16
721 URGENCES 2010 co-fondateurs PRISE EN CHARGE DES PREMIÈRES HEURES D’UNE INFECTION SÉVÈRE 1. Service d’Accueil des Urgences, Pôle de Médecine d’Urgence, CH Rodez, Avenue de l’Hôpital, 12027 Rodez cedex 9. 2. Service de Réanimation Polyvalente, Pôle de Médecine d’Urgence, CH Rodez, Avenue de l’Hôpital, 12027 Rodez cedex 9. Correspondance : Arnaud Delahaye, Réanimation Polyvalente, Pôle de Médecine d’Urgence, Centre hospitalier de Rodez, Avenue de l’hôpital, 12027 Rodez cedex 9. E-mail : [email protected]. Tél. : 05 65 55 25 40. Fax : 05 65 55 25 59. Les syndromes septiques graves (SSG) représentent environ 75 000 hospitalisa- tions en réanimation en France chaque année dont une grande partie, au moins les deux tiers, transitent par les urgences (1, 2). Les SSG sont une cause fré- quente d’admission aux urgences avec une incidence croissante (3). Malgré l’évolution de la prise en charge, la mortalité reste globalement très élevée. L’amélioration du pronostic doit passer par une identification précoce des états à risque d’aggravation ou d’emblée graves, pour permettre de déclencher une prise en charge mieux adaptée et plus rapide : cette Early Goal-Directed Therapy de nos confrères anglo-saxons, à l’image des traumatisés crâniens, des accidents vasculaires cérébraux et des infarctus du myocarde, fait apparaître la place pri- mordiale des médecins urgentistes. 1. Existe-t-il des critères cliniques et biologiques prédictifs de la sévérité d’une infection ? À l’heure actuelle, il n’existe pas de standard diagnostique et pronostique, qui permette indiscutablement de distinguer une situation septique « simple » d’une situation à risque de progression vers un SSG. L’hétérogénéité des patients Chapitre 64 Prise en charge des premières heures d’une infection sévère A. LEFEBVRE 1 , M. BOIFFIER 1 , D. MAYEUR 1 , S. ENA 2 , A. DELAHAYE 2

URGENCES 64 2010 - SFMU

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: URGENCES 64 2010 - SFMU

721

URGENCES2010

co-fondateurs

PRISE EN CHARGE DES PREMIÈRES HEURES D’UNE INFECTION SÉVÈRE

1. Service d’Accueil des Urgences, Pôle de Médecine d’Urgence, CH Rodez, Avenue de l’Hôpital,12027 Rodez cedex 9.2. Service de Réanimation Polyvalente, Pôle de Médecine d’Urgence, CH Rodez, Avenue de l’Hôpital,12027 Rodez cedex 9.Correspondance :

Arnaud Delahaye, Réanimation Polyvalente, Pôle de Médecine d’Urgence, Centrehospitalier de Rodez, Avenue de l’hôpital, 12027 Rodez cedex 9. E-mail : [email protected]él. : 05 65 55 25 40. Fax : 05 65 55 25 59.

Les syndromes septiques graves (SSG) représentent environ 75 000 hospitalisa-tions en réanimation en France chaque année dont une grande partie, au moinsles deux tiers, transitent par les urgences

(1, 2)

. Les SSG sont une cause fré-quente d’admission aux urgences avec une incidence croissante

(3)

. Malgrél’évolution de la prise en charge, la mortalité reste globalement très élevée.L’amélioration du pronostic doit passer par une identification précoce des étatsà risque d’aggravation ou d’emblée graves, pour permettre de déclencher uneprise en charge mieux adaptée et plus rapide : cette Early Goal-Directed Therapyde nos confrères anglo-saxons, à l’image des traumatisés crâniens, des accidentsvasculaires cérébraux et des infarctus du myocarde, fait apparaître la place pri-mordiale des médecins urgentistes.

1. Existe-t-il des critères cliniques et biologiques prédictifs de la sévérité d’une infection ?

À l’heure actuelle, il n’existe pas de standard diagnostique et pronostique, quipermette indiscutablement de distinguer une situation septique « simple » d’unesituation à risque de progression vers un SSG. L’hétérogénéité des patients

Chapitre

64

Prise en chargedes premières heures

d’une infection sévère

A. L

EFEBVRE

1

, M. B

OIFFIER

1

, D. M

AYEUR

1

, S. E

NA

2

, A. D

ELAHAYE

2

Page 2: URGENCES 64 2010 - SFMU

URGENCES2010

co-fondateurs

722

SESSION COMMUNE SFMU/SRLF : SEPSIS GRAVE

septiques et de leur réponse face à un agent infectieux, rend difficile la stratifi-cation du risque et du pronostic de la « maladie ». Il existe, dans la littérature,peu de données pronostiques spécifiques aux urgences. La plupart des données,regroupées ici, proviennent d’études réalisées en réanimation.

1.1. Les comorbidités

La présence de comorbidité est à l’origine d’une surmortalité lors d’un sepsissévère ou d’un choc septique. Ce sont principalement les affections chroniqueshépatiques et cardiaques qui sont associées à un plus mauvais pronostic

(4, 5)

.

1.2. Les patients âgés

Le vieillissement de la population participe à l’augmentation de la fréquentationdes urgences pour sepsis et indiscutablement à la stabilité, élevée, de la mortalité.Le vieillissement s’accompagne d’une immuno-sénescence

(6, 7)

. Celle-ci est res-ponsable d’une altération de l’immunité innée et acquise qui, souvent associée àun état de dénutrition et de carence ainsi qu’une baisse de l’immunité locale paratteinte des barrières naturelles contre l’infection (peau, muqueuses) et un nombrecroissant de comorbidités, expose les personnes âgées à une augmentation de lasusceptibilité aux infections et de leur sévérité

(8)

. Par ailleurs, le retard diagnos-tique des formes moins bruyantes ou « abâtardies », l’agressivité thérapeutiquehabituellement moindre chez les personnes âgées ou très âgées, associés à unediminution des réserves physiologiques, participent à la surmortalité. L’âge estdonc identifié comme un facteur indépendant de mauvais pronostic et de décèsaux urgences, en réanimation et à l’hôpital lors d’un épisode de SSG

(7)

.

1.3. Les patients immunodéprimés

Les doses de chimiothérapie de plus en plus élevées, les indications de plus enplus larges et la prise en charge de pathologies d’onco-hématologie de plus enplus avancées, ont conduit à l’apparition de pathologies infectieuses nouvelleset/ou plus sévères. Aux déficits immunitaires liés à la néoplasie, viennent s’ajou-ter ceux consécutifs à la chimiothérapie, aux corticoïdes, aux traitements immu-nosuppresseurs ou cytotoxiques et à la radiothérapie. L’infection chez un patientimmunodéprimé est une urgence diagnostique et thérapeutique, malheureuse-ment souvent retardée par la complexité des cas et la pauvreté de la symptoma-tologie. Dans ce contexte, toute fièvre, même peu élevée, chez un maladeimmunodéprimé, qui plus est neutropénique, est une infection évolutive jusqu’àpreuve du contraire. Malgré un nombre important de données (type de néopla-sie, comorbidités, antécédents infectieux, porte d’entrée...) qui doivent être ana-lysées, l’initiation d’un traitement anti-infectieux ne doit souffrir d’aucun retard.

1.4. La température

Lors d’une infection sévère, chez les sujets âgés, les températures sont habituel-lement moins élevées que pour les sujets jeunes

(9)

. Ainsi une température supé-

Page 3: URGENCES 64 2010 - SFMU

723

URGENCES2010

co-fondateurs

PRISE EN CHARGE DES PREMIÈRES HEURES D’UNE INFECTION SÉVÈRE

rieure à 37,2 °C chez un sujet âgé doit être considérée comme une fièvre,enclenchant la démarche diagnostique d’infection. Par ailleurs, une températureinférieure à 36 °C est habituellement associée à des infections plus sévères

(5)

.

1.5. L’altération hémodynamique

Si l’état de choc septique ne devrait pas faire de doute diagnostique, il existe desétats préalables ou équivalents qui doivent alerter le clinicien. Marchick et al. ontrécemment démontré qu’une pression artérielle « labile » aux urgences (définiepar un ou plusieurs épisodes de chute de la pression artérielle systolique(PAS < 100 mmHg), sans pour autant être soutenue et continue), assombrissaitle pronostic avec une mortalité 3 fois supérieure aux patients ne présentantaucun épisode hypotensif. De même, les auteurs retrouvent une étroite corréla-tion entre la profondeur des épisodes d’hypotension et la mortalité, surtout si laPAS est inférieure à 80 mmHg

(10)

.

1.6. Le taux plasmatique de lactate

Le taux plasmatique du lactate est initialement un index corrélé à l’intensité de la pri-vation d’oxygène (O

2

) tissulaire, et donc l’intensité du bas débit, puis secondairementà l’augmentation de production ainsi qu’à la baisse de la clairance tissulaire. Prélevéprécocement, l’augmentation du taux plasmatique du lactate peut être le seul stig-mate de l’acidose métabolique, alors que le ionogramme plasmatique ne révèleaucune anomalie de la réserve alcaline ou du trou anionique

(11)

. Une lactatémiesupérieure à 2 mmol/l, est un critère diagnostique du syndrome de réponse inflam-matoire systémique (SRIS). Une élévation au-dessus de 4 mmol/l caractérise un SSGau même titre que l’hypotension artérielle

(12, 13)

. La persistance d’un taux élevéau cours des premières heures de prise en charge, aux urgences comme en réani-mation, est un facteur indépendant de décès

(14, 15)

. Les prélèvements itératifsdoivent faire vérifier la clairance plasmatique du lactate, garant d’une réponse effi-cace à la prise en charge hémodynamique optimisée

(16)

.

1.7. Brain Natriuretic Peptide (BNP)

Le BNP permet, en réanimation, d’évaluer la fonction ventriculaire au cours desSSG. Par ailleurs, un taux élevé persistant dans les premiers jours de prise encharge est un facteur indépendant de mauvais pronostic

(17, 18)

. Aux urgences,indépendamment d’une insuffisance cardiaque chronique sous jacente, l’éléva-tion du taux de BNP et son niveau d’augmentation semble être corrélé à unmoins bon pronostic chez les patients septiques

(19, 20)

.

1.8. Les anomalies biologiques

Une thrombopénie, ainsi que son évolution évaluée par mesures biologiquesrépétées, est annonciatrice, précocement, d’une coagulation intravasculairedisséminée (CIVD), qui est un élément indépendant prédictif de l’apparitiond’une défaillance multiviscérale et donc de mauvais pronostic

(21)

.

Page 4: URGENCES 64 2010 - SFMU

URGENCES2010

co-fondateurs

724

SESSION COMMUNE SFMU/SRLF : SEPSIS GRAVE

De façon non spécifique, l’élévation des d-dimères est associée à des situationsseptiques évoluant vers un SSG, l’état de choc et le décès. De la même manière,la baisse du taux de d-dimère est parallèle à la bonne réponse hémodynamiqueau cours de la prise en charge

(22, 23)

.

1.9. Les marqueurs biologiques de l’inflammation

Il n’existe pas de marqueur de l’inflammation qui réponde à toutes les attentesdu clinicien dans toutes les situations cliniques infectieuses en terme de valeurdiagnostique et pronostique. Malgré une littérature abondante, sur plus de80 marqueurs de l’inflammation, seuls 2 d’entre eux sont utilisés en routine auxurgences : la protéine C-réactive (CRP) et la procalcitonine (PCT).

Aux urgences comme en réanimation, la CRP, manque de sensibilité et despécificité pour discriminer une infection bactérienne d’une inflammation noninfectieuse. De même, le taux de CRP n’est pas en corrélation claire avec lepronostic des SSG

(24, 25)

. Les données de la littérature permettent à l’heureactuelle de dire que la PCT améliore la performance diagnostique entre SRISinfectieux et non-infectieux, mais aussi éventuellement bactériémique

versus

non-bactériémique. De la même manière, la PCT apporte une dimensionpronostique au cours de la prise en charge des SSG. Depuis plus de 10 ans, lesétudes confirment, en réanimation et aux urgences, que le taux de PCT estcorrélé au niveau de réaction inflammatoire systémique ainsi qu’au degré degravité clinique selon la classification internationale en : SRIS, sepsis, sepsissévère et choc septique

(26)

. Tout comme sa valeur dès l’arrivée aux urgences,c’est aussi la cinétique de la PCT dans les 48 heures suivantes, qui permetd’évaluer la réponse à la prise en charge et donc le pronostic

(27, 28)

. Le dosagede la PCT trouve aussi sa place dans les formes atypiques de SRIS et sepsis.

1.10. Les données bactériologiques

Le diagnostic bactériologique est habituellement difficile à réaliser en urgence. Sile temps nécessaire au travail du laboratoire de bactériologie est incompatibleavec l’urgence, il n’en demeure pas moins que l’examen direct, après colorationde gram, de certains prélèvements doit rester systématique. La recherche de bac-téries (urines, liquide céphalorachidien, liquide d’ascite ou de plèvre, prélèvementde pus...) peut mettre en évidence un cocci gram positif (CGP) ou un bacillegram négatif (BGN) de moins bon pronostic. Pour autant, le bilan bactériolo-gique reste négatif dans près de 30 % des cas.

Pour les patients consultant aux urgences, connus de l’hôpital, il est bon de pou-voir accéder rapidement au dossier médical pour connaître une éventuelle colo-nisation à germe résistant. Cette donnée peut influencer la prescription desantibiotiques et donc l’efficacité de la prise en charge ainsi que le pronostic.Dans cette situation, l’événement infectieux est l’équivalent d’une infectionnosocomiale, dont la mortalité est très nettement supérieure aux infectionscommunautaires.

Page 5: URGENCES 64 2010 - SFMU

725

URGENCES2010

co-fondateurs

PRISE EN CHARGE DES PREMIÈRES HEURES D’UNE INFECTION SÉVÈRE

2. Existe-t-il des scores clinico-biologiques prédictifs de la sévérité d’une infection ?

L’approche que doit adopter le clinicien aux urgences face aux états septiquesest une approche similaire à celle des pneumopathies communautaires, visant àestimer la gravité immédiate ou le risque d’aggravation.

En 1992, un consensus international a adopté une classification des états septi-ques sur l’intensité de la réponse de l’organisme vis-à-vis de l’infection

(26)

. Lesétats décrits (Tableau 1) sont considérés comme les phases d’aggravation suc-cessives de l’infection et de la réponse inflammatoire, avec une mortalité à28 jours en réanimation qui augmente en fonction du stade clinique initial. Lamortalité est estimée à 10 % au cours du SRIS, puis à 20-25 % pour un sepsis,pour dépasser les 50 % au cours des situations de sepsis sévère avec apparitionde défaillance(s) d’organe(s).

Bien qu’ils soient de faible spécificité, les critères de SRIS restent des critères sim-ples, toujours d’actualité pour établir un diagnostic mais aussi pour évaluer lagravité immédiate avec une mortalité prédite

(4)

. C’est d’ailleurs à partir de cescritères, que les recommandations de prise en charge sont régulièrement réac-tualisées

(12, 13)

.

Tableau 1 –

Définition des états septiques selon

(26)

Définitions Paramètres

Syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) (au moins deux des critères suivants)

• Température > 38,3 °C ou < 36 °C• Pouls > 90 c/mn• Fréquence respiratoire > 20 c/mn• Glycémie > 7,7 mmol/L• Leucocytes > 12 000/mm

3

ou < 4 000/mm

3

ou > 10 % de formes immatures• Altération des fonctions supérieures• Temps de recoloration capillaire > 2 sec• Lactatémie > 2 mmol/L

Sepsis SRIS + infection présumée ou identifiée

Sepsis sévère Sepsis + lactates > 4 mmol/L ou hypotension artérielle avant remplissage ou dysfonction d’organe (une seule suffit) :• Respiratoire : PaO

2

/FIO

2

< 300• Rénale : créatininémie > 176 µmol/l• Coagulation : INR > 1,5• Hépatique : INR > 4, bilirubine > 78 µmol/l• Thrombocytopénie : < 10

5

/mm

3

• Fonctions supérieures : Score de Coma de Glasgow < 13

Choc septique Sepsis grave + hypotension artérielle malgré le remplissage vasculaire optimum : 20-40 ml/kg

Page 6: URGENCES 64 2010 - SFMU

URGENCES2010

co-fondateurs

726

SESSION COMMUNE SFMU/SRLF : SEPSIS GRAVE

2.1. Le score PIRO (Tableau 2)

En 2001, une proposition d’experts internationaux a fait évoluer la définition dusepsis et des SSG en développant un concept clinico-biologique pour mieuxappréhender et évaluer la sévérité des situations infectieuses

(29)

. C’est sousl’acronyme PIRO que ce système composite prédictif a été développé. Il tientcompte ainsi des comorbidités (P :

predisposition

), de l’infection (I :

insult/infec-tion

), de la réponse de l’hôte vis-à-vis de l’agent infectieux (R :

response

) et desdéfaillances d’organe présentées par le patient (O :

organ dysfonction

).Jusqu’alors imprécis il faut attendre 2009, avec l’étude menée par Rubulotta etal., pour avoir une première approche des variables du concept PIRO

(30)

. Àpartir de l’analyse rétrospective des 840 patients du groupe placebo de l’étudePROWESS

(31)

, les auteurs ont prédéterminé les variables, puis ils les ont testéessur les 10 610 dossiers anonymisés d’un registre international sur le sepsis :PROGRESS

(32)

. Chaque paramètre, de chacune des variables du système PIRO,est déterminé de façon indépendante et est pondéré pour pouvoir calculer unscore, de 0 à 13, prédictif d’une aggravation clinique. Le score obtenu permetdonc de stratifier le risque de décès, de faible à élevé.

Bien que cette première approche de l’évaluation du risque par le score PIRO,n’ait pas encore reçu de validation à grande échelle aux urgences, son conceptet son caractère évolutif le rendent prometteur dans les années à venir.

2.2. Le score Risk of Infection to Severe Sepsis and Shock Score (RISSC) (Tableau 3)

Dans l’étude, prospective et observationnelle en réanimation, d’Alberti et al., lesauteurs ont déterminé, à partir de 1 531 dossiers de réanimation présentant unsepsis, 12 variables associées à la survenue d’un SSG

(33)

. Chaque variable estaffectée d’un coefficient de pondération (de 3 à 6,5) reflétant son poids spéci-fique, ce qui permet de déterminer un score allant de 0 à 49 points. Ce scoredétermine un risque de progression vers un SSG. 4 catégories de risque sontauthentifiées : faible risque (0-8 points), risque modéré (8,5-16 points), risqueélevé (16.5-24 pts) ou risque très élevé (> 24 pts) avec, en effet, respectivement9 %, 17 %, 31 % et 51 % de risque d’évoluer en SSG. Le score RISSC réactua-lise donc les variables du SRIS/sepsis tout en y ajoutant une valeur prédictived’aggravation. L’absence de disponibilité immédiate des variables microbiolo-giques n’empêche pas de calculer le score ce qui peut le rendre utilisable dès laprise en charge aux urgences. À l’heure actuelle, comme pour le score PIRO, iln’existe aucune validation en médecine d’urgence.

2.3. Le score Mortality in Emergency Department Sepsis (MEDS)

Ce score composite permet de déterminer un risque de décès à 28 jours, despatients se présentant aux urgences avec un tableau septique. À chaquevariable : tachypnée, hypoxémie, thrombopénie, encéphalopathie, infectionrespiratoire basse, état de choc, terrain (âge > 65 ans, patient en institution,

Page 7: URGENCES 64 2010 - SFMU

727

URGENCES2010

co-fondateurs

PRISE EN CHARGE DES PREMIÈRES HEURES D’UNE INFECTION SÉVÈRE

Tab

leau

2 –

Var

iabl

es e

t pa

ram

ètre

s po

ndér

és d

u sc

ore

PIRO

sel

on

(31)

Item

sN

ivea

u d

e st

rati

fica

tio

n

01

23

4

Pred

ispo

sitio

n

P0P1

P2P3

P4

âge

< 4

6 an

sâg

e 46

à 6

4 an

s, s

ans

insu

ffis

ance

hép

atiq

ue

chro

niqu

e (IH

C)

âge

de 6

4 à

85 a

ns, p

as

d’IH

C n

i d’

insu

ffis

ance

ca

rdia

que

cong

estiv

e(IC

C)

âge

46 à

64

ans

avec

IH

C, o

u âg

e de

64

à 85

an

s av

ec I

CC

âge

de 6

4 à

85 a

ns

avec

IH

C,

ou â

ge >

85

ans

Insu

lt in

fect

ion

I0I1

I2I3

I4

Infe

ctio

n ur

inai

re

com

mun

auta

ire (

IUC

) à

baci

lle g

ram

nég

atif

(BG

N)

IUC

non

à B

GN

Infe

ctio

n co

mm

unau

taire

non

ur

inai

re o

u in

fect

ion

noso

com

iale

à g

ram

po

sitif

Infe

ctio

n no

soco

mia

le

non

à gr

am p

ositi

f,

ou i

nfec

tion

noso

com

iale

fun

giqu

e no

n in

tra-

abdo

min

ale

Infe

ctio

n in

tra-

abdo

min

ale

noso

com

iale

fun

giqu

e

Resp

onse

R0

R1

Pas

de t

achy

card

ie

et/o

u pa

s de

tac

hypn

éeTa

chyc

ardi

e et

ta

chyp

née

Org

an D

ysfu

nctio

n

O0

O1

O2

O3

O4

2 dy

sfon

ctio

ns d

’org

ane

3 dy

sfon

ctio

ns d

ont

hépa

tique

3 dy

sfon

ctio

ns d

’org

ane

(non

hép

atiq

ue)

4 dy

sfon

ctio

ns d

’org

ane

5 dy

sfon

ctio

ns d

’org

ane

Page 8: URGENCES 64 2010 - SFMU

URGENCES2010

co-fondateurs

728

■ SESSION COMMUNE SFMU/SRLF : SEPSIS GRAVE

maladie terminale à moins de 30 jours, altération des fonctions supérieures), estattribué un certain nombre de points, qui déterminent le score et une probabilitéde décès variant de 1 à 50 %. Ce score, focalisé sur la mortalité, ne permet pasd’individualiser les patients septiques à risque d’évolution défavorable et n’estdonc pas validé aux urgences comme une aide immédiate à la prise encharge (34).

2.4. Les scores généraux d’évaluation de la gravité de réanimation

De nombreuses études ont démontré que les scores physiologiques habituelle-ment appliqués aux patients de réanimation (SAPS II : Simplified Acute Physio-logy Score ; IGS II : Index de Gravité Simplifié...) ne permettent pas uneévaluation individuelle aux urgences (35). Seul le Sequential Organ Failure Asses-sment ou score de SOFA, qui évalue les dysfonctions d’organes, a récemmentété validé aux urgences pour stratifier le risque et le pronostic (36). Certesl’information principale, la mortalité hospitalière n’est pas d’une grande utilitéimmédiate aux urgences, mais le calcul du score permet d’authentifier de façonsystématique les défaillances d’organe permettant d’intensifier la prise en chargeet d’introduire une notion valide de discussion entre praticiens urgentistes et réa-nimateurs.

3. Quelle stratégie diagnostique et thérapeutique aux urgences, des syndromes septiques graves ?

L’amélioration du pronostic des états septiques passe par une meilleure identifi-cation des patients à risque de SSG. Cette identification, parfois difficile, doitbénéficier d’une stratégie maximaliste dans l’attente de scores validés auxurgences. De cette identification rapide dépend une stratégie thérapeutiqueoptimisée.

Tableau 3 – Variables clinico-biologiques du score RISSC et leur pondération (33)

Variable Pondération Variable Pondération

Bilirubine > 30 µmol/L 3 Ventilation mécanique 6,5

Fréquence cardiaque > 120/min

3 Pneumopathie 4

Natrémie > 145 mmol/L 4 Péritonite 4

Plaquettes < 150 x 109 /L 4 Cocci gram positif 2,5

Pression artérielle systolique < 110 mmHg

4 Bacille gram négatif aérobie 3

Température > 38,2 °C 5 Bactériémie 6

Page 9: URGENCES 64 2010 - SFMU

729

URGENCES2010

co-fondateurs

PRISE EN CHARGE DES PREMIÈRES HEURES D’UNE INFECTION SÉVÈRE

3.1. Quelle stratégie diagnostique immédiate ?

Les critères de SRIS (Tableau 1) restent d’actualité aux urgences pour initier larecherche d’un foyer infectieux (26). C’est dans les formes dites atypiques oularvées (absence de fièvre, forme neuro-psychiatrique, population gériatrique...)que les bilans paracliniques (CRP, PCT, lactate...) peuvent prendre une impor-tance diagnostique.

La reconnaissance des patients à risque d’aggravation ou d’emblée graves peutse faire dès « l’avant-garde » des services d’urgence par les médecins régulateursdes SAMU, au travers du bilan préhospitalier, mais aussi par les Infirmièresd’Accueil et d’Orientation (IAO) en appliquant les critères de SRIS (Tableau 1). Unpatient doit être considéré, jusqu’à preuve du contraire, comme présentant unSSG s’il présente au moins 2 critères de SRIS associés à un foyer infectieux sus-pecté ou confirmé, avec une PAS < 90 mmHg (ou une pression artériellemoyenne – PAM – inférieure à 65 mmHg ou une baisse de 40 mmHg de la PASde référence). Chez le patient non hypotendu ou faussement normo-tendu, uneélévation du lactate plasmatique a la même valeur qu’un collapsus tensionnel,imposant son prélèvement systématique lors du bilan d’un syndrome septique.De même, toute défaillance d’organe possiblement évaluée par le score deSOFA, en présence d’un SRIS ou sepsis doit être rattachée, jusqu’à preuve ducontraire, à un SSG et ne pas être a priori expliquée par une autre cause.

La reconnaissance du « stade » de l’état septique définit le niveau de prise encharge. Un tableau de SSG doit conduire à une orientation du patient en Salled’Accueil des Urgences Vitales (SAUV) avec une équipe paramédicale et médicaledédiée où seront débutés un monitorage non invasif multiparamétrique continu,avec mesures répétées de la pression artérielle, et des thérapeutiques spécifiques(voir plus bas).

3.2. Quelle stratégie thérapeutique immédiate ?

3.2.1. Antibiothérapie et éradication du foyer infectieux

L’antibiothérapie empirique à large spectre est probabiliste et adaptée à l’origineprésumée du foyer infectieux. Une antibiothérapie initiale inadaptée influencenégativement le pronostic. Le choix des antibiotiques doit aussi tenir compte :d’une éventuelle antibiothérapie préalable, possiblement en échec, d’un résultatd’examen direct demandé en urgence, d’un terrain et d’une situation spécifiqued’immunodépression et éventuellement d’une colonisation documentée à germerésistant (staphylocoque doré méthicilline résistant, Escherichia coli BLSE, pseu-domonas résistant...).

Le bilan infectieux est réalisé, si possible, avant l’introduction de toute antibio-thérapie. Pour autant, il ne doit pas « trop » retarder sa mise en place. L’anti-biothérapie doit être introduite aux urgences, au mieux dans l’heure qui suit lediagnostic de sepsis et au maximum dans les 3 heures. Lors d’un état de chocseptique, chaque heure passée sans antibiotique après l’apparition de l’hypo-

Page 10: URGENCES 64 2010 - SFMU

URGENCES2010

co-fondateurs

730 ■ SESSION COMMUNE SFMU/SRLF : SEPSIS GRAVE

tension artérielle, diminue la probabilité de survie de 8 % (37). L’existence deprotocoles d’antibiothérapie institutionnels, validés conjointement avec lescomités locaux d’antibiothérapie, tenant compte de l’évolution des sensibilités,de l’écologie locale, des contre-indications... améliore la qualité et la rapidité deprescription.

La prise en charge infectieuse ne se limite pas, stricto sensu, à l’introductiond’une antibiothérapie. Quand un foyer infectieux est suspecté, il doit être docu-menté, ce qui peut nécessiter en urgence une confrontation clinico-radiologico-chirurgicale. L’intérêt est de chercher à faciliter son éradication (drainage d’unepleurésie purulente, mise à plat d’abcès, dérivation des urines, débridement,laparotomie, ablation de matériel étranger...), après un minimum d’examencomplémentaire. Il est clairement établi que l’éradication du foyer ou son drai-nage améliore le pronostic infectieux ainsi que la mortalité.

3.2.2. Oxygénothérapie

L’ensemble des mécanismes des SSG concourt à un cercle vicieux pour aboutirà une hypoxie cellulaire pouvant devenir irréversible. L’oxygénothérapie, commel’optimisation du débit cardiaque, vise à améliorer le transport en oxygène (O2)vers les cellules. Le contenu artériel en O2 est amélioré en augmentant la fractioninspirée en O2 (FiO2 ) par l’oxygénothérapie (QS SpO2 > 95 %) (38). En casd’échec des mesures habituelles d’oxygénothérapie, et/ou en présence d’unéchec d’optimisation hémodynamique, au décours des 90 premières minutes deprise en charge, il est légitime de réaliser une intubation trachéale pour une ven-tilation mécanique sous FiO2 contrôlée et ajout d’une pression positive en find’expiration. Par ailleurs, le contrôle de l’importante activité diaphragmatique,sous analgésie et sédation, contribue à une diminution de la demande et de laconsommation en O2 pour ce seul volumineux muscle, au profit des autresorganes en souffrance.

Concernant l’intubation et l’induction séquence rapide (ISR), l’utilisation de l’éto-midate est controversée (39). Cette drogue sédative, couramment utilisée enmédecine d’urgence, est à l’origine d’un blocage dose dépendant de la11-hydroxylase, pouvant induire une insuffisance surrénalienne aiguë réversible.Cette dernière est à l’origine d’une surmortalité des patients en choc septiqueen réanimation et nécessite une substitution (40). Récemment, dans l’étudeprospective multicentrique menée par le groupe de travail KETASED, la kétaminea été proposée comme une alternative fiable à l’étomidate pour l’ISR, avec unetendance à une baisse de la mortalité des patients en SSG en réanimation (41).

3.2.3. Expansion volémique

La restauration volémique initiale est prioritaire, urgente, et doit être agressive.L’hypovolémie, vraie ou relative, est à l’origine d’une baisse du débit cardiaque,précharge dépendant, avec défaut de perfusion et d’oxygénation tissulaire à l’ori-gine des défaillances d’organes. Une expansion volémique, réalisée dès le diagnos-tic de SSG, peut permettre de diminuer le recours aux amines vasopressives.

Page 11: URGENCES 64 2010 - SFMU

731

URGENCES2010

co-fondateurs

PRISE EN CHARGE DES PREMIÈRES HEURES D’UNE INFECTION SÉVÈRE

Il n’y a pas de consensus sur le choix et la quantité du fluide à utiliser. Pour unmême objectif hémodynamique, les cristalloïdes et les colloïdes sont équivalents,bien qu’il faille au minimum 2 fois plus de cristalloïdes que de colloïdes (42, 43).La tolérance respiratoire (œdème pulmonaire) peut guider le choix vers une asso-ciation cristalloïde/colloïde, ou faire clairement privilégier les colloïdes, pour unbénéfice hémodynamique à moindre volume.

Il est recommandé de démarrer le remplissage au minimum par 1 000 mL decristalloïde ou 300 à 500 mL de colloïde en 30 minutes (38). Les débits et lesvolumes (20 à 40 mL/kg) doivent être adaptés aux objectifs d’optimisation hémo-dynamique (voir plus bas). Dans l’étude de Rivers et al., les patients du groupe« optimisation hémodynamique» reçoivent en moyenne 5 000 mL dans les6 premières heures (22).

3.2.4. Place des catécholamines

En l’absence d’efficacité de l’optimisation hémodynamique par le remplissagevasculaire, la perfusion d’amines vasoconstrictrices doit être envisagée. Bien qu’iln’existe pas de franche différence en terme de pronostic en réanimation entredopamine et noradrénaline à l’heure actuelle, l’amine de choix en médecined’urgence reste la noradrénaline. Initiée sur une voie veineuse périphérique, laperfusion continue doit se poursuivre le plus rapidement possible sur voie vei-neuse centrale. À ce niveau de prise en charge, il est fortement recommandé demettre en place un cathéter artériel pour la mesure d’une PAM en continue (38).

L’utilisation de drogues inotropes n’est pas d’emblée systématique (38). Leurintroduction se fait en l’absence de réponse hémodynamique à l’expansion volé-mique et la vasoconstriction. Une expertise myocardique s’impose, non invasiveou invasive selon les choix et compétences de chaque service. En urgence, lechoix se porte préférentiellement sur l’adrénaline. Chez les patients en SSG pourlesquels la volémie est primordiale, la dobutamine, par sa stimulation des récep-teurs 2 périphériques, risque, tout en corrigeant la dépression myocardique, dedémasquer une hypovolémie par vasodilatation (44, 45).

3.2.5. Place de la transfusion

Bien qu’une politique restrictive transfusionnelle soit bénéfique aux patients deréanimation (46), il existe un rationnel physiologique à maintenir un tauxd’hémoglobine à 8-9 g/dL et un hématocrite supérieur à 30 %, à la phase pré-coce (6 premières heures) de prise en charge des SSG. L’apport en hémoglobine,améliore la capacité du transport en oxygène et participe au maintien d’unesaturation en O2 du sang veineux mêlé > 70 % pour une optimisation hémody-namique comme dans l’étude de Rivers et al. (22).

3.2.6. Traitements adjuvants

Dès les premières heures de la prise en charge d’un SSG sous amines vasopres-sives, le patient doit bénéficier d’une opothérapie substitutive de l’insuffisancesurrénalienne relative par hémisuccinate d’hydrocortisone (50 mg × 4/j). De la

Page 12: URGENCES 64 2010 - SFMU

URGENCES2010

co-fondateurs

732 ■ SESSION COMMUNE SFMU/SRLF : SEPSIS GRAVE

même manière, une insulinothérapie, selon un protocole de service pré-établi,doit permettre de maintenir une glycémie inférieure à 1,5 g/L (ou 8 mmol/l) (38).Concernant le traitement par protéine C activée, son introduction est réalisée enétroite collaboration avec l’équipe de réanimation, selon un protocole bien définiet en l’absence de contre-indication (38).

3.3. Quels objectifs et moyens, aux urgences, pour une optimisation hémodynamique ?

Outre l’indispensable rapidité de mise en œuvre d’un traitement spécifique effi-cace, les travaux réalisés par Rivers et al. (22) confirment l’absolue nécessitéd’une optimisation hémodynamique avec des objectifs précis, aidée d’un moni-torage adapté, pour améliorer le pronostic. La transposition exacte à nos servicesd’urgence de l’ensemble de la stratégie d’optimisation hémodynamique décriteà Détroit (Michigan), doit tenir compte des spécificités de nos services d’urgencehospitaliers et préhospitaliers français, ainsi que du possible accueil direct ourapide, en service de réanimation.

L’éloignement d’une équipe de SMUR ou l’indisponibilité immédiate du lit enréanimation, peut générer un ralentissement « technique » au transfert dumalade en réanimation mais ne doit en aucun cas être un frein à sa prise encharge agressive dans le cas d’un SSG. Chaque service d’urgence doit donc pro-duire, appliquer et évaluer des fiches réflexes et des protocoles en fonction despossibilités locales et des outils à disposition.

La première période, courte, des 90 premières minutes de prise en charge auxurgences doit être dédiée au diagnostic, à l’évaluation de la gravité, à la réalisa-tion du bilan, à l’institution du traitement antibiotique, tout en optimisantl’hémodynamique. Elle répond à 3 objectifs : maintenir une PAM supérieure à65 mmHg, une diurèse horaire supérieure à 0,5 ml/kg et une SpO2 supérieure à95 %. Le monitorage multiparamétrique est non invasif avec au minimum :l’oxymétrie de pouls, la fréquence cardiaque, la mesure automatisée de la pres-sion artérielle, la fréquence respiratoire. La mise en place d’une sonde urinairedoit permettre de compléter le bilan infectieux mais aussi de mesurer la diurèsehoraire grâce à un système de recueil suffisamment pratique et précis. Unesonde urinaire modifiée avec capteur thermique peut, par ailleurs, faciliter lemonitorage de la température.

Au terme de cette première période, l’évaluation de la gravité et de la réponseclinique permet de déterminer l’orientation du patient :

– le patient qui présente un SSG avec résolution des signes d’hypoperfusion,une infection documentée ou fortement suspectée, sans comorbidité est orientévers une unité de soins intensifs ou de surveillance continue ;

– le patient qui présente un SSG avec persistance totale ou partielle des signesd’hypoperfusion clinique, une lactatémie initiale > 4 mmol/l, une/des comorbi-dités significatives, des signes de défaillance viscérale, une infection indéterminée

Page 13: URGENCES 64 2010 - SFMU

733

URGENCES2010

co-fondateurs

PRISE EN CHARGE DES PREMIÈRES HEURES D’UNE INFECTION SÉVÈRE

ou aggravant le pronostic (pulmonaire, intra-abdominale, à CGP ou BGN) : doitêtre d’emblée ou le plus rapidement possible admis en réanimation.

Si pour des raisons diverses, habituellement d’attente de place (22, 47), lepatient doit rester aux urgences, sa prise en charge doit se poursuivre au seinde la SAUV. En cas d’instabilité persistante, il est souhaitable de guider la priseen charge par des moyens diagnostiques et d’évaluations complémentaires. Lesobjectifs hémodynamiques restent les mêmes que précédemment, avec un reculplus important concernant la disparition des signes cliniques et biologiquesd’hypoperfusion (PAM, marbrures... diurèse... lactates...).

– La mise en place d’un cathéter artériel va permettre : à la fois de surveillerétroitement la PAM avec un meilleur contrôle des objectifs (≥ 65 mmHg), maisaussi d’évaluer l’évolutivité biologique du patient : clairance du lactate, évolutiondes défaillances d’organe... L’abord privilégié est lié à l’habitude de l’équipe etde l’opérateur mais aussi à l’état hémodynamique du patient. Chez les plus ins-tables, la voie fémorale pour une courte durée semble idéale.

– La mise en place d’une voie veineuse centrale (VVC) permet de poursuivre leremplissage vasculaire, d’instaurer un support hémodynamique fiable par caté-cholamines en débit continu, d’assurer l’injection des thérapeutiques spécifiques(antibiotiques...). La VVC permet par ailleurs, si elle est posée par voie jugulaireou sous-clavière, l’évaluation de la pression veineuse centrale (PVC) mesurée enpériode télé-expiratoire chez un patient en ventilation spontanée ou bien en ven-tilation mécanique. La PVC reste un médiocre paramètre prédictif de l’efficacitéd’un remplissage ; toutefois, une valeur très basse, inférieure à 5 ou 8 mmHg,laisse présager une réponse positive au remplissage vasculaire. De plus, la VVCpermet de réaliser des mesures ponctuelles de la saturation en O2 du sang vei-neux mêlé (ScvO2), par ponction lente d’un gaz du sang veineux à partir de lavoie distale du cathéter. La ScvO2 reflète l’adéquation globale entre l’apport etl’utilisation de l’O2 par les tissus de l’organisme en tenant compte de ses4 déterminants : le débit cardiaque (Qc), la saturation artérielle en O2 (SaO2), letaux d’hémoglobine (Hb) et la consommation d’oxygène (VaO2). Il existe descathéters veineux centraux modifiés, équipés de fibres optiques, capables demesurer en continu la ScvO2 après calibrage. Dans le groupe d’optimisationhémodynamique de l’étude princeps américaine (22), l’objectif de ScvO2 étaitsupérieur à 70 % tout en tenant compte des 4 déterminants interdépendantspotentiellement altérés nécessitant transfusion, drogues inotropes et optimisa-tion de la FiO2 .

– L’échocardiographie transthoracique peut être aux urgences un outil d’évalua-tion hémodynamique pertinent. Concernant la volémie, le diamètre de la veinecave inférieure (VCI) mesurée en mode TM par voie sous-xiphoïdienne, en télé-expiratoire, apporte une évaluation de la PVC. Si le diamètre est faible, inférieurà 12 mm, le bénéfice au remplissage est probable. A contrario, un diamètre > à20 mm laisse présager d’une absence de réponse au remplissage. Au cours dumême examen, l’opérateur entraîné peut faire une évaluation hémodynamiquepar l’interprétation de la fonction systolique ventriculaire gauche. Les nombreuses

Page 14: URGENCES 64 2010 - SFMU

URGENCES2010

co-fondateurs

734 ■ SESSION COMMUNE SFMU/SRLF : SEPSIS GRAVE

procédures, plus ou moins invasives, d’évaluation et de monitorage hémodyna-mique (VIGILEO™ ; PICCO+ ™ ; doppler œsophagien...) peuvent difficilementêtre mises en place aux urgences et sont le choix concerté entre de l’équipe deréanimation et les médecins urgentistes.

4. Conclusion

La mise en place aux urgences d’une stratégie diagnostique et d’évaluation despatients présentant un SSG ou à risque de le devenir doit permettre d’améliorerla rapidité de prise en charge. Il est clairement établi qu’un algorithme d’optimi-sation thérapeutique et hémodynamique précoce, ciblé et de qualité, diminue lamortalité. C’est grâce aux recommandations d’experts, régulièrement réactua-lisées, que chaque structure d’urgence doit établir une organisation claire, endéfinissant des fiches réflexes et des protocoles de soins, en étroite collaborationavec l’équipe de réanimation.

Références

1. Brun-Buisson C, Meshaka P, Pinton P, Vallet B. EPISEPSIS: a reappraisal of the epi-demiology and outcome of severe sepsis in French intensive care units. IntensiveCare Med 2004 ; 30 : 580-8.

2. Wang HE, Shapiro NI, Angus DC, Yealy DM. National estimates of severe sepsis inUnited States emergency departements. Crit Care Med 2007 ; 38 : 1928-36.

3. Martin MA, Wenzel RP, Gorelick KJ. Gram-negative bacterial sepsis in hospitals inthe united States – natural history in the 1980s. Prog Clin Biol Res 1991 ; 367 :111-9.

4. Alberti C, Brun-Buisson C, Goodman SV et al. Influence of systemic inflammatoryresponse syndrome and sepsis on outcome of critically ill infected patients. Am JRespir Crit Care Med 2003 ; 168 : 77-84.

5. Brun-Buisson C, Doyon F, Carlet J et al. Incidence, risk factors, and outcome ofsevere sepsis and septic shock in adults. JAMA 1995 ; 274 : 968-74.

6. Gruver AL, Hudson LL, Sempowski GD. Immunosenescence of ageing. J Pathol2007 ; 211 : 144-56.

7. Opal SM, Girard TD, Ely EW. The immunopathogenesis of sepsis in elderly patients.Clin Infect Dis 2005 ; 41 Suppl 7 : S504-12.

8. Martin GS, Mannino DM, Moss M. The effect of age on the development and out-come of adult sepsis. Crit Care Med 2006 ; 34 : 15-21.

9. Chassagne P, Perol MB, Doucet J et al. Is presentation of bacteriemia in the elderlythe same as in younger patients? Am J Med 1996 ; 100 : 65-70.

10. Marchick MR, Kline JA, Jones AE. The significance of non-sustained hypotension inemergency departement patients with sepsis. Intensive Care Med 2009 ; 35 : 1261-4.

11. Levraut J, Bounatirou T, Ichai C et al. Reliability of anion gap as an indicator ofblood lactate in critically ill patients. Intensive Care Med 1997 ; 23 : 417-22.

Page 15: URGENCES 64 2010 - SFMU

735

URGENCES2010

co-fondateurs

PRISE EN CHARGE DES PREMIÈRES HEURES D’UNE INFECTION SÉVÈRE

12. Prise en charge hémodynamique du sepsis sévère (nouveau-né exclu). Conférencede consensus commune SFAR, SRLF 2006. Elsevier, Paris.

13. Dellinger RP, Carlet JM, Masur H et al. Surviving Sepsis Campaign guidelines formanagement of severe sepsis and septic shock. Crit Care Med 2004 ; 32 : 858-73.

14. Levraut J, Ichai C, Petit I et al. Low exogenous lactate clearance as an early predictorof mortality in normolactatemic critically ill septic patients. Crit Care Med 2003 ;31 : 705-10.

15. Arnold RC, Shapiro NI, Jones AE et al. Multicenter study of early lactate clearancceas a determinant of survival in patients with presumed sepsis. Shock 2009 ; 32 :35-9.

16. Shapiro NI, Howell MD, Talmor D et al. Serum lactate as a predictor of mortality inemergency department patients with infection. Ann Emerg Med 2005 ; 45 : 524-8.

17. Charpentier J, Luyt CE, Fulla Y et al. Brain natriuretic peptide: A marker of myocar-dial dysfonction and prognosis during severe sepsis. Crit Care Med 2004 ; 32 :660-5.

18. Yucel T, Memis D, Karamanlioglu B et al. The prognostic value of atrial and brainnatriuretic peptides, troponin I and C-reactive protein in patients with sepsis. ExpClin Cardiol 2008 ; 13 : 183-8.

19. Kandil E, Burack J, Sawas A et al. B-Type Natriuretic Peptide : A Biomarker for theDiagnosis and Risk Stratification of Patients With Septic Shock. Arch Surg 2008 ;143 : 242-6.

20. Chen Y, Li C. Prognostic significance of brain natriuretic peptide obtained in the EDin patients with SIRS or sepsis. Am J Emerg Med 2009 ; 27 : 701-6.

21. Vanderschueren S, De Weerdt A, Malbrain M et al. Thrombocytemia and prognosisin intensive care. Crit Care Med 2000 ; 28 : 1871-6.

22. Rivers E, Nguyen B, Havstad S et al. Early goal-directed therapy in the treatment ofsevere sepsis and septic shock. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1368-77.

23. Bernard GR ; Shorr AF, Thomas SJ et al. D-dimer correlates with proinflammatorycytokine levels and outcomes in critically ill patients. Chest 2002 ; 121 : 1262-8.

24. Herzum I, Renz H. Inflammatory markers in SIRS, Sepsis and septic shock. CurrentMedicinal Chemistry 2008 ;15 : 581-7.

25. Chan YL, Tseng CP, Tsay PK et al. Procalcitonine as a marker of bacterial infectionin the emergency department: an observational study. Crit Care 2004 ; 8 : 12-20.

26. Bone RC, Balk RA, Cerra FB et al. Definitions of sepsis and organ failure and guide-lines for use of innovative therapies in sepsis. Chest 1992 ; 101 : 1656-62.

27. Hausfater P. Le dosage de la procalcitonine en pratique clinique chez l’adulte. RevueMed Interne 2007 ; 28 : 296-305.

28. Herzum I, Renz H. Inflammatory Markers in SIRS, Sepsis and Septic Shock. CurrentMedicinal Chemistry 2008 ; 15 : 581-7.

29. Levy MM, Fink MP, Marshall JC et al 2001 SCCM/ESICM/ACCP/ATS/SIS internationalsepsis definitions conference. Crit Care Med 2001 ; 31 : 1250-6.

30. Rubulotta F, Marshall JC, Ramsay G et al. Predisposition, insult/infection, response,and organ dysfonction: A new model for staging severe sepsis. Crit Care Med2009 ; 37 : 1329-35.

31. Bernard GR, Vincent JL, Laterre PF et al. Efficacy and safety of recombinant humanactivated protein C for severe sepsis. N Engl J Med 2001, 344 : 699-709.

Page 16: URGENCES 64 2010 - SFMU

URGENCES2010

co-fondateurs

736 ■ SESSION COMMUNE SFMU/SRLF : SEPSIS GRAVE

32. Beale R, Reinhart K, Brunkhorst FM et al. Promoting Global Research Excellence inSevere Sepsis (PROGRESS): lessons from an international sepsis registry. Infection2009 ; 37 : 222-32.

33. Alberti C, Brun-Buisson C, Chevret S et al. Systemic inflammatory response and pro-gression to severe sepsis in critically ill infected patients. Am J Respir Crit Care Med2005 ; 171 : 461-8.

34. Shapiro NI, Wolfe RE, Moore RB et al. Mortality in Emergency Departement Sepsis(MEDS) score: A prospectively derived and validated clinical prediction rule. Crit CareMed 2003 ; 31 : 670-5.

35. Skrobik Y, Kavanagh BP. Scoring systems for the critically ill: Use, misuse and abuse.Can J Anesth 2006 ; 53 : 432-6.

36. Jones AE, Trzeciak S, Kline JA. The Sequential Organ Failure Assessment score forpredicting outcome in patients with severe sepsis and evidence of hypoperfusion atthe time of emergency departement presentation. Crit Care Med 2009 ; 37 :1649-54.

37. Kumar A, Roberts D, Wood KE et al. Duration of hypotension before initiation ofeffective antimicrobial therapy is the critical determinant of survival in human septicshock. Crit Care Med 2006 ; 34 : 1589-96.

38. Dellinger R.P, Levy M.M, Carlet J.M et al. Surviving Sepsis Campaign: Internationalguidelines for management of severe sepsis ans septic shock: 2008. Intensive CareMed 2008 ; 34 : 17-60.

39. Annane D. ICU physicians should abandon the use of etomidate! Intensive CareMed 2005 ; 31 : 325-6.

40. Annane D, Sebille V, Charpentier C et al. Effect of treatment with low doses ofhydrocortisone and fludrocortisone on mortality in patients with septic shock. JAMA2002 ; 288 : 862-71.

41. Jabre P, Combes X, Lapostolle F et al. Etomidate versus ketamine for rapid sequenceintubation in acutely ill patients: a multicentre randomised contolled trial. Lancet2009 ; 374 : 293-300.

42. Perel P, Roberts I. Colloids versus crystalloids for fluid resuscitation in critically illpatients. Cochrane Database Syst Rev 2007 Oct 17 ; (4).

43. Wiedermann CJ. Systematic review of randomized clinical trials on the use ofhydroxyethyl starch for fluid management in sepsis. BMC Emerg Med 2008 : 24 ;8 : 1.

44. Rhodes A, Lamb FJ, Malagon I et al. A prospective study of the use of dobutaminestress test to identify outcome in patients with sepsis, severe sepsis, or septic shock.Crit Care Med 1999 ; 27 : 2361-6.

45. Annane D, Vignon P, Renault A et al. Norepinephrine plus dobutamine versus epine-phrine alone for management of septic shock: a randomised trial. Lancet 2007 ;370 : 676-84.

46. Hebert PC, Wells G, Blajchman MA et al. A multicenter randomized, controlled clin-ical trial of transfusion requirements in critical care: Transfusion Requirements inCritical Care Investigators, Canadian Critical Care Trials Group. N Engl J Med 1999 ;340 : 409-17.

47. Trzeciak S, Rivers EP. Emergency departement overcrowding in the United States: anemerging threat to patient safety and public health. Emerg Med J 2003 ; 20 :402-5.