………………………………………. 84

    a. Les médias sociaux sortent de l’espace virtuelle ……………………….. 84

    b. Interaction entre médias professionnels et blogosphère ……………… 85

    Conclusion ……………………………....…………………………………….. 90

    Bibliographie …………………………………………………………………… 94

    Résumé…………………………………………………………………………….100

    Mots clés………………………………………………………………………….. 102

  • 7

    Introduction

    Les médias en Egypte tout au long de leurs histoires jouissent d'une

    popularité exceptionnelle au sein du monde arabe. Grâce à sa situation

    géographique centrale, mais également à ces potentiels en ressources

    humaines, l'Egypte a été le berceau de la naissance de la presse dans le monde

    arabe. Hautement indépendante par rapport à la Sublime Porte au 17ième

    siècle, elle a constitué le lieu privilégié de l'éclosion de la presse qui s'adresse

    notamment aux égyptiens mais dont les fondateurs avaient été essentiellement

    syro-libanais: Nicola et Bishara Takla, qui ont fondée Alahram en 1875.1

    Cependant on a témoigné que la naissance des médias écrits a eu lieu

    sur des territoires qui n'avaient pas encore connu les frontières étatiques. Cette

    presse a donc trouvé un terrain fertile grâce aux facteurs tel que l'homogénéité

    créée par la langue, la culture, le poids de l'histoire et de la culture, ce qui a

    rendu possible aux médias, notamment la presse à l'époque de dépasser les

    frontières nationales. En effet, la presse panarabe a donc précédé la presse

    nationale. Toutefois, il s'agit d’un triple niveau de circulation de l’information dans

    le monde arabe. Tout d'abord, il s'agit des médias nationaux. Ensuite, on trouve

    les médias internationaux, voire surtout les chaines qui ont des programmes

    diffusés en langue arabe tel que la radio britannique "BBC". Enfin, les médias

    panarabe (Al Jazira, Alarabia), qui ont joué récemment un rôle important dans la

    création d'une opinion publique panarabe. La conséquence est traduite dans la

    cristallisation d'une espace publique transnationale, subordonnée à la sphère

    politique nationale. Ceci montre que les décisions politiques peuvent être

    éventuellement contestées de plus en plus par une opinion politique qui dispose

    de l'information en temps réel2. C'est à partir de cette espace publique arabe que

    chaque Etat verra sa politique observée, évaluées et jugées. Or, même si les

    pays arabes, pour la quasi majorité d'entre eux sont dans la mesure d'employer

    1 El Oifi Mohammed, « L'opinion publique arabe entre logiques étatiques et solidarités transnationales », dans, "Raisons politiques", 2005/3 no 19, p. 45-62. DOI : 10.3917/rai.019.0045 2 Eloifi Mohammed, Ibid

  • 8

    les moyens de coercition violents pour mater leur population rebelle, seuls les

    médias peuvent exprimer ces rebellions. Effectivement, le cas des médias en

    Egypte est particulièrement lié à l'évolution sociale, économique et politique dans

    le pays. A travers les différentes époques de l'histoire égyptienne contemporaine,

    et précisément depuis le coup d'Etat militaire de 1952 et jusqu’à la chute de

    Moubarak en Février 2011, ceci a été manifesté clairement. A titre d'exemple,

    l'adhésion de l'Egypte de Nasser au camp socialiste dans les années 1950 et

    1960 a été répercutée dans le cadre des relations culturelles entre l'Egypte et

    l'URSS qui a touche le secteur des medias. Ensuite, les relations stratégiques

    égypto américaines, fondées a l'époque de Sadate et la politique de l'ouverture

    économique qu'il a entrepris ont été traduites par la multiplication des

    programmes et des séries américaines importes des Etats Unis.

    Alors qu'elle ait jouit d'un patrimoine culturel unique dans le monde arabe,

    et bien qu'elle soit pionnière des médias dans le monde arabe, l’Egypte à présent

    se trouve face à une situation de dégradation sans précédente et remarquable

    dans la presse et les médias audio-visuels. Pour mieux décrire le champ

    médiatique actuel en Egypte, on peut dire qu'il s'agit plutôt d'une libéralisation

    sans libéralisme, et d'un pluralisme sans diversité. Elle a donc échoué de

    prendre le relais quant aux chaines d'informations. Contraignes par un cadre

    juridique flou, et des lois d'urgence répressives, les médias traditionnels en

    Egypte ne sont plus de sources fiables ni crédibles d'informations. Dans un tel

    contexte, les medias sociaux se sont développés jusqu’à devenir des sources

    alternatives d'informations, ainsi que des outils de mobilisation et de

    sensibilisation sur les valeurs démocratique et particulièrement celles liées à la

    question de la citoyenneté.

    Cependant, on constate une reformulation des règles du débat dans les

    médias. Il s'agit d'un écart remarquable par rapport à l’ancienne forme

    traditionnelle de la communication sur des crises religieuses. Les discours

    élitiste, scientifique, voire hiérarchisé ont été cédés au profit d'un autre aspect

    basé plutôt sur des récits personnels qui touchent de près le public. Ce fut

  • 9

    justement le cas pour les blogs, qui optent pour une approche basée sur

    l'observation directe, les expériences individuelles et la narration. "C'est une

    reformulation de l'espace public et des rôles assignées aux personnes qui est

    opérée. A l'espace public habermassien, fondée sur la prise en compte

    raisonnée des points de vue opposées, sur le consensus social et sur la

    discussion rationnelle critique, s'ajoute un espace public conflictuel, fondée sur la

    négociation, et formée de publics variés, visant un compromis négociée (….)

    L'espace public conflictuel ne cherche explicitement qu' à équilibrer les

    différences, à faciliter la représentation des moins puissants et à régler les

    discours des plus puissants en vue de parvenir à un compromis honnête et

    applicable"3. Par ailleurs, ce sont les médias sociaux qui ont réussi à rendre

    public les différents mouvements d'indignation qui ébranlent le pays, à la tête

    desquels, celui des coptes. On peut dire que toute tentative de "nationalisation"

    des médias a été confrontée par l'ouverture d'autre piste d'expression, surtout

    avec le développement de communication et l'apport enrichissant de la

    blogosphère, qui a pu en quelque sorte discuter des tabous de la société

    égyptienne.

    Les crises religieuses en Égypte faisaient pour longtemps partie des

    sujets dont il fallait éviter la discussion dans l'espace publique. En général, elles

    ont commence suite à la montée du courant islamiste depuis la fin des années

    1970. Les coptes, c’est-à-dire les égyptiens chrétiens, représentent entre 10 et

    15% de la population égyptienne. Alors que le régime égyptien prétend appliquer

    le principe de la citoyenneté, ceci n'a été jamais le cas. L'un des problèmes

    majeurs qui mettent Etat et coptes en confrontation, c'est la promulgation d'une

    loi unique sur la construction des lieux de culte, une promesse jamais tenue par

    le régime. En outre, au niveau de la société, les mariages entre coptes et

    musulmans sont complètement interdites. Le cas échéant, ceux-ci peuvent

    dégénérer sur des affrontements sanglants entre les 2 communautés. La

    question de conversion d'une religion à une autre est aussi critique, comme le

    3 Maigret Eric, "Sociologie de la communication et des medias", Armand colin, Paris 2010

  • 10

    passage du christianisme vers l'Islam est seulement reconnu par l'Etat, mais pas

    l'inverse. Ce n'est qu'avec le développement des chaines satellites arabes, à la

    tête desquelles Aljazira, ensuite l'évolution de l'usage d'internet, de la

    blogosphère et les réseaux sociaux que les abus des droits de l'homme en

    Égypte ont été dévoilés. Cependant, la réalité du contexte des crises religieuse

    s'est rendue plus claire au niveau régional panarabe, mais aussi national.

    L'exemple des crises religieuses entre musulmans et coptes en est témoin. Pour

    de longues années et même jusqu'a nos jours, la presse écrites, et les medias

    audiovisuels en Egypte, ont été des sources d'informations erronées, non

    documentées, même ambigüe sur ce genre de crise qui marquent profondément

    le pays.

    On s'intéressera notamment à l'époque entre Janvier 2010 jusqu’à Mars

    2012. La particularité de cette période critique est notamment les évolutions

    politiques, économiques et sociales qu'a témoigné le pays. Il s'agit d'étudier

    l'évolution des médias en Egypte, surtout le développement de la blogosphère et

    des réseaux sociaux, dans le cadre des bouleversements auxquels le pays est

    encore en train de faire face.

    A partir de ce qui précède, la problématique qui sera étudiée dans ce

    mémoire est: Quel est le rôle joué par les médias sociaux pour couvrir les

    crises religieuses entre coptes et musulmans en Egypte? Et dans quelle

    mesure est ce que ce moyen de communication basé sur la blogosphère et

    les réseaux sociaux, relativement nouveau, a pu devenir le porte parole des

    mouvements sociaux et ceux d'indignation, à la tête desquels ceux qui

    défendent la question copte en Egypte?

    Quelques hypothèses de départ permettent de mieux cerner le sujet:

    1. Les restrictions de fait et celles juridico- légales imposées sur les

    médias traditionnelles, étatiques mais aussi privés, ont contribué au

    développement d'autres ressources alternatives d'information à la tête

    desquelles les médias sociaux.

  • 11

    2. Alors qu'ils soient conçus plus indépendants et donc transparents par

    rapport aux médias étatiques, les médias privés sont contraints par

    l'identité de leurs propriétaires. En d'autre terme, le fait qu'ils sont

    possédés par des hommes d'affaire, la question des intérêts économiques

    et des rapports avec le pouvoir en place se joue dans le cadre de la

    couverture médiatique des mouvements d'indignation populaire et

    notamment ceux des coptes.

    3. A travers une comparaison entre communication sur des crises

    religieuses avant et après le soulèvement populaire en Egypte, le champ

    médiatique traditionnel n'a pas change. En revanche, la blogosphère et les

    réseaux sociaux sont encore en plein épanouissement.

    La méthodologie:

    La méthodologie employée dans le cadre de ce mémoire est basée sur la

    lecture et l'étude des blogs des égyptiens, qui communiquent très souvent sur

    des crises religieuses. Il s'agit notamment de: "La conscience égyptienne", animé

    par le blogueur et ancien journaliste Wael Abbas, "The traveller within" animé par

    Mohamed Eldahshan, "Manal and Alaa bit bucket" du blogueur Alaa Abdelfatah,

    et enfin "arab citizen" de Bassem Sabry. Egalement, des entretiens ont été

    réalisés avec des spécialistes et chercheurs sur le thème des médias sociaux,

    des blogueurs mais aussi des responsables du ministère de l'information,

    notamment l'attaché de presse de la mission diplomatique de l'Egypte à Paris.

    En outre, une étude approfondie a été menée sur les réseaux sociaux,

    notamment des comptes des activistes politiques et des pages des mouvements

    sociaux, précisément celles qui portent sur la question copte sur Facebook et

    Twitter . Enfin, une comparaison a été menée entre le traitement médiatique de

    quelques crises religieuses dans les médias nationaux, privés et sociaux.

    Ce mémoire est basé sur la théorie de l'espace public de Jürgen

    Habermas, ainsi que celle du texte caché de James Scott. En effet, ces deux

    approches permettent de mieux comprendre la reformulation en cours de

  • 12

    l'espace publique en Egypte, enrichie davantage par l'introduction des réseaux

    sociaux et de la blogosphère dans le champ médiatique. De même, il s'agit

    d'examiner le développement d'une nouvelle forme d'expression basée sur la

    notion du texte caché, mais plutôt à l'égyptienne. Ce qui a été le cas notamment

    des médias sociaux, mais plus récemment dans d'autres formes d'expression

    médiatique qui essayent de conjuguer medias privés et réseaux sociaux, comme

    c'est le cas de l'émission télévisée politique "Albernameg" (le programme),

    animée par Bassem Youssef.

    Annonce du plan.

    Dans une première partie, on va exposer l'histoire des médias en Egypte

    et les lois qui règlent ce champ. Cette partie montrera comment les lois

    contraignantes, mais aussi la concurrence imposée aux médias égyptiens, par

    l'émergence des chaines d'information arabe, a-t-elle dans un premier temps

    contribué à l'apparition des médias sociaux, ensuite le développement de l'idée

    des médias alternatifs.

    Une deuxième partie sera destinée à étudié l'image des coptes dans les

    médias en Egypte et comment celle-ci a été affectée par la situation politique

    dans le pays. Une comparaison est établie entre le traitement des crises

    religieuses dans les différents types de médias, en s'appuyant notamment sur

    des études de cas précis.

    Enfin, la troisième partie sera dédiée à l'étude de la blogosphère, son rôle

    dans la couverture des crises religieuses entre coptes et musulmans. De même,

    la question de l'insertion de ce nouveau type de média, en plein épanouissement

    dans la communication politique et la sensibilisation, voire même la mobilisation

    des gens en faveur des valeurs de démocratie et de la citoyenneté, est à l'ordre

    du jour. Finalement, si le printemps arabe est une révolution 2.0, quel rôle

    joueront les médias sociaux pour faire prévaloir les valeurs de l'égalité et de la

    citoyenneté, indispensables pour une véritable transition démocratique dans les

    sociétés arabes, notamment en Egypte.

  • 13

    Première partie:

    Etat des lieux actuel des médias en Egypte:

    Des médias brulants dans un contexte stagnant

    _____

    Introduction partielle.

    La carte des médias en Égypte à l’heure actuelle parait divisée en 3

    catégories. Les médias étatiques nationaux, les médias privés et les journaux de

    l’opposition et finalement les médias sociaux.

    Cette partie vise à mettre en lumière la situation actuelle des médias en

    Égypte, tout en abordant l'évolution historique de la presse écrite mais aussi des

    médias audiovisuels, jusqu’à arriver à leur forme et leur catégorisation actuelle.

    Effectivement, la question de la censure et des lois qui gèrent ce domaine sont à

    étudier.

    Toutefois, la question du développement des médias privés en Égypte est

    à aborder. Tenant compte du bouleversement qu'a produit la chaine

    d'information qatari "Aljazira" dans le contexte médiatique arabe et notamment

    celui égyptien, on s'intéressera à examiner dans quelle mesure Aljazira a

    contribué au développement des médias privés en Égypte.

    Néanmoins, le modèle des médias alternatifs représenté notamment par

    Aljazira et les médias privés est encore soumis à des contraintes législatives

    majeures. Celles- ci les entravent le plus souvent à aborder des sujets, qui

    restent encore tabous. A la tête de ces thématiques, on trouve en premier lieu en

    Égypte les crises religieuses entre les Coptes et les musulmans, ainsi que toutes

    les questions liées aux chrétiens en égyptiens.

    On remarque que la presse nationale monopolisait les statistiques

    révélatrices sur le taux de distribution des différents journaux, ainsi que pour le

    ministère de l'information, qui détient les statistiques sur le taux de fréquences

    des différentes chaines. Néanmoins, les autorités se trouvent gêner de voir des

  • 14

    écrivains, journalistes et même des opposants du régime qui ont parfois leurs

    propres ressources d'informations et leurs propres statistiques et qui

    concurrençaient les autorités gouvernementales.

    L'intérêt principal était plutôt d'embellir le régime en place et le présenter

    comme le promoteur de la liberté d'expression. Bien que les informations lancées

    par les figures de l'opposition dans ce sens aient été mises en cause, il était

    quasiment impossible de savoir la réalité de la situation. Donc ceci fut le cas

    également pour les taux de chômages, pauvreté, analphabétisme, des

    phénomènes frappés par l'absence de pertinentes bases de donnés. Le

    maximum qu'a pu apporter la presse nationale dans ce sens, conformément à

    leur approche qui consiste à instrumentaliser le partiel, est un ensemble de cas

    de figure pour des données et des statistiques détachées de leur contexte

    économique, sociale, afin d'embellir la réalité endommagée.

    C'est comme si la fin des taux de pauvreté et de chômage sera réalisée

    effectivement en publiant des rapports sur 4 millions jeunes égyptiens qui

    travaillent dans les investissements privés, or sans rien dire sur leur niveau

    social, ni la nature de ces projets d'investissements, c’est comme si les signes

    positives du rétrécissement du fossé entre les riches et les pauvres égyptiens

    sont liées à l'augmentation de nombre de citoyens qui ont des forfaits de

    téléphones portables.4

    Enfin, il s'agit donc de démontrer l'impact des contraintes législatives sur

    le développement des médias traditionnels en Égypte. De même, on

    s'intéressera à voir, dans quelle mesure les médias privés ont-ils introduit de

    nouvelles modalités de couverture médiatique, ce qui a eu sans doute ses effets

    sur le développement des médias sociaux, plus tard, voire leur montée en

    puissance.

    4 Dune Michel et Hamzawy Amr, "Le cas de l'Egypte : des leçons objectives de la presse nationales égyptienne" (Media freedom restricted as egyptian parleamentary elections approach), Carnegie endowement for international peace peace, 30 Octobre 2010 (en ligne : http://carnegieendowment.org/2010/10/25/media-freedom-restricted-as-egyptian-parliamentary-elections-approach/2ob6)

  • 15

    Chapitre premier: Les médias étatiques égyptiens: entre épanouissement et

    recul sans précédent.

    Depuis l'époque de Nasser, au début des années 1950, et afin d'affirmer

    sa suprématie au monde arabe, l'Egypte a cherché de se présenter en tant

    qu'innovatrice de la scène médiatique arabe, et n'a jamais hésité de mobiliser

    d'importantes ressources dans le secteur audiovisuel surtout. Néanmoins, et

    comme ce fut le cas dans les régimes autoritaires, les médias étaient au service

    absolu des dirigeants et de l'idéologie du régime en place. Par exemple, la

    télévision égyptienne qui a aujourd'hui plus de 40 ans, mise en place par Nasser,

    a adopté une politique socialiste marquée par une réforme agraire et par une

    approche développementaliste du secteur public. La télévision a été donc à

    l'époque conçue comme un véritable appareil de l'Etat au service d'une

    idéologie socialiste. Elle a eu donc une vocation à éduquer le peuple5 .

    Au fil des années et suite à la politique de la libéralisation économique

    lancée par Sadate, et poursuivie par Moubarak, l’infrastructure de l'industrie

    télévisuelle a été développée. A sa création en 1960, le bâtiment de la télévision

    Egyptienne Maspero, les premières images de la télévision ont été diffusées le

    21 juillet 1960.

    "Le programme de la première heure ne laisse aucun doute sur les

    intentions de ceux qui les ont inspirés. Lecture de Coran, discours de Nasser à

    l'occasion de l'ouverture de l'assemblée nationale, hymne nationale, bulletin

    d'informations, le tout clôturé par une nouvelle lecture de Coran"6.

    1. L’histoire des médias en Egypte: Entre Nasser et Moubarak, des médias

    nationaux en tant que porte parole du régime en place.

    5 Guaaybess Tourya, "Les medias égyptiens et l'internationalisation des flux", dans, Battesti Vincent et Ireton François, "L'Egypte au présent: Inventaire d'une société avant révolution", Sindbad, Le Caire 2011. 6 Armand Pignol, "50 ans d'histoire de la radio et de la télévision en Egypte-1934/1984-", dans "Bulletin du CEDEJ, Numéro 21, Semestre premier, 1988, Le Caire

  • 16

    a. Les origines des médias étatiques: des réflecteurs de la situation politique.

    Alors que dans ces débuts, la télévision égyptienne a produit et diffusé

    ses émissions grâce aux nombreux professionnels égyptiens provenant du

    cinéma et de la radio. A l'époque elle n'était pas accessible pour tous les

    citoyens. Selon l'UNESCO, les estimations prévoyaient 57000 postes de

    télévision en 1961. Les premières zones .desservies ont été le Caire et

    Alexandrie. Tandis que le reste du pays la verra un peu plus tard. Ce retard

    provient en effet de quelques obstacles liés notamment à l'insuffisance

    d'infrastructure dans le pays. Le couts d'installation d'un poste de télé étaient

    accessibles à une petite bourgeoisie égyptienne qui possédait les moyens

    économiques nécessaires.

    En revanche, la radio à transistor a été beaucoup plus répandue en

    Egypte. Par conséquence, dans les années 1960, sous le régime de Nasser, la

    radio a connu une gloire comme elle était conçue comme la porte parole des

    autorités en place. Nasser a bien instrumentalisé ce moyen de communication

    pour diffuser ses pensées, sa vision par rapport au nationalisme arabe et le tiers

    monde plus généralement. "Des profondeurs subliminales de la radio surgit

    l'écho résonnant des trompes tribales et des Tam-tam antiques. C'est là

    quelques choses d'inhérent à la nature même de ce medium, qui a le pouvoir de

    transformer l'individu et la société en une seule et même chambre réverbérant"7

    Comme le cas pour la télévision, la radio avait une mission instructrice,

    non seulement pour la population égyptienne, mais également pour tout le

    monde arabe, puisque la station Sawt Al arab (la Voix des Arabes), a été

    accessible pour la quasi totalité des pays arabes, ou elle jouissait d'un succès

    énorme.

    "Sawt el Arab" a été crée en 1953 à l'heure du nationalisme arabe. C'est

    justement où les débats sur les indépendances des pays arabes, qui faisaient l’à

    la une de l'époque furent évoqués pour la première fois. "Elle se fit la porte 7 Mcluhman Marshall, "Pour comprendre les medias", Paris, Le seuil, 1968

  • 17

    parole de toutes les causes, de celle de Maroc, lors de la déposition par le

    gouvernement français du Roi Mohammed V, à celle de l'Egypte en 1956, en

    passant par celle de l'Algérie pendant la guerre d'indépendance et de la

    Palestine"8. En effet la radio et la télévision étaient des appareils de l'Etat, tous

    les deux ont été destinées à promouvoir les décisions post- révolutionnaires,

    suite au coup d'Etat de 1952, s'inscrivent dans le socialisme et le panarabisme.

    Les années 1960 furent les temps glorieux des médias audiovisuels égyptiens,

    qui ont alors connu un succès monumental. D'ailleurs, bien que la production ait

    été encore de qualité médiocre, quelques programmes de divertissement et

    même des feuilletons et des films en noir et blanc ont été exportés à d'autres

    pays arabes9.

    La guerre des 6 jours, en 1967 met fin aux ambitions du nationalisme

    arabe de Nasser. En 1967, la presqu'ile du Sinaï en Egypte est envahi par

    l'armée israélienne, le canal de Suez est bloqué, l'armée de l'air égyptienne est

    très vite battue. Le traitement des médias égyptiens à l'époque pour cette défaite

    et les informations diffusées en directe depuis le front de combat manquaient

    totalement de transparence. La radio de "Sawt El Arab" avait confirmé la victoire

    de l'armée égyptienne même jusqu'à la fin des hostilités. Alors que tous les

    médias parlaient d'une défaite calamiteuse de l'Égypte, le chroniqueur Ahmed

    Said de Sawt El Arab vantait l'armée Égyptienne et les dégâts succombés par

    Israël.

    Immédiatement après cette guerre, le volume des émissions anglo-

    saxonnes à la télévision fut réduit, et la troisième chaine qui les diffusait, a été

    supprimée. Cette situation rappelle que la télévision est la porte de l'Egypte,

    qu'elle est tributaire, dans une certaine mesure des événements qui jalonnent la

    politique extérieure mais aussi intérieur.

    8 Boyd Douglas A., "Development of Egypt's radio voice of the arabs under Nasser", dans, "Journalism quarterly", tome 52, Numéro 4, 1975 9 Najar Ridha, "Dans les pays arabes", in collectif, " Les televisions du monde", UNESCO, Paris 1989

  • 18

    L'Egypte tourna le dos aux américains et aux britanniques pour renforcer

    ses relations diplomatiques avec l'URSS. Le volet culturel des accords égyptien-

    soviétique s'est manifesté à la télévision, notamment à travers l'augmentation

    substantielle du volume des programmes10.

    b. L'époque de Sadate: le retour du "made in USA"

    Le socialisme nassérien a trouvé sa fin avec l'arrivée de Sadate au

    pouvoir. Celui ci a réussi d'isoler les socialistes, en laissant aux islamistes la

    main libre aux islamistes pour contrecarrer les premiers. En outre, il a renoué les

    relations stratégiques avec les Etas Unis. Ce geste qui a eu effectivement des

    répercussions culturelles sur le plan interne.

    Toutefois, depuis 1974, les programmes américains et britanniques ont

    été réhabilités et leur volume de diffusion s'est accru. Arrivant à 1978, les

    programmes "made in USA" ont constitué 97% des programmes importés par la

    télévision égyptienne11. Sous le règne de Sadate, la télévision égyptienne a

    connu son âge d'or, comme un processus de rénovation l'a remarquablement

    touché. Pour lui, la télévision devait refléter le changement en matière de

    politique international. Ainsi, quand les relations diplomatiques ont été rétablies

    avec les Etats Unis de Nixon, le volume des émissions importées des Etats Unis

    a augmenté.

    En outre, l'un des grands apports de Sadate était l'adoption d'une politique

    de libéralisation économique, accompagnée d'une volonté d'innovation dans le

    secteur médiatique en général. Celui- ci est resté toujours la voix de l'Etat à

    l'époque. C'est pourtant dans cette logique que les autorités égyptiennes ont

    décidé d'adopter les nouvelles technologies dans ce domaine. Par exemple, en

    1977, la décision de convertir les services de production et de diffusion en

    couleur au système français (SECAM) a été prise en Egypte, voire 3 ans après

    son introduction en France. Par conséquence, il est claire donc que les

    10 Gaybess Tourya, Op.cit 11 Op cit

  • 19

    investissements affectés par l'Egypte à l'organisme de télévision et aux

    dispositifs techniques corollaires ont été, dés l'apparition de ce média, très

    importants, relativement à la richesse nationale12.

    Or, à partir de 1979, voire la signature du traité de paix égypto israélien,

    plusieurs professionnels et experts des médias égyptiens ont quitté l'Egypte, en

    signe de protestation contre la politique de Sadate. Par suite, et comme l'Egypte

    à l'époque a été mise à banc par tout le monde arabe. L'union arabe de la

    radiodiffusion (Arab state broadcasting union- ASBU), situé autrefois au Caire, a

    été transférée comme le siège de la Ligue Arabe en Tunisie. Les pays arabes

    boycottèrent les productions de la télévision égyptienne, ce qui était d'autant plus

    facile que beaucoup de films égyptiens étaient produits à l'étranger, avec des

    capitaux privés. Cette situation donna lieu à une surproduction de programmes

    qui profita à la demande mais aussi aux détenteurs des capitaux tels que les

    banques islamiques notamment13. L'ironie de cette situation est que la télévision

    égyptienne a fini par importer des programmes produits par ses anciens

    employés14.

    c. L'époque de Moubarak et la multiplication des chaines satellites: Vers une

    concurrence médiatique régionale.

    A partir de 1995, l’Égypte possèdait au moins 8 chaines étatiques

    hertziennes, dont chacune correspond à une zone géographique dans le pays.

    Leur but était d’assurer des programmes pour les différents types de populations

    repartis dans la République. Néanmoins; cette multiplication des chaines

    étatiques a été très vite confrontée à la création des chaines satellites

    égyptiennes.

    La concomitance de ces 2 mouvements antagonistes en apparence

    appelle 2 observations. D’une part, parallèlement à l’ouverture et à

    12 Guaaybess Tourya, Op cit 13 Elemary Naglaa 1996, "L'industrie du feuilleton televises egyptien a l'ere des televisions transfrontalieres, dans, Revue du tiers monde, Numero 146, Avril- Juin 1996. 14 Guaaybess Tourya, Op. cit

  • 20

    l’internationalisation des territoires de réception, se mettent en place des

    territoires locaux de réception. D’autre part, la régionalisation des chaines

    télévisuelles montre le souci constant de l’État de fidéliser son public en Égypte,

    en lui proposant ce qu’on peut appeler des émissions de proximité15.

    La guerre du Golfe, marque un moment décisif dans l’histoire des médias

    égyptiens et des téléspectateurs. Il est donc important de citer le rôle pionnier de

    la chaine américaine: Cable News Network International (CNNI), qui a été à

    l’origine d’une des raisons de la propagation des paraboles en Égypte au début

    des années 1990. Avec un rythme vivement rapide et des émissions directes à

    partir du front du combat. A cette époque, les médias égyptiens étaient devenus

    tributaires de CNN en matière d’information16. Pendant la guerre, l’URTE

    rediffusait les émissions qui lui ont été offertes par la chaine CNN, en vertu d’un

    accord signé entre les 2 éteintes dans ce sens, bien que le style de ces chaines

    ait été complètement différent des chaines égyptiennes à l’époque. Cependant,

    l’URTE avait décidé de créer la première chaine satellite égyptienne (ESC) en

    Décembre 1990, pendant la guerre du Golfe. Elle a été au départ destinée à

    diffuser ses émissions pour les troupes égyptiennes situées à Hafr Elbaten en

    Arabie Saoudite. Alors qu’au départ, il n’y ait véritablement pas de volonté

    explicite de la part des responsables du secteur médiatique égyptien d’être

    présent sur le marché régional, l’ESC a continué de diffuser ses programmes,

    même après la fin de la crise du Golfe, allant même jusqu’à l’installation d’une

    production exclusive pour cette première chaine satellite égyptienne. Les chaines

    satellites se sont multipliées en Égypte sous l’égide de l’URTE, jusqu’à 1998 où

    a été officiellement lancé le premier satellite arabe « Nile Sat ». Celui-ci a été le

    premier satellite possédé par un État arabe et dont le projet de lancement a été

    entrepris par le consortium franco- britannique « Matra Marconi Space »17. Cet

    achèvement a été précédé par l’inauguration de la cité média (Media city), un

    15 Guaaybess Tourya, “Les médias égyptiens et l’internationalisation des flux”, dans Battesti Vincent et Ireton François, “L’Egypte au présent: inventaire d’une société avant révolution”, Sindbad, le Caire, Avril 2011 16 Guaaybess Tourya, Ibid 17 Alahram weekly, “Nile sat inorbit soon”, 8 Janvier 1998

  • 21

    complexe destiné à la production télévisuelle et cinématographique. A sa

    création, il était prévu d’y produire annuellement environ 5000 heures de

    programmes télévisés. Les fonds investis pour la construire s'élevaient à 1.5

    milliards de Livre Égyptiennes. Media city et Nile Sat, sont donc à l’époque,

    perçus comme des progrès spectaculaires qui a marqué l’entrée de l’Égypte au

    21ième siècle, avec une grande confiance dans ses capacités médiatiques en tant

    qu’un État pionnier qui cherche à affirmer son identité arabe18.

    Marquées par un esprit dynamique et libéral, les chaines satellites

    égyptiennes sont une nouvelle génération des médias. Or, le fait qu’elles avaient

    plutôt choisi un contenu de divertissement au détriment d’une communication

    transparente en matière d'informations, a mis en cause leur capacité d’entrer en

    compétition avec d’autres chaines arabes, tel qu’Aljazira, qui mettait en lumière

    la réalité de la situation politique, économique et sociale en Égypte.

    2. Les 3 catégories de presse égyptienne.

    Les journaux en Egypte sont divisés en 3 catégories. D'abord, il s'agit de

    la presse nationale, c'est à dire, celle dépendante directement de l'Etat. Ensuite,

    on parle d'une presse partisane, qui est officiellement conçue comme la porte

    parole des partis politiques respectifs. Enfin, celle qui vient de voire le jour tout

    récemment c'est la presse indépendante.

    a. La presse nationale: Celle- ci est créée officiellement à partir de 1954.

    Avec l'arrivée de Nasser au pouvoir une redéfinition de l'offre journalistique a vu

    le jour. L'un des piliers de son régime autoritaire consistait justement à faire table

    rase avec tous les organes de presse qui existaient auparavant et qui

    représentaient une opposition plausible à sa doctrine. Les 3 journaux qui

    incarnent, jusqu'à nos jours, cette presse nationale sont: Alakhbar, Alahram, et

    Algoumhoureya. Chacun d'entre eux appartient notamment aux grands groupes

    médiatiques, qui se partagent entre eux les différentes activités indispensables à

    l'industrie de la presse, tel que l'impression, la distribution et même la publicité. 18 Negus Steve, “Media management”, dans, Middle East International, Numéro: 574, Mai 1998

  • 22

    Dans le cadre de ce qui précède, il est important de noter que l'Etat

    possède des actions de chacun des groupes journalistiques mentionnés là

    dessus. Leurs rédacteurs en chef respectifs sont nommés par les autorités

    égyptiennes, ce qui met en cause leur indépendance professionnelle.

    b. La presse partisane: En 1976, Sadate instaure le multipartisme en Egypte,

    une libéralisation progressive s'installe dans le pays après le règne dictatorial de

    Nasser. Toutefois, avec la création des partis politiques, ceux ci ont été donc

    autorisés par le pouvoir en place de créer chacun son propre organe de presse

    respectivement, ce qui a entamé donc la presse partisane en Egypte. Parmi les

    journaux partisans les plus célèbres: Alwafd, Alahrar, Altagamoo, chacun d'entre

    eux porte le nom du parti politique qu'il représente. Cependant, il convient de

    préciser que les partis de l'opposition reçoivent des subventions de la part du

    gouvernement en place et parfois même des fonds étrangers19. Ils fournissent

    une matière informatique plus riche et plus transparente en terme de violation

    des Droits de l'Homme par exemple, sans pour autant dépasser les lignes

    rouges imposées par les autorités égyptiennes. Néanmoins, cette expérience

    naissante d'une presse d'opposition a fait face à une sévère volte face en fin du

    règne de Sadate. Face à l'opposition de cette presse partisane à la signature du

    traité de paix entre l’Égypte et Israël et donc la multiplication des voix qui

    critiquaient les politiques de Sadate, celui- ci a procèdé donc à suspendre les

    journaux des partis politiques, comme mesure pour museler toute voix dissidente

    par une politique d’incarcération qui culmine en Septembre 1981 par l’arrestation

    de plus de 1500 journalistes et intellectuels de l’opposition 20.

    c. La presse indépendante : A partir de la fin des années 1990, la presse

    indépendante, totalement financées à travers des capitaux privés voit le jour. Au

    premier coup, on perçoit un ton plus libéral de critiquer le régime en place par

    rapport à la presse nationale. L’une des raisons essentielles qui justifieront cette 19 Ibrahim Nada, Lachant Aurelie, Nahas Lara, "NGOs as civil society actors on media policy change in Egypt: Capacity building within a contextual framework", London school of economics, developement studies institut, 6 May 2003 20 Klaus Enrique, « La presse à l’épreuve des weblogs », dans, « Battesti Vincent et Ireton François, « L’Egypte au présent : inventire d’une socilété avant révolution, Sindbad, Le Caire, Avril 2011.

  • 23

    tendance réside dans le financement indépendant des ressources étatiques

    d’une part, mais aussi par ce que les propriétaires de ces institutions privées

    sont en premier lieu des hommes d’affaires, loin du jeu politique traditionnel.

    Donc, ce qui les intéresse c’est d’abord les recettes réalisées des ventes et des

    distributions et donc, ces responsables sont à la recherche de la qualité

    distinguée de l’offre médiatique pour maximiser leurs profits. Les exemples les

    plus proéminents de ces journaux sont : Almasry alyoum (l’égyptien aujourd’hui),

    Aldostour (la constitution), Alshorouq (la levée), Alfagr (l’aube), Altahrir (la

    libération) et Alyoum el sabee (le septième jour).

    Chapitre 2: Les médias privés comme sources alternatives d'information: S’agit-il

    d'une façade de pluralisme?

    Depuis le début des années 2000, la scène médiatique arabe a témoigné

    l’émergence de nouveaux types de chaines satellites. Il s’agit notamment des

    chaines d’information en continu. Les modèles pionniers de ces médias

    alternatifs sont en premier lieu Aljazira, avec ces chaines filiales d’actualité

    thématiques : Aljazira documentaire, Aljazira de l’Egypte, Aljazira sport. En

    Egypte, le lancement du Nile sat et la multiplication des chaines satellites étaient

    en train de se développer surtout en matière de divertissement. Le contexte local

    des médias en Egypte semblait il incapable de concurrencer avec l’abondance et

    la qualité de l’offre médiatique des chaines arabes. Avec des émissions

    exclusivement dédiées aux informations et aux analyses des évolutions de

    l’actualité internationale, ces chaines ont été massivement suivies par les

    égyptiens.

    1. Phénomène Aljazira21 : ouvrir l’arène à de nouveaux types d’information et de

    communication dans les pays arabes :

    21 Lancée en 1996, elle a affirmé sa présence sur la scène médiatique arabe lors de la guerre d’Afghanistan. Elle est basée au Qatar et possédé par «le « Qatar Media Corporation », établissement public, possédé par le gouvernement qatari

  • 24

    a. L'émergence des chaines d'information en continu dans le monde

    arabe:

    « L’absence totale de législation pour le secteurs et conséquemment, le

    flou des critères d’octroi de licence font le lit des hommes d’affaire proches du

    pouvoir souhaitant investir dans les médias et participent en cela davantage au

    processus de privation de l’Etat qu’à celui de la démocratisation et de l’espace

    médiatique »22.

    Depuis le début de la guerre d’Afghanistan en Octobre 2001, la chaine

    d’information Aljazira jouissait d’une immense popularité dans le monde arabe.

    Celle- ci est conçue comme une source directe d’information qui a réussi à

    combler le vide laissé par des médias égyptiens non libéraux. Les médias

    alternatifs sont donc des sources d’information plus transparentes et dont les

    informations sont plus crédibles et fiables. Leurs valeurs tendent à développer

    plutôt un climat favorable à l’épanouissement de la démocratie participative et de

    la mobilisation citoyenne.

    Aljazira a émergé dans une époque critique pour les régimes autoritaires

    arabes. Elle était donc considérée en tant que porte parole des citoyens arabes.

    « Aljazira est le phénomène médiatique le plus crucial qui a marqué le monde

    arabe depuis l’invention de la télévision »23. Depuis sa création, Aljazira a fait

    une révolution dans les médias en langue arabe surtout. Au bout de quelques

    années, la chaine qatarie est devenue, désormais, la plus suivie par les arabes,

    comme elle jouissait récemment de 35 millions de téléspectateurs arabophones

    quotidiennement. Après les évènements du 11 Septembre, Aljazira a diffusé un

    vidéo d’Osama Ben Laden et ses collaborateurs. C’était un moment historique

    car Aljazira était donc pionnière de s’intégrer dans des zones de turbulence en

    Afghanistan, ce qui signifie que le marché des médias n’est plus uniquement

    22 Lamloum Olfa, “La restructuration de l’espace radiophonique arabe: Palestine, Liban, Syrie, Jourdanie et Egypte, », Institut Panos, Paris, Janvier 2006 (en ligne : http://omec.uab.cat/Documentos/dades_med/0072.pdf) 23 Alnawawy Mohamed, Iskandar Adel, “Aljazieera: How the free arab news network scooped the world and changed the Middle East2? “, 1ère édition, Massachusets, 2002

  • 25

    dominé par les Etats-Unis. Donc, comme le point de départ de la chaine CNN

    était la guerre du Golf, la guerre d'Afghanistan l'était pour la chaine d'Aljazira.

    b. Aljazira et les régimes autoritaires arabes: des relations tendues

    Autre aspect de ce genre de média alternatif et qui a été incarné par

    Aljazira. Il s'agit justement du lien entre ces médias alternatifs et les mouvements

    sociaux. Dorénavant, ces groupes d'activistes dans le champ politique sont les

    véritables fournisseurs des informations sur les réformes en cours dans le

    monde arabe. "En comparant avec d'autres institutions médiatiques, Aljazira a

    introduit le rôle du citoyen journaliste dans le cadre de ces émissions et

    programmes pour la première fois dans le monde arabe. Alors que dans les

    autres zones géographiques cette approche n'ait pas été employée par la chaine

    qatarie, on voit bien que ceci ne fut pas sa stratégie permanente et qu'un certain

    degré de professionnalisme est maintenu24.

    Dans ce sens, peut-on définir les médias alternatifs comme les

    fournisseurs d'informations qui adoptent une approche différente de celle

    employée normalement par les médias de masse. D'ailleurs, quelques analyses

    mettent en lumière le terme d'altérite pour essayer de mieux comprendre le

    phénomène d'Aljazira. En effet, des études ont montré que les récits peuvent

    être des sources fiables des informations et de communication. D'autres

    analyses trouvent que l'altérité est un moyen pour la promotion du

    multiculturalisme. En effet, les récits, bien qu'ils donnent impression au départ

    d'être sans grande importance, ils peuvent être fructueux et avoir un impact dans

    le discours dominant.

    Dans le cadre de ce qui précède, Aljazira incarne l'exemple de média

    alternatif dans la mesure où cette chaine a donné voix aux citoyens arabes, à

    leurs aspirations ainsi que les mouvements sociaux et les partis de l'opposition.

    24 Iskandar Adel, "Is Aljazira alternative mainstreaming alterity and assimilating discourses of dissent", in Transnational broadcasting studies, Volume 1, Numero 2, imprime en Egypte, 2005 (en ligne: http://books.google.fr/books?id=2bEJAiIDhiEC&printsec=frontcover&hl=ar&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false)

  • 26

    A travers son slogan adopté: 'L'opinion et l'autre opinion", elle tend donc à, non

    seulement donner la parole aux responsables au pouvoir dans le monde arabe,

    mais surtout aux téléspectateurs. Cette approche de pluralisme permet de faire

    la comparaison entre pouvoir et opposition politique, longtemps dans l'oubli.

    Dans les pays arabes, mais surtout en Egypte. Aljazira a brisé le silence gardé

    par rapport aux sujets tabous, notamment ceux liés à la situation interne, parmi

    lesquels les sujets des coptes en Egypte. Elle a donc instauré un processus de

    libéralisation du discours médiatique arabe, afin de refonder l'espace public

    arabe, tout en mettant fin à la maitrise de l'information par le régime en place25.

    2. La situation des medias privés actuellement: un pluralisme médiatique à

    l'épreuve d'un processus de démocratisation.

    a. Les chaines privées égyptiennes: suivre les traces d'Aljazira

    L'émergence des médias privés en Egypte coïncide avec un

    bouleversement du contexte internationale qui a eu ses répercussions majeures

    sur la situation interne. Par médias privés, on désigne la presse écrite, et les

    médias audiovisuels qui ne sont pas possédés par l'Etat, mais par des

    organismes privés. Le plus souvent, dans le cas de l'Egypte, leur propriété

    revient à des hommes d'affaire. En effet, à partir du début des années 2000, les

    attentats du 11 Septembre 2001 ont suscité une nouvelle politique étrangère

    américaine, surtout envers le monde arabe, conçu comme le berceau de

    l'extrémisme et du fondamentalisme religieux. Cette zone où les citoyens de

    chaque pays respectivement, souffre des régimes autoritaires caractérisé par

    l'absence de transparence. L'instauration de la démocratie est devenue donc le

    cible visé par l'administration de l'ancien président américain George W Bush.

    L'Egypte n'était pas épargné de subir des pressions pour les réformes

    politiques en Egypte. Celles- ci se sont traduites par des mesures de façade,

    mais surtout par la multiplication des médias privés et le développement de la

    25 El Oifi Mohammed, « L'opinion publique arabe entre logiques étatiques et solidarités transnationales », Raisons politiques, 2005/3 no 19, p. 45-62. DOI : 10.3917/rai.019.0045

  • 27

    nouvelle technologie de l'information et notamment la promotion de l'usage

    d'Internet.

    En outre, comme le modèle d'Aljazira a présenté un exemple d'une

    communication interactive, dynamique et loin des formes traditionnelles encore

    employées par les chaines égyptiennes, hertziennes mais aussi satellitaires, les

    nouvelles chaines privées ont pris Aljazira comme exemple. En instaurant les

    talk -shows interactifs, les médias privés en Egypte sont encore en pleine

    épanouissement. Or, il s'agit d'un cadre de censure instauré par les autorités

    étatiques à ne pas franchir par quiconque, notamment sur le traitement des

    sujets des crises religieuses et de la situation des coptes.

    Les programmes d'information télévisés offerts par ces chaines privées

    jouissent d'une notoriété accrue et sans précédente en Egypte. En effet, les

    égyptiens suivent de près ces chaines, presque tous les jours pour se tenir au

    courant des actualités politiques, accompagnées d'habitude par des analyses

    intéressantes26.

    Ces chaines attirent donc davantage des publics téléspectateurs, même si

    le taux d'accessibilité des chaines hertziennes demeure encore le plus important,

    voire, 95% de la population.

    b. Le modèle interactif présenté par ces chaines pour la première fois en Egypte:

    Les talk- shows.

    La nouveauté apportée par les médias privés en Egypte fut en premier

    lieu, les programmes interactifs appelés "Les talk shows". Ces derniers sont

    conçus, depuis leur émergence comme la première source d'informations pour

    les téléspectateurs égyptiens. Les exemples des Talk Shows populaires en

    Egypte sont nombreux. La chaine On TV, dont le propriétaire est l'homme

    d'affaire copte et très célèbre "Naguib Sawarias", aussi actionnaire important

    26 Iskandar Adel, "Free at last? Charting Egypt's media post- Mubarak. Part1", in Jadaliyya, le 19 .12.2011. (en ligne: http://www.jadaliyya.com/pages/index/3641/charting-egypts-media-post-mubarak-(part-1)

  • 28

    dans le journal Almasry alyoum. Celle-ci offre à ses téléspectateurs deux talk

    shows très connus et suivis par la grande majorité. Il s'agit notamment de

    l'émission "Notre Pays à l'égyptienne", animé par la jeune Rim Maged. Ensuite,

    on note "Le dernier mot", présenté par le chroniqueur Yousri Fouda.

    Ces dernières émissions quasi- quotidiens (sauf les Week-end), offrent

    pour leur public une dose d'informations sur toute l'actualité en Egypte , parfois

    même accompagnée de vidéos et de photos. Pour les égyptiens dans les

    provinces, ils leur fournissaient une matière dense sur les manifestations,

    devenues une pratique journalière par les mouvements sociaux, qui se déroulent

    au centre ville cairote. Tandis que pour leurs compatriotes résidents à la capitale,

    ces programmes diffusaient des reportages sur la situation dans les provinces,

    surtout en matière de crises répétées des besoins alimentaires, et des

    ressources énergétiques.

    Peu de chaines couvrent médiatiquement les évènements dans les

    gouvernorats à l'extérieur du Caire. En effet, la question de la propriété de ces

    chaines privées demeure centrale. En d'autre terme, les hommes d'affaire qui

    possèdent ces chaines se montrent réticents de mettre en lumière les émeutes

    des ouvriers, par crainte que ça affecte leurs entreprises et leur conjoncture en

    général. La plus importante de celles ci était celle des ouvriers de l'usine de

    textile à Mahala Elkobra. Par suite cette tendance élitiste, bourgeoise œuvrant

    pour garder ses intérêts économiques, demeure un obstacle professionnel dans

    ces médias27. Ce fut le cas notamment pour Ontv et son propriétaire Naguib

    Sawiras, égyptien chrétien. Cette tendance est encore omniprésente pour les

    questions coptes, où la crédibilité et la transparence d'Ontv est souvent en

    question.

    Parmi les compétiteurs d'Ontv, on trouve le réseau des chaines Dream TV

    possédé par l'homme d'affaire Ahmed Bahgat. A travers son talk show

    "10:00pm", animé par Mona El Shazli, il a conqui une espace médiatique par les

    27 Iskandar Adel, " Free at last? Charting Egypt's media post Moubarak", dans, " Jadaliyya", Ibid

  • 29

    analyses fournies par les politistes, journalistes. Ce programme a accueilli des

    figures proéminentes dans la vie politique égyptienne, tel que Al Baradei, Ahmed

    Zoueil, et aussi le président américain Obama. Ce programme a été le premier à

    introduire cette forme de dialogue interactif, par appel téléphonique, ou parfois

    même par message électroniques, entre les téléspectateurs et l'invité sur le

    plateau. Par les chaines privés également, on note celle "Al mehwar", qui

    appartient à Hassan Rateb, l'un des hommes d'affaires les plus riches en Egypte,

    ainsi qu' Al Hayat, CBC qui est financé par Moahmed Amin Said, connu par ses

    liens avec l'ancien régime de Moubarak, alors que cette chaine satellitaire ait été

    lancée au cours de l'année 2011, voire suite au départ de Moubarak.

    Bien qu'ils soient déjà très en vogue et en développement progressive,

    l'authenticité des médias privés a évolué davantage à la suite du soulèvement

    populaire en Egypte de Février 2011. Non seulement en terme du fond qu'ils

    offrent, alimenté par une actualité politique, économique et sociale en continue,

    mais également leur nombre est en multiplication dorénavant. Dans ce contexte,

    la chaine "Al tahrir" a fait émergence. Elle fut le fruit d'une collaboration entre des

    figures de production médiatiques ainsi qu'intellectuels faisant partie de

    l'opposition du régime de Moubarak, tel que le journaliste Ibrahim Issa, incarcéré

    à l'époque de Moubarak à cause de ses opinions et articles médiatiques très

    critiques envers le régime.

    Pourtant, à l'époque actuelle, cette chaine est distinguée par ses matières

    et émissions très critiqués pour le Conseil des forces armées, par rapport à ces

    anciens compétiteurs. Quant au format des talk shows dans les médias arabes,

    surtout, on constate que leurs apports dans l'opinion publique dans le monde

    arabe est incontestable. Ces programmes, suivis le plus souvent par un large

    public, offre l'accès à des populations traditionnelle qui ont été souvent exclus du

    débat publique tel que les opposants politiques, les ouvriers, les figures

    proéminentes, des mouvements sociaux protestataires, et les coptes qui peuvent

    dorénavant exprimer leurs problèmes en tant que minorité religieuse.

  • 30

    L'accès des populations traditionnellement exclues de l'espace public, incluant

    aussi les minorités sexuelles, ethniques, s'effectue par témoignage, le compte

    rendu anabolique, qui loin d'appauvrir les débats, en renforce la complexité".

    Alors que les médias privés aient joui d'une marge de manœuvre

    relativement plus large en termes de liberté d'expression avant le soulèvement

    populaire en Egypte de janvier 2011, la donne n'a pas complètement changé.

    Toutefois, la communication sur les crises religieuses entre coptes et musulmans

    est restée un tabou. Par suite, ces médias ne sont pas complètement libres ni

    indépendants. Ils sont possédés par des hommes d'affaires qui ne s'intéressent

    qu'à maximiser leurs chiffres d'affaire. Les autorités militaires possèdent donc

    dans ce sens un outil de pression vis à vis les propriétaires des chaines, ce qui

    met en cause, à son tour leur intégralité et leur liberté d'expression, selon

    Hossam El Hamalawy, un activiste des socialistes révolutionnaires28.

    Les exemples sur ceux qui précédent sont nombreux, et il s'agit de même

    du cas de la chaine al Hayat, qui appartient Alsayed Al Badawy, l'un des plus

    grand figure médiatique et aussi chef du parti politique " Al Wafd", qui se montre

    toujours prêt à marquer des accords avec le régime en place, au moment où ça

    lui semble opportun, a souligné Alhamalawy29. Il est à noter qu’El Badawy est

    pointé de doigt d’être impliqué dans des accords soupçonnés avec les autorités

    médiatiques, ayant rapport avec le fait de racheter les journaux privés

    d'opposition connus par leurs tons critiques assez fort, afin de les adapter aux

    nécessités du contexte omniprésent. Il fut donc manipulé par les médias

    étatiques dans ce sens. Ce fut le cas notamment avec son implication dans

    l'affaire du journal "Al dostour, dont l'un de ses écrivains était Ibrahim Issa, un

    opposant au régime Moubarak.

    c. Les médias privés après le soulèvement populaire de février 2011.

    28 Source: Entretien : the current media landscape in Egypt: Ain shams university wil Hossam Al Hamalawy/ Jadaliyya.com...21/2/2012 29 Source: Entretien, Al Jadaliyya/Op.Cit.

  • 31

    Toutefois, depuis février 2011, 16 nouvelles chaines privées ont été

    lancées après avoir reçues les autorisations nécessaires du pouvoir militaire. Or,

    depuis septembre 2011, ce ne fut plus le cas, vu que les autorités étatiques ont

    arrêté d'en octroyer davantage. Ceci peut être justifié par l'activité croissante des

    médias privés, qui, désormais, investissent dans l'envoie des équipes d'enquête

    sur les terrains des différents événements, tout en essayant de collecter les

    informations, interviewer les victimes, diffuser des vidéos sur la violence

    employée par les militaires contre les manifestants des militaires.

    A nos jours, quoi qu'il arrive dans les rues influence les marges de liberté,

    surtout ceux dont jouissent les médias étatiques. En général, les pressions sont

    exercées par la rue envers le gouvernement, à travers les grèves, les émeutes,

    les manifestations, Dans le contexte de nouvelles frontières d'indépendance pour

    les journalistes est en train de s'élargir.30

    Chapitre 3: Les contraintes législatives vis-à-vis les médias en Egypte.

    En effet, la liberté d'expression en Egypte est limitée par un certain

    nombre de lois restrictives. Celles-ci peuvent être soit dans le cadre de la

    constitution, soit dans le cadre des lois d'urgence qui donne la possibilité aux

    forces de l'ordre, et plus largement au pouvoir exécutif de réprimer la liberté

    d'expression au nom de l'intérêt général.

    1. Un cadre juridique flou

    a. La loi d’urgence: Restreindre les libertés fondamentales

    Il s’avère important de noter que toute discussion sur les médias et même

    la société civile doit être jumelée par l'état d’urgence. Ce dernier est en effet, une

    contrainte majeure à la liberté d’expression et d’association. Toutefois, cet état

    d’urgence, avec ses lois exceptionnelles sont déclarées en Égypte depuis 1981,

    suite à l’assassinat de Sadat et n’ont été jamais suspendues depuis cette date.

    30 Source: Entretien avec Hossam El Hamalawy (en ligne: http://www.jadaliyya.com/pages/index/2677/interview-with-hossam-el-hamalawy-on-counter-revol)

  • 32

    En vertu de cet état, le gouvernement et l’appareil sécuritaire surtout possèdent

    des pouvoirs exceptionnellement répressifs, destinés de facto à limiter les

    libertés fondamentales. Sous prétexte de garder l’ordre public, ces mesures

    consistent à l’arrestation des suspects et leur placement en garde à vue pour des

    périodes non déterminées et sans avoir recours à un tribunal. De même, les

    civils peuvent être traduits devant les tribunaux militaires dont les procédures

    sont loin de respecter les principes fondamentaux des droits de l’homme.

    Également, ces lois prohibent les manifestations, les grèves, la liberté

    d’association et condamne dans la majorité des cas la liberté d’expression.

    Effectivement, la presse et les médias audiovisuels sont victimes de cet état

    d’urgence. Toutefois, la diffamation est un crime sanctionnée par la loi et même

    peut aboutir à faire l’objet d’un procès devant les tribunaux exceptionnels de la

    sécurité de l’État31. Cette loi donne le feu vert à l’appareil sécuritaire, notamment

    le ministère de l’intérieur, d’arrêter les présumés coupables parmi les journalistes

    et les intellectuels, si leurs propos sont évalués en tant que nuisibles à l’ordre

    public et aux intérêts nationaux. Ce fut le cas justement du professeur Saad

    Eldin Ibrahim, ancien directeur du centre de recherche d’Ibn Khaldoun, qui a

    publié des articles au cours de la première moitié des années 2000 sur la

    nécessité de commencer de véritables et sérieuses réformes politiques en

    Égypte.

    Dans un climat perturbé destiné à réprimer la liberté d’expression, les

    médias et la société civile se trouve sérieusement menacés. Les lois d’urgence

    ont influencé négativement l’épanouissement et le développement des divers

    types de médias, comme la sécurité des journalistes se trouve en danger. Toute

    critique adressé au pouvoir en place, ou tout sujet tabou, soulevé par des

    intellectuels ou des activistes des droits de l’homme risque d’être mater sous

    prétexte de préserver l’ordre public et moral. Les questions religieuses font

    parties de ces tabous.

    31 Sakr N. 2003, « Freedom of expression, accountability and developement in the arab region, in « Journal of human rights », volume 4, Numero 1, 2003

  • 33

    b. Le monopole étatique sur l'impression et la distribution des publications

    Effectivement, on se retrouve face à un cadre juridique destiné au

    règlement de l’activité médiatique et notamment celle journalistique, non

    déterminé et quasiment flou. Dans ce sens, le gouvernement tient un monopole

    vis-à-vis les activités qui y sont liées tel que l’impression et la distribution des

    journaux, surtout nationaux mais également ceux des partis de l’opposition. Cet

    état implique, implicitement, que les autorités contrôlent les informations

    diffusées à travers ces journaux32. Les journaux des partis politiques sont moins

    vendus au niveau quotidien par rapport aux journaux nationaux33. Le

    gouvernement contrôle strictement l’octroi des autorisations pour la création des

    journaux, ce qui semble être davantage de restrictions. C’est pourquoi quelques

    journaux égyptiens préfèrent être traités sous l’étiquette de « publications

    étrangères » au Liban, Chypre et la Grèce, tout en étant imprimés en Égypte

    dans la « libre zone de média » (Free media zone)34. Néanmoins, ces

    publications sont surveillées par « la censure des publications étrangères »

    (foreign publication censor), sous la tutelle directe du ministre de l’information qui

    possède l’autorité d’interdire toute publication dont le contenu pourrait être

    repérer en tant que non conforme aux normes35.

    Plusieurs sujets ou thèmes sont considérés comme des tabous, et dont le

    traitement, jusqu’à la fin des années 1990 a été interdit. A la tête de ces sujets,

    on trouve les questions religieuses et surtout les relations entre les coptes et les

    musulmans en Égypte, les modalités de la propagation des doctrines terroriste et

    la sensibilisation des citoyens sur ces questions, et finalement, il s’agit en outre

    32 US depatement of state 2002 : Egypt : country report on human right practices. 2001 ( en ligne: http://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/2001/nea/8248.htm) 33 The center for mmedia freedom, Middle East and North Africa 1998 : The media environment in Egypt, CMF MENA, April 1998 34 Committe to protect journalists 2002 : Egypt- attacks on the press in 2002 (en ligne : www.epj.org/attacks02/egypt.html) 35 CPJ, Ibid

    http://www.epj.org/attacks02/egypt.html

  • 34

    de tous les thèmes liés à l’armée (son budget, ses effectifs, ses

    dépenses….etc.)36.

    Le cas du groupe d’Alahram, par exemple, soulève une question

    importante sur ce que consiste la situation de quasi- monopole de ce groupe

    dans les différentes étapes de la chaine de production de l’information en terme

    d’entraves et de difficultés structurelle contre la libéralisation politique du marché

    de presse. En effet, la clé de voute du contrôle de l’État vis-à-vis les médias et

    surtout la presse réside dans ce même double contrôle que possède les grands

    groupes proches de l’État, par rapport à l’impression et la distribution des

    journaux et magasines publiés. Si on prend l’exemple du grand groupe

    d’Alahram. Celui-ci est responsable d’imprimer 324 titres égyptiens et étrangers.

    Pour cette procédure l’État assure sa mainmise sur le champ médiatique tout en

    veillant à ce qu’aucune publication ne sera circulée et vendue que si elle est

    titulaires d’une licence délivrée par le haut conseil de la presse, organisme de

    surveillance sous la tutelle du conseil consultatif. Autre constat qui semble être

    intéressant; alors que le groupe Alahram distribue sept quotidiens et 26

    hebdomadaires, parmi lesquels, il y a des publications appartenant à des partis

    politiques de l’opposition et même d’autres indépendantes, il n’existe pas de

    statistiques sur les chiffres de vente et de distribution dans les différentes zones

    géographiques en Égypte. Ceci décèle une inégalité régnante en termes de

    distribution avec un certain degré de discrimination géographique. Par exemple,

    d’après Enrique Klaus, au Caire, on constate l’assortiment inégal entre les

    kiosques du centre ville et les quartiers du standing d’une part et ceux de la

    banlieue d’autre part, ou on ne trouvera que les quotidiens de la presse

    étatique37.

    36 Reporters sans frontières 2002 : Egypt annual report 2002 (en ligne : www.rsf.org/ article/ php 3?idarticle=1435) 37 Klaus Enrique, Ibid

    http://www.rsf.org/

  • 35

    Au niveau de la constitution égyptienne de 197138, celle-ci garantissait la

    liberté d’expression, malgré les restrictions qui enclavent la pratique du métier du

    journalisme en général. Par exemple, l’article 47 de ladite constitution énonce

    que : « Chaque individu a le droit d’exprimer son opinion et la faire connaitre

    explicitement à travers la rédaction ou n’importe quel autre moyen d’après des

    limites définies par la loi ».

    Depuis la fin des années 1990, les lois qui gèrent les médias ont subi

    plusieurs amendements, jusqu’à nos jours. En 1995, afin de mettre fin d’une

    manière juridique et légale à toutes critiques adressées au pouvoir en place et

    donc restreindre la liberté d’expression sur la scène politique, le gouvernement a

    fait promulguer une nouvelle loi pour la presse. Celle- ci jugée draconienne par

    plusieurs spécialistes donnait le feu vert à la détention des journalistes, en leur

    infligeant des accusations criminelles à cause de leur violation des lois de

    censure. Suite à une contestation croissante qui a remuée l’opinion publique en

    réaction à cette loi, celle-ci a été légèrement amendée avant sa ratification

    définitive39. La loi de la presse de 1996 a exigé une sentence d’une année de

    prison pour crime de diffamation ou de 2 ans, s’il s’agit d’un agent public qui

    dispose le procès. Les journalistes sont largement soumis aux provisions du

    code pénal, et ses articles prohibant l’atteinte à l’ordre public morale et aux

    intérêts nationaux.

    En effet, les restrictions sur l’activité des journalistes se sont durcies au fil

    du temps. En 2006, 3 journalistes ont été condamnés à prison par la justice pour

    des délits ayant rapport avec « l’atteinte à l’ordre public et morale » de la société.

    Effectivement, ces « professionnels qui travaillaient pour des institutions privées

    ont, à la base, dévoilaient dans des reportages des situations de corruption au

    sein de l’administration égyptienne. Également, en 2007, le procès du célèbre

    journaliste opposant Ibrahim Issa qui a suscité des polémiques sur l’état de la 38 Suite au soulèvement populaire en Janvier 2011 en Égypte, cette constitution a été suspendue en Mars 2011 et fut remplacée temporairement par une charte constitutionnelle dont le mandat arrivera à l’issu de la rédaction d’une nouvelle constitution prévue au cours du mois de Mai 2012) 39 Sakr N. 2001, « Civil society, Media and accountability in the arab region, in “Human rights development report”, 2002, CMF MENA 1998

  • 36

    santé de Moubarak. A cause de son article qui portait dur cette question, il a été

    donc condamné à prison. Toutes ces mesures affirment l’approche répressive

    qui caractérise les relations entre l’État et les questions liées à la liberté

    d’expression.

    c. La censure en Égypte : L’invisible omniprésent.

    L’une des particularités du problème que pose la censure en Égypte

    provient de manque de visibilité des institutions de l’État et de la société. Il est

    donc difficile de comprendre comment et par qui la censure est elle exercée,

    alors qu’elle soit omniprésente. Celle- ci est d’ailleurs le plus souvent liée à des

    questions religieuses, des valeurs et des mœurs, sans qu’il y est forcément des

    textes législatifs qui ne mettent en lumière ni les règles, ni leurs champ

    d’application.

    Toutefois, la plupart des critiques qui sont adressées à des publications

    ont rapport avec leur degré de conformisme aux lois dictées par les textes

    religieux, voire la Charia, ce qui représente une conception assez ambigüe sur la

    citoyenneté en Égypte, puisque on tient compte moins des chrétiens et des

    autres citoyens non musulmans.

    Concrètement, la censure est exercée dans les médias audiovisuels à

    travers le ministère de l’information. A travers son outil institutionnel, « l’union de

    la radio et de la télévision égyptienne » fondée en 1970, sous la tutelle directe du

    ministère de l’information. Celle-ci surveille toutes les émissions diffusées, en

    leur accordant l’autorisation préalable. Tandis qu’au niveau de la presse écrite, il

    s’agit du conseil suprême de la presse, sous la tutelle du conseil consultatif et

    dont les membres sont nommés par le président de la République. L’un des

    articles de la loi qui organise son fonctionnement lui confère le rôle de surveiller

    directement les journaux publiés, ainsi que de préparer périodiquement des

    rapports sur leurs contenus, destinés aux président et au conseil des ministres.

  • 37

    Conclusion partielle.

    Dans le cadre de ce qui précède, on constate que le développement des

    médias en Égypte est directement lié au contexte politico- social. En effet,

    jusqu’à nos jours, les médias nationaux demeurent les portes- paroles de l'État,

    ce qui justifie en quelque sorte l'émergence des médias privés, comme sources

    alternatives des informations.

    Néanmoins, les médias étatiques et privés sont soumis à un certain

    nombre de règlements et de lois restrictives qui mettent en question la liberté

    d'expression. En outre, ces restrictions s'étendent jusqu’à l'interdiction de

    débattre certains sujets dans l'espace publique, à la tête desquels les questions

    religieuses et les tensions entre les coptes et les musulmans en Égypte.

    Effectivement, une deuxième partie sera destinée à décrire la situation des

    coptes en Égypte, en tant que minorité politico- religieuse, mais surtout, elle

    visera à mettre en lumière comment les médias, privés et étatiques, traitent- ils

    ces questions? Et quelle est l'image des coptes et des crises religieuses dans la

    société égyptienne?

  • 38

    Deuxième partie:

    Les crises religieuses en Egypte et les médias:

    Parler de l'interdit

    ____

    Introduction partielle.

    « La politique du régime, que ce soit intentionnel ou non, a provoqué une

    profonde fracture entre musulmans et chrétiens, bien que des générations de

    musulmans et de coptes aient vécu pacifiquement cote à cote par le passé. Le

    régime est doué pour diviser, ce qui donne l’impression que sans Moubarak les

    Egyptiens se livreraient une guerre fratricide. C’est ce qui permet à Moubarak de

    vendre sa politique auprès de la communauté internationale, qui la voit comme

    un moindre mal. Quand des éruptions de violence entre musulmans et chrétiens

    ont lieu en Egypte, elles commencent en général pour des raisons qui n’ont

    aucun rapport avec la religion. Les conflits, en particulier dans les villes et les

    villages les plus reculés, se produisent le plus souvent à cause de relations

    commerciales ou sentimentales interconfessionnelles qui ont mal tourné. Le

    manque d’éducation et l’injustice du système font le reste : les querelles qui

    devraient normalement trouver une issue au tribunal se règlent violemment,

    entre clans familiaux. Il arrive que des familles chrétiennes et musulmanes soient

    à couteaux tirés pour une simple transaction financière. En outre, les crimes

    commis sont parfois perçus comme des attaques délibérées contre l’une ou

    l’autre des religions, ce qui entraine des représailles de la part de la famille de la

    victime. De temps à autre, une fille décide de se convertir et s’enfuit avec un

    jeune garçon de la religion qu’elle vient d’embrasser parce que sa famille ne

    l’autorisera jamais à l’épouser. Sa famille déclare aussitôt que sa fille a été

    kidnappée et forcée à renoncer à sa foi. L’innocent amour engendre des cycles

    de vengeance, et les affaires de ce genre conduisent à de grands débats

  • 39

    nationaux, lesquels ne font qu’augmenter la frustration et la colère des deux

    camps »40.

    C’est par ces propos que Wael Ghoneim a expliqué les raisons des crises

    religieuses en Egypte. En tant qu’activiste en ligne renommé, Ghoneim faisait

    partie des jeunes révolutionnaires de la place Tahrir.

    « Les coptes » sont les chrétiens égyptiens. Leur recensement est l'un

    des secrets les mieux gardés en Égypte. On admet un chiffre moyen de 7

    millions de Coptes, ce qui fait 10 % de la population égyptienne et constitue la

    plus importante minorité chrétienne dans le Proche-Orient41. Néanmoins, l'Église

    copte orthodoxe avance le chiffre de 12 millions de fidèles, ce qui ferait 15 % de

    la population42.

    En effet, les crises religieuses entre coptes et musulmans ont commencé

    depuis la fin des années 1970, époque ou le courant islamiste était en plein

    essor. Toutefois, le traitement médiatique de ce type de crise était loin d’être

    transparent. Cette absence de professionnalisme a touché d’abord les médias

    étatiques qui essayaient toujours d’anéantir les effets négatifs du

    communautarisme, voire même en niant carrément ce phénomène. En revanche,

    l’émergenc