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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2005, N° 286 (4) 29 ÉROSION DU SOL / LE POINT SUR… Jean-Baptiste Feret 1 Jean-Michel Sarrailh 2 1 Ensam 2, place Pierre-Viala 34000 Montpellier France 2 Cirad 7, chemin de l’Irat 97410 Saint-Pierre La Réunion France Utilisation d’un appareil de mesure simple, et précis, pour l’étude de l’érosion à Mayotte Apports de terre, vers la mangrove. Photo J.-M. Sarrailh. Il est essentiel de pouvoir quantifier l’érosion d’origine naturelle ou humaine qui provoque l’envasement du lagon de l’île de Mayotte par des apports de terre provenant des bassins-versants. Les mesures précises effectuées à l’aide de l’appareil mis au point par des chercheurs du Cirad contribuent à une meilleure connaissance du phénomène et de son évolution, ce qui permettra de proposer des aménagements anti-érosifs et des pratiques culturales telles qu’une couverture du sol permanente.

Utilisation d’un appareil de mesure simple, et précis, …cinquantaine d’années (Holley, 2003). Des études précédentes (Lapègue, 1999 a) ont permis de mesurer l’érosion

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 6 ( 4 ) 29ÉROSION DU SOL / LE POINT SUR…

Jean-Baptiste Feret1

Jean-Michel Sarrailh2

1 Ensam 2, place Pierre-Viala34000 MontpellierFrance2 Cirad7, chemin de l’Irat97410 Saint-PierreLa RéunionFrance

Utilisation d’un appareil de mesure simple, et précis,

pour l’étude de l’érosion à Mayotte

Apports de terre, vers la mangrove. Photo J.-M. Sarrailh.

Il est essentiel de pouvoir quantifier l’érosion d’origine naturelle ou humaine qui provoquel’envasement du lagon de l’île de Mayotte par des apports de terre provenant des bassins-versants. Les mesures préciseseffectuées à l’aide de l’appareil mis au point par des chercheurs du Cirad contribuent à une meilleure connaissance duphénomène et de son évolution, ce qui permettra de proposer des aménagements anti-érosifs et des pratiques culturalestelles qu’une couverture du sol permanente.

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RÉSUMÉ

UTILISATION D’UN APPAREIL DEMESURE SIMPLE, ET PRÉCIS, POURL’ÉTUDE DE L’ÉROSION À MAYOTTE

Le lagon de Mayotte est soumis à unfort envasement provoqué par l’éro-sion intense qui s’exerce sur les bas-sins-versants. Les sols nus dénom-més localement padzas et les ter-rains en forte pente, cultivés enmanioc, en sont principalement lacause. Un appareil de terrain a étéélaboré pour mesurer l’érosion dansces conditions, qui offre l’avantaged’être très bon marché, simple à utili-ser et facilement transportable quelleque soit la configuration du terrain.On a pu tester l’appareil, pour lesmois les plus arrosés de la saisondes pluies 2003-2004, et évaluerl’érosion sur ces terrains. Pour faireune estimation de l’érosion àl’échelle de bassins-versants, àl’amont des mangroves, on a utiliséle modèle de l’érosion Usle (Univer-sal Soil Loss Equation), en fournis-sant à ce modèle les données néces-saires sur la pluviométrie, les sols,les couvertures végétales (photosaériennes), les pentes et les donnéesainsi obtenues concernant les condi-tions extrêmes qui occasionnent l’es-sentiel des départs de terre. Ces don-nées permettent de tenter d’extrapo-ler l’érosion à l’échelle de bassins-versants modèles, dont on a pusuivre l’évolution des couverturesvégétales sur une cinquantaine d’an-nées. On constate que, malgré unediminution forte des surfaces occu-pées par la forêt primaire, l’érosion àl’échelle du bassin-versant n’aug-mente pas de façon inquiétante.

Mots-clés : érosion, mangrove, cou-verture végétale, conservation dusol, Mayotte.

ABSTRACT

USING A SIMPLE, ACCURATEMEASURING APPARATUS TO STUDYEROSION IN MAYOTTE

Mayotte’s lagoon is subject to severesiltation as a result of intensive ero-sion of the island’s catchmentbasins. The main sources are thebare soil areas known locally aspadzas and cassava cultivation onsteep slopes. A device for use on sitehas been developed to measure ero-sion under these conditions. Thedevice is cheap, simple to use andeasy to carry over every kind of ter-rain. The apparatus was tested duringthe rainiest months of the 2003-2004 rainy season in order to assesserosion in the chosen terrain. To esti-mate erosion on the scale of thecatchment basin, above the man-grove swamps, we used the USLE(Universal Soil Loss Equation) ero-sion model, supplying it with the nec-essary data on rainfall, soils, plantcover (aerial photographs) andslopes, and the resulting data con-cerning extreme conditions thatcause most of the soil stripping. Withthese data, we attempted to extrapo-late erosion to the scale of the mod-elled catchment basins, monitoringtheir plant cover over about fiftyyears. This showed that despite aconsiderable reduction in the areascovered by old-growth forest, erosionon the scale of the entire catchmentbasin did not increase in proportionsof serious concern.

Keywords: erosion, mangrove, plantcover, soil conservation, Mayotte.

RESUMEN

UTILIZACIÓN DE UN APARATO DE MEDICIÓN SIMPLE Y PRECISOPARA EL ESTUDIO DE LA EROSIÓN EN MAYOTTE

La laguna de Mayotte padece unimportante aterramiento producidopor la intensa erosión que se ejerceen las cuencas de drenaje. Los sue-los desnudos denominados local-mente padzas y las tierras de fuertependiente, cultivadas con mandioca,son las causas principales. Se ela-boró un instrumento de campo paramedir la erosión en estas condicio-nes. Presenta la ventaja de ser muybarato, fácil de usar y transportar encualquier tipo de terreno. Se pudoprobar el aparato, en los meses conmás precipitaciones de la temporadade lluvias 2003-2004, y evaluar laerosión sobre estas tierras. Parahacer una estimación de la erosión aescala de las cuencas de drenaje,aguas arriba de los manglares, se uti-lizó el modelo de erosión USLE (Uni-versal Soil Loss Equation), alimen-tando este modelo con los datosnecesarios de pluviometría, suelos,coberturas vegetales (fotos aéreas),pendientes y los datos obtenidosrelativos a las condiciones extremasque originan la mayor parte de laspérdidas de tierra. Estos datos permi-ten intentar extrapolar la erosión aescala de cuencas de drenajemodelo, en las que se ha podidoseguir la evolución de las coberturasvegetales durante unos cincuentaaños. Se constata que, a pesar deuna fuerte disminución de las áreasocupadas por el bosque primario, laerosión a escala de la cuenca de dre-naje no aumenta de manera preocu-pante.

Palabras clave: erosión, manglar,cobertura vegetal, conservación delsuelo, Mayotte.

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Jean-Baptiste Feret, Jean-Michel Sarrailh

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Contrôle de l’érosion :

les enjeux

L’île de Mayotte se situe dansl’archipel des Comores, dans l’océanIndien. Elle est entourée d’un vastelagon, d’une superficie d’environ1 500 km2.

Les phénomènes d’érosion,qu’ils soient naturels ou causés parl’activité humaine, contribuent à l’en-vasement du lagon et doivent doncêtre contrôlés. En particulier les pad-zas (des zones d’érosion intense,généralement localisées sur lescrêtes), qui sont des terrains nonexploités du fait de leur pauvreté et deleur instabilité. De même, la mise enculture de terres en forte pente, asso-ciées à des cultures peu couvrantes(manioc), s’avère fortement érosive.

Il existe des filtres naturels à cesapports dans le lagon, le principalétant la mangrove, mais celle-ci estmenacée dans le schéma de déve-loppement de Mayotte, et sa capacitéde filtration est limitée. Il est doncessentiel de pouvoir quantifier cesapports terrigènes de différentes ori-gines, afin de proposer des argu-ments pertinents au contrôle de ladynamique des mangroves, et d’éva-luer les risques liés à cette érosionpour l’environnement mahorais.

Dans le cadre de l’Ifrecor(Initiative française pour les récifscoralliens), le Cirad a été sollicité parle Service environnement forêt de laDirection de l’agriculture et de laforêt (Daf-Sef) pour évaluer l’évolu-tion des apports de terre vers lesmangroves, en association avec lebureau d’études mahorais Espaces.

Méthoded’évaluation

La méthode développée pourévaluer les apports de terre vers lesmangroves consiste à utiliser unmodèle d’érosion que l’on va appli-quer à des bassins-versants dominantdes mangroves. Cela a pu être réalisé,dans le cadre d’une première étude,sur sept bassins-versants qui repré-sentent environ un tiers de la superfi-cie totale de l’île (Holley, 2003). Pourutiliser le modèle de Wischmeier(Roose, Sarrailh, 1990), l’études’est fondée sur les cartes pluviomé-triques et du sol, la topographie(modèle numérique de terrain) et desphotos aériennes, pour suivre l’évolu-tion des couvertures végétales sur unecinquantaine d’années (Holley,2003). Des études précédentes(Lapègue, 1999 a) ont permis demesurer l’érosion au moyen de par-celles d’érosion pour des pentes infé-rieures à 20 %, et on a pu vérifier lavalidité des résultats obtenus par lemodèle (à l’échelle de la parcelle). Cemodèle est cependant mal adapté auxpadzas et aux cultures sur fortespentes, qui sont pourtant les deuxcompartiments qui contribuent le plusau bilan de l’érosion. Une premièreapproche de l’érosion sur padza a étéréalisée par relevés topographiques(Lapègue, 1999 a). Il est apparunécessaire de préciser les bases d’uneévaluation plus pertinente desdéparts terrigènes au niveau de ceszones de sol nu, fortement érosives.

Pour les padzas

Le padza désigne une zonedépourvue de végétation ou couverted’une végétation herbacée. Les pad-zas sont localisés sur les crêtes.

Ces padzas sont le siège d’uneforte érosion généralisée qui affecteles matériaux tendres. Ils sont laconséquence d’une érosion natu-relle, parfois accélérée par l’homme.Ce paysage n’est pas spécifique àMayotte mais y présente certainescaractéristiques.

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Les apports terrigènes du bassin-versant vers le lagon, à Mayotte. Photo J.-M. Sarrailh.

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On retiendra qu’à l’exceptiondes roches récentes et des reliefstoutes les roches ont été altérées etforment aujourd’hui une épaissecouche d’altérites. En surface, le sola subi des mouvements de masse,laissant l’horizon altéritique à nuaprès le décapage de l’horizon B.

L’une des propriétés impor-tantes est la capacité d’infiltrationquasi nulle, qui entraîne lors despluies un ruissellement important setraduisant par des ravinements pro-fonds. La faible réserve hydrique, lacompacité et la faible porosité du solempêchent l’enracinement profondet l’installation d’une végétation

ligneuse susceptible de ralentir oude s’opposer à ce processus rapidede décapage. Il peut cependant yavoir des phases provisoires deralentissement du processus qui per-mettent l’installation d’une végéta-tion semi-couvrante.

Ainsi 15 % des padzas de 1991ont-ils été recolonisés par une végéta-tion dense, et 50 % repris par des cul-tures peu couvrantes. Par télédétec-tion, on peut suivre l’évolution dessurfaces : les padzas couvraient unesurface estimée à environ 2 000 haen 1977 (Latrille, 1981), 2 600 haen 1992 (Raunet, 1992) et 2 380 haen 1997 par la Daf-Sef. Il faut noter,

cependant, que des efforts constantssont faits pour la réhabilitation despadzas (Izard et al., 1998), commeles plantations d’Acacia mangium(300 ha depuis 1996), ainsi que lestechniques de génie civil, pneus, sacsde terre, par la Daf-Sef.

Sur ce type de terrain, le choixdes sites d’étude a été guidé par uncertain nombre de caractéristiques :la pluie, la nature des sols, l’apparte-nance à l’un des sept bassins-ver-sants retenus dans l’étude de Holleyet l’accessibilité en saison despluies. Suite à plusieurs prospec-tions, deux sites ont été retenus :Dapani dans le sud et Mtsangamoujidans le nord (figure 1).

Le padza de Dapani est inclusdans une zone appartenant à la Daf-Sef, qui y réalise des travaux de réha-bilitation avec A. mangium. Il estéquipé de dispositifs anti-érosion(pneus et sacs pour couper la pente).

Le padza de Mtsangamouji sesitue sur des terrains inoccupés appar-tenant à la collectivité, dans une zonerelativement étendue et diversifiée.

Pour les champs de manioc

En raison de la pression démo-graphique et alimentaire, les terres cul-tivées de Mayotte sont de moins enmoins mises en jachère et gagnent tou-jours plus sur les terrains en pente.Cette tendance associée aux pratiquesagricoles peu regardantes sur laconservation du sol (brûlis, peu ou pasd’apports sous forme de matière azo-tée organique, pas de dispositifs anti-érosion) et aux espèces cultivées (descultures sur pente, peu couvrantes, dumoins pendant une période critique del’année, comme le manioc planté endébut de saison humide) fait que l’éro-sion s’intensifie au sein des parcellescultivées, emportant la couche fertilesuperficielle, rendant les terres nouvel-lement mises à la production très rapi-dement inutilisables et les livrant à uneérosion d’autant plus intense.

Le site d’étude choisi est loca-lisé dans le nord de l’île à Ouangani,chez un agriculteur.

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Figure 1. Carte morpho-pédologique de Mayotte (d’après M. Raunet, 1992) et localisationdes sites de l’étude.

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Matér iel et méthodes

L’idée initiale du projet étaitd’effectuer, à l’aide d’un appareilrelativement simple, des mesuresprécises (de l’ordre du millimètre) surdes terrains nus. Étant délibérémentécartée l’idée de dispositifs lourdsdu type parcelle d’érosion. Dans lecahier des charges, il était prévu quele matériel soit suffisamment légerpour pouvoir être transporté sur despentes très fortes, loin des cheminsd’accès, et que les mesures puissentêtre réalisées sous la pluie, sansdommage pour l’appareil. De plus, levéhicule disponible étant un deux-roues, nous avons été amenés par lasuite à rendre l’appareil encore pluscompact. La conception en a été étu-diée en commun par le Cirad Mayotte(Patrice Autfray) et le Cirad Réunion(Éric Rivière et Jean-Michel Sarrailh).

Un appareil a été mis au point,l’érodimètre différentiel à aiguilles(Eda), constitué d’une règle demaçon en aluminium de 2 m de long,sertie de 10 tubes espacés de 20 cm,

chacun supportant une aiguille amo-vible en aluminium de 50 cm à 1 mde long et de 6 mm de diamètre. Lechoix des matériaux a permis d’obte-nir un appareil léger (moins de 4 kg),facile à transporter sur le terrain etsuffisamment rigide quand il est ins-tallé sur champ (figure 2). Il est envi-sageable d’installer un système decharnières au milieu du dispositifpour réduire l’encombrement.

Le but de ce dispositif est d’ob-tenir un profil du sol à intervallesréguliers (les mesures peuvent êtreprises après chaque épisode plu-vieux intense ou arbitrairementtoutes les deux semaines) avec laplus grande précision possible (del’ordre du millimètre). Pour cela, il estnécessaire, après avoir déterminé lesdifférentes typologies dont on éva-luera l’érosion, de placer sur ces sitesdes fers à béton qui soient suffisam-ment bien enfoncés dans le sol pourêtre considérés comme fixes duranttoute la période de collecte des don-nées (une saison humide).

L’Eda doit être systématique-ment utilisé selon la même méthode :

▪ Fixation des fers à béton profondé-ment dans le sol, espacés d’environ1,90 m, dépassant du sol de 20 à50 cm (un niveau plus élevé est envi-sageable pour les sols très acciden-tés ou les buttes de manioc parfoissupérieures à 50 cm). Les brochesdes fers devront être orientées vers lebas de la pente.▪ Mise à niveau de la règle par ajuste-ment plus fin des fers à béton.

Ces deux opérations sont effec-tuées lors de la première étape d’ins-tallation du dispositif. Il est aussinécessaire, au préalable, de marquerles aiguilles pour repérer une partiehaute et une partie en contact avec lesol. L’idéal serait de marquer lesaiguilles de façon à utiliser systéma-tiquement la même aiguille dans lemême tube, pour s’affranchir desimprécisions dues aux imperfectionspropres à chaque aiguille.

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Figure 2. Schéma explicatif de l’érodimètre différentiel à aiguilles.

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Une fois les fers de support pla-cés et les aiguilles marquées, il resteà prendre les mesures :

▪ orienter la règle avec aiguilles versle bas de la pente ;▪ veiller à ne jamais marcher sur leterrain en amont du dispositif pourne pas influer sur le phénomènemesuré, et se placer donc toujours enbas de l’appareil pour effectuer lesmesures ;▪ caler la règle selon le repère exté-rieur gauche (en ayant les tubes faceà soi) ;▪ mettre en place les aiguilles dansles tubes, en les faisant descendreminutieusement au niveau du soljusqu’à contact, sans enfoncement,et serrer avec la vis papillon ;▪ une fois toutes les aiguilles placées,retirer l’Eda de son support et mesu-rer la longueur de chaque partie d’ai-guille dépassant du tube ;

▪ placer la règle en la calant sur lerepère intérieur gauche et recommen-cer une série de mesures.

(On pourrait envisager, commeamélioration et pour gagner du tempspar la suite, de graduer les aiguilles.)

Les mesures à l’Eda fournissentdes séries de données chiffrées etgraphiques permettant d’apprécier,entre chaque mesure, les variationsde hauteur de terre sur chaque tran-sect. À partir de la méthode dévelop-pée, on a pu obtenir :

▪ 200 points de mesure (10 transects)sur le padza de Mtsangamouji ;▪ 180 points (9 transects, si on comptele site sur lequel les sacs anti-érosionont versé) sur le padza de Dapani ;▪ 140 points (initialement 160 points,mais l’un des huit transects a étédégradé) sur les champs de maniocde Ouangani.

Résultats

Mesures de répétit ivité

Pour s’assurer que l’Eda offre laprécision souhaitée pour les mesu-res, il a été nécessaire de procéder àdes mesures de répétitivité.

Après avoir coupé la règle endeux et l’avoir rigidifiée par desplaques, les mesures de répétitivitéont été effectuées sur le site du Ciradde Dembeni. Pour s’assurer de la fia-bilité des mesures elles-mêmes,d’une part, et de la fiabilité du sys-tème de fixation par plaques facili-tant le transport, d’autre part, deuxtypes de mesures ont été effectués.

Dans un premier temps, aprèsavoir planté des piquets dans le sol,selon le même protocole que sur leterrain, cinq séries de mesures ontété effectuées sans démonter larègle, comme expliqué ci-après : larègle est calée de façon à prendre lesmesures tous les 20 cm de 10 à190 cm sur le profil, le calage s’effec-tue donc sur l’équerre la plus àgauche sur la règle. Après avoir minu-tieusement baissé et bloqué lesaiguilles, la règle est décrochée deses supports, puis les mesures sonteffectuées sur les aiguilles en pre-nant pour repère le bout de l’aiguilled’un côté et la section du tube gui-dant l’aiguille de l’autre. Puis lesaiguilles sont dévissées et la règleest recalée cette fois pour obtenir dixmesures à intervalle régulier de 20 à200 cm (repère : deuxième équerredu bord gauche). On procède demême pour mesurer les aiguilles. Lamanipulation est donc recommencéecinq fois. Cela permet de s’assurerd’abord que la règle en elle-mêmeest fiable (précision des aiguilles,facilité de mesure), mais aussi que ledécalage de la règle pour obtenir ladeuxième série de mesures ne créepas d’incertitudes.

L’écart-type est situé entre 0,44et 2,3 (figure 3), avec en moyennesur les 20 points de mesure un écart-type de 1,007, ce qui permet de vali-der la précision initiale de la règleavant qu’elle soit adaptée pour être

Figure 3. Moyenne et écart-type des mesures de répétitivité avec l’érodimètre différentielà aiguilles sur cinq séries sans démontage.

Les apports terrigènes du bassin-versant vers le lagon, à Mayotte. Photo J.-M. Sarrailh.

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plus facilement transportable. Eneffet, la précision avancée pour letype de mesures est de l’ordre dequelques millimètres, et cette préci-sion est donc validée

Dans un second temps, unenouvelle série de cinq mesures estprise, mais cette fois en démontantet remontant la règle à chaque fois.Cela permet de vérifier si, une foisremontée et ajustée (il y a un légerjeu lorsque les vis ne sont pas bienserrées, que l’on peut éviter en ser-rant bien les vis lorsque la règle estbien droite, ce qui est facile à appré-cier après deux ou trois démontages-remontages), la règle permet d’obte-nir les mêmes. Lors de cette séried’essais, qui comporte dix pointsconstants au lieu de 20 (la fiabilitédu décalage de la règle ayant étédémontrée par les mesures précé-dentes), on a pu observer un écart-type n’excédant pas 0,67, pour unemoyenne constatée inférieure à 1(0,714 exactement). L’adaptation del’Eda pour une utilisation plus facileen le sciant et en l’équipant du sys-tème de fixation actuel est doncfiable (figure 4).

La précision peut donc être esti-mée à 10 m3/ha, ce qui est insuffi-sant pour des mesures d’érosionsous forêt ou cultures couvrantes,mais bien adapté aux érosionsdépassant les 50 m3/ha.

Résultats obtenus avec l’Eda

De manière générale, l’Eda a sudonner des résultats convaincants,les profils obtenus mettant générale-ment bien en évidence les épisodesd’érosion intense mais aussi defaibles fluctuations lors des épisodesplus secs. Il est ainsi possible de cal-culer des moyennes de départ, dedépôt et de mouvement général.

Si la mise en place du dispositifn’a permis de commencer les mesuresqu’en novembre à Mtsangamouji eten décembre sur les deux autres sites,il est à noter que les pluies les plusérosives ont bien été prises en comptelors de l’expérimentation.

Résultats sur padzas

Chacun des 19 transects de pad-zas a été étudié en le replaçant dansson contexte (orientation, situationsur la pente, ravine, atterrissement),une moyenne a été calculée à partirdes 20 points de mesure, de façon àévaluer une tendance générale dedépart ou de dépôt. (Notons que lespentes des padzas atteignent 40 à60 %.) On peut ainsi observer la diffé-rence nette de profil des transects aucours des mesures (figure 5).

Il est aussi possible d’utiliser lamoyenne établie pour chaque tran-sect, ce qui donne une tendance plusglobale et permet d’éliminer les arté-facts indésirables (figure 6).

Ces deux graphes montrentl’évolution par rapport au profil ini-tial, et on observe nettement que, surle graphe associé à Mtsangamouji,une baisse dans la hauteur de terre aeu lieu à la fin du mois de janvier,lors du passage du premier cycloneElita à proximité de Mayotte. Legraphe associé à Dapani montre, lui,une réponse beaucoup plus marquéeau deuxième cyclone Gafilo. On endéduit une variabilité dans laréponse par l’érosion face aux épi-sodes pluvieux intenses.

Les données quantitatives surpadzas sont indiquées dans letableau I. Le site de Mtsangamouji a

globalement vu sa surface décapéede près de 18 mm, soit 180 m3/ha.Les résultats concernant les diffé-rentes situations sont les suivants :le versant nord (au vent) a perdu prèsde 20 mm, soit 200 m3/ha ; le ver-sant sud a été érodé d’un peu plus de9 mm (90 m3/ha).

Une réelle différence peut doncêtre observée quant à la sensibilitédes différentes expositions à l’éro-sion. Cependant, sont prises encompte dans ce total les zones parti-culières comme les atterrissements.

Le calcul des seules pentes dedéclivité et de situation (excepté leurexposition) comparables donne lesrésultats suivants :

▪ Les pentes orientées au nord ontsubi une érosion moyenne de17,45 mm. Les pentes nues ontperdu 26,4 mm d’épaisseur, soitenviron 264 m3/ha. La pente souscouvert peu dense de graminées aelle perdu autour de 65 m3/ha.▪ Les pentes (nues) orientées au sudsemblent avoir été érodées d’unevaleur nette de moins de 100 m3/ha(il faut cependant noter que, au coursde la saison de mesures, près de170 m3/ha semblent s’être dépla-cés). La valeur finale (plus faible)observée semble mettre en évidenceune redéposition de terre sur la penteau niveau des transects.

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Figure 4. Moyenne et écart-type des mesures de répétitivité avec l’érodimètre différentielà aiguilles sur cinq séries avec démontage.

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▪ Une zone particulièrement remar-quable pour les valeurs d’érosion etla dynamique au cours de la saisonest la zone d’atterrissement princi-pale du versant nord, qui débouchesur la ravine. En effet, celle-ci a subiune érosion fortement supérieureaux autres zones, et les fluctuations

au cours des mesures sont trèsfortes. Le total d’érosion avancé estdonc le total net faisant état du chan-gement de profil entre le début et lafin des mesures, et les quantitéstransitant ne sont pas prises encompte. Mais on peut supposer queces quantités intermédiaires sont

celles mesurées sur les pentes enamont. Le total net s’élève ainsi àprès de 520 m3/ha. Ce résultat est àrelativiser étant donné la position dutransect de mesure chevauchant lazone de ruissellement sur l’atterris-sement.

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FOCUS / SOIL EROSION

Figure 5. Évolution des transects par rapport au profil initial à M’tsangamouji.

Tableau I. Résultats sur padzas.

Moyenne des Moyenne versant Moyenne versant Pentes nordmesures (m3/ha) nord (m3/ha) sud (m3/ha) (m3/ha)

Pentes nues Couverture graminéesPadza de M’tsangamouji – 180 – 200 – 90 264 – 65

Pentes nues Pentes stabiliséesPadza de Daphani – 250 – 335 – 180 610 – 285

Pentes sud (m3/ha) Atterrissement (m3/ha) Ravines (m3/ha)

Nord SudPadza de M’tsangamouji – 100 – 520/– 113 – 180 – 85

Pentes nues Pentes stabilisées Nord Sud SudPadza de Daphani 330 40 – 143 220 – 290

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Les résultats nets sur le padzade Dapani montrent un départ de250 m3/ha. Une nette différences’observe entre les zones exposéesau nord et au sud en réponse auxcontraintes pluviométriques pendantla période d’étude : le versant orientéau nord a perdu 335 m3/ha, le ver-sant orienté au sud 180 m3/ha.

Un des intérêts du padza deDapani tient aux dispositifs anti-éro-sion, qui se sont révélés assez effi-caces cette saison. Comme précé-demment, il est possible de comparerla situation avec et sans systèmeanti-érosion : sur une pente orientéeau nord avec ou sans barrage enpneus (situé dans un encaissementsusceptible d’évoluer en ravine), undépart net équivalent à 285 m3/ha aété mesuré lorsque les pneus cas-sent le ruissellement, et plus de610 m3/ha sur pente nue, avec l’ap-parition d’un ravinement intense.

Remarque : ces résultats expri-més en mètres cubes par hectarepeuvent être ramenés en tonnes par

hectare, à l’aide des mesures de den-sité apparente (da) effectuées sur lesterrains (érosion en t/ha = érosion enm3/ha x da). Nous prendrons lesvaleurs moyennes de densité appa-rente de 0,9 sur les pentes et de 1 surles zones d’atterrissement.

Le versant orienté au sudsemble nettement moins affecté parles départs en terre que le versantnord, soit simplement à cause de sonorientation qui le préserve de l’agres-sivité des pluies, soit pour des rai-sons morphopédologiques, ces ver-sants étant plus anciens (Lapègue,1999 a).

La majorité de l’érosion est pro-voquée par les évènements météoro-logiques « exceptionnels », et laréponse des différents padzas estloin d’être homogène. On aurait eneffet pu penser que le padza deMtsangamouji serait plus touché parl’érosion du fait de la pluviosité théo-riquement plus importante en saisondes pluies ; cela ne s’est pas vérifié.

Les zones d’atterrissementreprésentent des zones à étudier àpart, leur réponse étant très variable.Leur dynamique est conditionnée parles chemins qui leur sont offerts pré-férentiellement comme issue.

Enfin, il est important de noterl’efficacité des dispositifs anti-érosion.De même, une couverture de grami-nées (préférable aux fougères quiempêchent les autres espèces de sedévelopper) semble réellement effi-cace. Le reboisement, par Acacia man-gium ou des espèces indigènes tellesque le natte (Mimusops comorensis)ou le takamaka (Calophyllum inophyl-lum), a permis de reconquérir d’impor-tantes zones de padzas, comme dansles hauts de Sada, ou au niveau du car-refour Bandrélé/Chirongui/Moutsa-moudou. Quelques takamakas depetite taille sont présents dans la zone.Il a aussi été observé que les apportsterrigènes (du moins la fraction gros-sière) provenant du padza voisin sonttrès rapidement bloqués et recouvertspar les feuilles jonchant le sol.

Figure 6. Évolution des transects par rapport au profil initial à Dapani.

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L’utilisation de systèmes anti-érosion, comme des pneus ou dessacs, semble efficace dans la mesureoù ils sont régulièrement entretenus.En effet, le padza de Dapani a étérécemment (début de la saison despluies 2003/2004) équipé de cessystèmes. Outre leur effet sur lesfortes pentes, on peut facilementnoter que tous les barrages installéssur faible pente ont rempli leur rôled’initiateurs d’atterrissement. Ainsi,pratiquement tous les barrages enpneus ont été comblés pendant cettesaison des pluies.

Résultats sur manioc

Deux champs de manioc ont étééquipés de transects de mesure, envue d’effectuer une comparaisonentre un champ en faible pente et unchamp en forte pente.

Cependant, il est délicat deconclure à une tendance associée à lapente, car il n’a pas été possible de trou-ver deux parcelles similaires dans lapratique culturale. Ainsi, le champ enfaible pente a été travaillé en billonsdans le sens de la pente, alors que lechamp en forte pente a été travaillé parbuttage en quinconce. (Les plantsétaient déjà bouturés au début de l’ex-périmentation et les billons déjà réali-sés.) Le résultat de mesure de l’érosionà l’érodimètre est beaucoup plus élevésur un champ de manioc en faible pente(de 10 à 15 %) avec une pratique cultu-rale à risque (95 m3/ha) que sur unchamp avec une pente très importante(de 30 à 40 %), sans cette même pra-tique (25 m3/ha). On peut donc conclurequant à l’importance prépondérante àcourt terme de la manière de travailler laterre comparée à la pente même trèsforte, face aux risques d’érosion.

Extrapolationdes résultats

Malgré l’aspect très critiquabled’une telle démarche, plusieurs tenta-tives d’extrapolation de l’érosion àl’échelle de l’île ont été réalisées. Lesétudes sont fondées sur les cartes plu-viométriques et du sol, la topographie(modèle numérique de terrain) et desphotos aériennes, pour suivre l’évolu-tion des couvertures végétales sur unecinquantaine d’années (Holley,2003), en recourant au modèle deWischmeier. Si Lapègue trouve ainsi lavaleur de 293 600 t/an pour l’en-semble de l’île (Lapègue , 1999 b),Holley estime à 291 200 t/an lesdéparts de terre pour les sept bassinsétudiés (29 % de la superficie de l’île),soit pratiquement trois fois plus. Cesrésultats sont forcément très approxi-matifs mais ils permettent de se faireune idée de l’ampleur du phénomène.

Pour extrapoler les mesuresenregistrées avec l’Eda à l’échelledes bassins-versants modèles utili-sés par Holley, nous avons retenu lesvaleurs suivantes (en rappelant queles valeurs obtenues n’ont été obser-vées que sur la partie la plus érosivede la saison des pluies) :

▪ zones sous influence de dispositifsanti-érosion, 150 t/ha (3 % des pad-zas) ;▪ zones de pente inférieure à 10 %,0 t/ha (7 % des padzas) ;▪ zones de pente comprise entre 10 et20 %, 150 t/ha (30 % des padzas) ;▪ zones de pente supérieure à 20 %,250 t/ha (60 % des padzas).

Ces valeurs d’érosion semblentindiquer que les valeurs de Holleysont en grande partie exagérées ence qui concerne les padzas. Pour lescultures de manioc, il est impossiblede tenir compte des façons culturalespar photo-interprétation. Les valeursutilisées par Holley ne semblent pasen contradiction avec celles obser-vées avec l’Eda et peuvent donc êtregardées. En reprenant les calculs deHolley, avec ces nouvelles valeurs sur

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Mesures du profil de sol sur une pente (padza de Dapani). Photo J.-M. Sarrailh.

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padzas, on peut donc établir de nou-velles évaluations par bassin-versantmodèle (tableau II).

De telles valeurs permettentd’obtenir un volume d’érosion super-ficielle des bassins-versants étudiésde l’ordre de 190 000 t/ha, soit unediminution de 30 % par rapport auxvaleurs avancées par Holley, et untotal pour l’île de l’ordre de 550 à600 000t/ha.

La méthode permet d’étudierl’évolution de l’érosion en utilisantdifférentes couvertures aériennes etpeut être évaluée sur cinq des septbassins-versants modèles de 1949 à1999 (figure 7). Malgré une diminu-tion forte des surfaces en forêt pri-maire, l’érosion à l’échelle du bassin-versant n’augmente pas de manièreinquiétante. Elle diminue même for-tement dans le dernier intervalle àTsingoni. En effet, la forêt est rempla-cée essentiellement par une couver-ture végétale de type agroforestierqui n’occasionne pas de départs deterre importants, tandis que la réha-bilitation des padzas permet de dimi-nuer les surfaces en sols nus.

Discussion

La pérennité du lagon et desmangroves nécessite une meilleureconnaissance des milieux qui influentsur eux, qu’ils soient naturels ouanthropiques. La présente étude, quis’ajoute à celles réalisées parLapègue en 1999 et Holley en 2003,ne peut certainement pas apportertoutes les réponses à un aussi vasteproblème, mais fournit des valeursd’érosion par mesure directe desti-nées à affiner les modèles de calculd’érosion déjà appliqués sur l’île.

On a pu montrer l’intérêt de l’Edapour des mesures de départs de terreen milieu fortement érosif, quand onne dispose pas de moyens financiersimportants. Sa très grande facilitéd’utilisation autorise un nombre élevéde répétitions, et la comparaison desituations variées permet d’obtenirfinalement des résultats représenta-tifs malgré sa relative imprécision.

S’il n’existe pas de donnéesd’érosion en parcelles pour les pad-zas, la comparaison est, en revanche,possible pour la culture sous manioc ;la valeur annuelle de 105 t/ha obser-vée sur parcelle d’érosion en couver-ture de manioc sarclée pour une pentede 20 % (Lapègue, 1999 b) s’ap-proche des 95 t/ha observés sur laparcelle manioc « à risque ».

Il apparaît que, même si unegénéralisation des résultats obtenuss’avère très délicate, une estimationreposant sur les données recueillies

semble cohérente avec les étudesprécédentes ; le modèle proposé pré-cédemment (Holley, 2003), ne pou-vant utiliser les valeurs obtenues parl’Eda, surévaluait le bilan des bas-sins-versants. L’évaluation de l’éro-sion globale se retrouve donc à unniveau de 200 000 tonnes pour lessept bassins-versants couvrant letiers de l’île (contre 300 000 tonnesinitialement avancées), soit de l’ordrede 600 000 tonnes pour l’ensemblede l’île.

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Figure 7. Évolution de l’érosion sur cinq bassins-versants modèles.

Tableau II. Érosion évaluée grâce à l’érodimètre différentiel à aiguilles (Eda), calculée par bassin-versant modèle.

Bassin-versant Érosion par Eda Érosion par Eda Érosion par Eda (t/an) (t/ha de bassin-versant) (t/ha de mangrove)

Badamiers 1 600 2,9

Dapani 10 041 9,6 1 115

Dzoumonye 105 600 26,4 960

Hajangua 15 255 13 1 113

Mahabou 20 0,3 2,9

Soulou 23 698 16,4 2 393

Tsingoni 35 986 14,5 1 457

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L’aménagement des padzasdevrait permettre d’endiguer la partla plus active de ce phénomène, tan-dis que la transformation progressivede l’agriculture par des pratiquesplus durables (couverture du sol per-manente) doit participer à cet effort.

Même si la relation entre l’évo-lution des mangroves et l’érosion desbassins-versants semble difficile àétablir, on peut constater une relativestabilité des deux phénomènes.

D’autres sources d’apports terri-gènes vers le lagon doivent être ajou-tées à ces valeurs. Dans cette étude,il n’a pas été possible de tenircompte de l’érosion urbaine, qui estloin d’être négligeable. D’autres élé-ments pouvant contribuer à l’envase-ment, comme les dépôts de terre lelong des routes, ont pu être estimés à15 000 m3 par an. On ne peut pasnon plus tenir compte des éboule-ments, de l’érosion des bords deberge et des chemins ou autres phé-nomènes non modélisables.

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Mesures avec l’érodimètre différentiel à aiguilles sur une crête (padza de Mtangamouji). Photo J.-M. Sarrailh.

Dispositif de contrôle de l’érosionsur le padza de Dapani. Photo J.-M. Sarrailh.